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Perceptions populaires et maladie en zones rurales au Mali : L’exemple du

paludisme dans la commune de Kambila (cercle de Kati).


Mr. TOGOLA Moussa

Assistant à la F.S.H.S.E

Mlle 0152.916-T

Introduction

En 2018, le nombre de cas de paludisme enregistrés au Mali était de 2.700.000


personnes avec 1.778 cas de décès (rapport du ministère de la santé) contre 2.584.317 avec
2.280 cas de décès, soit un taux de létalité de 0,9 %. En 2013, le nombre s’élevait à 2.095.172
avec 1.643 cas de décès, soit un taux de létalité de 0,78%/. Le paludisme est donc une maladie
qui peut être mortelle. Le constat est que la lutte contre cette maladie est loin d’être terminée
malgré les efforts conséquents déployés pour lutter contre elle.

C’est dans ce cadre que notre pays, depuis les années 2010, a mis en œuvre un
programme intitulé Programme National de Lutte contre le Paludisme : P.N.L.P. et la
politique de gratuité et de prise en charge du paludisme stipulée dans leDécret N°628/P-RM
du 29 Novembre 2010 en vue d’améliorer l’accès aux soins de prévention et de traitement.

En vue d’appuyer les différents Etats, l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S) a


décrété la journée mondiale de la lutte contre le paludisme qui a lieu tous les 25 Avril de
chaque année et mis en œuvre le Programme Mondial de Lutte Antipaludique.

Depuis les années 1970, les parasites (vecteurs du paludisme) ont développé une
résistance contre les premiers produits antipaludiques. Afin de garantir une riposte mondiale
rapide et coordonnée face à cette menace de résistance aux insecticides, l’O.M.S a collaboré
avec un large éventail de partenaires et élaboré un plan mondial de gestion de la résistance des
vecteurs du paludisme aux insecticides (G.P.I.R.M) publié en mai 2012.

Contexte

En 2017, le paludisme touchait 219 millions de personnes dans le monde, soit 2


millions de plus qu’en 2016 selon le rapport de l’O.M.S. publié lundi le 19 novembre (La
Croix, le 20 Avril, 2020 à 21h52 minutes). Le nombre de cas est en baisse par rapport à 2010.
Mais la tendance est à la stagnation de façon globale. Chaque année, 429.000 personnes
meurent du paludisme soit environ une personne toutes les minutes (rapport de l’O.M.S.,
2019). Le paludisme constitue de nos jours un problème de santé publique majeur dans les
pays en voie de développement (P.V.D) notamment ceux des régions intertropicales. En effet,
selon l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S), environ 40% de la population mondiale
habitant essentiellement les pays les plus pauvres du monde sont exposés au paludisme. Cette
maladie parasitaire tue chaque année de 1,5 à 2,7 millions de personnes à travers le monde.

Les recherches ont montré que le paludisme développe toujours une résistance aux
antipaludiques qui devient de nos jours un problème récurrent.
Problématique de la recherche 

« A l’en croire, un rapport de l’O.M.S indique que la mise à échelle des interventions
de lutte contre le paludisme a permis d’éviter plus de 4.000.000 de décès dus au paludisme
dans le monde depuis 2000. Selon lui, entre 2000 et 2013, les taux de mortalité liés au
paludisme chez les enfants africains ont été réduis d’environ 58‰.

Mieux, poursuit le ministre, une étude de l’I.N.R.S.P estime les pertes économiques
dues au paludisme à 72 milliards FCAF ».1

Question de départ de la recherche :

Comment les politiques de santé publique fonctionnent – elles en zones rurales au Mali face
aux stéréotypes et aux savoirs locaux ?

. Les questions de recherche :


1- Quelles perceptions les populations de la commune rurale de Kambila ont – elles du
paludisme ?
2 - Quelle est la pertinence du dispositif de lutte contre le paludisme ?
3 - Quels sont les mécanismes endogènes de prévention et de traitement de la malaria ?
4 - Quels sont les acteurs en interaction dans cette arène et quelle est leur implication dans la
lutte contre le paludisme ?

Les objectifs de la recherche :

L’objectif général :

Comprendre les attitudes des populations de la commune de Kambila à l’égard de la maladie


du paludisme et les pratiques.

Les objectifs spécifiques :

1 - Identifier et analyser les perceptions des populations sur la maladie (paludisme) à


Kambila.
2 - Identifier et appréhender la pertinence du dispositif de lutte contre le paludisme
(prévention et traitement).
3 - Identifier et analyser les stratégies endogènes de prévention et de traitement de la malaria.
4 - Identifier les différents acteurs impliqués dans ces stratégies et analyser leur implication
dans la lutte contre le paludisme.

Les Hypothèses :

En guise de réponse provisoire à nos questions de recherche, nous retenons que :

1- Les perceptions populaires représentent un obstacle à la lutte contre le paludisme.

1. Source : Tjikan (journal), 28 Avril 2015.


2 -Le dispositif de lutte contre le paludisme joue un rôle prépondérant dans la politique
d’éradication de cette maladie ;

3 - L’automédication et la thérapie traditionnelle sont les stratégies locales de traitement du


paludisme.

4 - Dans cette arène ou réseau, les patients sont en relation avec pharmaciens, vendeurs de
pharmacies par terre, géomanciens et tradithérapeutes.

La méthodologie

Dans le cadre de la collecte des données que nous recherchons, nous avons procédé à
des enquêtes de terrain utilisant des instruments tels que le questionnaire, le guide d’entretien,
l’échantillonnage, la documentation

Population d’étude:

Dans notre cas, la population mère, autrement appelée population cible, est constituée de
tous les habitants de la commune rurale de Kambila composée de quinze (15) villages et trois
(3) hameaux avec une population estimée à 13 974 habitants (cf. PDSEC de la mairie de
Kambila).

