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Presses Universitaires de France

Les premiers moteurs d'Aristote


Author(s): A.-J. Festugière
Source: Revue Philosophique de la France et de l'Étranger, T. 139 (1949), pp. 66-71
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41087188
Accessed: 16-10-2015 19:58 UTC

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66 REVUE PHILOSOPHIQUE

feet neutralisése masque derrièrel'intellectualisation de la réaction


commedans l'embarras,la perplexité, le doute. Encore,dans tous ces
cas, plusl'attituderéactionnelletardeà se différencier,plusle caractère
anxieuxde l'expériencevécue tendà se prononcer. Enfin,si les ajuste-
mentsacquis tendentà affranchir la consciencede l'angoisse,toute
situationdifficileou imprévue, touteprédisposition ancienneou récente
tendentà multiplierpour la conscienceles occasionsde la régression
anxieuse.
En résumé,on a depuislongtemps émisl'hypothèse que la conscience,
dans sa formeprimitive, devait êtrede natureaffective ; beaucoupde
faitsd'ordregénétiquevontdans ce sens,commepar exemplel'évolu-
tionde la sensibilitédu protopathique à l'épicritique
; la consciencepri-
mitivese confondrait avec la subjectivitéémotionnelle ; la précession
de l'affectivitén'est donc pas une nouveauté.Mais le rapprochement
des conditionsde la prisede conscienceet des conditionsde l'angoisse
apporteune précisionnouvelle.Non seulement l'angoisseest consciente,
ce qu'il n'est pas inutilede rappeler,mais la consciencenaissanteest
angoisse. L'angoisse serait le nom du noyau d'expérienceaffective
autourduauel s'édifiela "personnalité.
Daniel Lagache.

Les premiersmoteursd'Aristote1

M. Merlans'attaque une fois de plus au fameuxproblèmedes 47


(ou 55) premiersmoteursdans la Métaphysique d'Aristote(A 8) et
il en apporteune solutioningénieuseet nouvelle.Depuis les travaux
de Jaeger(Aristoteles, Berlin,1923; Londres,1934) et de v. Arnim
(surtoutEudemische EthikundMetaphysik, S. B. Wien,1928; Die Ent-
stehung derGotteslehre desAristoteles, S. B.Wien, 1931),on admetgéné-
ralementqu'Aristotea commencépar la notiond'un PremierMoteur
unique,puis que, sous l'influencedes doctrinesastronomiques de son
temps(Callippe)qui expliquaientles « aberrations » desplanètespar des
mouvements sphériquesde mêmecentre,maisd'axes différents, il aurait
été conduità reconnaître autantde premiersmoteursqu'il y avait de
pareilscercles,soit47 o.u55. De là l'insertiontardivede ce chapitre8 en
A. Cettethéorieavait deux conséquences.D'une part, Phys. 0 étant
généralement tenu pour antérieurà Met. A, les allusions à des mo-
teursmultiplesen Phys.0 6 (258b lleíxe evetTeTrXeiu), 259 a 7 ei ev• et
Bè7iXet(o, xà áíBta)sontdes additionspostérieures
7uXeu*> ; et il en va de
mêmede la seuleallusionà des moteursmultiplesdansMet.A en dehors
du chapitre8, savoirA 6, 1071b 20 Iti toívuv TauTocçSetxàç ouaíaçeîvat

1. Philip Merlan, Aristotle'sUnmovedMovers,ap. Traditio.Studies in


ancientand medieval"" orytThoughtand Religion,IV, 1946,p. 1-30.

