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Mise au point
Les messages clés en pathologie unguéale
Sophie Goettmann
Key messages in nail disease Les pathologies unguéales sont variées, de diagnostic souvent
difficile.
Nail diseases are varied, and their diagnosis is often difficult. L’errance diagnostique peut conduire à la méconnaissance
Misdiagnosis can result in failure to recognize a severe disease d’une pathologie sévère dont le traitement est urgent et à
in urgent need of treatment and in the prescription of treat- la prescription de traitements inadaptés, longs, inefficaces et
ments that are inappropriate, long, ineffective, and expensive. coûteux.
Acute paronychia must be managed rapidly, treated with Une paronychie aiguë doit bénéficier d’une prise en charge
antiseptics several times a day, and closely monitored. rapide, de soins antiseptiques pluriquotidiens et d’une surveil-
Nail lichen must be recognized early and treated rapidly and lance étroite.
appropriately to prevent permanent scarring. Un lichen unguéal doit être reconnu précocement et bénéficier
All chronic pain (to shocks or cold) of the tip of a finger or toe rapidement d’un traitement adapté pour éviter des lésions
should suggest a glomus tumor. cicatricielles définitives.
Any unexplained persistent single-finger onychopathy should Toute douleur chronique (aux chocs, au froid) d’une extrémité
in principle cause the physician to suspect a tumor, carcinoma, digitale fera évoquer une tumeur glomique.
or melanoma and to order a histologic examination. Toute onychopathie monodactylique inexpliquée, traînante,
An onychopathy must not be treated as an onychomycosis doit de principe faire suspecter une prolifération tumorale,
without diagnostic certainty. carcinome, mélanome et conduire à un examen histologique.
Repeated microtraumas of the toenails cause injuries that Une onychopathie ne doit pas être traitée comme une ony-
absolutely must be differentiated from onychomycosis. chomycose en l’absence de certitude diagnostique.
In growth of the big toenail can often be avoided by appropri- Les microtraumatismes répétés des ongles des orteils entraî-
ate cutting of the nails, leaving in place the lateral parts of the nent des lésions unguéales qu’il faut absolument différencier
nail plate. d’une onychomycose.
L’incarnation de l’ongle du gros orteil pourrait souvent être
évitée par une coupe adaptée des ongles, laissant en place les
parties latérales de la tablette unguéale.
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Figure 3
Figure 2 Onycholyse par manucurie abusive
Paronychie chronique avec volumineux périonyxis, absence de
cuticule et coloration verdâtre des parties latérales de la lame
unguéale
Figure 5
Onycholyse psoriasique de coloration jaune avec coloration jaune
orangée du lit unguéal, et dépressions ponctuées par atteinte
matricielle
Figure 6
Onycholyse psoriasique avec hyperkératose sous-unguéale Figure 8
micassée, liseré érythémateux Trachyonychie
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7. L’onychotillomanie est un tic fréquent dont les symptômes
stéréotypés sont rarement reconnus.
L’onychophagie est rare chez l’adulte ; elle est fréquente chez
l’enfant souvent spontanément résolutive et se manifeste par
des ongles courts et des excoriations péri-unguéales.
Chez l’adulte le refoulement maniaque des cuticules des pouces
est fréquent et se manifeste par des barres transversales
médianes successives (figure 10), témoignant des traumatis-
mes matriciels infligés en général par l’index de la même main
qui vient régulièrement repousser la cuticule du pouce [4]. Il
peut aussi s’agir d’une fente médiane de l’ongle avec barres
obliques latérales (aspect en sapin de Noël) due à l’appui
répétitif de l’index sur la région lunulaire du pouce (dystrophie
canaliforme de Heller) (figure 11). L’affection guérit sans
Figure 9 séquelles à l’arrêt des traumatismes, qui peut être aidé par le
Lichen avec hyperstriation longitudinale rétractile, port de pansement.
amincissement des lames unguéales 8. Toute onychopathie des orteils n’est pas mycosique.
Il ne faut donc pas traiter sans preuve par des traitements
antifongiques locaux voire systémiques toute atteinte unguéale
craindre un lichen potentiellement destructeur (figure 9) dont des orteils. Le diagnostic doit être confirmé et le traitement
le traitement peut être urgent afin d’éviter des séquelles adapté à l’agent pathogène responsable. L’onychomycose des
définitives pouvant aller jusqu’à l’anonychie [3]. Il faut orteils est certes une affection fréquente, mais les atteintes
pratiquer une biopsie pour vérifier le diagnostic et discuter unguéales dégénératives et/ou dues à des microtraumatismes
une corticothérapie générale. répétés sont aussi habituelles. Les deux pathologies peuvent
Figure 10 Figure 11
Refoulement maniaque des cuticules avec multiples dépressions Dystrophie canaliforme de Heller par appui de l’index sur la
transversales médianes, macro-lunule région lunulaire
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Figure 12
Onychomycose dermatophytique avec travées longitudinales Figure 14
jaunes Onycholyse latérale du gros orteil par frottement
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Figure 15
Désaxation congénitale des ongles des deux gros orteils
Figure 18
Onychopapillome avec érythronychie longitudinales,
hémorragies filiformes et lésion kératosique sous-unguéale
distale
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Figure 20
Nævus matriciel de l’enfant
Figure 19
Exostose sous-unguéale
a : lésion sous-unguéale kératinisée du gros orteil.
b : aspect radiographique.