Echantillonnage :

Pour la constitution de notre échantillon, nous avons sélectionné 9 villages sur les 15 de
la commune de Kambila. Nous avons ensuite élaboré un échantillon de 160 personnes
réparties entre les villages en fonction de leur taille en terme de population. Les enquêtées ont
été aléatoirement choisies.

La commune rurale de Kambila compte quinze (15) villages et trois (3) hameaux. Les villages
sélectionnés ont été choisis en fonction de leur position géographique par rapport au centre
urbain (distances et difficultés d’accès).

Présentation du milieu :

La commune de Kambila est l’une des communes du cercle de Kati, région de Koulikoro.
Elle compte 15 villages et 3 hameaux avec une population de 13.974 habitants selon les
estimations administratives de 2009. Cette population relativement jeune est composée de
femmes en majorité. Ses ethnies dominantes sont les Bambara, les Peulh et les Soninké (cf.
PDSEC de la mairie de Kambila).

Résultats

Au terme de nos recherchesà travers une administration directe des questionnaires


auprès des populations cibles (de la commune rurale de Kambila), des tradithérapeutes et des
guides d’entretien qui nous ont permis de collecter des donnéesauprès des spécialistes du
domaine de la santé,nous avons procédé au dépouillement des données.
Symptômes du paludisme chez :

- Les populations :

Nous constatons que le niveau d’instruction n’impacte pas sur la connaissance des symptômes
de la maladie. Cela peut s’expliquer par le fait que le paludisme est une maladie fréquente
chez nous et aucune couche n’est épargnée.

1
Cependant, ce savoir des populations sur les symptômes du paludisme reste plus ou moins
superficiel et les pousse souvent à confondre cette maladie avec la fièvre typhoïde qui
présente des symptômes similaires à ceux du paludisme.

Ce encourage généralement la pratique de l’automédication bien en milieu rural qu’en centres.


Comme on le dit souvent au Mali : « chacun est médecin en sa manière ». Ce qui nous permet
de mettre en parallèle le savoir des minorités Phnong du Cambodge sur les signes de la
malaria et celui des populations de la commune de Kambila. Antoine Schmitt et Jean-Pierre
affirmaient que ces minorités ont une bonne connaissance des symptômes du paludisme tandis
que l’origine de la transmission reste floue.

En effet, nous constatons l’absence d’un symptôme très important : les céphalées. Même s’il
ne se manifeste pas dans tous les cas de paludisme, sans lui la liste des symptômes ne saurait
être exhaustive.

- Les guérisseurs ou tradithérapeutes :

Ils sont au même niveau de savoir que les populations.

- Les spécialistes de la santé :

Selon le Médecin-chef du C.S.Réf :« le paludisme est une affection parasitaire due au


plasmodium introduit par le biais de la piqûre de l’anophèle femelle ». Les autres ont donné
des réponses similaires. Ce qui ressort de l’analyse de ces données est le constat ci-après : le
paludisme est une maladie provoquée par un parasite et non pas un virus ou un microbe.

Ce sont les mêmes mentionnés par les précédents. Cependant, à la différence des populations
et des tradipraticiens, ils mentionnentles vomissements, les convulsions, état fébrile et
l’insomnie. Nous remarquons que les spécialistes ont une connaissance assez large des
symptômes du paludisme contrairement aux populations et aux guérisseurs. Ce qui nous
permet d’affirmer que la bonne maîtrise des signes et un diagnostic sans préjudice du
paludisme est une question de spécialistes.

Les causes du paludisme chez :

Les populations

Cette question nous a permis de découvrir les stéréotypes des populations sur les vecteurs du
paludisme.
1
Les perceptions populaires et quotidiennes construites autour des causes du paludisme sont
encore diverses et soutenues en dépit des efforts de sensibilisation et d’information entrepris
par les agents de la santé et les autorités dans nos zones rurales. Ainsi disait
T.Mayé: « l’automédication s’adopte à l’issue d’un ensemble de représentations sociales et
profanes de la maladie. Du fait, le paludisme constitue le centre de gravité d’un ensemble de
représentations scientifiques et de perceptions sociales séculaires des populations».1

Huile, œufs, humidité, fruits et moustiques sont les causes du paludisme selon toutes les
personnes enquêtées quel que soit le niveau d’instruction. Toutes ces réponses renvoient aux
limites et portée des campagnes de sensibilisation.2

Certains affirment même que les moustiques ne provoquent pas le paludisme. C’est le cas de
Monsieur NIARE, boutiquier à Wadou-Sikoro qui tient ces propos : « à ma connaissance, les
moustiques ne provoquent jamais le paludisme. Depuis notre enfance il n’y avait pas de
moustiques mais le paludisme existait ».

Ces mentalités sont ancrées dans la mémoire collective de nos populations. Le concept de
représentations sociales est utilisé en anthropologie pour les désigner. A propos voici un
passage de Jean-Pierre et Antoine Schmitt : « les minorités Phnong ont une bonne
connaissance des signes du paludisme, mais l’origine de sa transmission reste floue car elle
est attribuée à beaucoup de facteurs. Souvent même naturels tels que : le vent, la pluie, le
soleil, la nourriture mauvaise, l’eau, et plus rarement aux esprits».2
3
Les tradithérapeutes

Ils affirment tous (12 personnes) que la piqûre des moustiques (anophèles femelles) est une
cause du paludisme. Cependant, 6 ont mentionné aussi l’excès de consommation de l’huile,
des œufs et du sucre comme vecteur.