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NOTES'ETDOCUMENTS 67

aveu tíXij;• ái&fooç •


y*p Set, e? itépye xat aXXort átStov evepyeta (ou
èvépyetat Eyp : evepyeta Ross) apa. D'autre part, comme,en A 8 lui-
même,le passage 1074 a 31-38 (Sri Zi efçoupavóç,cpavepòv... elç apa
oOpavòç qui conclutà l'unicitédu PremierMoteur,est en contra-
fjidvoç),
dictionformelle avec le restedu chapitre,ce passageestou bienune cor-
rectiontardiveau chapitre8 ou, au contraire, une reliquede la version
originalede A, inséréeici à torton ne sait par qui ni pourquoi.
Telle est,en bref1,la solutionclassiquedu problème.Elle élimineen
quelque sorte les incohérencespar le recoursfacile aux additions.
D'autre part,elle a le méritede discerner dans l'œuvred'Aristoteune
évolutionrelativement plausible.
La méthodede M. Merlanest toutediverse.Il maintient- • et c'est
assurément un avantage- le textede Met.A dans sonunité.Il montre
que,dans ce livreA, le chapitre8 nonseulementn'estpas contradictoire
au reste,mais bien exigépar le reste.Et il montreque, dans ce cha-
pitre8, le passagedivergent(1074a 31-38)faitcorpsavec l'ensembledu
chapitreet n'en peut êtredétaché.
Sa thèsepeut se résumeren deux points:
I. - La doctrinedes premiers moteursimmobiles est étroitement liée,
chezAristote, à la doctrineplatonicienne des NombresIdéaux.
II. - -Elle a donc,avanttout,valeurmétaphysique, nonthéologique,
et, dès lors,les difficultés et contradictions apparentesqu'elle implique
n'ont pas, aux yeux d'Aristote,l'importanceque leur prêtentles mo-
dernes(p. 2).
Voyonstourà tources deux points.
I (1). - A commence parune classification des oJ<r(ai.Il y en a trois:
deux sensiblesqui se subdivisenten périssableet éternelle; une troi-
sième,immobileet séparée,qui correspond, selon les uns, aux Formes
et aux essencesmathématiques, selonles autres,aux essencesmathéma-
tiquesseulement.Les deuxpremièresoùaÉat ressortissent à la physique
puisqu'ellesimpliquent le mouvement ; la troisième ressortit à uneautre
science(1069a 30-b2).
Cette divisionrappelle celles de l'Académie,soit chez Platon lui-
même: (a) Sensible,(b) Essencesmathématiques, (c) Formes,soit chez
d'autresplatoniciens: (a) Sensible,(b) Formes= Essencesmathéma-
tiques,ou : (a) Sensible,(b) Essencesmathématiques. Elle rappelleplus
particulièrement la classificationde Xénocrate (fr.5 et 75 H.) : (a) objets
de sensation= êtressublunaires,(b) objetsd'opinion= corpscélestes,
(c) objetsde science= êtressupracelestes.
Aristoteet les platoniciensse trouventdonc devantun mêmepro-
blème: étantdonné- •c'estle dogmeplatoniciende base - que les êtres
se différencient radicalement selonles attributsde « périssable,mobile,
nonséparé» d'une part,« éternel,immobile,séparé» d'autrepart,com-

1. Et moyennant desdivergences surlesquellesil


entreJaegeret v. Arnim
n'ya pas lieude s'arrêter
ici.

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68 KEVUE PHILOSOPHIQUE

mentdistribuerces attributsentreles trois classes? On voit alors :


