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Revue des Deux Mondes

REVUE MUSICALE
Author(s): H.W.
Source: Revue des Deux Mondes (1829-1971), QUATRIÈME SÉRIE, Vol. 5, No. 1 (1er JANVIER
1836), pp. 105-114
Published by: Revue des Deux Mondes
Stable URL: https://www.jstor.org/stable/44688645
Accessed: 03-12-2020 13:10 UTC

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Revue des Deux Mondes (1829-1971)

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REVUE

MUSICALE.

On se souvient avec quelle froideur le public français accueillit d'abord


la musique de Bellini. A ses premières représentations le Pirate échoua ;
ni sa grande réputation italienne, ni la voix du Rubini, ne purent le sou-
tenir. C'est que le public du Théâtre-Italien se méfie surtout des cho-
ses nouvelles ; d'ailleurs , à cette époque , Rossini suffisait encore à ses
plaisirs de la semaine : aujourd'hui Sèmiramis , demain Otello , puis tou-
jours Sêmiramis e t Otello, avec la Malibran pour Arsace et la Sontag
pour Desdémone ; car il est ainsi fait, dès qu'il adopte une œuvre, il en
abuse. La partie est entre le public et l'œuvre , c'est une lutte à qui des
deux sera le plus tôt terrassé. Si l'œuvre est d'airain ou d'or pur, elle ré-
siste et sort plus éclatante et plus sonore ; dans le cas contraire , il faut
qu'elle succombe ; ou c'est le public qui épuise l'œuvre , ou c'est l'œuvre
qui épuise le public. Combien de fois les opéras de Mozart ont tenté vail-
lamment cette épreuve! Qu'arrive-t-il ? le dégoût vient tôt ou tard. La
lassitude enfante l'inconstance. Le public se souvient des partitions qu'on
lui faisait entendre à certains jours de loisir, et presque malgré lui , et
pour peu que cette musique ait en elle des élémens féconds et généreux,
il court à l'auteur et le proclame divin. Chose étrange ! il consacre ce

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406 R&m des mm

qu'il dédaignait; il arrache, tiède encore, la


du maître qu'il s'était choisi , et la jette sur l
qui se trouble et meurt étonnée au milieu de
ment s'explique la gloire si prompte des co
rapide oubli dans lequel ils tombent presque
dir plus loin, la gloire italienne consume le
che , au point qu'à la fin il n'en reste plus qu
chanteurs nouveaux arrivaient pénétrés d'un
qqß nous seuls ne connaissions pas enfcore. C
de Rossini, l'avantage incontestable d'avoir é
nambula réussit, les tendres cantilènes de la
Rubini le voulait ainsi, et l'on sait quelle in
dans la salle du Tíhéátťe-Italien, et ^uels pro
suite vint le suCcèS ifcoui dés Puritains, e
scène d'où Rossini se retirait de plein gré. C
de l'Italie pour ce talent si gracieux et si d
excitait partout, avaient de quoi nous éton
entendu Norma , car Norma suffit pour jus
Telle est la nature de cette œuvre, qu'on n
fond, se faire une idée juste de l'iuspiratio
qu'il soit, s'achemine pendant les belles ann
but glorieux : peintures ou mélodies, toutes s
qui le conduisent à des hauteurs sur lesque
l'humanité, plus tard, appellera son chef-d'œ
que l'humanité s'en occupe. Pour Bellini, ce
c'est Norma : le Pirate, les Capulets , la Stra
d'échelons harmonieux; une fois arrivé là,
la forme druidique tout ce qu'il possédait e
dies et de chaudes inspirations; puis, l'œuv
éloigné, la regardant encore avec amour. Le
degré par lequel Bellini commençait à descen
Sans être épique et grandiose comme celle d
Norma se maintient à une certaine élévati
c'est l'ordonnance dramatique des principale
la mélodie. Jamais le chantre de la Straniera
partition plus de ces belles fleurs mélancol
secret, comme Ophélie. La mélodie de Norm
selon que la scène l'exige , ne manque presqu
tinction; on ne la retient pas la première
en sortant, comme les ariettes vulgaires de c
se contente de vous émouvoir et se cache dans

