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LES INSTRUMENTS DE PAIEMENT

ET DE CREDIT

INTRODUCTION
Dans leurs transactions commerciales les commerçants ont besoin
d'instruments de paiement et de crédit capables d'assurer leur bonne exécution.
Les instruments de paiement et de crédit sont des moyens par lesquels les
créanciers recouvrent leurs créances. Ce sont généralement la lettre de change, le
billet à ordre et le chèque qu'on appelle classiquement les effets de
commerce.Aujourd'hui d'autres instruments modernes s'imposent avec puissance
dans ce domaine comme les cartes bancaires…
La doctrine tend généralement à exclure le chèque des effets de commerce
parce que le chèque n'est pas un instrument de crédit, mais ce dernier s'impose de
plus en plus de nos jours parmi les effets de commerce. D'ailleurs, le législateur
marocain a fini par intégrer la législation du chèque dans le code de commerce de
1996 parmi les effets de commerce.
Bien que le chèque soit le seul moyen tiré obligatoirement sur une banque,
actuellement tous les effets de commerce sont généralement encaissés sur les
banques.

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Les instruments de crédit sont des titres payables à échéance1, mais ils
peuvent être mobilisés, c'est-à-dire que le créancier peut obtenir, avant l'échéance,
une somme égale à la valeur de l'effet (moins les agios) en procédant à l'escompte
de l'effet au près de sa banque; celle-ci peut également le réescompter au près de
Banque Al Maghrib.
Les instruments qu'on appelle effets de commerce sont des titres abstraits
et négociables:
- Abstraits: c'est-à-dire qu'ils ne dévoilent pas la cause pour laquelle
ils ont été émis; la créance est incorporée dans le titre lui-même et c'est ce titre qui
représente cette créance, donc celui qui possède le titre est considéré titulaire du
droit de créance. On dit alors que le titre est abstrait de sa cause originaire, c'est-à-
dire du contrat ou du fait qui lui a donné naissance.
- Négociables: c'est-à-dire que le titre qui représente de l'espèce
(l'argent) peut être cédé sans avoir à respecter les formalités de la cession de
créance du droit civil2; ils sont transmis soit par tradition, soit par endossement.
Nous étudierons donc successivement :
• la lettre de change, (chap. 1)
• le billet à ordre (chap. 2)
• le chèque (chap. 3)
• et les cartes bancaires (chap.4)

1
Mais l'échéance est à court terme (3 mois).
2
Signification de la cession au débiteur ou l'acceptation de ce dernier dans un acte ayant date
certaine (article 195 DOC)
2
CHAPITRE 1- LA LETTRE DE CHANGE

La lettre de change (ou traite) est un écrit par lequel une personne (tireur)
donne l’ordre à l’un de ses débiteurs (tiré) de payer une certaine somme à une date
donnée à une troisième personne (bénéficiaire) ou à son ordre (c'est-à-dire à une
personne qu’elle désignera ultérieurement).

A l’origine, la lettre de change était un moyen de change, c’est-à-dire un


instrument de transport d’argent dans le commerce international3.

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- C’est le cas d’un commerçant qui veut se rendre à l’étranger pour conclure des opérations commerciales ;
il va fournir les fonds nécessaires à son banquier (en monnaie locale) contre lesquels il lui remet une lettre
adressée à son banquier correspondant dans le pays où le commerçant compte se rendre. Une fois sur place,
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Elle devient ensuite un instrument de paiement par lequel les débiteurs
payaient leurs créanciers ; mais elle n’est pas une monnaie car elle n’est libératoire
que si elle est effectivement payée.
Actuellement, la lettre de change est devenue un instrument de crédit car le
tireur peut l’escompter, c’est-à-dire la céder à un banquier sous déduction d’une
commission et des intérêts.
Contrairement au chèque et au billet à ordre, la lettre de change est un acte
de commerce par la forme, c’est-à-dire qu’elle est commerciale quelles que soient
les personnes qui l’utilisent (commerçants ou non) et quel que soit l’objet de la
créance pour laquelle elle a été émise (civile ou commerciale).

La lettre de change est actuellement réglementée par les articles 159 à 231
du code de commerce de 1996.

SECTION 1 –EMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE


Pour émettre une lettre de change, il faut respecter ses conditions de
validité qui sont soumises à des sanctions.

§ 1 - LA CAPACITE

Tout signataire de la lettre de change doit avoir la capacité de faire le


commerce car, en vertu de l’article 9 du code de commerce, la lettre de change est
toujours un acte de commerce.

L’article 164 du code de commerce prévoit que «la lettre de change souscrite
par un mineur non commerçant est nulle à son égard, sauf les droits des parties
conformément au droit commun», c’est-à-dire le droit de le poursuivre civilement
dans la mesure où il reste tenu de son enrichissement.

ce dernier présente la lettre à la banque destinataire pour se faire payer la somme mentionnée dans la
monnaie de ce pays. D’où le nom de lettre de change.
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Mais la signature du mineur sur une lettre de change ne porte pas atteinte à
la validité des autres signatures en raison du principe de l’indépendance des
signatures.
§ 2 – LES MENTIONS OBLIGATOIRES
Titre solennel, la lettre de change n’est valable comme telle que si elle
contient un certain nombre de mentions obligatoires :
- La dénomination «lettre de change» insérée dans le texte,
- Le mandat pur et simple de payer une somme d’argent : « Payez »,
- L’indication de la date et du lieu où la lettre est créée,
- La signature du tireur,
- Le montant à payer,
- L'échéance,
- Le nom du tiré,
- Le lieu de paiement,
- et le nom du bénéficiaire.
(Voir spécimen page suivante)
A défaut de contenir les mentions obligatoires, le titre est nul (article 160)
et ne vaut que comme un engagement ordinaire (telle qu’une cession de créance ou
une reconnaissance de dette s’il en remplit les conditions). Le porteur de bonne foi
perd ainsi toutes ses garanties cambiaires de paiement.

Signalons enfin que la domiciliation n’est qu’une mention facultative qui


rend la traite payable au domicile d’un tiers et qui permet de faire effectuer le
paiement des échéances d’un prêt, d’un achat à crédit ou même les factures
périodiques par la banque.

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SECTION 2 - L’ACCEPTATION
L’acceptation est l’engagement du tiré donné sur la lettre par signature de
payer son montant à l’échéance à la personne qui en sera le porteur légitime
auquel il ne pourra opposer aucune exception (par exemple défaut de provision,
compensation4 à l’égard du tireur ou d’un précédent porteur, etc.).
§ 1 - FORMES ET MODALITES
L’acceptation est exprimée par le mot « acceptée » et la signature du tiré au
recto, mais souvent elle résulte de sa simple signature.
En principe, la présentation de la lettre de change à l’acceptation n’est pas
obligatoire sauf lorsqu’elle est tirée à un certain délai de vue ; cependant, une lettre
sans acceptation est difficilement négociable car le tiré pourrait refuser de payer.
Le plus souvent, elle est présentée à l’acceptation par le tireur lui-même
pour pouvoir la négocier facilement puisque, à l’égard du porteur, elle constitue
une garantie d’être payé à l’échéance.

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- La compensation est l’extinction réciproque de deux dettes.
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Le tiré peut refuser d’accepter en dépit de la provision présumée exister.
Dans ce cas, le porteur peut faire dresser un protêt faute d’acceptation. Il doit alors
en aviser dans les 6 jours son endosseur, lequel avise son propre endosseur, et
ainsi de suite jusqu’au tireur. Le protêt faute d’acceptation permet au porteur qui
l’a fait dresser d’exercer un recours contre chacun des signataires avant l’échéance
de la lettre de change.
Cependant, l’acceptation est obligatoire entre commerçants, c'est-à-dire que
le tiré, commerçant, ne peut refuser de donner son acceptation à condition :
- que la lettre soit créée en exécution d’un contrat de fourniture de
marchandises;
- et que le tireur ait satisfait à ses obligations (a fourni la marchandise).
§ 2 - CONSEQUENCES DE L’ACCEPTATION
A - Provision et valeur fournie
a- Constitution de la provision
La création de la lettre de change suppose à l’origine une créance du tireur
sur le tiré. C’est parce que le fournisseur doit se faire payer (créancier-tireur) la
marchandise livrée qu’il émet une lettre de change et l’envoie au commerçant
(débiteur-tiré) qui l’accepte pour payer sa dette.
La créance du tireur sur le tiré s’appelle la provision. La provision est une
créance en somme d’argent ou en marchandises que le tireur détient sur le tiré.
Celui-ci est débiteur de la provision dès son acceptation (sasignature).
L’absence de provision ne frappe pas le titre de nullité, mais le rend
inopérant. Dans la pratique, c’est l’existence de la provision qui détermine
l’acceptation du tiré.
b - Propriété de la provision
La remise du titre par le tireur au porteur confère à ce dernier la propriété
de la provision, laquelle peut être à nouveau transmise par endossement à un
nouveau bénéficiaire, et ainsi de suite, jusqu’à présentation de l’effet pour
escompte ou encaissement.
La créance est donc incorporée au titre et de ce fait se transmet de façon
pure et simple avec la circulation du titre. Par conséquent, la possession de la traite
(sous réserve d’une transmission légitime) vaut propriété de la provision.

