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Jérémy Morvan
Université de Bretagne Occidentale
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Chapitre 1
Les marchés financiers
I. Présentation générale
Les marchés financiers sont multiples. Les principaux sont abordés avant de
faire le lien entre la finance d’entreprise et la finance de marché.
1. Définition
Il n’existe pas un marché financier mais des marchés financiers. Ils constituent
un ensemble de marchés où s’organise la confrontation de l’offre et de la
demande de financements sur différents supports.
Chaque classe d’actifs est cotée sur un marché différent. Le marché monétaire
regroupe les solutions de financement à court terme sur supports de dettes. Il est peu
évoqué par les médias. Pourtant, le compartiment interbancaire qui l’anime a une
importance de premier ordre dans l’économie car il fixe les conditions de crédit à court
terme des entreprises et des ménages. Le marché obligataire concerne les solutions de
financement à moyen et long terme sur supports de dettes. Il est le marché le plus actif où
s’échangent les plus grands volumes financiers dans le monde grâce à la présence de la
dette souveraine. Il est de plus en plus fréquent de concevoir ces deux premiers marchés
comme un marché unique, le marché des titres de créance ou marché du crédit, la
distinction ne s’opérant que sur la différence d’échéance : court terme pour le marché
monétaire (durée inférieure à deux ans), moyen et long terme pour le marché obligataire
(durée supérieure à deux ans). Le marché des actionss est sans doute le marché le plus
connu car les grands investisseurs s’y disputent le contrôle des entreprises. Le marché de
la gestion collective n’est pas stricto sensu un marché financier. C’est un marché connexe
qui est toutefois de plus en plus intégré aux marchés financiers (trackers). Enfin, les
marchés des dérivés ferment la marche. Leur importance est croissante avec le
développement des opérations de spéculation et de couverture avec effet de levier.
Les opérateurs peuvent tirer profit d’une baisse des cours en décalant vente d’un
instrument au prix courant et livraison à une date ultérieure. Par exemple, un
opérateur fait la promesse de vendre un titre (position courte) le 10 du mois à un prix
fixé de 20 €. A l’échéance de l’opération, alors que le cours est de 15 €, il achète au comptant le
titre (15 €) pour le revendre immédiatement au prix convenu de 20 €. Il
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
3
gagne ainsi 5 € en pariant sur la baisse du cours. Sur le marché d’actions de Nyse-
Euronext, le Service de Règlement Différé (SRD) est ainsi un mécanisme de marché
permettant aux opérateurs de différer à la fin du mois boursier le règlement-livraison
de leurs positions sur les marchés au comptant. Ce mécanisme est proche de celui
des marchés à terme. Ce système remplace depuis 2000 le règlement mensuel
(RM). Toutefois, seules les valeurs les plus liquides sont éligibles à ce dispositif. De
plus, le SRD est payant, à la différence du RM.
Le prêt de titres est également un mécanisme qui permet de tirer profit d’une
baisse d’un titre. En effet, le prêt de titres est une opération temporaire de gré
à gré consistant en la livraison d'une quantité d'instruments financiers, non
susceptibles de faire l'objet d'une rémunération (versement de dividende,
détachement d'un coupon) ou d'un amortissement lors de l’opération, en
contrepartie d'une rémunération sous forme d'intérêts. A échéance du prêt,
les titres sont restitués par l’emprunteur au prix fixé contractuellement.
Enfin, il est possible de considérer les marchés financiers selon leur degré
d’organisation. Les marchés réglementés sont des marchés où les acteurs,
soumis à une réglementation destinée à faciliter et à sécuriser les échanges,
négocient des instruments dont les caractéristiques sont standardisées. Les
prix sont publics et la liquidité est relativement importante. Les échanges sont
assurés par une chambre de compensation (clearing house).
A1 V1
Chambre de
PSI
compensation
PSI A1
An Vn
Règlement Livraison
Règlement Livraison
Les marchés réglementés sont fortement organisés pour assurer la liquidité des
titres et la sécurité des échanges. Ils sont construits autour d’un nombre réduit
d’acteurs. Une entreprise de marché organise les relations entre des prestataires
de services d’investissement (PSI). Agréés par les autorités de marché, ils sont
chargés de collecter les ordres d’achat (A) et de vente (V) des opérateurs :
les courtiers (brokers) opèrent pour compte de tiers. Ils sont de simples
intermédiaires et ne prennent pas de position sur les marchés.
les teneurs de marché (dealers) opèrent pour compte propre.