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REVUE MUSICALE. m

iemięmąin, lorsque vous êtes seul , èlle vous revien


•ďáise, comme les petits enfaņs deforma, qu plaint
comme leur mère. Il faut qqe la mélodie évite d
èt se garde ensuite d'être obscbre ; sans cette cond
Je hais ces motifs effrontés qui^ du premie^ cou
oreilles, presque à l'égal de ces .phrases latentes qu
peuvent pour se dérober sous les fils inextricabl
rieusement travaillé, et que les élus seuls saven
chansons de ļtf. Adam et les arides combinaisons
tant quelque chose, la mélodie franche et naturell
plutôt que voir, et qüi Vlôin de dépouiller aux y
comme une courtisane , attend , les bras croisés s
adorateurs s'approchent d'elle, et que des mains co
ses voiles un à uņ ; la mélodie telle qu'elle existe t
toujours chez Beethoven et Weber, quelquefois c
Łe chœur des druides, que Lablache dirige, ou pl
tout seul, est d'un beau caractère. tOn a dit avec rąis
cipale ressemblait à la cabalette du duo d es Pmita
phrases sont de la même famille, seulement l'une e
l'autre imitée et.com mune. La romice qui suit d
la voix de Rubini, qui la chante avec son admira
dant l'aube renaît, les brouillards se dissipent, et
des prêtresses cueillir le gui sacré. Alors un ch
comme le matin monte ou plutôt s'exhale de l'orch
die tout italienne, religieuse et sensuelle , emprei
des madones de Raphaël, d'une expression à la
tueuse. A Rome, à Florence, à Naples, cet air é
tant que duré l'andante , lęs femmes se penchent
trine halejtante. A Paris, l'effet en est le même
Giulia Grisi le chapte à ravir. Quand on entend ce
et si ppre, on ne peut s'empêcher de dęplorer les
qui l'accompagne. Quel inappréciable joyau cett
Beethoven l'eût enchâssée LLe finale du premier ac
pour la plus belle partie de l'ouvrage et la plus
vient auprès de Norma lui confier les secrets de s
avec ravissement la Giovinetta, qui lui raconte
sur une mélodie naïve et simple. Cependant la prê
et tout à coup elle se trouble et frémit ; l'ama
Romain, c'est Polloin; il entre. Quand la situatio
ment posée , quand le drame donne à la musiqu
qui luttent sourdement d'abord, puis éclatent a

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108 REVUE DES DEUX MONDES.

menee, il est rare, ou plutôt sans exemple, que la musique de


au-dessous de sa tâche, et ne réponde pas à ce qu'on attend
Voyez le trio de Robert -le -Diable; c'est là peut-être la seule
inspiration que M. Scribe ait eue en sa vie. Il n'a rien inventé , e
il a bien fait. Ila pris les trois grandes figures de la statuaire ca
au moyen-âge. L'ange, l'homme et Satan , il les a donnés au m
le laissant se tirer d'affaire. Or, il était impossible qu'un homm
lent de M. Meyerbeer , et disposant comme lui de toutes les res
de la voix et de l'orchestre, ne fit pas quelque chose de grand
élémens étant donnés. Ainsi de Rossini, à propos du trio de Gu
Tell ; de Bellini, à propos du finale de Norma . Dans ces trois occ
l'auteur du livret, ou plutôt le hasard, a dignement servi le m
La phrase que chante Pollion, et que Norma reprend ensuite, s
loppe avec ampleur et solennité ; et lorsque sur les dernières mes
trois voix ennemies éclatent en imprécations furieuses , l'effet est
puissans et des plus magnifiques. Je n'ai rien à dire du petit
ouvre le second acte. Franchement , je conçois peu les colères
tains critiques qui s'irritent au nom de l'art pur contre cette
inoffensive. Je sais que c'est là un chant peu druidique, et que l
Irminsul n'a guère dû entendre de son temps. Mais qu'importe
vous prie. Où est aujourd'hui la vérité pour que nous allions la ch
si scrupuleusement au Théâtre-Italien, où nous n'en avons que fa
duo est placé là , parce que Giulia Grisi et Mlle Assandri le veulen
il y restera, parce qu'elles le chantent à ravir. Quelles raisons fa
plus? - Je ne connais rien de plus commun que le chœur si vanté de
lois: Guerra ! guerra! Le musicien doit surtout se tenir en garde con
morceaux. Pour peu que sa mélodie ait en elle des élémens gro
elle saisit cette occasion pour devenir ignoble. La rapidité du m
ment appelle certaines tournures banales qu'il faut laisser aux ta
En géuéral, le second acte est comme tous les seconds actes des
italiens, de beaucoup inférieur au premier. Le| finale qui le te
malgré les rares qualités qui le distinguent, vous laisse sans vous
voir; et cette indifférence a sa cause dans le ton élégiaque de
ceau qui devrait être fort. Bellini , homme d'un génie incomp
qu'une inspiration et ne chante que des émotions calmes et se
Déjà, dans le cours de cet ouvrage, il a dompté sa nature en s'éle
haut; monter encore était au-dessus de ses forces. Aussi, l'aut
livret a fait preuve d'un manque de tact inexcusable en renouv
situation grandiose. Rossini seul s'élève impunément à des somm
blimes et s'y maintient. Qu'en est-il arrivé? la phrase reste lang
lorsqu'il la fallait épique. L'élégie remplace l'ode. En face de to