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c - La valeur fournie
Si le tireur a émis la traite au profit du bénéficiaire, c’est que ce dernier a
une créance chez le premier ; autrement dit, le tireur est débiteur du bénéficiaire,
celui-ci a du lui fournir une valeur en échange de laquelle le tireur lui a remis la
traite. Cette créance s’appelle « la valeur fournie ».
B - Inopposabilité des exceptions du tiré au porteur
Le tiré accepteur ne peut pas opposer au porteur les exceptions que lui-
même aurait pu opposer au tireur ou aux porteurs précédents (article 171).
Exemples :
- l’exception de compensation à l’égard du tireur ou d’un porteur antérieur,
- l’exception basée sur le dol du tireur ou sur une cause illicite (exception de
jeu),
- l’exception basée sur l’absence de cause (inexécution de l’obligation du
tireur), etc.
Dans tous les cas, le porteur ne peut se prévaloir de l’inopposabilité des
exceptions que si le tiré a accepté la traite.
C - Les exceptions opposables au porteur
Cette règle de l’inopposabilité des exceptions n’est cependant pas absolue ;
autrement dit, il existe bien des exceptions que le tiré peut opposer au porteur.
Tels sont les cas lorsque :
- le tiré a une exception personnelle contre le porteur (compensation par
exemple) ;
- le tiré prouve que le porteur « a agi sciemment » à son détriment ; par
exemple, sachant que le tiré lui opposerait une exception de compensation, le
tireur, en connivence avec un tiers, endosse la traite au profit de ce dernier, ce
nouveau porteur serait de mauvaise foi, car il aurait agi sciemment au détriment
du tiré ;
- le tiré prouve que le porteur est au courant du tirage de complaisance ;
- le tiré découvre des exceptions résultant du droit cambiaire (défaut d'une
mention obligatoire, une incapacité, etc.).

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D - Les effets de complaisance et de cavalerie
Cette règle suivant laquelle la provision n’est indispensable qu’à l’échéance
a donné naissance à des pratiques contraires au but recherché par le législateur.
Une première pratique consiste en ce qu’on appelle « les tirages en l’air » :
c’est le fait de tirer des lettres de changes sur des personnes imaginaires, c’est une
pratique susceptible de sanctions pénales.
Mais la pratique la plus répandue pendant les périodes de crises financières
est celle des effets de complaisance et de cavalerie.
Ce sont des traites créées, pour constitution de trésorerie, sans cause
juridique (sans provision), de façon illicite et dont l’auteur est passible de
sanctions pénales. Elles sont nulles parce qu’illicites et non pour défaut de
provision.
La pratique de la traite de complaisance se résume de la manière suivante :
un commerçant qui a un besoin urgent de liquidités tire une lettre de change et la
présente à un ami commerçant, le tiré qui est insolvablemais qui accepte da la
signer « par complaisance » bien qu’il n’ait aucune dette à son égard. Aussitôt, le
tireur la fait escompter par son banquier et bénéficie ainsi d’un crédit à court
terme.
A l’échéance, aucun problème ne se poserait si le tireur verse au tiré les
fonds nécessaires, ou si le tiré solvable paie la traite en consentant ainsi un crédit
au tireur. Dans ces cas la traite de complaisance est tout à fait licite, c’est ce qu’on
peut appeler les « bons effets de complaisance ».
Mais la situation risque de se compliquer si, à l’échéance, le tireur ne
dispose pas de fonds à verser au tiré. Dans ce cas, il tire une autre lettre qu’il fait
accepter par le même tiré ou par un autre commerçant et la fait escompter pour
obtenir les fonds à fournir au premier tiré et ainsi de suite... Par ce chevauchement,
ces effets de complaisance deviennent ce qu’on appelle « des effets de cavalerie ».
Le plus souvent, durant les périodes de difficultés économiques, ces tirages
se font de manière réciproque, c'est-à-dire que les commerçants tirent
indéfiniment les uns sur les autres ; on est alors en présence de ce qu’on appelle
« les tirages croisés ».

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SECTION 3 - LES GARANTIES DE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE
Pour une efficacité nécessaire au paiement du titre, le législateur prévoit
des mesures de garantie qui font tout l’intérêt de la lettre de change ; il s’agit du
principe du transfert de la propriété de la provision, de la solidarité et de l’aval.
§ 1 - LE TRANSFERT DE LA PROPIETE DE LA PROVISION
« La propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs
de la lettre de change » dit l’article 166 alinéa 4.
C’est le fameux principe de « la propriété de la provision » qui constitue une
garantie solide de paiement. Il résulte en effet de ce principe qu’une fois la lettre
émise, le tiré (qui en a connaissance par l’acceptation) ne peut plus valablement
payer le tireur (son créancier) ; sinon, il sera tenu à l’échéance de payer, une
seconde fois, le porteur.
En outre, en vertu de ce principe par exemple le décès ou l’incapacité du
tireur après l’émission sont sans influence sur le droit du porteur sur la propriété
de la provision.
§ 2 - LA SOLIDARITE
C’est un principe général du droit commercial qui s’applique à la garantie de
paiement de la lettre de change. Tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé
une lettre de change, c'est-à-dire tous les signataires, sont solidairement tenus de
son paiement envers le dernier porteur qui, suivant ce principe légal, peut
réclamer à l’un ou plusieurs d’entre eux son montant total.
Le signataire poursuivi ne peut opposer au porteur les exceptions fondées
sur ses rapports avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs ; mais il peut lui
opposer ses exceptions personnelles ou celles qui résultent dudroit cambiaire (les
exceptions relatives à l’irrégularité du titre : défaut d’une mention prescrite à
peine de nullité du titre, incapacité, etc.).
Ce même droit (la solidarité) appartiendra à celui qui a remboursé la lettre
de change.

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§3 - L’AVAL
Le donneur d’aval (avaliseur ou avaliste) est celui qui se porte caution de la
créance. Il garantit personnellement le paiement de tout ou partie de la lettre de
change. Il peut être un tiers ou même un des signataires de la traite.
L’aval est donné sur la lettre avec la mention « bon pour aval » et la
signature ; il peut être donné aussi sur une allonge ou par un acte séparé.
L’avaliseur est la caution solidaire du signataire en faveur duquel il s’est engagé
(l’avalisé). Il doit préciser pour quel signataire il s’engage, à défaut il est réputé
donné au tireur (article 180). S’il a payé pour l’avalisé défaillant, il a un droit de
recours non seulement contre lui, mais contre tout autre signataire de la lettre en
vertu du principe cambiaire de la solidarité.
SECTION 4 - LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE
En tant que titre à ordre, la lettre de change est un effet destiné à circuler en
permettant la circulation de capitaux sans risque. Cette circulation s’opère par la
technique de l’endossement, c'est-à-dire par une mention écrite portée au dos du
titre et la signature.
Mais l’endossement ne permet pas seulement de transférer la propriété de
la lettre, il peut servir aussi pour donner la traite en garantie ou la remettre pour
encaissement par procuration.
§1- L’ENDOSSEMENT TRANSLATIF DE PRORIETE
Cet endossement a pour effet de transférer la propriété de la lettre de
change de l’endosseur à l’endossataire (créancier de l’endosseur). Il se fait par
simple signature au dos. L’endossement peut être :
- nominatif : il porte la mention « payez à l’ordre de X », le nom du
bénéficiaire est alors précisé ;
- ou en blanc : il résulte de la simple signature au dos du titre, sans
indication du bénéficiaire et permet le transfert par tradition manuelle, c'est-à-dire
par simple remise matérielle du titre. Le porteur peut remplir le blanc en y
inscrivant son propre nom ou celui d’un nouveau bénéficiaire (souvent le
banquier) ;

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- ou encore au porteur : il vaut comme un endossement en blanc5.
Cependant, il convient de préciser que le tireur a la possibilité d’exprimer sa
volonté de ne pas transmettre la lettre ; il lui suffit d’insérer dans la traite les mots :
« non à ordre » ou « non endossable », auquel cas le titre ne peut se transmettre que
par cession de créance selon l’article 195 DOC, il sera alors dépourvu des effets du
droit cambiaire.
Comme l’endosseur est aussi garant de l’acceptation et du paiement, il peut
également interdire un nouvel endossement.
§2 - L’ENDOSSEMENT PAR PROCURATION
Il résulte de l’endossement accompagné de la mention « valeur en
recouvrement » ou « pour encaissement » ou « par procuration ». Il donne mandat à
l’endossataire, qui est le plus souvent un banquier, de recouvrer le montant de
l’effet. Il laisse subsister les exceptions opposables à l’endosseur.
Il faut bien distinguer l’encaissement de l’escompte. A l’encaissement, la
banque ne paie le porteur qu’après avoir encaissé l’effet, alors qu’à l’escompte la
banque crédite le porteur avant échéance du titre. Dans le premier cas, il s’agit d’un
encaissement sans risque pour le banquier et dans le second cas, il s’agit d’un
crédit qu’il consent au bénéficiaire.
§3 - L’ENDOSSEMENT PIGNORATIF
On le reconnaît à la mention « valeur en garantie » ou « en gage » suivie de la
signature. Il permet de donner la lettre au porteur, à titre de gage, c'est-à-dire en
garantie de la créance. L’endossataire n’est que le possesseur du titre, il ne peut
l’endosser car il n’en a pas la propriété, et s’il le fait, il ne sera considéré que
comme un endossement à titre de procuration (article 172 al. 4).
D’un autre côté, selon l’article 172, l’endossataire peut exercer tous les
droits dérivant de la lettre de change, ce qui veut dire que si son débiteur
(l’endosseur) ne lui règle pas la dette à son terme, il peut présenter la lettre au tiré
à l’échéance pour se faire payer de sa créance. Le tiré ne peut lui opposer les
exceptions de l’endosseur.