Nous retrouvons alors quasiment les mêmes stéréotypes sur la malaria et une connaissance
limitée des vecteurs du paludisme.

Nous concluons alors que les perceptions populairessur les vecteurs du paludisme
s’interfèrent au savoir biomédical enseigné par les spécialistes.

- Les spécialistes de la santé :

Nous nous sommes entretenus avec huit (8) agents dont cinq (5) femmes et trois (3) hommes.
Tous ont affirmé que la seule cause du paludisme, ce sont les moustiques.
Nous affirmons donc pour conclure que la bonne connaissance de l’origine de la transmission
de cette maladie est une question de spécialistes.

Les recours thérapeutiques chez :

Les données nous montrent que la majorité des populations (98%)de notre Commune d’étude
a pour premier recours du réflexe thérapeutique la médecine traditionnelle. Cela se justifie par

2
Source : Thérèse Mayé DIOUF, mémoire de maîtrise, 2003-2004, p.6
3
Source : Antoine Schmitt et Jean Pierre, « contribution à l’étude du paludisme chez les minorités
Phnong du Cambodge », 2007, p.7
plusieurs motifs parmi lesquels nous avons selon leurs dires : le manque de moyens financiers
et la confiance aux propriétés médicinales et à l’efficacité des plantes et autres.

Comme l’affirme Monsieur NIARE, habitant du village de N’Tonimba : « je recours aux


plantes en premier lieu car je crois en elles plus qu’aux médicaments modernes. »Pour
d’autres, c’est la méfiance vis-à-vis de la médecine moderne. C’est le cas de Monsieur
KANE, délégué du chef de village de Kambila qui s’exprime en ces propos : «je n’ai pas
confiance en la médecine moderne. »

Pour appuyer les résultats de nos enquêtes sur ce point, nous faisons recours aux propos du
Dr Burkinabé Mamadou SAWADOGO que voici : « c’est quand la maladie se complique que
les paludéens viennent au centre médical. Cela après le recours aux tradithérapeutes et
l’automédication. »1

Cependant, 74,41% des personnes alphabétisées ont pour premier recours de l’itinéraire
thérapeutique la médecine moderne contre 25,64% quant à l’inverse. En réalité, au cours de
nos recherches, en contact avec nos populations, nous avons constaté que sur ce point précis,
les pratiques et les dires sont contradictoires. Si les lettrés disent être attirés par la médecine
rationnelle, dans leurs attitudes quotidiennes ils sont plutôt traditionnalistes. Nous avons pu
découvrir que quels que soient le niveau d’instruction, le sexe, le statut, l’âge, le degré de
richesse ou la profession des ruraux, les feuilles, les écorces et les racines d’arbres demeurent
toujours leurs premiers recours thérapeutiques en cas de paludisme

Ici, nous sommes face à un ensemble de savoirs locaux et de représentations populaires


entretenus et transmis de générations en générations des siècles durant. Comme le disait Karl
MARX dans leur ouvrage intitulé « Manifeste du Parti Communiste »: « quand les idées
pénètrent l’esprit des masses, elles deviennent de véritables armes de guerre. » (Friedrich
Engels et Karl Marx : 1848).
« Pour le traitement du paludisme, les populations procèdent toujours par l’automédication
(surtout les plantes) avant d’aller au centre de santé », d’après Dr TRAORE Adama au Centre
de Santé de Référence de Kati (C.S.Réf Kati). Même si certains justifient cette attitude par
leur manque de moyens financiers, nous constatons lors des enquêtes qu’elle renvoie à la
conception selon laquelle la médecine moderne ne guérit pas une maladieIl faudra reconnaître
qu’en Afrique, rien n’est fortuit. Il y a toujours une main invisible derrière toute maladie.
Telle est en général la conception de nos populations sur l’origine de la maladie. Comme
l’affirme Raymond MASSE dans « Systèmes et Politiques de Santé » : « la maladie survient
suite à une infraction des normes sociales. Ce qui pousse les malades au recours aux services
des géomanciens, des marabouts, etc… autres formes de guérisseurs traditionnels.»2
4
Cette attitude entrave un peu les politiques de santé publique en général en Afrique et chez
nous au Mali en particulier.

Pour conclure, nous affirmons que le recours au service des guérisseurs traditionnels n’est ni
une question de manque d’argent, ni une question de sexe ou d’âge, mais plutôt une question
de conviction et de culture.

Période favorable à la transmission.


4
Source : Dr Mamadou SAWADOGO de Burkina Faso, journal R.F.I, 06H30 T.U, 25-04-2014.
2. Source : Raymond MASSE, in « Systèmes et Politiques de Santé », sous la direction de Bernard Hours
éd. Karthala, 1963, p.47
Toutes les personnes enquêtées (soit 100%) évoquent l’hivernage comme période propice à la
maladie de paludisme; 24,37% évoquent la saison froide (majorité analphabète). Tous du
niveau secondaire ont estimé que c’est seulement la saison des pluies la période favorable à la
vulgarisation du paludisme. Le facteur instruction réapparaît ainsi comme un élément-clé dans
l’abandon des prénotions.

Les résultats nous permettent donc d’établir un parallèle entre le niveau d’instruction des
populations et la connaissance réelle des conditions et de la période favorisant la transmission
du paludisme.

L’existence du phénomène de pharmacie par terre.

Les résultats de notre étude ont révélé que les produits de la pharmacie par terre sont répandus
dans la Commune de Kambila car 68,75% des personnes interrogées témoignent de leur
existence dans la commune.

