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INCERTITUDE, PRÉCAUTION ET
ASSURABILITÉ
Laboratoire d'Èconométrie
Ècole polytechnique
30 novembre 2004
TABLE DES MATIERES
Chapitre 1 INTRODUCTION 5
2
CHAPITRE 4 ASSURABILITE ET INCERTITUDE 61
3
2ème partie Incertitude et assurabilité des risques catastrophiques
: pourquoi le terrorisme est-il différent ? 137
1. Potentialité de pertes catastrophiques 138
2. Risques interdépendants 139
3. Manque de données historiques et symétrie non-
informationnelle 142
4. Une "incertitude dynamique" 143
5. Limites du recours aux modèles de
quantification 144
6. Perception du risque 146
7. Les Etats, porteurs de risque de terrorisme 148
3ème partie Incertitude et assurabilité des risques catastrophiques
des partenariats privé-public 149
1. L'assurance commerciale terroriste en Espagne
(Consorcio) 150
2. L'assurance commerciale terroriste au
Royaume-Uni (Pool Re) 151
3. L'assurance commerciale terroriste aux Etats-
Unis (TRIA) 152
4. L'assurance commerciale terroriste en France
(GAREAT) 157
5. L'assurance commerciale terroriste en
Allemagne (Extremus) 163
4ème partie Conclusion 169
REFERENCES 173
INDEX NOMINUM 179
INDEX RERUM 181
4
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
5
Sans Black et Scholes1, il n'y aurait pas de tarification efficace des options
sur les marchés financiers. Mais sans von Neumann et Morgenstern2, complété
par Savage3, il n'y aurait pas eu Black et Scholes. Sans Rothschild et Stiglitz4,
nous ne comprendrions pas avec précision les effets des asymétries d'information
sur la formulation des contrats d'assurance. Mais sans von Neumann et
Morgenstern, Rothschild et Stiglitz n'auraient pas disposé du cadre conceptuel
qui sert de socle à leur contribution pionnière. Sans Arrow, Fisher et Henry5,
l'importance du lien entre irréversibilité, rythme d'arrivée de l'information et
décision publique, n'aurait pas été mesurée, et un pan entier de l'économie de
l'environnement n'aurait pas vu le jour. Mais ce lien serait resté à l'état de vague
intuition si le langage formalisé développé par von Neumann et Morgenstern
n'avait pas été disponible.
1
Black, F. and M. Scholes (1973).
2
Von Neumann, J. and O. Morgenstern (1947).
3
Savage, L. (1957).
4
Rothschild, M. and J.E. Stiglitz (1976).
5
Arrow, K. and A.C. Fisher (1974).
Henry, C. (1974).
6
Arrow, K. (1971).
Pratt, J.W. (1964).
7
Dixit, A.K. and R.S. Pindyck (1994).
8
Arrow, K. (1971).
9
Borch, K. (1968).
6
rapports entre assureurs et assurés ; et plus tard entre régulateurs et régulés dans
les travaux de Laffont et Tirole10.
10
Laffont, J.-J. and J. Tirole (1993).
11
Allais, M. (1953).
12
Ellsberg, D. (1963).
13
Keynes, J.M. (1921).
14
Kinght, F. (1921).
7
apprécier son rôle, chacun le sait, dans la conduite des politiques
macroéconomiques des Etats, mais aussi sur les marchés financiers (il l'a
d'ailleurs fort bien maîtrisée dans ce champ, puisqu'en tant que trésorier de son
collège, King's College, Cambridge, il en a spectaculairement augmenté la
valeur du capital en bourse, en dépit des crises des années 30).
15
Voir Kuhn, T. S. (1972).
16
Voir Henry, C. et M. Henry (2002).
9
formalisation complètement satisfaisante du principe de précaution, dont la
dynamique pose des problèmes encore trop difficiles. C'est donc en ayant
essentiellement en vue leurs applications en assurance, que les outils
mathématiques de base de von Neumann, Morgenstern et leurs successeurs sont
présentés – aussi pédagogiquement que possible – dans le chapitre 3.
Ces derniers s’avèrent aussi un recours largement utilisé pour faire face à
cette forme récente de catastrophes, très peu naturelles celles-là, que vise à
provoquer le terrorisme international. Comme on peut le voir dans le chapitre 5,
l’assurance contre ce type de risques était généralement tacitement ou
explicitement accordée aux souscripteurs de couvertures dommages-
responsabilité. Du moins, avant le 11 septembre 2001. Au lendemain du drame,
la situation a été presque partout renversée, l’offre d’assurance disparaissant ou
n’étant plus disponible qu’à des tarifs prohibitifs. Il est apparu que, sans la
mutualisation la plus large, incluant les Etats comme assureurs ou réassureurs de
dernier ressort, il était impossible de débloquer cette nouvelle situation. Car les
risques associés au terrorisme international sont non seulement de grandes
dimensions et intrinsèquement incertains, il posent des problèmes, de répartition
de l’information entre parties concernées, ainsi que d’interactions entre efforts de
protection consentis par les uns et intensité des menaces pesant sur les autres,
tels qu’ils se situent au-delà de ce que l’assurance et la réassurance (même
étendues comme au chapitre 4) peuvent affronter seuls. Plus encore que les
problèmes de responsabilité considérés au chapitre 4, ils appellent l’engagement
de communautés plus vastes – à l’heure actuelle essentiellement les Etats- à des
12
fins et avec des moyens qui dépassent les seules corrections des "défaillances de
marché", avancées pour justifier l'intervention de l'Etat dans la vie économique.
La démarche est suffisamment nouvelle (sauf, dans une certaine mesure, en
Espagne et en France) pour être partout présentée comme provisoire. Prendre le
pari, dans un environnement d'incertitude croissante, que ce provisoire-là est
appelé à durer, ne paraît pas quant à lui, sur les bases des analyses que ce rapport
présente, un pari très risqué.
13
CHAPITRE 2
14
1. CONTROVERSE SERIEUSE OU RIDEAU DE FUMEE ?
Il est vrai que les Etats-Unis ont changé ; que, dans presque tous les
domaines, la régulation publique s'est allégée, et les décisions sont devenues en
moyenne plus indifférentes aux enjeux d'environnement, de santé publique et de
cohésion sociale, qui sont les enjeux les plus susceptibles de mobiliser le
principe de précaution. Il est vrai aussi que celui-ci a trouvé une place, légitimée
en droit, dans un nombre croissant d'actes du Conseil et de la Commission, et
d'arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Il est encore vrai que
quelques conflits emblématiques, sur le bœuf aux hormones et les organismes
génétiquement modifiés en particulier, peuvent à première vue donner le
sentiment d'une Union européenne crispée sur le principe de précaution.
17
Wiener, J. and M. Rogers (2002), p. 3.
16
sections 2 et 3). Son dossier scientifique était beaucoup plus solide quand elle a
banni, en 1997, certains antibiotiques de l'alimentation animale, et n'a d'ailleurs
pas été contesté légalement (voir section 5), bien que les Etats-Unis continuent
d'affirmer que ces interdictions ne sont pas justifiées. En revanche, soucieuses de
ne pas entrer en conflit avec le Royame-Uni, les autorités de l'Union européenne
ont pendant des années toléré sans réagir l'explosion de l'épidémie d'ESB, ainsi
que l'apparition et la confirmation d'une nouvelle forme de maladie de
Creutzfeld-Jacob touchant l'homme. Ce n'est qu'après que le Royaume-Uni lui-
même ait reconnu que la situation devenait intenable que le principe de
précaution a été invoqué à Bruxelles et à Luxembourg (voir section 6). Les
Etats-Unis en revanche ont, des le début de l'épidémie en Europe, interdit pour
des motifs de santé publique, l'importation de viande bovine en provenance de
pays de l'Union européenne ; dans la suite, il semble bien qu'ils aient réussi à
circonscrire sur leur territoire la maladie à quelques cas importés du Canada.
18
Texte reproduit dans OCDE (2002).
19
Voir C. Henry (1974/1) et (1974/2).
18
pertinentes qu’il y ait ou non « absence de certitude scientifique » (l’incertitude
qui est caractérisée par une distribution de probabilités objectives relève de la
« certitude scientifique ») ; c’ est bien cette absence, et elle seule, qui est liée
organiquement au principe de précaution. Des énoncés du principe qui s’y
réfèrent dans des termes équivalents sont donc eux-mêmes essentiellement
équivalents, de quelque façon qu’ils soient par ailleurs formulés.
20
C’est-à-dire les apports d’énergie ou de substances susceptibles d’être nocives dans le milieu marin.
21
Voir aussi OCDE (2002).
22
C’est une démarche très rare dans les textes officiels.
19
USA et l’Union européenne. Il le fait en se démarquant du jugement du Panel
qui avait examiné le différend en première instance :
20
comprise théoriquement, et est à la base de la mise au point d’une nouvelle ligne
de médicaments, qui empêchent l’ouverture de l’accès à l’intérieur de la cellule.
Il est clair, en contraste avec les caractéristiques de ces deux exemples, qu’il
faut souvent prendre des décisions lourdes de conséquences en l’absence de
connaissances scientifiques qui comporteraient une compréhension théorique
complète des phénomènes en cause (les dépendances causales exactes, le cas
échéant) ainsi que des vérifications expérimentales complètement convaincantes.
Pensons par exemple aux différences entre ce qui est suspecté du rôle d’autres
protéines, les prions, dans le déclenchement de l’ESB (« maladie de la vache
folle »), et ce qui est connu de celui de CCR5 dans le développement du sida.
De même l’interaction des ondes, émises par les antennes-relais de téléphonie
mobile, avec le cerveau humain23 sont beaucoup moins bien connues que les
interactions de particules dans un accélérateur.
23
Voir Académie des Sciences (2001) ; de ce fait, les effets sur la santé humaine font l’objet de très vives
controverses, personne n’ayant ni des éléments de modèle théorique, ni des données empiriques, permettant un
jugement scientifiquement structuré.
21
que « l’absence de certitude scientifique ne doit pas servir de prétexte pour
différer l’adoption de telles mesures » ; on ne peut pas rester purement négatif
quant à l’évaluation de l’état de la science et des conditions de l’action..
4. AMIANTE
24
Nous n’insistons pas ici sur les autres aspects de ces processus de décision.
25
Leurs chronologies détaillées font l’objet de deux chapitres dans European Environment Agency (2001).
22
minuscules éclats de verre tranchants. En 1906, c’est en France, dans l’industrie
textile, que des éléments concordants sont réunis : forte corrélation établie entre
nombres anormaux de décès et conditions de travail exposées aux poussières
d’amiante, exploration de liens de causalité. En 1911, des chercheurs
britanniques exposent des rats à des atmosphères plus ou moins chargées en
poussières d’amiante : leurs résultats s’accordent avec les observations
antérieures chez les humains.
23
été tirées. Ce n’est manifestement pas l’état de la connaissance scientifique qui
peut justifier de tels délais.
C’est d’abord en Suède, pas avant 1997 cependant, que les choses ont
basculé. Dans ce pays, de plus en plus d’agriculteurs se sont inquiétés de perdre
progressivement la confiance des consommateurs. Une commission mise en
place par le Gouvernement suédois a rapidement produit un rapport
reconnaissant « que le risque d’une résistance croissante associée à l’usage
généralisé d’antibiotiques comme facteurs de croissance est loin d’être
négligeable, et que les conséquences potentielles pour la santé humaine et
animale sont sérieuses ». La commission suédoise soulignait que la connaissance
scientifique était suffisante pour justifier ces conclusions, même si les liens de
causalité entre absorption d’un antibiotique par des animaux, et résistance à un
autre antibiotique dans l’organisme des consommateurs de ces animaux,
n’étaient pas tous élucidés. Sur cette lancée, le Conseil européen des ministres de
l’Agriculture a interdit en 1998 quatre antibiotiques dans l’alimentation animale
(dont deux déjà identifiés trente ans plus tôt par la commission Swann), en
présentant sa décision comme « une mesure de précaution visant à minimiser le
risque de développement de bactéries résistantes, et à préserver l’efficacité de
certains antibiotiques utilisés en médecine humaine ».
ROYAUME-UNI
26
Fabriquées à partir de rebuts d'abattoir.
27
Rapport de la commission d'enquête réunie en 1997 par le Gouvernement britannique sous la présidence
de Lord Phillips of Worth Matravers ; voir Phillips et al (2000).
26
Cependant la croyance en une barrière des espèces a été mise à mal en
1990, lorsque des chercheurs du Royal Veterinary College sont parvenus à
inoculer l'ESB à des souris et surtout lorsque, peu après, d'autres chercheurs à
l'université de Bristol ont contaminé un chat domestique. Plus grave encore, des
cas de maladie de Creutzfeld Jacob sont apparus chez l'homme en nombre
inhabituel ; les symptômes ne sont d'ailleurs pas exactement ceux de cette
maladie rare ; en particulier, ce sont systématiquement des personnes jeunes qui
sont atteintes. Enfin un biologiste américain, le professeur Prusiner, identifie une
famille de protéines, qu'il appelle prions, à propos desquelles il émet l'hypothèse
qu'elles pourraient être les agents à la fois de ESB et du nouveau variant de la
maladie de Creutzfeld Jacob ; c'est une hypothèse révolutionnaire, mais qu'il
parvient progressivement à étayer sur les plans tant expérimental que
théorique28.
28
Suffisamment pour que le prix Nobel de médecine lui soit décerné en 1997.