Les PSI peuvent être à la fois broker et dealer à la condition que ces deux rôles soient
strictement distingués par une “ muraille de Chine ” (China Wall) pour éviter les conflits
d’intérêts. Les PSI adressent les ordres à une chambre de compensation qui est
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
4
un mécanisme de marché géré par un établissement de crédit (LCH Clearnet pour Nyse-
Euronext en France par exemple) dont la mission est d’assurer le dénouement (règlement
et livraison des actifs négociés). La chambre de compensation assure ainsi la bonne fin
des échanges entre des investisseurs qui n’ont pas de relations directes et ne se
reconnaissent pas. A côté, les marchés de gré à gré (ou OTC pour over the counter ou
hors cote) sont des marchés où la négociation peut être déclinée en sur-mesure (quantités
de titres, devises utilisées, délais, échéances etc). Les prix ne sont pas diffusés et la
liquidité est réduite. Les échanges sont négociés directement entre les contreparties, qui se
connaissent donc, afin d’assurer le bon déroulement des opérations de règlement-livraison.
Toutefois, il est erroné de considérer que les marchés de gré à gré ne sont pas encadrés.
En effet, la réglementation comptable et financière s’applique
à chacune des contreparties. Des conventions cadres ont également été
adoptées pour faciliter les échanges. Elles sont fournies par différentes
autorités : ce sont par exemple le contrat cadre de la Banque de France sur les
opérations de pension livrée, le contrat standard ISDA sur CDS ou la
convention de globalisation et de compensation AFTI sur les prêts de titres.
vendre les valeurs cotées. Le mode de cotation des instruments financiers est
alors le reflet de leur niveau respectif de liquidité.
La liquidité
La liquidité est déterminée par le nombre de titres échangés lors des séances
de négociation.
Définition : la liquidité est la caractéristique d’un titre qui peut être acheté et
vendu rapidement, sans frais excessifs et sans décote sur le capital.
La liquidité est une notion importante car elle garantit le bon déroulement des
négociations des instruments conformément aux lois du marché : quand l’offre de titres
excède la demande, le prix baisse ; quand la demande de titres excède l’offre, le prix
augmente. Ainsi, l’illiquidité d’un titre représente pour les opérateurs de marché un
risque à l’achat comme à la vente. Un acheteur peut devoir consentir un prix
anormalement élevé pour acquérir un titre et un vendeur un prix anormalement bas
pour convaincre une contrepartie d’acquérir le titre. Dans cette configuration, la
cotation affichée sur les marchés financiers ne constitue pas tant une estimation de la
valeur du titre qu’une information sur le dernier prix de négociation.
Pour améliorer la liquidité d’un titre sur le marché secondaire, un émetteur
peut signer un contrat d’animation avec une société financière (teneur de
marché ou market maker) destinée à assurer la liquidité des titres émis. Le
teneur de marché dispose de numéraire et de titres fournis par l’émetteur pour
assurer la contrepartie à l’achat comme à la vente. Il se rémunère alors en
proposant une fourchette de prix c’est-à-dire un prix d’achat et un prix de vente
différents. Un contrat d’animation est souvent signé par les émetteurs de taille
réduite. Toutefois, cet effort pour offrir une liquidité à un titre ne s’envisage que
si l’émetteur assure par ailleurs une communication de qualité avec le marché.
Le teneur de marché propose pour l’action XYZ une fourchette de prix : 15,50-
15,80 €. Le teneur de marché achète le titre 15,50 € (bid) et accepte de le vendre à
15,80 € (ask). Ainsi, pour chaque action négociée, sa rémunération est de 0,30 €. Il
est entendu que plus la fourchette de prix (bid-ask spread) est faible, plus
l’instrument est liquide.
Le mode de cotation
Le mode de cotation des instruments financiers est fonction de leur liquidité.
Pour les titres les plus liquides, la cotation est en continu tandis que les titres
moins liquides sont négociés au fixing.