Le phénomène de pharmacie par terre s’avère donc un phénomène quotidien qui n’est pas
hors du commun. L’hypothèse que nous en déduisons est la suivante : les habitants de la
Commune Rurale de Kambila procèdent par l’automédication en cas de maladie. La vente
illicite de médicaments biomédicaux est un phénomène très répandu à Kambila.

Il ressort de nos enquêtes qu’ils sont très sollicités par la majorité des populations de la
commune de Kambila (68,75% y recourent).

D’ailleurs, chaque campagnard, voire même chaque citadin recourt à la pharmacie par terre.
Un recours qui se fait par suite d’automédication. Ainsi affirme Thérèse Mayé DJOUF
(2004): « dans les milieux ruraux en Afrique, l’automédication est devenue le premier réflexe
thérapeutique. »

Cette pratique peut se passer par la pharmacie comme elle peut se baser uniquement
sur le savoir ordinaire tiré du ouï-dire.

Chacun trouve un argument ou même un prétexte pour justifier cette attitude à haut risque.
Certains parlent de manque de moyens financiers et d’autres la confiance en la qualité de ces
produits.Les origines de ces produits restent incertaines et inconnues malgré les témoignages
sans fondements sûrs de certains qui mentionnent le Nigéria, le Ghana ou la Guinée comme
leurs lieux de provenance.Pour beaucoup, la qualité (nature) de ces produits est loin d’être
compromettante pour notre santé. Tel est le cas de Mme FOFANA (ex infirmière et
actuellement Administratrice de l’Action Sociale) qui persiste que les produits de la
pharmacie par terre ne sont pas d’une qualité compromettante. A propos, voici son
intervention au cours de notre entretien avec elle : « on ne peut pas lutter contre ce fléau car
les acteurs de ce réseau coopèrent avec des agents de la santé à savoir des médecins, des
pharmaciens etc. Certains pharmaciens se ravitaillent chez eux à bons prix. En réalité, ce sont
les mêmes produits que nous rencontrons et achetons dans beaucoup de “pharmacies des
villes”. Tout ce que je peux reprocher à ces produits, c’est leurs conditions de conservation,
autrement dit leur conditionnement (t°c normale recommandée) et non pas leur nature. »

Cependant beaucoup de personnes, comme elle, ignorent que le mauvais conditionnement


d’un produit pharmaceutique est censé détériorer sa nature et par conséquent compromettre sa
qualité et augmenter ses risques pour la santé humaine. Nous nous exprimons ici sous le
contrôle des spécialistes du domaine de la santé.

Des éléments essentiels nous permettant de comprendre que le recours à la pharmacie


ambulante est plutôt une question d’attitude et de mentalité que de manque d’argent.

Nous admettons néanmoins que face à des populations majoritairement analphabètes et


pauvres, il est ardu d’éradiquer un tel fléau (vente illicite de médicaments). La pauvreté et
l’analphabétisme étant des terreaux fertiles de la vulgarisation de ce phénomène.

La prévention du paludisme :

Il ressort de notre étude que les mesures de prévention conseillées par les agents de la santé
lors de leurs campagnes sont en grande partie respectées par les habitants de notre zone
d’enquête : 88,75% des personnes interrogées ont évoqué les moustiquaires à imprégnation de
longue durée et la salubrité comme leurs moyens de prévention du paludisme. Cependant,
d’autres pratiquent également la prise de quinine. Ils représentent 75%. Ce qui explique sans
nul doute la diminution du taux de paludisme au sein de la couverture sanitaire du Centre de
Santé de Référence de Kati. Ce qui nous a été confirmé par le médecin-chef de ce centre au
cours de l’entretien qu’il nous a accordé pendant nos recherches. Il affirma que le taux de
paludisme diminue de façon considérable malgré quelques difficultés qui sont à déplorer. 

Cela est une avancée considérable dans la lutte contre cette pandémie tropicale. Cette baisse
révèle une prise de conscience probable des populations même si des stéréotypes persistent
toujours telle que la prise de quinine(le plus souvent 3 comprimés/semaine selon certains et
1/jour selon d’autres) comme mode de prévention de la malaria.

Nous estimons que le moyen de lutte le plus efficace contre le paludisme reste la salubrité.
Pour ce fait, elle doit être le centre de gravité de tout programme ou de toute politique de lutte
contre cette maladie. « Ces mesures ont permis (couverture en M.I.L.D et C.P.Se) de réduire
la mortalité chez les groupes cibles : les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq
ans » d’après Dr SIMAGA Ismaël, Médecin-chef du C.S.Réf de Kati.

Certains affirment prendre trois comprimés de quinine chaque semaine. A ce sujet, voici les
discours de Mme NIARE Aicha DIARRA : « chaque semaine, je prends 3 quinines. Ce qui
me met à l’abri du paludisme ». Ici, la pratique de l’automédication réapparaît. Les marabouts
questionnés ont aussi mentionné le contrôle alimentaire. Ils font toujours allusion donc à
l’alimentation comme vecteur du paludisme. Quant aux herboristes, ils ont parlé des
décoctions des plantes amères.

Le constat ici en est que pour la prévention de la malaria, les populations vont toujours au-
delà des moyens rationnels universellement et biomédicalement reconnus. Ils développent et
entretiennent des représentations et des pratiques populaires sur la prévention de cette
maladie.