27
C'est pourtant ce même comité d'expertise « indépendant » qui, le 16 mars
1996, cédait devant ce qui était devenu le corps de connaissance scientifique le
plus solide disponible à ce moment : il était impossible d'expliquer l'apparition
du nouveau variant de la maladie de Creutzfeld Jacob autrement que par
contamination à partir de l'ESB, et une telle contamination n'était plus
inconcevable ; la croyance en une barrière entre espèces s’était écroulée. Le 20
mars 1996, le ministre de la Santé transmit ce message à la Chambre des
Communes. Ainsi que l'indique le rapport de la Commission Phillips : « la
réaction du public fut qu'il avait été trompé, délibérément trompé par les
pouvoirs publics » Trop d'assurances catégoriques avaient été données, sur une
base scientifique très insuffisante, pour que ces révélations, beaucoup plus
solidement étayées scientifiquement, ne provoquent pas des réactions plus
dévastatrices que celles que, pendant des années, on avait voulu éviter en
rassurant l'opinion. Et quand plus tard, l'embargo sur le bœuf britannique, décidé
la même année par le Conseil des ministres de l'Union européenne, est attaqué
par le Royaume-Uni devant la Cour de Justice des Communautés Européennes,
celle-ci a confirmé la décision au nom du principe de précaution.
7. CHANGEMENT CLIMATIQUE
29
Evénements dont il est particulièrement difficile de caractériser le degré d’incertitude.
30
Le cas le plus souvent cité est l’affaiblissement du flux de chaleur transporté vers l’Europe par le Gulf
Stream.
28
serre – les gaz dont l’accumulation dans la haute atmosphère est à l’origine du
changement climatique – qu’il insère dans plusieurs modèles climatiques. Les
principaux résultats, rapportés dans le troisième et plus récent rapport GIEC
(2001), sont les suivants :
32
Une association indirecte, dans un modèle de décision, d’un ensemble de distributions de probabilités,
peut par contre être possible ; voir chapitre 2.
30
domaine d’investigation ; ces sous-groupes confrontent leurs résultats puis les
rassemblent dans des rapports publiés périodiquement (1990, 1995, 2001). Pour
ce faire, ils collectent dans le monde entier les données pertinentes disponibles,
suscitent la production de données nouvelles en tant que de besoin et, sur cette
base, mobilisent leur compétences respectives (en physique, chimie, biologie,
écologie, économie, etc.) pour évaluer les composantes et les conséquences du
changement climatique.
Une seconde famille de méthodes que l’on peut mettre en œuvre, sans
devoir multiplier les tests de propriétés physiques et de réactions chimiques des
molécules dont on doit réguler les utilisations, conduit à identifier des cibles
privilégiées (parce qu’elles ont une forte chance d’être atteintes, ou parce
qu’elles sont particulièrement sensibles et donc révélatrices), et à observer ou
expérimenter l’action sur elles des molécules en cause. Le lait maternel constitue
à cet égard une excellente cible ; la présence de polluants dans le lait maternel
sert ainsi d’indicateur sensible de l’exposition directe des adultes et aussi de
l’exposition indirecte des nouveaux-nés (des observations particulièrement
impressionnantes à cet égard ont été faites sur des échantillons de femmes Inuit
dans le Grand Nord canadien).
Pour ce qui est des dangers pour l’environnement, un rôle analogue au lait
maternel peut être joué par des écosystèmes particulièrement sensibles,
populations de planctons (en raison notamment de la grande variété d’espèces
coexistant en un même endroit, et donc de la grande variété d’effets
observables), massifs coraliens, mangroves (par exemple dans les Everglades, au
sud de la Floride).
35
CHAPITRE 3
36
De von Neumann-Morgenstern à Ghirardato-Maccheroni-Marinacci ce
chapitre analyse les étapes essentielles de l'élaboration, de la critique et du
dépassement du modèle fondamental de von Neumann et Morgenstern. A cette
prise en compte progressive de l'incertitude dans les modèles de décision,
correspond l'extension de l'assurabilité à des situations elles aussi incertaines et
pas seulement risquées.
33
Dans von Neumann, J. and O. Morgenstern (1947).
37
X = {x1 ,..., xN } ensemble des niveaux de revenu possibles
π i ≥ 0 (i = 1,..., N )
et
N
∑ π k = 1.
k =1
Pr {~x = xi } = π i .
C'est sur des revenus (ou gains, ou richesses) aléatoires que l'individu va
exprimer des préférences et faire des choix. Ou, ce qui revient au même du
moment que X est fixé une fois pour toutes (ce qui sera toujours possible dans
les situations que nous aurons à considérer, en prenant X dès le départ
suffisamment grand, quitte à avoir beaucoup de πi nulles, ce qui n'est pas
38
accident,… Von Neumann et Morgenstern étaient évidemment conscients de
cette dépendance, mais ne cherchaient pas à la formaliser autrement qu'en ce qui
concerne ses conséquences sur le revenu (ou gain, ou richesse)34. Autrement dit,
dans l'approche des choix face au risque qu'ils développent, on considère
toujours que l'individu s'intéresse exclusivement aux revenus possibles et aux
probabilités correspondantes, mais pas aux circonstances qui les provoquent. Il
ne lui importe pas, par exemple, de réaliser un revenu aléatoire en bourse plutôt
qu'au jeu, ou encore d'encaisser une indemnité d'assurance ; il ne lui importe pas
non plus de subir un dommage matériel du fait d'un accident de la circulation
plutôt que d'un incendie. Cette neutralité aux circonstances de réalisation du
risque ne sera plus vraie dans les approches plus générales considérées dans les
dernières sections de ce chapitre.
x = x0 (1 + ~
~ r)
34
Nous ne rappellerons plus dans la suite la diversité des interprétations possibles.
35
Une variable certaine est une variable aléatoire qui prend la même valeur dans tous les événements
aléatoires susceptibles de l'affecter. Cette définition correspond au sens commun.
39
~
r étant le rendement aléatoire du titre ~
x . Dans le cas particulier où ~
r est
lui-même certain ( ~
r est égal au même nombre r quoiqu'il arrive entre les
instants 0 et 1), alors
~
x = x0 (1 + r )
est un revenu certain égal au revenu initial augmenté du produit de celui-ci par le
taux d'intérêt r.
X = {x1 ,..., xN }
µ = {π 1 ,..., π N }
x1 = max k =1,..., N xk .
~
d = x1 − ~
x
40
définie sur
{0 , x1 − x2 ,..., x1 − xN }
µ = {π 1 , π 2 ,..., π N }
~
x == −α + β
~
où
• α est la prime d'assurance ; c'est une variable certaine,
indépendante de la réalisation de l'événement aléatoire sous-
jacent à ~
x ; elle est payée par l'assuré à l'assureur
antérieurement à cette réalisation.
~
• β est l'indemnité versée à l'assuré ; c'est le remboursement,
~ ~
partiel ou total, du dommage d qu'il subit ; β est une variable
41
aléatoire dont les réalisations possibles, avec la distribution de
probabilités µ , soit telles que
∀ i = 1,..., N , 0 ≤ β i ≤ d i
avec
Pr {β = β i } = π i .
~
~ ~
Dans le cas particulier où β = d , on dit que le contrat d'assurance est à
couverture totale : ~
x est échangé contre le revenu certain
~
x − α + d = x1 − α .
~
42
• soit il préfère strictement ~
x" à ~
x' :~x '< ~x"
• soit ~
x ' et ~
x " lui soit indifférents : ~
x '∼ ~x ".
V (~
x ') > V ( ~
x ") si et seulement si ~
x '> ~
x"
V (~
x ') < V ( ~
x ") si et seulement si ~
x '< ~
x"
V (~
x ') = V ( ~
x ") si et seulement si ~
x '∼ ~
x ".
36
Debreu, G. (1964).
43
fondamentales des fonctions de demande, par exemple. Mais ici l'espace des
choix, espace de variables aléatoires, est beaucoup plus compliqué, et de ce fait
V n'apporte pas directement d'information opérationnelle sur les choix
effectués. C'est pourquoi von Neumann et Morgestern ont introduit la célèbre
hypothèse de l'espérance de l'utilité.
u : X → R : x → u (x)
qui soit continue, croissante et bornée, et telle que, quel que soit le revenu
aléatoire possible ~
x , on ait
V ( x ) = E [u ( x )] = ∑ π K u ( xk ).
N
~ ~
k =1
u (0) = 0
44
Mais cet avantage, largement déterminant, a son revers : la restriction aux
fonctions d'utilité V qui vérifient l'hypothèse de l'espérance de l'utilité diminue
la généralité de la représentation des préférences entre revenus aléatoires. La
situation aurait même pu être plus préoccupante si von Neumann et Morgenstern
n'avaient pas été capables de caractériser cette perte de généralité sur des
préférences elles-mêmes (et non pas de la manière assez peu transparente qui est
celle de l'hypothèse de l'espérance de l'utilité). Ils sont parvenus à cette
caractérisation dans leur théorème de l'espérance de l'utilité, lequel s'énonce
comme suit :
et 1, si on a
V (~
x ') ≥ V ( ~
x ")
alors on a aussi
37
La démonstration de ce théorème est donnée au chapitre 3 de Kreps, D. (1990). Voir aussi le livre
fondateur von Neumann, J. and O. Morgestern (1944).
45
V (λ ~
x '+(1 − λ )~
x ) ≥ V (λ ~
x "+(1 − λ )~
x ).
L'aversion pour le risque est le plus souvent définie pour des préférences
vérifiant l'hypothèse de l'espérance de l'utilité, hypothèse qui garantit l'existence
d'une fonction VNM u.
E [u (~
x )] < u (E {~
x }) ;
46
V (~
x ) < V (E {~
x }).
Ceci est bien une indication d'aversion pour le risque. Mais ce n'en est pas
une mesure. Voyons maintenant comment définir celle-ci. Comme u est
continue et que u (0 ) = 0 , il existe, en raison de la première des deux inégalités
ci-dessus, un nombre positif x , compris entre 0 et E [~
EC x ], tel que
E [u (~
x )] = u ( xEC )
c'est-à-dire
V (~
x ) = V ( xEC ) .
Par conséquent xEC apparaît comme le revenu certain équivalent (ou
équivalent – certain) à ~
x , du point de vue des préférences de l'individu en
cause. Et la différence
ρ = E [~x ]− xEC ,
47
Si on décompose ~
x en une partie certaine x0 = E [~
x] et une partie
x = x0 + ε~
~ avec E [ε~ ] = 0 ,
E [u ( x0 + ε~ )] = u ( x0 − ρ ) .
ρ = ρ (u ; x0 , ε~ ).
~
x = −α + β .
~
48
Si le contrat d'assurance est à couverture totale, la prime d'assurance maximum
αM que l'individu en cause est prêt à payer est déterminée par l'équation
V (~
x ) = V ( x1 − α M ) = u ( x1 − α M )
E [~
x ] − ρ = x1 − α M
soit encore
[ ~
]
E x1 − d − ρ = x1 − α M .
α M = ρ + E [d ]
~
qui signifie que la prime d'assurance maximum que l'individu est prêt à payer
comporte deux composantes, la moyenne du dommage qu'il craint et la prime de
risque, qui exprime son aversion vis-à-vis du caractère aléatoire de ce dommage.
On mesure donc l'aversion pour le risque au moyen de la prime de risque.
Alternativement on peut la mesurer au moyen de l'indice absolu de Arrow-Pratt,
qui est plus commode dans les utilisations calculatoires. Cet indice, encore
appelé indice absolu d'aversion pour le risque, et noté I a (u , x0 ) , est en fait un
indice différentiel de concavité de la fonction VNM u 38 :
38
Son existence requiert que u soit au moins deux fois continûment différentiable.
49
u " ( x0 )
I a (u , x0 ) = −
u ' ( x0 )
où x0 est une revenu certain quelconque.
x = x0 + ε~
~
xEC (ui ; ~
x ) = x0 − ρ (ui ; x0 , ε~ ) .
Théorème de Pratt
Les quatre propriétés suivantes sont équivalentes :
par
g = u1 o u2−1
39
Pour des développements plus détaillés sur la mesure de l'aversion pour le risque et, en particulier, pour la
démonstration du théorème de Pratt, voir Arrow, K. (1974).
50
est elle-même une fonction concave.
ρ (u1 ; x0 , ε~ ) ≥ ρ (u2 ; x0 , ε~ )
xEC (u1 ; ~
x ) ≤ xEC (u2 ; ~
x ).
I a (u1 ; x0 ) ≥ I a (u2 ; x0 ) .
On voit donc qu'entre tous les indicateurs introduits pour mesurer l'aversion pour
le risque, il n'y a aucune contradiction : qui a plus d'aversion pour le risque selon
un indicateur en a plus aussi selon un autre.
I r (u ; x0 ) = x0 I a (u ; x0 ).
On sait qu'un portefeuille est un ensemble d'actifs (ou titres) ayant des
rendements aléatoires (pour quelques-uns d'entre eux, peut-être, certains).
51
Imaginons un individu disposant d'un revenu initial certain x0 , qu'il cherche à
placer sous forme de portefeuille constitué de deux types d'actifs :
Comment alors l'individu peut-il répartir, au mieux de ses intérêts, son revenu
initial entre ces deux actifs ? La réponse dépend de son attitude vis-à-vis du
risque formalisée par sa fonction VNM u.
x = y (1 + ~
~ r ) + ( x0 − y )(1 + s ) .
40
Voir Gollier, C. (1998) .
52
(2) Si l'indice relatif d'aversion pour le risque diminue lorsque le
revenu initial x0 augmente, alors la proportion y / x0 du
- soit gagner € 100 si une boule rouge sort, et ne rien gagner autrement
(loterie R) ;
41
Voir Allais, M. (1953) et Allais, M. (1987).
42
Ellsberg, D. (1961). David Ellsberg est très connu pour son paradoxe, mais il l'est bien davantage pour
avoir transmis à des journalistes américains les "Pentagon papers" auxquels il avait accès en raison de sa position
au ministère américain de la Défense. Ces documents ultra confidentiels montraient, de l'intérieur, les
incohérences de la conduite de la guerre au Vietnam sous l'administration Nixon. Les poursuites engagées contre
lui par le Pentagone n'ont jamais abouti en raison du scandale du Watergate, et de la chute de Nixon.
53
- soit gagner € 100 si une boule bleue sort, et ne rien gagner autrement
(loterie B ).