Définition : la cotation en continu est un mode de détermination des prix des
instruments financiers reposant sur une confrontation permanente des ordres d’achat et de
vente présentés sur le marché.
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
7
Lors de la pré-ouverture, les ordres sont accumulés sans être exécutés. Ce processus
permet de déterminer le cours d’ouverture, pour lequel un maximum d’ordres est exécuté.
La séance en continu permet ensuite d’exécuter les ordres au fur et à mesure de leur
arrivée et de leurs caractéristiques. Lors de la préclôture, les ordres sont accumulés
à nouveau sans être exécutés. Ce processus permet de déterminer le cours de
clôture, parfois suivi du signe (c), pour lequel un maximum d’ordres est exécuté.
Définition : la cotation au fixing (ou fixage) est un mode de détermination des prix des
instruments financiers reposant sur la confrontation une ou plusieurs fois par séance des
ordres d’achat et de vente présentés sur le marché au cours donné par le fixing.
Le fixing peut diffuser un prix (fixing simple), deux prix (fixing double) ou plus
(multi fixing) par séance. Les ordres sont accumulés sans être exécutés. Le prix
fixé permet d’exécuter un maximum d’ordres. Ce processus peut
éventuellement être renouvelé plusieurs fois par séance.
Dans la mesure où certains titres sont négociés toute la journée à des prix différents,
une question est courante : quel cours est-il le plus représentatif de la séance ? Le cours
d’ouverture permet l’échange d’un nombre important de titres mais il est partiellement
construit sur des ordres transmis la veille mais non exécutés. Il n’est donc pas
pleinement représentatif de la tendance de la séance du jour. En séance, aucun cours
ne se distingue particulièrement : les plus haut et plus bas ne sont pas plus
particulièrement représentatifs. Le cours de clôture apparaît alors comme le plus
pertinent. En effet, il permet la réalisation d’un grand nombre d’ordres de bourse et il est
entièrement déterminé sur la base des ordres transmis au cours de la séance : il en est
donc le plus représentatif même s’il n’est pas exempt de critiques.
Définition : […] le fait, pour les dirigeants d’une société […] et pour les personnes,
disposant, à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions,
d'informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d'un émetteur dont les
titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution
d'un instrument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser ou de
permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou
plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations (Code
Monétaire et Financier, article L465-1, al. 1).
1. Le krach de 1929
La crise de 1929 est restée dans l’histoire comme la crise majeure de l’histoire
ème
du XX siècle. Mais avant d’être économique, c’est une crise financière.
En 1929, les Etats-Unis connaissent une croissance économique soutenue depuis
la fin de la Première Guerre Mondiale. Sur la base de ce dynamisme, les entreprises,
les banques et les ménages sont particulièrement optimistes. Les sociétés sont de plus
en plus nombreuses à être cotées. Les banques accordent des crédits importants aux
industries et aux ménages qui les investissent pour partie sur les marchés financiers.
Cet afflux de liquidité sur les marchés financiers alimente une spéculation financière
qui tire les cours de bourse à des niveaux de valorisation inédits.
Toutefois, à la bourse, les premiers mois de l’année 1929 sont médiocres. Les taux
d’intérêt remontent progressivement. Au mois d’octobre, ces pressions sur le crédit
créent un afflux massif d’ordres de vente de titres pour honorer les emprunts. Le 24
octobre est ainsi un “ jeudi noir ” (Black Thursday). L’indice phare de la bourse de New York, le
Dow Jones Industrial Average (DJIA) composé de 30 valeurs industrielles
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
11
380
330
280
230
180
130
80
30
02/01/1924
02/05/1924
02/09/1924
02/01/1925
02/05/1925
02/09/1925
02/01/1926
02/05/1926
02/09/1926
02/01/1927
02/05/1927
02/09/1927
02/01/1928
02/05/1928
02/09/1928
02/01/1929
02/05/1929
02/09/1929
02/01/1930
02/05/1930
02/09/1930
02/01/1931
02/05/1931
02/09/1931
02/01/1932
02/05/1932
02/09/1932
02/01/1933
02/05/1933
02/09/1933
2. Le krach de 1987
Les années 1980 marquent une période de rénovation des structures boursières et
capitalistiques dans de nombreux pays. Ainsi, le krach de 1987 peut être lu comme la
première crise moderne éprouvant la solidité de la nouvelle architecture financière.