Réduction ou éradication du paludisme selon :

- Les populations :

Diminuer : oui, mais éradiquer : non. Le paludisme zéro semble être une illusion pour les
personnes interrogées. Nous constatons alors que cette maladie apparaît comme une fatalité
pour elles. En tout cas, pour la grande majorité. Ce que révèlent les résultats de notre étude :
92,5% des personnes interrogées croient à la diminution du paludisme contre
seulement16,87% qui trouvent que c’est un fléau éradicable. Nous constatons une différence
considérable entre les deux taux. Donc, il y’a un pessimisme fort d’éradication de la maladie.

A ce sujet, voici les propos illustratifs de Monsieur NIARE, cultivateur à Wadou-


Sikoro : « on peut diminuer le paludisme, mais jamais l’éradiquer. Pour éradiquer cette
maladie, il faudrait forcément faire disparaître les moustiques, changer les habitudes
alimentaires et combattre l’humidité. Choses carrément impossibles. » D’autres dirons que les
moustiques sont une créature de Dieu dont l’humain ne peut rien contre. C’est le cas de
Madame DIARRA, l’une de nos interlocutrices de M’Pièbougou, qui affirme : « il est
illusoire de prétendre lutter contre les moustiques car nul ne peut contre un fait de Dieu. »
C’est donc pour eux une fatalité.

Pour ceux qui estiment que le paludisme est éradicable, tout dépend de la bonne volonté de
nos autorités politiques, de l’engagement des populations concernées et de leur collaboration
avec les agents de la santé qui interviennent sur le terrain auprès d’elles dans ce cadre. Tel est
par exemple l’avis de Mme TRAORE, ménagère à M’Pièbougou qui nous dit : « on peut bel
et bien éradiquer le paludisme à condition que tout le monde s’y implique. Sinon cette
maladie n’est pas une fatalité comme certains le pensent »

Les tradithérapeutes

Opinions sur la diminution ou l’éradication du paludisme.

A cette question, 100% des personnes interrogées affirment que le paludisme est une maladie
que l’on peut diminuer.Quant à son éradication, la majorité est pessimiste (5 sur 6). A partir
de ces opinions, nous dégageons l’hypothèse suivante : la maladie est une fatalité pour ces
guérisseurs. D’où les propos d’un intervenant: «  la maladie est une émanation de Dieu dont
nul ne peut contre ».Cette vision islamiste de la maladie est observée dans les recherches
menées par J. Benoist (1993) sur les attitudes des populations en société créole française (à la
Réunion) dans le cadre de la thérapie des maladies. Ainsi il affirma : « l’Islam, en principe, ne
tolère pas l’existence de guérisseurs, la guérison venant de Dieu et pouvant être obtenue par la
prière. Toutefois, l’Islam indien (il n’est pas le seul dans ce cas) admet la présence
d’intermédiaires entre les hommes et Dieu. Chaque sourate est dotée d’un pouvoir
thérapeutique spécifique que connaissent ceux- là seuls qui ont étudié la question. Ils sont
capables de confectionner des instruments de guérison ou de prévention, sachet contenant un
verset du coran. A l’aide de sourates du coran, ils parviennent ainsi à amener le malade à la
guérison. Ce peuvent être des hommes sages et savants dont la prière plait à Dieu »1.
5
Nous constatons que les guérisseurs et les populations ont des opinions similaires quant à
l’éradication du paludisme.

Ils trouvent que les habitudes humaines (surtout l’alimentation) sont inévitables.

Perceptions sur les deux médecines :

5
Source : Jean Bénoist, « Anthropologie médicale en société créole », Presses Universitaires
de France, 1993, p.60
L’étude révèlequ’une grande proportion (89,37%) des populations de la commune rurale de
Kambila accorde leur confiance aux deux médecines. Seulement, 04,37% des personnes
interrogées affirment être sûres de la médecine moderne contre 06,25% pour la médecine
traditionnelle dont le taux donne une légère supériorité par rapport à l’autre. Cette
représentation populaire se fait remarquer quel que soit l’âge ou le niveau d’instruction des
individus enquêtés. L’hypothèse qui se dégage est la suivante : les populations de la
Commune Rurale de Kambila sont loin d’être disposées à abandonner ou de sous-
estimer la médecine indigène qui relève de leurs savoirs locaux au profit de la médecine
« occidentale » considérée comme rationnelle. Cependant, nous constatons que le jugement
sur les deux médecines est un jugement assez difficile dans la mesure où les populations
trouvent qu’aucune d’entre elle ne soit capable de traiter seule le paludisme. Et le niveau
d’instruction a très peu d’influence sur cette représentation sociale.

Selon les données obtenues auprès des populations, 89,37% des personnes interrogées pensent
que les deux médecines sont équivalentes et se complètent. A leurs opinions, il n’y a pas de
rapport de force entre les deux. Chacune ayant ses spécificités, ses forces et faiblesses. A ce
propos, le discours du chef de village de N’Tonimba est illustratif : « à l’instar de la médecine
traditionnelle, la médecine moderne ne peut guérir seule une maladie. La médecine moderne
ne fait que calmer la maladie et se complète forcément par les arbres pour être guéri
complètement. »

L’analyse des résultats montre que :- le taux de pourcentage des individus qui établissent une
relation d’équivalence et de complémentarité entre les deux médecines est largement
supérieur à ceux qui expriment un penchant envers l’une ou l’autre des deux médecines ;-le
pourcentage des personnes qui croient en la supériorité(en termes d’efficacité) de la médecine
traditionnelle est plus élevé que celui de celles qui ont évoqué la supériorité de la
biomédecine. Nous dirons en outre que la proportion des personnes accordant plus de crédit à
la thérapie traditionnelle est légèrement supérieure à celle de l’inverse avec une marge
différentielle de 01,88% de taux (faible).