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- Rappelons que s’il est possible d’endosser une lettre de change au porteur, il est interdit de
l’émettre au porteur.
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SECTION 5 – PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE
§1- L’ECHEANCE
L’échéance est la date de paiement de la lettre de change. Celle-ci peut être
tirée :
- « à vue » ou sans indication d’échéance : la traite est payable à la
présentation, c'est-à-dire dès le jour de son émission ; dans ce cas, elle doit être
présentée au paiement dans le délai d’un an à partir de sa date, le tireur peut
abréger ce délai ou en stipuler un plus long, quant aux endosseurs, ils ne peuvent
que l’abréger (article 182).
- A un délai de vue : elle est payable après un délai préfixé qui court de
l’acceptation, par exemple : dans 5 jours, 2 semaines, 2 mois, etc. de l’acceptation
par le tiré.
- A un délai de date : le délai court de la date d’émission de l’effet, par
exemple : payez dans 20 jours.
- A jour fixe : elle est payable à la date indiquée.
Le juge ne peut accorder de délais de grâce (article 231).

§2 - LA PRESENTATION AU PAIEMENT

La présentation doit être effectuée au lieu désigné, au jour de l’échéance ou


l’un des 5 jours ouvrables qui suivent. Sans mention particulière de lieu, c’est le
domicile du tiré qui détermine le lieu de paiement.
La mention de domiciliation, très fréquente, permet de fixer le lieu de
paiement à un endroit convenu, autre que celui du tiré. Dans la pratique, il s’agit le
plus souvent du domicile de la banque, celle-ci n’acceptant l’escompte que lorsque
le titre est domicilié.
Dans tous les cas, le porteur ne peut être contraint de recevoir un paiement
anticipé et inversement il ne peut l’exiger avant l’échéance, sauf refus d’acceptation
ou faillite du tiré.

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SECTION 6 - LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE
§1 - L’OPPOSITION AU PAIEMENT
La loi interdit l’opposition, sauf dans trois cas : perte ou vol de la traite et la
situation de règlement judiciaire du porteur (article 189).
Il appartient au porteur ayant perdu le titre de faire opposition auprès du
tiré afin d’empêcher le paiement du titre à tout porteur illégitime : celui qui aura
trouvé le titre. Le paiement à qui de droit ne pourra alors se faire que :
- sur autorisation du président du tribunal,
- après avoir fait opposition aux mains du tiré,
- donné caution,
- et justifié de sa propriété de la lettre de change (article 192).
Dans le deuxième cas, le syndic du porteur en règlement judiciaire pourra
faire opposition au tiré et se faire payer à lui-même pour intégrer la créance dans
l’actif de la procédure collective.
§2 -LE REFUS DE PAIEMENT
En cas de refus de paiement du tiré, le porteur qui bénéficie de garanties
étendues peut exercer un recours contre tous les signataires de lalettre de change
tenus à en garantir le paiement. Il doit faire dresser un protêt « faute de paiement ».
A - Le protêt
C’est un acte authentique dressé par un agent du greffe du tribunal qui
constate officiellement le refus de paiement et les motifs du refus.
Le protêt doit contenir la transcription littérale de la lettre de change, de
l’acceptation, des endossements et des recommandations qui y sont indiquées, la
sommation de payer le montant de la lettre, les motifs du refus de paiement et
indiquer la présence ou l’absence de celui qui doit payer.
Les agents du greffe du tribunal sont tenus, sous leur responsabilité
personnelle, de laisser copie exacte des protêts et de les inscrire en entier, jour par
jour et par ordre de date, dans un registre spécial coté, paraphé et vérifié par le
juge (article 212).
Celui qui a fait dresser protêt avise également son endosseur dans les 6
jours, lequel avise à son tour son endosseur dans les 3 jours et ainsi de suite
jusqu’au tireur. Aucun formalisme n’est requis pour l’avis. De son côté, l’agent

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notificateur doit, dans les 3 jours qui suivent le protêt, prévenir le tireur par la
poste et par lettre recommandée.
A noter que le porteur ne peut refuser un paiement partiel, ce qui n’exclut
pas le protêt pour la somme restant due. A défaut de présentation à l’échéance, le
tiré a la faculté d’en consigner le montant au secrétariat-greffe du tribunal de son
domicile aux frais, risques et périls du porteur (article 188).
B - Le cas de dispense du protêt
Cependant, si la lettre porte la mention « retour sans frais » ou « sans
protêt », le porteur est dispensé de la procédure du protêt. Cette clause évite au
porteur les lenteurs et les coûts non négligeables de cette procédure.
SECTION 7 - LES RECOURS
Il convient de distinguer le porteur diligent du porteur négligent. Le
premier est celui qui présente la lettre de change dans les délais légaux et fait
dresser à temps un protêt en cas de non-paiement ; le second est celui qui n’a pas
observé ces prescriptions.
§1 - LES RECOURS DU PORTEUR DILIGENT
A l’échéance, le porteur diligent, qui a présenté la traite et fait dresser
protêt, peut obtenir remboursement du montant de la lettre, des intérêts, des frais
de protêt et des avis :
- en actionnant les signataires ou l’un d’eux devant le tribunal ; le même
droit de recours appartient à tout signataire qui a remboursé le porteur ;
- en procédant, avec autorisation du président du tribunal, à une saisie
conservatoire sur les biens du tireur, de l’accepteur et des endosseurs (article
208) ;
- en recourant à la procédure d’injonction de payer prévue par l’article 158
code de procédure civile6.
Aucun délai de grâce ne peut être accordé et les intérêts courent de plein
droit au taux légal.
Cependant, il convient de signaler que le porteur, sans attendre l’échéance,
peut exercer ses droits contre le tiré lorsqu’il est en règlement judiciaire.

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- Il s’agit d’une ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de première
instance, faisant droit à la demande du créancier et condamnant le débiteur au paiement et aux
frais.
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§2 - LES DECHEANCES DU PORTEUR NEGLIGENT
Le porteur négligent perd tous les recours cambiaires contre tous les
signataires de la traite (article 206), sauf :
- contre le tireur qui n’a pas fourni provision : la déchéance à son égard
n’aura lieu que s’il justifie avoir constitué provision ;
- contre le tiré accepteur car, ayant reçu provision, il ne peut se dérober de
son engagement sous prétexte de la négligence du porteur ;
- enfin, contre l’avaliste qui a donné aval pour le compte du tiré car, sans
cette précision, il est censé l’avoir donné pour le compte du tireur.
§3 - LES PRESCRIPTIONS DES RECOURS
Ce sont des délais très brefs fixés par le législateur en dehors desquels
aucune action cambiaire ne peut plus être exercée ; on dit qu’elle est prescrite.
En matière de lettre de change :
- l’action cambiaire contre le tiré accepteur se prescrit par 3 ansà compter de
l’échéance,
- celle du porteur contre les endosseurs et contre le tireur par 1 an à dater du
protêt,
- enfin les actions des endosseurs entre eux et contre le tireur se prescrivent par
6 mois à dater du jour du paiement de la lettre.

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CHAPITRE 2 - LE BILLET A ORDRE
SECTION 1 - SPECIFICITES
§1 - DEFINITION

Le billet à ordre est un titre par lequel une personne, le souscripteur,


s’engage à payer à une certaine date une somme déterminée à une autre personne,
le bénéficiaire, ou à son ordre.

À la différence de la lettre de change, le billet à ordre met en rapport


seulement deux personnes : le souscripteur et le bénéficiaire. Le souscripteur est
en même temps tireur et tiré dans la mesure où il se donne l’ordre à lui-même de
payer le bénéficiaire à l’échéance. La spécificité du billet à ordre découle des
conséquences qui résultent de cette différence fondamentale.
Le billet à ordre est également un moyen de paiement et de crédit dont le
régime s’apparente à celui de la lettre de change, mais il est beaucoup moins utilisé
dans le commerce.

§2 - NATURE DU BILLET A ORDRE

L’article 9 du code de commerce dispose dans ce sens que :


« Indépendamment des dispositions des articles 6 et 7, sont réputés actes de
commerce :
- la lettre de change ;
- le billet à ordre signé même par un non-commerçant, lorsqu’il résulte d’une
transaction commerciale ».
De la sorte, le législateur laisse entendre que le billet à ordre est un acte de
commerce par la forme. Ce qui aurait été vrai si la phrase avait pris fin au niveau
de « même s’il est signé par un non commerçant », mais le même article d’ajouter
« lorsqu’il résulte d’une transaction commerciale ».
Par conséquent, le B.O ne sera commercial que si la dette à l’occasion de
laquelle il est souscrit est commerciale ; par a contrario, le B.O sera civil si
l’opération est civile.
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Par l’insertion de cette condition, toute la théorie de la commercialité du B.O
par la forme a été détruite. Sa nature commerciale ou civile continuera de
dépendre de la nature de l’opération en vertu de laquelle il est souscrit ; donc, le
droit applicable au B.O restera, comme par le passé, déterminé en fonction de sa
nature civile ou commerciale.