(1) qu'Aristotefaitpasserdans la catégoriedu mû la classe intermé-
diairequi, chez Platon,ressortissait à l'immobile: les objetsde l'astro-
nomieremplacent les objetsdes mathématiques, et l'on a désormaisles
troissciences: théologie,astronomie, physique (2) que ce qui corres-
;
pondà la classe des Formeschez Platon est la classedes premiersmo-
teurschezAristote, à la condition toutefoisque les Formessoienttenues,
commeil semblebien qu'ellesl'aientété dans la dernièrephase du pla-
tonisme,pourdes NombresIdéaux.
(2). - Ces postulatsadmis,considérons les premiers moteursde A 8
et voyonscomment on peutles assimilerà des NombresIdéaux.En quoi
les NombresIdéaux se distinguent-ils entreeux? Nonparla matière: ils
sontimmatériels, et d'ailleursla doctrinede l'individuation par la ma-
tièreestpurement aristotélienne.Ils diffèrent parceque chaqueNombre
estuniquedanssonespèce: chacund'eux,danssonindividualité propre,
constitueune espèce.Or,tel estbienle caractèreaussides premiers mo-
teurs.Car ceux-cinon plus n'ontpas de matièreet constituent comme
autantd'espèces.Maisencore: espècesde quel genre?Et quelleseraleur
différence spécifiqueà l'intérieur du mêmegenre« PremierMoteur»?
C'estici que l'analogieentreNombresIdéaux et PremiersMoteursest
remarquable.PourPlaton,les nombres(nonplusque les figures) ne font
pas partied'un genre,maisd'unesérie,carils ne se distinguent entreeux
que par un élémentde position,l'antérieur-postérieur, qui se définit
ainsi : a est antérieurà b si a peut existersans b alorsque b ne le peut
sans a. Or,le cas des PremiersMoteursest toutsemblable.Le moteur
d'une sphèreplusélevéeestantérieur au moteurd'unesphèreplusbasse
en ce sens que le premieragit surle secondsans que le secondréagisse
surle premier.Ces diversmoteursforment nonun genre,maisune série
selonl'antérieur-postérieur. Il n'y a donc pas plus de genre« Premier
Moteur» qu'il n'y a de genre« NombreIdéal » ; dèslors,les premiers mo-
teurs,commeles NombresIdéaux, peuventêtrestrictement immaté-
rielset en mêmetempsdifférer les uns des autressans êtredes espèces
au sens aristotélicien, c'est-à-diresans se distinguerspécifiquement à
l'intérieurd'un mêmegenre.
(3). - Cecidit,il n'estpas vain de se demanderquel estle nombredes
premiersmoteurs.Répondreà un tel problème,c'est faireavancerla
connaissance de la classesupérieuredes êtres,de I'oÙgìoc Aris-
áxívTjToç.
tote a conscienceici de se rattachertrèsdirectement aux doctrinesde
ses prédécesseurs. (Je résume3, 1073 a 14-22) : « Sur le nombredes
7cpcÜTai les
ouffiat, prédécesseurs n'ontriendit de clair.La doctrinedes
Formesne comportepas sur ce pointde recherche propre.Car,si ceux
qui parlentde Formesont dit que les Formesétaientdes Nombres,ou
bienils tiennentces Nombrespourinfinis, ou bienils s'arrêtentà la dé-
cade : maispourquoion s'arrêteà ce chiffre, rienn'a étéditlà-dessusqui
ait valeurdémonstrative. » En d'autrestermes: « Ce que mesprédéces-
seursn'ontpas su dire,moije vais le montrer. » H y a donclà, aux yeux

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NOTES ET DOCUMENTS 69

d'Aristote,un progrès,et l'aporie soulevéeen A 8 a légitimement sa


place dans l'ensembledu livre(Merlan,l. c, p. 3-12).
(4). - Reste, dans ce chapitre,la difficulté que présentela sec-
tion 1074a 31-38.Selon M. Merlan,loind'êtreen contradiction avec le
restedu chapitre,cettesectiony est requisepar la démarchemêmedu
raisonnement.
Aristotes'estproposéde déterminer le nombredes premiers moteurs:
ils sont 47 ou 55. Il établitalors que ce nombrene peut êtreaccru
(1074a 17 ss.), et il le montrepar deux preuves:
(A) Notremonde,ne comportant que 47 ou 55 mouvements éternels
et indépendants, n'admetaussi que 47 ou 55 premiers moteurs,car ceux
qu'on imagineraiten surplusseraientdépourvusde fonction,puisque
iravto cpépov toucpepopivou X*Plv raçuxe(1074a 17-31).
(B) II n'ya pas d'autremondeque notremonde,ensortequ'il n'ya pas
d'autrespremiers moteursqueles 47 ou 55 de ce monde-ci(1074a 31-38).
Le reste(1074b 1-14)formel'épiloguedu chapitreentier,en sorteque
ouTot(1074b 2) ne se rapportepas nécessairement aux ôeïa <j(í)|xaTa
des
lignes1074a 30-31(ce qui impliqueraitque l'entre-deux, 1074a 31-38,
est une interpolation rompantla suitedu texte),mais concerned'une
façongénéraleles premiersmoteursdontil a été questiondanstoutle
chapitre(Merlan,p. 12-14).
II. - Si le passage1074a 31-38faitcorpsavec A 8, s'il n'est pas une
correction « monothéiste » à ce chapitre,on ne peut plus douterque le
chapitre 8 n'ait une couleur nettement polythéiste ou « polycinétique ».
Et, dès lors,la difficulté n'en apparaîtque plus grandede concilierle
chapitre8 avec le restede A (ch. 6-7, 10). Car ce restene témoigne-t-il
pas en faveurd'un Aristotemonothéiste? Mais on peut renverser les
termesdu problème.Au Heudé corsidérerle chapitre8 à la lumièredes
chapitres6-7, 10, et de constaterune différence, on peut considérer ces
chapitres6-7, 10, à la lumièredu chapitre8 et se demandersi ces cha-
pitresne dénotentpas des ressemblances (Aristotey faisantdéjà men-
tiond'une multiplicité de substancespremières immobiles)ou du moins
unedoctrinequi n'a riende contradictoire avec celledu chapitre8.
(1). - Reprenonsdoncles chapitres6-7.Le mouvement du mondeest
éternelet continu: il fautdoncun xivtjtixóv éternel(1071 b 4-11). Mais
ce xivtjtixóv doit êtreaussi éternellement en acte. Il ne suffitpas de
poserdessubstances (ouataç1071b 14) éternelles,commeles Formesou
touteautresubstanceéternelleà côtédes Formes(= les essencesmathé-
matiques,1071b 16) si ces substancesne sontpas actives,ou si, étant
actives(1071b 11-17),ellesne sontpas en acte (1071b 17-20). Il faut
donc aussi que ces substances* (ouctaç1071 b 21) soientsans matière,
puisqu'ellesdoiventêtreéternelles : ce sontdoncdes actespurs(âvepYeia,
EïP : èvépyeta Ross, 1071b 22).
On a ici des pluriels,et c'est purarbitraire que d'exciser,avec Arnim,
cettephrase1071 b 20-22sous le prétextequ'elle impliqueplus d'un
premiermoteur.

