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Université Hassan II – Mohammedia


Faculté des sciences juridiques économiques et sociales

Cours des Grands systèmes constitutionnels

Professeur Mohamed Nachet

Année universitaire 2013-2014

Introduction
2

La qualificatif de ‘’grands’’ systèmes constitutionnels 1 soulève la


question du critère sur lequel on se base pour établir la hiérarchie entre
les différents systèmes constitutionnels. Et si l’on parle de grands
systèmes cela suppose forcément l’existence de petits et moyens
systèmes. Par ailleurs, dans ce domaine les similitudes au plan de la
forme entre les grands et les petits ne sont pas exclues.
Nécessairement les grands servent souvent de modèle pour les moyens
et les petits systèmes.
On désigne par grands systèmes constitutionnels, dans cette matière,
celui de la Grande Bretagne, de la France et des Etats-Unis. Ces
systèmes ont dû éclore, se développer et mûrir tout lentement. C’est
un développement politique qui n’a pas eu de contraintes exogènes. Il
a puisé ses énergies de l’intérieur et a pu répondre aux demandes et
impératifs sociétaux internes.
Ces grands systèmes ont pu se développer à partir d’une matrice
sociopolitique assez féconde à savoir l’Etat/nation 2. L’Etat et la Nation
apparaissent dès lors comme deux réalités étroitement liées, au point
qu’à partir du XIXème siècle la notion d’Etat-nation s’impose,
justifiant tantôt l’unification de certains territoires ou la dislocation
d’Empires englobant plusieurs entités nationales. L’Etat se caractérise
alors par la congruence d’une entité politique souveraine avec un
ensemble culturel unifié du point de vue territorial, linguistique ou
religieux.
Ce processus d’édification de l’Etat national sera ponctué de mise en
place progressive d’un certain nombre de principes et de valeurs, règle
1
Il est à souligner que la démocratie ne s’identifie ni aux assemblées ni aux élections. Elle est beaucoup plus
profonde. Elle renvoie à des valeurs démocratiques, à l’apprentissage et à la culture politique.
2
Le juriste Carré de Malberg le définit comme une "communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et
possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une
puissance suprême d’action, de commandement et de coercition". Il souligne ainsi la double acception de la
notion d’Etat, qui correspond à un mode d’organisation sociale territorialement défini et à un ensemble
d’institutions caractérisées par la détention du monopole de l’édiction de la règle de droit et de l’emploi de la
force publique.
3

de droit (GB), de révolutions et de déclarations universelles de droits


de l’homme (Etats-Unis, France). Ce sont ces événements majeurs qui
enclencheront le travail d’innovation et d’adaptation politiques.

Chapitre I : La genèse des grands systèmes


constitutionnels
La trajectoire de chacun des trois grands systèmes étudiés lui confère
une certaine spécificité. Mais néanmoins les emprunts et les
influences entre ces systèmes ne sont pas négligeables. C’est le
Royaume-Uni qui s’est démarqué comme étant le premier pays à
tendre vers la modernité politique. C’est ce statut de pays pionnier en
matière de développement politique qui lui procure ce qualificatif de
modèle politique et de berceau de la démocratie.

Section I : Royaume-Uni3


Ce pays entame très tôt son processus de développement politique. Un
certain nombre de règles et principes vont amorcer la marche de la
constitutionnalité de la monarchie.
A- Le processus de constitutionnalisation

3
Le Royaume-Uni (United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland) est constitué (officiellement depuis
1707) de Nations autrefois indépendantes : l'Angleterre, le pays de Galles, l'Ecosse, et d'une partie de l'Irlande -
qui fut indépendante jusqu'en 1175 et qui a retrouvé son indépendance pour les 5/6 de son territoire en 1921.
Mais le Royaume-Uni de Grande-Bretagne est dominé par l'Angleterre (85% des électeurs), sous l'autorité
législative du Parlement de Westminster.
4

La Grande-Bretagne4, dont la constitution est non écrite 5, entame très


tôt sa marche vers la mise en place d’un Etat de droit6. La Magna
Carta inaugure en 1215 cette tendance à l’édiction des règles
juridiques de caractère impersonnel, général et impartial. L’habeas
corpus est élaboré en 1679 et le Bill of rights (1689) à la suite de la
révolution de 1688 œuvrent aussi dans ce sens.
L’importance du Bill of Rights réside dans le fait qu’elle instaure la
Souveraineté de la Loi. Celle-ci s'impose au Roi comme à tous ses
4
Définition du parlementarisme : Le parlementarisme britannique repose sur la prééminence du parlement. Ainsi
en théorie le Parlement britannique détient la Souveraineté juridique ; c'est- à- dire que ses pouvoirs sont
illimités lorsqu'il s'agit pour lui de légiférer.
Aucune autorité ne peut être supérieure à la sienne et si les juges ont évidemment une certaine faculté
d'interprétation de la Loi, et peuvent invoquer l'existence de droits naturels imprescriptibles, ils ne peuvent, bien
entendu, rendre des décisions qui seraient formellement contraires à la Loi.
Il n'existe pas, au Royaume-Uni, de Cour Suprême ou de Cour Constitutionnelle qui pourrait limiter la
Souveraineté juridique du Parlement.

C'est la Chambre basse du Parlement, la Chambre des Communes, qui détient aujourd'hui, depuis que sa
suprématie sur la Chambre haute, la Chambre des Lords, s'est affirmée au XXème siècle, cette Souveraineté
juridique.
Mais, de fait, cette Souveraineté juridique n'est que théorique puisqu'elle s'exprime par le vote des lois, donc
qu'elle nécessite l'existence d'une majorité parlementaire. Or, en Grande-Bretagne, du fait de l'existence du
bipartisme rigide, la majorité parlementaire s'exprime réellement par la voix du Gouvernement.

5
Par convention de la Constitution (convention of the Constitution) les britanniques entendent toute pratique
constitutionnelle largement acceptée qui devient répétitive de telle sorte qu'un consensus apparaît.
Ainsi, jusqu'en 1800 environ, les ministres sont nommés par le Roi, puis la pratique s'instaure de ne nommer que
des ministres qui puissent disposer du soutien d'une majorité parlementaire, puis le Premier ministre est choisi au
sein de la Chambre des Communes, puis le Premier ministre est le leader du parti qui détient dans cette Chambre
la majorité. Ou, encore, le fait que le Monarque ne puisse agir que suivant l'avis du Gouvernement date d'une
convention de1910.
Une convention n'est donc jamais définitive.
Une convention peut être légalisée : l'existence du Premier ministre a été consensuelle jusqu'en 1937, date à
laquelle son existence a été institutionnalisée par une loi.
Actuellement relève de la convention : l'existence du Cabinet et son organisation, le principe de la responsabilité
collective du Cabinet devant la Chambre des Communes, le choix du Premier ministre et du Cabinet dans la
majorité parlementaire, la plupart des droits et privilèges reconnus à l'opposition parlementaire.

6
Dès 1215, les Anglais obligèrent leur roi Jean sans Terre à signer une "Grande Charte
des libertés d'Angleterre" - Carta Magna - qui limite l'arbitraire royal: le roi ne peut ni
bannir, ni arrêter, ni emprisonner ses sujets comme il l'entend. Cependant cette Charte
ne prévoyant aucune disposition pratique, ses articles sont diversement respectés.

Il faudra attendre presque cinq siècles pour que soit mis en place un véritable
mécanisme de protection des libertés individuelles, une procédure précise. C'est l'objet
de la loi de 1679, dite Habeas corpus Act - l'ordre de présentation délivré par un grand
juge du pays et remis au gardien de la prison s'appelle un écrit d'habeas corpus ad
subjiciendum, locution latine signifiant "que tu aies ton corps pour le produire devant la
justice".
5

Sujets. Elle instaure aussi le principe du consentement du Parlement à


l'impôt, de son consentement pour lever et/ou entretenir en temps de
paix une armée, l'illégalité de la suspension par le Roi7, sans
l'autorisation du Parlement, des lois et/ou de leur application ; le droit
de pétition des Sujets, l'interdiction des cautions, amendes, punitions
anormales, excessives et/ou cruelles, la primauté de la Religion
protestante, que les élections au Parlement doivent être libres, que la
liberté de parole, de débat et de procédure, au Parlement, ne peut être
mise en cause devant aucune juridiction ou aucune institution extra-
parlementaire, que le Parlement doit se réunir fréquemment.
La vie politique en Grande Bretagne a commencé à s’organiser dès le
treizième siècle. C’est ainsi qu’en 1259 (les Statuts d'Oxford), un
Parlement féodal8 permanent est institué auprès du Roi, qui est élargi à
la petite noblesse et aux bourgeois en 1265.
Cette évolution sera aussi enrichie au 14 ème siècle. Pendant ce siècle,
les représentants des communes siègeront dans ce parlement en

Les dispositions les plus significatives de cet Act (texte de loi) qui, en interdisant toute
arrestation arbitraire, protège la liberté individuelle, sont les suivantes :

après arrestation, tout prisonnier, personnellement ou par l'entremise de ses amis,


peut adresser une demande d'habeas corpus aux services de la justice,
les services de la justice envoient aux services de la prison un writ (acte délivré par
la juridiction compétente pour enjoindre à celui qui détient un prévenu de le faire
comparaître devant le juge ou devant la cour, afin qu'il soit statué sur la validité de son
arrestation),
cet acte oblige les services de la prison à présenter dans les trois jours le prisonnier
devant le tribunal,
le tribunal examine le cas du prisonnier et vérifie les charges retenues contre lui. Il
peut décider en fonction de ces charges: de maintenir l'emprisonnement; de libérer le
prisonnier sous caution; d'acquitter le prisonnier.

7
En 1701, par l'Acte d'Etablissement (The Act of Settlement), les règles de la succession au trône
sont définies : exclusion des catholiques ou des protestants mariés à un catholique ; règle de
primogéniture pour les descendants mâles et sinon pour les filles ; obligation de prêter serment afin de
reconnaître le Bill of Rights.
8
En 1628 le Roi Charles Stuart (1600-1649), sur la pression de la Chambre des Communes (House
of Commons), dut signer la Petition of Rights, Pétition des Droits. Ce texte exige qu'aucun impôt ne
soit établi sans le consentement du Parlement et que cessent les arrestations et détentions illégales.
Elle interdit le recours à la loi martiale en temps de paix et la conscription forcée.
6

éliminant la noblesse (Lords) et les seigneurs 9. Et c’est ce parlement


qui obligera le monarque à accepter le Bill of Rights. Cette loi (Bill)
deviendra le fondement de la monarchie constitutionnelle. Le
parlement dans la tradition britannique est une institution
souveraine10. Chaque Chambre est libre de voter son règlement
intérieur. Le pouvoir du monarque est réduit par des conventions. Et
c’est depuis 1910 qu’il ne peut agir que suivant l’avis du
gouvernement.
B- Acteurs politiques

La division de l’opinion anglaise en deux tendances remonte au milieu


du XVIIème siècle (1648), à la suite de la révolution. Cette division
tient surtout à des oppositions de caractère religieux. Les puritains
attaquent l’église anglicane et la survivance des habitudes romaines
qu’on y reconnaît. Ils s’opposent, en même temps, à l’absolutisme
monarchique et défendent le règne de la loi. En revanche, les
partisans du roi soutiennent l’église anglicane et défendent la
prérogative royale contre le parlement11. Par ailleurs, l’extension du
droit de suffrage à partir de 1832 et l’utilisation du scrutin majoritaire
à un tour favorisent l’émergence et le maintien du système de partis
britannique (two-party system)12. Jusqu’en 1906, les conservateurs et
les libéraux (successeurs des tories et des whigs) alternent au pouvoir.
9
C'est au XVIème siècle, avec la victoire de la Réforme sur le Catholicisme et l'établissement de la religion
d'Etat, l'Eglise anglicane (1534), que la Magna Carta fut interprétée par les bourgeois comme étant la
reconnaissance des droits individuels de tous les propriétaires.
10
Le droit du Conseil de l'Europe, créé en 1949 le Conseil de l'Europe est l'organisation européenne de
coopération politique qui a notamment pour objectif d'assurer la sauvegarde et le développement des Principes
démocratiques fondamentaux. Signée à Rome le 4 novembre 1950, la Convention européenne de sauvegarde des
Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales organise une garantie juridictionnelle des droits qu'elle
proclame, qui concernent les libertés publiques individuelles classiques, déjà proclamées dans la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme de 1948 mais qui trouvent ainsi leur pleine reconnaissance et application
juridiques. Le Royaume-Uni est membre du Conseil de l'Europe et est donc soumis à son droit.
11
Whigs et tories ; les cavaliers qui défendent le roi sont surnommés tories du nom des brigands irlandais qui
attaquaient les colons protestants et, cela, pour marquer qu’ils n’étaient que des catholiques camouflés,
aristocrates et propriétaires fonciers, défendant le roi et l’église. De l’autre côté, les têtes rondes de Cromwell
qui protègent le parlement contre le roi, les libertés civiques et la liberté religieuse (sauf toutefois pour les
papistes), comprennent certains nobles, des propriétaires, des hommes d’affaires, des marchands de Londres. Ils
sont surnommés wiggamores ou whigs, du nom d’un groupe de paysans presbytériens de l’ouest de l’Ecosse.
12
Le système politique du Royaume unis se ramène au gouvernement d’un parti sous le contrôle de l’opposition
et l’arbitrage de l’électeur. La séparation des pouvoirs législatif et exécutif est très discutable. Les partis
politiques anglais sont rivaux et associés. Ils se donnent la main pour que le jeu politique soit correctement joué.
7

Entre 1922 et 1935, les travaillistes 13 (adossés au Trade Union


Congress ) supplantent le parti libéral.
Le système bipartisan britannique assume avec efficacité
l’encadrement aussi bien du corps électoral que de ses représentants
au moment de la consultation électorale. Les partis sont, d’une façon
quasi absolue, maître de la présentation des candidats. Les
candidatures indépendantes sont pratiquement impossibles en raison
des frais élevés que les campagnes électorales exigent.
Ce bipartisme procure une stabilité au système d’alternance. Et dès
lors qu’un gouvernement dispose de la majorité à la Chambre des
Communes, il dispose de la même durée de vie. Il est exceptionnel
dans ces conditions qu’un premier ministre change en cous de mandat
ou qu’un cabinet minoritaire demeure au pouvoir. Mais le système
électoral adopté pénalise le tiers-parti.
Section II : Les Etats Unis d’Amérique
D’un certain nombre de colonies britanniques, les Etats-Unis accèdent
au statut d’Etat fédéral.
A- Formation de l’Etat fédéral

Un pays d’immigration qui a réussi à s’imposer comme le pionnier en


matière constitutionnelle (première constitution écrite dans l’histoire).
Son indépendance de la domination britannique a stimulé son
économie et l’a réorientée d’une économie purement agricole à une
économie industrielle. Aux 13 colonies initiatrices de l’indépendance
se sont incorporées de nouvelles terres (riches) se situant à l’ouest.

13
Le Labour Party a été crée en 1906 . C'est aux élections de 1922 que le parti travailliste obtient de meilleurs
résultats que les libéraux (142 députés travaillistes, 115 députés libéraux). De 1922 à 1935 le Royaume Uni
connaît le tripartisme. Puis, le scrutin uninominal majoritaire à un tour jouant son rôle éliminatoire, le parti
libéral, bien que conservant des voix, perd toute possibilité d'accéder au pouvoir (aux élections de 1964 les
libéraux obtiennent 11,2% des suffrages exprimés mais seulement 9 sièges sur 630, soit 1,42% des sièges).
8

Ces colonies américaines se situent entre le Canada et le Mexique sur


le front est (east) et orientées nord-est, s’étendant sur 16OO km. Ces
colonies étaient différentes les unes des autres sur les plans
géographique, religieux, économique, etc. Des liens de solidarité se
sont toutefois tissés entre elles lors de leur lutte menée contre les
Français du Canada. Un rapprochement linguistique et culturel s’est
aussi opéré pendant cette période.
La révolte des colons s’est déclenchée contre les mesures fiscales
imposées par la couronne britannique à l’issue de la guerre des 7ans
opposant la Grande-Bretagne à la France et à l’Espagne (1756-1763).
Les colons refusèrent de payer parce qu'ils n'étaient pas représentés
politiquement à la Chambre des Communes à Londres "no taxation
without representation". Le gouvernement britannique empêcha
également les colons des treize colonies d'étendre leurs territoires à
l'ouest des monts Appalaches afin, entre autres, d'éviter les conflits
avec les Amérindiens.
Les colons américains, en particulier les marchands des ports de la
Nouvelle-Angleterre, reprochaient à la Grande-Bretagne sa politique
commerciale : le trafic de certaines marchandises comme le thé était
réservé aux navires britanniques, en vertu du monopole en vigueur.
D'autre part, dans le but d'atrophier l'économie américaine, les
Britanniques en vinrent à interdire à leurs colonies de vendre leurs
produits à un autre pays que la Grande-Bretagne, car l'on estimait que
si les colons avaient le droit de vendre leurs produits comme bon leur
semblait et à qui bon leur semblait, les treize colonies américaines
regorgeraient d’argent, argent qui ne profiterait pas à la couronne,
(première puissance mondiale.
D’autant que les colonies contestaient la division du travail imposée
par l’Angleterre. Elle consistait à ce que les colonies n’accèdent pas
au stade industriel. En d’autres termes, les colonies fournissent à la
métropole des matières premières et que ces dernières restent
9

dépendantes des produits manufacturés et du fret afin d’assurer à la


production métropolitaine le débouché nécessaire.
La guerre avec les français établis au Canada s’étant terminée
victorieusement, en 1763, grâce à l’aide que les colons américains
avaient apportée aux troupes anglaises, la solidarité avec la métropole
s’atténue, une fois le danger disparu, en même temps que s’accroit,
chez les colons le sentiment de leur propre importance14.
C’est à l’issue de cette guerre que Thomas Jefferson et John Adams
rédigèrent la déclaration d’indépendance des Etats-Unis d’Amérique
(4 juillet 1776) qui se présente comme un résumé de la doctrine du
droit naturel15. Elle sera votée par le Congrès continental, qui était
l’organisme de liaison chargé, pour l’ensemble des colonies révoltées
de la conduite de la guerre. Le 14 novembre 1777, elles constituent
une Confédération et Union perpétuelle par les Articles of
Confederation and Perpetual Union. Un organe central, le Congrès,
est créé, qui a des pouvoirs étendus en matière de politique étrangère,
mais qui ne peut pas lever l'impôt. Les Etats membres de la
Confédération demeurent souverains mais leurs citoyens ont la qualité
de citoyens de l'Union et peuvent circuler librement sur l'ensemble de
son territoire. Les décisions judiciaires de chaque Etat sont reconnues
par les autres Etats.
La Confédération menaçant de se disloquer, à cause de son manque de
ressources fiscales, et du fait que certains Etats s'entourent de barrières
protectionnistes pour faire face à la crise économique, une Convention
se réunit à Philadelphie en mai 1787, sous la présidence de George

14
Le conflit armé éclate au printemps 1775, avec la bataille de Lexington qui oppose, près de Boston, des
milices coloniales rebelles aux troupes anglaises régulières. La guerre d’indépendance se prolongera pendant 6
ans, jusqu’à la prise d’Yorktown, en octobre 1781 et se terminera, grâce en partie à l’aide française en
volontaires et en troupes régulières, par une victoire complète des Américains. Le traité de Paris et celui de
Versailles du 3 septembre 1783 reconnaissent l’indépendance des anciennes colonies.
15
Le Préambule de la Déclaration d'Indépendance est ainsi conçu : "Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes
les vérités suivantes : Tous les hommes sont créés égaux, ils sont doués par le créateur de certains droits
inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont
établis par les hommes pour garantir ces droits".
10

Washington (1732-1799), qui élabore la Constitution fédérale du 17


septembre 1787, entrée en vigueur en mars 1789.
Les treize Etats devaient démarrer un processus d’intégration ; dans un
premier temps le choix se fut porté sur une confédération qui, une
décennie plus tard, sera transformée en fédération. Un pouvoir
exécutif (de l’Union issue de la constitution de 1787) de l’alliance
(tendance à la centralisation) sera installé. Un bicamérisme fut aussi
institué (compromis du connecticut).
B- La constitution de 178716

La Constitution de 1787/1789 est un contrat entre les Etats membres.