§3 - REGIME CAMBIAIRE
La plupart des règles de la lettre de change sont applicables au billet à
ordre, notamment en ce qui concerne l’endossement, le paiement, le recours faute
de paiement, le protêt, les prescriptions, etc. C’est pourquoi le billet à ordre, régi
par les articles 232 à 238 du nouveau code de commerce, ne comporte que peu de
dispositions qui lui sont propres. Le code, en ses articles 234 à 236, renvoie pour
les règles communes aux dispositions de la lettre de change.
SECTION 2 - CONDITIONS DE VALIDITE
Elles sont pratiquement les mêmes que celles de la lettre de change, sauf
pour quelques originalités qu’il convient de signaler.
§1 - LES CONDITIONS DE FORME
Comme pour la lettre de change, pour être valable le billet à ordre doit
comporter un certain nombre de mentions obligatoires : les date et lieu de
souscription, la clause à ordre, l’échéance, le lieu de paiement, le nom du
bénéficiaire, la signature du souscripteur, etc.
Le billet à ordre se distingue cependant par :

A - La dénomination « billet à ordre »


Alors que la lettre de change doit comporter la dénomination « lettre de
change », qui implique automatiquement la clause à ordre, le billet à ordre doit
contenir au choix : soit la dénomination « billet à ordre », soit tout simplement « la
clause à ordre » insérée dans le texte du titre (je paierai à l’ordre de M. X.)

B - La promesse pure et simple de payer

Comme dans le billet à ordre il n’y a pas un mandat de payer donné à un


tiers (le tiré), cette promesse de payer (je paierai...) remplace le mandat de la
lettre de change.

18
Sauf dans les cas où le législateur prévoit des mentions qui suppléent à
d’autres, l’omission d’une mention obligatoire telle que la clause à ordre ou la
dénomination billet à ordre, le nom du bénéficiaire, la promesse de payer, etc.
entraîne la nullité du titre. Mais, comme pour la lettre de change, il peut servir au
civil de reconnaissance de dette s’il comporte toutefois les mentions suffisantes à
cet effet.

19
§2 - LES CONDITIONS DE FOND
C’est à ce niveau que nous rencontrons le plus de différences par rapport à
la lettre de change dues à la nature du billet à ordre et à l’absence du tiré.
A - La capacité
La capacité de faire des actes de commerce n’est requise que lorsque l’acte
est commercial.
Dans le cas contraire, si le mineur contracte une affaire civile (et c’est là que
le billet à ordre n’est pas commercial par sa forme), le billet sera civil et le mineur
ne devra pas remplir les conditions de la capacité commerciale. (Sa signature sur le
billet à ordre ne sera pas nulle puisqu’il s’agit d’un acte civil qui nécessite
seulement la capacité civile).
B - Absence de la notion de provision
En matière de billet à ordre, il ne peut être question de provision qui est
normalement une créance du tireur sur le tiré ; alors que dans le billet à ordre le
souscripteur cumule ces deux qualités.
Par conséquent, la théorie de la provision ne peut être appliquée au billet à
ordre. Il n’y a donc pas de provision, qui est une créance du tireur sur le tiré, pour
que le souscripteur du billet à ordre puisse en transmettre la propriété au
bénéficiaire. Il lui transmet seulement la valeur fournie qui demeure la propriété
du premier bénéficiaire.
La conséquence de cette différence de régime juridique avec la lettre de
change est que le porteur négligent conserve ses recours cambiaires contre le
souscripteur (alors qu’il perd ce droit en matière de lettre de change lorsque le
tireur prouve avoir fourni provision).
C - Absence de la notion d’acceptation
L’acceptation n’a pas de raison d’être en matière de billet à ordre puisque le
souscripteur, par sa signature à l’émission, s’engage juridiquement à payer à
l’échéance entre les mains du bénéficiaire ou à son ordre ; c’est pourquoi l’article
237 précise que « le souscripteur d’un billet à ordre s’engage de la même manière
que l’accepteur d’une lettre de change ».
Cependant, la présentation du billet à ordre au souscripteur pour visa est
nécessaire lorsque le titre est payable à un certain délai de vue, ce délai court de la
date du visa signé du souscripteur (article 238).
20
CHAPITRE III - LE CHEQUE

Le chèque a d’abord fait l’objet d’une réglementation par le D.O.C. dans ses
articles 325 à 334.
Ces articles ont été abrogés par le dahir du 19 janvier 1939 pour adopter la
loi uniforme annexée à la convention de Genève du 19 mars 1931 relative au
chèque. Mais ce dahir n’avait pas été intégré au code de commerce comme celui sur
la lettre de change et le billet à ordre.
Le nouveau code de commerce de 1996 a fini par intégrer en son sein la
législation du chèque qui était contenue dans le dahir de 1939 (articles 239 à 328)
en y apportant des modifications très importantes, surtout en matière pénale, qu’il
a confortée par de nouvelles mesures de gestion bancaire du contentieux du
chèque.
I - Définition :
Le chèque est un effet par lequel le tireur dispose de ses fonds déposés chez le
tiré (qui est obligatoirement une banque), en effectuant des retraits à vue, soit à
l’ordre de lui-même, soit à l’ordre du bénéficiaire.
Cette définition mérite quelques remarques :
1 - Le tiré doit obligatoirement être une banque (art 241 al.1).
- L’alinéa 2 de ce même article précise qu’il faut entendre par
« établissement bancaire tout établissement de crédit » (dont les banques
inscrites sur la liste de Bank Al-Maghrib) et tout organisme légalement habilité à
tenir des comptes sur lesquels des chèques peuvent être tirés (Bank Al-Maghrib,
la Trésorerie Générale du Royaume, Al Barid Bank, etc.).
- Avec le nouveau code (article 311), il est permis aux banquiers de refuser
de délivrer aux titulaires des comptes les formules de chèques ou de leur
demander de restituer celles antérieurement délivrées, à condition, dans les deux
cas, de motiver leur décision7 ; mais ils ne peuvent leur refuser des formules pour
le retrait des fonds ou pour la certification.

7
- V. travaux préparatoires du parlement, tome II, pp. 317-318.
21
En outre, les banques peuvent se contenter de délivrer à leurs clients des
formules de chèques barrés d’avance et non endossables (article 311, al. 2).
C'est d'ailleurs en se basant sur l'article 311 al. 2 du code de commerce que,
depuis le 1er février 2011 un règlement interbancaire (du GPBM) a instauré
l'obligation des chèques pré-barrés et non endossables pour les clients patentés
des banques (les personnes morales, les entreprises individuelles et les
professions libérales).
3 - Contrairement à la lettre de change, il n’est pas commercial par la forme :
il est commercial ou civil suivant la nature de l’opération en exécution de laquelle il
a été émis.

SECTION I- LES CONDITIONS DE CREATION DU CHEQUE :


Pour créer un chèque, il faut respecter à la fois ses conditions de forme et de fond.

§ I- LES CONDITIONS DE FORME :


En pratique, le chèque est une formule imprimée (lithographie) détachée
d’un carnet à souches (appelé carnet de chèques ou chéquier) délivré par la
banque. Par conséquent, le problème du défaut de mentions ne se posera que pour
celles que doit produire le tireur lors de la création.
Du reste, le chèque, comme tous les effets de commerce, est un écrit soumis
au formalisme du droit cambiaire relatif aux mentions qu’il doit porter.
Certaines mentions doivent obligatoirement être portées sur le chèque,
alors que d’autres sont facultatives.

22
A - LES MENTIONS OBLIGATOIRES
Spécimen du chèque

Ces mentions sont énumérées par l’art 239 du c. com. :


1°/ La dénomination « CHEQUE » : Elle doit être insérée dans le texte
même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction du titre. La
formule employée généralement : « Payez contre ce chèque »
2°/ Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée :
- Un mandat de payer : veut dire que le tireur donne ordre au tiré de payer à
sa place le porteur. C'est la formule : "Payez…"
- Une somme déterminée en chiffres et en lettres : Généralement, la somme
est indiquée en chiffres dans le coin supérieur à droite et en lettres dans le corps
du titre. En principe, s’il y a une différence entre les deux, l’indication en lettres
prévaut ; mais dans la pratique, de tels chèques sont tout simplement rejetés par
les banques.
3°/ Le nom du tiré : Le tiré doit obligatoirement être une banque. Le
chèque doit obligatoirement porter le nom de la banque tirée. Celui qui tire un
chèque sur une personne autre qu’un établissement de crédit est passible d’une
amende de 6% du montant du chèque.(art 307)

23
4°/ Le lieu de paiement : Il s’agit de l’adresse de l’agence bancaire où le
tireur tient son compte. A défaut, le lieu de paiement est celui de l’établissement
principal (c'est-à-dire le siège central de la banque).
5°/ La date et le lieu de création :
- Le lieu de création est obligatoire dans la mesure où il détermine le
tribunal compétent en matière cambiaire.
Néanmoins, le tireur qui omet de mentionner le lieu de création est passible
d’une amende de 6 % du montant du chèque.
- La date de création est très importante, elle sert à calculer les délais de
présentation au paiement et des recours et d’apprécier, le cas échéant, la capacité
du tireur.
Néanmoins, le tireur qui ne porte pas de date sur le chèque ou qui le
postdate reste passible d’une amende de 6% du montant du chèque.
Dans le premier cas (sans date) le chèque est nul, mais cela n’empêche de
poursuivre pénalement le tireur en cas de défaut de provision.
Dans l’hypothèse de la postdate, le chèque reste valable, car il est payable à
vue et toute mention contraire est réputée non écrite. De plus, même si le chèque
est postdaté, le porteur peut le présenter au paiement avant le jour indiqué comme
date de création, et il sera payé le jour de sa présentation (art. 267). Par ailleurs, la
postdate constitue un important indicateur des chèques de garantie.
6°/ Le nom et la signature du tireur : La signature doit obligatoirement
être mentionnée sur le chèque dans la mesure où elle exprime la volonté du tireur
d’émettre le chèque ; à défaut de signature, le titre n’aura aucune valeur juridique.