- soit gagner € 100 si une boule rouge sort, rien si c'est une bleue, et €
100 aussi si c'est une jaune (loterie R∪J)
- soit ne rien gagner si une boule rouge sort, € 100 si c'est une bleue et
aussi € 100 si c'est une jaune (loterie B ∪ J ).
43
Dans le modèle de Savage les probabilités sont subjectives, et non pas objectives comme dans le modèle
de von Neumann-Morgenstern. Voir Savage, L. (1954).
54
Pr (R ) > Pr ( B )
puisque les gains sont les mêmes (€ 100).
De même, leur préférence pour B∪J par rapport à R∪J ne pourrait être
compatible qu'avec
Pr (B ∪ J ) > Pr ( R ∪ J )
puisque les gains sont les mêmes (deux fois € 100). Mais, en raison de
l'indépendance stochastique des tirages,
Pr ( B ∪ J ) = Pr (B ) + Pr ( J )
et
Pr (R ∪ J ) = Pr (R ) + Pr ( J )
Pr (R ) > Pr (B )
et
Pr (B ) + Pr ( J ) > Pr (R ) + Pr ( J )
PROBABILISABLE
44
Keynes, J.M. (1921) et Knight, F. (1921).
45
Gilboa, I. and D. Schmeidler (1989).
56
beaucoup moins l'ensemble des préférences auxquelles leurs résultats vont
s'appliquer ; autrement dit les comportements dont leur modèle rend compte sont
beaucoup plus divers ; en particulier, ils ne tombent plus sous le coup des
paradoxes d'Allais et d'Ellsberg.
46
Et ≥~
x " , sans qu'il soit nécessaire de l'indiquer, puisque ~
x ' et ~
x " sont quelconques dans leurs
ensembles respectifs de variation.
47
Analogue à la fonction VNM dont elle partage les propriétés.
57
la notation Eµ [u (~
x )] signifiant qu'on calcule l'espérance mathématique de
u (~
x ) avec la distribution de probabilité µ .
48
Car, chez Savage, la distribution de probabilités n'est pas fixée a priori, elle apparaît, de même qu'ici,
comme un résultat ; mais elle est unique, en égard au caractère plus restrictif des hypothèses de Savage.
58
6. UN ABOUTISSEMENT (PROVISOIRE)
Deux équipes de chercheurs ont poursuivi dans cette voie ; l'une est
française (Gajdos, Tallon, Vergnaud, …)49 et l'autre italienne (Ghirardato,
Maccheroni, Marinacci, …). Ces deux équipes ont obtenu des résultats
remarquables ; au moins provisoirement, ce sont à ce jour les Italiens qui ont
obtenu le résultat le plus général, qui se prête aussi à une interprétation très
claire, malgré les difficultés mathématiques que les auteurs ont dû surmonter. En
dépit de ces qualités, beaucoup reste à faire.
49
Voir par exemple Gajdos, T. , J.M. Tallon and J.C. Vergnaud (2004).
59
où α , qui est une valeur numérique comprise entre 0 et 1, unique si P n'est pas
réduit à une distribution de probabilités unique, et est endogène au résultat ainsi
énoncé, s'interprète comme le coefficient (on pourrait aussi dire indice)
d'aversion pour l'ambiguïté.
60
CHAPITRE 4
ASSURABILITE ET INCERTITUDE
61
Les choix publics et la théorie de la décision n'ont pas le monopole de la
prise en compte de l'incertitude. Sa présence s'est affirmée dans une multitude de
situations et d'activités et, par conséquent, à travers des demandes d'assurance
qui ne satisfont pas aux critères traditionnels d'assurabilité. Il n'y a pas si
longtemps, il ne pouvait – au moins en théorie – y avoir assurabilité sans que les
sommes en jeu et les probabilités correspondantes puissent être évaluées avec
une précision suffisante. En outre, pour garantir sa solvabilité en (presque) toutes
circonstances, le portefeuille de risques couverts par un assureur devait être
suffisamment fourni en risques stochastiquement indépendants pour que joue en
sa faveur une loi des grand nombres (qui garantit que, si les risques indépendants
détenus sont suffisamment nombreux, le risque résiduel moyen est aussi petit
qu'on le veut).
INTRODUCTION
Les lois de grands nombres sont effectives dans des conditions moins
restrictives que celles qui sont communément énoncées. L'indépendance
stochastique des risques concernés n'est pas requise, mais seulement une
62
indépendance asymptotique ou, ce qui revient au même, une indépendance qui
décroît avec une mesure appropriée de la distance entre ces risques50.
50
Henry, C. (1981).
63
économétrique à partir des observations). Cette droite est une droite de Pareto, et
le mathématicien français Paul Lévy a caractérisé la distribution de probabilités
qui l'engendre (distribution dite L. stable).
Mais cette méthodologie n'est praticable qui « toutes choses égales par
ailleurs », c’est-à-dire si les causes (climatologiques, démographiques,
urbanistiques, etc…) sous-jacentes des ouragans, et de l’ampleur des dommages
qu’ils causent, ne se transforment pas au cours du temps, ou tout au moins se
transforment selon un processus à peu près prévisible (croissance économique,
développements de l’urbanisation). Mais le régime des ouragans est affecté par
le rythme et les modalités du changement climatique, qui sont des variables
incertaines. Et l’on franchit ainsi la frontière entre risque et incertitude. On entre
alors dans un univers différent, que ce chapitre a pour objet d’explorer d’un
point de vue assurantiel.
51
Lévy, P.(1937).
64
1ERE PARTIE - LA REGULATION DES RISQUES SYSTEMIQUES ET
NOUVEAUX RISQUES
Dans une première partie, nous étudierons les nouvelles caractéristiques des
risques, qui par leur impact sur les conditions matérielles de la vie tant urbaine
que rurale, sont de nature à compromettre les investissements de développement
durable. Nous posons la question de l’impact de ces caractéristiques nouvelles
sur les comportements des agents privés et par suite sur la manière de les gérer.
65
L’étude met ainsi en évidence les défis à relever en matière de régulation et tente
d’apporter des premiers éléments de réflexion.
66
souvent exacerbées par l’intensification du progrès technique et l’échelle sans
cesse croissante des activités.
Le risque industriel est une source de sinistres à grande échelle (tableau 1),
caractérisée dorénavant par une hyper corrélation des risques. Les dommages
causés par un accident ne se limitent pas à des dégâts matériels. Ainsi que le
notent l’Agence Européenne de l’Environnement et l’OCDE53, une catastrophe
industrielle peut avoir d’une part, des impacts financiers et sociaux importants et
d’autre part des conséquences graves sur la santé humaine et sur
l’environnement.
52
Communication personnelle avec Madame Françoise de Veyrinas, Mairie de Toulouse.
53
OCDE, (2003), EEA (2003);
67
Tableau 1: Sinistres (dommages assurés) incendies/explosion les plus importants en
France depuis 1992
Source : FFSA, L’assurance française en 2002
En effet, alors que les grands risques industriels ne sont pas des risques
nouveaux, leur appréhension et leur prévention restent aujourd’hui encore un
réel défi pour les sociétés modernes qui semblent désemparées et n’ont pas
toujours su développer les bons outils de gestion d’événements catastrophiques
tels que, il y a vingt ans l’explosion d’un grand stockage de gaz en banlieue de
Mexico, le désastre de Bhopal ou encore l’explosion de la centrale nucléaire de
Tchernobyl. Le rapport sur les risques émergents au 21ème siècle pointe d’ailleurs
que même si l’accumulation d’événements catastrophiques durant les dernières
années a permis d’envoyer un réel signal d’alerte aux gouvernements, force est
de constater que les mesures prises pour obtenir une réduction de l’ampleur des
sinistres, quelque soit leur origine, avaient été jusqu’à présent peu efficaces.
68
La figure 2 met à cette fin en évidence l’augmentation des coûts assurés des
sinistres d’origine industrielle recensée par la base de donnée européenne
MARS, durant les 20 dernières années.
69
univers où la répétition des expériences passées fait défaut et où le décideur doit
évaluer et quantifier la vraisemblance de différents scénarii que les
connaissances scientifiques ne permettent pas de pondérer précisément. Les
nouveaux risques font références à des risques non avérés, appelés aussi risques
potentiels ou encore risques émergents. Ils sont la manifestation de l’incertitude
au sens de Knight et Keynes et se distinguent, par conséquent, des risques
avérés, que les auteurs caractérisent comme une incertitude probabilisable avec
une distribution de probabilités objectives54.
54
Knight (1921), Keynes (1921).
70
d’occurrence d’un événement peut être ambiguë (Ap : Ambiguous Probability)
et le niveau des pertes incertain (UL : Uncertain Loss).
71
De telles situations d’incertitude scientifique sont aujourd’hui fréquentes.
Elles peuvent être relatives aux activités scientifiquement controversées dans
notre Société : utilisation de pesticides, de produits chimiques ou encore le
développement de technologies nouvelles (manipulations génétiques,
biotechnologies, nanotechnologies..). Elles peuvent également porter sur
l’environnement réglementaire, législatif, fiscal ou jurisprudentiel de certains
risques déjà connus. La crise de l’amiante et plus récemment la question de la
responsabilité civile médicale sont des illustrations de l’existence d’une
incertitude sur les règles juridiques et jurisprudentielles. Aujourd’hui, nombreux
sont les professionnels qui s’accordent d’ailleurs à dire que le marché est
confronté à de réels problèmes dans les différentes branches de la responsabilité
civile : la responsabilité médicale, la responsabilité civile des dirigeants, la
responsabilité des auditeurs ou commissaires aux comptes et enfin la
responsabilité civile environnementale.
72
1.3 Comportements des agents et incertitude
Biais cognitifs et comportements des agents face au risque
Un article pionnier de Kunreuther (1978) montre que les individus
confrontés à des risques de catastrophes naturelles adoptent dans leur majorité
des comportements déviants vis a vis des prédictions établies par le modèle
d’espérance d’utilité de Von Neumann et Morgenstern (1944) ou Savage (1954).
Un grand nombre d’entre eux demeurent sans assurance face à ce type de risque ,
alors qu’ils choisissent par ailleurs de s’assurer pour des risques plus fréquents.
Les problèmes associés à la perception du risque sont liés à la difficulté des
individus à interpréter les petites probabilités dans leur prise de décision.
Kahneman D., Slovic P., Tversky A (1982) ont mis en évidence ces biais,
dont le plus frappant pour eux est le « biais de disponibilité » des agents face aux
événements extrêmes. En effet, les individus face à de telles situations estiment
la vraisemblance d’un événement à partir de l’occurrence des événements
passés. Une telle analyse fait qu’ils adoptent des comportements extrêmes, supra
optimiste ou supra pessimiste, de type : « ça n’arrivera jamais » ou « ça ne peut
qu’ arriver». La théorie du « biais de disponibilité » conduit à une surestimation
55
Huber, Wider, Huber, Active information search and complete information presentation in naturalistic
risky decision tasks, Acta Psycholigica, n°95, pp 15-29, 1997.
73
des fréquences des événements vécus dans un passé récent, et à une sous
estimation des événements n’ayant pas été éprouvés récemment par l’individu.
L’ensemble de ces biais cognitifs sous tend la prise de décision des agents
en situation de risque. Le vécu d’un individu semble avoir un réel impact sur sa
perception d’une situation et par conséquence sur ses choix, en particulier, ceux
d’assurance.
FUTUR ?
77
Figure 2: Courbe de probabilité d’excédent des pertes
Source : Kunreuther et al. (1995)
78
Les différents événements catastrophiques de ces dernières années illustrent
cet argument. Les assureurs ont été confrontés à ces difficultés de définition des
niveaux de primes relatifs à ces risques peu ou mal connus et parfois même à une
incapacité à les prendre en charge. Ainsi suite à l’explosion de l’usine chimique
toulousaine, les compagnies d’assurance ont résilié au 31 décembre 2001
l’ensemble de leurs contrats couvrant les grands risques industriels et ont
proposé de nouvelles conditions pour les dommages majeurs encourus par tout
groupe industriel : les primes ont été majorées de 80 à 200%. Les industriels se
sont alors trouvés contraints d’accepter ces nouvelles conditions ou de ne pas
s’assurer.
79
2.2 Le partage et contrôle du risque
Définir un partage des risques signifie répartir à priori entre les agents la
responsabilité financière des dommages potentiels. Ainsi, il s’agit de pointer qui
sera responsable non seulement de la restauration de l’environnement atteint
suite à une catastrophe, mais également de l’indemnisation des victimes. Dans
un tel processus, les agents concernés sont alors les victimes, l’exploitant et ses
partenaires, les assureurs et l’Etat. Ayant la capacité de répartir les risques sur
plusieurs générations et de les diversifier à un très haut degré, l’Etat a la
possibilité de définir les régimes de responsabilité socialement efficaces, afin
d’équilibrer les intérêts concurrents qui s’expriment dans l’évaluation du risque.
Une contexte juridique mouvant, qui dessine la toile de fond d’une situation de crise assurantielle.
Cette crise est révélatrice d’un certain nombres de difficultés et limites, d’une part dans l’appréhension
et la gestion du risque responsabilité et d’autre part, dans l’adéquation entre les politiques de gestion du
système de santé et la réalité du monde médical.
Les principaux éléments de cette crise, pointés par le rapport de la mission conjointe IGAS-IGF,
en février 2003, sont les suivants :
- Une « judiciarisation » toujours plus intense et des indemnités versées toujours plus
importantes en cas de faute reconnue.
- Un cadre juridique largement modifié par les lois du 4 mars 2002 et du 30 décembre 2002.
Ces deux lois ont en effet, d’une part créé un régime d’indemnisation au titre de la responsabilité sans
faute pour les dommages les plus graves et d’autre part, instauré une « base réclamation » pour les
contrats d’assurance responsabilité civile médicale (l’assureur doit alors lui-même indemniser la
victime en cas de réclamation).