Figure 21
Mélanonychie longitudinale hétérochrome s’élargissant.
Mélanome in situ
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Figure 22
Maladie de Bowen : lésion verruqueuse chronique du sillon
Figure 23
latéral Mélanome achromique : lésion bourgeonnante suintante avec
suppuration intermittente ayant détruit l’appareil unguéal
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malformations unguéales (anonychie, hypoplasie unguéale)
chez l’enfant (agénésie de la phalangette, bifidité ou autre
anomalie).
5. L’échographie et l’IRM de haute résolution sont utiles au
diagnostic précis de certains processus expansifs de
l’appareil unguéal (figure 17 bis) [13].
6. La biopsie ou la biopsie exérèse (pour les lésions pigmentées
matricielles) est indispensable pour le diagnostic des lésions
tumorales, utile au diagnostic de certaines onychopathies
inflammatoires (lichen), des dermatoses de localisation
unguéale (maladies bulleuses péri-unguéales), des mala-
dies systémiques avec localisation à l’appareil unguéal
(connectivites, sarcoïdose. . .).
Traitements : 6 messages
1. L’éviction des contacts avec l’eau et l’humidité par le port
d’une double paire de gants (coton plus gants imperméables
[latex, vinyl, plastiques]) pour tous les travaux humides
et/ou caustiques, y compris l’épluchage alimentaire, est
utile voire indispensable à la guérison de nombreuses
pathologies unguéales des mains.
Lorsque les ongles sont décollés, les contacts avec l’eau et
l’humidité favorisent et entretiennent le décollement, la
macération sous-unguéale, les surinfections candidosiques ou
à pyocyanique. En cas de paronychie avec rupture de la barrière
cuticulaire, l’humidité entretient l’affection. Les eaux
« ménagères » pénètrent sous la face ventrale du repli sus-
unguéal générant des phénomènes inflammatoires et
immuno-allergiques.
2. Le découpage régulier des ongles décollés à ras en cas
Figure 24 d’onycholyse permet d’éviter toute traction sur l’ongle, toute
a et b : kératome ou cor sous-unguéal du gros orteil, douloureux à
macération sous-unguéale et permet d’appliquer les
la pression
traitements locaux sur le lit même de l’ongle.
3. La corticothérapie générale « de blocage » est le traitement
urgent des lichens unguéaux agressifs qui vont aboutir à une
destruction unguéale définitive.
4. Une coupe adéquate des ongles des gros orteils permet de
prévenir l’incarnation.
4. Une radiographie face et profil de la phalange distale L’ongle est une plaque de kératine dure qui maintient en place
concernée est nécessaire à de nombreux diagnostics : les parties molles péri-unguéales. Si l’ongle est coupé en biais
au cours des tumeurs bénignes (figure 19 bis) (exostose, sur le côté, les replis latéraux recouvrent l’espace laissé et lors
ostéome ostéoïde, ostéolyse du kératoacanthome, simple de la repousse de l’ongle quelques semaines plus tard celui ci
empreinte de la corticale par compression tumorale, s’y incarne. L’ongle doit être court au milieu pour ne pas buter
arthrose de l’articulation inter-phalangienne distale ayant dans l’extrémité de la chaussures mais les angles latéraux
favorisé l’apparition d’un pseudo-kyste mucoïde), ostéo- doivent être en place.
lyse des tumeurs malignes localement évoluées 5. Le traitement des onychomycoses doit comprendre l’exa-
(carcinome) ; men et la prise en charge d’une onychomycose de
en cas d’ongle en pince (dégénérescence arthrosique l’entourage si nécessaire, une désinfection des chaussures,
déformant la matrice unguéale aux doigts, hyperostose une durée de traitement suffisante compte tenu de la
de la base de la phalange et/ou de la houppe lenteur de la pousse unguéale aux orteils (12 mois pour le
phalangienne dans les ongles en pince des gros orteils) ; gros orteil).
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On associe le plus souvent un traitement systémique adapté 6. Le traitement des dystrophies unguéales mécaniques
(terbinafine, fluconazole, itraconazole) à un traitement local par microtraumatismes répétés doit comprendre un
(solution filmogène : amorolfine, ciclopirox) qui sera donc bilan podologique et le port de corrections adaptées si
prolongé (six mois aux doigts, environ 12 mois aux orteils). Une nécessaire.
avulsion avulsion chimique ou chirurgicale est parfois néces-
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en
saire (formes avec hyperkératose sous-unguéale majeure, relation avec cet article.
moisissures).
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