Notons que ces idées préconçues sont transmises de générations en générations en tant que
représentations et pratiques populaires ou relèvent souvent des expériences vécues par
certains individus.

A propos, Mme FOFANA, ancienne infirmière et actuellement Administratrice de l’Action


Sociale, le témoigne: « au cours de ma profession, nous dit-elle, je me suis rendue compte de
l’efficacité de la thérapie traditionnelle et de la réalité de la sorcellerie. Nous sommes en
Afrique, poursuit-elle, où rien n’est gratuit.

Il était une fois : après avoir tout tenté avec la médecine moderne (hôpital de Kati, Point G et
Gabriel TOURE), j’ai été contrainte de confier une patiente venue de Kita à un tradipraticien
qui l’a guérie en un temps record. Un autre cas de Kassaro dont le mal n’a pu être
diagnostiqué ni par le prélèvement sanguin, ni par la radiographie et l’échographie fut confié
au même thérapeute. Sollicité pour son intervention, il affirma que le malade souffre d’une
attaque sorcière. Il put diagnostiquer le mal auquel il remédia complètement en deux
semaines au prix de 5F et 2 pagnes seulement. »

Un autre témoignage du vieux KANE, chef de village âgé de 65 ans : « je traite le paludisme
en buvant la décoction de «  tamarin ». Certes mon premier recours en cas de maladie est le
centre médical. Mais je crois aussi à la médecine africaine. Je vous raconte une expérience
personnelle : j’avais une sorte de boule sur ma tête que j’ai tenté de traiter à l’hôpital sans
succès 4 mois durant. Une première fois, après la prise de sang et la radiographie, les
docteurs m’ont fait subir une intervention chirurgicale sur la partie. La boule disparut puis
réapparut quelques jours après. Et pendant 4 mois toutes les interventions médicales ont été
vouées à l’échec. Dieu faisant, quelqu’un me parla d’un vrai tradithérapeute dans le milieu
minianka où je me suis rendu. Dès que le monsieur vit la boule, il m’affirme que ce n’était
pas une maladie fortuite et qu’elle était intraitable par les médicaments modernes. Il m’a
promis de me traiter en trois jours. Ainsi, il me donna une sorte de poudre d’arbre à
mélanger avec du beurre de karité et de couvrir la partie enflée avec. Chose faite. Le
lendemain matin, la boule était devenue dure et très moue au petit soir. Et le troisième jour à
mon réveil, redevenue dure comme une pierre, je l’aperçois tombée dans mon lit. Ainsi j’ai
été remis de mon mal en trois jours jusqu’à nos jours par un guérisseur traditionnel où les
médecins ont amèrement échoué durant quatre mois de traitement malgré leurs énormes
moyens sophistiqués. En conclusion, je dirais que les deux médecines se valent. Elles doivent
collaborer car leurs compétences se complètent. »

En dépit de ma conviction pour la médecine dite rationnelle ou occidentale, une expérience


personnelle m’a persuadé de l’efficacité et des propriétés curatives de nos plantes
traditionnelles. L’expérience est la suivante : après quatre ans de traitement moderne sans
résultat favorable d’une fièvre typhoïde dont je souffrais, je fus complètement remis de la
maladie grâce à un mélange de décoction à base de « goundiè » et de « bobulu »(feuilles de
bambouk) que je prenais en boisson(deux gobelets par jour : 1 le matin et 1 le soir 3 semaines
durant). Ceci est une expérience de moi-même (auteur).

En vue d’illustrer ces différentes opinions, voici une affirmation de Jean Benoist (1993) :
« On ne doit pas oublier que cette médecine, qui est la seule pour le médecin, n’est pas la
seule pour le malade. Les relations de celui-ci avec le médecin prennent place au sein d’une
constellation de recours aux produits traditionnels qui se combinent à la médecine
scientifique. C’est là que s’articulent tradition et modernité, dans un ensemble où le médecin
voit des contradictions alors que le malade en vit l’unité ».

En conclusion, au regard de ces différents discours, chaque médecine est un produit culturel.
De la même façon que la biomédecine est un élément de la culture occidentale, la médecine
traditionnelle est un élément de notre culture. Chacune a incontestablement ses limites et ses
spécificités, ses stratégies et ses objets. Cependant, ce qui manque cruellement à la médecine
indigène, c’est le manque de rationalisation. Loin d’être une contradiction à la médecine
moderne, la médecine traditionnelle est plutôt sa part manquante. Etant donné cela, nous
affirmons que chacune joue son rôle dans le traitement du paludisme.

Appréciation la de fréquence des centres médicaux selon les agents de santé.

Par rapport à l’appréciation de la fréquence, leshuit (8) personnes interviewées, sans


exception, (100%) ont affirmé que de mieux en mieux, la proportion de fréquentation des
centres de santé par les patients est en hausse. Cependant, force est de reconnaitre qu’ils
viennent le plus souvent à un état avancé de la maladie (paludisme). Contrairement à ce que
peuvent penser certains, cela n’est pas dû à une augmentation de la population, mais plutôt à
un engagement politique des autorités et de leurs partenaires, et une prise de conscience des
populations. A propos, voici un passage tiré dans l’intervention du Médecin-chef du C.S.Réf
de Kati : « l’augmentation du taux de fréquentation est due aux mesures prises par rapport à la
complétude des données qui a permis l’amélioration à 0,36 Ncht/an en 2014 contre 0,25
Ncht/an en 2013 ».

Ces données montrent que les politiques et stratégies mises en œuvre par notre Etat et ses
partenaires apportent leurs fruits. Et si l’on continuait dans cette perspective, un Mali sans
paludisme serait éventuellement possible.

