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Presse Med.

2014; 43: 1267–1278 en ligne sur / on line on


ß 2014 Publié par Elsevier Masson SAS. www.em-consulte.com/revue/lpm
www.sciencedirect.com PATHOLOGIE UNGUÉALE

Dossier thématique

Mise au point
Les messages clés en pathologie unguéale

Sophie Goettmann

Hôpital Bichat, service de dermatologie, consultation de pathologie unguéale, 46, rue


Henri-Huchard, 75018 Paris, France
Disponible sur internet le :
23 octobre 2014 sophie.nail@gmail.com

Key points Points essentiels

Key messages in nail disease Les pathologies unguéales sont variées, de diagnostic souvent
difficile.
Nail diseases are varied, and their diagnosis is often difficult. L’errance diagnostique peut conduire à la méconnaissance
Misdiagnosis can result in failure to recognize a severe disease d’une pathologie sévère dont le traitement est urgent et à
in urgent need of treatment and in the prescription of treat- la prescription de traitements inadaptés, longs, inefficaces et
ments that are inappropriate, long, ineffective, and expensive. coûteux.
Acute paronychia must be managed rapidly, treated with Une paronychie aiguë doit bénéficier d’une prise en charge
antiseptics several times a day, and closely monitored. rapide, de soins antiseptiques pluriquotidiens et d’une surveil-
Nail lichen must be recognized early and treated rapidly and lance étroite.
appropriately to prevent permanent scarring. Un lichen unguéal doit être reconnu précocement et bénéficier
All chronic pain (to shocks or cold) of the tip of a finger or toe rapidement d’un traitement adapté pour éviter des lésions
should suggest a glomus tumor. cicatricielles définitives.
Any unexplained persistent single-finger onychopathy should Toute douleur chronique (aux chocs, au froid) d’une extrémité
in principle cause the physician to suspect a tumor, carcinoma, digitale fera évoquer une tumeur glomique.
or melanoma and to order a histologic examination. Toute onychopathie monodactylique inexpliquée, traînante,
An onychopathy must not be treated as an onychomycosis doit de principe faire suspecter une prolifération tumorale,
without diagnostic certainty. carcinome, mélanome et conduire à un examen histologique.
Repeated microtraumas of the toenails cause injuries that Une onychopathie ne doit pas être traitée comme une ony-
absolutely must be differentiated from onychomycosis. chomycose en l’absence de certitude diagnostique.
In growth of the big toenail can often be avoided by appropri- Les microtraumatismes répétés des ongles des orteils entraî-
ate cutting of the nails, leaving in place the lateral parts of the nent des lésions unguéales qu’il faut absolument différencier
nail plate. d’une onychomycose.
L’incarnation de l’ongle du gros orteil pourrait souvent être
évitée par une coupe adaptée des ongles, laissant en place les
parties latérales de la tablette unguéale.
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tome 43 > n811 > novembre 2014


