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Pourquoi ce livre ?
Le Journal de Jean El Mouhoub Amrouche est important par le contenu parce qu’il revèle des
situations inédites pour les jeunes générations aussi bien en Afrique du Nord qu’en France. Je
crois que c’est la première fois qu’un homme d’Algérie de cette génération (Amrouche est né
en 1906 à Ighil Ali) lève le voile sur ses conditions de vie, celles de sa famille et de ses
compatriotes (algériens, tunisiens. Cela permet de comprendre ce qui a caractérisé son
parcours d’homme mais en même temps celui de toute une génération dont nous ignorons
tout. On peut dire que Le journal de Jean Amrouche (1928-1962) constitue une véritable
traversée du siècle au niveau de l’histoire (colonisation, décolonisation pour l’Algérie et
Libération pour la France) au niveau des mentalités et surtout de la culture parce qu’il permet
au lecteur de rencontrer des personnalités aussi importantes que celles de Gide, Camus, Roy,
Mauriac, Claudel, Charles de Gaulle, Ferhat Abbas ou Krim Belkacem etc....
en Algérie, il ne correspond pas au modèle dominant celui du musulman arabe tel qu’il a
été forgé au lendemain de l’indépendance
en France, parce qu’il ne correspond pas non plus au modèle du français « commun » qui
renonce à son identité et à sa culture d’origine. Le fait d’être restés fidèle à ses origines lui a
permis de comprendre également la souffrance des provinciaux à Paris. Il s’agit là d’un
intellectuel spécifique à qui l’on demande des deux côtés de renoncer à ce qui constitue son
être profond, en réalité sa sensibilté de poète et d’écrivain.
Sur France culture un peu : en été, il arrive qu’on entende sa voix. Mais en réalité, il s’agit de
celle de ses interlocuteurs (Gide, Mauriac, Claudel etc). On n’en parle pas directement pour
les raisons évoquées ci-dessus : Jean Amrouche est en quelque sorte passé de mode
aujourd’hui. Il ne correspond pas à l’image que l’on se fait du Nord-africain et encore moins
du français de l’époque . Il faut peut-être qu’il y ait une fetwa pour signaler l’existence d’un
intellectuel aussi important dans (et pour) les lettres françaises. La deuxième partie du journal
( entre 1945 et 1958) est entièrement consacrée à la vie littéraire française dans laquelle il a
joué un rôle très important. Il a en quelque sorte participé à rendre populaire (par le biais de la
radio) la grande littérature française (Gide, Mauriac, Claudel, Jouhandeau). difficile d’accès
pour les Français au lendemain de la guerre. Plus de dix ans d’antenne ! Jean Amrouche sera
renvoyé de la radio par Michel Debré (et quelque temps après quittera la France pour la
Suisse) pour avoir publié un article dans le monde : La France Mythe et réalités : de quelques
vérités amères (1958). Dans l’inconscient « français commun » (comme pour « L’Algérien
commun »), Jean Amrouche passe pour traître, celui qui n’a pas épousé complètement la
cause politique française au moment de la guerre d’Algérie... N’oublions pas qu’il a perdu
beaucoup de ses amis intellectuels et qu’il a été « répudié » par sa belle-famille après le
discours de la salle Wagram en 1956. Il était avec Jean Paul Sartre et beaucoup d’autres
contre la poursuite de la guerre en Algérie.
En Algérie ( j’y étais la semaine dernière ), il aurait dû semble- t-il ( selonc certains) se
convertir à l’islam pour mériter « l’attestation d’ancien moudjahid », son action envers
l’Algérie auprès de Gaulle et du FLN n’était assurément pas suffisante.