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L’aspect physique de M. JourdainQue savons-nous des traits de M. Jourdain au travers du Bourgeois Gentilhomme ?

Curieusement rien.Nous ne pouvons que l’imaginer. Sans doute a-t-il de l’embonpoint ; il a rompu les mailles de ses
baset ses nouvelles chaussures le blessent. La tradition théâtrale l’a volontiers représenté comme un "grosbouffon", un
"dindon superbe". La rondeur convient bien à l’homme fortuné, au bourgeois enrichi, aubalourd gesticulant.Son âge ? Il
a sans doute dépassé la cinquantaine. Lucile, sa fille, est en passe de se marier. Maissurtout son épouse lui fera plusieurs
fois cruellement remarquer que de telles "folies" ne conviennentpas à son âge respectable. Molière a justement choisi un
homme mûr, au faîte de sa réussite sociale. Àl’heure où d’autres veulent cultiver la sagesse, M. Jourdain succombe à ses
"lubies". Ce père defamille aux portes de la vieillesse soupire après une jeune marquise, l’homme d’affaires enrichi
s’estentiché de noblesse. M. Jourdain nous apparaît, tout au long de la pièce, maladroit, déguisé. Ses nouveaux
vêtementsmanquent de goût. Ce bourgeois sans arrêt se dandine : une danse aussi exquise que le menuet devientle
balancement d’un plantigrade lorsqu’elle est exécutée par notre homme ; la leçon d’escrime révèle àl’envi sa raideur.
Ainsi M. Jourdain déclenche le rire inextinguible de Nicole et les moqueries de son entourage par le manque de
discrétion et de goût de sa personne, II est emprunté, c’est un mauvais acteur.

S i l’on veut aller plus avant, on peut affirmer que M. Jourdain confond l’être et le paraître, l’essence etles apparences.
En d’autres termes il pense inconsciemment que l’habit fait le moine. Justement il n’apas compris que la noblesse ne
consiste pas dans un déguisement, mais dans l’élégance naturelle desgestes, de l’attitude et du propos : en un mot, c’est
être "honnête homme". Un titre ne s’achète pas, ilse mérite. L’un des effets comiques les plus constants réside dans ce
perpétuel décalage entre ce queM. Jourdain veut paraître et ce qu’il est. Ses propos vont à l’unisson : ils révèlent son
ignorance, sonétroitesse d’esprit, et cependant ses prétentions. Le maître de musique n’hésite pas à affirmer : "C’estun
homme, à la vérité, dont les lumières sont petites, qui parle à tort et à travers, et n’applaudit qu’àcontresens…" Son
langage est riche en impropriétés, en approximations, quand il n’apparaît pasampoulé et pâteux comme dans l’étonnant
compliment à l’adresse de Dorimène. Si le langage, c’estl’homme, alors M. Jourdain n’est qu’un simulacre de culture et
de politesse, malgré une apparenteboulimie de savoir qui serait tout à son honneur si elle était quelque peu disciplinée.
De plus ce savoir nouveau est mal assimilé et M. Jourdain se trouve pris en défaut par le fleuret de sa servante,
cetteNicole à qui il prétendait donner une leçon.

Le lecteur ou le spectateur comprend aisément que M. Jourdain n’inspire pas le respect. Ses façons"donnent à rire à tout
le monde". Épouse et surtout servante se gaussent à plaisir de cet épouvantail, dece "carême prenant". Ses maîtres
(professeurs) ne voient en lui qu’une bourse, son tailleur le dupe etDorante le manipule peu scrupuleusement en le
flattant avec adresse. Chacun profite de ces "visionsde noblesse et de galanterie qu’il est allé se mettre en tête".Nous
voilà mieux installés au cœur du personnage. Au nom de ses prétentions, M. Jourdain se conduiten être sottement
vaniteux : il quémande l’admiration tant il est vrai qu’il n’existe que par le regardd’autrui, il se pavane auprès de gens
qui ne sont pas forcément qualifiés pour porter un jugement de goût. Il fait admirer bêtement ses signes extérieurs de
richesse et tout particulièrement ses "laquais" (lepossessif manifeste à l’évidence la confusion entre l’avoir et l’être). Il
demande sans arrêt commentfont les "gens de qualité". Voilà le sésame qui délie la bourse, voilà l’argument suprême qui
étouffeles quelques velléités de bons sens. En effet M. Jourdain parfois aperçoit la vérité : il refuse que lemaître de
philosophie ne lui dispense un savoir aussi inutile que rébarbatif, il se rend bien compte queles valets du tailleur allaient
lui soutirer jusqu’à la dernière pièce de sa bourse par leurs appellationsflatteuses. Mais ces éclairs sont rares. L’homme
est naïf surtout si l’on touche son point faible. S’ils’étonne de la considération et des "caresses" de Dorante, il n’y voit
que la reconnaissance de sesmérites au lieu d’une condescendance aussi intéressée que moqueuse. Ainsi ses jugements
sonterronés, soit parce qu’ils sont entachés du dédain de celui qui paie, soit parce qu’ils sont viciés par cette recherche
d’une justification aux faits désagréables ou irritants : par exemple les empruntsrépétés de Dorante loin de passer pour
du parasitisme sont signes d’honneur et d’amitié. Au nom de saprétention, il s’inventera des parents prétendument
notables. Est-il menteur ? Non, car il n’a pasl’intention de tromper. Simplement pour lui les perspectives sont faussées
par cette constanterecherche d’une image flatteuse de lui-même.
Monsieur Jourdain — Est-ce que les gens de qualité apprennent aussi la musique ?Maître de musique — Oui,
Monsieur.Monsieur Jourdain — Je l’apprendrai donc. Mais je ne sais quel temps je pourrai prendre ; car, outrele Maître
d’armes qui me montre, j’ai arrêté Engagé.encore un Maître de philosophie, qui doitcommencer ce matin.