http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2014.06.015
S Goettmann

L a pathologie unguéale est un vaste domaine. L’ongle


possède ses propres pathologies mais peut être le siège de
sur certains terrains. En l’absence d’amélioration sous 48 heures,
l’évacuation d’une collection nécessitant une avulsion unguéale
partielle et/ou une excision des tissus infectés s’impose.
Le diagnostic différentiel se pose avec une paronychie
presque toutes les maladies dermatologiques. Malgré cela,
herpétique (apparition retardée de vésicules groupées en
quelques éléments clés doivent permettre de « débrouiller »
bouquet, nécessité d’un cytodiagnostic), un psoriasis pustuleux
la pathologie unguéale courante et d’éviter la méconnaissance
(faux panaris), moins douloureux, où les pustules sont
d’une pathologie infectieuse aiguë, d’une maladie inflamma-
aseptiques.
toire sévère, d’une tumeur maligne à traiter rapidement.
2. L’association d’une paronychie subaiguë et d’une onycho-
lyse d’un doigt doit faire évoquer une candidose, une
Diagnostic clinique : 16 messages onychomycose à moisissures (fusariose), un psoriasis
1. Une paronychie aiguë d’un doigt doit être prise en charge pustuleux (surtout si l’évolution se fait par poussées avec
rapidement et surveillée. pustules).
La paronychie bactérienne aiguë se manifeste par une Le prélèvement mycologique et/ou une biopsie confirment le
inflammation aiguë douloureuse du repli sus-unguéal et/ou diagnostic.
d’un repli latéral ; elle fait souvent suite à une excoriation péri- 3. La paronychie chronique est une maladie professionnelle.
unguéale, à l’arrachage d’une « envie » quelques jours avant Elle survient chez des patients dont les mains sont exposées à
(staphylocoque, streptocoque, gram-) (figure 1). Elle doit l’eau et à l’humidité (ménagères, cuisiniers, barman. . .) dans
être immédiatement traitée par des bains antiseptiques les suites de la rupture de la barrière cuticulaire qui sertit le repli
pluriquotidiens ; une antibiothérapie est discutée, indispensable sus-unguéal, autorisant ainsi le passage de substances diverses
sous ce repli, vers la région matricielle.
La symptomatologie est celle d’un périonyxis chronique mono-
ou pauci-dactylique où le repli sus-unguéal est tuméfié,
inflammatoire parfois prurigineux, émaillé de poussées aiguës
avec suintement, voire émission de liquide puriforme à la
pression du repli sus-unguéal [1]. La lame unguéale est barrée
de strates transversales, de coloration brun verdâtre sur ses
parties latérales (figure 2). L’affection est finalement de triple
étiopathogénie : candidosique, bactérienne et immuno-
allergique.
En attendant la guérison complète avec réapparition de la
sertissure de l’ongle par la cuticule, l’éviction de l’eau et de
l’humidité par le port d’une double paire de gants, coton et
imperméable (plastique, latex ou vinyl) est absolument
indispensable. Les traitements antiseptiques, antifongiques
et les dermocorticoïdes complètent ces mesures. Un arrêt de
travail peut être nécessaire.
4. L’onycholyse d’un ou de plusieurs doigts est un motif
fréquent de consultation en pathologie unguéale.
La manucurie abusive (détachement de l’ongle par le passage
régulier de la lime dessous) (figure 3), l’onycholyse candido-
sique avec ou sans périonyxis (figure 4), le psoriasis (figure 5)
sont les principales causes d’onycholyse (décollement de
l’ongle). Le découpage à ras, régulier des ongles, l’éviction de
l’eau sont des mesures indispensables à la guérison, en plus du
traitement spécifique à appliquer sur le lit de l’ongle mis à nu
par le découpage (antifongiques, dermocorticoïdes ou calcipo-
triol, en fonction de l’étiologie).
5. Le psoriasis unguéal est fréquent et ne doit pas être
confondu avec une mycose.
Figure 1 Touchant surtout les ongles des mains, il se traduit par une
Paronychie staphylococcique aiguë atteinte matricielle (figure 5) (irrégularités de la surface de
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Pathologie unguéale

Mise au point
Figure 3
Figure 2 Onycholyse par manucurie abusive
Paronychie chronique avec volumineux périonyxis, absence de
cuticule et coloration verdâtre des parties latérales de la lame
unguéale

l’ongle, lignes transversales, dépressions ponctuées, ongle en


dé à coudre) et/ou une atteinte du lit de l’ongle avec
onycholyse et/ou hyperkératose sous-unguéale blanche
micassée assez caractéristique, taches saumon visibles à
travers la tablette (figure 6). Des hémorragies filiformes se
rencontrent souvent en raison des troubles de l’adhérence de
l’ongle sur son lit. L’onycholyse souvent cernée d’un liseré
érythémateux est sensible au moment des poussées.
Le psoriasis unguéal se caractérise par son polymorphisme
lésionnel dans l’espace (atteinte matricielle-atteinte du lit de
l’ongle) et dans le temps (poussées évolutives et rémissions)
[2]. L’examen histologique d’un fragment de kératine unguéale
peut être un bon élément diagnostique (parakératose, micro-
abcès de polynucléaires neutrophiles, coloration par le PAS
négative). Une surinfection fongique est possible imposant un
prélèvement mycologique au moindre doute. Les dermocorti-
coïdes, le calcipotriol, l’association des deux sont efficaces pour
les atteintes du lit et celles péri-unguéales
6. Une hyperstriation longitudinale sévère avec amincissement Figure 4
des lames unguéales, anonychie partielle et/ou totale doit Onycholyse candidosique avec hyperkératose sous-unguéale
faire évoquer un lichen. macérée
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Figure 5
Onycholyse psoriasique de coloration jaune avec coloration jaune
orangée du lit unguéal, et dépressions ponctuées par atteinte
matricielle