Elle ne comprend, à l'origine, que 7 articles auxquels seront ajoutés
ensuite 26 amendements.
Les 10 premiers amendements, adoptés en 1791, constituent la Charte
des Droits fondamentaux (Bill of Rights) pour la Fédération, mais,
historiquement, la première Déclaration américaine des Droits est la
Déclaration des Droits qui précède la Constitution de Virginie du 12
juin 1776, qui est immédiatement suivie de la Déclaration
d'Indépendance du 4 juillet 1776. Les apports de cette constitution
sont nombreux : l’Etat fédéral, régime présidentiel, bicamérisme.
Du fait du caractère rigide et formel de la constitution américaine, la
procédure de révision se décompose en 2 phases : l’élaboration et la
ratification du texte de révision17. Les amendements18, au nombre de
16
D’aucuns interprètent la Constitution américaine comme étant une transposition, dans le cadre républicain,
des institutions britanniques (une monarchie limitée). C’est en 1782 que la monarchie britannique venait
d’inaugurer l’étape de monarchie parlementaire. Et cela en rapport avec la guerre d’indépendance des USA. La
théorie des checks and balances (faculté de neutralisation réciproque entre les institutions) domine l’approche
des pères fondateurs dans la conception du système politique américain.
17
Si c’est le Congrès qui établit le texte de l’amendement, celui-ci doit être voté par chacune des deux
chambres à la majorité des deux tiers ; si ce sont les parlements fédérés (les législatures) qui prennent
l’initiative, la proposition de révision doit être votée par les deux tiers des parlements fédérés ; puis, une
convention nationale ad hoc est convoquée pour rédiger le texte. La ratification doit se faire dans un délai de
7ans suivant sa transmission, sauf prorogation votée par le Congrès par les ¾ des Etats membres. Elle se fait
par les parlements locaux (les ¾ des Etats membres).
18
Les premiers amendements furent opérés en 1791. Certains Etats n’avaient consenti à ratifier la constitution
qu’à la condition qu’elle fût immédiatement amendée ; et ce fut la déclaration des droits de l’Etat fédéral (bill
of rights).
11

27 depuis 1787, se rapportent à la condition des personnes et à


l’organisation des pouvoirs publics.
La condition des personnes se décompose en droits de l’individu et
ceux du citoyen. Ainsi l’amendement XIII de 1865 complète les
garanties des libertés individuelles. Il abolit l’esclavage.
L’amendement XIV intervenu en 1868 établit les conditions du droit à
la citoyenneté et l’étendue des garanties juridictionnelles dont peut
bénéficier chaque citoyen (l’égale protection des lois). Quant aux
droits du citoyen, l’amendement XV de 1870 étend le pouvoir du
suffrage ; il interdit de refuser le droit de suffrage pour des raisons
tenant à la race ou à l’état de servitude antérieur. Le XIXème
amendement établit en 1920 le suffrage des femmes, et le XXVIème
(1971) abaisse l’âge de la majorité électorale de 21 à 18 ans.
Quant aux amendements relatifs à l’organisation des pouvoirs publics,
le XIIème prévoit la différenciation entre les élections du Président et
du vice président des USA (1804) ; le XVIIème dispose que les
sénateurs sont élus au suffrage universel direct (1913). Le XXème de
1933 ramène le temps mort au 20 janvier suivant l’élection et non plus
fin mars comme auparavant, l’entrée en fonction du président
nouvellement élu. Le XXIIème de 1951 interdit au Président d’être
réélu plus d’une fois ; le XXVème intervenu en 1967 organise la
suppléance du président en cas d’empêchement et le remplacement du
vice président.

C-Partis politiques aux Etats-Unis d’Amérique


Deux grands partis se partagent la scène politique américaine. Le Parti
démocrate19 américain tire ses origines du Parti démocrate -républicain fondé
19
Il est celui qui est resté le plus longtemps au pouvoir de façon continue, et l'une des plus grosses
organisations politiques mondiale (72 millions d'inscrits pour les primaires en 2004). C’est à l'origine un parti
anti-fédéraliste défendant la liberté des États face au pouvoir fédéral, et celle des propriétaires individuels face
aux intérêts bancaires et industriels. Il évolue nationalement vers une vision moins conservatrice et moins
libertarienne dès les années 1890, et plus nettement dans les années 1930 avec le New Deal du président
Franklin Roosevelt, en valorisant le rôle de l'État dans la protection des minorités. Dans les années 1960 et 70, il
s'inscrit à gauche sous l'impulsion des sénateurs Hubert Humphrey, George McGovern ou Edward Kennedy,
12

dans les années 1790 par Thomas Jefferson pour s’opposer à la


politique de George Washington. Ce nouveau parti, libre-échangiste
est opposé à une trop grande centralisation du pouvoir politique. Les
démocrates sont aussi de fervents anti-esclavagistes. C’est d’ailleurs
une loi prônant l’extension de l’esclavage à tous les Etats de l’Union
qui est à l’origine de la création du parti.

Le Parti républicain (1854) défend quand a lui le monde des affaires,


les producteurs, le grand capital, les fermiers des plaine. Dès la fin des
années 1850, les Républicains deviennent le second parti des États-
Unis, s’imposant face aux Démocrates. Leur ascension est favorisée
par l’inquiétude croissante que provoque, dans le Nord, l’influence des
États du Sud à Washington, et par les divisions du Parti démocrate,
déchiré entre esclavagistes et modérés. Depuis ses débuts, le Parti
républicain incarne une certaine image de l’Amérique, nationaliste,
protestante et anglo-saxonne, et se prononce en faveur d’un
gouvernement fédéral fort.

Section II : La France

L’histoire de la France, aux XVème, XVI, XVIIème et


XVIIIème siècles, oscille entre féodalisme et monarchie
héréditaire.
A- L’affirmation de l’Etat

La France a vécu pendant des siècles sous le joug de


l’absolutisme des rois. Ce régime politique (ancien régime)
perdure bien que les péripéties et les évolutions sont
nombreuses (monarchies administrative des XVII et XVIII
siècles, Capétiens et Valois). Ses caractères généraux
demeurent largement les mêmes jusqu’à la révolution.

avant de se replacer vers le centre sous les mandats de Jimmy Carter et Bill Clinton.
13

L’hérédité joue depuis le XIIIème siècle un rôle dans la


transmission du pouvoir en France. Elle joue également
comme mode de nomination des administrateurs et même des
gouvernants. C’est avec la désignation d’Hugues Capet qui
marque le point de départ du système héréditaire. Il demeure
néanmoins articulé au système féodal ; donc son autorité est
beaucoup plus effective dans le duché de l’Ile-de-France que
sur les terres de ses feudataires 20. La renaissance du droit
romain, au XIV siècle, viendra renforcer le pouvoir royal. Ses
juristes retrouvent dans les institutions de Justinien et les
autres monuments du droit romain l’idée de souveraineté, de
pouvoir inconditionnel. Ainsi le roi absolu 21 prend la place du
roi féodal. Cela répond aussi à une demande populaire afin
d’échapper à l’autorité seigneuriale, étant plus proche,
devenant de plus en plus lourde.
Aux XVIe et XVIIe siècles, la théorie de la monarchie absolue
prend de l'ampleur. Elle a comme principal relais dans les
provinces les officiers de justice qui cherchent à réduire les
droits de justice seigneuriale. La justice est en effet un
puissant moyen d'unification du pays. Tous les cas peuvent
aller en appel auprès du conseil du roi par le moyen des
évocations. La coutume de Paris a tendance à s'imposer
comme droit commun coutumier.
B- Renforcement de l’absolutisme

L’absolutisme se renforce avec Louis XIV (1661-1715). Dès le début


de son règne, il entreprit le redressement de l’autorité royale. Ainsi
20
Dans ce système, fortement hiérarchisé, le roi est placé à la pointe de la pyramide : il est le suzerain du
royaume, tous les seigneurs étant médiatement ou immédiatement ses vassaux. L’absorption par le roi de ce
système s’est faite de cette manière : le roi va contrôler les justices seigneuriales et établir sa justice propre
comme recours suprême ; il superposera ses édits et ses ordonnances aux établissements seigneuriaux ; il
ajoutera les services publics royaux aux services seigneuriaux et s’attachera à fondre ces derniers dans les
siens : l’armée d’abord, les finances ensuite ; le reste suivra.
21
Le roi est lege solutus, c’est-à-dire affranchi de l’observation des lois.
14

Les gouverneurs des provinces, issus de la haute noblesse


n'ont plus d'armée à leur disposition et doivent résider à la
cour, ce qui rend plus difficile le clientélisme. En 1665, Louis
XIV interdit aux parlements de délibérer sur les édits et leur
ordonne de les enregistrer sans vote. Les états provinciaux de
Normandie, Périgord, Auvergne, Rouergue, Guyenne et
Dauphiné disparaissent. Avec Colbert, il entreprend de
réformer la justice et fait rédiger toute une série d’ordonnances
ou codes applicables dans tout le royaume. N'étant pas sûr de
la fidélité des officiers propriétaires de charges héréditaires, il
confie leurs fonctions à des commissaires révocables. Ce
procédé finit par contraindre les officiers à l'obéissance. La
noblesse perd tout pouvoir politique.
Les efforts faits pour moderniser et discipliner l'armée
permettent à Louis XIV de remporter d'éclatantes victoires
dans la première partie de son règne personnel. Cela lui permit
de conquérir de nouvelles places fortes au nord de la France
parmi lesquelles Dunkerque, Lille et Douai. Le traité de
Nimègue de 1678 mettent fin à la guerre de Hollande. Il
procéda aussi à la politique des « réunions » dont Le but est
de relier le chapelet de places fortes : Nancy et Strasbourg.
Mais cette politique va susciter une violente réaction des pays
européens, notamment l’Angleterre, la Hollande et l’Espagne.
Sur le plan des institutions, il est à noter l’existence des Etats
généraux22 dont les modes23 d’élection ont beaucoup varié
selon les époques. Les députés aux Etats généraux reçoivent
un mandat impératif et sont élus sur la base d’un cahier de
22
La première réunion des EG remonte à 1302, sous Philippe le Bel.
23
Mode assez libéral au XIVème siècle ; restreint au XVIème ; libéral pour les Etats généraux de 1789.
15

doléances. Ils n’avaient par conséquent pas de marges de


liberté. D’autant plus qu’ils n’avaient que des pouvoirs
consultatifs. Le pouvoir royal s’est montré (aux XIV et
XVème) assez fort pour résister aux tentatives de contrôle par
les Etats généraux. Ceux-ci n’avaient jamais pu fonctionner
avec une périodicité régulière, ce qui fait que leurs pouvoirs
furent intermittents. Leur division en trois ordres a contribué à
leur désordre et à leur impuissance.
C- Relâchement de l’absolutisme

Les parlements judiciaires sont également des institutions de


l’ancien régime. Ils avaient hérités les attributions judiciaires
du roi et avaient tendance à revendiquer des prérogatives
politiques. Ils étaient habilités à enregistrer les édits et
ordonnances royaux (promulgation) au même titre que celui
d’adresser des remontrances au roi, c’est-à-dire des
observations sur leur teneur. Cela leur conférait un pouvoir
politique appréciable car ils pouvaient résister au roi. Ces
parlements ont joué un grand rôle dans le déclenchement de la
révolution.
Au XVIIIème siècle, la France connait un essor culturel mais des
problèmes d’ordre économique et des tensions politiques persistent.
Malgré les tentatives de centralisation administrative, le pays
est loin d'être unifié24. Il existe des douanes intérieures entre
les provinces, il n'y a pas d'unité des poids et mesures. Tout
ceci entrave le développement économique de la France à un
moment où l'Angleterre est en plein décollage industriel. Les
24
Le règne de Louis XIV marque une centralisation extrême du pouvoir royal. Les grandes décisions
sont prises par le conseil d'en haut qui se réunit deux ou trois fois par semaine et où ne siègent que 3
à 5 ministres. Les intendants sont plus que jamais la voix du roi dans les provinces. A la fin du 18 ème
siècle, c’est la police du roi qui fait régner l’ordre dans le pays.
16

impôts ne sont pas perçus de la même manière dans tout le


pays, même si les intendants25 en supervisent la répartition et
la levée. Malgré les efforts entrepris depuis François Ier avec
l'ordonnance de Villers-Cotterêts, les lois ne sont pas les
mêmes dans tout le royaume. Le nord est encore soumis au
droit coutumier, à peu près 300 coutumes, alors que le sud est
régi par un droit écrit, inspiré du droit romain26.
L’absolutisme persiste mais devient anachronique27. A la
veille de la révolution, le sacre ne résiste 28 plus à l’esprit des
Lumières. La hiérarchisation de la société française en trois
ordres (ayant chacun un statut juridique particulier : le clergé,
la noblesse et le tiers-état) y suscite une ébullition. Les deux
premiers ordres jouissent des privilèges matériels et
honorifiques dont le tires-état était exclu29. Ce tiers-état
représentait, en 1789, 98 %. On y trouvait une grande
bourgeoisie, composée de financiers, d’armateurs et de grands
négociants ; une bourgeoisie moyenne, comprenant des
professions libérales et du moyen négoce et une petite
bourgeoisie composée d’artisans et de petits commerçants. Ce
tiers-état comprend aussi la masse paysanne (ou le peuple). Ce
tiers-état sera le porte-parole du peuple dans lequel la

25
Les 36 intendants répartis sur le territoire à la veille de la révolution française et soumis étroitement à
l’autorité royale ont contribué à absorbé les pouvoir locaux (ancêtres des préfets).
26
Cette confusion s'explique par la manière dont le domaine royal s'est formé. À chaque acquisition,
les rois promettaient de respecter les privilèges et les coutumes des provinces et des villes. À l'aube
de la Révolution les particularismes régionaux restent très vifs.
27
Devant le parlement de Paris en 1766, Louis XV déclare : C’est en ma personne que réside l’autorité
souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison. C’est à moi seul
qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage. L’ordre public tout entier émane de moi.
(Jean Gicquel, p. 381).
28
Ce pouvoir illimité du roi est légitimé par le sacre qui consiste à dire que l’évêque de Reims a transmis un
sacrement au roi qui est le don miraculeux de guérir les écrouelles et par conséquent il est considéré comme le
représentant de Dieu sur terre ; il doit compte de ses actes à la divinité, mais ses sujets lui doivent tant qu’il est
sur le trône, la même obéissance qu’à Dieu lui-même.
29
La noblesse était essentiellement une classe terrienne (possession de la terre. Le clergé n’exerçait aucune
activité économique. Le tiers état jouait un rôle dans la production et le commerce. Il mêlait dans ses rangs,
avant la révolution, bourgeoisie, ouvriers, paysannerie.
17

bourgeoisie jouera un grand rôle notamment dans


l’inauguration du l’ère constitutionnelle de la France30.
Les représentants du peuple français réunis en Assemblée
Nationale exposent dans une déclaration 31 solennelle les droits
naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration,
constamment présente à tous les membres du corps social, leur
rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du
30
A l’ouverture des Etats généraux le 5 mai 1789 à Versailles en vue de la régénération de l’Etat, le cours des
événements prend une orientation inattendue. Le 17 juin, le tiers-état se proclame Assemblée nationale et se
reconnaît le pouvoir de consentir l’impôt. ; le 2 juin, cette assemblée prête serment de ne pas se séparer avant
d’avoir donné une constitution à la France. Le 9 juillet, cette Assemblée se transforme en Assemblée
constituante. La révolution française a eu lieu donc le 14 juillet 1789. Le 4 aout l’Assemblée décrète l’abolition
des privilèges, l’égalité des impôts et l’admission de tous les citoyens aux emplois publics ; le 26 aout, la
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen est votée ; le 3 septembre 1791, l’Assemblée adopte la
première Constitution de France.

31
Article 2 - Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
Article 3 - Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne
peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.
Article 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels
de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces
mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
Article 5 - La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par
la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Article 6 - La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir
personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes
dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de
leurs talents.
Article 7 - Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les
formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires
doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant ; il se rend coupable
par la résistance.
Article 8 - La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni
qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Article 9 - Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé
indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi.
Article 10 - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne
trouble pas l'ordre public établi par la loi.
Article 11 - La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ;
tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les
cas déterminés par la loi.
Article 12 - La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc
instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.
Article 13 - Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution
commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Article 14 - Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette,
18

pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque


instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient
plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées
désormais sur des principes simples et incontestables, tournent
toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.

D- Partis politiques en France

Les formes proto-partisanes sont déjà présentes dans l’opposition


entre la Montagne et le Marais, les Jacobins et les Girondins pendant
la révolution. Mais pendant longtemps les Français ont élu les
hommes influents de leur circonscription32 : propriétaires terriens,
nobles, entrepreneurs…. Quand les Républicains parviennent à faire
entendre leur message politique, ils sont élus pour leurs orientations
face aux problèmes politiques du pays.

Ce n’est qu'en 1901 qu’apparaît le premier parti, le parti radical et en


1905 avec la création de la SFIO . Ce sont deux partis de gauche. La
33

droite met plus longtemps à créer des partis organisés. Pendant


longtemps, les partis de droite sont des groupes informels réunis
autour de leaders et d’intérêts communs.

Le radicalisme est un courant politique français particulièrement


influent pendant la Troisième République. Républicain, très attaché à
la propriété privée et à la laïcité, c'est un parti intermédiaire entre la
gauche et la droite susceptible de s'allier aux socialistes ou aux

le recouvrement et la durée.
Article 15 - La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.
Article 16 - Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n'a point de Constitution.
Article 17 - La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la
nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable
indemnité.

32
La Loi Le Chapelier, promulguée en France le 14 juin 1791, est une loi proscrivant les organisations ouvrières,
notamment les corporations des métiers, mais également les rassemblements paysans et ouvriers ainsi que le
compagnonnage. Cette loi suit de très près le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, tant dans ses objectifs
que par leur proximité historique. Elle interdit de fait les grèves et la constitution des syndicats au cours du
siècle suivant, mais aussi certaines formes d'entreprises non lucratives comme les mutuelles.

33
Section française de l'Internationale ouvrière. En 1969, la SFIO devient le Parti socialiste, lors du
congrès d'Issy-les-Moulineaux où elle s'associe avec l'Union des clubs pour le renouveau de la
gauche.
19

conservateurs suivant les circonstances. Les radicaux étaient


considérés aux débuts de la IIIe République, très à gauche34 face aux
modérés, ralliés, orléanistes, bonapartistes ou légitimistes.

Toutefois en dépit de positionnements sur des sujets particuliers qui


peuvent être appropriés par un côté ou l'autre, le clivage droite/gauche,
est avant tout fondé sur l'opposition conservatisme/progressisme. Le
conservatisme étant fondé, lui, sur la conservation des hiérarchies
économiques et sociales au nom des valeurs "transcendantales" (pour
la droite religieuse, l'ordre divin moral et, pour la droite libérale, la loi
du marché).

Le progressisme a pour but l'égalité sociale et économique des


citoyens et leur émancipation des règles traditionnelles, en favorisant
la transformation de la société par l'évolution des lois adaptées par et
pour les citoyens.

C'est ainsi qu'au cours de l'histoire de la France, les libéraux se sont


décalés vers la droite. Au moment de la révolution, les libéraux étaient
à gauche de l'échiquier et ont participé aux transformations de la
société française de l'ancien régime en participant à la rédaction des
constitutions et des lois.