84
Côté médecins et établissements de soins privés
- Ces professions ont par ailleurs connu au cours des dernières années des évolutions de revenus
moins fortes que la moyenne des spécialistes. Dans le même temps, la situation financière des cliniques
de MCO s’est nettement dégradée.
- Une insuffisance des systèmes de gestion des risques dans l’organisation des soins : des
avancées notables en terme de procédure de qualité des soins, mais par une faiblesse des actions ciblées
en terme de gestion des risques au sens du concept de « retour sur expérience ».
Côté assurance
- Une dégradation des comptes techniques des assureurs, dans un contexte de détérioration des
marchés financiers et de durcissement des conditions de réassurance.
- Une augmentation des primes d’assurance des spécialités médicales à risque. Cette
augmentation a traduit un rattrapage brutal des primes, qui étaient jusqu’alors inférieures au niveau
d’équilibre technique.
- Une contraction de l’offre d’assurance suite au retrait de certains acteurs du marché (Saint
Paul, AGF, Ace).
- La faible importance de la RCM dans l’activité globale des assurances : la responsabilité civile
constitue 5% seulement du chiffre d’affaires de l’assurance « non-vie », La RCM représente à peine
15% de la responsabilité civile. La RCM est donc non seulement peu rentable pour les assureurs, mais
elle ne suscite pas un traitement particulier en terme de collecte d’information sur la sinistralité réelle
qui lui est propre (il n’existe pas d’indicateur de sinistralité RCM)
-
D’une manière générale, on observe du côté des assureurs une incertitude, non
seulement sur la sinistralité effective de la RCM, mais également sur l’impact réel de
l’évolution juridique et jurisprudentielle sur la tarification. Le rapport IGAS-IGF note
d’ailleurs, que les effets des lois du 4 mars et 30 décembre 2002 ne sauraient être observables
avant 2006 (année de publication des résultats des assureurs de l’année 2005)
85
Ces situations de crise ont permis à chacun des acteurs du marché –
médecins, industriels, assureurs et représentants de la puissance publique - de
prendre conscience du risque et de ses propres responsabilités. Différents
instruments financiers, comme les cat bonds, les indices sur des risques, ou
différentes structures d’assurance et de réassurance, dont la structure et le
fonctionnement se rapprochent de ceux d’une mutuelle56, ont alors pu se
développer face à ces « nouveaux risques », catastrophiques ou non (Captive,
Risk Retention Group et Pool57). Le groupement temporaire d’assurance
médicale (GTAM), le groupement temporaire de réassurance médicale
(GTREM) ou encore le pool français pour la couverture des risques attentats et
des actes de terrorisme (Gareat) sont des exemples de pools utilisés pour pallier
une incapacité à la fois financière, politique et juridique à gérer ce type de
risque.
Ces outils ont pour but de pallier l’incapacité d’un seul agent du marché
(assureur ou réassureur) à faire face à ces situations très incertaines et parfois
extrêmes, et sont une illustration de la volonté de coopération et de réflexion
commune des acteurs.
56
Dans la suite de ce chapitre, de telles structures d’assurance et de réassurance seront appelées également structures de
group e ou organismes mutuels.
57
Nous proposons une présentations de mécanismes d’assurance de type mutuelle dans la seconde partie de ce chapitre.
86
Afin que l’implémentation des mesures de prévention et d’apprentissage
soit efficace, il faut donc développer une communication sur ces risques, afin de
les objectiver autant que faire se peut, et définir le rôle et les responsabilités des
différentes parties concernées. Ce processus d’objectivation et d’implantation
peut être particulièrement complexe en présence d’incertitude. La régulation des
risques émergents doit notamment s’appuyer sur une réflexion en terme de
gestion des crises, afin qu’un simple accident ne prenne pas des proportions
catastrophiques (Godard, Henry, Lagadec, Michel-Kerjan (2002), Lagadec
(2002)). Elle doit aussi s’appuyer sur un réseau de coopération entre acteurs
privés et puissance publique. De tels risques tendent en effet à devenir des « faits
sociaux totaux » dont aucune discipline instituée ne peut seule parfaitement
rendre compte. Par ailleurs, aucune démarche isolée des pouvoirs publics ne peut
remédier à la crise de confiance qu’ils impliquent58.
58
Commissariat Général au Plan ( 2003).
87
définir une nouvelle architecture des marchés, en développant de nouveaux
réseaux de coopération entre les agents59.
59
Godard et al. (2002).
60
B. Berliner Limits of insurability of risk., Eglewood Cliff (New Jersey), Prenticle Hall, 1982..
61
Godard et al. (2002).
88
la pratique ont su repousser par des mesures spécifiques. Ainsi les différents
problèmes liés à l’existence d’asymétrie d’information entre assureurs et assurés
peuvent être réduits par l’utilisation de contrats segmentant de façon efficace la
population (sélection adverse), ou développant des incitations à la prudence et
l’effort de prévention (aléa moral).
Les tensions observées depuis trois ans sur certains marchés d’assurance,
comme ceux des professions médicales, l’ampleur des catastrophes industrielles
et naturelles ou encore le terrorisme ont mis en évidence les limites des capacités
de souscription des marchés de l’assurance et de la réassurance. Ces
bouleversements suggèrent que les problèmes d’assurabilité ne peuvent plus
uniquement être traités par une régulation des marchés d’assurance au moyen de
contrats et de règles de droit bien définies, mais nécessitent une réflexion sur les
liens entre l’assurance et les autres acteurs essentiels du partage des risques,
notamment l’Etat et les marchés financiers.
62
Source : Swiss Re.
90
1.1. Trois instruments financiers : quelle efficacité ?
Face à la sinistralité croissante induite par chaque nouvel événement
catastrophique, les compagnies d’assurance ont la possibilité de transférer, aux
marchés financiers, une partie de ces risques catastrophiques, afin d’éviter, d’une
part tout risque d’insolvabilité et d’autre part, de limiter le coût de la
réassurance. Trois instruments peuvent être utilisés: des échanges de
portefeuilles entre assureurs différemment exposés au risque, des options sur
indice du Chicago Board of Trade (CBOT) et des obligations indexées du
CBOT. Ils offrent aux compagnies d’assurance et de réassurance, la possibilité
de pallier une pénurie de capacité ou d’offre de réassurance. Le marché mondial
de ces différents produits ( titres et dérives) représentait, en 2001, 9,1 milliards
de dollars63 Nous présentons ci-dessous leur fonctionnement et tentons
d’apporter quelques premiers arguments quant à leur efficacité pratique (Godard
et al.(2002)).
63
Il s’agit ici de la valeur faciale de l’ensemble des titres et dérivés en circulation. (Swiss Re, 2003).
91
D’une manière générale, les swaps sont des produits, négocies de gré à gré,
qui permettent principalement de se couvrir contre les fluctuations et l’alea.
L’avantage d’une telle bourse d’échange, dans le cadre des risques de
catastrophes naturelles, est de fournir aux assureurs, établis dans des régions
particulièrement exposées à ce type de risque, la possibilité de réduire une
surexposition due à la concentration de leur activité au sein de ces zones
géographiques.
Dans le cas des options sur indice catastrophique, leurs valeurs dépendent
d’un des dix indices du Property Claims Service (PCS) américain. Chacun des
indices est calculé pour une zone géographique donnée. Un indice correspond à
la somme, sur 100 millions de dollars, des pertes assurées, suite à des
événements catastrophiques dans la zone géographique, et pour la période
couverte par le contrat. Un indice est exprimé en points.
64
Un put est une option de vente et un call une option d’achat, c’est a dire que l’acheteur de l’option paye,
au départ, au vendeur une prime qui à exercer son droit d’achat (call) ou de vente (put) de cette option, selon
l’état du marché.
92
Si l’assureur décide d’exercer l’option, alors que la valeur actuelle est
inférieure à la valeur initiale, il perd l’intégralité de son versement initial. Dans
ce cas, les conséquences des catastrophes au cours de la période d’exposition ont
été inférieures à celles que l’assureur aurait pu craindre.
93
Couverture du Risque Climatique
La déréglementation du secteur de l’énergie aux Etats-Unis a constitué le principal moteur de
développement des dérivés météorologiques. La volatilité croissante des résultats a conduit les entreprises de
ce secteur à rechercher des innovations capables de diminuer leur vulnérabilité vis à vis des conditions
météorologiques. En août 1997, les dérivés météorologiques ont été introduits pour pallier ce problème.
HDD (heating Degree Day) :Il est calculé en utilisant la température moyenne journalière (t), comparée a
65 degrés Fahrenheit : HDD=65-t
CDD (Cooling Degree day):Il est obtenu de façon analogue: CDD=t-65
-Fonctionnement
Si une compagnie est préoccupée par un été trop chaud ou un hiver trop froid, elle peut réduire ce
risque par l’achat d’un call ou d’un put de degrés journaliers. Les options de degrés journaliers sont donc des
calls et des puts où le prix d’exercice est le niveau prédéterminé de degrés journaliers, et le prix de règlement
est le niveau effectif de degrés journaliers pour une période définie. L’acheteur de l’option paye , au départ,
au vendeur une prime qui l’autorise à exercer son droit d’achat (call) ou de vente (put) de cette option.
Si l’option est exercée, le vendeur doit régler le montant du notionnel multiplié par la différence entre
le niveau d’exercice et le niveau de HDD ou CDD effectivement constaté par les services météorologiques.
Si l’option n’est pas exercée, l’acheteur perd alors le montant de la prime qu’il a versée mais cette
perte est compensée par le bénéfice d’exploitation créé par des conditions climatiques favorables.
Deux exemples
Un call sur les précipitations proposé à un parc d’attraction. Le prix d’exercice est de 140 mm de
pluie, pour 200 000 euros. Le parc a ainsi la possibilité de recevoir 10 000 euros par millimètre d’eau
tombée, au dessus de 140 mm, au cours de la période.
Un CDD- put proposé à un agriculteur ,qui serait pénalisé si l’été était plus froid que prévu. Le prix
d’exercice est de 610 CCDs, pour 260 000 euros. L’agriculteur a ainsi la possibilité de recevoir 5000 euros
par points au-dessus de 610 CDDs, au cours de la période.
94
Obligations indexées du CBOT: les Cat Bonds
Les obligations indexées sur un risque catastrophique constituent une autre
forme de transfert de risques entre un assureur et les marchés financiers. Elles
sont une méthode alternative d’assurance des grands risques, qui permet une
titrisation des risques catastrophiques sur les marchés financiers, on parle de
titrisation des risques assurantiels.
65
Source : FFSA.
95
Purpose Vehicle (SPV), peut être mise en place comme intermédiaire entre
l’assureur et les investisseurs.
Investissement
Assurés
100 Rdmt
100
ROL
(Ré)assureur SPV Investisseurs
ROL+ Rdmt
96
Le fonctionnement des obligations indexées est le suivant. Durant la phase
d’initialisation de la structure (cf figure 3), l’assureur paye une prime, le rate on
line (ROL), au SPV. Celui-ci investit alors dans des titres sûrs, rapportant un
rendement certain. Dans l’exemple proposé par la figure 3, l’investissement est
de 100. Ces 100 correspondent à l’achat, par des investisseurs, de Cat Bonds.
Ces obligations leur rapportent alors le rendement des 100 placés, auxquels se
rajoute le ROL.
Investissement
Sinistre
Assurés
Liquidation partielle
Remboursement
Absence de sinistre
Investissement
Liquidation finale
97
En cas de survenance d’un sinistre (figure 4), l’assureur doit rembourser un
certain montant aux assurés, qui sera versé par le SPV. En contrepartie, le SPV
liquide partiellement ses titres, et verse aux investisseurs un rendement moindre.
En l’absence de sinistre (cf figure 4), l’ensemble des fonds sont reversés aux
investisseurs, à la maturité de l’obligation.
Concernant les options sur indices ou encore les Cat Bonds, leur succès est
moindre. Kunreuther, Michel-Kerjan (2004) notent d’ailleurs qu’aucun marché
de Cat Bonds, visant à couvrir le risque terroriste, n’a été mis en place après le
11 septembre 2001, et la Swiss Re a observé également un réel tassement de
l’émission d’obligation catastrophes. Celles-ci représentent à peine 1 milliard de
dollars depuis 199766. Pourtant, la capacité limitée de l’assurance pour couvrir de
tels scenarii devrait être un facteur important de développement de ces
instruments financiers, qui permettent, aux assureurs, de bénéficier de
l’importante capitalisation des marchés financiers.
Une comparaison entre les Cat Bonds et les options sur indices
catastrophiques permet de mettre en avant un certain nombres d’avantages des
premiers sur les seconds, que ce soit pour les investisseurs, les compagnies
66
Swiss Re, The Picture of ART, 2003.
98
d’assurance ou encore les assurés. En effet, pour les premiers, les risques
assurantiels représentent une source intéressante de diversification : la plupart
des risques, en particulier les risques catastrophiques, sont généralement
indépendants des risques de marché. La titrisation permet donc de dissocier le
risque d’assurance de celui de marché, ce que la simple participation des
investisseurs au capital des compagnies d’assurance ne permettait pas de faire.
De plus, contrairement aux options sur indice, la titrisation des risques
catastrophiques les protège également des pertes potentielles que pourrait causer
un sinistre.
Enfin, il faut également noter que le recours au Cat Bonds protège l’assuré
de tout risque de contrepartie.
99
précise la question du développement de tels instruments financiers face à un
risque extrême : le terrorisme international.