A partir de 1979, le nouveau gouverneur de la banque centrale américaine,
Paul Volcker, cherche à juguler l’inflation. Les taux d’intérêt nominaux sont poussés
à la hausse, culminant jusqu’à 19%. Peu à peu, les effets de cette politique se font
sentir : l’inflation décroît au prix d’une récession. Cependant, ce pilotage monétaire
fait apparaître un écart entre inflation et taux d’intérêt nominaux : les taux réels sont
particulièrement attractifs, attirant les capitaux étrangers et poussant le dollar à la
hausse. La valeur de la monnaie américaine est ainsi progressivement
déconnectée de ses fondamentaux compte-tenu notamment de l’ampleur des
déficits public (politique de Reagan qui couple baisse des impôts et augmentation
des dépenses militaires) et commercial (concurrences japonaise et allemande). Le
dollar culmine contre le deutschemark en février 1985.
Le 22 septembre 1985, le G7, par les accords du Plaza (du nom d’un hôtel à New
York), décide d’intervenir sur le marché des changes en vendant des milliards de
dollars. La devise américaine dévisse rapidement et atteint en décembre 1986 son plus
bas niveau depuis la fin des années 1970. Cette décision constitue une relance de
l’économie américaine tirée par les exportations, facilitées par la baisse du dollar sur le
marché des changes. Les perspectives économiques s’améliorant, la valorisation des
entreprises est tirée à la hausse. En 1987, l’économie américaine est en pleine
croissance. Elle a toutefois pour contrepartie le retour de l’inflation tirée par le coût des
importations et le dynamisme de la consommation et des ménages américains. Les
marchés financiers redoutent une hausse des taux d’intérêt par la banque centrale
américaine (la Federal Reserve Bank ou Fed) pour contrer la hausse des prix.
1,9000
1,7000
1,5000
1,3000
1,1000
0,9000
0,7000
01/06/1982
01/08/1982
01/10/1982
01/12/1982
01/02/1983
01/04/1983
01/06/1983
01/08/1983
01/10/1983
01/12/1983
01/02/1984
01/04/1984
01/06/1984
01/08/1984
01/10/1984
01/12/1984
01/02/1985
01/04/1985
01/06/1985
01/08/1985
01/10/1985
01/12/1985
01/02/1986
01/04/1986
01/06/1986
01/08/1986
01/10/1986
01/12/1986
01/02/1987
01/04/1987
01/06/1987
01/08/1987
01/10/1987
01/12/1987
Durant les premiers mois de l’année 1987, les statistiques américaines marquent
une continuelle dégradation du déficit commercial. Le dollar accuse une baisse de plus
en plus prononcée. La dette souveraine américaine – libellée en dollar – perd de sa
valeur. Pour contrer ce mouvement, les taux d’intérêt offerts sont de plus en plus
élevés. Or, l’Etat américain est un émetteur peu risqué. Dès lors, les émissions privées
par nature plus risquées sont touchées : les taux augmentent, la valeur des obligations
baisse. Le même raisonnement touche les gérants d’actions : les titres de propriété
étant plus risqués que les titres de créance, les actions doivent afficher des
performances encore plus importantes. Le niveau de valorisation des actions devient
incompatible avec les taux de rentabilité attendus. Pour restaurer la rentabilité des
actions, la valeur des entreprises doit être corrigée à la baisse.
Le 22 février 1987, le G7 signe les accords du Louvres qui prévoient de coordonner
les politiques des banques centrales afin de faire remonter le dollar. En octobre,
marquant la nervosité des acteurs, les évolutions des actions et des obligations
deviennent particulièrement erratiques. Le vendredi 16 octobre, le Dow Jones
Industrial Average, clôture en baisse de près de 5%. Le 19 est un “ lundi noir ” (Black
Monday) : l’annonce des chiffres du déficit commercial américain et du relèvement des
taux d’intérêt par la banque centrale allemande précipite la crise : à la fin de la journée,
le DJIA a perdu un quart de sa valeur. C’est la plus forte baisse jamais enregistrée sur
les marchés financiers en une séance. La raison tient notamment à l’utilisation de plus
en plus répandue de stratégies de couverture : pour couper les pertes, de nombreux
acteurs ont souscrit des options de vente ou ont enregistré des ordres automatiques
stop loss dont l’usage massif est rendu possible par la récente informatisation des
places financières. La chute des cours s’alimente ainsi des ventes qu’elle génère.