Cependant, avec l'évolution de la société, les inégalités n'étaient plus


dues à des privilèges de rang, mais à une propriété économique
favorisée par le libéralisme économique. Ainsi, au cours du

34
La distinction gauche/droite fut établie au XIXe siècle de façon empirique. On a pris l’habitude de
parler de partis de droite et de partis de gauche dans les pays où les assemblées nationales élues
siègent en hémicycle, c’est-à-dire dans une salle en demi-cercle analogue à la forme d’un théâtre grec
(tels la Pnyx à Athènes ou le théâtre d’Épidaure).À la gauche du président de l’Assemblée
parlementaire, quand il regarde la salle, siègent les partis socialistes, social-réformistes et radicaux,
les partis sociaux-démocrates au centre-gauche, à sa droite les partis conservateurs et libéraux, et au
fond à droite, les partis d’extrême droite. L'origine historique de ce clivage se trouve dans un vote
ayant eu lieu en France à l’assemblée nationale d'août-septembre 1789. Lors d'un débat sur le poids
de l'autorité royale face au pouvoir de l'assemblée populaire dans la future constitution, les députés
partisans du veto royal (majoritairement ceux de l'aristocratie et du clergé) se regroupèrent à droite du
président (position liée à l'habitude des places d'honneurs). Au contraire, les opposants à ce veto se
rassemblèrent à gauche sous l’étiquette de «patriotes» (majoritairement le Tiers état). Après la
Révolution, cette opposition s'est instituée dans la culture politique des systèmes d'assemblées,
même si d'autres groupes antagonistes émergèrent, tels les «montagnards» proches des tribunes du
peuple, et la «plaine ».
20

XIXe siècle, la défense du libéralisme économique s'est-elle


rapprochée de la défense des inégalités en faveur d'un patronat
capitaliste triomphant au nom de la loi du marché et des libertés
économiques. Les radicaux existent idéologiquement depuis le début
du XIXe siècle, avec de grandes figures politiques, comme Ledru-
Rollin et Louis Blanc. Mais on pourrait facilement retrouver des traces
de leur existence aux sources même de la Révolution, par les
Lumières, et principalement par Voltaire et Condorcet. Le nom radical
vient du fait que ce courant de pensée regroupait les républicains
radicaux, qui cohabitaient au parlement avec les républicains modérés,
les républicains ralliés et les trois courants monarchistes.

À sa naissance, le 21 juin 1901 à Paris, le Parti radical35 hérite de cette


tradition radicale qu’avaient portée de grandes figures politiques
comme Gambetta ou Clemenceau. Avant même son apparition en tant
que parti politique, le courant radical avait fourni à la République
plusieurs grands serviteurs de l’État, sans oublier plusieurs Présidents
du Conseil (Ferdinand Buisson, Émile Combes ou Charles Floquet par
exemple). Outre cet héritage, le nouveau parti fusionne avec plusieurs
tendances rivales. C’est un assemblage hétéroclite de comités
électoraux, de loges maçonniques, de sections de la Ligue des droits
de l’homme, de la Ligue française de l'enseignement, dont la tendance
de gauche semble majoritaire à ce moment-là.

Lors de la fondation du nouveau parti, la déclaration de clôture de ce


premier congrès, lue par Camille Pelletan, servit de cheville ouvrière
au programme politique revendiqué par les radicaux durant les
premières années du XXe siècle. Cette déclaration insistait donc sur
l'union à gauche, la nationalisation des grands monopoles, la

35
C'est le premier parti politique fondé en France (1901). Jusque là, en effet, il n'existait que des
groupes parlementaires de différentes tendances politiques et des comités électoraux locaux aux
conceptions encore plus variées. L'idée était de réunir au niveau national, dans un même parti des
élus et des militants de même tendance. Le Radicalisme possède une vision spécifique de
l’organisation sociale et humaine fondée sur la primauté de l’individu. Il prend sa source dans l’histoire
même de la République à laquelle il est étroitement lié. La profession de foi du radicalisme est
composée de cinq points : « Laïcité, Solidarité, Humanisme, Tolérance, Universalisme ».
21

séparation de l'Église et de l'État et la création d'un impôt égalitaire


fondé sur le revenu36.

Chapitre II L’organisation constitutionnelle (répartition des


pouvoirs, distribution des pouvoirs)

Cette organisation constitutionnelle porte sur les trois grands systèmes


constitutionnels retenus dans le programme.

Section I : La Grande Bretagne

La caractéristique du parlementarisme britannique c’est l’existence


d’un gouvernement adossé à une majorité parlementaire et agissant
théoriquement au nom de la reine ou du roi. Le Cabinet est en fait un
resserrement ou ramassement des fonctions principales du
gouvernement. C’est lui qui exerce la fonction exécutive de l’Etat. Il
existe aussi un comité de liaison entre le Cabinet et le gouvernement.

A-Le Parlement

36
Ce programme fut partiellement appliqué durant les années suivantes, profitant d'une alliance à
l'Assemblée nationale, entre les socialistes (de Jean Jaurès) et les radicaux (qui mirent Émile Combes
au gouvernement). Cette période fut marquée par la lutte très dure contre les congrégations
religieuses dont les plupart sont expulsées.

En 1907, au congrès de Nancy, le parti adopte enfin un véritable programme politique (présenté par
une commission dont le rapporteur était Édouard Herriot). Nettement ancré à gauche, confirmé par le
congrès de Pau en 1913, ce programme, avec quelques dépoussiérages, sera la pierre angulaire du
programme politique de ce parti durant plus d'un demi-siècle.

Il prône une politique laïque et anticléricale, marquée par l’action du Président du Conseil Émile
Combes (1902–1905) qui amènera les lois de séparation de l’Église et de l’État adoptée avec les
efforts plus subtils du député socialiste Aristide Briand. Il vante la propriété privée : en effet, les
radicaux voient dans l’accession des salariés à la propriété le remède aux problèmes de la société
industrielle.

Durant l’entre-deux-guerres, les idées qu'il défend, constituent un ensemble dans lequel se reconnaît
une grande partie des Français. Tout d’abord, un attachement profond à la nation et au régime
républicain, identifié au système parlementaire, ensuite une conception de la République qui intègre
de manière ferme voire intransigeante la laïcité, érigée en l’un des fondements de la République, dont
l’instruction dispensée par l’école est le moteur du progrès social. Le tout est mâtiné d’une conception
humaniste de la société et de la politique.
22

Les deux chambres (les Communes et les Lords) siègent séparément


depuis le XIVème siècle.

1- Chambre des Lords

C’est la Chambre des Communes qui constitue la clé de voûte du


pouvoir législatif britannique. Celle des lords 37 joue un rôle
protocolaire depuis son effacement (1832)38.Elle est constituée de
pairs héréditaires (pairs éternels). Y siéger est une forme de
récompense pour des personnalités éminentes. Elles sont nommées par
le 1èr ministre pour la couronne (26 lords appartiennent à l’Eglise
anglicane + 12 juges + 540 pairs). Lord Salisbury fut le dernier Prime
Minister venant de cette Chambre (1902). Le pouvoir législatif de
cette dernière s’amenuisait peu à peu. Progressivement, le
bicaméralisme s’installe d’une manière égalitaire39.

La Chambre des Lords demeure pleinement compétente pour les lois


d'intérêt particulier (private bills), qui sont dérogatoires aux public
bills et qui consistent à accorder des droits et prérogatives aux
personnes privées et aux collectivités locales, les lois de ratification
des décrets-lois d'intérêt particulier (provisional order bills) et la
législation déléguée (order bills).

L’inutilité de cette Chambre devient évidente ; mais les personnalités


siégeant dans cette chambre en fait une tribune de sages exerçant un
magistère moral. Le rôle juridictionnel des Lords en matière des droits
fondamentaux, à la manière d’une cour suprême ou constitutionnelle
(law lords), s’affirme de plus en plus. Les arrêts qu’elle rend ont une
grande portée jurisprudentielle.

37
Cette Chambre est la plus haute juridiction du royaume : l’appellate Committee, formée des 12 law Lords, est
compétente en matière civile et criminelle.
38
Jusqu’en 1832, la Chambre des communes ne représentait que 4% des électeurs environ de la population.
C’est la réforme électorale introduite par Lord Grey à cette date qui allait limiter l’étendue de son pouvoir.
39
Le Premier ministre libéral (Llyod George) présente en 1909 the People’s Budget marqué par une réforme
fiscale. Les Lords s’y opposèrent. La Chambre des Communes est dissoute et de nouvelles élections sont
organisées. Le parti libéral est reconduit, et les MPS votèrent, la loi des finances, un texte amputant les
pouvoirs des Lords. Une nouvelle dissolution s’ensuivit mais le parti libéral en sortit triomphant et les Lords
s’inclinèrent en acceptant le Parliament Act de 1911. Ainsi depuis, les Lords disposent d’un droit de veto
temporaire ou suspensif, limité à 1ans pour toutes les matières sauf les money bills qui ne peuvent être
amendés par les Lords.
23

2- Chambre des Communes

Cette chambre est issue des élections auxquelles participent tout


citoyen britannique âgé de 18 ans ainsi que les nationaux irlandais et
les citoyens du Commonwealth résidents (depuis 1981). La durée
d’une législature, s’il n’y a pas de dissolution, est de 5 ans depuis
1911.

Le rôle du Speaker dans la Chambre des Communes est très


important. Il est le porte-parole et le défenseur des privilèges des
Communes. Il est chargé d’y diriger les débats, d’y assurer la
discipline, de désigner les présidents des commissions permanentes et,
dans le cadre de la procédure législative, de sélectionner les
amendements à proposer. Il est généralement nommé d’un commun
accord de la majorité et de l’opposition.

La Chambre des Communes dispose du pouvoir législatif et possède


l’initiative en la matière (private member’s bills), mais la plupart des
lois sont d’origine gouvernementale (govenment’s bills).
Naturellement dans un régime parlementaire, puisque le
gouvernement est issu de la majorité parlementaire, il est censé être
l’animateur principal de la vie législative. Si l’opposition procède à
une proposition de loi, cela restera à l’état de pétition de principe.

Le travail de la Chambre des Communes se base essentiellement sur le


travail des commissions. La commission de la Chambre entière
(plénière) est compétente des lois de finance et des lois
constitutionnelles (ratification des traités). Les Commissions
permanentes (standing commissions) sont au nombre de 10. Elles ont
des compétences indifférenciées. Chaque commission comprend 50
membres. D’autres commissions existent pour des tâches de moindre
importance40.

Les débats au sein des Communes sont organisés par le speaker. Il


dispose de toute latitude d’éliminer les amendements 41 dilatoires ou
inutiles comme il est habilité à clore les débats dans les cas où les
40
Des commissions spéciales nommées à l’occasion d’un bill de caractère technique ou d’une enquête ; les
commissions mixtes composées des membres de la chambre des Communes et celle des Lords pour des
questions d’intérêts communs aux 2 assemblées. On note aussi l’existence d’une commission chargée de la
législation communautaire.
24

discussions lui paraissent s’acheminer vers l’obstruction


(filibustering). Il intervient dans le déroulement des débats pour faire
le point. Il organise les séances consacrées aux questions orales
(question-time)42.

B- Le gouvernement

Le gouvernement est historiquement issu du conseil privé du roi


(Privacy council). Ministère et Cabinet se présentent à la manière de
cercles concentriques.

1- Le cabinet43

C’est le noyau dur de tout le mécanisme exécutif. Il comprend un


nombre réduit de ministres44. C’est le premier ministre qui choisit
personnellement les membres du Cabinet, renforçant ainsi le
parlementarisme moniste au détriment du parlementarisme dualiste45.

2- Le premier ministre46

Il occupe un rang de premier plan du fait de sa légitimité


populaire47. C’est pourquoi, il est courant de désigner l’exécutif
britannique par gouvernement de cabinet. Il nomme les membres
41
Le gouvernement en GB n’est pas investi du pouvoir d’exécution des lois. Les règlements (statutory
instruments) sont élaborés par les services du ministère compétent et soumis pour approbation au Parlement.
Le silence observé en règle générale pendant une durée de 40 jours, par une chambre, vaut approbation. Les
MP’s ne contribuent qu’à concurrence de 10 à 15% dans l’élaboration législative. Le gouvernement peut aussi
bénéficier d’une habilitation législative (législation déléguée), qui est d’édicter des dispositions au lieu et place
des assemblées.
42
Le Whipchief est chargé de rameuter la majorité et de lui imposer une discipline. Il est assisté d’une vingtaine
d’assistants.
43
En matière législative, le Cabinet de dispose de l’initiative financière.
44
On y trouve : le premier ministre (et vice-premier ministre), le secrétaire au foreign office, les ministres
chargés de l’intérieur, de la défense, de l’éducation du commerce et de l’industrie, de l’agriculture, des affaires
de l’Ecosse, du pays de Galles, de l’Irlande DU Nord, des affaires sociales, de l’emploi, des leaders (Chiefs whips)
des Communes.
45
Le parlementarisme dualiste : C’est le premier ministre qui propose les ministres et c’est au monarque de les
nommer et les révoquer.
46
Si le Premier Ministre échoue dans sa mission, il démissionne pour éviter que cela n’ait des répercussions sur
le parti. Le gouvernement demeure en contact avec la population par le biais des sondages, des élections
partielles et générales. Par son vote, l’électeur choisit à la fois un député, un chef de gouvernement, une
équipe et un programme gouvernemental (quoique l’électeur est mis devant un choix binaire avec le two-party
system). La responsabilité du gouvernement est électorale et non pas parlementaire du fait de la logique
majoritaire. L’éventualité d’une scission au sein du parti gouvernemental peut entrainer la dissolution des
Communes et le recours prématuré aux élections.
47
Il est en charge de son projet politique sur lequel il a été élu, simultanément, avec sa majorité. C’est avec une
grande indépendance qu’il détermine la politique intérieure et extérieure du pays.
25

du Cabinet, en modifie la composition. Il peut demander à l’un


de ses ministres de démissionner ou de changer d’attributions. Il
peut révoquer les ministres, porter au roi la démission du
gouvernement et annoncer la dissolution des Communes. C’est
lui qui assure la liaison entre le gouvernement et le roi (ou la
reine). Il supervise de près le travail de ses subordonnés,
accordant une attention particulière à la politique étrangère. Par
ailleurs, il est assisté dans sa tâche par un groupe de conseillers
(et des comités). Le Prime Minister Office fait office de
secrétariat général du gouvernement qui supervise le travail de
tous les départements, y compris le travail de l’administration.

C-La monarchie britannique (la couronne)48

La Grande Bretagne doit à la monarchie (le roi Egebert) l’unification


territoriale du pays (829). Elle a un enracinement historique
indéniable, ce qui par conséquent lui assure un consensus national.
Son évolution s’est opérée sur la base d’une distinction entre
gouvernement et règne.

La personne du roi est inviolable (il est irresponsable politiquement).


Il ne peut être poursuivi, ni pénalement ni civilement devant les
tribunaux du royaume. En revanche la reine ou la reine ne sont pas
libres de leurs mouvements49. La vie privée du monarque ou de la
reine sont également soumis au contrôle du gouvernement50.

Théoriquement la couronne dispose d’un pouvoir limité. Le roi ou la


reine entérine la volonté populaire en nommant le 1 er Ministre du parti
de la majorité, sorti vainqueur des élections. Elle (la reine
actuellement) promulgue les lois. Elle donne des avis, jamais des
ordres. Elle reçoit en audience chaque semaine le Premier Ministre,
pour le compte rendu des délibérations du Cabinet, une manière de la
tenir informée de la gestion des affaires de l’Etat. On lui communique

48
L’accession au trône n’est possible à aucune personne de religion catholique. Le roi et la reine doivent, l’un et
l’autre, être membres de l’Eglise d’Angleterre en vertu du Settlement Act de 1701.
49
Le 1er Ministre peut avoir un droit de regard sur leurs mouvements. M Tatcher s’est opposée à la Visite de la
Reine à Moscou en 1988 et 1989.
50
Le 1er Ministre Baldwin a contraint Edourd VIII à abdiquer, en 1936, au moment où celui-ci songeait à épouser
Wallis Simpson, déjà divorcée deux fois.
26

aussi toutes les dépêches diplomatiques et les dépêches d’agences


ainsi que les Procès verbaux analytiques des séances du parlement.

Section II : Les Etats-Unis d’Amérique51

Selon la constitution de 1787, le parlement fédéral s’appelle le


Congrès. Il comprend ainsi une chambre des représentants et un Sénat.

A-La chambre des représentants

Ses membres (435) sont élus pour un mandat de 2 ans au scrutin


majoritaire uninominal à un tour. Et pour y être éligible, il faut être
âgé d’au moins 25 ans, être citoyen américain depuis 7 ans52.

1- Sénat53

Il est composé de deux membres par Etat (100)54, élus au scrutin


majoritaire uninominal à un tour (amendement XVII, 1913) pour six
ans et renouvelable par tiers tous les deux ans au moment où ont lieu
les élections à la Chambre des Représentants ; et pour être éligible au
Sénat, il faut être âgé de 30 ans, posséder la nationalité américaine
depuis 9 ans.

Pour ce qui est des travaux du Congrès, ce dernier tient une session
annuelle qui démarre début Janvier et se termine fin juillet. Pendant la
durée de la session, chaque Chambre est autorisée à s’ajourner pour
une période ne dépassant pas 3 mois pour éviter toute obstruction à
l’autre Chambre. Son travail se déroule dans des commissions
(permanentes). Chaque commission est souveraine dans son domaine.
Les institutions des whips et du speaker sont introduites dans le
Congrès américain55. Les présidents des commissions sont désignés du
parti de la majorité. Par ailleurs chaque assemblée peut décider
51
L’expression de régime présidentiel a été inventée par Walter Bagehot.
52
A souligner que les fonctionnaires ne sont pas éligibles au Congrès.
53
C’est le vice président des USA qui, de droit ,fait office de Président du Sénat américain.
54
Le Poto Rico (Etat libre associé aux USA) ne dispose que d’une représentation au Sénat. Par référendum
(organisé en 1993 et 1998), les populations ont voté contre son rattachement aux USA.
55
Selon les observateurs, ces deux institutions sont inefficaces dans le système politique américain. Les débats
au sein des assemblées sont chaotiques. On reproche aussi au congrès l’irresponsabilité (ou médiocrité) de ses
membres et l’activité néfaste des lobbies. C’est un cimetière législatif, selon M.-F. Toinet. La commission du
règlement (Rules Committee) est capable de bloquer ou de faire passer un texte de loi. C’est pourquoi sa
présidence est décisive en matière de procédure législative.
27

librement la création de commissions d’enquête et ordonner la


comparution56 de toute personne, en dehors du président et du vice-
président.

2- Les prérogatives du Congrès

Le pouvoir législatif est exercé concurremment et à parité par les deux


Chambres57, sauf en matière d’impôt où l’initiative appartient à la
Chambre des représentants. Si, au cours de la procédure
parlementaire, les deux Assemblées sont en désaccord, une
commission mixte de conciliation est mise sur pied (Conference
Committee) réunissant les élus des deux assemblées pour essayer de
trouver un modus vivendi.

Le Congrès dispose également d’un pouvoir électoral. Ainsi, à


l’occasion de l’élection du Président et du vice-président, si un
ballotage se produit, la Chambre des représentants intervient pour
désigner le Président, et le Sénat pour désigner le Vice-président.
Aussi, au cas de vacance de la vice-présidence, après le choix d’un
nouveau vice-président par le Président, les deux Chambres
interviennent-elles pour confirmer la nomination (XXVème
amendement, 1967).

Le Congrès participe à la nomination des juges à la Cour suprême (loi


de 1869) et supervise le fonctionnement des services publics et les
fonctionnaires fédéraux. Le Président ne peut engager des troupes
américaines dans une guerre au-delà de 60 jours sans avoir obtenu au
préalable l’accord des deux Chambres. La Chambre des représentants,
sur la procédure de l’mpeachment, vote la mise en accusation du
Président et le Sénat le juge (présidé par le Chief justice de la Cour
suprême). L’accord du Sénat est incontournable au Président pour la
nomination des hauts fonctionnaires (ambassadeurs) ; du chef d’état-

56
Ces commissions procèdent aussi à des auditions publiques (hearings) qui sont des formes d’interpellation.
Les médias jouent un rôle très important dans la diffusion de ces auditions.
57
Sous la pression des lobbies, les textes de loi proviennent essentiellement de la Chambre des
représentants. Leur sort dépend de la Commission des règlements pour leur inscription à l’ordre du
jour. Ces textes de loi sont examinés dans les Commissions permanentes avant d’être transmis à la
Commission des règlements. En matière budgétaire, le Congrès détient les pleins pouvoirs et par voie
de conséquence un pouvoir de nuisance à l’égard du Président. La plupart du temps, il se rallie aux
choix des Congressmen après avoir épuisé les ressources de la négociation. Le principe de la
séparation des pouvoirs est appliqué avec rigueur.
28

major interarmées, des membres du FED (fédéral Election


Commission) ; FCC (Federal Communications Commission). Le sénat
est habilité aussi à examiner les traités négociés et conclus par le
Président ; ils ne sont approuvés qu’à la majorité des 2/358.