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70 REVUE PHILOSOPHIQUE

La suite(6, 1071b 22 - 7, 1072b 13) concerneplusparticulièrement


le PremierCiel*, puis le moteurde ce PremierCiel et le modede son
action motrice.Rien ici n'est contradictoire à l'idée de moteursmul-
à
tiplesagissant l'égard de leursphère comme le moteurdu PremierCiel
à l'égardde la sienne.
C'est seulementavec la sectionsuivante(7, 1072b 13-30)que ce mo-
teurdu PremierCiel est assimiléà Dieu. Or, les propriétésqu'on lui
attribuenous semblent,à nous modernes, ne pouvoirs'appliquerqu'à
un Dieu unique. Mais M. Merlana beau jeu de montrer(p. 17) que ces
mêmesconditionsde vie bienheureusecaractérisent indifféremment,
chez Aristote,Dieu ou les dieux (v. gr. de Caelo I, 9, 279 a 18 ; Eth.
Nie. 8, 8, 1178b 7).
A la findu chapitre7 (1073a 3-13),Aristoterésumeles enseignements
des chapitres6-7. Il estdoncprouvéqu'il existeunesubstance(ou classe
de substances)éternelle,immobile, séparée,sans grandeur,sans parties,
indivisible, impassible et inaltérable. La questionse pose toutnaturel-
lementde savoirsi cetteclasse d'entitésne comportequ'un individu
unique ou si elle en comporteplusieurs.Entreles chapitres6-7 et le
chapitre8, la cohérenceest parfaite(Merlan,/.c, p. 14-18).
(2). - Que fairealors de l'affirmation monothéiste qui clôt le cha-
pitre 10 : eïç e<rr<i>?
xoipocvoç Au vrai, cette affirmation n'a pas la portée
qu'on lui prête.Elle se réfèreaux opinionsqu'Aristotecritiqueen ce
chapitre10, singulièrement à la dernière,celle de Speusippe,critiquée
en 1075b 37-1076a 5. Speusippemeten têtedes êtresles nombresma-
thématiques (nonIdéaux),puis,à partirde cettepremière classed'êtres,
il énumèreune suited'autresclassesqui n'ontpas de rapportentreelles,
car chacunecomporteses principespropresqui ne valentque pourelle.
Une tellereprésentation du mondea quelque chosed' « épisodique» (les
scènesdu dramene sontpas reliéesentreelles),puisqu'ellesupposeune
multiplicité de principesnonconnexes.« Or,la réalitén'admetpas d'être
mal gouvernée.Il n'est pas bon d'avoirdes chefsmultiples: qu'il n'y
ait qu'un seul chef.» Dans ce contexte,on le voit,le proposn'a qu'une
portéelimitée,et il ne concerneaucunementla théologie,pas plus que
n'est« théologique» l'opinionde Speusippeici critiquée(/.c, p. 18-24).
En conclusion(p. 24-28),M. Merlanmontre(1) que, si, en Met. A,
Aristoteest très soucieuxd'établirl'existenced'une oûdtadivine,il
l'est bien moinsde prouverque cetteouatadivine est numériquement
une : ce qu'il rejettecomme|/.u8txu>ç, c'est la notionanthropomorphe
de la Divinité(8, 1074b 3-10),maisil ne répugneaucunementà conce-
voirdes dieuxmultiples- en quoi d'ailleursil s'accordeavec le courant
normalde la penséereligieusegrecque(l. c, p. 25,n. 92) ; (2) que l'autre