Propriétaires Assurés
Compagnie
67
Swiss Re (2003), Chemarin (2003)
68
Swiss Re (2003)
100
Comme le montre la figure 5, au contraire d’une compagnie d’assurance, où
les rôles d’assurés, propriétaires (actionnaires) et gestionnaires sont séparés, les
propriétaires sont les assurés au sein des mutuelles. Ces dernières sont
construites autour des principes de solidarité dans la réparation des sinistres,
d’égalité devant le risque et la décision et de non discrimination à l’entrée. Ces
concepts définissent leur fonctionnement et se retrouvent en particulier dans les
contrats proposés. En effet, les mutuelles sont des organismes à but non lucratif
proposant des contrats à cotisations variables, qui garantissent une assurance
complète et une tarification uniforme, et permettent, d’une part le partage du
risque de chacun des assurés entre tous, et d’autre part la redistribution des
profits à l’ensemble des membres. Il faut également noter que les mutuelles sont
des regroupements d’assurés de même profession. Ainsi, en France, leur
développement s’est fait dans un ordre croissant des risques, selon les
regroupements suivant :
101
les assurés d’un même secteur d’activité sont les propriétaires de l’organisme de
groupe et les contrats proposés sont également à cotisation variable.
Les Pools
Les pools sont des accords passés entre des entreprises ou entre de des
compagnies d’assurance et réassurance visant à mobiliser des capacités
suffisantes pour de très gros risques. Ils sont organisés comme des assureurs
mutualisés avec des entreprises comme preneurs d’assurance, sur une base
nationale visant à couvrir une classe de risques déterminés.
102
- Les pools commerciaux : ils assurent les risques relatifs aux
particuliers et aux entreprises. On citera en exemple des pools
d’assurance de catastrophes naturelles (California Earthquake
Authority aux Etats-Unis ou le Turkish Catastrophe Insurance
Pool en Turquie), des pools de réassurance du risque terroriste
(Pool Re au Royaume-Uni, GAREAT en France), des pools
d’assurance ou de réassurance du risque de responsabilité
médicale (GTAM et GTREM en France) ou encore des pools
d’assurance du risque nucléaire (Allemagne).
69
Swiss Re (2003).
103
Les Captives
Une captive est une société d’assurance ou de réassurance, de forme
mutuelle, appartenant à une entreprise ou à un groupe n’opérant pas dans le
secteur de l’assurance. Sa principale vocation est de couvrir les risques de son ou
ses détenteurs. Les premières captives ont été créées suite au manque de
confiance des entreprises dans les autres mécanismes de transfert des risques et
se sont fortement développées dans les années 60 du fait d’avantages fiscaux et
financiers importants70.
Il existe plusieurs types de captives :
- Les captives d’une société – mère assurent uniquement les
risques de celle-ci et de ses filiales.
- Les captives diversifiées couvrent les risques afférents ou non à
l’activité du groupe.
- Les captives d’associations couvrent les risques d’une
association professionnelle, par exemple les risques de
responsabilité civile comme l’erreur médicale.
- Les rent-a-captives sont des sociétés d’assurance permettant
l’accès aux services d’une captive sans que l’entreprise ne doive
la créer.
70
Dans les années 60, les primes payées aux captives pouvaient être déduites des impôts par la maison-mère,
offrant ainsi un avantage fiscal au niveau du bilan de l’entreprise. Aujourd’hui les avantages fiscaux ont été
fortement réduits dans les pays industrialisés. De plus, la réglementation est peu favorable aux captives : elle est
défavorable aux Etats-Unis et au Canada, l’Allemagne est prudente, la France et le Royaume-Uni sont neutres et
la Suède est favorable (Swiss Re, 2003).
104
mécanismes précédemment développés offrent une solution alternative
fréquemment utilisée en permettant un regroupement des assurés par type de
profession ou des assureurs pour un nouveau risque donné. Une nouvelle
stratégie d’assurance et un nouveau réseau de coopération entre assurés et
assureurs sont ainsi définis.
71
Marshall (1974) : les principes de mutualisation et de réserve décrivent deux types de comportements
extrêmes des agents dans la prise en charge du risque non-diversifiable. Le principe de mutualisation suppose en
effet que les assurés supportent l’ensemble du risque, alors que le principe de réserve décrit un transfert de ce
risque à un acteur tiers. Il montre ainsi que lorsque la loi des grands nombres s’applique, il est optimal de
transférer le risque à un tiers acteur, alors que quand celui-ci peut être décomposé en une partie idiosyncrasique
et une partie résiduelle ou agrégée, non-diversifiable, le principe de mutualisation entre les agents devient
optimal. Borch (1962) avait déjà énoncé les prémices d’un tel comportement en présence d’un risque, c’est le
principe de mutualité : la partie idiosyncrasique du risque est couverte complètement, alors que la partie
agrégée ne l’est que partiellement suivant le degré d’aversion au risque des agents.
105
2. LE SOCIETARIAT : FORCE OU FAIBLESSE DE LA « SOCIETE DU
72
RISQUE »?
72
Beck (2003).
106
d’assurance ont donc un avantage comparatif sur ces dernières, issu de la gestion
du conflit gestionnaire/propriétaire des capitaux de l’entreprise.
73
Beck (2003).
107
Trade Center en 2001 crée un sentiment d’insécurité dans les marchés
développés et une révision complète des expositions, et enfin, la survenue
ultérieure de l’accident industriel d’AZF à Toulouse en 2001 entraîne une
réévaluation des effets des catastrophes technologiques. Cette réévaluation
coïncide avec une prise de conscience par l’assurance d’être au cœur des effets
de l’augmentation des risques sur le moyen terme et tout particulièrement ceux
d’origine climatologiques, technologiques, sanitaires ou encore juridiques.
D’autres effets liés à l’accroissement des richesses agissent également en
parallèle et tendent à accroître un tel phénomène : la mondialisation, la
concurrence accrue ou encore l’industrialisation du crime (Vilnet (2004)).
Cette sensibilisation aux risques dans tous les domaines entraîne deux
conséquences majeures pour l’assurance avec des besoins contradictoires en ce
108
qui concerne les catastrophes: une moindre appétence des assureurs aux risques,
débouchant sur une raréfaction de l’offre, et des besoins plus importants de
protection financière pour les entreprises et les particuliers. Cette nouvelle
situation de raréfaction de la réassurance liée à l’augmentation des risques
conduit à un durcissement technique (évaluation, tarification, réserves, allocation
de capital), dont les conséquences peuvent être l’augmentation spectaculaire des
primes, l’ exclusion ou même le refus d’assurance de certains risques.
109
Les risques non avérés invitent à une réflexion approfondie sur les
mécanismes contractuels et institutionnels de prise en charge de ces derniers, sur
les réseaux de coopération entre agents que de tels mécanismes concernent et
impliquent et surtout sur des éventuelles incitations à l’apprentissage et à la
prévention qu’ils peuvent induire. Parce que l’assurance et plus particulièrement
la mutualisation, se situe « entre le public et le privé, contribuant à souder
l’espace social, en créant des solidarités objectives, là où il n’y avait que des
intérêts indépendants et opposés »74, elle donne aux sociétés les instruments
d’apprentissage et de développement, en responsabilisant les individus afin de ne
pas compromettre les ressources des générations futures. En incertitude
scientifique, la mutualisation est un élément de réponse face à ces risques
nouveaux, nous en étudions ci-dessous les principales caractéristiques.
74
Comte-Sponville A., Philosophie de l’Assurance, Risques, n°32, Octobre 1997.
110
risque donné, d’en mutualiser une partie et de transférer ce qui n’est pas
mutualisable.
Par exemple, dans le cas d’un pool d’entreprises, celles-ci ne sont plus
soumises aux diffèrent coûts inhérents au fonctionnement des compagnies
d’assurance, c’est à dire les coûts de gestion des dossiers, de marketing, de
fonctionnement, etc. L’ensemble de ces frais étant directement répercuté dans les
primes d’assurance, une structure de type mutuelle, c’est à dire gérée par les
demandeurs d’assurance, permet de proposer des primes plus faibles. De plus,
une telle structure peut proposer des contrats plus adaptés aux besoins de chacun
des membres, puisque ces derniers sont également les « vendeurs » d’assurance
et qu’ils connaissent les techniques, les pratiques et donc les risques liés à
l’activité en cause.
111
Ce regroupement entre individus relativement homogènes et bien informés
sur les besoins, les risques et les coûts de chacun des membres, permet donc de
proposer des contrats plus adaptés à un moindre coût. Une sélection des futurs
membres selon leur niveau de risque est également imposée, ainsi que le
développement de politiques de gestion des risques au sein de l’organisme
mutuel, puisque chaque entreprise supporte une partie du risque d’une autre
entreprise membre. A terme, l’enjeu d’une telle structure est donc la maîtrise du
risque en amont ; la structure de groupe semble être, en elle-même, une
incitation permanente à la prévention.
Les captives ou les groupes d’assurés sont fréquemment utilisés pour des
risques inhérents aux fonctionnement des entreprises, risques pour lesquels le
prix de la réassurance est important car ils induisent des coût fonctionnels élevés
pour les réassureurs. Utiliser ce type de structure pour des risques de pointe, des
risques catastrophiques ou des risques mal connus pose de grosses contraintes en
terme fonds propres, en particulier lorsqu’il s’agit d’un pool d’assurés. Un
partenariat avec un réassureur ou un transfert au marché financier via des
opérations de titrisation pourraient limiter ce risque d’insolvabilité. Cependant
pour des risques catastrophiques ou des risques non-avérés, un regroupement
d’assureurs ou de réassureurs peut être une solution intéressante. En effet, un tel
112
pool permet d’une part une circulation de l’information entre assureurs ou
réassureurs afin d’avoir une vision objective de la sinistralité réelle et, d’autre
part, une plus grande flexibilité et une capacité financière plus importante.
Cependant, face aux besoins de sécurité toujours plus intense, des individus,
une réflexion en terme de convergence des différents modèles existants
(Consorcio, Gareat, Extremus76…) semble devenir une réelle nécessité.
75
Vilnet (2004).
76
Consorcio : assurance des catastrophes dommages en Espagne, Gareat : pool français d’assurance des acte
terroristes et attentas et Extremus : pool allemand d’assurance des acte terroristes et attentas.
113
Le GTAM
Une solution d’assurance temporaire pour faire face à la crise d’assurance
responsabilité civile médicale
Aujourd’hui le BCT prend en charge l’ensemble des dossiers du GTAM et autre demandes de
médecins ne pouvant trouver d’assureurs. Le Groupement temporaire de Réassurance Médical a succédé au
GTAM. Il est la solution de réassurance du BCT, c’est à dire pour les dossiers gérés par le GTAM et autres
risques aggravés.
Fixation des primes
Financement du GTAM
L’objectif de tarification du pool est l’équilibre
technique. La tarification a été confrontée au problème de
l’estimation effective de la sinistralité. Les contrats
d’assurance ont donc été établis au cas par cas, par des
groupes de travail d’assureurs membres du GTAM, selon
différents hypothèses. La tarification s’est donc faite d’une
manière générale par profession, avec une majoration selon
la sinistralité passée du médecin. Cinq classes de tarifs
étaient alors délimitées, de « élevés » à « faibles ».
Durant la période de fonctionnement du pool, avant
prolongation, les statistiques de souscription sont les
suivantes :
Source : GTAM
T pour temporaire
Le GTAM est une solution transitoire qui propose un certains nombres d’avantages :
l’établissement d’un corpus de méthode de prévision du risque RCM via la centralisation de l’information
objective et un regroupement des connaissances, le développement d’une solidarité de marché, une
meilleure répartition du risque entre les assureurs et facilite l’accès à la réassurance.
Cependant, l’aspect temporaire, rend difficile la réelle mise en place d’indicateur de sinistralité ou
encore de réelles incitations à la prévention via un système de réduction des primes. Il faut d’ailleurs noter
que le rapport de la mission IGAS-IGF recommandait la prolongation du pool pour ces mêmes raisons de
lisibilité du risque de RCM.
De plus, aujourd’hui l’existence du GTREM, comme pool de réassurance, ne peut avoir cette
vocation d’outils d’apprentissage du risque, dans la mesure où il se focalise uniquement sur les risques
aggravés, il n’a en aucun cas le monopole de la réassurance en RCM.
Comme prévu par la loi du 4 mars, le BCT a désormais pris le relais du GTAM. Son rôle est de
décider à quelles conditions un assureur choisi par l’assuré, mais qui lui a opposé un refus, peut être
contraint à le garantir. Il ne saurait être question, en revanche, pour le BCT de désigner d’autorité un
assureur auquel il serait imposé de garantir l’assujetti à l’obligation d’assurance.
Le BCT se réunit pour l’étude de chaque dossier de risque aggravé. Il est constitué des responsables
des différentes sociétés d’assurance qui constituaient le GTAM, sous la tutelle d’un commissaire de l’Etat
Cependant, compte tenu de l’intensité de la crise assurantielle de RC médicale, le fonctionnement
du BCT est délicat, en particulier car il n’a pas vocation à traiter de grands nombres de praticiens qui se
retrouveraient sans assurance. Le BCT doit rester une procédure d’exception pour les risques aggravés, ce
qui est, encore aujourd’hui, difficile dans un contexte d’incertitude à la fois sur le cadre réglementaire et
sur la sinistralité effective.
On voit que dans les trois cas les mécanismes de mutualisation sont au cœur
du dispositif, ils concernent la totalité des citoyens par la solidarité nationale, ils
concernent également tous ceux qui sont exposés à ces risques et dont la
nécessaire conscience de leur responsabilité devrait faire naître des solidarités
nouvelles.
116
Le chapitre suivant étudie tout particulièrement la question de l’intervention
de l’Etat dans la prise en charge des risques catastrophiques, à travers l’analyse
des partenariats existants entre les pouvoirs publics et la sphère privé, dans le cas
extrême du terrorisme international.
ET DEMAIN ?