B- Election et pouvoirs du Président américain59

C’est le Chief executive qui nomme les ministres (appelés secrétaires).


Il est chef d’Etat et chef de gouvernement. Son élection passe tout
d’abord par la sélection des candidats des partis d’une part et celui des
élections nationales d’autre part. Ainsi les conventions des partis se
tiennent après la désignation des délégués, et c’est là où les candidats
sont désignés60. A l’issue de la désignation des candidats, la campagne
(caucus) pour les départager commence. Le Président sortant
(rééligible une fois) est normalement dispensé de cette campagne.

L’élection du Président et du Vice-président se fait normalement par


les grands électeurs. Ces derniers sont élus par les assemblées des
Etats. Cette procédure a été petit à petit supplantée par le choix direct
des grands électeurs choisis par les citoyens. C’est cette procédure qui
cadre le plus avec la logique démocratique. C’est au scrutin de liste
majoritaire à un tour que le peuple désigne les grands électeurs dans
chaque Etat dont le nombre est égal, à celui de ses congressmen à
Washington. Ainsi un collège des grands électeurs 61 est formé au plan
national. Le candidat ayant atteint la majorité absolue des mandats des
Etats (les mandats électoraux, soit 270, et non celle des voix
populaires)62 est considéré comme vainqueur. Et dans l’éventualité
d’un ballotage au sein du collège électoral, le Congrès est appelé à

58
Les executive agreements ne sont pas soumis à l’approbation du Sénat. C’est une manière de contourner les
dispositions constitutionnelles. La Cour suprême reconnait aux executive agreements les mêmes effets qu’aux
traités.
59
L’éligibilité d’un Président est soumise aux conditions suivantes : être citoyen américain de naissance ; être
âgé d’au moins 35ans et résider depuis au moins 14 ans aux USA.
60
Pour les Républicains, tout électeur peut participer à la désignation des délégués, ce qui n’est pas le cas des
démocrates. Chaque candidat à la présidence choisit son vice –président (colistier). Ce dernier doit remplir les
mêmes conditions que le Président, à condition qu’il n’habite pas le même Etat que le Président.
61
C’est lors de leur candidature que les grands électeurs indiquent leur intention soit de voter pour le candidat
aux présidentielles républicain ou démocrate.
62
Le collège électoral comprend 538 membres (435+ 3grands électeurs attribués au District de Columbia+100
qui correspond aux nombre des sénateurs). L’élection d’un Président minoritaire sur le plan de décompte des
voix populaire n’est pas exclue.
29

départager les candidats en application du XIIème amendement de


1804.

Le Président des USA63 est élu pour un mandat de 4 ans, renouvelable


une fois64. En cas de vacance de la présidence (mort) ou lorsque le
Président est empêché définitivement, il est remplacé par son VP qui
achève le mandat commencé, dans la plénitude de ses attributions.

Dans le schéma de la séparation des pouvoirs, la fonction du Président


est contrecarrée par les autres pouvoirs. Son efficacité est tributaire de
ses rapports avec le Congrès. Toutefois il détient le pouvoir
réglementaire (ordres et proclamations). Il promulgue les lois 65,
supervise le fonctionnement des services publics et nomme les
fonctionnaires fédéraux. Il détermine la politique extérieure des USA
avec l’assistance du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères. A ce
titre, il conduit les négociations diplomatiques, nomme les
ambassadeurs, signe les traités. En outre, le président dispose de
l’armée et de l’initiative et la conduite des opérations. Il dispose aussi
du droit de grâce au plan fédéral66.

C-Rapports du Président au congrès

Le congrès et le Président peuvent avoir des rapports tumultueux. Le


Président ne peut dissoudre le Congrès et ce dernier ne peut obliger le
Président et ses secrétaires à démissionner. Chacun paraît enfermé
dans sa fonction et isolé dans un rôle. Mais la négociation et la
persuasion sont des moyens de gestion incontournables de leurs
rapports. Le compromis est toujours un moyen de déblocages des
situations d’impasse.

63
Tous ses collaborateurs sont placés sous son contrôle immédiat. Il les nomme avec l’accord du Sénat. Ils
forment un cabinet technique. Ces collaborateurs coordonnent l’activité au sein de l’exécutif, supervisent ses
relations avec le Congrès et préparent les décisions incombant au Président. Ils travaillent sous le contrôle d’un
secrétaire général. Outres ces collaborateurs (7OO), il dispose d’un dispositif de bureaux de conseil dans
différents domaines.
64
C’est le Président F. Roosevelt qui, depuis 1932, a été reconduit pour un quatrième mandat en 1944, mais
cela est à cause des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se trouvaient alors les USA.
65
Il dispose du pouvoir d’émettre des vetos à l’encontre des lois.
66
Au plan fédéré, le droit de grâce est du ressort du gouverneur.
30

A cet égard, le Président (art. 1, sect. 7 de la Constit.) dispose du droit


de veto à l’égard des textes de loi (l’intégralité de la loi 67) votés par le
Congrès. Ce veto peut être surmonté par un vote à la majorité des 2/3
dans chacune des chambres. Il appartient aussi au Président d’initier
des lois soit d’une manière indirecte, par le biais d’un Congressman,
soit d’une manière directe lors du discours (sous forme de messages
annexés) sur l’état de l’union prononcé au début de la session
parlementaire devant les chambres réunies à cet effet. Aussi
appartient-il au Président la tâche de préparation du budget68 fédéral,
et ce depuis 1921.

Le Congrès, quant à lui, dispose d’une procédure de travail


imperméable à l’intervention (et à l’action) du Président (l’inscription
à l’ordre du jour et les manœuvres dilatoires ou d’obstruction outre
l’absence de discipline majoritaire) 69. Le moyen de pression le plus
important, c’est le refus de vote du budget. Le Congrès peut aussi
destituer le Président par le biais de la procédure de l’impeachment.
Cette procédure est opératoire lors d’une mise en cause de la
responsabilité du Président dans l’exercice de ses fonctions (s’il est
reconnu coupable de trahison ou de concussion en vertu de l’art. 2,
sect. 4 de la Constitution70)

D-La Cour suprême

Il existe des juridictions propres aux Etats fédérés et à l’Etat fédéral.


Mais c’est la Cour suprême qui dispose du pouvoir judiciaire suprême
(art. III, section I) ; elle coiffe l’ensemble du système judiciaire
américain. Elle constitue par conséquent le dernier recours en
cassation de tous les jugements des tribunaux des Etats fédérés. Elle
dispose d’une compétence de droit commun ou générale 71. Elle a aussi
67
Il y a aussi ce que l’on appelle le veto de poche (pocket veto ; une forme de veto officieux) lorsque le
Président s’abstient de promulguer la loi au moment où s’achève la session parlementaire et le Congrès peut
attendre la session suivante pour répliquer.
68
L’Office of management and Budget s’occupe de la préparation du budget. Mais avec l’intervention des
lobbies dans le processus décisionnel le Président ne maitrise pas cette tâche.
69
Les intérêts des groupes de pressions rajoutent d’autres complexités aux procédures parlementaires.
70
Sur recommandation de la commission judiciaire, la Chambre des représentants se charge de l’accusation à la
majorité simple et le Sénat, sous la présidence du Chief justice de la Cour suprême, le juge en se prononçant
sur sa culpabilité.
71
En l’absence de tribunaux administratifs, elle est habilitée à traiter aussi bien les litiges privés que publics.
31

la compétence d’interpréter la constitution 72. Elle juge aussi bien du


fait que du droit. Elle effectue un contrôle du fédéralisme qui se
traduit par une supervision des arrêts des Cours des Etats fédérés. Il
s’agit de vérifier si les Cours d’Etats prennent soin d’arrêter les lois
des Etats particuliers qui seraient en contradiction avec la constitution
fédérale ; d’où aussi cette tâche du contrôle de la constitutionnalité 73
des lois (judicial review) votées par le congrès74.

Cette cour est composée de 9 juges (justices) (loi de 1869) nommés à


vie par le président de la République et confirmés par le Sénat. Le
Président consulte la corporation (Americain Bar Association) des
lawyers (avocats) pour toute nomination de juges.

Section III : La distribution des pouvoir dans le système politique


français

La France en ébullition met fin à l’ancien régime.

A-Fin de l’ancien régime

L’instabilité politique caractérise pendant longtemps la période post-


révolution. La convention nomme un conseil exécutif provisoire. Par
la suite, c’est le comité de Salut qui lui succède. Robespierre qui
présidait ce comité faisait régner la terreur et la Convention finit par
l’exécuter.

72
Le gouvernement des juges (forgé par Edouard Lambert) fait référence à cette période (fin du XIXème siècle
jusqu’aux années 30, du 20ème siècle) où le contrôle de la constitutionnalité jusqu’aux amendements à la
constitution. Le juge américain se place ainsi au-dessus du pouvoir constituant, car, pour lui il existe des
principes supérieurs de droit naturel, formant une éthique, à laquelle la constitution elle-même doit se
conformer, au nom d’une supra-constitutionnalité. Pendant cette période aussi, les législatures et le congrès
se trouvent bridés par cette Cour.
73
Charles Hugues disait de la Constitution : « Nous sommes régis par une constitution, mais cette constitution
est ce que les juges disent qu’elle est ». Justice Jackson compare la Cour suprême à une convention
constitutionnelle permanente qui sans soumettre ses propositions à aucune ratification, peut modifier la loi
fondamentale (J. Gicquel, 281).
74
Le juge procède par une interprétation constructive du texte contraire à la lettre de la constitution. Dans le
cas ou cela ne peut cadrer avec cette interprétation il déclare son inconstitutionnalité.
32

La Constitution de 1793, appelée constitution montagnarde, a été


refusée par la Convention, car elle stipulait l’élimination de la
dictature de l’Assemblée. La constitution du 22 août met fin à la
dictature de la convention mais n’établit pas de dictature de l’exécutif.

Un régime politique bicaméral est institué par la constitution de 1795 :


une chambre basse (le conseil des cinq cents) et une chambre haute (le
conseil des anciens) : Sénat électif de 250 membres. Les projets de
lois sont votés par le conseil des 500 ; le Conseil des Anciens peut
seulement approuver ou rejeter les lois votées par la Chambre basse
sans les amender. L’exécutif sera un Directoire (organe collégial)
composé de 5 membres et renouvelé partiellement par l’élection d’un
nouveau membre chaque année. Ce directoire nomme et révoque les
ministres, qui ne sont pas responsables devant le parlement75. Ce
gouvernement du directoire fonctionne dans des conditions de
turbulences politiques pendant 5 ans76, à l’issue desquels un coup
d’Etat se produit77.

B- La période de Napoléon (et la constitution de 179978)

La constitution napoléonienne79 établit une dictature de l’exécutif80.


Toutefois des institutions politiques vont subsister. Le droit de vote a
été réduit à un devoir de plébiscite. Les électeurs établissent des listes
de confiance comprenant des notabilités parmi lesquelles le
gouvernement et le Sénat choisissent les législateurs, les consuls, les
tribuns, les Conseils d’Etat, les ministres, les administrateurs, etc. Le
75
Les Conseils se convoquent et s’ajournent eux-mêmes, ils ne peuvent être dissous par les
directeurs. En revanche, ni les directeurs, ni leurs ministres ne peuvent être interpelés ou révoqués
par les Conseils, ces derniers ont seulement le droit de mettre les directeurs en accusation devant la
haute cour de justice.
76
Le directoire et les assemblées sont restés aux mains des révolutionnaires jusqu’aux élections de 1797. Une
majorité modérée investit le Conseil des 5OO. Une période d’épuration réciproque entre le Directoire et les
assemblées.
77
C’est Bonaparte qui monte ce coup d’Etat. Il supprime ainsi le Conseil des 500 et le Conseil des Anciens, les
remplaçant par un Consulat provisoire dont les membres sont : Bonaparte, Sieyès et Roger Ducos. Il élabore la
Constitution du 13 décembre 1799.
78
Cette constitution n’est pas précédée par une déclaration des droits.
79
A souligner que Napoléon Bonaparte s’est illustré par ses victoires en Italie. Il a tendu pour asseoir sa
légitimité d’établir une alliance entre le temporel et spirituel : le concordat de 1801.
80
C’est en fait le premier consul qui gouverne à l’aide de ses ministres, de son conseil d’Etat et du Sénat.
Bonaparte a été consul à vie (le 2août 1802). L’empire a été institué le 18 mai 1804).
33

corps électoral est appelé aussi à plébisciter, à intervalles réguliers, les


décisions du gouvernement. Le Sénat est chargé de veiller au respect
des lois constitutionnelles et le cas échéant les modifier.

Dans ce système, le pouvoir législatif est très complexe. Il comprend


plusieurs assemblées : le corps législatif (trois cents membres), le
tribunat (100 membres), le conseil d’Etat. Et c’est le gouvernement
qui a l’initiative des lois. C’est lui qui choisit, sur les listes de
présentation, les membres des Assemblées législatives. La défaite de
Napoléon entraine sa déchéance et désormais s’ouvre une période
d’équilibre entre les pouvoirs.

Cette période verra la consolidation de régime représentatif. Un


parlementarisme se met en place, s’imposera avec les Chartes de 1814
et de 1830. La loi constitutionnelle du 25 février 1875 le consacrera.
Selon ce système, les ministres sont solidairement responsables devant
les Chambres de la politique générale du gouvernement, et
individuellement de leurs actes personnels. C’est pendant cette période
aussi que se produit la première restauration et la seconde
restauration81, après le coup de force mené par Bonaparte82.

La restauration, sur le plan juridique, a été très féconde au point que le


droit constitutionnel et le droit financier lui doivent beaucoup
d’apports83.

C-Charte constitutionnelle du 4 juin 181484

Avec cette charte octroyée, la souveraineté devient dès lors royale.


Elle offre une chance à la monarchie d’être constitutionnelle. Elle
n’autorise pas un retour à la monarchie absolue ; car cette charte
maintient l’égalité civile ; libertés individuelles (c’est-à-dire liberté

81
Louis XVIII, lors de son séjour forcé (exil) en Grande Bretagne, a été imprégné de parlementarisme
britannique.

82
L’acte additionnel aux constitutions de l’empire du 22 avril 1815. Cet acte prévoit une Chambre des
pairs et une Chambre des représentants qui sont toutes les deux des assemblées législatives. Cet
acte est rédigé par Benjamin Constant.

83
Les grands principes ont été posés en matière budgétaire (annualité, universalité).
84
Louis XVIII avait compris qu’un roi constitutionnel doit régner sans gouverner, contrairement à Charles X qui
monte sur le trône en 1824.
34

d’aller et venir) ; liberté religieuse ; liberté de la presse ; libre


détention des biens nationaux85.

Cette Charte dispose que la personne du roi est inviolable


(irresponsable) et que ses ministres sont responsables (art. 13) ; il
nomme les ministres ainsi que les fonctionnaires de l’Etat ; il dispose
de la force armée (art. 14) ; seul, il propose la loi (art. 16) ; il la
promulgue (art. 22) ; il convoque les deux chambres et peut dissoudre
celle des députés (art. 50).

La chambre des pairs est une véritable chambre législative, mais elle
n’est pas d’origine élective. Ses membres sont nommés par le roi à vie
ou avec transmission héréditaire. Ses séances ne sont pas publiques
(art. 24 à 34). Le cas échéant, elle peut être érigée en Cour pour statuer
sur les crimes de haute trahison. La chambre des députés, quant à elle,
est élue pour 5 ans et renouvelable chaque année par cinquième. En
1824, une loi établira le renouvellement intégral tous les sept ans
(suffrage censitaire et les électeurs les plus imposés votent 2 fois).
Celle –ci peut être dissoute par le roi, à la condition de convoquer les
collèges électoraux dans le délai de 3 mois.

D-Charte du 14 août 1830

Sous Charles X, des ordonnances furent publiées dont les


conséquences sont la suspension de la liberté de la presse, la
dissolution de la Chambre des députés, la modification du régime
électoral (en prenant en compte seulement l’impôt foncier dans le
calcul du cens : éliminant la bourgeoisie). Des soulèvements éclatèrent
immédiatement et Charles X dut s’exiler et un gouvernement
provisoire est formé.

Cette nouvelle Charte86 est établie en accord avec le parlement. La


souveraineté redevient nationale. Louis-Philippe qui succède à Charles
X assure le fonctionnement d’un régime parlementaire qui dura 18
ans : un partage de la puissance d’Etat entre les Chambres et le roi.
85
La liberté de réunion et la liberté de d’association ne furent pas reconnues par la révolution et ne le furent
pas non plus par la Charte.
86
Ici, la liberté de la presse est garantie, la religion catholique n’est plus religion d’Etat. Elle reconnait aux
Chambre le droit d’initiative en matière législative ; elle supprime les pairs héréditaires ; le cens électoral est
abaissé et le roi n’édicte plus les ordonnances pour la sûreté de l’Etat.
35

Ainsi le conseil de ministres87 se réunit sans la présence du prince


héritier, et du roi. La carrure du chef de gouvernement imprime une
nouvelle culture politique à l’action politique. Ainsi la solidarité
gouvernementale se voit consacrée par la Charte. La question de
confiance et la défense de sa politique devant les Chambres sont
établies. Désormais, le contrôle parlementaire s’affirme avec
l’invention de l’interpellation du gouvernement.

Mais du moment que le chef du gouvernement n’est pas assez fort, le


roi revient à la charge en s’appuyant sur la polycéphalie ministérielle
en dotant le gouvernement d’un chef nominal. Dans ces circonstances
le régime parlementaire reste fictif. C’est Louis-Philippe qui demeura
la clé de voûte du système. Malgré l’abaissement du cens, le corps
électoral reste très restreint. Le peuple est en majorité exclu du vote
(avec ses intellectuels). A ces restrictions politiques s’ajoute une crise
économique (question sociale) pour déclencher une nouvelle
révolution (du 24 février 1848) débouchant sur la 2ème République.

E- La deuxième République (1848)

C’est par le décret du 5 mars 1848 que le suffrage universel est


proclamé. L’esclavage est aboli dans les colonies françaises le 27 avril
1848. Un gouvernement provisoire est constitué (présidé par Dupont
de l’Eure) et une assemblée constituante 88 est élue le 4 mai 1848.
Celle-ci mettra sur pied une Commission exécutive. Une constitution
verra le jour le 4 novembre 1848 ; elle sera inspirée du régime
présidentiel américain.

Cette constitution prévoit une séparation claire des pouvoirs (art. 19).
Ainsi, le pouvoir législatif est attribué à une Assemblée 89 unique
constituée de 750 membres, élus pour 3 ans au suffrage universel. Le
pouvoir exécutif est confié à un Président de la République 90, élu
directement par le peuple pour une durée de 4 ans (art.45) à la
87
C’est Casimir-Périer qui forme le premier gouvernement, en 1831.
88
Elle sera à majorité conservatrice. Par les élections de mai 1849 l’assemblée devient majoritairement
monarchiste.
89
Cette assemblée nomme aussi les membres du Conseil d’Etat (art. 71) par lequel elle contrôle
l’administration publique.
90
Le 10 décembre 1848 Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République. Il établira une véritable
dictature exécutive. Elu à une écrasante majorité, la perspective de sa mise à l’écart après 4 ans d’exercice
devenait aléatoire. Le coup de force était inévitable. Il a eu lieu le 2 décembre 1851.
36

condition d’être né français et âgé de 30 ans. Le Président nomme et


révoque les ministres (art. 64). Ces derniers sont responsables devant
l’Assemblée (art. 68).

Cette Seconde République sera avortée par le coup d’Etat de 1851 91.
Une nouvelle constitution (14 janvier 1852) bonapartiste verra le jour.
Celle-ci réitère les principes de 1789, et stipule que le Président
gouverne au moyen de ses ministres, du conseil d’Etat et du corps
législatif (art.2) ; la puissance législative s’exerce collectivement par
le Président de la république, le Sénat et le corps législatif (art. 4) ; et
il est responsable devant le peuple auquel il a toujours droit de faire
appel (art.5). Il est chef des armées (art. 6). Il possède seul l’initiative
des lois, qu’il promulgue (art. 8 et 10). Il prend les décrets nécessaires
à leur exécution (art. 6)92.