Plusieurs leçons sont tirées du krach de 1987. Les marchés financiers sont de plus en
plus interconnectés : marché des changes, marché obligataire et marché d’actions sont
reliés. Aussi, pour éviter les fluctuations trop importantes, les autorités de marché
établissent des coupe-circuits c’est-à-dire des limites de variations quotidiennes (limit up et
limit down) au-delà lesquelles les négociations de titres sont interrompues. Prenant acte des
leçons de la crise de 1929, la Fed assouplit les conditions de crédit pour éviter
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
14
Parmi eux, Long Term Capital Management (LTCM) est un fonds créé en 1994. Il
compte une équipe chevronnée de financiers (deux prix Nobel, un ancien directeur de la
banque centrale américaine, des traders réputés internationalement). Avec moins de 5
milliards de dollars de capitaux et un fort endettement, le fonds a initié des positions pour
près de 125 milliards de dollars sur les marchés obligataires. La stratégie générale est de
profiter de la réduction tendancielle de la prime de risque (spread) de l’Etat russe par
rapport à la dette souveraine des autres pays européens. Cette “ convergence ” est
attendue de la libéralisation de l’économie russe : mécaniquement la baisse du spread des
taux russes par rapport aux taux des pays de l’OCDE entraînera une hausse de la valeur
des titres. Le défaut d’août 1998 est une surprise. Les taux d’intérêt, loin de converger,
s’écartent violemment : la valeur du portefeuille de LTCM s’effondre. Alors que les pertes
s’accumulent, les créanciers réclament le paiement des intérêts et le remboursement des
prêts. Au cours du mois de septembre, LTCM négocie précipitamment ses actifs, dont
certains sont bradés, faute de liquidité. Le 23 septembre, le fonds est en faillite sur des
positions si importantes que plusieurs banques centrales et établissements financiers sont
contraints d’intervenir pour organiser la liquidation. Des prêts relais sont octroyés à LTCM
afin de lui permettre d’honorer ses échéances de dette en attendant que les marchés
financiers retrouvent des conditions normales permettant de déboucler de manière
satisfaisante les positions initiées. LTCM est sans doute un exemple de stratégie offensive,
qui a mal évalué deux aspects des marchés financiers : le market timing et la liquidité. En
effet, l’idée de base de LTCM est pertinente : le spread de l’Etat russe est appelé à
diminuer au fur et à mesure que l’économie russe se normalise. Toutefois, le montage de
LTCM a été sans doute trop agressif, supportant mal une évolution défavorable des
spreads – même temporaire. Au même moment, certains financements accordés par les
créanciers arrivaient à échéance. Le timing a donc été mal évalué. De plus, la liquidité
reste une notion importante. Si un actif a une valeur intrinsèque, pour autant, cette valeur
ne peut être réalisée que sur un marché et nécessite donc de trouver une contrepartie.
douteuses : les revenus prévus des titres de FCC ne seront pas entièrement honorés. Les
titres concernés pèsent 150 milliards de dollars mais la perte sur les marchés concerne
tous les CDO et atteint au mois de novembre 2 000 milliards de dollars. Les banques et
institutions financières sont frappées à plusieurs titres. En tant qu’investisseurs, elles ont
acheté des titres de FCC : elles perdent ainsi tout ou partie des capitaux investis. En tant
que distributeur de produits, elles ont proposé des véhicules de placement investis
totalement ou partiellement dans des titres de FCC (c’est le cas notamment des fonds
monétaires dynamiques ou ABS). La confiance dans le système bancaire en est
lourdement affectée. En tant qu’acteur économique, les valeurs bancaires sont ainsi
particulièrement chahutées par les marchés financiers. Actionnaire de la banque allemande
IKB en difficultés face à ses positions sur le subprime, Natixis perd près de 10% lors de la
séance du 3 août. La correction est d’autant plus importante que de nombreuses banques
peinent à établir un recensement complet de leur exposition au risque. Il est vrai que celui-
ci s’avère parfois difficile à évaluer en prenant des formes originales. Ainsi, si BNP Paribas
n’est pas directement investi dans le subprime, ses filiales de gestion d’actifs produisent et
distribuent des fonds exposés. L’annonce de la suspension du calcul de la valeur
liquidative de trois fonds entraîne le 9 août une nouvelle séance de baisse. Mais, dans une
économie développée, les banques jouent un rôle de première importance car elles
financent tous les secteurs économiques. Les difficultés qu’elles rencontrent et le risque
que la perte de confiance étende la crise à toute l’économie, incitent les banques centrales
à intervenir. Ainsi, au cours de la première quinzaine d’août 2007, les valeurs bancaires
sont particulièrement chahutées. Les banques centrales interviennent en injectant plusieurs
dizaines de milliards d’euros de liquidité dans le circuit financier.