24
B- LES MENTIONS FACULTATIVES
Ce sont les mentions que les parties demeurent libres de porter sur le
chèque :
1°/ Le nom du bénéficiaire : Contrairement à la lettre de change, il n’est
pas obligé de mentionner le nom du bénéficiaire sur le chèque (art 243), car :
- le chèque peut être émis au porteur, c.à.d. sans indication du nom du
bénéficiaire ;

- ou en blanc, sans aucune indication, il est alors considéré émis au


porteur ;

25
- il peut aussi être stipulé payable à personne dénommée ou à son ordre
(chèque nominatif),

Dans ce cas le bénéficiaire ne peut le transmettre que par endossement :


+ Soit par endossement translatif : dans ce cas il a le choix de
l’endosser au porteur, à blanc (auxquels cas il peut circuler par tradition), ou
même nominatif ;
+ Soit par endossement à titre de procuration exactement comme
la lettre de change.
Mais l’endossement du chèque ne peut jamais être fait en garantie (à titre
pignoratif).

26
- enfin, le chèque peut être émis au nom du tireur lui-même (le chèque de
retrait) en y portant la mention « à l’ordre de moi-même ».

2°/ La clause non endossable ou non à ordre : Cette clause ne peut être
utile que lorsque le chèque est nominatif ; puisque le chèque au porteur ou à blanc
est transmissible par simple tradition. Le chèque qui porte la mention non
endossable ne peut être transmis que comme un titre civil.

27
3°/ Le barrement : (le chèque barré) [art. 280 à 282]
Il consiste à tracer sur le recto du chèque deux barres parallèles, il ne sera
alors payé qu’à un banquier ou à un client du banquier.

28
Comme il ne peut être payé qu’à une banque, le chèque barré a été conçu
pour éviter les risques de perte ou de vol des chèques ; mais l’effet de cette
technique reste limité puisqu’il est possible d’endosser le chèque barré au profit
d’un bénéficiaire de bonne foi. Par conséquent, la meilleure mention pour éviter la
perte ou le vol du chèque est d'ajouter la mention "non endossable".

Il existe deux sortes de barrements :


- Le barrement général : ne comporte aucune mention entre les deux
lignes ; dans ce cas la banque tirée ne peut payer le chèque qu’à une banque.
- Le barrement spécial : porte le nom d’une banque entre les deux barres ;
dans ce cas, le chèque ne peut être payé qu’à la banque désignée entre les deux
barres.

29
Que le barrement soit général ou spécial, la banque tirée peut en payer le
porteur lorsqu’il est son client.
Le barrement général peut être transformé en barrement spécial, mais le
contraire ne peut se faire car le biffage du nom de la banque désignée est réputé
non avenu.
4°/ La certification : (le chèque certifié) [art. 242]
Elle remplace l’acceptation en matière de lettre de change. Comme le
chèque est payable à vue, il n’a pas besoin d’être accepté ; l’art 242 interdit
expressément l’acceptation du chèque et toute mention d’acceptation, dit-il, est
réputée non écrite. (Rappelons que cette interdiction a pour but d’éviter la
concurrence de la monnaie). Cependant, le législateur, depuis un dahir du 23 août
1955, a permis la certification du chèque avec des effets limités.
La certification est faite par la banque tirée qui porte au recto du chèque la
mention « certifié » et sa signature. Elle doit alors bloquer la provision
correspondant au montant du chèque au profit du porteur, mais seulement
jusqu’au terme du délai de présentation qui est de 20 jours suivant l’art 268 du
nouveau code.

30
Telles sont les mentions spécifiques au chèque, quant aux autres mentions
facultatives comme l’aval (inconnu dans la pratique du chèque) et la clause retour
sans protêt, elles obéissent aux mêmes règles que celles de la lettre de change.
La création du chèque, comme tout autre effet de commerce, doit respecter
non seulement des conditions de forme, mais aussi des conditions de fond.
§ II- LA PROVISION DU CHEQUE
La provision est une somme d’argent mise à la disposition du tireur chez le
tiré au moment de la création du chèque.
Cette définition qui résulte de l’esprit de l’art 241 mérite des observations
relatives au contenu de la provision, au moment de son existence et à la question
de son transfert.
A- LE CONTENU DE LA PROVISION :
La provision du chèque peut être constituée par :
* Le dépôt de fonds chez la banque, c'est-à-dire par le versement de
sommes d’argent dans le compte du client de la banque (le tireur).
* La remise d’effets de commerce à l’encaissement par la banque pour le
compte de son client (des lettres de change, des billets à ordre ou des chèques).
Mais il est important de noter que la simple remise de ces effets au banquier ne
constitue pas la provision et ne donne pas droit d’émettre des chèques sous peine

31
d’émission de chèque sans provision. Celle-ci n’existera en effet qu’après
l’encaissement de ces effets par la banque (Art.502 c. com.). Cependant, en cas de
besoin urgent de fonds par le client remetteur, la banque peut procéder :
- soit àl’escompte des effets : moyennant des agios, la banque acquiert alors
la propriété des effets (par la voie de l’endossement translatif) et devient
redevable de leur montant qu’elle doit inscrire aussitôt sur le compte du client-
remetteur ;
- soit àl’avance sur recouvrement en créditant immédiatement le compte
du client-remetteur du montant des effets remis à l’encaissement ; la banque
n’acquiert pas la propriété des effets, elle reste un simple mandataire
(endossement par procuration) et octroie seulement une avance (un crédit) à son
client en attendant l’encaissement des effets.
* La provision peut aussi résulter d’une ouverture de crédit. Mais il
convient de distinguer entre une ouverture de crédit qui résulte d’une convention
écrite entre le banquier et le client et les simples facilités de caisse qui ne sont que
des tolérances bancaires que le banquier peut décider de rompre subitement et
sans préavis ; ce qui donne lieu en pratique à de graves difficultés pour les clients
qui se voient soudainement confrontés au pénal.
B- LE MOMENT DE L’EXISTENCE DE LA PROVISION :
Suivant les termes de l’art.241 il est prévu que les fonds doivent être à la
disposition du tireur dès le moment de la création du titre.
Or, cette disposition exigeant l’existence de la provision au moment de la
création du chèque se trouve être, sinon en contradiction, du moins dépassée par
la nouvelle tendance de la politique pénale du même code de commerce qui ne
requiert la constitution de la provision qu’au moment de la présentation du chèque
au paiement (art.316).Par conséquent, la loi n’exige plus une provision préalable à
l’émission du chèque.
Il convient enfin de signaler que, comme en matière de lettre de change, la
provision n’est pas une condition de validité du chèque; un chèque sans provision
n’est pas nul, il est bien un chèque, mais l’absence ou l’insuffisance de la provision
au moment de la présentation du chèque au paiement donne lieu à des sanctions
pénales.

32
C- LE TRANSFERT DE LA PROPRIETE DE LA PROVISION :
L’émission du chèque a pour effet de transférer la propriété de la provision
détenue par le banquier au bénéficiaire du chèque. Cette propriété passera ensuite
à tout nouveau porteur du chèque, que ce soit par tradition ou par endossement.
L’art.256 dispose en effet que l’endossement transmet tous les droits résultant du
chèque et notamment, la propriété de la provision.
Ce transfert de la propriété de la provision du tireur au porteur a, sur le
plan juridique, des conséquences d’une grande importance :
- ainsi, ni le décès du tireur, ni son incapacité survenue après l’émission du
chèque ne peuvent affecter le droit du porteur ;
- de même, le redressement ou la liquidation judiciaire du tireur ne peuvent
empêcher le paiement du chèque ;
- en outre, les créanciers du tireur ne peuvent pratiquer une saisie-arrêt sur
la provision du chèque, à condition pour le porteur de prouver qu’il a acquis le
chèque avant la saisie.
§ 3 - JUSTIFICATION D’IDENTITE
L’article 251 a consacré officiellement l’obligation pour toute personne qui
"remet" un chèque en paiement de justifier de son identité au moyen d’un document
officiel portant sa photographie.
Comme le texte parle de "toute personne" qui remet un chèque en paiement,
il serait judicieux de savoir de quelle personne il s'agit ?
S'agit-il du tireur, qui doit justifier de son identité, lorsqu'il remet le chèque
en paiement à son créancier ?
Ou est-ce qu'il s'agit du porteur lorsqu'il présente le chèque à la banque
pour recouvrement ?
Nous pensons qu'il ne peut s'agir que du tireur pour les raisons suivantes :
- d'une part, parce que le texte parle de la personne qui "remet" le chèque
en paiement dans le sens de l'émission car, si le législateur avait l'intention de
viser le bénéficiaire, il aurait parlé de "toute personne qui présente un chèque au
paiement" ;