Quant au Sénat, il est investi de la mission de gardien du pacte


fondamental et des libertés publiques (art.25). Il examine les lois avant
leur promulgation et contrôle par conséquent la constitutionnalité des
lois (art. 26). Il règle par sénatus-consulte tout ce qui n’a pas été prévu
par la constitution et qui est nécessaire à sa marche et il fixe le sens
des articles de la constitution qui donnent lieu à différentes
interprétations (art. 27). Il propose des modifications à la constitution
(art. 31)93.

C’est le conseil d’Etat qui se charge de rédiger les projets de loi (art.
50) ; c’est lui qui aussi qui soutient, au nom du gouvernement, la
discussion desdits projets devant le sénat (art. 51).

Le régime du second empire ne maintenait que théoriquement le


suffrage universel. Les débats parlementaires, la liberté de la presse, la
participation des Chambres au gouvernement sont réduits. Mais un
certain assouplissement est apparu en 1860. Entre 1867 et 1869 le
droit d’interpellation, d’initiative et d’amendement sont reconnus aux
députés. D’autres réformes sont envisagées mais la guerre de 1870
ruine le régime impérial.

91
Outre le climat social, une crise éclata entre l’Assemblée et le Président au sujet du suffrage universel que
cette dernière voulait limiter. Le Président demanda l’abrogation de cette loi, mais l’Assemblée refusa.
92
Louis-Napoléon Bonaparte acquerra la dignité impériale le 7 nov. 1852 par un sénatus-consulte.
93
Le Sénat fait office d’un pouvoir constituant permanent à la disposition du chef de l’Etat.
37

F- La constitution du 21 mai 1875

Dans la Constitution du 21 mai 1870, le pouvoir reste héréditaire, c’est


l’empereur qui détient l’autorité politique. Le Sénat devient une
seconde chambre législative (art. 30). Le pouvoir constituant est
confié à l’empereur (art.44). Mais la IIIème république va s’établir et
s’enraciner progressivement dans la conscience collective, surtout
après la défaite militaire de 187194. En 1875, la république sera
définitivement consacrée

Une Assemblée Nationale est élue le 8 février 1871, elle se consacra à


la paix. Elle dut faire face à l’insurrection de la Commune. Elle
instaure un régime provisoire par le moyen de 3 Constitutions
successives95.

G-La constitution de la IIIème République (1875)

Cette constitution, qualifiée de stabilisatrice de la situation politique et


constitutionnelle, va durer 65 ans (jusqu’à 1940). Elle comprend 34
articles et, par les révisions de 1879 et 1884, elle raccourcit davantage.
Elle se borne à décrire certaines institutions et leur fonctionnement
politique96.

La constitution de 1875 structure ainsi les pouvoirs publics :

1- Les Chambres

94
Le 2 sept. 1870 Napoléon III dut capituler et se livrer lui-même. Le territoire français est envahi par les
armées de Bismarck et l’armistice est signé le 28 janvier 1871.
95
Loi ou constitution Rivet du31 août 1871, qui dispose que le chef du pouvoir exécutif prend le titre de
Président de la République, responsable devant l’assemblée. Elle prévoit que le conseil des ministres
fonctionnera sous l’autorité d’un vice président du conseil responsable devant l’assemblée.
La constitution de Broglie du 13 mars 1873 organise la procédure d’intervention du Président de la République
dans les affaires intérieures et dans les débats devant l’Assemblée.
La loi du 2O novembre 1873 confie le pouvoir exécutif au maréchal Mac Mahon pour sept ans. La loi du 20
novembre 1873 (art. 2) décide la nomination d’une commission de trente membres pour l’examen des lois
constitutionnelles. Elle conclut à ce que le Président de République soit élu à la majorité absolue des suffrages
par le Sénat et la Chambre réunis en Assemblée nationale.
96
Les transactions opérées pour avoir une majorité favorable en fait une constitution empirique. Elle est
l’œuvre des républicains et des monarchistes. Cette constitution ne pose aucun principe. Elle ne vise aucun
droit, aucune liberté. Elle maintient le suffrage universel et un parlementarisme républicain et démocratique.
38

L’élection est la base de recrutement des membres des deux


chambres ; l’une au suffrage direct, l’autre au suffrage indirect. Le
mode de scrutin en vigueur pendant toute la durée de la IIIème
république est le scrutin majoritaire uninominal à deux tours 97 pour la
Chambre des députés. L’âge de l’éligibilité à cette Chambre était de
25 ans et le mandat de 4 ans (nombre de députés entre 500 et 600). En
cas de vacance d’un siège, des élections partielles avaient lieu pour y
pourvoir. Par rapport au Sénat, la Chambre des députés était
prioritaire dans le domaine financier, car la loi de finances devait
d’abord être déposée sur son bureau. Quant au Sénat, le scrutin est
indirect. Cette Assemblée est soumise périodiquement au
renouvellement par tiers tous les 3 ans. Le scrutin de liste était le
mode en vigueur pour les élections sénatoriales. Le collège électoral
était composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers
d’arrondissement et principalement de délégués élus par les conseils
municipaux pour un mandat de 9 ans.

Le sénat possède la plénitude de la compétence législative. Une loi,


pour être promulguée, doit être votée dans des termes identiques par la
Chambre des députés et le Sénat. Le système de la navette est par
conséquent institué. Le Sénat possède aussi le pouvoir de contrôle
politique, au même titre que la première Chambre, du cabinet (loi du
25fév. 1875, art. 5). Le Sénat ne pouvait être dissous, mais il
intervenait, pour avis conforme, dans la procédure de dissolution de la
Chambre des députés (art.5 de la loi du 25 février 1875). En outre, le
président du Sénat était le second personnage de l’Etat. Le Sénat
pouvait aussi se constituer en Cour de justice (pour juger le chef de
l’Etat et les ministres (art.9).

2- Le président et le Cabinet

Il est élu à la majorité absolue par les deux Chambres réunies en


assemblée nationale98. Il est pénalement et politiquement irresponsable
sauf dans le cas de la haute trahison. C’est lui qui nomme les
ministres. Ces derniers sont les collaborateurs directs du Président.
C’est à partir de 1879 que le Président choisit la personnalité chargée
de former le ministère (le conseil ou Cabinet), qu’il entérine par la
97
On l’appelait aussi scrutin d’arrondissement (Voir détails de ce scrutin, in. J. Gicquel, p. 428) .
98
On procède à autant de tours qu’il est nécessaire pour qu’un candidat obtienne cette majorité.
39

suite. Ces ministres sont solidairement responsables devant les


Chambres de la politique générale du gouvernement et
individuellement de leurs actes personnels (art. 6 de la loi du 25 fév.
1875).

La pratique politique oscille entre un parlementarisme dualiste et un


autre moniste. Par ailleurs, une crise en survient entre Mac-Mahon et
l’assemblée au sujet de l’étendue de ses pouvoirs et la désignation du
cabinet. Cette crise dura jusqu’en 1879, lorsqu’il était amené à
démissionner. Dès lors le régime moniste de l’assemblée s’affirme 99.
Désormais les ministres devaient gouverner avec la confiance du
Parlement, sans que le chef de l’Etat puisse lui imposer ses
directives100. Le droit de dissolution va échapper au Président. Le
travail des commissions parlementaires sert comme instrument de
contrôle des projets du gouvernement101. Le Sénat avait, à cette date,
les mêmes prérogatives que la première Chambre.

La IIIème république sera emportée par la défaite de 1940. Et entre


juin 1940 et août 1944 s’affrontent deux légitimités, celle de l’Etat
français et celle de la France libre ; et le maréchal Pétain102 qui obtint
l’armistice le 16 juin 1940 sera investi d’un pouvoir constituant par la
loi constitutionnelle du 10 juillet 1940.

H-La Constitution de la IVème république 103 (du 27


octobre1946)

Pour le projet de Constitution du 19 avril 1946, une assemblée


constituante est élue, elle dispose du droit d’initiative et propose le
99
Cette orientation parlementariste ne sera bousculée qu’en 1962. La révision constitutionnelle de 1884 frappe
d’inéligibilité à la présidence de la République les membres de familles ayant régné sur la France.
100
Ce n’est que pendant la guerre de 1914-1918 que le gouvernement a été autorisé à prendre des décrets
ayant force de loi (décrets-lois).
101
Entre 1886 et 1889 la crise boulangiste se déclare. Le général Boulanger imprégné de culture bonapartiste
tentait de renverser le régime parlementaire. Il déposait sa candidature aux législatives dans plusieurs
circonscriptions. Son programme politique se ramenait à des slogans de : dissolution, constituante, révision.
102
Ce dernier s’est nommé lui-même chef de l’Etat en vertu de la réforme constitutionnelle du 1O juillet 1940.
Cette réforme est en contradiction avec l’interdiction faite en 1884 de porter atteinte à la forme républicaine
du gouvernement.
103
Le projet de constitution du 19 avril 1946 a été rejeté. Il préconisait une Assemblée législative unique (l’une
des raisons majeures de son rejet). C’est cette Assemblée qui devait élire le président de la République qui ne
devait avoir qu’un rôle honorifique. Le pouvoir exécutif réel devait revenir au Président du Conseil élu par
l’Assemblée nationale. C’est donc lui le chef de gouvernement, et c’est lui qui devait choisir ses ministres. C’est
un régime d’Assemblée qui émerge de ce projet.
40

contenu du projet de Constitution qui sera soumis à l’approbation du


corps électoral par voie de référendum. Elle est tenue par les délais (7
mois). Après le rejet de ce projet, une autre assemblée constituante est
élue le 2 juin 1946 et dont le projet est ratifié par le corps électoral et
promulguée le 27 oct. 1946.

Dans son préambule, elle restaure la déclaration des droits de l’homme


et du citoyen. Elle établit le régime d’Assemblée (bicamérisme partiel
dans lequel le Sénat (appelé conseil de la république) dispose de
moins de pouvoirs que dans la constitution de 1875).

Dans cette constitution, l’Assemblée nationale est élue au suffrage


universel direct. Elle concentre la totalité des pouvoirs du parlement,
comme elle peut renverser le gouvernement en lui refusant la
confiance ou en votant la censure.

Quant au Conseil de la République, il comprenait les représentants des


conseils municipaux ; et par la loi du 23 septembre 1948, il intègre
dans sa représentation les campagnes. Ce Conseil participe au choix
du chef de l’Etat et à la désignation des membres d’un certain nombre
de grands corps (Comité constitutionnel, Assemblée de l’Union
française, Conseil supérieur de la magistrature, etc. 104). Le conseil
examine les propositions ou projets de loi et formule son avis par un
vote précédé d’un débat. Mais l’Assemblée n’est pas liée par l’avis du
Conseil. Et c’est à partir du 7 décembre 1954 qu’une réforme rétablit
le système de navette entre les deux Assemblées105.

La IVème république connaitra une instabilité chronique en douze ans


de son existence ; en cause le défaut de majorité, à l’Assemblée, des
gouvernements successifs. Aucune législature n’est parvenue à son
terme. En cause aussi le manque de coalitions solides. La constitution
de 1958, instituant la Vème République, va récuser la souveraineté
parlementaire, se présentant comme l’antithèse de la IIIème
république.

104
Dans le domaine législatif, il n’assure qu’un rôle de réflexion (consultatif). Il n’a pas de pouvoir de contrôle
sur le gouvernement.
105
Le texte est considéré comme adopté par l’assemblée nationale, après un délai de 100 jours et après une
deuxième lecture.
41

I- La constitution de 1958106 (la Vème république)

Cette constitution consacre les principes républicains d’indivisibilité


de l’Etat (Etat central et souverain), de laïcité (loi de 1905), de
démocratie (égalité devant la loi et suffrage universel) et de
souveraineté du peuple (art. 3 C).

1- L’exécutif

Cette constitution consacre la primauté du pouvoir exécutif et


provoque la relégation du parlement (le gouvernement du peuple par
ses élus). Mais néanmoins cette constitution introduit le référendum
comme forme de consultation et d’expression populaire 107. En 1962, le
chef de l’Etat est élu au suffrage universel, par le peuple.

Ainsi l’exécutif se désengage de l’emprise de l’Assemblée. Les


nouvelles attributions du Président en font un personnage central de
l’Etat108 : il veille au respect de la constitution et au fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat, selon les
termes de l’article 5 de la constitution 109. Ses compétences s’expriment
avec ou sans contreseing ministériel110 (art. 19). Il nomme le premier
ministre (art. 8) et recourt au référendum législatif (art. 11). Il peut
aussi dissoudre l’assemblée nationale (art. 12). Il nomme les membres

106
L’IVème République était confrontée au problème de décolonisation et à la guerre de l’Algérie. Une
tentative de coup d’Etat militaire (à Alger, l’armée met en place un Comité de Salut Public) conduit au retour
du Général de Gaulle au pouvoir. C’est sous direction que la Constitution de 1958 a été élaborée, approuvée et
promulguée (le 4 oct. 1958). C’est le gouvernement présidé par de Gaulle qui sera investi de pouvoir législatif
et constituant. C’est René Coty (sous la IVème République) qui était Président de la République à cette époque.
107
La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie référendaire
(art. 3C). La possibilité est aussi au peuple de voter lui-même une loi en lieu et place des parlementaires
(art.11). C’est la raison pour laquelle on considère que c’est un passage de la démocratie d’adhésion à la
démocratie de participation.
108
La Vème République sera caractérisée par un dualisme de pouvoir. Si la majorité présidentielle et
parlementaire s’harmonisent cela s’identifie à la prééminence présidentielle. Si elles se contredisent, c’est le
gouvernement qui prédomine. Le premier cas s’apparente à un régime présidentiel le second à un
parlementarisme dans le cadre de la cohabitation. Le pouvoir de l’exécutif est réhablité en même temps que
celui des juges.
109
Avant la réforme de 1962, un collège élargi (80000 citoyens détenteurs d’un mandat électif) élit le président
de la république (art. 6 et 7 C).
110
Cette procédure désengage la responsabilité de l’auteur principal de l’acte lorsqu’une seconde personne
appose sa signature après celle de ce dernier.
42

du conseil constitutionnel (art. 56). Il saisit ce dernier au sujet des


traités (art. 54) ou d’une loi (art. 61).

Désormais c’est le Chef de l’Etat qui a la compétence d’investiture du


gouvernement. L’Assemblée Nationale111 n’est plus appelée à
participer à la formation du gouvernement ; mais elle vote tout de
même la confiance (art. 49, al. 1) ou le refus de confiance (al. 2).

Cette constitution de 1958 fait du président de la république un arbitre


en cas de dérèglement des rapports entre les pouvoirs publics et le
gouvernement ; aussi détermine-t-il et conduit-il la politique de la
nation (art. 20 C). Il agit par voie de règlements dans le processus
normatif (art. 37) (d’ordonnances conformément aux art. 38 et 45).
Aussi le gouvernement a-t-il désormais le droit d’initiative en matière
financière (art. 40), la fixation de l’ordre du jour de l’Assemblée (art.
48), l’adoption de la loi (art. 45 et 49). Le contrôle de la
constitutionnalité (art. 61) lui revient aussi.

2- Le parlement

Depuis la mise en place de la Cinquième République française,


l’Assemblée nationale fait partie, avec le Sénat, du Parlement . Le 112

rôle de ce dernier est de discuter et de voter les lois. Il contrôle aussi


l'action du Gouvernement et évalue les politiques publiques113. L’Assemblée
nationale a, contrairement au Sénat, le pouvoir de renverser le
Gouvernement, ce qui implique que celui-ci ne peut être en désaccord
avec elle. Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder
cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct. Le Sénat, dont le
nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage

111
C’est cette nouvelle orientation dans la redistribution des pouvoirs que l’on appelle parlementarisme
rationalisé. Cette rationalisation consiste en la limitation de son activité. L’article 34 énumère les matières qui
relèvent du domaine de la loi.
112
En 2010, l’Assemblée compte 577 membres appelés « députés », élus pour la plupart aux élections
législatives des 10 et 17 juin 2007 au suffrage universel direct au scrutin uninominal majoritaire à deux tours
pour une durée de cinq ans, qui forment la XIIIe législature, où le groupe UMP est majoritaire
113
Article 50. Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure ou lorsqu'elle désapprouve le
programme ou une déclaration de politique générale du Gouvernement, le Premier ministre doit remettre au
Président de la République la démission du Gouvernement.
43

indirect114. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la


République (art. 24).

Le système constitutionnel115 marocain


(Petit ou moyen système !!) 

Aperçu historique

Le Maroc est resté à l’abri de l’invasion turque, mais les assauts répétés des
puissances occidentales vont progressivement le soumettre et le dépouiller de
son indépendance. Ces assauts commencent par des traités de commerce
(1856)116, des indemnités de guerre (1860) et des prêts usuraires. Le cercle
vicieux des emprunts117 précipita l’étouffement des finances du Maroc. En 1904,

114
Le président de l'Assemblée nationale est élu pour la durée de la législature. Le Président du Sénat est élu
après chaque renouvellement partiel.

115
L’objet d’une constitution digne de ce nom est de soumettre l’Etat au droit (Gicquel).
116
Un traité de commerce entre la Grande-Bretagne et le Maroc ouvrit le Maroc aux produits européens.
117
Des banques françaises, espagnoles et anglaises se chargèrent de prêter au Maroc à des taux d’intérêt très
élevés.
44

le Maroc perd le contrôle de ses douanes au profit de la France dont une partie
servira au remboursement de dettes.

L’acte d’Algésiras (1906) proclame l’indépendance du Maroc mais reconnait


aux différentes puissances européennes le droit d’y faire des affaires (une
internationalisation économique du Maroc)118. Cet acte reconnait vaguement à la
France une position privilégiée et confirmait la zone d’influence consentie à
l’Espagne en 1904. Ce sont les incidents survenus aux frontières algéro-
marocaines qui servent comme prétexte aux troupes françaises d’intervenir dans
l’oriental marocain. Le sultan (à Fès), se sentant menacé par une révolte, fait
appel à la France. Ce qui laisse libre cours à l’établissement du protectorat au
Maroc en 1912119

**Protectorat et naissance du nationalisme marocain

Selon le traité de 1912, le sultan détient officiellement tous les pouvoirs, mais en
réalité il n’a la maitrise d’aucun pouvoir120. Le processus d’élaboration des
décisions et de leur exécution, bien qu’elles soient revêtues de ses sceaux, lui
échappe complètement. L’administration du makhzen est maintenue, flanquée
cependant d’une administration de contrôle exerçant une tutelle sur les ministres
et les responsables régionaux (une dualisation). C’est ainsi que le sultan règne et
la France gouverne.

Le système de protectorat établi par le traité de Fès opte pour la conservation et


le maintien des structures mentales et sociales traditionnelles. Il ménage le
makhzen et tous les satellites tournant autour, à savoir les confréries et le
système des familles de notables. Aucun moyen de promotion sociale n’est mis
en place pour renouveler le système makhzanien.

La domination coloniale stimule la naissance d’une réaction nationaliste. C’est


ainsi qu’une nouvelle élite voit le jour (c’est en fait une frange de populations
118
Différence entre pays colonisé et pays protégé (colonisation et protectorat). La ligne de partage passe moins
entre pays colonisé et pays dépendants qu’entre deux formes de colonisation et de dépendance : la destruction
des institutions locales et leur survie.