La « société du risque », ainsi que nous la présentions dans la première
partie de ce chapitre et qu’annonçait Beck dès 1985, transforme profondément la
perception des risques auxquels nous devons faire face. Dans un tel contexte, le
progrès technique, la concurrence et la mondialisation modifient la notion de
« risque» en introduisant des sources d’ambiguïté nouvelles, à la fois sur la
potentialité de la sinistralité et sur l’ampleur des dommages qu’un sinistre
pourrait causer. Face à l’incertitude scientifique inhérent à ce « nouveau
risque », l’enjeu aujourd’hui est d’apprendre à « vivre avec », de prendre
conscience de la réalité de l’exposition de chacun à celui-ci, quelque soit sa
position et son rôle dans la société. Cette communauté de destin entre individus
qui acquièrent la conscience d’avoir tous quelque chose à perdre, est de nature à
développer des solidarités nouvelles conduisant à des mécanismes de
mutualisation soit dans le cadre de groupes, soit au niveau de la nation toute
entière.
78
Principe de précaution : « l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et
techniques du moment, ne doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir
un risque de dommages graves et irréversibles à l’environnement, à un coût économiquement acceptable »,
(article 1de la loi Barnier du 02/02/95 relative à la protection de l’environnement).
79
cf Godard (1997) : à cette époque M.Lavérie était directeur de l’Institut national de l’environnement et des
risques.
119
CHAPITRE 5
120
Dans la plupart des pays industrialisés, l’assurance est l’un des outils
principaux utilisés pour gérer le risque. Décrite simplement, l’assurance garantit
en contrepartie du paiement ex ante d’une somme relativement faible (la prime),
une protection contre une perte importante au regard des capacités financières de
l’assuré. Par transfert de tout ou partie de son exposition à des structures à plus
large base financière et bénéficiant de meilleures capacités de diversification
(donc moins averses à ce risque; par exemple un assureur), un agent (individu,
entreprise) se décharge d’un risque qu’il pourrait difficilement assumer seul s’il
venait à se réaliser.
121
assurance vie) pour lesquelles il existe de très nombreuses données historiques
sur les sinistres.
80
Cet effet du grand nombre est très utile mais néanmoins pas strictement nécessaire à l’acte d’assurance.
Paul Samuelson montre que le partage de risques (prise en charge d’une certaine proportion d’un risque donné
pour chacune des parties) peut être plus fondamental pour réduire le risque que la réplication de risques
identiques et indépendants. Voir P. Samuelson (1963). Plusieurs travaux récents discutent ceux de Samuelson ;
voir par exemple S.A. Ross (1999) ou E. Peköz (2002)
122
niveaux de risque (limitant ainsi le phénomène de sélection). Si ces deux
conditions sont vérifiées, le risque peut alors être considéré comme assurable.
Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’il s’agisse d’une activité profitable pour une
compagnie d’assurance, qui peut toujours décider de ne pas le couvrir. C’est
notamment le cas s’il est impossible d’établir un niveau de prix de couverture
pour lequel l’assureur aura une demande et un revenu suffisants pour couvrir les
coûts inhérents à son activité (développement, marketing, collecte des primes,
indemnisations), et conduisant à un niveau de profit jugé suffisant. Dans ce cas,
l’assureur peut préférer ne pas couvrir tel ou tel type de risques, d’individus ou
de firmes, sauf à y être obligé par la loi.
Dans un tel contexte, l’analyse des risques dits catastrophiques, tels que les
grandes catastrophes naturelles ou le terrorisme de masse, doit être abordée de
manière très particulière.
De plus, de tels risques à grande échelle, ou encore les interactions entre ces
différentes catégories de risque, ont également les attributs essentiels de maux
collectifs, au sens de la théorie économique de non-rivalité et de non-exclusivité :
123
chacun est potentiellement menacé, et la menace qui plane sur les uns ne diminue
pas forcément la menace qui plane sur les autres.
Enfin, ils posent de réelles limitations aux assureurs pour qui ils constituent un
potentiel de pertes très importantes qui pourrait les conduire à la ruine, et sont à la
fois très incertaines et ambiguës (au sens de l’incertitude et de l’ambiguïté dans la
théorie de la décision ; voir chapitre 3).
81
La notion de « risques ponctuels » ici vient en complément de celle de « risques diffus », ces derniers ne se
réalisant effectivement que sur une période assez longue, parfois plusieurs années (pollution de l’air ou des sols,
exposition physique à certains types d’amiante, ou encore risques dits de développement).
124
avions sur le Pentagone et en Pennsylvanie ainsi que parmi les services
d'urgence, plus de trois mille. Sans précédent aussi puisque les cibles visées
n'étaient pas seulement des biens publics représentant le pouvoir gouvernemental
ou relevant de la sécurité publique (le Pentagone, l'espace aérien), mais des biens
privés détruits par des avions de ligne privés. Au regard des impacts de ces
attentats d’une nature nouvelle, l'acte de terrorisme –sous de multiples formes
possibles– est devenu une nouvelle source de "sinistres à grande échelle".
Ces événements ont engendré un effet de résonance tout à fait singulier et
soulevé de très nombreuses interrogations quant à la nature du risque terroriste
de nos jours, la responsabilité des gouvernements à garantir la sécurité de leurs
citoyens, l’impact de leur politique étrangère, entre autres. Plus spécifiquement,
et pour ce qui a trait à la problématique du présent rapport, ils ont également mis
en lumière la question de la responsabilité financière des gouvernements et du
secteur privé pour garantir l’indemnisation des victimes (personnes et
entreprises) et, par là même, la continuité sociale et économique du pays. La
question du financement des conséquences de tels événements –et donc du
partage du risque ex ante– émerge alors de manière centrale, et nous focaliserons
notre analyse du terrorisme sur cet aspect.
CONTRATS D’ASSURANCE
125
été exposés à ces risques et aient mis en place des systèmes particuliers de
couverture (France82, Angleterre, Espagne, Israël, Afrique du Sud, entres autres),
soit que les autres pays n’aient pas considéré le terrorisme comme présentant un
potentiel catastrophique, n’ayant pas eu à en souffrir (États-Unis).
82
Jusqu'en 1986, l'acte de terrorisme constituait une clause d'exclusion des couvertures d'assurance de
dommage aux biens en France. Depuis la loi du 9 septembre 1986, cette clause d'exclusion est réputée non écrite
et ne peut plus être invoquée par les assureurs : la clause de garantie obligatoire des actes de terrorisme ou
attentats prévaut. Les préjudices matériels sont donc toujours indemnisés par les compagnies d'assurances.
L’indemnisation des victimes de dommages corporels est assurée par le Fonds de garantie des victimes d’actes
de terrorisme et d’autres infractions créé en 1986.
83
Le premier attentat contre le World Trade Center, qui tua 6 personnes et en blessa un millier d’autres, fut
perpétré en 1993 à l’aide d’une voiture piégée dans l’un des garages des tours ; l’attentat causa 725 millions de
dollars de pertes assurées. L'attentat à la bombe d'Oklahoma City, en 1995, qui tua 168 personnes, était jusqu'ici
le plus important jamais perpétré sur le sol américain, mais les pertes matérielles furent essentiellement des
dommages aux biens fédéraux, donc couverts par le gouvernement (Swiss Re, 2002).
126
Une évolution dans la nature du risque
Si les assureurs avaient porté une attention plus soutenue à leur éventuelle
exposition au risque terroriste, sans doute auraient-il pu observer le changement
radical survenu au cours des deux dernières décennies dans la nature même de la
menace terroriste. Si tel avait été le cas, il est fort probable qu’ils auraient ajusté
leur engagement bien avant ce matin du 11 septembre 2001 (exclusions,
limitation de la concentration de portefeuille, prime spécifique au risque
terroriste).
84
Voir notamment Enders and Saandler (2004).
127
d’État américain, 635 attaques terroristes ont été perpétrées dans le monde en
1985, 612 en 1986, 665 en 1987 et 605 en 1988 (U.S. Department of State,
2003). En comparaison, 296 attaques terroristes ont été perpétrées dans le
monde en 1996, 304 en 1997, 274 en 1998 et 355 en 2001, soit près de deux fois
moins en moyenne qu’à la fin années 80. Cette décroissance est largement due à
la fin du conflit Est/Ouest qui s’est traduit par une diminution significative du
nombre de groupes terroristes perpétrant des attentats politiques (Pillar, 2001).
D’autre part, les attentats ne sont pas moins dévastateurs même s’ils sont en
nombre réduit. En effet, un changement radical s’est opéré au cours de ces
années vers des attentats de plus grande échelle infligeant des pertes humaines
plus nombreuses. Ainsi l’observation des 15 attentats les plus meurtriers révèle
qu’ils sont tous survenus après 1982 (voir Tableau 1 ci-dessous). De plus, 80%
d’entre eux furent perpétrés au cours des 10 dernières années, entre 1993 et
2004, incluant les attaques à grande échelle à Madrid le 11 mars 2004 qui tuèrent
plus de 200 personnes et blessèrent un millier d’autres85.
85
Pour une analyse internationale approfondie de la question terroriste voir SOS Attentats (2003).
128
Date Lieu Evénement Décès Blessés
11 Sep 2001 États-Unis Ecrasement d’avions détournés contre des 3 100 2 250
cibles privées et fédérale
23 Oct 1983 Liban/Bierut Attaques à la bombe contre des intérêts 300 100
militaires français et américains
12 Mars 1993 Inde/Bombay 13 attaques a la bombe 300 1 100
07 Août 1998 Kenya/Nairobi Attaques à la bombe sur l’ambassade des 253 5 075
États-Unis
11 Mars 04 Madrid, Attaque à la bombe contre des trains 202 >1400
Espagne
12 Oct 2002 Indonésie Attaque à la bombe dans une discothèque 190 300
19 Avril 1995 Etats-Unis/ Attaque au camion piégé sur un immeuble 166 467
Oklahoma City gouvernemental
23 Nov 1996 Comores Détournement du vol Éthiopien Airliner B- 127 0
767
13 Sep 1999 Russie/ Attaque a la bombe dans un immeuble 118 0
Moscou résidentiel
04 Jun 1991 Éthiopie/ Incendie volontaire dans une fabrique 100 0
Adis Ababa d’armes
31 Jan 1996 Sri Lanka/ Attaque à la bombe Ceylinco House 100 1 500
Colombo
18 Juil 1994 Argentine/ Attaque à la bombe 95 147
Buenos Aires
26 Fev 1993 États-Unis, Bombe explose dans le garage du WTC 6 1000
New York
86
Sources : US Department of States (2003), Swiss Re (2002, révisée en mars 2003), informations presse.
129
systématiquement contre « l’Ouest » qui est vu par ces groupes religieux comme
supportant d’autres valeurs qu’ils jugent divergentes (Hoffman, 1998; Pillar,
2001; Wedgwood, 2002).87 En 1982, seuls deux groupes terroristes étaient
classés comme religieux parmi un total de 64 groupes répertoriés dans le monde.
Au cours des 15 années qui ont suivi, cette proportion n’a cessé d’augmenter.
Ainsi, en 1995, près de la moitié des groupes terroristes répertoriés à travers le
monde étaient des groupes extrémistes religieux (Hoffman, 1997).
NOUVEAU
87
Il ne s’agit bien sur pas ici d’analyser plus en détails cette évolution. Les lecteurs intéressés par cette
question pourront se reporter aux références que nous indiquons.
130
maillage et de diffusion, pour propager une attaque à grande échelle, beaucoup
plus déstabilisante et meurtrière.
Le matin du 11 septembre 2001, après que quatre avions aient été utilisés
comme bombes volantes, chaque élément du réseau –chaque avion demeurant en
vol– devenait un danger potentiel. L’incertitude associée au nombre d’avions
détournés était un facteur aggravant et limitant pour la prise de décision des
autorités. L’ensemble du réseau aérien étant potentiellement à risque, les
autorités américaines n’ont eu d’autre choix que d’ordonner la suspension de
tous les vols commerciaux sur l’ensemble du territoire, avec les répercussions
que nous connaissons sur l’aviation mondiale ; c’était la première fois de
l’histoire des États-Unis que le gouvernement prenait une telle mesure.
88
Dans le cas de la crise de l’anthrax, chaque enveloppe étant possiblement contaminée à l’anthrax, le degré
réel de contamination du système était inconnu. L’ensemble du service postal américain étant donc
potentiellement à risque, l’éventualité d’ordonner sa fermeture complète fut également sérieusement considérée.
L’USPS, premier service postal au monde, traite aux États-Unis quelques 680 millions de lettres et colis par
jour ; l’arrêter ne serait-ce qu’une semaine pour tenter de mieux comprendre les sources et le degré de
contamination du système, c’est accepter de devoir relancer un réseau avec plus de 4 milliards de pièces en
attente de traitement, et s’ajoutent également les effets indirects sur l’ensemble des réseaux postaux mondiaux.
Quelques jours plus tard, l’Europe était elle aussi en état d’alerte, obligée de repenser les modes d’intervention
non plus à une échelle nationale (ou même locale), mais bien au niveau européen, nécessitant une coordination
entre multiples acteurs (gouvernements, dirigeants des opérateurs de réseaux, représentants des employés,
utilisateurs de ces réseaux vitaux, assureurs, etc). Voir Boin, Lagadec, Michel-Kerjan et Overdijk (2003).
89
Le Federal Victim Compensation Fund, établi immédiatement après les attaques pour indemniser les
victimes et les familles de victimes, a versé 5 milliards de dollars d’indemnisations à ce jour (Smetters, 2004).
131
Ces attaques ont en effet infligé des pertes économiques directes estimées à
80 milliards de dollars, dont 32,5 milliards couverts par les assureurs et
réassureurs (150 au total)90 (Hartwig, 2004). A titre de comparaison, les trois
attentats les plus coûteux pour l’assurance jusque là étaient l’attentat à la bombe à
Londres le 24 avril 1993, celui de Manchester le 15 juin 1996 et celui contre le
World Trade Center à New York le 26 février 1993. Ces trois attentats causèrent
des pertes assurées de 900, 750 et 725 millions de dollars respectivement (prix
indexé 2001).
90
Comme nous l’avons vu, le terrorisme n’était généralement pas exclu des polices d’assurance commerciale
aux États-Unis avant ces attaques.