L’hyperstriation longitudinale des ongles est fréquente, le


plus souvent physiologique. Elle survient en général après
40 ans. Les stries longitudinales éparses des ongles des mains
sont souvent interrompues (aspect en chapelet de saucisses)
Figure 7
(figure 7).
Hyperstriation physiologique
L’hyperstriation longitudinale pathologique est faite d’une
multitude de stries longitudinales fines peu profondes donnant
un aspect dépoli à l’ongle (trachyonychie) : elle peut être due à plusieurs maladies (psoriasis, lichen, pelade) (figure 8) ; elle est
souvent temporaire surtout chez l’enfant.
Par contre, lorsque les stries sont profondes d’aspect rétractile
avec multiples fissures, amincissement des ongles, il faut

Figure 6
Onycholyse psoriasique avec hyperkératose sous-unguéale Figure 8
micassée, liseré érythémateux Trachyonychie
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Pathologie unguéale

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7. L’onychotillomanie est un tic fréquent dont les symptômes
stéréotypés sont rarement reconnus.
L’onychophagie est rare chez l’adulte ; elle est fréquente chez
l’enfant souvent spontanément résolutive et se manifeste par
des ongles courts et des excoriations péri-unguéales.
Chez l’adulte le refoulement maniaque des cuticules des pouces
est fréquent et se manifeste par des barres transversales
médianes successives (figure 10), témoignant des traumatis-
mes matriciels infligés en général par l’index de la même main
qui vient régulièrement repousser la cuticule du pouce [4]. Il
peut aussi s’agir d’une fente médiane de l’ongle avec barres
obliques latérales (aspect en sapin de Noël) due à l’appui
répétitif de l’index sur la région lunulaire du pouce (dystrophie
canaliforme de Heller) (figure 11). L’affection guérit sans
Figure 9 séquelles à l’arrêt des traumatismes, qui peut être aidé par le
Lichen avec hyperstriation longitudinale rétractile, port de pansement.
amincissement des lames unguéales 8. Toute onychopathie des orteils n’est pas mycosique.
Il ne faut donc pas traiter sans preuve par des traitements
antifongiques locaux voire systémiques toute atteinte unguéale
craindre un lichen potentiellement destructeur (figure 9) dont des orteils. Le diagnostic doit être confirmé et le traitement
le traitement peut être urgent afin d’éviter des séquelles adapté à l’agent pathogène responsable. L’onychomycose des
définitives pouvant aller jusqu’à l’anonychie [3]. Il faut orteils est certes une affection fréquente, mais les atteintes
pratiquer une biopsie pour vérifier le diagnostic et discuter unguéales dégénératives et/ou dues à des microtraumatismes
une corticothérapie générale. répétés sont aussi habituelles. Les deux pathologies peuvent

Figure 10 Figure 11
Refoulement maniaque des cuticules avec multiples dépressions Dystrophie canaliforme de Heller par appui de l’index sur la
transversales médianes, macro-lunule région lunulaire
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induire des symptômes voisins : une coloration jaune des lames


unguéales, des leuconychies, une pachyonychie, une hyper-
kératose sous-unguéale, une onycholyse, une pigmentation. Un
examen clinique minutieux oriente le diagnostic qui est confirmé
par les examens complémentaires.
L’onychomycose peut s’accompagner de travées longitudinales
blanches ou jaunâtres qui remontent vers la région lunulaire, de
taches jaunes, de leuconychies nuageuses irrégulières, d’ony-
cholyse avec hyperkératose sous-unguéale jaunâtre voire
orangée friable (figure 12) [5].
Au cours des dystrophies mécaniques, la coloration jaune des
lames unguéales est plus diffuse, les leuconychies, si elles
existent, sont en bandes transversales, témoignant du
retentissement matriciel des butées de l’ongle dans la
chaussure, l’hyperkératose sous-unguéale est dure, compacte
(figure 13), et l’onycholyse est soit secondaire à l’hyper- Figure 13
kératose sous-unguéale soit sans hyperkératose sous-unguéale Hyperkératose sous-unguéale mécanique par
par simple lâchage des attaches de l’ongle sur son lit, comme on microtraumatismes répétés
l’observe dans l’onycholyse latérale du gros orteil par chevau-
chement du 2e orteil (figure 14). Il existe souvent des troubles de
la statique plantaire (orteils déformés, durillons. . .) [6]. Touchant un gros orteil ou les deux, elle se manifeste par une
Le découpage de l’ongle à la pince permet d’observer l’aspect déviation latérale de la matrice et de l’ongle qui n’est donc plus
de l’hyperkératose et de faire des prélèvements mycologiques aligné sur son lit. La lame unguéale épaisse est barrée de
voire histologiques. En effet, le prélèvement mycologique peut strates transversales et décollée à son extrémité, elle tombe de
être faussement positif ou faussement négatif et, dans les cas
difficiles, le diagnostic d’onychomycose repose sur la confron-
tation clinique, mycologique et histologique.
9. La désaxation de l’ongle du gros orteil doit être reconnue afin
de pouvoir proposer un traitement chirurgical pendant
l’enfance, si nécessaire.