119
Conformément au Traité de Fès, le Sultan reconnait à la France l’exercice de pouvoirs de réforme de
l’organisation politico-administrative, de maintien de l’ordre et de représentation externe. La France s’engage à
sauvegarder la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnel du sultan, l’exercice de la religion
musulmane et des institutions religieuses et notamment celle des habous. Elle s’engage aussi à organiser le
Makhzen chérifien réformé et à prêter un constant appui à Sa Majesté chérifienne contre tout danger qui
menacerait sa personne ou son trône ou qui compromettrait la sécurité de ses Etats ou de l’héritier du trône ou
ses successeurs.
120
L’article 4 du traité de protectorat autorise le sultan à déléguer aux autorités résidentielles le pouvoir
législatif et par la suite à déléguer tous les pouvoirs.
45

urbaines et une bourgeoisie commerçante de Fès) et déterminera la


configuration de l’Etat marocain postcolonial. C’est dans le giron de ces
composantes sociales que les germes du mouvement national ont pris. Le dahir
berbère121 est un facteur de déclenchement de l’action de ce mouvement. En
1933, se crée le Comité d’Action Marocaine (CAM) qui se charge d’élaborer et
d’exposer la plate-forme revendicative du mouvement 122: le « Plan de réformes
marocaines » présenté aux autorités du Protectorat en 1934. Ce plan revendique
la création de municipalités et d’un Conseil national consultatif (élu) auprès du
sultan123.

Dans ce processus d’affirmation du mouvement national, le CAM connaitra des


dissensions internes et éclata en 1937 en deux organisations rivales : le parti
national d’Allal el-Fassi et le parti populaire de M. H. el-Ouazzani. Le parti
d’allal el-Fassi devient le parti de l’Istiqlal en 1944. Il fera de l’ombre au parti
de M. H. Ouazzani et au Parti démocratique de l’indépendance (PDI).

Le parti de l’Istiqlal sera la pièce maîtresse du Mouvement national. Ce dernier


est dominé par la bourgeoisie traditionnelle et était ainsi incapable de faire
adhérer les diverses composantes sociales à sa stratégie revendicative. Seul le
sultan s’est révélé à même de fédérer les différentes couches au projet de
l’Istiqlal. Cet état des choses va impacter le contenu du « Manifeste » et en faire
un document ambigu. C’est pourquoi la revendication du mouvement national
est restée très modeste en ménageant le sultan et en voulant à en faire un
symbole doué de prestige traditionnel124 (programme institutionnel portant sur le
statut de la monarchie). C’est d’ailleurs le mot d’ordre du retour du sultan au
Maroc, après sa déposition par la France en 1953, qui redonne au Mouvement
national une apparence d’unité après son éclatement et après que l’Istiqlal ait
perdu son monopole sur ses différentes composantes.

**Etat postcolonial
121
Texte législatif portant le sceau du sultan soustrayant les tribus dites de coutumes berbères du champ
d’application du chrâa (le statut personnel musulman).
122
Le projet politique nationaliste avait pour contours idéologique un retour aux sources réputées intangibles
de la tradition. Son attitude vis-à-vis de l’institution sultanale s’inscrivait dans la même perspective. Ce faisant
ce projet prônait une adhésion au statut du sultan comme représentant de la communauté.
123
En filigrane, le projet met l’accent sur la dimension contractuel du sultan au détriment de sa dimension
surnaturelle.
124
L’ambigüité de l’Istiqlal et son quasi-monopole seront battus en brèche dans les années 1950 lorsque, au
moment de l’arrestation des principaux dirigeants du parti et la déposition du Sultan (1953) par le
gouvernement français, le mouvement prend plus d’envergure en dehors de la structure initiale : émergence
d’une centrale syndicale ouvrière marocaine (UMT), développement de l’action armée dans les villes. Une
armée de libération (ALN) se met en place et conteste la représentativité de l’Istiqlal. Malgré ces dissensions au
sein du Mouvement, le sultan va servir de catalyseur de la résistance.
46

A l’indépendance, le sultan devient roi, il impose son leadership et assoit la


légitimité de la dynastie chérifienne alaouite en fonction d’une nouvelle
articulation, de la double dimension intrinsèque et contractuelle du sultanat
(Michel Camau, p. 400). Ainsi l’institution du sultan se trouve restaurée et
modernisée. C’est un changement dans la continuité. Mohamed V a certes
sauvegardé le prestige traditionnel de ses ancêtres et, avec lui, la modalité de
discipline de l’ancien makhzen. Il n’en a pas moins hérité des ressources de
gouvernement (logistique bureaucratique, quadrillage administratif, fiscalité…)
du Résident général de France125.

Ces circonstances de lutte pour l’indépendance consacrent le sultanat (le


makhzen) comme étant l’incarnation du peuple, du pays et comme, in fine, le
dépositaire de la souveraineté nationale. Et sous couvert d’un rôle d’arbitre entre
les différentes tendances de l’opinion marocaine, le roi tisse des alliances lui
permettant de neutraliser l’Istiqlal. Le gouvernement qu’il nomme remplit des
tâches de gestion sans avoir les moyens de gouverner. L’absolutisme 126
traditionnel sera reconduit, dans la constitution, sous une forme moderne. Il va
être investis de tous les pouvoirs même ceux que ne lui revenaient pas avant le
Traité de Fès.

Le Maroc va ainsi inaugurer la pratique des constitutionnelle écrites 127. Ce


faisant, il va connaitre six constitutions depuis son indépendance. Elles ont été
promulguées respectivement en 1962, 197O, 1972, 1992, 1996 et 2011..

Section I : La constitution du 14 décembre 1962

La première constitution (1962) traduit l’issue d’un rapport de forces entre,


d’une part, les partisans d’une monarchie 128 constitutionnelle129  et une

125
L’indépendance du Maroc fut proclamée le 22 mars 1956 et la première constitution a vu le jour le 14
décembre 1962. Pendant cette transition de 6 ans un certain nombre de textes furent adoptés et des mesures
prises : institution d’un conseil national consultatif, le 3 août 1956 ; Charte des libertés publiques du 15
novembre 1958 ; élections communales du 29 mai 1960. Le Conseil consultatif était composé des
représentants (76 membres), nommés par le roi pour deux ans renouvelables, des partis politiques et des
milieux socio-professionnels. Sa fonction était consultative : il pouvait formuler des avis sur des problèmes
d’ordre politique, économique et social que le Roi estimait nécessaires de lui soumettre. Il était également
habilité à interroger les ministres, à la faveur des questions orales et écrites auxquelles ils devaient répondre.
Les activités de ce CC n’ont duré que 2 ans.
126
Le Maroc se déclare indépendant du Khalifat de Bagdad en 1145. C’est à partir de cette date que le chef de
la communauté marocaine porte le titre d’Amir al Mouminine (commandeur des croyants).
127
Le texte constitutionnel remplace le dahir par décret.

128
La dynastie alaouite fut établie au XVIIème siècle.
129
Le sultan était choisi par les oulémas et les populations par le procédé de la Ba’ya. L’accession héréditaire
au trône n’était pas admise dans le régime politique marocain traditionnel.
47

monarchie soucieuse de sa pérennité, d’autre part. Celle-ci s’érige le droit de


mettre sur pieds une Assemblée constituante dont le mode de désignation est
contesté par les partisans d’une monarchie constitutionnelle.

Mohamed V met en place, par dahir du 3 nov. 1960, un conseil Constitutionnel


composé de 78 membres. Constitué des représentants des partis politiques (PI,
UNFP, MP, PDC), le conseil s’est empêtré dans des divergences sur
l’orientation (idéologique) à prendre et la méthode de travail à adopter. Et c’est à
l’arrivée d’Hassan II au trône en 1961, qu’une constitution sera préparée et
soumise au référendum130 du 7 décembre 1962 et promulguée le 14 décembre de
la même année.

Cette constitution stipule (art. 1 er) que le Maroc est monarchie constitutionnelle,
démocratique et sociale et la souveraineté appartient à la nation qui l’exerce
directement par voie de référendum et indirectement par l’intermédiaire des
institutions constitutionnelles. Elle proclame (art. 9) la liberté de circulation,
d’établissement, d’opinion, d’expression sous toutes ses formes, de réunion,
d’association, d’adhérer à toute organisation syndicale ou politique. Son article
10 stipule que « Nul ne peut être arrêté, détenu ou puni que dans les cas et les
formes prévus par la loi. Le domicile est inviolable. Les perquisitions ou
vérifications ne peuvent intervenir que dans les conditions et les formes prévues
par la loi ». L’article 11 stipule que la correspondance est secrète. Elle reconnait
les droits économiques et sociaux essentiels : droits à l’éducation et au travail
(art. 13), droit de grève (art. 14), droit de propriété (art. 15).

A- La Royauté

Les prérogatives du roi, selon cette constitution, sont tentaculaires. L’article


19131 en fait même une institution au-dessus de la constitution. Il règne et
gouverne éclipsant ainsi le rôle des institutions et faisant du gouvernement un
instrument tributaire dans son action de la volonté royale 132. Le roi peut
dissoudre la Chambre des représentants après avoir consulté le Président de la
Chambre constitutionnelle et adressé un message à la nation (art. 77). L’article
35 de la Constitution accorde au roi le pouvoir de proclamation de l’état
d’exception sans aucun contrôle juridictionnel. Le roi peut en recourir lorsqu’il
estime que la stabilité et l’intégrité du pays sont menacées. Il met aussi fin à cet
130
Cette constitution a recueilli 97,86% de suffrages favorables.
131
Le Roi, « Amir Al Mouminine » (commandeur des croyants), symbole de l'unité de la nation, garant de la
pérennité et de la continuité de l'État, veille au respect de l'Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des
droits et libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités.
48

état d’exception lorsqu’il juge que la situation en est favorable. Durant l’état
d’exception, le fonctionnement des institutions constitutionnelles est suspendu.
Le roi dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour évaluer si un état de troubles,
d’instabilité interne ou de menaces extérieures justifie le recours à l’état
d’exception.

Cette situation s’explique par la conjoncture d’instabilité qui se caractérise par


la persistance d’une tradition makhzénienne et par le manque d’une culture
politique moderne dans le nouveau jeu politique marocain. Ce régime politique
désormais appelé néopatrimonial réduit le gouvernement et le parlement aux
rangs de figurants.

B- Le gouvernement

Les membres du gouvernement sont nommés par le roi. Ils sont responsables
devant lui. ‘’Ils le sont également devant le parlement’’. Après sa nomination,
le premier ministre se présente devant les deux chambres et expose sa
déclaration de politique générale (art. 65). Cette présentation n’est pas suivie de
vote, car le gouvernement est responsable devant le roi en premier lieu. Le
132
Article 22.Le Roi dispose d'une liste civile. Article 23. La personne du Roi est inviolable et sacrée. Article
24.Le Roi nomme le premier ministre et les ministres. Il met fin à leurs fonctions, soit à son initiative, soit du fait
de leur démission individuelle ou collective. Article 25.Le Roi préside le Conseil des ministres. Article 26.Le Roi
promulgue la loi. Il peut la soumettre à référendum ou à une nouvelle lecture dans les conditions prévues au
titre V. Article 27. Le Roi peut dissoudre la Chambre des représentants par décret royal dans les conditions
prévues au titre V, articles 77 et 79. Article 28. Le Roi peut adresser des messages au Parlement et à la nation.
Le contenu des messages ne peut faire l'objet de débats parlementaires. Article 29. Le Roi exerce le pouvoir
réglementaire dans les domaines qui lui sont expressément réservés par la Constitution. Les décrets royaux sont
contresignés par le premier ministre, sauf ceux prévus aux articles 24, 35, 72, 77, 84, 91, 101. Article 30. Le Roi
est le chef suprême des forces armées royales. Il nomme aux emplois civils et militaires et peut déléguer ce
droit. Article 31. Le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des puissances étrangères et des organismes
internationaux. Les ambassadeurs ou les représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès
de lui. Il signe et ratifie les traités. Toutefois, les traités engageant les finances de l'État, ne peuvent être ratifiés
sans l'approbation préalable du Parlement. Les traités, susceptibles de remettre en cause les dispositions de la
Constitution, sont approuvés selon les procédures prévues pour la réforme de la Constitution. Article 32.Le Roi
préside le Conseil supérieur de la promotion nationale et du plan. Article 33. Le Roi préside le Conseil supérieur
de la magistrature et nomme les magistrats dans les conditions prévues à l'article 84. Article 34. Le Roi exerce
le droit de grâce. Article 35.Lorsque l'intégrité du territoire national est menacée, ou que se produisent des
événements susceptibles de mettre en cause le fonctionnement des institutions constitutionnelles, le Roi peut,
après avoir consulté les présidents des deux Chambres et adressé un message à la nation, proclamer, par décret
royal, l'état d'exception. De ce fait, il est habilité, nonobstant toutes dispositions contraires, à prendre les
mesures qu'imposent la défense de l'intégrité territoriale et le retour au fonctionnement normal des institutions
constitutionnelles. Il est mis fin à l'état d'exception dans les mêmes formes que sa proclamation.
49

gouvernement veille à l'exécution des lois. Il dispose de l'administration (art.


66). Le premier ministre a l’initiative des lois et exerce le pouvoir réglementaire
autonome, sauf dans les matières expressément dévolues par la constitution au
roi. Aucun projet de loi ne peut être déposé par ses soins sur le bureau des
Chambres, avant qu'il n'en ait été délibéré en Conseil des ministres (art. 67). Les
actes réglementaires du Premier ministre sont contresignés par les ministres
chargés de leur exécution (art. 68).

La responsabilité du gouvernement peut être engagée devant la Chambre des


représentants par le biais de la question de confiance ou par la motion de
censure. La première est posée par le Premier ministre, après délibération en
Conseil des ministres, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote
d’un texte. La seconde est à l’initiative de la Chambre des représentants. Elle
doit être déposée par un dixième au moins de ses membres… La censure n’est
approuvée qu’à la majorité absolue des membres composant la Chambre
(art.8O-81). Le contrôle du gouvernement se fait également par le biais des
questions adressées par les représentants au gouvernement (contrôle
parlementaire).

Le gouvernement expédie les affaires courantes et ne définit pas la politique


générale de la nation. Du fait de sa dépendance de l’institution royale, il n’a
qu’un rôle limité. Il revêt l’aspect d’une institution apolitique.

C- Le parlement

Dans la Constitution de 1962, le Parlement (est bicamérale) se compose de deux


chambres : la Chambre des représentants et la Chambre des Conseillers (art. 36).
La première est élue au suffrage universel direct pour quatre ans (art. 44). Le
mode de scrutin majoritaire à un tour fut établi. La Chambre des Conseillers se
compose de deux tiers des membres des assemblées préfectorales et
provinciales, des Conseils communaux, et d’un tiers des membres élus des
Chambres d’Agriculture, du Commerce et de l’industrie et des organismes
syndicaux. Les membres sont élus pour six ans, mais la moitié est renouvelée
tous les trois ans (art. 45).

La loi est votée par le Parlement. Le Parlement peut autoriser le gouvernement,


pendant un délai limité, et en vue d'un objectif déterminé, à prendre par décret,
délibéré en Conseil des ministres, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi. Les décrets entrent en vigueur dès leur application, mais ils
doivent être soumis à la ratification du Parlement, à l'expiration du délai fixé par
la loi d'habilitation. La loi d'habilitation devient caduque si la Chambre des
représentants est dissoute (art. 47)
50

Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux
Chambres, en vue de l'adoption d'un texte identique. Lorsqu'un projet ou une
proposition de loi n'a pu être adopté qu'après deux lectures par chaque Chambre,
ou si le gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune
d'entre elles, le projet ou la proposition de loi est soumis de nouveau à la
Chambre des représentants qui l'adopte ou le rejette à la majorité des deux tiers.
En cas d'adoption, le texte est laissé à la décision du roi (art. 62).
Les lois organiques sont votées et modifiées dans les conditions suivantes : le
projet ou la proposition n'est soumis à délibération et au vote de la première
Chambre saisie, qu'à l'issue d'un délai de dix jours après son dépôt. La procédure
de l'article 62, alinéa 2, n'est pas applicable. Selon l’article 63, les lois
organiques ne peuvent être promulguées qu'après avoir été soumises à
l'approbation de la chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Le roi
promulgue la loi, il peut la soumettre à une nouvelle lecture (art. 26 et 71).

D- Les autres institutions constitutionnelles


L’article 86 de la Constitution prévoit la création d’un Conseil supérieur de la
magistrature, composé de 11 membres et présidé par le Roi, et dont la mission
est de veiller, selon l’article 87, à l’application des garanties accordées aux
magistrats (avancement et discipline). Quant à la Haute Cour de justice (Titre
VII), elle juge, selon l’article, 86 les membres du gouvernement pour des délits
commis pendant l’exercice de leur fonction. Elle est composée de
parlementaires élus en nombre égal par les deux chambres et son président est
nommé par décret royal. Quant à l’article 100, il stipule : «  Il est institué au sein de
la Cour suprême une chambre constitutionnelle  ». Elle statue (art. 103) sur la régularité
de l'élection des membres du Parlement et des opérations de référendum. Elle
statue aussi sur le conflit opposant le gouvernement et les Chambres sur le
caractère législatif ou réglementaire d’un texte (art. 56). Elle contrôle la
conformité des règlements intérieurs des assemblées parlementaires et des lois
organiques à la constitution avant leur entrée en vigueur (art. 43 et 63).
Il faut noter que, dans cette constitution, la Chambre constitutionnelle n’est pas
compétente pour contrôler la constitutionnalité des lois ordinaires.

La première constitution marocaine est promulguée le 14 décembre 1962. Elle


s’inscrit dans ce processus de modernisation de l’Etat makhzénien entamé
depuis le traité de Fès. Ce processus demeure néanmoins limité et contrôlé, car
l’enjeu du pouvoir suscite des convoitises et des guerres souterraines. Ainsi des
élections à la chambre des représentants sont organisées le 17 mai 1963. Ces
élections vont faire apparaitre deux pôles politiques : pôle de la conservation du
51

makhzen, représenté par principalement par le mouvement populaire, du parti


démocratique constitutionnel et des libéraux indépendants regroupés sous la
bannière du Front pour la défense des institutions constitutionnelles (FDIC) et
formé la veille des élections ; pôle de l’opposition représenté par l’Istiqlal et
l’UNFP.

Une confrontation entre ces deux pôles va s’ensuivre. Elle va paralyser le


parlement et conduire à la proclamation de l’état d’exception. Le résultat des
élections à la première chambre donne l’opposition aux coudes à coudes avec le
FDIC133. Quant à la deuxième Chambre, le FDIC obtient 102 sièges sur 120.
L’opposition conteste ces résultats pour fraude et accuse les autorités d’être
intervenues au profit des candidats du FDIC. Par ailleurs, l’opposition s’est
montrée très soudée et très combattive à l’égard du gouvernement, lequel s’est
montré faible du fait de son hétérogénéité et du fait aussi que le Mouvement
Populaire se désolidarise souvent du gouvernement. Ce blocage amène le roi
Hassan II à recourir à l’article 35 de la constitution (le 7 juin 1965). Il dissout la
Chambre des représentants et s’arroge tous les pouvoirs sans annoncer le recours
à de nouvelles élections. Il annonce que la Constitution ne garantit pas le bon
fonctionnement des institutions politiques et, par conséquent, elle doit être
révisée, sans pour autant préciser la date de cette révision. Ce n’est que le 31
juillet 1970 qu’une nouvelle constitution est adoptée.

Section II- La constitution du 31 juillet 1970

C’est encore une fois le roi qui procède à la révision constitutionnelle. C’est ce
qui suscite encore une fois le lever de bouclier de l’opposition. D’autant plus
dans la nouvelle Constitution les prérogatives du roi seront encore plus étendues
au détriment du gouvernement et du parlement.

A- Les pouvoirs du roi dans cette révision constitutionnelle

L’article 19 renforce davantage les prérogatives du roi. Désormais, il est


représentant suprême de la Nation. Il est de fait au-dessus des représentants
(élus) ordinaires. Des restrictions seront apportées dans le nouveau texte (art.
28) au droit de débattre des discours du roi que ce soit au sein du parlement, de
la presse ou entre les citoyens. Egalement, l’article 37 exclut l’immunité
parlementaire pour ceux qui s’expriment en mettant en cause le régime
monarchique, la religion musulmane, ou constituent une atteinte au respect dû
133
Lors de ces élections, le FDIC recueille 69 sièges ; PI : 11 ; UNFP 28 sièges, les sans étiquettes 6 sièges. La
Chambre est formée de 144 membres.
52

au Roi. L’article 20 lui accorde le pouvoir réglementaire (ce qui en fait un


pouvoir exécutif). Et conformément à l’article 50, le roi est habilité à modifier à
tout moment des textes pris en forme législative et qui sont du domaine
réglementaire. Le roi exerce le pouvoir législatif en cas de dissolution de la
Chambre des représentants (art. 70).