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REVUE MUSICALE. 109

prêtres assemblés, de cette femme qui supplie, du sac


bile, en face de ces anathcmes et de ces plaintes,
chœur de la Vestale et l'on compare malgré soi. Spont
mélancolique et doux dans l'hymne à Latone, mélodie
encore et plus sacrée que Casia diva. Mais à présen
gronde, écoutez ces voix étranges et ce rhythme imp
mugissant du récitatif du grand-prêtre, comme un to
la montagne. Ausśi , Spontini a élevé à sa propre gl
marbre et d'or, impérissable comme le Parthenon
Gluck, et Bellini a fait un opéra italien.
Je le répète, ce serait folie de chercher dans Norm
tique, chose parfaitement inconuue aux musiciens
Rossini a seul eu la divination quelque part dans Sèm
pas les orangers des jardins de Florence qui vous d
santes harmonies des vieux chênes de la Gaule^ Que
eût écrite sur un pareil sujet ! Quelles sombres révé
Freyschütz eût trouvées à l'ombre de ces forêts d
mâle senteur de chênes verts se serait exhalée de son œuvre ! Comme
sous sa mélodie sévère on aurait entendu les frémisse mens sonores
des bois sacrés et les bruits mystérieux du bouclier d'Irminsul! - Le
succès de Giulia Grisi dans le rôle pesant de Norma est sans contredit
le triomphe le plus loyal et le plus glorieux de cette cantatrice. Giu-
lia Grisi chantait la partie d'Adalgise en Italie, dans ces belles soi-
rées où Mme Pasta représentait la prêtresse gauloise. C'est à cette école
qu'elle a pris son expression élevée et simple, son geste harmonieux et
pur. Dans les hautes situations, dans le trio du premier acte, par exemple,
elle s'abandonne, sans s'inquiéter si sa voix, si douce et si flexible, répon-
dra aux sollicitations impétueuses de son ame. Presque toujours cet en-1
thousiasme lui réussit. Aux premières représentations, elle avait de su-
blimes élans qui rappelaient Henriette Sonlag dans les belles scènes de
Sèmiramis . La création, en France, du rôle de Norma est pour Giulia
Grisi un pas qui comptera dans sa carrière dramatique. N'allez pas croire
cependant qu'elle soit une druidesse échevelée; son jeu n'a guère plus
le caractère antique, que le vêtement qu'elle porte et la musique qu'elle
chante. Giulia Grisi est une belle Athénienne du temps d'Alcibiade, qui
met, commela bacchante, un rameau de chêne vert dans ses cheveux
noirs et luisans, et noue autour de son sein une tunique blanche comme
la Vénus de Milo. Elle s'est éprise de Poilion, qui la trahit. Elle se venge
et meurt. Cette passion violente et mélancolique n'a sur elle aucune
empreinte du caractère farouche et sombre de la Gau'e. Ce n'est pas
même une Médée. De toute façon, il faut la louer d'avoir compris ce

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110 REVUE DES »EUX HÖNDES.