91
Incluant assurance vie et responsabilité ; Sources: Hartwig (2004).
132
En additionnant les remboursements d’assurances (32,5 milliards de dollars)
au montant d’indemnisations octroyé par le gouvernement fédéral américain à
travers l’établissement du US Federal Victim Compensation Fund to victims of
9/11 (près de 5 milliards de dollars92), le montant total des indemnisations liées
aux attentats du 11 septembre 2001 avoisine les 40 milliards de dollars (hors dons
privés aux associations de victimes). Ce montant est presque le double de celui
octroyé après l’ouragan Andrew qui dévasta les côtes de Floride en 1992, et
constituait jusque là l’événement le plus coûteux pour l’assurance. Il est cinq fois
supérieur aux indemnisations octroyées en France après les grandes tempêtes de
décembre 1999 (assurances privées tempêtes et système Cat.Nat pour les dégâts
suite aux inondations consécutives aux tempêtes).
Notons également, que la configuration de ces attentats fut telle que la ligne
de risque la plus durement touchée ne fut pas les dommages aux biens (les deux
tours) mais les remboursements des pertes économiques liées aux interruptions
d’activités : 11 milliards de dollars, soit un tiers du montant total des pertes
assurées.
92
Smetters (2004).
133
12000
10000
8000
6000
4000
2000
ité
t
n
és
e
és
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In
do
es
Au
An
D
m
ni
om
s
m
tre
de
Au
In
Figure 1. Principales lignes d’assurance touchées par les attaques du 11 septembre 2001
(en million de dollars) Sources: données d’après Insurance Information Institute (Hartwig,
July 2004)
134
ayant d’ailleurs été obligés de déclarer faillite après de grands événements tels
que l’ouragan Andrew de 1992 ou le tremblement de terre en Californie en 1994.
A titre indicatif, 75% des 40 événements les plus coûteux sur la période 1970-
2003 sont survenus entre 1990 et 2003.
65
60
55
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000
93
Swiss Re, Sigma. (2004)..
135
la hausse, voire même de ne plus couvrir le terrorisme du tout jusqu'à nouvel
ordre.
Par effet de cascade, les assureurs qui avaient transféré une part de leurs
risques aux compagnies de réassurance, se voyaient alors face à un risque révélé
associé à des pertes potentielles extrêmes, et une capacité de réassurance
considérablement réduite. En réponse à cette situation, l’industrie de l'assurance
a immédiatement limité l’offre de couverture (ce qui ne constitue pas une
défaillance de marché en soi, mais plutôt une réaction à un choc spécifique :
pertes importantes, capacités réduites, révision à la hausse des potentialités de
catastrophes, augmentation des prix de la réassurance) voire refusé de
reconduire, dans la mesure des régulations en place dans le pays, après leur date
d'échéance, les polices d'assurance couvrant contre les risques d'attentats94.
94
A titre d’exemple, Axa décide dès le mois d'octobre 2001 de se désengager d'un contrat qu'il avait signé
avec la Fédération internationale de football pour couvrir le risque d'annulation de la Coupe du monde de football
2002 au Japon et en Corée (plus de 900 millions d'euros de couverture). Notons que la couverture est aussitôt
prise en charge par le financier et assureur américain Warren Buffet, illustrant bien le fait qu’un risque jugé non
assurable pour certains ne l’est pas forcement pour tous.
136
à des régulations plus nombreuses et plus contraignantes dans le pays où ils
opèrent95.
95
Par exemple, suite au tremblement de terre de Northridge en Californie en 1994, qui infligea plus de 17
milliards de dollars de pertes assurées (prix 2002), nombre d’assureurs voulurent se désengager de ce marché
désormais juge trop risqué. Néanmoins, le Congrès de Californie vota une nouvelle loi interdisant à tout assureur
opérant dans cet État de se désengager de plus de 5% de son portefeuille par an pour la couverture contre les
séismes.
96
Dans Michel-Kerjan (2003-b) nous analysons la réaction des marchés financiers aux événements du 11
septembre, prédite en grande part par les résultats théoriques de l’économie de l’assurance. En particulier, il est
notable qu’après le choc immédiat post 11-septembre, le cours des actions des compagnies d’assurances soit
revenu à un niveau pré-11 septembre très rapidement, voire l’ait dépassé. On estime ainsi qu'entre le 10
septembre 2001 et le 08 novembre 2001, l'indice boursier des compagnies américaines d'assurances dommages-
responsabilité a augmenté de 6,5 %, contre trois fois moins pour l'indice S&P500.
137
couverture financière du terrorisme et politique de sécurité nationale? Quelles
sont les responsabilités des gouvernements et du secteur privé en la matière ?
2. RISQUES INTERDEPENDANTS
Les mécanismes d’assurance tels que nous les connaissons ne sont pas bien
configurés pour traiter de telles interdépendances. En effet, dans ce cas il est
extrêmement difficile de lier prix de la couverture et efforts de prévention dès lors
que ces efforts peuvent n’être que d’une utilité tres limitée si d’autres agents –dont
l’assuré dépend– ne sont pas assez protégés, et sur lesquels les assureurs ont peu de
prise. A moins de proposer une approche de type monopole d’assurance, dans
laquelle il est possible d’endogénéiser ces externalités (un seul assureur couvrant
l’ensemble des agents, et donc l’ensemble des risques, directs et interdépendants),
l’assurance privée est ici limitée pour inciter à la prévention et déterminer un prix
de couverture qui reflète l’exposition réelle des assurés (Kunreuther et Michel-
Kerjan, à paraître).
140
En effet, toute mesure d'autoprotection locale peut également engendrer des
externalités négatives. Par exemple, mettre en place dans un aéroport des
mesures de protection observables publiquement peut permettre de réduire la
vraisemblance d’une attaque contre cet aéroport puisque le bénéfice marginal
d'une telle attaque, du point de vue du groupe terroriste, décroît du fait de l'effet
richesse (ressources limitées). Néanmoins, cela peut alors inciter les terroristes à
attaquer d’autres cibles plus vulnérables97. Il en résulte donc que l'autoprotection
d'un agent peut augmenter le danger pour les autres agents d'être attaqués98.
Le bénéfice social retiré par cet effort de protection peut alors s'avérer bien
moindre que le bénéfice privé retiré par le propriétaire du premier aéroport.
Seules des politiques de gestion globale des risques permettraient de contenir ces
effets en endogénéisant les externalités. En absence de mécanismes décentralisés
de coordination, il y a nécessité d'interventions gouvernementales pour cela
(mise en place de standards de sécurité par exemple).
97
Dans certains cas, les terroristes pourraient aussi vouloir atteindre des cibles considérées comme
particulièrement sûres afin de démontrer leurs capacités d'attaques ; par exemple des cibles gouvernementales ou
symboliques, comme ce fut le cas lors du 11 septembre contre les tours jumelles du WTC et le Pentagone.
98
De fait, ces externalités dues aux efforts d'autoprotection peuvent également influencer le prix de
l'assurance pour les autres agents.
141
les effets directs d’un événement ; dit autrement, l’assuré doit être la victime directe
de l’attaque.
INFORMATIONNELLE
99
Dans la relation assureur/assuré pour la couverture contre les attentats, si problème d'aléa de moralité
il y a, il se pose essentiellement ex post.
143
constituent et peuvent rester à l'état de veille plusieurs années, les cibles et les
types d'attaques changent, la politique étrangère d’un pays évolue, la lutte anti-
terroriste est efficace ou ne l’est pas, etc.).
144
et des pertes économiques).100 Ces modèles ont connu un essor important au
cours des années 90, en particulier en proposant aux compagnies d’assurances
des mesures de l’exposition de leur portefeuille face à de tels aléas. Ce marché
de la quantification des risques catastrophiques est aujourd’hui dominé par trois
firmes leaders, AIR, EQECat et RMS.
Un autre biais du seul recours aux experts est bien connu. Leur jugement est
très sensible à l’actualité récente. Par exemple, après les attentats du 11
100
Voir par exemple, Chiriou et Michel-Kerjan (2003) ; voir aussi chapitre 4.
145
septembre, la tendance était de se focaliser sur la possibilité de nouvelles attaques
utilisant des avions de ligne privés, sous estimant certainement le potentiel
d’attentats d’autre nature. Inversement, si plusieurs chefs de réseaux terroristes
sont arrêtés par les autorités gouvernementales, la tendance pourrait être au sur-
optimisme, sous-estimant la volonté d’autres groupes terroristes.
6. PERCEPTION DU RISQUE
146
nombreuses études ont montré le rôle déterminant sur les modes d’action des
individus et des groupes. Les études menées par plusieurs des psychologues
parmi les plus reconnus ont en effet montré que les événements moins familiers,
perçus comme difficilement contrôlables dans leur ensemble et qui présentent un
potentiel de sinistre à grande échelle, sont perçus par le public comme plus
risqués. Les actes de terrorisme présentent de telles caractéristiques et sont donc
plus sujets que d’autres à l’attention des medias et du public.
De plus, très souvent, les personnes ont une réelle difficulté à intégrer de
manière effective dans leurs actions le facteur vraisemblance quand celle-ci est
particulièrement faible. Cela pose donc la question de la communication de telles
menaces avec le public (au sens large du terme). Pour cette raison, il est
important de mieux comprendre comment la perception du risque terroriste
influence les actions des personnes et des entreprises, par exemple dans leur
choix de couverture d’assurance.
147
Néanmoins, trois années après ces attentats, et sans nouvelle attaque sur le
territoire américain, moins de la moitié seulement des entreprises ont acheté une
assurance contre le terrorisme. Une étude nationale publiée en 2003 par le
Council of Insurance Brookers and Agents américain montrait ainsi que 90% des
brokers interrogés disaient que leurs clients n’avaient pas acheté d’assurance
terroriste pour la simple raison qu’ils n’en n’avaient pas besoin, ne pensant pas
être une cible potentielle. (CIAB, 2003). Une autre étude, focalisée uniquement
sur New York, et réalisée à l’automne 2003, deux ans seulement après le 11
septembre, révélait que seules 36% des firmes interrogées avaient acheté une
assurance terroriste; 66% des firmes non couvertes donnaient la même raison de
ne pas se percevoir comme cible potentielle pour expliquer leur choix de non
couverture (Kaye, 2003).
148
nationaux101. Le comportement de l’État affecte donc, au moins en partie, les
dangers d’occurrence des actes de terrorisme et le niveau des pertes associées.
Cela constitue un élément fondamental pour le choix d’un mécanisme de partage
de risque particulier. Dès lors, la question n’est pas de savoir si le gouvernement
doit intervenir dans les marchés d’assurance pour des raisons de défaillance de
marché, mais bien plus quel type de participation gouvernementale doit-on
concevoir et mettre en place, tenant compte des responsabilités du secteur public
que l’on vient de décrire.
101
Voir Lapan and Sandler (1988) et Lee (1988).
149
3EME PARTIE : ANALYSE INTERNATIONALE DES MECANISMES DE
COUVERTURE DU RISQUE: DES PARTENERIATS
PRIVE-PUBLIC
La France et l'Allemagne sont deux marchés intéressants car ces deux pays
européens ont mis en place des nouveaux programmes de couverture
commerciale contre le terrorisme qui reposent toux deux sur la création de pools
d’assurance ou de réassurance couverts par le gouvernement du pays, et établis
en réponse aux événements de septembre 2001 aux États-Unis. Mais alors que
l'assurance terroriste est obligatoire en France, elle ne l'est pas en Allemagne.
Deux ans après la création du pool allemand, la continuité de son activité au delà
de 2006 reste incertaine du fait d'une demande d'assurance trop basse.
102
Cette section prend appuie sur plusieurs travaux en cours, en particulier Michel-Kerjan et Pedell (2004).
150
Espagne est donc assurée contre l'ensemble de ces risques et le terrorisme n’y est
donc pas couvert de manière distincte. Cette couverture spéciale est gérée par les
assureurs privés, eux-mêmes réassurés entièrement par le Consorcio.
(POOL RE)
152
marché mondial de l’assurance et de la réassurance, mais supportées par les
entreprises touchées.
Sous TRIA, l'attentat doit être certifié comme "acte de terrorisme" par le
ministre des Finances, entre autres. La définition retenue requiert que l'attentat
soit perpétré par des intérêts étrangers; un attentat comme celui d'Oklahoma City
ne serait donc pas couvert par TRIA car considéré comme un attentat
"domestique".
Notons que l'État peut demander à être remboursé d'une partie de son
paiement ex post, par un rappel extraordinaire de cotisations sur l'ensemble des
assurés, qu'ils soient ou non couverts contre le terrorisme. Cette clause assez
particulière ("recoupment process") s'opère comme suit : pour le montant de
remboursement fédéral compris entre les remboursements par les assureurs et un
plafond de rétention de marché (12,5 milliards de dollars en 2004 et 15 milliards
en 2005), l'État fédéral peut imposer une surcharge sur l'ensemble des polices
d'assurance. Ce faisant, TRIA introduit une part de solidarité nationale dans le
mécanisme.
D'autres plaident pour un transfert plus marqué du risque vers les marchés
financiers. Il n'est pas certain, cependant, que le risque terroriste présente les
caractéristiques propres à l'établissement d'un large marché de catastrophe bonds
ou d'options sur indices (voir le chapitre 4 pour une définition des concepts sous-
jacents). D'ailleurs, à ce jour, seules deux obligations catastrophes (cat bonds)
ont été émises sur les marchés financiers et aucune des deux ne couvre
exclusivement contre le terrorisme (voir encadré plus bas) (Kunreuther et
Michel-Kerjan, 2004).