33
- d'autre part, ce qui conforte encore cette position, c'est que l'article 251
figure parmi les dispositions du chapitre I relatif à la création du chèque et non pas
dans le chapitre IV relatif à la présentation et au paiement du chèque.
On pourrait penser qu'il aurait été plus simple, pour lever toute ambiguïté,
que le texte de l’article 251emploie le terme "tireur" au lieu de l'expression
générale "toute personne"; c'est que cette expression englobe même le bénéficiaire
d'un chèque qui peut le remettre en paiement à un nouveau bénéficiaire en
l'endossant, auquel cas, il doit aussi justifier de son identité.
§ 4 - LA CIRCULATION DU CHÈQUE
Rappelons que le chèque au porteur ou à blanc se transmet par tradition.
S’il est nominatif, il convient de distinguer :
+ s’il est non à ordre ou non endossable, il ne peut se transmettre que par
cession de créance ;
+ s’il est à ordre, il est transmissible par endossement :
- soit par endossement translatif de propriété : dans ce cas l’endosseur
a le choix de l’endosser au porteur ou à blanc (auquel cas il peut circuler par
tradition) ou même nominatif.
- soit par endossement à titre de procuration, exactement comme
pour la lettre de change (en pratique, en cas de remise à l’encaissement par la
banque).
Mais l’endossement du chèque ne peut jamais être fait en garantie (à titre
pignoratif).
Telles sont les conditions de création du chèque qui bénéficie, comme les
autres effets de commerce, des avantages du droit cambiaire ; mais le législateur
ne s’est pas contenté de ce système cambiaire pour protéger le chèque, il a instauré
d’autres systèmes de protection spécifiques au chèque.

34
SECTION II - LES SYSTEMES DE PROTECTIONDU CHEQUE
Le chèque bénéficie naturellement de la protection du système cambiaire,
mais il se distingue en outre par une protection traditionnelle et spéciale d’un
système pénal auquel s’est greffé récemment un autre système bancaire.
§ I- LE SYSTEME CAMBIAIRE
Comme les autres effets de commerce, le chèque, qu’il soit civil ou
commercial, est également soumis au droit cambiaire
Le porteur impayé peut en effet exercer ses recours cambiaires contre tous
les signataires du chèque (D), mais pour cela il doit se montrer diligent et
accomplir certaines obligations de vigilance que lui impose la loi, à savoir
présenter le chèque au paiement (A), et à défaut de paiement faire dresser protêt
(B) tout en respectant les délais de prescription (C).
A- LA PRESENTATION AU PAIEMENT :
Elle peut se faire dès le jour de l’émission puisque le chèque est payable à
vue. Le porteur dispose néanmoins d’un certain délai pendant lequel il doit
présenter le chèque au paiement sous peine de perdre son droit au recours
cambiaire.
Les délais sont actuellement de 20 jours de l’émission pour les chèques émis
au Maroc, et de 60 jours pour les chèques émis à l’étranger (article 268).
Ces délais courent du jour porté sur le chèque comme date d’émission, et la
présentation à la compensation vaut présentation au paiement.
- Après l’expiration du délai de présentation, s’il a provision, le tiré est
tenu quand même de payer. L'article 271 premier alinéa prévoit en effet que "Le
tiré doit payer même après l'expiration du délai de présentation".
Que se passerait-il si la banque refuse de payer?
L’art.319 du code a prévu une amende de 5000 à 50 000 dh contre le
banquier qui refuse de payer un chèque dont le délai de présentation a expiré. Cet
article prévoit effectivement: "Est passible d'une amende de 5.000 à 50.000 dirhams
: 3°/ le tiré qui contrevient aux dispositions de l'article 271 (1er alinéa),…
Les peines étant délictuelles, la prescription d'une telle infraction est donc
de 5 ans.

35
- Si la provision est insuffisante, le tiré a désormais l’obligation de
proposer au porteur le paiement jusqu’à concurrence de la provision disponible ;
dans ce cas, ce dernier ne peut pas refuser ce paiement et doit délivrer une
quittance au tiré et mention de ce paiement partiel doit être faite sur le chèque
(art.273).
Le porteur est alors tenu de faire protester le chèque pour le surplus,
exactement comme pour le défaut total de paiement du chèque.
Il faut dire qu’actuellement dans la pratique, les banques refusent tout
paiement même s’il ne s’agit que d’une insuffisance dérisoire. Et comme cette
obligation, à la différence de la précédente, est dépourvue de sanction, elle n'a pas
beaucoup de chance d'être appliquée8.
B- LE PROTET :
A défaut de paiement, le porteur doit faire dresser protêt pour pouvoir
exercer son recours cambiaire.
Le protêt doit être fait avant l’expiration du délai de présentation ; et si
celle-ci a lieu le dernier jour du délai, il peut être établi le premier jour ouvrable
suivant.
* Les avis :
Le porteur a ensuite un délai de 8 jours ouvrables qui suivent le jour du
protêt pour donner avis du défaut de paiement à son endosseur et au tireur. En cas
de clause de retour sans protêt, ce délai court du jour de la présentation.
De son côté, le secrétariat greffe du tribunal est tenu de prévenir le tireur
des motifs du refus de paiement par lettre recommandée dans les 4 jours du
protêt, à condition, dit le texte, que le chèque contienne le nom et l’adresse du
tireur !
Chaque endosseur doit aviser son endosseur dans les 4 jours ouvrables qui
suivent la réception de l’avis en remontant jusqu’au tireur.
Les avis peuvent être donnés sous n’importe quelle forme, notamment par
lettre missive (art.285, al.6).

8
Il reste quand même au porteur une solution judiciaire. Au cas où la banque refuse de payer
un chèque pour provision insuffisante, sans motif légal, le porteur peut saisir le président du
tribunal qui peut ordonner le constat de la situation, ou adresser une injonction à la banque ou
tout autre mesure urgente, pour pouvoir exercer ensuite ses droits et réclamer dédommagement.
36
Celui qui ne donne pas l’avis dans le délai n’encourt pas de déchéance, mais
devient responsable du préjudice causé par la négligence (paiement de dommages-
intérêts sans qu’ils puissent dépasser le montant du chèque).
Bien entendu, si la mention retour sans protêt figure sur le chèque, le
porteur est dispensé de faire dresser protêt pour exercer ses recours, mais ceci ne
le dispense pas de donner les avis nécessaires sous peine de se voir condamné à
des dommages-intérêts.
* La saisie conservatoire :
Toutefois, on ne peut ne pas évoquer cette importante innovation apportée
par l’art.301 du code qui a donné à la notification du protêt faite au tireur la valeur
d’un commandement de payer.
C’est à dire que, par la notification du protêt, le tireur est invité à payer sous
peine de faire l’objet d’une saisie;le commandement de payer constitue le
préambule d’une saisie.
En effet, après l’établissement du protêt et sa notification au tireur par le
greffe du tribunal par lettre recommandée, le porteur peut solliciter du président
du tribunal de rendre une ordonnance sur requête l’autorisant à procéder à toute
saisie conservatoire contre les signataires du chèque ; c’est à dire de mettre sous le
contrôle de la justice tous leurs biens, quelle que soit leur nature (meubles ou
immeubles)9.
Après l’expiration d’un délai de 30 jours qui suivent la saisie conservatoire,
si le porteur n’est pas payé, il peut faire procéder à la vente des objets saisis.
Cependant, malgré le respect par le porteur de ses obligations de vigilance,
s’il néglige d’exercer ses recours cambiaires avant l’expiration des délais de
prescription, il peut être déchu de son droit.
C- LES DELAIS DE PRESCRIPTION :
Il s’agit de la prescription des recours cambiaires qui est une prescription
extinctive ou libératoire, c’est à dire qui éteint l’action cambiaire qui résulte de
l’engagement par chèque.
Ainsi, le porteur, même diligent (c’est à dire qui a présenté le chèque dans
les délais et fait dresser protêt), s’il n’a pas poursuivi le recouvrement du chèque

9
V. travaux préparatoires du parlement, tome I, p.158
37
pendant les délais qui lui sont impartis par la loi, perd son droit au recours
cambiaire. Les signataires du chèque ne peuvent en effet rester éternellement
menacés par des recours aussi solides.
L’art.295 a prévu trois délais de prescription en fonction des parties en
présence :
- Pour les actions du porteur contre les endosseurs, le tireur et les
autres obligés la prescription est de 6 mois à partir de l’expiration du délai de
présentation.
- Pour les actions des divers obligés les uns contre les autres la
prescription est également de 6 mois à partir du jour où l’obligé a remboursé (à
l’amiable) ou du jour où il a lui-même été actionné en justice.
- Enfin, pour l’action du porteur contre le tiré le délai de prescription est
devenu d’un un (au lieu de trois ans précédemment prévu par le dah.39) à partir
de l’expiration du délai de présentation.
D- LES RECOURS CAMBIAIRES :
Lorsque le tireur aura accompli ses obligations de vigilance, il peut alors
exercer ses recours cambiaires contre toutes les personnes obligées en vertu du
chèque. Celles-ci sont en effet tenues solidairement envers le porteur (art.287). Ce
dernier peut agir contre ces signataires individuellement (séparément) ou
collectivement et sans avoir à respecter l’ordre dans lequel ils se sont obligés.
Il peut leur réclamer le montant du chèque non payé, les intérêts à partir du
jour de la présentation, les frais du protêt et des avis…
Celui qui aura remboursé le chèque et ces frais, aura alors les mêmes droits
que le porteur (recours contre les autres signataires avec solidarité).
Cependant, en cas de prescription ou en cas de déchéance, le porteur
négligent ne perd pas tous ses droits, il conserve :
- une action de droit commun contre les différents obligés pour
enrichissement sans cause (normalement le porteur devra intenter son action
contre celui qui lui a remis directement le chèque car, comme on le sait, la remise
du chèque n’emporte pas novation, c’est à dire qu’elle ne se substitue pas à
l’obligation originaire ; l’extinction de celle-ci ne s’opère que par le paiement du
chèque) ;