Discussions

L’objectif premier de notre étude consistait à de comprendre objectivement les


attitudes et opinions des populations de la commune de Kambila vis-à-vis du paludisme.

Dans le cadre de la vérification des hypothèses, plusieurs variables ont été mises en
relation avec la variable principale, à savoir la problématique du paludisme face aux
représentations sociales et savoirs locaux dans la commune rurale de Kambila.

8.2. Le niveau d’instruction :

Les résultats de l’enquête montrent dans le détail que le niveau d’instruction détermine
la connaissance des symptômes du paludisme, mais pas ses causes. Ce qu’Antoine Schmitt et
Jean-Pierre avaient pu remarquer aussi dans leurs recherches sur le paludisme au Cambodge
dans les années 2000. Nous avonsconstaté que contrairement aux analphabètes, la majorité
des personnes instruites ont la médecine moderne comme premier recours de l’itinéraire
thérapeutique en cas de paludisme. Mais quant aux comportements face à la médecine
traditionnelle, l’instruction n’a pas d’impact. Cela s’explique par le fait que chaque personne,
quel que soit le niveau d’éducation, met l’accent sur la complémentarité des deux médecines.

Les moyens financiers :

Comme on le dit couramment, « l’argent, c’est le nerf de la guerre ». Des recherches


ont pu montrer que le recours de la plupart des individus à la thérapie locale n’est pas
seulement lié à une conviction en la vertu des plantes et des rituels religieux. C’est ainsi que
l’O.M.S reconnaît que plus d’un tiers des habitants des pays en développement n’a pas accès
aux médicaments essentiels et que l’accès à des thérapies traditionnelles sûres et efficaces
pourrait être déterminant pour le développement des soins de santé.1

Cependant les résultats de notre étude montrent clairement que le rattachement des
populations rurales à la thérapie traditionnelle est déterminé non pas seulement par le manque
de moyens financiers ou l’enclavement de
6
leurs zones,mais aussi et surtout par la conviction en la vertu des savoirs locaux médicinaux
et l’idée de complémentarité et d’efficacité égale entre les deux médecines.

A ce sujet, ce passage est illustratif : « La médecine traditionnelle a été utilisée pour
traiter le paludisme depuis des milliers d’années et a été source de deux principaux groupes de
médicaments antipaludéens (dérivés d’artémisinine et de quinine).»2

1. Source : O.M.S, world malaria repport, 2005, consulté sur http :


rbm.who.int/wmr2005/html/exsummary.fr.htm
2. Source : Idem, p.7
Pratiques culturelles et populaires :
Les pratiques culturelles, d’une manière ou d’une autre, sont inhérentes à toutes les sociétés
humaines. Nous admettons que chaque société a ses spécificités. Ce qui explique d’ailleurs
souvent l’hostilité passive de certaines sociétés dites traditionnelles aux innovations
culturelles.

Des études ont révélé que dans la plupart des pays en développement, les itinéraires
thérapeutiques en cas de paludisme sont en grande partie basés sur des pratiques et savoirs
locaux culturels. Ahorlu C.K et al (2005), célèbres artisans de la recherche sur le traitement
du paludisme, disaient ceci : « dans la plupart des études, il apparait que les traitements
utilisés sont souvent mixtes et incluent des remèdes populaires ou traditionnels (plantes
médicinales, cérémonies de guérison) et des traitements biomédicaux. »

Notre étude a révélé le même cas. Les résultats de nos enquêtes nous ont permis de
constater que cette attitude est due au fait que chaque médecine a ses limites selon les
individus. Donc, pour un meilleur traitement du paludisme, il faut nécessairement une
combinaison thérapeutique moderne et traditionnelle.

L’automédication :

Il est avéré que les recours thérapeutiques se font par suite d’automédication en milieu
rural. A ce sujet, voici les études d’A. Schmitt et J. Pierre qui affirment que l’automédication
est majoritaire et parfois problématique en ce qui concerne les médicaments achetés sur des
marchés privés ou non contrôlés.17

Notre enquête a pu trouver les mêmes résultats. Cette pratique d’automédication est
basée sur des conceptions culturelles et populaires passant par les plantes ou
l’approvisionnement direct en produits médicaux illégaux ou pharmaceutiques. Notre
hypothèse selon laquelle l’automédication et la thérapie traditionnelle sont les stratégies
locales de traitement du paludisme se trouve ainsi vérifiée.

Les propositions :

Médecine et représentations sociales :

Tout comme d’autres études,notre étudea montré clairement que la médecine est en
effet une donnée culturelle et que chaque société a sa médecine. Dans les sociétés dites
traditionnelles, nous avons à l’opposé de la médecine occidentale, ce que nous qualifions de
traditionnelle. Elle reste au centre de gravité de la thérapie du paludisme. Cette thérapie se fait
en rapport avec les perceptions populaires que les populations ont du paludisme.

Ainsi, au lieu de chercher à combattre le recours aux plantes et autres pour le


traitement de cette maladie, il est important et nécessaire, de tenir compte des pratiques et
représentations culturelles. Dr SIMAGA Ismaël abonde dans le même sens lorsqu’il dit : «  il
faut former les tradipraticiens sur le paludisme et les intégrer dans le système de santé. » Ce
passage de Antoine et Jean-Pierre  illustre mieux cette vision de Dr SIMAGA: « la médecine
traditionnelle est encore très vivante aujourd’hui, les traitements traditionnels varient
beaucoup entre les praticiens dont les connaissances et les compétences sont inégales. Il
7
3. Source : Antoine Schmitt et Jean-Pierre, Contribution à l’étude du paludisme chez les minorités Phnong du
Cambodge, 2004, p.7
serait important de reconnaître, voire de consolider et d’améliorer ce système utile d’un
point de vue social et médical » (source : enquête personnelle).