Les autres traits du caractère nuancent le personnage, à partir de cette idée centrale : on le voit indécis,embarrassé par un
mode de vie inhabituel. Il révèle sa couardise en apprenant l’escrime, il étale sonentêtement car il a une haute opinion de
sa personne. Alors qu’il a demandé l’aide d’un tiers, iln’acceptera aucune modification au compliment qu’il a rédigé
pour Dorimène. Enfin, autoritaire, il atendance à écraser les faibles et à poursuivre de ses colères ceux qui se moquent de
lui, ceux quin’admettent pas son point de vue. Au nom de sa "folie", il a décidé que sa fille épouserait ungentilhomme et
l’opposition des siens fait monter les enchères. Sa vanité, son irascibilité, sonjugement déformé par ses lubies se
conjuguent ici pour le confiner dans l’erreur.Les intentions de MolièreAinsi naïveté, vanité, égoïsme, autoritarisme sont-
ils les maîtres mots de ce portrait. Molière dépeintun personnage prisonnier d’une lubie. Cette "folie" le conduit à se
construire un univers fermé qui n’aplus beaucoup de rapport avec le monde réel. En effet les événements extérieurs ne
sont acceptés ques’ils viennent conforter sa vanité, s’ils lui présentent une image flatteuse de lui-même. À l’inversetoute
personne qui tendrait à lui rappeler sa situation réelle déclenche chez lui des colères farouches.M. Jourdain choisit petit à
petit un univers autistique où il se complaît dans la sotte admiration de lui-même. Cette contemplation narcissique lui ôte
tout esprit critique et l’on comprend qu’il devienne lejouet d’autrui, tout particulièrement des gens les moins scrupuleux.
Voilà la peinture du caractère.Mais il y a aussi une peinture sociale de la "folie" de M. Jourdain ou tout du moins une
peinture desconséquences sociales de sa passion. Cette douce folie pourrait être risible si M. Jourdain n’était
qu’un"original", mais il veut imposer son univers à autrui. Ses conceptions, sa volonté dévoyée le conduisent à dilapider
sa fortune, à tyranniser les siens, à mettre en danger son ménage, à travailler aumalheur de sa fille. Le travers n’abîme
pas seulement l’individu, mais aussi l’ordre social.Cependant Molière n’est pas un théoricien. C’est avant tout un
homme de théâtre. Il ne rédige pas untraité, mais une comédie. Il montre, il fait rire. "Le devoir de la comédie étant de
corriger les hommesen les divertissant, j’ai cru que, dans l’emploi où je me trouve, je n’avais rien de mieux à faire
qued’attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle…" écrit-il dans le premier placet pour  Tartuffe. Ainsi il
a voulu instruire en plaisant, en faisant rire. M. Jourdain sera donc un personnageridicule. C’est un personnage de théâtre
caricatural qui conserve cependant dans le même temps assezde vérité humaine pour ne pas se comporter comme une
marionnette. En un mot, c’est un typelittéraire par son caractère d’exemplarité.

Conclusion
Trait essentiel du caractère et réussite de la création. Unité artistique.La conclusion de la pièce est à ce titre bien
significative, M. Jourdain se trouve pris à son proprepiège, il devient peu à peu le jouet de ses illusions. Le Bourgeois
Gentilhomme, c’est la déchéanced’un être qui perd peu à peu le sens de la réalité pour se réfugier dans un univers
artificiel. Les siensn’ayant pas réussi à le détromper, à le guérir, sont conduits à lui donner le change, à lui jouer
lacomédie. La mascarade de l’intronisation, cérémonie grotesque,farceénorme, constitue l’apothéosefinale, la
démonstration comique et théâtrale de la folie qui isole M. Jourdain et le fait montrer dudoigt.Monsieur Jourdain étant
un bourgeois veut acquérire les maniéres des gens de qualité . Il se lance dansl' apprentissage des armes, de la danse, de
la musique et de la philosophie . Toutes ces choses lui paraissent indispensables à sa conditon de gentilhomme.Il courtise
Dorimène, amenée sous son toit par son amant, un comte autoritaire, qui entend bienprofiter de la naïveté de M. Jourdain
et de Dorimène.Sa femme et Nicole, sa servante, se moquent de lui, puis s'inquiètent de le voir aussi envieux, ettentent
de le ramener à la réalité du prochain mariage de sa fille Lucile avec Cléonte. Mais ce dernier n'étant pas gentilhomme,
M. Jourdain refuse cette union.

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