Baisse Facilitation
du risque du crédit
Amélioration Augmentation
Innovation des perspectives Optimisme des prises de
de rentabilité risque
Détérioration
Krach financier des perspectives Inflation
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
19
Les crises financières semblent le plus souvent prendre corps dans une innovation
donnant autant d’exemples de la “ destruction créatrice ” de Schumpeter. Ainsi, la crise de
1929 est liée à l’avènement d’une société de consommation et à une innovation
organisationnelle : la firme entrepreneuriale est progressivement remplacée par la firme
managériale (Berle et Means, 1932 ; Schumpeter, 1942). De même, la crise de 1987 est
marquée par une innovation technologique avec la généralisation de l’informatique. Les
crises touchant les pays émergents en 1997-1999 sont attachées à une innovation
économique qui est l’ouverture inédite de ces économies : certains pays asiatiques
s’affirment comme puissances économiques tandis que la Russie, en pleine mutation,
libéralise son économie. La crise de 1996-2000 est caractérisée par l’intégration d’une
innovation technologique : Internet constitue un nouveau moyen de communication et un
nouveau canal de distribution de produits et services. Enfin la crise du subprime en 2007-
2008 est née d’une innovation financière : la titrisation des crédits s’industrialise.
L’innovation est par nature dotée d’un pouvoir déstabilisant. Si elle offre de nouvelles opportunités
(amélioration attendue de la productivité, réduction des coûts, meilleure gestion des risques etc), elle
brouille également l’avenir et les perspectives de revenus. Dans un contexte plus incertain, alors que
l’innovation constitue un facteur positif, les investisseurs tendent à en surestimer l’impact. Ceci nourrit
alors un optimisme excessif qui enclenche un afflux massif de capitaux qui crée un mouvement de
hausse des prix des actifs en-dehors des “ fondamentaux ”, c’est-à-dire d’une estimation de la valeur des
actifs compte-tenu de leurs caractéristiques intrinsèques. Un déséquilibre apparaît entre l’offre et la
demande de financements. Un facteur aggravant se met en marche : l’amélioration des perspectives
induit une baisse des risques qui facilite le crédit. L’effet de levier sur les marchés financiers est de plus
en plus élevé : les investisseurs empruntent pour spéculer. La mobilisation des investisseurs, leurs
anticipations optimistes et l’afflux d’épargne des ménages et des entreprises désireux de profiter des
rentabilités offertes par les marchés créent alors un puissant courant d’achats de titres financiers face à
une demande de financements par les émetteurs qui ne suit pas le même rythme. Peu à peu, un écart se
creuse entre la valeur fondamentale des titres et leur valeur spéculative sur les marchés : c’est l’inflation
du prix des actifs financiers (Orléan, 1999). Ce mouvement s’inscrit dans la durée notamment parce
qu’émergent un mimétisme des acteurs et un ensemble de discours sécurisants (Bond et Cummins,
2000) : l’innovation implique une révision des règles économiques jusqu’ici en vigueur. Cet argument
s’est particulièrement développé lors de la bulle Internet dont les valeurs constituaient une « nouvelle
économie » qui s’affranchissait largement des contraintes et des règles de l’économie traditionnelle et
donc de la notion de valeur fondamentale qui sert de force de rappel. La hausse des cours des titres
semble alors devoir s’autoalimenter indéfiniment. Toutefois, progressivement, la tendance se fait
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
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moins forte. Les raisons en sont tout à la fois financières, économiques et monétaires.