155
« Catastrophe Bonds » et Terrorisme : Une niche encore très limitée
156
4. L’ASSURANCE COMMERCIALE TERRORISTE EN FRANCE (GAREAT)
4.1. Contexte
Dans le contexte français de la loi du 9 septembre 1986 qui oblige les
assureurs à inclure la couverture terroriste dans les polices dommages-
responsabilité, des discussions furent conduites à l'automne 2001 entre les
représentants des compagnies d'assurance et des mutuelles (FFSA et GEMA) et
la direction du Trésor. La France avait déjà subi plusieurs vagues d'attentats
mortels, et l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, dans des circonstances qui
restaient indéterminées, a contribué à renforcer la crainte de nouveaux attentats
sur le territoire français. Un accord fut finalement signé le 10 décembre 2001,
établissant un programme d'assurance commerciale contre le terrorisme fondé
sur un partenariat public-privé : un pool de co-réassurance, le GAREAT
(Gestion de l'Assurance et de la RÉassurance contre les Attentats), garantit de
manière illimitée par l'État au delà d'un certain seuil. En créant le premier pool
d'assurance terroriste post-11 septembre dans le monde, la France a garanti la
continuité de l'offre de couverture aux entreprises.
157
Pertes assurées
(Million Euros)
Couverture illimitée de
l’État
4eme tranche
10% des primes
CCR
2,000
REASSURANCE 3eme tranche
10% des primes
Réassureurs et Assureurs
1,650
2eme tranche
50% des primes
REASSURANCE Réassureurs et Assureurs
400
1ere tranche 30% des primes
RETENTION du POOL
Assureurs
0
Couverture en excèdent de pertes annuelles
Une première tranche de 400 millions d'euros est prise en charge par des
assureurs au prorata du risque cédé au pool. Soixante-dix compagnies
d'assurance et mutuelles non-vie, membres de la FFSA et du GEMA dont la
participation est obligatoire, ainsi que trente-cinq autres volontaires constituent
cette première tranche. Une deuxième tranche est prise en charge par des
réassureurs et d'autres assureurs de grande taille. Ils sont responsables d'une
couverture de 1,25 milliards d'euros en excédent de pertes annuelles de 400
millions. La compagnie suisse de réassurance (Swiss Re; numéro deux mondial
de la réassurance après Munich Re) couvre la plus grande part de cette deuxième
158
tranche, en partenariat avec trente autres entreprises parmi lesquelles AGF, Axa,
Scor ainsi que Partner Re et Munich Re.
Notons aussi que pour certains risques dits "spéciaux" (sommes assurées
supérieures à 750 millions d'euros, captives) la prime est définie au cas par cas.
160
Le prix de l'assurance contre le terrorisme ne dépend donc pas, en France,
de la localisation du risque. Ainsi, un assureur couvrant une usine chimique à
hauteur de 20 millions d'euros paiera la même prime de réassurance au Gareat
pour lui transférer ce risque, que l'usine se trouve au cœur du couloir de la
chimie dans la région lyonnaise (concentration d'activités pouvant constituer une
cible privilégiée) ou bien en rase campagne (a priori où le risque d'attaque est
moindre).
Ce faisant, le système subventionne les zones plus exposées par celles qui
ne le sont pas. Une telle approche, fondée sur l'idée de solidarité nationale
devant les catastrophes, n'a pas été suivie dans tous les pays. En particulier, cette
question fait actuellement l'objet de débats aux États-Unis (Kunreuther et
Michel-Kerjan, à paraître).
A titre global sur l'année 2004, on estime que le montant total des primes
perçues par le Gareat s'élève à 260 millions d'euros. Le prix de la couverture
terroriste, rapport entre la somme des primes collectées et le total des sommes
assurées, est estimé à 0,01% (i.e. 10 000 euros de primes pour 100 millions
d'euros assurés).
161
Notons cependant qu'il parait difficile de comparer le système de pool
Gareat avec assurance obligatoire avec ce que serait le marché français si cette
obligation d'assurance n'était pas en vigueur. En effet, le simple fait que le prix
de l'assurance terroriste ne dépende en rien ni du degré d'exposition au risque de
l'assuré (location, liens d'interdépendance, par exemple), ni de ses efforts de
prévention, n'incite guère à une meilleure connaissance des risques encourus par
les entreprises opérant en France. Un "voile d'ignorance" difficilement
compatible avec l'établissement d'un marché concurrentiel. Quand bien même
une entreprise démontrerait à son assureur qu'elle a investi dans des mesures de
sécurité avancées, ou même délocalisé ses opérations de manière à quitter les
grandes agglomérations potentiellement plus exposées, elle ne pourrait obtenir
de diminution de prime. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que les
principales firmes de modélisation telles aue AIR, EQECat et RMS n'aient pas
d'activités en France pur ce qui relève du risque terroriste. Or, sans une meilleure
connaissance de l'exposition et des menaces réelles (au moins en termes de
vraissemblance relative entre un grand nombre de scénarios d'attaque), toute
évaluation économique du système en place demeure impossible.
162
Cette reconduction s'est accompagnée de plusieurs changements dans les
seuils de partage de risque. Au lancement du pool en 2002, le secteur privé
couvrait à hauteur d'un milliard d'euros et la CCR pouvait octroyer aux
assureurs et réassureurs des prêts à taux zéro remboursables sur dix ans dans
l'éventualité où les montants de remboursement excédaient le milliard d'euros
(500 millions d'euros en excès d'un milliard d'euros). Afin de limiter
l'engagement du gouvernement aux seuls cas d'attaques à grande échelle, le seuil
d'intervention gouvernemental a peu à peu été augmenté, pour atteindre 2
milliards d’euros en 2004. Ce faisant de nouveaux partenaires privés ont pu
prendre part au programme.
Trois ans après la création du Gareat, et sans attaque terroriste majeure sur
le territoire francais, les réserves accumulées devraient permettre au pool
d'augmenter son niveau de rétention dans un futur proche103.
5.1. Contexte
Comme dans beaucoup d'autres pays, les assureurs allemands ont refusé fin
2001 de reconduire leur couverture terroriste au-delà de leurs contrats en cours.
En effet, contrairement à ce qui se passe en France, la loi allemande n'oblige pas
les assureurs à inclure la couverture terroriste dans les contrats de base. Il leur a
donc été possible de continuer à couvrir leurs assurés en dommages-
responsabilité tout en limitant considérablement leur couverture terroriste, voire
en l'excluant. Privés de capacité de réassurance, la plupart d'entre eux choisirent
cette dernière option.
103
Pour une analyse du système de couverture des victimes (assurance non-commerciale), voir le dernier
chapitre de Godard, Henry, Lagadec et Michel-Kerjan (2002) et SOS Attentats (2003).
163
Après plus de six mois de discussion entre les représentants de l'industrie de
l'assurance et le gouvernement fédéral allemand, un accord a été trouvé sur la
création d'un partenariat public-privé. Le partenariat est fondé sur la création
d'une nouvelle compagnie d'assurance couvrant uniquement le terrorisme,
Extremus, établie le 1er novembre 2002.
Une première tranche de 1,5 milliards d'euros est couverte par Extremus.
Une seconde tranche de 500 millions est couverte par plusieurs assureurs et
réassureurs dont l'assureur américain Berkshire Hathaway (Warren Buffet). Le
secteur privé couvre donc le risque terroriste en Allemagne à hauteur de 2
milliards d'euros, comme en France. Au-delà, le gouvernement fédéral allemand
offre une garantie limitée de 8 milliards d'euros. Les primes sont reparties entre
les actionnaires d’Extremus et reversées pour partie aux tranches supérieures de
réassurance. A titre indicatif, en 2003, l’État fédéral allemand percevait 9% des
primes reçues par Extremus pour sa couverture en réassurance.
164
D'après la loi allemande sur les entreprises, la responsabilité de la compagnie est
limitée à ces 10 milliards d'euros. Si une attaque de très grande échelle
occasionne des pertes assurées supérieures à ce plafond, Extremus sera obligé de
déclarer faillite et de nombreuses entreprises pourraient n'être pas remboursées
(risque de crédit).
P e rte s a ssu ré e s
(M illio n E u ro s)
C o u v e r tu r e lim ité e
1 0 ,0 0 0
COUVERTURE DE 3 e m e tra n c h e
L ’E T A T F E D E R A L G o u v e rn e m e n t fé d é ra l
2 ,0 0 0
REASSU RAN CE 2 e m e tra n c h e
M a jo rité d e R é a ssu reu rs In te rn atio n au x
1 ,5 0 0
C O -R E A S S U R A N C E 1 e re tra n c h e
EXTREM US A c tio n n aire s d ’E x tre m u s
0
C o u v e r tu r e e n e x c è d e n t d e p e r te s a n n u e lle s
Le total des primes perçues par Extremus pour l'année 2004 est estimé à 77
millions d'euros.
167
pas un meilleur tarif d'assurance qu'une autre entreprise n'ayant pas investi de la
sorte.
169
économique et politique complexe de gestion de risques. En cela, la question de
l’allocation de ressources (publiques et privées), par définition limitées, est
essentielle : quelle part réserver à l’accroissement des connaissances sur le risque
en question ? A l’élaboration de mesures de prévention adéquates ? A la
préparation collective face à ce type d’événements extrêmes104 ? A leur
couverture financière ?
104
Par exemple, il a été beaucoup dit que Rudolf Guliani, le maire de la ville de New York lors des attentats du
11 septembre 2001, avait mené une gestion de crise particulièrement efficace. Ce que l’on sait moins, c’est qu’au
cours de son mandat, le maire participait, tous les mois, à un exercice de crise avec ses équipes. Un exercice de
grande ampleur simulant une attaque chimique sur la ville avait notamment été organisé en juillet 2001. Après
cet exercice, il était prévu de le pratiquer de nouveau pour mesurer l’amélioration dans la préparation effective de
l’ensemble des équipes. La date prévue pour ce nouvel exercice de grande échelle avait été fixée : le 12
septembre 2001. Il serait intéressant de savoir combien de maires de grandes capitales européennes ont participé
au cours de l’année écoulée à des exercices de gestion de crise non conventionnels, en partenariat avec un grand
nombre d’acteurs susceptibles d’être mobilisés en cas d’événement majeur. Une bonne gestion de crise ne
s’improvise pas, mais se prépare.
105
Godard et al. (2002). D’un point de vue scientifique, ces risques posent donc des problèmes essentiels car le
recours traditionnel aux outils actuariels est, au mieux, très contestable. Aussi, malgré la survenance d’un nombre
croissant de catastrophes particulièrement dévastatrices sur des périodes de temps de plus en plus rapprochées,
l’expertise sur ces sujets reste paradoxalement très limitée, et par trop souvent focalisée sur un sous aspect très
restreint de la question.
170
L’industrie de l’assurance et de la réassurance n’échappe pas à cette
évolution. Parce qu’elle a été historiquement diversifiée au niveau mondial, elle
a peut-être eu plus de facilité à prendre conscience de ce changement radical, et à
opérer en conséquence des modifications de fond de ses activités. Les
événements du 11 septembre 2001 lui ont néanmoins rappelé combien
l’assurance « exige beaucoup de prudence de la part de ceux qui s’y adonnent.
[…] et de ne pas perdre de vue les cas insolites et extraordinaires » (Emerigon,
1827).
106
Le mandat stipulait notamment « Nous reconnaissons les effets préjudiciables de la réduction des
possibilités de couverture du risque terroriste à des conditions abordables. Nous accueillerions favorablement des
analyses et recommandations de l'OCDE concernant la définition et la couverture du risque terroriste ainsi que
l'évaluation des rôles respectifs du secteur des assurances, des marchés de capitaux et des pouvoirs publics,
notamment pour la garantie du risque d'hyper-terrorisme. » Erwann Michel-Kerjan sert comme l’un des 5
experts internationaux auprès de cette Task Force.
171
international afin d’être en meilleure posture pour développer de nouveaux
mécanismes de couverture faisant interagir secteur privé et gouvernements.
172
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Laplace, P.-S. 121
Levy, P. 63, 64
Maccheroni, F. 37, 59
Marinacci, M. 37,59
Marshall, A. 105
Morgenstern, O. 6, 37-39, 42, 44, 45, 53, 54, 56, 73
Pascal, B. 121
Poisson, D. 121
Pratt, J. 6, 47, 50, 74
Prusiner, 27
Pyndick, R. 6
Rogers, M. 15
Rothschild, M. 6
Samuelson, P 121
179
Savage, L. 6, 54, 56, 73
Schmeidler, D. 56, 57
Scholes, M. 6
Stiglitz, J. 6
Tallon, J.-M. 59
Tirole, J. 7
Vergnaud, J.-C. 59
Von Neumann, J. 6, 37-39, 42, 44, 45, 53, 54, 56, 73
Wiener, J. 15
180
INDEX RERUM
Actif
certain 52
risqué 52, 53
Agence 106
Aléa moral 6, 88, 89
Antisélection 89, 143, 161
(ou sélection adverse)
Asymétrie d’information 6, 89, 143
Aversion pour l’ambiguïté 46, 57-59, 75, 79
coefficient d’ 60
Aversion pour le risque 15, 46, 47, 49-51, 121
indice d’ voir indice de Arrow-Pratt
Axiome d’indépendance 45, 46, 56, 59
Gestion de l’assurance et de
la réassurance contre les 90, 100-102, 105, 111, 113,
attentats (GAREAT) 117, 157, 162, 163, 168
Groupe intergouvernemental d’experts sur
l’évolution du climat (GIEC) 28, 29, 31
Groupement temporaire
d’assurance médicale (GTAM) 86, 103
181
de réassurance médicale (GTREAM) 86, 103
Incertitude radicale 71
Indemnisation 41, 80, 81, 131, 133
(ou indemnité)
Indépendance stochastique 62
asymptotique 62
Indice de Arrow-Pratt 6, 47, 74
absolu 49, 51, 52
relatif 49, 51, 53
Indice sur risques 86
Irréversibilité 6, 18, 108, 118, 123
(ou irréversible)
182
Sans faute 81
Risque
de développement 100
diffus 124
ponctuel 124
Sélection de portefeuille 6, 52
Utilité
fonction d’ 43
Valeur d’option 18
183