Au cours de notre étude, il s’est avéré que la meilleure façon de lutter contre le
paludisme passe par une synergie d’action entre les pratiquants des deux médecines d’une
part, et une prise en compte des perceptions quotidiennes des populations d’autre part.8

Quant à Kpatchavi, il disait à ce propos que les indicateurs socioculturels apparaissent


donc comme indispensables pour mieux comprendre les logiques et les comportements. Ils
permettent d’expliquer les réticences vis-à-vis des activités de sensibilisation pour la prise en
charge et les mesures préventives. »2

Les représentations sociales, qu’elles soient en accord ou en contradiction avec le


modèle d’explication biomédical, doivent être utilisées comme point focal pour améliorer les
stratégies de lutte contre le paludisme.

8
1. Source : Antoine Schmitt et Jean-Pierre, Contribution à l’étude du paludisme chez les minorités Phnong du
Cambodge, 2004, p.7
2.Source : Aholu C.K. et al., Community concepts of malaria-related illness with and without convulsions in
southern Ghana, malaria journal, 2005, p.4
Conclusion

La lutte contre le paludisme s’est avérée de nos jours un enjeu. Les études ont montré
la nécessité d’une synergie d’action et une lutte à long terme pour venir à bout de cette
maladie. Le chemin à parcourir est sans conteste long et miné d’obstacles. Ce qui signifie
autrement que les défis à relever sont énormes. Sans une lutte interdisciplinaire et
multidimensionnelle, la lutte antipaludique restera un mirage. Ce qui annihilera les gros
investissements et les énormes efforts consentis dans ce domaine.

Notre étude a révélé que les défis à surmonter sont de diverses natures et complexes.
Ils sont d’ordre socioculturel, technique et même géographique.

En outre, notre étude a identifié des perceptions et des pratiques populaires face au
paludisme. Un parallèle est établi entre elles et les attitudes des populations de la commune de
Kambila dans leurs stratégies de prévention et de traitement du paludisme. L’automédication
reste le fil conducteur des recours thérapeutiques antipaludéens.

Cependant, force est de reconnaître que le dispositif de lutte contre le paludisme joue un
rôle essentiel tout en permettant une réduction considérable du poids du paludisme dans la
zone. Et cela, grâce à l’engagement des autorités sanitaires et leurs partenaires et un
changement de comportement des populations.

L’étude a, par ailleurs, montré que les guérisseurs traditionnels font partie des acteurs
incontournables dans l’arène. Leurs offres thérapeutiques antipaludiques restent, jusqu’à
preuve de contraire, le premier recours du reflexe thérapeutique d’une part importante des
habitants de Kambila. Ainsi,ils doivent être insérés dans le système de santé. Ce qui permettra
à l’Etat de trouver une solution durable à la problématique du paludisme dans notre pays.
Bibliographie:

1- Ahorlu C.K. et al.(2005), Community concepts of malaria-related-illness with and


without convulsions in Southern Ghana, malaria journal,édit. Malaria journal, 47p.
2- Bénoist Jean(1993), Anthropologie médicale en société créole, éditions Presses
Universitaires de France, 285p.
3- DIOUF T. Mayé « Mémoire de maîtrise en géographie, 2003-2004.
4- DOUMBO Ogobara (2006-2007), « Considérations éthiques des essais cliniques
pédiatriques de vaccins antipaludiques en Afrique et au Mali : Protocole phase ½
A.M.A1 : Donéguébougou – Bancoumana, 10p.
5- Hours Bernard (1999), « Vingt ans de développement de l’anthropologie médicale en
France ».
6- Jaffré Yannick (1999), « Pharmacie des villes, pharmacie par terre », Bulletin
A.P.A.D.
7- Kpatchavi C.A(2000), « Savoirs locaux sur la maladie chez les Gbe au Bénin, le cas
du paludisme : éléments empiriques pour une anthropologie de la santé », Thèse de
Doctorat, Université de Fribourg, Allemagne, 256p.
8- Masson Elsevier (2013), « L’infirmier et les soins palliatifs », Paris inter-éditions.
9- Massé Raymond (sous la direction de Hours B) (1963), « Systèmes et Politiques de
santé », éditions Karthala.
10- Raymond Mbouzeko (2010), « Thèse de Doctorat », Présentée et soutenue sous la
direction de Jean Français Tetu.
11- Schmitt A et Willem J.P. (2007), Contribution à l’étude du paludisme chez les
minoritiesPhong du Cambodge.
12- TINTA Sidiki (1999), « Projets de santé et Prévention en milieu dogon », Bulletin
A.P.A.D.
13- Willem J.P et al (2006), « L’éthnomédecine, une alliance entre science et tradition »,
éditions Jouvence et Biocontact, 412p.
14- Direction Nationale de la Santé, Rapports de 2010 et 2014
15- Essort (journal) N°5286, le 28 Avril 2014.
16- Infos-stat (2010), Programme mondial des enquêtes démographiques et de santé.
17- O.N.G ALIMA, rapport de 2012.
18- Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S), world malaria report, 2005 :
http://rbm.who.int/wmr2005/html/exsummary.fr.htm
19- Programme de Développement Social, Economique et Culturel de la mairie de
Kambila.
20- Programme National de Lutte contre le Paludisme, rapports de 2011, 2012,2013 et
2014. 
21- Santé – Médecine.net, Juin 2014.
22- Socius et histoire.com
23- Tjikan (journal), le 28 Avril 2015.

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