38
- une action contre le tiré qui a provision (art.295, al.3) ;
- une action cambiaire contre le tireur qui n’a pas fait provision (art.241,
al.4). Or, celui-ci reste passible du pénal. Mais il convient de signaler que ces règles
ne s’appliquent que pour l’exercice de l’action cambiaire car, pour l’exercice de
l’action pénale :
* le porteur n’a pas besoin de faire dresser protêt ;
* et l’action publique ne s’éteint pas par les délais de prescription de l’action
cambiaire. Étant donné que nous sommes dans le domaine délictuel, l’infraction ne
s’éteindra que par la prescription correctionnelle de 5 ans.
En pratique, tous les porteurs de chèques sans provision préfèrent recourir
au pénal vu son caractère répressif par rapport au système cambiaire, mais
actuellement le système bancaire s’est imposé préalablement au système pénal.
§ II- LE SYSTEME BANCAIRE :
La philosophie de ce système consiste à assujettir les banques à certaines
obligations (A) tout en les soumettant à un système de responsabilité (C) et en
permettant à leurs clients de réparer leurs incidents (B).
A- LES OBLIGATIONS DES BANQUES
Les obligations des banques se répartissent sur deux étapes: lors de
l'ouverture des comptes aux clients et lors des incidents de paiement.
a- Lors de l’ouverture des comptes
L’art.448 oblige en effet les banques, préalablement à l’ouverture des
comptes de vérifier :
* En ce qui concerne les personnes physiques : le domicile et l’identité du
postulant par le moyen de :
- la carte d’identité nationale pour les nationaux ;
- le passeport pour les étrangers ou la carte de séjour pour les étrangers
résidant au Maroc.
* En ce qui concerne les personnes morales : de vérifier leur forme, leur
dénomination, leur siège social, le numéro de l’impôt sur les sociétés ou le numéro
du registre de commerce ou le numéro de la patente, l’identité et les pouvoirs des
personnes physiques habilitées à effectuer des opérations sur le compte à ouvrir.

39
Une fois le postulant contrôlé par le biais de ces documents, il doit faire
l’objet d’une enquête bancaire.
L’établissement bancaire doit en effet, à l’occasion de toute ouverture de
compte et préalablement à la délivrance du premier chéquier, consulter Bank Al-
Maghrib (B.M.) sur les antécédents bancaires du postulant (les incidents de
paiement et leurs suites).
b - Lors des incidents de paiement
En cas d’incident de paiement, c’est-à-dire de refus de paiement d’un
chèque pour défaut de provision suffisante, la banque tirée doit adresser une
lettre d’injonction au tireur (son client) par laquelle, elle l’invite :
- à lui restituer, ainsi qu’à toutes les banques dont il est le client, les
formules de chèques en sa possession et en celle de ses mandataires ;
- et de ne plus émettre pendant 10 ans des chèques autres que les chèques
de retrait et les chèques certifiés.
La banque doit aussi en informer les mandataires du titulaire du compte et,
s’il s’agit d’un compte collectif, les autres titulaires du compte ; car ces derniers
subissent aussi, de plein droit -dit le texte, les mêmes mesures tant en ce qui
concerne le compte objet de l’incident qu’en ce qui concerne les autres comptes
collectifs (art.315).
Le tiré qui a refusé le paiement doit alors déclarer l’incident à B.M. (SCIP)
Bank Al-Maghrib qui assure le contrôle de ce système, exerce son rôle par
une sorte de «casier bancaire» (à l’instar du casier judiciaire) détenu par le Service
Central des Incidents de Paiement (le S.C.I.P.). Car, en vertu de l’article 322, les
banques sont tenues par ailleurs de déclarer à BAM tous les incidents de paiement
survenus dans leurs agences. Il en est de même pour les tribunaux lorsqu’ils
prononcent une interdiction d’émettre des chèques.
Ainsi, le S.C.I.P. centralise tous les antécédents des clients ayant fait l’objet
d’une déclaration et se charge de les communiquer aux banques.
Ce service détient d’ailleurs aussi tous les renseignements sur les violations
par les banques de leurs obligations de contrôle et de leurs obligations de sanction.
La banque tirée, de même que les autres banques lorsqu’elles sont
informées de l’incident par B.M. ne doivent plus délivrer de chéquier pendant 10

40
ans au titulaire du compte objet de l’incident ou à son mandataire tant que
l’incident n’a pas été régularisé. Le compte reste donc ouvert, mais son titulaire ne
pourra disposer des ses fonds que par le biais des chèques de retrait et, le cas
échéant, par des chèques certifiés.
L’article 309 al. 1 oblige les banques, lorsqu’elles refusent de payer un
chèque, de délivrer au porteur un certificat de refus de paiement.
Il est enfin important de signaler que l’auteur de l’incident de paiement n’a
droit à aucun recours contre la décision d’interdiction bancaire, serait-elle
arbitraire ; ceci sachant que la banque pourrait être en même temps juge et partie
en cas de conflit concernant la provision. Le code est resté, en tout cas, muet sur la
question. La seule solution qui lui reste pour recouvrer la faculté d’émission c'est
de réparer l'incident.
B – LA REPARATION DE L'INCIDENT
La loi permet au titulaire du compte qui reçoit l’injonction de retrouver la
faculté d’émission des chèques à condition de régulariser l’incident et de payer une
amende forfaitaire.
a- La régularisation
Pour recouvrer sa faculté d’émission, le tireur a le choix entre deux
procédés de régularisation :
- soit la régularisation directe : c’est à dire le règlement du montant du
chèque impayé entre les mains du porteur, il doit alors présenter le chèque
acquitté au tiré ;
- soit la régularisation indirecte : en constituant une provision suffisante et
disponible pour le règlement du chèque par les soins du tiré. On remarquera que si
le texte exige une provision disponible, c’est pour indiquer au titulaire du compte
de ne pas en disposer (notamment par l’émission d’un autre chèque) et la laisser à
la disposition du porteur du chèque objet de l’incident. Autrement, le banquier n’a
pas l’obligation de bloquer cette provision au profit de ce porteur et si un autre
chèque est présenté au paiement, le tiré ne peut refuser de le payer.
b - L’amende forfaitaire
Après la régularisation, le tireur doit s’acquitter d’une amende forfaitaire
dont le taux dépend du nombre de répétition des incidents de paiement : (art.314)

41
- A la 1ère injonction, le taux de l’amende est de 5 % du montant du chèque
impayé.
- A la 2nde injonction, ce taux est de 10 %.
- Et, à partir de la 3ème injonction, il est de 20%10.
Par conséquent, le titulaire d’un compte a indéfiniment la possibilité de
régulariser ; chaque fois qu’il fait l’objet d’une interdiction, il a un délai de 10 ans
pour payer le montant du chèque, il lui suffit ensuite de s’acquitter de l’amende
forfaitaire correspondante au nombre d’injonctions pour récupérer la faculté
d’émission. La régularisation est devenue une faculté permanente.
Mais, la régularisation n’empêchera pas le tireur d’être poursuivi
pénalement.
Néanmoins, pour assurer le respect de ce système bancaire, le législateur a
assujetti les banques à un véritable système de responsabilité.
C - LA RESPONSABILITE DES BANQUES
Cette responsabilité est assortie de deux sortes de sanctions, des sanctions
pénales et des sanctions de garantie.
a- Les sanctions pénales : (art.319)
Les violations des obligations bancaires sont érigées en infractions passibles
d’une amende de 5000 à 50 000 dh, notamment :
- le défaut de déclaration à B.M. des incidents de paiement et des émissions
au mépris de l’interdiction ;
- le refus de payer des chèques après l’expiration du délai de présentation
ou des chèques émis en violation de l’interdiction ;
- le refus de délivrer le certificat de refus de paiement ;
- la délivrance de formules de chèques à un interdit bancaire ou judiciaire
ou à son mandataire ;