Dans cette révision, le Premier ministre n’a plus l’initiative de la révision


constitutionnelle et ne peut exercer le pouvoir réglementaire que par délégation
du roi.

B- Un parlement et un gouvernement effacés

La nouvelle mouture de la constitution prévoit la mise en place d’un parlement


monocaméral dont le tiers seulement des membres est élu au suffrage universel
direct et les deux tiers au mode indirect et provenant des collèges composés des
conseillers communaux, des chambres professionnelles et des représentants des
salariés (art. 43). Et selon l’article 97, le parlement est dessaisi de l’initiative de
la révision constitutionnelle ; il peut seulement adresser une proposition qui doit
être adoptée par les deux tiers de ses membres. Le droit de guerre n’appartient
plus au parlement (art. 72). Le roi peut aussi s’accorder la totalité des pouvoir du
parlement (art. 70) pendant une durée de trois mois à la suite de sa dissolution.

Cette constitution réaffirme la suprématie du roi sur toutes les institutions et lui
donne un pouvoir de contrôle général sur tous les rouages de l’Etat. La
constitution précise les modalités de ce contrôle général et les moyens de sa
réalisation par rapport à chacun des pouvoirs publics, y compris le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif (voir O. Bendourou, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 2011).

Cette nouvelle constitution suscite encore la réaction de l’opposition regroupée


désormais sous le vocable de la Koutla el watania (22juillet 1970). Elle a appelé
à boycotter les élections organisées à partir du 21 aout 1970 et que le MP et les
candidats du Makhzens ont raflé (261 sièges). Cette situation traduit une tension
dans la vie politique. La violence exercée par le makhzen sur l’opposition et le
manque de perspectives politiques claires conduisent inéluctablement à un
blocage politique. La tentative de coup d’Etat entrainera un fort raidissement du
régime de Hassan II. Cette constitution va être encore suspendue jusqu’en 1972.

Section III- La constitution du 10 mars 1972


53

Si la constitution précédente avait verrouillé le champ politique au profit du


roi, celle du 10 mars 1972 entreprend une ouverture très timide envers
l’opposition. Mais il faut dire de prime abord que cette constitution est aussi
élaborée par le roi. La revendication de l’opposition d’une assemblée
constituante élue n’a encore pas été retenue.

A- Un début d’ouverture

Cette ouverture concerne la remise du pouvoir réglementaire au premier


ministre, mais le roi ne demeure pas moins chef de l’Etat et du gouvernement,
car ce dernier exerce ses fonctions sous le contrôle du roi.

Aussi est-il le cas du parlement qui reprend son droit d’initiative en matière de
révision constitutionnelle. Laquelle révision doit recueillir une majorité des deux
tiers des membres composant la chambre des représentants pour être soumise au
référendum. La dissolution de la Chambre des représentants est entourée d’un
ensemble de garanties. Ainsi le roi ne peut plus la dissoudre du fait seulement
que le peuple approuve un projet de loi rejeté par la Chambre. En d’autres
termes le référendum législatif n’est plus autorisé.

Un autre changement est intervenu au niveau de la composition de la chambre


des représentants. Elle est désormais formée de deux tiers élus au suffrage direct
et un tiers au suffrage indirect.

L’ouverture touche aussi les autres institutions constitutionnelles. Ainsi est-il le


cas de la chambre constitutionnelle. Celle-ci, selon les articles 94-95, est
désormais formée de six membres : trois nommés par le roi et trois désignés par
le président de la chambre des représentants.

C- Le consensus

Il faut dire le climat politique demeure tendu jusqu’en 1977, date de la mise en
place des institutions prévues par la constitution. Entretemps il y a eu une
deuxième tentative de coup d’Etat. C’est néanmoins l’affaire des provinces
sahariennes récupérées qui va susciter le consensus entre l’opposition et le roi.
Et entre 1977 et 1992 il n’y a eu que deux élections législatives. En 1983, le roi
reporte les élections et en 1990, il proroge le mandat des députés de deux ans. Et
le déroulement des élections et de leurs résultats obéissent à un jeu politique
contrôlé par le roi. Une nouvelle révision constitutionnelle est entreprise en
1992.
54

Section IV- La constitution du 9 octobre 1992 (Apports de la nouvelle révision


constitutionnelle)

C’est toujours le roi qui est derrière cette nouvelle révision constitution. Le
processus de démocratisation de l’Europe de l’est et la conditionnalité de l’aide
internationale au progrès de la démocratie en Afrique combinés à la
revendication intérieure, poussent Hassan II à entreprendre une réforme
cosmétique du système constitutionnel.

A- Proclamation des droits de l’homme

Dans son préambule, pour la première fois, une constitution marocaine dispose :
‘’Conscient de la nécessité d'inscrire son action dans le cadre des organismes internationaux, dont il
est un membre actif et dynamique, le Royaume du Maroc souscrit aux principes, droits et obligations
découlant des chartes desdits organismes et réaffirme son attachement aux droits de l'homme tels
Ce qui veut dire que le Maroc est amené à
qu'ils sont universellement reconnus’’.
adapter sa législation aux traités et conventions signés et adoptés par ce dernier.

B- Parlement et Gouvernement

La nouveauté dans cette constitution concernant le gouvernement, c’est la


disposition de l’article 60 : ‘’Sous la responsabilité du Premier ministre, le gouvernement
assure l'exécution des lois et dispose de l'administration’’. L’article 4O, quant à lui, prévoit
pour la première fois dans l’histoire du Maroc, la création de commissions
d’enquête. Et le parlement n’est pas dissout en cas de proclamation de l’état
d’exception.

C- Juridiction

C’est aussi par cette révision qu’un conseil constitutionnel est institué (art. 76).
Cet organe est habilité à vérifier la conformité des lois ordinaires à la
55

Constitution avant leur promulgation134. Il est également consulté par le chef de


l’Etat en cas de proclamation de l’état d’exception.

D- Collectivités territoriales et conseil économique et social

Aux termes du Titre X, articles 94, 95, 96, la constitution prévoit la mise en
place de la région comme collectivité territoriale. Elle pose que : ‘’Toute autre
collectivité locale est créée par la loi’’ et que : Dans les préfectures et les provinces, les
gouverneurs coordonnent l'action des administrations et veillent à l'application de la loi. Ils
exécutent en outre les décisions des assemblées préfectorales et provinciales.

***

Dans cette constitution, on prévoit également la création d’un conseil


économique et social (art. 91). La mission de ce conseil reste néanmoins
consultative.

Des élections ont été organisées le 25 juin 1993 à la suite de la promulgation de


cette constitution. Au scrutin direct, l’opposition –Koutla- (PI, USFP, PPS et
OADP) a obtenu 111 sièges sur 222 ; les partis de l’entente -Wifac- (UC, MP,
PND) ont recueilli 88 et le RNI 28. Au scrutin indirect, l’opposition n’a recueilli
que 21 sièges sur 111. Ce qui l’a poussée à crier au scandale des irrégularités
entachant ce scrutin. Mais pour contenir sa colère le roi lui proposer de
participer au gouvernement. Elle rejette cette offre prétextant qu’elle ne pourrait
participer à un gouvernement qui n’aura pas les moyens constitutionnels pour
mettre en œuvre sa politique. Elle conditionne sa participation par une réforme
constitutionnelle substantielle. En réaction à ce rejet de l’offre royale, le roi
nomme un gouvernement de technocrates en dehors de la majorité
parlementaire. Ce qui ne contribue nullement à décrisper le climat politique. En
attendant la révision constitutionnelle de 1996, chaque camp campe sur ses
positions.

Section V- La constitution de 1996


134
L’article 79 de la constitution prévoit  : ‘’Le Conseil constitutionnel exerce les attributions qui lui sont
dévolues par les articles de la Constitution ou par des dispositions de lois organiques. Il statue, par ailleurs, sur
la régularité de l'élection des membres de la Chambre des représentants et des opérations de référendum. En
outre, les lois organiques avant leur promulgation, et le règlement de la Chambre des représentants, avant sa
mise en application, doivent être soumis au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la
Constitution. Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel avant leur
promulgation, par le Roi, le Premier ministre, le président de la Chambre des représentants ou le quart des
membres composant cette dernière’’.
56

Hassan II initie encore, pour la cinquième fois, une révision constitutionnelle


dans laquelle les attributions du roi et du gouvernement demeurent inchangées.

A- Les nouveautés dans cette constitution

Le parlement devient bicaméral135 (art. 36) : Chambre des représentants et


Chambre des conseillers. Les premiers sont élus au suffrage universel direct
(art.37) et les seconds au suffrage indirect 136 (art.38). Ce parlement se réunit en
session ordinaire deux fois par an, et chaque session doit durer au moins trois
mois (art.40). Il peut aussi se réunir en sessions extraordinaires (art.41).

L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux


membres du Parlement. Les projets de lois sont déposés sur le bureau de l'une
des deux Chambres (art. 52). Et les lois sont adoptées par les deux chambres en
termes identiques.
Quant au pouvoir de contrôle du gouvernement (art. 75), le Premier ministre
peut engager la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des
Représentants, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d’un
texte. Et selon l’article 76, la Chambre des représentants peut mettre en cause la
responsabilité du Gouvernement par une motion de censure (recevable
lorsqu’elle signée par le quart au moins des membres composant la Chambre).
Quant à l’article 77, il stipule : « La Chambre des Conseillers peut voter des motions
d'avertissement ou des motions de censure du Gouvernement. La motion d'avertissement au
Gouvernement doit être signée par le tiers au moins des membres de la Chambre des
Conseillers. Elle doit être votée à la majorité absolue des membres composant la Chambre.
Le vote ne peut intervenir que trois jours francs après le dépôt de la motion. Le vote de
censure entraîne la démission collective du Gouvernement ».
Quant à la révision constitutionnelle (Titre XII), l’article 104 dispose: «  La
proposition de révision émanant d'un ou de plusieurs membres d'une des deux Chambres ne
peut être adoptée que par un vote à la majorité des deux tiers des membres qui composent
cette Chambre. Cette proposition est soumise à l'autre Chambre qui peut l'adopter à la
majorité des deux tiers des membres la composant. L’article 105 stipule que les projets et
propositions de révision sont soumis, par dahir, au référendum. »

135
Le domaine de la loi a été élargi. Le parlement est désormais compétent pour organiser la liberté
d’entreprendre qui devient aux termes de l’article 15 de la constitution une liberté constitutionnelle. Font
partie aussi des compétences du parlement l’organisation de la Cour des comptes et les cours régionales
(art.99), les conditions dans lesquelles le gouverneur exécute les délibérations des assemblées provinciales,
préfectorales et régionales (art.101).
136
La chambre des conseillers est constituée des 3/5 des membres élus dans chaque région par les
représentants des collectivités locales et des 2/5 des membres élus par les chambres professionnels régionales
et par des membres élus sur le plan national par un collège composé des représentants des salariés. Leur
mandat est d’une durée de neuf ans renouvelable par tiers tous les trois ans. Le premier et le deuxième
renouvellement se font par tirage au sort. Le nombre des représentants et des conseillers ainsi que leur mode
d’élection sont déterminés par une loi organique.
57

B- Conseil constitutionnel et Cour des comptes

Pour le Conseil constitutionnel, dans la constitution de 1996, le nombre de


conseillers passe de neuf à douze, six sont nommés par le roi, dont le Président
du conseil, et les deux présidents des deux chambres en nomment chacun trois.
Leur mandat passe de six à neuf ans renouvelable pour chaque catégorie de
membres tous les trois ans (art. 79).
La Cour des comptes a été instituée par la constitution dans son Titre X.
L’article 96 stipule que la Cour des comptes est chargée d'assurer le contrôle
supérieur de l'exécution des lois de finances. Par ailleurs, ‘’elle s'assure de la
régularité des opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis à
son contrôle en vertu de la loi et en apprécie la gestion. Elle sanctionne, le cas
échéant, les manquements aux règles qui régissent les dites opérations’’. Et en
vertu de l’article 97, ‘’la Cour des comptes assiste le Parlement et le
Gouvernement dans les domaines relevant de sa compétence en vertu de la loi’’.
Elle rend compte au Roi de l'ensemble de ses activités’’.
Les Cours régionales des comptes, quant à elles, sont chargées d'assurer le
contrôle des comptes et de la gestion des Collectivités Locales et de leurs
groupements, conformément à l’article 98.

-----------------------

A partir de cette date, s’instaure un consensus entre les différentes sensibilités


politiques. Ainsi toutes les lois votées (le code électoral par exemple du 2 avril
1997) conformément aux dispositions de la constitution de 1996 ont bénéficié de
ce nouvel environnement politique. La mise en place de toutes les institutions
constitutionnelles s’inscrit dans cette nouvelle tendance de semi détente, laquelle
aboutit à la signature d’une déclaration commune du 28 février 1997 par le
gouvernement et les partis politiques au terme de laquelle les deux parties
s’engagent à œuvrer à assurer des élections transparentes137.
Des élections législatives sont organisées le 14 novembre 1997pour la première
chambre et le 5décembre 1997 pour la deuxième chambre, dont les résultats sont
contestés aussi bien par l’opposition que par certains partis de l’ex-majorité.
Pour la première chambre, la Koutla a obtenu 102 sièges, le Wifaq 100, le FFD
9, le PSD 5, le RNI 46, le MDS 32, le MNP 19, le MPDC 9, le PA 2  ; le PDC 1.
Ainsi aucune majorité absolue ne se dégage de cette élection. Quant à la

137
Une commission nationale de suivi des élections a été établie par le dahir du 1 er mai 1997. Elle comprend le
ministre de l’intérieur, le ministre de la justice, le secrétaire général du gouvernement, les représentants des
onze partis politiques ayant signé la déclaration du 28 février 1997(partis du Wifaq et de la Koutla et du RNI, le
MNP, le PSD, le FFD et le MSD). Cette commission est présidée par le premier président de la Cour suprême.
58

deuxième chambre, les résultats sont comme suit : RNI 42 sièges, MDS 33, UC
28, MP 27, PI 21, PND 21, USFP 16, MNP 15, PA : 13, FFD : 12, PPS : 7,
PSD : 4, PDI : 4. Les élections des collèges de salariés ont donné les résultats
suivants : CDT : 11 sièges, UMT 8, UGTM : 3 et un seul siège pour chacune des
centrales syndicales suivantes : UDT, COM, USP, SND.
Malgré ces résultats contestés, les partis de l’opposition ont accepté le jeu de
l’alternance avec les assurances et les garanties de Hassan II. Ainsi le 4 février
1997, le roi charge A. Youssoufi de former un gouvernement d’union nationale.
Désormais est entamée une nouvelle ère appelée d’alternance et de transition138.

Section V- La constitution de juillet 2011

138
L’opposition (la Koutla) se montre attentive aux garanties de Hassan II et adopte une posture de flexibilité
par rapport à cette offre, bien qu’un malentendu persiste sur la teneur des réformes constitutionnelles à
entreprendre. Ainsi une majorité plurielle (USFP, PI, RNI, MNP, FFD, PPS, MNP, PSD) formera le gouvernement
de transition (vers la démocratie) présidée par A. Youssoufi. Cette nouvelle option de gouvernement demeure
toutefois plombée par l’existence des ministères de souveraineté, outre son hétérogénéité intrinsèque.
Après la mort de Hassan II, Youssoufi sera reconduit à la tête d’un nouveau gouvernement (le premier
remanié) : gouvernement de Yousoufi II en 2000. Les mêmes procédures de nomination des ministres ont été
reconduites aussi. La marge de manœuvre du premier ministre, sur ce plan, demeure toujours marginale. Le
Palais continue à avoir la mainmise sur le cours de la vie politique, car la constitution de 1996 n’apporte pas de
changement au fond du système politique. Les directives royales guident toujours le gouvernement d’autant
plus que l’article 66 de la constitution stipule que le conseil des ministres est saisi préalablement des questions
concernant la politique générale de l’Etat. Les élections législatives de 2002 vont voir le retour à la primature
d’un ministre sans étiquette politique (D. Jettou).
Les élections législatives du 27 septembre 2002 ont donné des résultats que l’opposition admet. Une coalition
va constituer le gouvernement (avec une majorité de 195 sièges au parlement) : USFP, PI, PPS, RNI, MNP (41
ministres) avec des ministères de souveraineté. Cette coalition aura un programme gouvernemental inspiré du
discours royal prononcé à l’ouverture de la législature du 11 octobre 2002 et dont les priorités sont : l’emploi
productif, le développement économique, l’enseignement utile et le logement décent.
Les législatives de 2007 va voir la participation de 36 partis politiques. Les sans appartenances politiques ont
aussi participé à ces élections avec treize listes. Les résultats donnent encore un paysage politique éclaté.
A l’issue de ces élections un gouvernement, dont la présidence est confiée à Abbas El Fassi, sera formé. Ce
sera encore une fois un gouvernement de coalition. Il reconduit tous les partis de l’ancien gouvernement à
l’exception du MP (33 ministres). En aout 2009, le MP intègre le gouvernement El Fassi. Une prolongation qui
éternise la transition politique et finit par la décrédibiliser. La culture de l’autoritarisme s’avère résistante au
changement et au renouvellement des générations.
Cet ordre politique ankylosé sera ouvertement critiqué. L’avènement du printemps démocratique relancera
chez certaines franges de la société marocaine, notamment la jeunesse, l’idée de réforme. Seulement les
réflexes ancestraux du Makhzen font qu’une ouverture incontrôlée du système est inadmissible. Il déploiera
tous les artifices juridiques pour que toute réforme constitutionnelle s’inscrive dans la lignée dynastique et
religieuse de ses prédécesseurs pour consolider son autorité.
59

Aux manifestations du 20 février 2011, le roi Mohamed VI répond par un


discours (le 9 mars 2011) dans lequel il dit : « La sacralité de nos constantes font
l’objet d’une unanimité nationale, à savoir l’Islam en tant que religion de l’Etat,
la commanderie des croyants, le régime monarchique… et à partir de ces
prémisses référentielles immuables, nous avons décidé d’entreprendre une
réforme constitutionnelle globale ».
Cette constitution va être, par certains aspects, une avancée, mais néanmoins
elle va garder un certain nombre de ses attributs absolutistes classiques. La
prééminence religieuse et politique du souverain est reconduite dans cette
nouvelle mouture139 légèrement tempérée par le renforcement du statut du chef
de gouvernement,140 de la constitutionnalisation du conseil du gouvernement et
la réhabilitation de la chambre des représentants. L’avancée dont il est question
ici ne touche pas aux constantes du régime ou les traits fondamentaux qui le
définissent en termes d’autoritarisme (A. Azzouzi, p. 112). En d’autres termes,
la réforme constitutionnelle entreprend un changement dans les modalités
d’exercice du pouvoir royal sans toucher à la nature du régime.
A- La fonction de chef de gouvernement
Dans cette nouvelle constitution, le chef du gouvernement est pleinement
responsable du cabinet qu’il préside, de l’administration publique et de la mise
en œuvre de la politique gouvernementale (art. 89). Selon l’article 47, le chef de
gouvernement est nommé par le roi, et le roi a l’obligation de le nommer au sein
du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la chambre des
représentants, et au vu de leurs résultats. Ce chef de gouvernement, selon
l’article 104, peut dissoudre la chambre des représentants, par décret pris en
conseil des ministres. Il a aussi le pouvoir de nommer aux emplois civils dans
139
Selon l’article 42 de la constitution du premier juillet 2011, le roi est « chef d’Etat, son représentant
suprême, symbole de l’unité de la nation, garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et arbitre suprême
entre ses institutions, veille au respect de la constitution, au bon fonctionnement des institutions
constitutionnelles… Il est garant de l’indépendance du royaume et de son intégrité territoriale ». Et, selon
l’article 41, « le roi est Amir Al Mouminine : commandeur des croyants ». Le roi préside le conseil des ministres
(art. 48). C’est dans ce conseil que sont examinées les orientations stratégiques de la politique de l’Etat, les
projets de révision de la constitution… les orientations générales du projet de loi de finances, la nomination, sur
proposition du chef de gouvernement et à l’initiative du ministre concerné, aux empois civils de Wali de Bank el
Maghreb, d’ambassadeurs, de walis et de gouverneurs et des responsables des établissements et entreprises
publics stratégiques (art 49). Le roi, selon l’article 59, proclame l’Etat d’exception. C’est son domaine exclusif
lorsqu’il juge que « l’intégrité du territoire national est menacée et que se produisent des événements qui
entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles… ». Le roi peut aussi être l’initiateur
d’une révision constitutionnelle : «  Le roi peut soumettre directement au référendum le projet de révision dont
il prend l’initiative (art. 172). Et, en vertu de l’article 174, le roi peut, après avoir consulté le président de la
cour constitutionnelle, soumettre par dahir au parlement un projet de révision de certaines dispositions de la
constitution. Et selon l’article 53, le roi est chef suprême des forces armées et nomme aux emplois militaires. Il
préside le conseil supérieur de sécurité (art. 54) et préside aussi le conseil supérieur du pouvoir judiciaire (art.
56). L’article 26 donne au roi le pouvoir de dissoudre le parlement…
140
Sous l’autorité du chef de gouvernement (art. 89), le gouvernement met en œuvre son programme
gouvernemental, assure l’exécution des lois, dispose de l’administration, et supervise les établissements et les
entreprises publics et en assure la tutelle.
60

les administrations publiques et hautes fonctions des établissements et


entreprises publics (art. 91). Il peut aussi à sa demande réunir le conseil des
ministres ou se voir, sur la base d’un ordre du jour déterminé, déléguer (par le
roi) la présidence d’une réunion du même conseil (art. 48). Et selon l’article 92,
le chef de gouvernement peut délibérer avec ses collègues du gouvernement de
la politique générale de l’Etat avant sa présentation au conseil des ministres. Il
délibère aussi sur les politiques publiques, des politiques sectorielles, des projets
de loi, des décrets-lois, des conventions internationales, de la nomination des
secrétaires généraux.
B Le parlement
Il est resté bicaméral141 mais avec une priorité accordée à la chambre des
représentants. L’article 70 stipule que Le Parlement exerce le pouvoir législatif.
Il vote les lois142, contrôle l'action du gouvernement et évalue les politiques
publiques.