Figure 12
Onychomycose dermatophytique avec travées longitudinales Figure 14
jaunes Onycholyse latérale du gros orteil par frottement
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Pathologie unguéale

Mise au point
Figure 15
Désaxation congénitale des ongles des deux gros orteils

façon répétitive (figure 15). Le bourrelet distal se relève


enclavant la tablette qui est souvent triangulaire à son
extrémité. Dans les formes sévères non régressives, une
réaxation chirurgicale peut être proposée avant l’âge adulte
[7].
10. Toute tuméfaction rénitente du repli sus-unguéal associée
à une gouttière longitudinale évoque un pseudo-kyste Figure 16
mucoïde (figure 16). Pseudo-kyste mucoïde du repli sus-unguéal et gouttière
L’arthrose de l’articulation inter-phalangienne distale peut longitudinale par compression matricielle
se compliquer de l’apparition d’un petit kyste synovial qui en se
positionnant dans le repli sus-unguéal comprime la matrice
unguéale, entraînant une gouttière longitudinale en regard.
Le suintement d’un liquide gélatiniforme, spontané ou après 12. L’association d’une ligne longitudinale rosée d’un doigt,
piqûre de la lésion, confirme le diagnostic. La lésion peut être d’une lésion cornée circonscrite sous-unguéale distale avec
inflammatoire et sensible lors des poussées [8]. Les compli- petite fissure et discrète onycholyse distale font porter le
cations sont très rares, les résolutions spontanées fréquentes. diagnostic clinique d’onychopapillome (figure 18).
Des injections intra-kystiques de sclérosant peuvent être Il s’agit d’une prolifération épithéliale bénigne fréquente
tentées dans certaines conditions. Le traitement chirurgical développée au dépend d’une crête épidermique du lit de
différé est parfois nécessaire. l’ongle. Peu gênante, l’abstention thérapeutique est habituelle.
11. Toute extrémité digitale douloureuse doit faire évoquer 13. Toute lésion sous-unguéale kératinisée, dure, télangiecta-
l’existence d’une tumeur glomique. sique, sensible à la pression, doit faire évoquer une
Il s’agit d’une lésion tumorale bénigne fréquente de l’appareil exostose sous-unguéale, surtout au gros orteil et faire
unguéal, siégeant surtout aux doigts, de symptomatologie pratiquer une radiographie de face et de profil (figure 19 et
particulière et facilement identifiable. La symptomatologie 19 bis).
douloureuse est au premier plan avec des douleurs aux chocs, à Couramment rencontrée à l’adolescence, elle se traite
la pression et au froid, à irradiations ascendantes. L’ongle peut chirurgicalement.
être normal mais il existe le plus souvent une érythronychie 14. Toute mélanonychie longitudinale mérite attention et
longitudinale (figure 17), une petite fissure distale, une tache surveillance.
violacée de la région lunulaire, plus rarement du lit de l’ongle Une mélanonychie longitudinale (ML) est une pigmentation
[9]. La radiographie peut montrer une empreinte de la corticale longitudinale de l’ongle due à l’existence d’une pigmentation
osseuse en regard de la tumeur. L’IRM de haute résolution matricielle. Elle peut correspondre à un simple foyer de
permet de mieux définir la lésion, elle est une aide pour le mélanocytes activés (ML fonctionnelle) par simple activation
chirurgien (figure 17 bis). mélanocytaire sous l’effet de divers facteurs : systémiques
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Figure 18
Onychopapillome avec érythronychie longitudinales,
hémorragies filiformes et lésion kératosique sous-unguéale
distale