rôle de la sorte ; car rieo ne s'accommoderait moins aVec


musique amoureuse et tendre que la passion échevelée et fur
prêtresse druidique, telle que Shakspeare ou Beethoven r
conçue. Je n*ai pas vu la pièce représentée autrefois à l'O
je soupçonne fort MUe Georges d'avoir senti tout autrem
et cela devait être. L'acteur Cherche la vérité en dehors du caractère
qu'il compose. C'est ainsi que le grand tragédien français, à tfbrce de
travail et de persévérance , créait cm personnage quelquefois épique , à
côté des pauvretés mesquines qu'on lui donnait à débiter, et rendait sup-
portables les platitudes des poètes de Pempire, en clouant sur elles, avec
son génie, quelques lambeaux de vérité pris çà et là dans les histoires
de Tacite. Mais, au Théâtre^ltalien comme à l'Opéra, toute vérité ré^
side au fond de la musique; c'est là que le chanteur va prendre le carac-
tère de son rôle ; absurde ou raisonnable, il faut qu'il l'adopte. Pour le
tragédien, il y a des musées et des bibliothèques; pour ie chanteur, il
n'y a qu'une partition. S'il agit autrement, il manque à son œuvre; l'or-
chestre n'accompagne plus ni sa voix ni son geste, et tobte harmonie est
dissoute. - M1,e Assandri, qui représente Adalgiso, est trne jeune afille täe
seize ans, d'une voix charmante etsonore, etqui a déjà conscience d'elle-
même. Son talent rend irréprochable l'exécution de Nôrtmt'mr le rôle
de la seconde femme est plus important ici que dans les antres ouvrages
du répertoire italien, et, livréà Mme Amigo, compromettrait -grave-
ment les représentations. Pubini s'est chargé de la partie de Pollimi ,
Lablache de celle <d'Gfdvèze. Or, ïlubini ne chante €pi!tin trio , et La-
blache conduit le chœur. En vérité , on ne trouve nin 'tel lbxe qu*au
Théâtre-Italien de Paris.

L'Opéra revient à la musique. Le di recteur, homme dHntélligence e t


de bon goût, se console avec Rossini de l'absence de ses dànseuses. Le
Siège de Cofinthe vient d'être remis à la scène. Après six ans de retraite
obstinée, l'illustre auteur d e Guilluiime ÏVH a franchisé nouveau le seuil
du théâtre de ses derniers succès. Rossini a dirigé lui-même les répéti-
tions de son œuvre, mais il s'en est tenu Ià prudetnmetít.Toutefoisune chose
grave, et qui mérite bieti d'être constatée ici , c'est la vive part que le
maitre a prise à son triomphe. Le croiriez-vous I cet 'homme impassible
que vous rencontrez chaque jour sur le boulevart Italien , et qui ne vous
aborde jamais sans sourire du bout des lèvres, a tressailli au bruit des ap-
plaudissemeus comme il faisait autrefois quand il avait vingt ans, et qďon
représentait Tancrède . Rossini a retrouvé ce soir-là toutes les généreuses
émotions de sa jeunesse. Qu'on dise encore maintenant qu'il est des cœurs
rassasiés qui se pétrifient au point de devenir insensibles tout-à-fait à la
gloire. Rossini s'est donc ému d'un triomphe de théâtre, chose puérile et

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REVUE MUSICALE. Ili

vaine quii semblait tant mépriser; tant il est v


des cœurs les plus ensevelis, sous les cendres de l
celle ardente que le moindre vent du succès at
¡point de la rendre capable de chauffer un gra
caprice, ambition, vanité, peu importe.
Le Siège de Corinthe passe à bon droit pour Tun d
de Rossini. L'abondance des chœurs, le style hé
de la plupart des morceaux d'ensemble, la profus
fait de cette partition la plus monotone qui se p
Rossini vint pour la première fois d'Italie en F
royale lui demanda , comme c'était justice, un op
tout le monde le sait, aime trop ses loisirs pou
l'œuvre; cependant, comme il voulait se rend
maison du roi, il choisit un terme moyen qui pût
de sa fortune et de sa renommée, sans trouble
de son oisiveté; il chercha dans son bagage anc
pas d'aventure quelque chose de nouveau et de
On était alors dans un moment de sympathie e
les Grecs. On ne voyait au Musée que Souliotes
les théâtres regorgeaient de vestes brodées et
pistolets argentés, de kangiars, de tromblons év
tensiles de guerre dont M. Hugo s'est chargé de
son livre des Orientales. Rossini, en homme d
avait dans ses malles un certain Maometto, écrit
talie, et qui pourrait bien à ce moment être de c
et prenant sa partition, il la livra sur l'heure à d
qui se mirent en travail d'inventer pour cette mu
drame qui se puisse imaginer. Le Siège de Corinthe
incroyable et stupéfiant pour tous ceux qui, com
sisté aux grandes représentations des tragédies im
comment il est possible qu'on ait tenu ce langage
ment le public et les acteurs pouvaient se regard
rire, comme les deux arúspices latins. A tout p
poésie de Gustave que ces vers fastueux et lourds
comme des lames de plomb sur la musique et l
langue douteuse que M. Scribe fait parler à ses h
langue italienne ni à coup sûr la langue française
parla suite, il faut l'espérer, n'offense paslerhyth
de ces alexandrins académiques reparaissant sans
gable persévérance. Il est fort question, dans le S
Thcrmopyles, de Marathon et de Salamine. Autan