1. Encoreest-ilque les changementsdiversdu mondesublunairerequièrent,


outrele PremierCiel,le Ciel planétaireet ses mouvementsdivers,ce qui im-
plique nécessairement une multiplicitéde premiersmoteurs,1072 a 7-18.
sa
M. Merlana glisséà tortsur ce passage (cf.l. c, p. 16) qui eût confirmé
ttese. Cf.Phys.,@ 6, 259 b 29-31,

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NOTES ET DOCUMENTS 71

texte important sur le Premier Moteur (Phys., @ 6) manifeste,sur ce


point, une même hésitation. D'un mot, la théologie d'Aristote pourrait
être définie « a de-anthropomorphisizedpolytheism».
Il y aurait long à dire sur la solution qu'apporte M. Merlan à ce pro-
blème célèbre dans l'histoirede l'aristotélisme. Si on l'accepte, il y aura
lieu de reviserl'idée qu'on se fait aujourd'hui de l'évolution d'Aristote.
On n'aurait pas de peine à montrerqu'il y a toujours eu chez le Stagi-
rite,à côté du courant monothéiste,un courant polythéiste.Dès le rapt
<piXo<jo<piaç,cf. les fr. 23, 24, 26 Rose. Puis dans le de Cado,
où l'on néglige ordinairement1un curieux passage qui pourtant présen-
tait déjà bien des difficultésà Simplicius. Aristotevient d'établir (I, 9)
que le Ciel est unique, seul de son espèce et complet (279 a 11) parce
qu'il ramasse en lui-même tout ce qu'il y a de matière, de sorte qu'en
dehors de lui il n'y a point de masse corporelle (oupavdçest pris ici au
troisièmesens = Ciel avec tout ce qui est contenu dans le Ciel = Uni-
vers). Il n'y a donc non plus, en dehors du Ciel, ni lieu, ni vide, ni temps,
car ces trois catégories impliquent la notion de corps. On s'attendrait
donc ici à la conclusion : en dehors du Ciel il n'y a rien. Mais Aristote
poursuit (279 a 19-23) : « C'est pourquoi ni les êtres de là-bas (ràxet) ne
sont naturellementconstituésde manière à être dans un lieu, ni il n'y a
de temps qui les fasse vieillir, et il n'est même aucune sorte de change-
ment qui affectejamais les êtres rangés au-dessus de la révolution la
plus extrême (cf. Phys., G 10, 267 b 6-9 : le PremierMoteur est à la pé-
riphériedu Ciel), mais, inaltérables et impassibles (cf. Met. A 7, 1073 a 11
áXXàfiï|vori árcaôèçxai àvaXXoiVrov), ils mènent, durant l'entière éter-
nité, la vie la plus heureuse et la plus indépendante » (áXX' ávaXXoíwTa
xai árcaos rrçváp(<iT7|veyovxa Çanjv... SiocTeXeí tov SrcavTa ai&va, cf.
Met. A 7, 1072 b 15 ; 9* 1075 a 10). Qui sont ces êtres de là-bas?
Le Ciel lui-même (Alexandre)? Mais ils sont en dehors du Ciel.
Les Premiers Moteurs (Simplicius)? Mais il n'est fait nulle mention,
dans le de Caelo, d'une multiplicité de premiersmoteurs et, en outre,
l'idée même de premiermoteur répugne à la doctrinedu de Caelo, selon
laquelle le Ciel se meut en vertu de sa nature propre sans aucune cause
extérieure. Encore est-il que le texte est là et qu'on ne peut, cette fois,
l'éliminer, car il est trop fortementsoudé au contexte. Quels qu'ils
soient, ces Taxeï sont des dieux supracélestes, autres que le iuo&toç
oùpavoç.J'ai marqué enfin,dès le début, que, dans Phys. © 6, on ren-
contre plusieurs allusions à des premiersmoteurs multiples. On trouve
donc constamment,dans l'œuvre d'Aristote, un courant polythéiste.Ce
fait, peut-êtretrop négligé, témoigneen faveur de l'exégèse de M. Mer-
lan.
A.-J. Festugière.

1. SaufW. K. C. Guthrie, Cl. <?.,XXVII, 1933,p. 168.

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