Devant une mélanonychie longitudinale, il n’existe aucune


caractéristique clinique pathognomonique permettant d’affir-
mer une prolifération mélanocytaire atypique [10]. Le
Figure 17 critère clinique majeur est l’élargissement continu de la
Tumeur glomique du lit de l’ongle bande imposant une vérification histologique (exérèse
a : tache érythémateuse, douleurs aux chocs et changements de température.
totale de la tache pigmentée matricielle pour examen
b : aspect radiographique.
histologique de toute la lésion – pas de biopsie partielle).
Les aspects dermatoscopiques sont importants à considérer
(renforcements pigmentaires irréguliers à bords non para-
llèles).
(grossesse, endocrinopathies. . .), médicamenteux (chimiot- 15. Toute lésion unguéale chronique monodactylique inex-
hérapies. . .), locorégionaux (frottement. . .), surtout chez des pliquée doit faire évoquer une prolifération tumorale
patients à peau pigmentée, à phototype mat. Il peut également maligne (maladie de Bowen, carcinome ou mélanome) et
s’agir d’une prolifération mélanocytaire bénigne (lentigo, nævus), impose une caractérisation histologique.
fréquente chez l’enfant (figure 20), ou maligne (mélanome in situ La maladie de Bowen, souvent viro-induite (HPV), peut se
d’abord puis invasif) (figure 21). traduire par un aspect verruqueux du repli latéral (figure 22),
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Pathologie unguéale

Mise au point
Figure 20
Nævus matriciel de l’enfant

une fissuration du fond du sillon latéral, une lésion hyper-


kératosique sous-unguéale avec onycholyse. La lésion est
souvent sensible à la pression. En l’absence de traitement, la
lésion évolue vers un carcinome : lésion fissuraire, bourgeonnante

Figure 19
Exostose sous-unguéale
a : lésion sous-unguéale kératinisée du gros orteil.
b : aspect radiographique.

Figure 21
Mélanonychie longitudinale hétérochrome s’élargissant.
Mélanome in situ
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Figure 22
Maladie de Bowen : lésion verruqueuse chronique du sillon
Figure 23
latéral Mélanome achromique : lésion bourgeonnante suintante avec
suppuration intermittente ayant détruit l’appareil unguéal

et/ou ulcérée, péri- ou sous-unguéale, avec onycholyse en regard


[11]. Examens complémentaires : 6 messages
Le mélanome de l’appareil unguéal peut prendre des aspects
particuliers, surtout lorsqu’il est achromique et donc non 1. Le découpage simple d’un ongle décollé est une aide
pigmenté, érythronychie longitudinale, paronychie chronique, diagnostique importante.
ulcération chronique, lésion bourgeonnante ou à type de Il permet d’observer précisément l’hyperkératose sous-
botriomycome (figure 23) [12]. unguéale (jaune poudreuse friable en cas d’onychomycose,
16. Les douleurs de l’appareil unguéal sont inhabituelles. enduit sous-unguéal humide malodorant des candidoses,
La douleur unguéale d’un doigt doit évoquer : hyperkératose sous-unguéale blanche micassée du psoriasis,
 une paronychie bactérienne aiguë ; hyperkératose compacte cornée mécanique).
 une tumeur glomique avec douleur aux chocs, au froid ; Il permet de vérifier la nature hématique d’une lésion
 un kérato-acanthome sous-unguéal avec douleurs d’instal- pigmentée (hématome sous-unguéal), de découvrir une lésion
lation rapide, insomniantes, présence d’une zone ostéoly- tumorale ulcérée ou végétante sous-jacente.
tique à la radiographie ; 2. Un prélèvement mycologique est nécessaire pour porter le
 la sensibilité des onycholyses ; diagnostic précis d’une onychomycose et proposer un choix
 la sensibilité à la pression de la maladie de Bowen. thérapeutique judicieux.
Il doit être fait par une personne entraînée, à la jonction ongle
La douleur unguéale d’un orteil doit évoquer : sain ongle pathologique et nécessite souvent un important
 une incarnation latérale de l’ongle du gros orteil ; découpage de l’ongle.
 un ongle en pince avec incarnation secondaire ; 3. L’examen histologique d’un fragment de kératine unguéale
 un kératome ou cor sous-unguéal avec lésion circonscrite est un examen simple surtout utilisé pour le psoriasis
sous-unguéale souvent hémorragique, visible à travers la (parakératose, micro abcès de polynucléaires neutrophiles,
lame, et hallux erectus fréquent (figure 24 et 24 bis) ; coloration PAS–) et l’onychomycose (filaments mycéliens au
 une exostose : douleur à la pression. sein des couches de kératine, PAS+).
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Pathologie unguéale