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112 REVUE DES DEUX MONDES.

à Rossini le Voyage d' Anacharsis k mettre en musique. Il y a là u


prêtre fort ennuyeux, qui prophétise les destinées futures de la G
plus ni moins que le Joad de la tragédie de Piacine. Vous fig
quel dut être l'étonnement de Rossini, lorsqu'il tint ce livret e
mains, lui qui avait lait le Barbier deSèville avec Beaumarchais,
sième acte d' Otello avec Shakspeare; il crut sans doute que c'
genre national, se soumit et composa. Sa musique, quoi qu'il ait
se ressent de la monotonie du sujet , et traîne partout sur ses
chappe pesante du vers. Un défaut grave de cette partition,
d'aspirer toujours au sublime. L'homme qui avait écrit Sêm
avant le Siège de Corinthe , et qui depuis a fait Guillaume T
pourtant bien que le sublime dans l'art n'est pas un état où l
prendre demeure et s'installer. On peut, dans son inspiration ,
aux étoiles ; mais c'est folie et présomption de croire qu'on s'y
dra durant tout le cours de son œuvre, et de vouloir établir ses
si haut. A force d'être sublime , on devient monotone, puis en
Regardez les merveilles du génie humain, prenez 1 f Iliade d'H
Je Don Juan de Mozart, et voyez si , dans ces œuvres, le ton s
sans cesse à l'élévation des plaintes du roi Priam ou du désespoi
Anna. Il se trouve, grace à la monotonie générale du style de ce
que Rossini a fait, avec le Siège de Corinthe , un grand opéra fran
toute l'acception de ce mot. Le Siège de Corinthe n'est pas u
comme l' Iliade ou Don Juan, mais un poème lourd et monoton
comparerais volontiers à la Henriade de Voltaire, la seule épopée
ayons en France, comme se l'imaginent encore quelques dignes
branlent. Jamais peut-être Rossini n'a plus abusé du rhyt
dans cet opéra.
Le chœur d'introduction est solennel et beau; Donizetti en
la phrase principale dans le trio á' Anna Bolena, mais avec
dresse et de bonheur, qu'il faut une attention scrupuleuse pour
naître ; de grandiose qu'elle est , il l'a faite mélancolique et
L'air de Mahomet manque parfaitement de distinction ; il se
Rossini, à propos de la reprise de cet ouvrage, aurait bien pu
pour en prendre un autre, dans son répertoire italien si riche
tines brillantes. Si peu enthousiaste que l'on soit du caractèr
tique , il est impossible cependant de ne pas être frappé de l'in
nité de ce morceau. Il n'existe pas à Venise de cabalette pl
et plus folle, et c'est un chef barbare, vêtu d'acier, c'est Mah
fredonne cela devant son peuple. Cet air pouvait passer à la r
temps où les Turcs de l'Opéra portaient sur leurs épaules un m
^oie et d'or, et sur leur front une aigrette de diamans; mais au