D’une part, plus la valeur des titres augmente plus leur capacité à croître diminue : au
fur et à mesure que les actifs prennent de la valeur, les perspectives de rentabilité
s’affaiblissent. D’autre part, l’innovation, quelque soit sa nature, est progressivement
intégrée dans l’économie : le surplus de revenus qu’elle génère diminue
progressivement. Enfin, facteur aggravant, le crédit se renchérit progressivement à
mesure que les perspectives économiques s’amenuisent et que les risques
augmentent. Dès lors, n’importe quelle information négative peut déclencher le krach. Il
n’est pas rare que le signal soit émis par la politique monétaire (1987 est un exemple).
L’anticipation ou la décision d’une hausse des taux directeurs sonne alors l’hallali.
Un krach boursier est une correction rapide et importante de la valeur des actifs
financiers. Sur le marché d’actions, le mouvement prend la forme d’une succession
désordonnée de fortes rentabilités négatives mais aussi positives. La volatilité
augmente révélant la difficulté des investisseurs à établir un consensus sur l’ampleur
de l’ajustement de la valeur des actifs cotés. Sur le marché des produits de taux, le
credit crunch est une hausse violente du prix de l’argent (hausse des taux et
écartement des spreads) avec pour corollaire une contraction soudaine des volumes
d’échange (crise de liquidité) et l’éviction de la dette privée au profit de la dette
publique, en tant que valeur refuge : c’est le flight to quality. Le mouvement de baisse
peut avoir une durée variable : de quelques semaines (cas de la crise de 1987) à
plusieurs années (cas de 1929 et de la bulle internet : les plus bas ont été atteints
plusieurs années après le début de la crise). Mais la notion de crise financière est plus
large que le mouvement de baisse des cours. En effet, elle commence en amont,
quand la valorisation des actifs sur les marchés se déconnecte de leur valeur
fondamentale. La difficulté tient au fait que la valeur fondamentale des actifs est
inconnue des investisseurs : il y a donc mécaniquement tâtonnement des investisseurs
pour approcher la valeur des actifs. Dans le cas de la survenance d’une innovation,
l’écart entre valeur de marché et valeur fondamentale (bulle boursière) peut s’accroitre
durablement. Mais à une hausse des cours succède une baisse. Ce dégonflement des
bulles est l’objet d’un débat sur l’efficacité des marchés financiers à allouer de manière
optimale les capitaux. Ainsi, malgré la récurrence des crises financières, la correction à
la baisse des cours marque in fine l’existence de forces de rappel : les marchés
semblent ainsi capables d’une certaine forme d’autorégulation. Cependant, les
investisseurs et les observateurs pointent le caractère tardif de cette correction,
d’autant plus ample que le mouvement de hausse fut important, passant parfois d’une
surévaluation à une sous-évaluation en un court laps de temps.
Enfin, la succession des crises a permis l’apprentissage de la réduction de leurs effets
par les autorités monétaires et financières. Ainsi, la gestion des crises par les autorités a
évolué. En 1929, la banque centrale américaine réagit en augmentant les taux : l’asphyxie
des investisseurs va lourdement et durablement pénaliser l’économie américaine. En 1987,
la Fed opère à l’inverse : elle ouvre les vannes du crédit pour limiter l’impact de la
correction boursière sur les marchés de biens et de services et donc la contamination aux
marchés de biens et de services. La faillite d’une banque peut priver tout un pan de
l’économie d’accès au crédit, à l’épargne et aux moyens de paiement avec, à la clé, une
succession de faillites d’entreprises et de pertes d’emplois. La crise de 1929 a montré que
les coûts économiques et sociaux d’une réalisation des risques pris par les spéculateurs
sont socialement très importants. Progressivement, une méthode de gestion des crises
financières émerge donc. Depuis plusieurs décennies, les autorités monétaires et
financières (banques centrales, FMI…) sont régulièrement appelées à la rescousse. Ces
prêteurs en dernier ressort refinancent les investisseurs pour
Jérémy Morvan, Marchés et instruments financiers, Dunod (édition 2009)
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