Mise au point
 malformations unguéales (anonychie, hypoplasie unguéale)
chez l’enfant (agénésie de la phalangette, bifidité ou autre
anomalie).
5. L’échographie et l’IRM de haute résolution sont utiles au
diagnostic précis de certains processus expansifs de
l’appareil unguéal (figure 17 bis) [13].
6. La biopsie ou la biopsie exérèse (pour les lésions pigmentées
matricielles) est indispensable pour le diagnostic des lésions
tumorales, utile au diagnostic de certaines onychopathies
inflammatoires (lichen), des dermatoses de localisation
unguéale (maladies bulleuses péri-unguéales), des mala-
dies systémiques avec localisation à l’appareil unguéal
(connectivites, sarcoïdose. . .).

Traitements : 6 messages
1. L’éviction des contacts avec l’eau et l’humidité par le port
d’une double paire de gants (coton plus gants imperméables
[latex, vinyl, plastiques]) pour tous les travaux humides
et/ou caustiques, y compris l’épluchage alimentaire, est
utile voire indispensable à la guérison de nombreuses
pathologies unguéales des mains.
Lorsque les ongles sont décollés, les contacts avec l’eau et
l’humidité favorisent et entretiennent le décollement, la
macération sous-unguéale, les surinfections candidosiques ou
à pyocyanique. En cas de paronychie avec rupture de la barrière
cuticulaire, l’humidité entretient l’affection. Les eaux
« ménagères » pénètrent sous la face ventrale du repli sus-
unguéal générant des phénomènes inflammatoires et
immuno-allergiques.
2. Le découpage régulier des ongles décollés à ras en cas
Figure 24 d’onycholyse permet d’éviter toute traction sur l’ongle, toute
a et b : kératome ou cor sous-unguéal du gros orteil, douloureux à
macération sous-unguéale et permet d’appliquer les
la pression
traitements locaux sur le lit même de l’ongle.
3. La corticothérapie générale « de blocage » est le traitement
urgent des lichens unguéaux agressifs qui vont aboutir à une
destruction unguéale définitive.
4. Une coupe adéquate des ongles des gros orteils permet de
prévenir l’incarnation.
4. Une radiographie face et profil de la phalange distale L’ongle est une plaque de kératine dure qui maintient en place
concernée est nécessaire à de nombreux diagnostics : les parties molles péri-unguéales. Si l’ongle est coupé en biais
 au cours des tumeurs bénignes (figure 19 bis) (exostose, sur le côté, les replis latéraux recouvrent l’espace laissé et lors
ostéome ostéoïde, ostéolyse du kératoacanthome, simple de la repousse de l’ongle quelques semaines plus tard celui ci
empreinte de la corticale par compression tumorale, s’y incarne. L’ongle doit être court au milieu pour ne pas buter
arthrose de l’articulation inter-phalangienne distale ayant dans l’extrémité de la chaussures mais les angles latéraux
favorisé l’apparition d’un pseudo-kyste mucoïde), ostéo- doivent être en place.
lyse des tumeurs malignes localement évoluées 5. Le traitement des onychomycoses doit comprendre l’exa-
(carcinome) ; men et la prise en charge d’une onychomycose de
 en cas d’ongle en pince (dégénérescence arthrosique l’entourage si nécessaire, une désinfection des chaussures,
déformant la matrice unguéale aux doigts, hyperostose une durée de traitement suffisante compte tenu de la
de la base de la phalange et/ou de la houppe lenteur de la pousse unguéale aux orteils (12 mois pour le
phalangienne dans les ongles en pince des gros orteils) ; gros orteil).
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On associe le plus souvent un traitement systémique adapté 6. Le traitement des dystrophies unguéales mécaniques
(terbinafine, fluconazole, itraconazole) à un traitement local par microtraumatismes répétés doit comprendre un
(solution filmogène : amorolfine, ciclopirox) qui sera donc bilan podologique et le port de corrections adaptées si
prolongé (six mois aux doigts, environ 12 mois aux orteils). Une nécessaire.
avulsion avulsion chimique ou chirurgicale est parfois néces-
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en
saire (formes avec hyperkératose sous-unguéale majeure, relation avec cet article.
moisissures).

Références
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tome 43 > n811 > novembre 2014

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