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REVUE MUSICALE. 113

vraiment il est ridicule. Mieux vaut exclure la vé


au Théâtre-Italien par exemple , que de ne pas l'ad
Pourquoi ce costume rigoureux, si la musique le dém
une admirable composition, c'est le finale du dern
tion des drapeaux. Là, point de détours ni de con
va droit à son but; tout se lie et s'enchaîne avec un
Jamais peut-être le génie et le talent de Rossini ne
ment révélés que dans l'invocation du vieux prêtre.
phétie toute la démence du trépied antique. C'est
dans de colossales dimensions , un morceau comm
auquel il a quelquefois le tort de ressembler, surt
phrase. Quelque critique qu'on en puisse faire ,1
n'en est pas moins l'œuvre de Rossini; et, pour êtr
que de coutume, le sol n'en a pas moins çà et là g
ongles du lion. Le Siège de Corinthe , avec tous ses dé
comme un monument de la puissance de Rossini
partition comme on n'en écrit guère depuis qu'il
L'exécution du Siège de Corinthe est digne en tout
royale de Musique. Nourrit, chargé comme autrefo
trouve des élans naturels et beaux. Dans l'air du
chante avec un sentiment rare , sa voix a des vibra
métallique. Quant àPamyra, Mlle Falcon a révélé
d'énergie et de grace à la fois dans ce caractère. M
talent délicat et fin se refuse à toute inspiration g
dans l'ombre certaines parties de cette œuvre, et le
découvrir tant d'énergie et de mâle puissance là où
n'avait vu que mignardise et coquetterie. En complé
Mlle Falcon a produit dans son jour véritable cette
comme elle fit lorsqu'elle s'empara du rôle d'Alice.
là un des airs les plus difficiles du répertoire italie
du courage; car, si par malheur elle eût échoué d
rôle de Pamyra, le public ne lui aurait tenu compte
ni de sa voix si belle. L'épreuve a été des plus glo
cantatrice , et quoi qu'il advienne maintenant, il es
ce rôle de la sorte, ne fût-ce que pour faire taire
encore aujourd'hui qu'une voix ample et magnifi
meurer inhabile aux délicatesses du chant italien
excluet l'agilité, comme si le torrent qui s'épanch
cristal, ne pouvait pas tout aussi bien se dépenser
pluie et de rosée.
J'avoue qu'après vous avoir parlé si long-temps
TOME IV. 8

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114 REVIS BE& DEUX MONDES.

eiró, jene rneseor guère le courage de commencer une discussion n


surie mérite de la Gr*ande*Duches$e. La partition de M. Garai, a e
nombre de celles qui se dérobent à toute analyse sérieuse. La ehû
la Grande-Duchesse a fait le sucoès de l'Éclair. Ne croyez pas au
que la musique de M. Halevy soit de beaucoup préférable. Vraimen
pareilles compositions on ne sait que penser. C'est quelque cho
moms mélodieux qa' Adolphe et Clara* de plus laborieusement ou
Le public y prend goût ; voilà tout ce qu'on en peut dire. A l'heur
est, l'Opéra-Comique ne donnerait pas l'Éclair de M. Halevy po
Mariage secret de Ciiaarosa. Il est vrai que si dans un mois il prend
taisie à Lablache de s'affubler de la perruque du bonhomme Geron
la musique du maître italien renaîtra plus jeune et plus admirab
jamais, et dans un mois que sera devenu l'Éclair? N'importe , l'O
Comique a fies succès en réserve, et bientôt, avant que la lumiè
rÉclair se soit éteinte, l'astre de M"*® Damoreau , cet astre si dou
charmant, se leverà sur son théâtre entre ses deux satellites , MM.
et Scribe.
De tant de notes écloses pendant les douze mois qui viennent de s'é-
couler, que reste-t-il de généreux? Quelles augustes harmonies l'année
qui s'enfuit emporte-t-elle sous son manteau à ses sœurs qui l'ont pré-
cédée dans le gouifre éternel? O Mozart, Beethoven, Weber, Cimarosa,
vous tous qui, dans ces, jours accourez sur le seuil de l'éternité , tendant
les mains à la terre, soyez heureux, car les vents de l'année accomplie
vous portent encore vos pensées ; tout le reste s'est dissipé comme la pous-
sière avant d'arriver jusqu'à vous. Respirez , ombres saintes , les par-
fums des grands lys que vous avez semés autrefois dans le jardin de la
terre, et qui seuls aujourd'hui, lorsque tout se flétrit à leur pied, de-
meurent debout et glorieux.
H. W.

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