Ainsi, seule la chambre basse peut mettre en cause la responsabilité du


gouvernement par le vote d’une motion de censure (art. 105). La chambre des
conseillers, selon l’article 106, peut interpeller le gouvernement par le moyen
d’une motion d’interpellation signée par le cinquième au moins de ses membres
et votée par la majorité absolue. Cette motion d’interpellation n’entraine pas la
chute du gouvernement, elle l’oblige seulement à répondre. Cette réponse est
suivie d’un débat sans vote.

141
Selon l’article 60 : « La Chambre des Conseillers comprend au minimum 90 membres et au maximum 120,
élus au suffrage universel indirect pour six ans.
142
Selon l’article 70 : « Une loi d'habilitation peut autoriser le gouvernement, pendant un délai limité et en
vue d'un objectif déterminé, à prendre par décrets des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les décrets entrent en vigueur dès leur publication, mais ils doivent être soumis, au terme du délai fixé par la
loi d'habilitation, à la ratification du Parlement. La loi d'habilitation devient caduque en cas de dissolution des
deux Chambres du Parlement ou de l'une d'entre elles . »
61

Le rôle législatif du parlement s’élargit 143. L’article 78 stipule que les projets de
loi sont déposés en priorité sur le bureau de la Chambre des Représentants.
Toutefois, les projets de loi relatifs notamment aux Collectivités territoriales, au
développement régional et aux affaires sociales sont déposés en priorité sur le
bureau de la Chambre des Conseillers. Et selon l’article 84 : « Tout projet ou
proposition de loi est examiné successivement par les deux Chambres du
Parlement pour parvenir à l'adoption d'un texte identique ».

Et selon le même article, « la Chambre des Représentants délibère la première


sur les projets de loi et sur les propositions de loi initiées par ses membres, la
Chambre des Conseillers délibère en premier sur les propositions de loi initiées
par ses membres. Une Chambre saisie d'un texte voté par l'autre Chambre,
délibère sur le texte tel qu'il lui a été transmis. La Chambre des Représentants
143
Sont du domaine de la loi, outre les matières qui lui sont expressément dévolues par d'autres articles de la
Constitution :
- les libertés et droits fondamentaux prévus dans le préambule et dans d'autres articles de la présente
Constitution ;
- le statut de la famille et l'état civil ;
- les principes et règles du système de santé ;
- le régime des médias audiovisuels et de la presse sous toutes ses formes ;
- l’amnistie ;
- la nationalité et la condition des étrangers ;
- la détermination des infractions et des peines qui leur sont applicables ;
- l'organisation judiciaire et la création de nouvelles catégories de juridictions ;
- la procédure civile et la procédure pénale ;
- le régime pénitentiaire ;
- le statut général de la fonction publique ;
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires ;
- le statut des services et forces de maintien de l'ordre ;
- le régime des collectivités territoriales, dont les principes de délimitation est de leur ressort territorial ;
- Le régime électoral des collectivités territoriales, dont les principes du découpage des circonscriptions
électorales ;
- le régime fiscal et l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impôts ;
- le régime juridique de l'émission de la monnaie et le statut de la banque centrale ;
- le régime des douanes ;
- le régime des obligations civiles et commerciales, le droit des sociétés et des coopératives ;
- les droits réels et les régimes des propriétés immobilières publiques, privées et collectives ;
- le régime des transports ;
- Les relations de travail, la sécurité sociale, les accidents de travail et les maladies professionnelles ;
- le régime des banques, des sociétés d'assurances et des mutuelles ;
- le régime des technologies de l'information et de la communication ;
- l'urbanisme et l'aménagement du territoire ;
- les règles relatives à la gestion de l'environnement, à la protection des ressources naturelles et au
développement durable ;
- le régime des eaux et forêts et de la pêche ;
- la détermination des orientations et de l'organisation générale de l'enseignement, de la recherche scientifique
et de la formation professionnelle ;
- la création des établissements publics et de toute autre personne morale de droit public ;
- la nationalisation d'entreprises et le régime des privatisations.
62

adopte en dernier ressort le texte examiné. Le vote ne peut avoir lieu qu'à la
majorité absolue des membres présents, lorsqu'il s'agit d'un texte concernant les
collectivités territoriales et les domaines afférents au développement régional et
aux affaires sociales ».

Séparation des pouvoirs

Le régime constitutionnel marocain est fondé sur la séparation, l’équilibre et la


collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et
participative… (Titre I, art. 1). Mais cette séparation bute sur les dispositions de
l’article 42 (mentionné ci-dessous).

Et selon l’article 47, c’est le roi qui nomme le chef de gouvernement et les
membres du gouvernement. Le chef du gouvernement propose une liste de
candidats aux portefeuilles ministériels sans que le roi soit obligé de s’y tenir. Il
peut avoir des objections sur la liste proposée par le chef de gouvernement.
C’est aussi le roi qui préside le conseil des ministres selon l’article 48.

Les prérogatives du roi qui limitent ce principe de séparation des pouvoirs


s’étalent dans un certain nombre de textes. Ainsi, le Roi promulgue la loi dans
les trente jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi
définitivement adoptée (art. 50). Le Roi peut aussi dissoudre, par dahir, les deux
Chambres du Parlement ou l’une d’elles dans les conditions prévues aux articles
96, 97 et 98 (art.51). L’article 52 stipule que le Roi peut adresser des messages
à la Nation et au Parlement. Les messages sont lus devant l’une et l’autre
Chambre et ne peuvent y faire l’objet d’aucun débat.

Quant à l’article 53, il prévoit que le Roi est le Chef Suprême des Forces
Armées Royales. Il nomme aux emplois militaires et peut déléguer ce droit. Le
Roi préside le Conseil de sécurité144 (art. 54) et peut déléguer au Chef du
Gouvernement la présidence d’une réunion du Conseil, sur la base d’un ordre du

144
Il est créé un Conseil Supérieur de Sécurité, en tant qu’instance de concertation sur les stratégies de sécurité
intérieure et extérieure du pays, et de gestion des situations de crise, qui veille également à
l’institutionnalisation des normes d’une bonne gouvernance sécuritaire.
63

jour déterminé. Le règlement intérieur du Conseil 145 fixe les règles de son
organisation et de son fonctionnement.

Sur le plan de la diplomatie, le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des


puissances étrangères et des organismes internationaux. Les ambassadeurs ou les
représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès de Lui. Il
signe et ratifie les traités (art. 55).

Les pouvoir du Roi s’étendent au pouvoir judiciaire. Ainsi, selon l’article 56, le
Roi préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. La nomination des
magistrats est aussi de son ressort. L’article 57 dispose que le Roi approuve par
dahir la nomination des magistrats par le Conseil Supérieur du Pouvoir
Judiciaire. Le Roi exerce aussi le droit de grâce conformément aux dispositions
de l’article 58. Quant à la cour constitutionnelle, l’article 130 prévoit : La Cour
Constitutionnelle est composée de douze membres nommés pour un mandat de neuf ans non
renouvelable. Six membres (sur douze) sont désignés par le Roi. Le même article prévoit
la désignation du président de cette cour par le roi.

C- L’opposition parlementaire

La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des


droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions
afférentes au travail parlementaire et à la vie politique. L’article 10 de la
constitution stipule que l’opposition bénéficie des garanties suivantes :

- la liberté d’opinion, d’expression et de réunion, 

-  un temps d’antenne au niveau des médias officiels, proportionnel à leur représentativité, 

145
Le Conseil Supérieur de Sécurité comprend, outre le Chef du Gouvernement, le président de la Chambre des
Représentants, le président de la Chambre des Conseillers, le président-délégué du Conseil Supérieur du
pouvoir Judiciaire et les ministres chargés de l’Intérieur, des Affaires étrangères, de la Justice et de
l’administration de la Défense nationale, ainsi que les responsables des administrations compétentes en
matière sécuritaire, des officiers supérieurs des Forces Armées Royales et toute autre personnalité dont la
présence est utile aux travaux dudit Conseil.
64

-  le bénéfice du financement public, conformément aux dispositions de la loi, 

-  la participation effective à la procédure législative, notamment par l’inscription de


propositions de lois à l’ordre du jour des deux Chambres du Parlement, 

-  la participation effective au contrôle du travail gouvernemental, à travers notamment les


motions de censure et l’interpellation du Gouvernement, ainsi que des questions orales
adressées au Gouvernement et dans le cadre des commissions d’enquête parlementaires, 

-  la contribution à la proposition et à l’élection des membres à élire à la Cour


Constitutionnelle, 

-  une représentation appropriée aux activités internes des deux Chambres du Parlement, 

-  la présidence de la commission en charge de la législation à la Chambre des


Représentants, 

-  disposer de moyens appropriés pour assurer ses fonctions institutionnelles, 

-  la participation active à la diplomatie parlementaire en vue de la défense des justes causes
de la Nation et de ses intérêts vitaux, 

-  la contribution à l’encadrement et à la représentation des citoyennes et des citoyens à


travers les partis politiques qui la forment et ce, conformément aux dispositions de l’article 7
de la présente Constitution, 

-  l’exercice du pouvoir aux plans local, régional et national, à travers l’alternance


démocratique, et dans le cadre des dispositions de la présente Constitution.

Les groupes de l’opposition sont tenus d’apporter une contribution active et


constructive au travail parlementaire. Les modalités d’exercice par les groupes
de l’opposition des droits susvisés sont fixées, selon le cas, par des lois
organiques ou des lois ou encore, par le règlement intérieur de chaque Chambre
du parlement.

D- Droits de l’homme et Société civile

Dans le contexte des révolutions démocratiques (arabes), la première des


revendications portait sur la protection des droits de l’homme qui furent bafoués
pendant longtemps. C’est ainsi que la constitution marocaine s’est orientée à
proclamer la protection des droits et libertés. Elle a prévu une certains nombre
de mécanismes de recours pour les citoyens. La société civile est corrélée avec
cette tendance de protection des droits de l’homme.
65

Ainsi l’article 23, dispose que : « nul ne peut être arrêté, détenu, poursuivi ou
condamné en dehors des cas et des formes prévus par la loi. La détention arbitraire ou
secrète et la disparition forcée sont des crimes de la plus grande gravité et exposent leurs
auteurs aux punitions les plus sévères. Toute personne détenue doit être informée
immédiatement, d’une façon qui lui soit compréhensible, des motifs de sa détention et de ses
droits, dont celui de garder le silence. Elle doit bénéficier, au plus tôt, d’une assistance
juridique et de la possibilité de communication avec ses proches, conformément à la loi. »

Et dans son al. 2, le même article dispose : « La présomption d’innocence et le droit à


un procès équitable sont garantis. Toute personne détenue jouit de droits fondamentaux et de
conditions de détention humaines. Elle peut bénéficier de programmes de formation et de
réinsertion. Est proscrite toute incitation au racisme, à la haine et à la violence. Le génocide,
les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et toutes les violations graves et
systématiques des droits de l’Homme sont punis par la loi. »

A ces droits fondamentaux, s’ajoutent des droits économiques et sociaux qui


sont mentionnés dans la constitution (art. 31) et que l’Etat, les établissements
publics et les collectivités locales sont amenés à satisfaire. Ils portent sur des
droits 146 :

-  aux soins de santé, 


 - à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste
ou organisée par l’Etat, 
-  à une éducation moderne, accessible et de qualité, 
-  à l’éducation sur l’attachement à l’identité marocaine et aux constantes
nationales immuables, 
-  à la formation professionnelle et à l’éducation physique et artistique, 
-  à un logement décent, 
-  au travail et à l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi
ou d’auto-emploi, 
-  à l’accès aux fonctions publiques selon le mérite, 
-  à l’accès à l’eau et à un environnement sain, 
-  au développement durable.

La constitution prévoit aussi la mise en place d’un certain nombre de


mécanismes de nature à renforcer la protection de ces droits. Ainsi en est-il le
cas de l’article 161 qui prévoit la mise en place d’un Conseil national des droits

146
L’article 27 prévoit aussi que : « les citoyennes et les citoyens ont le droit d’accéder à l’information détenue
par l’administration publique, les institutions élues et les organismes investis d’une mission de service public.
Le droit à l’information ne peut être limité que par la loi, dans le but d’assurer la protection de tout ce qui
concerne la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, ainsi que la vie privée des personnes,
de prévenir l’atteinte aux droits et libertés énoncés dans la présente Constitution et de protéger des sources et
des domaines expressément déterminés par la loi .»
66

de l’Homme. Ce dernier « est une institution nationale pluraliste et indépendante,


chargée de connaître de toutes les questions relatives à la défense et à la protection des
droits de l’Homme et des libertés, à la garantie de leur plein exercice et à leur promotion,
ainsi qu’à la préservation de la dignité, des droits et des libertés individuelles et collectives
des citoyennes et citoyens, et ce, dans le strict respect des référentiels nationaux et universels
en la matière. » A cette institution constitutionnelle s’ajoute une autre qui va
œuvrer dans le sens de la protection des citoyens de l’abus et de déni de justice,
à savoir l’institution du médiateur. Cette dernière est, selon l’article 162, «  est
une institution nationale indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des
rapports entre l’administration et les usagers, de défendre les droits, de contribuer à
renforcer la primauté de la loi et à diffuser les principes de justice et d’équité, et les valeurs
de moralisation et de transparence dans la gestion des administrations, des établissements
publics, des collectivités territoriales et des organismes dotés de prérogatives de la puissance
publique ».

Dans ce sens aussi, il est à souligner le rôle de la Cour constitutionnelle en


matière de protection des droits, car l’article 133 stipule « La Cour Constitutionnelle
est compétente pour connaître d’une exception d’inconstitutionnalité soulevée au cours d’un
procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte
atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution 147.»

Il faudrait souligner aussi que la protection des droits de l’homme est tributaire
du fonctionnement de la justice. Celle-ci connait un quasi chaos indescriptible.
C’est pourquoi sa réforme devient une urgence nationale. C’est pourquoi aussi la
constitution prévoit, dans son article 107, l’autonomie du pouvoir judiciaire. Elle
ajoute, dans son article 109 : « Est proscrite toute intervention dans les affaires soumises
à la justice. Dans sa fonction judiciaire, le juge ne saurait recevoir d’injonction ou
instruction, ni être soumis à une quelconque pression. Chaque fois qu’il estime que son
indépendance est menacée, le juge doit en saisir le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.

Tout manquement de la part du juge à ses devoirs d’indépendance et d’impartialité, constitue


une faute professionnelle grave….

La loi sanctionne toute personne qui tente d’influencer le juge de manière illicite. »

Quant au chapitre de l’élargissement de la participation des citoyens aux affaires


(qui relève aussi indirectement du volet des droits de l’homme), la constitution
prévoit dans son article 14 que « les citoyennes et les citoyens disposent, dans les
conditions et les modalités fixées par une loi organique, du droit de présenter des
propositions en matière législative. Un ou plusieurs groupes de la Chambre parlementaire
concernée peut parrainer ces motions et les traduire en propositions de loi, ou interpeller le
gouvernement dans le cadre des prérogatives conférées au Parlement ». Et, dans son
article 15, elle ajoute que « Les citoyennes et les citoyens disposent du droit de présenter

147
Une loi organique fixe les conditions et modalités d’application du présent article.
67

des pétitions aux pouvoirs publics. Une loi organique détermine les conditions et les
modalités d’exercice de ce droit ». Ce qui est envisagé dans cette nouvelle orientation
constitutionnelle, c’est d’associer l’opinion publique, comme force de
proposition, à la décision.

E- Cour constitutionnelle

Dans cette constitution, une cour constitutionnelle est instituée 148 (12 membres)
conformément à l’article 129. Et malgré sa composition qui privilégie le pouvoir
du roi qui nomme six de ses membres dont le Président, cette cour est censée
être impartiale du fait de la qualité des compétences qu’elle est censée réunir
( ses membres sont choisis «  parmi les personnalités disposant d’une haute formation
dans le domaine juridique et d’une compétence judiciaire, doctrinale ou administrative, ayant
exercé leur profession depuis plus de quinze ans, et reconnues pour leur impartialité et leur
probité  » dit l’article 130, al.4.

I- La régionalisation élargie

Aussi, dans la constitution de 2012, est-elle instituée une régionalisation élargie


(Titre IX). L’article 135 en fait ainsi une nouvelle option de la démocratie
locale lorsqu’il prévoit : « Les collectivités territoriales du Royaume sont les régions, les
préfectures, les provinces et les communes. Elles constituent des personnes morales de droit
public et gèrent démocratiquement leurs affaires. Les Conseils des régions et des communes
sont élus au suffrage universel direct… ». L’objectif déclaré de cette régionalisation
est de faire impliquer le citoyen dans la gestion et le développement locaux. Ce
faisant, l’article 131 dispose que : « l’organisation territoriale du Royaume repose sur
les principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Elle assure la
participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur
contribution au développement humain intégré et durable149 ».

Bibliographie :

148
Une loi organique détermine les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour Constitutionnelle,
ainsi que la procédure qui est suivie devant elle et la situation de ses membres (art. 131 de la constitution).

149
Selon l’article 139, des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les
Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des
citoyennes et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de
développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de
demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil, d’une question relevant de sa compétence. L’article 140
dispose que : « sur la base du principe de subsidiarité, les collectivités territoriales ont des compétences
propres, des compétences partagées avec l’Etat et celles qui leur sont transférables par ce dernier. Les régions
et les autres collectivités territoriales disposent, dans leurs domaines de compétence respectifs et dans leur
sort territorial, d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs attributions ».
68

- Ph. Lauvaux, Les grandes démocraties contemporaines, éd. PUF, 1998


- Y. Mény, Le système politique français, éd. Monchrestien, 1993
- J.J. Chevalier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la
France moderne, éd. Dalloz, 1985
- J. Gicquel, Droit constitutionnel et institutions politiques, éd.
Monchrestien, 2005
- J.L. Quermone, les régimes politiques occidentaux, éd. du seuil, 2006
- Maurice Flory et autres, Les régimes politiques arabes, éd. Puf, 1992
- A. Menouni, Institutions politiques et droit constitutionnel, Toubkal,
1991

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