10
- V. arrêté du ministre de l'économie et des finances du 12 août 1998 fixant les modalités
d'acquittement de cette amende. (B.O. n° 4618 du 3/9/1998, p. 497). Suivant ce texte, l'amende
forfaitaire doit être acquittée par l'intéressé à la perception de son choix au vu de l'injonction à
lui faite par la banque tirée. Cette injonction tient lieu de bulletin de versement, elle doit
comporter un certain nombre de mentions notamment le rang de l'injonction. Cette dernière
doit être établie en double exemplaire dont l'original est destiné à justifier la recette réalisée et
le second exemplaire est remis à l'intéressé après paiement pour justifier l'acquittement de
l'amende auprès de la banque.
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- le défaut d’adresser une injonction en cas d’incident de paiement invitant
son auteur à restituer les formules de chèques et de ne plus émettre de chèques
pendant 10 ans.
Il appartient alors à B.M. de centraliser les renseignements concernant ces
infractions commises par les banques et de les communiquer au procureur du roi
(art.322 in fine).
b- Les sanctions de garantie : (art.320)
En plus de ces infractions pénales, le code de commerce a aménagé autour
de ces obligations spéciales du banquier un système de responsabilité pour faute.
La faute est caractérisée du seul fait de ne pas avoir accompli ces formalités et il
devient alors garant des émissions sans provision. Il doit payer jusqu’à
concurrence de 10 000 dhs par chèque malgré l’absence ou l’insuffisance ou
l’indisponibilité de la provision :
- tout chèque qu’il a délivré à un interdit bancaire ou judiciaire, ou à un
nouveau client avant d’avoir consulté B.M. ;
- et tout chèque dont il n’a pas réclamé la restitution suite à un incident.
Devant cette situation, le législateur a prévu deux hypothèses :
+ 1ère hypothèse : le banquier tiré paie le chèque : dans ce cas, il est subrogé
dans les droits du porteur à concurrence de la somme avancée (art.321). Pour cela,
il doit faire dresser protêt ; ensuite :
* si le compte du tireur s’avère créditeur, la banque peut prélever d’office le
montant qui lui est du ;
* sinon, elle doit adresser une mise en demeure au titulaire du compte pour
payer et, à défaut de paiement dans les 30 jours de cette mise en demeure, elle
peut entamer la procédure de la saisie conservatoire en vue de la vente des objets
saisis (art.321).
+ 2ème hypothèse : la banque tirée refuse de payer le chèque : dans ce cas, on
peut se trouver devant deux situations :
# soit elle prouve avoir satisfait à ses obligations,11

11
Suivant les cas relatifs à l’ouverture du compte, ou à la délivrance des formules de
chèques, ou à l’injonction de restituer ces formules, ou aux déclarations qui doivent
être faites à B.M.
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# sinon, elle devient tenue solidairement avec le tireur de payer au
porteur :
- une somme égale au montant du chèque jusqu’à concurrence de 100 000 dhs ;
- plus les dommages-intérêts en raison du non paiement (art.320 al.2).
Et, dans ce cas, elle ne peut se subroger au porteur dans ses droits.
Après tous ces déboires du législateur pour inventer ce système de garantie,
on peut se poser une toute petite question pratique: comment le porteur qui se
verra rejeter un chèque par la banque tirée saura –t-il que c'est la banque qui est à
l'origine de la faute (par exemple parce qu'elle a délivré un chéquier à un interdit
bancaire, qui est son débiteur)pour pouvoir lui réclamer le montant du chèque
impayé malgré l'absence ou l'insuffisance de la provision?
Enfin, devons-nous rappeler, ce système bancaire n’a pas remplacé le
système pénal, il s’est seulement greffé à lui. Par conséquent, qu’il y ait ou non
régularisation, rien n’empêche le déclenchement du système pénal.
§ III- LE SYSTEME PENAL :
C’est sur ce système que notre législation repose depuis près d’un siècle
pour protéger la fonction du chèque en tant qu’instrument de paiement à vue. C’est
sur la base de cette idée que repose tout l’arsenal répressif du chèque avec toutes
ses infractions et ses sanctions.
A- LES INFRACTIONS EN MATIERE DE CHEQUE :
Contrairement aux autres effets de commerce qui sont soumis aux règles de
droit commun en cas de fraudes (généralement on recherche les éléments de
l’escroquerie), le chèque se singularise par des infractions spéciales,
« perfectionnées » par le dahir de 1939 et le code pénal de 1962 et reprises par le
code de commerce de 1996 avec d’importantes modifications.
Les principales infractions en matière de chèque sont celles relatives à la
provision, il s’agit : de ce que le code a appelé l’omission de constituer ou de
maintenir la provision, de l’opposition et de l’acceptation ou l’endossement des
chèques sans provision.

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a - L’omission de constituer ou de maintenir la provision :
Il s’agit de la fameuse émission de chèque sans provision du dahir de 1939
qui est l’infraction la plus courante en matière de chèque. Par sa nouvelle formule,
le législateur de 1996 a complètement modifié la physionomie de cette infraction.
Alors que les articles 70 dah 1939 et 543 du code pénal sanctionnaient celui
qui, de mauvaise foi, a émis un chèque sans provision préalable et disponible
ou avec une provision inférieure au montant du chèque, l’art. 316-1° du nouveau
code incrimine le tireur qui a omis de constituer ou de maintenir la provision
du chèque en vue de son paiement à présentation.
Ce changement de formule soulève des observations d’une extrême
importance :
1/ Disparition de l’élément moral :
Le code a purement et simplement supprimé la mauvaise foi en tant
qu’élément constitutif de cette infraction. Lorsque la provision fait défaut, le tireur
n’est plus censé être de mauvaise foi, il est passible des peines de l’art. 316 même
s’il est de bonne foi.
Il s’agit là d’une innovation législative sans précédent, mais en réalité il ne
s’agit guère d’une nouveauté pour la pratique puisque les tribunaux n’ont jamais
distingué l’intention criminelle de l’acte matériel. Pour la jurisprudence, la
mauvaise foi a toujours consisté dans le seul fait de la connaissance par le tireur de
l’absence, de l’insuffisance ou de l’indisponibilité de la provision, autrement dit, la
seule absence de la provision pour le paiement du chèque constituait une
présomption de mauvaise foi.
Mieux encore, l’art. 316 a employé le terme d’« omission » de constituer la
provision ; or une omission, psychologiquement parlant, est dépourvue de toute
volonté de commettre l’infraction. Donc, l’absence de provision est devenue
purement et simplement une infraction par omission et, une simple négligence ou
imprudence de la part du tireur le rend passible des peines de l’art. 316.
2/ Disparition des concepts à connotation temporale :
Le nouveau texte ne prend plus en considération l’existence d’une
provision préalable à l’émission, c’est-à-dire que le législateur n’exige plus que la
provision soit constituée dans le compte avant l’émission du chèque. Par

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conséquent, le délit ne sera réalisé que si la provision fait défaut au moment de la
présentation du chèque au paiement.
Par contre, il est étonnant de voir l’art. 316 exiger de maintenir la
provision au moment où l’infraction n’est constituée que lors de la présentation au
paiement.
Or, l’obligation de maintenir la provision n’est autre que l’interdiction faite
au tireur de retirer la provision après l’émission. Donc, comme la provision ne
doit exister qu’au moment de la présentation, on en déduit que le délit de retrait
n’a plus aucune raison de figurer dans le texte sous forme d’obligation de
maintenir la provision.
b - L’opposition irrégulière :
L’opposition est l’acte par lequel le tireur fait défense au tiré de payer un
chèque qu’il a émis.
Sous le dahir de 1939, l’opposition était permise dans seulement deux cas :
la perte du chèque et la faillite du porteur (devenue sous le nouveau code
redressement ou liquidation judiciaire).
L’art. 271 du code de 1996 a ajouté trois autres cas légaux d’opposition :
- Le vol du chèque : mais le législateur n’a fait que consacrer une
jurisprudence qui a constamment assimilé le vol à la perte.
- L’utilisation frauduleuse du chèque : non seulement le législateur n’a
pas donné d’explication sur ce concept, mais même la question des députés au
parlement sur le sens de cette nouvelle notion n’a pas reçu de réponse de la part
du ministère concerné. Cependant, une note officielle en France (qui est l’auteur de
ce concept) a avancé deux hypothèses : celle d’un mandataire révoqué qui continue
de se servir du chéquier de son mandant et celle de l’épouse, par exemple, qui
utilise le chéquier de son conjoint. Or dans ces cas, l’opposition serait valable
même en l’absence de cette notion dans le texte dans la mesure où le titre, dans ces
hypothèses, ne vaut pas comme chèque pour absence de signature du tireur (qui
est le titulaire du compte) et pour irrégularité de la signature portée sur le titre.
- La falsification du chèque : elle a également été ajoutée comme motif
légal de l’opposition ; or, qu’est ce que la falsification sinon une forme d’utilisation
frauduleuse du chèque qui est déjà consacrée ? De plus, on se demande comment

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est-ce qu’il serait possible au tireur de se rendre compte de la falsification du
chèque avant sa présentation au paiement pour pouvoir faire opposition ? Ce sont
là deux raisons qui démontrent l’inutilité de ce motif de l’opposition.
Par contre le législateur n’a pas estimé utile d’accorder le droit à
l’opposition aux tireurs victimes d’escroqueries et d’abus de confiance. La
jurisprudence leur a également toujours refusé ce droit sous prétexte qu’il y a
remise volontaire du chèque.
Par conséquent, celui qui fait opposition en dehors des cas prévus par le
législateur encourt les mêmes peines de l’émission sans provision.
Par ailleurs, dans le cas d’une opposition irrégulière, le porteur peut
demander au président du tribunal de prononcer la mainlevée de cette opposition
même si une instance en principal est engagée.
On notera enfin une nouveauté introduite par l’art. 271al. 2 qui fait
obligation au tireur de confirmer son opposition par écrit, quel que soit le support
de cet écrit (lettre, fax…) et d’appuyer son opposition par les documents
nécessaires !
c- L’acceptation et l’endossement des chèques de garantie :
L’art. 316, 6°/ sanctionne « toute personne qui, en connaissance de cause
accepte de recevoir ou d’endosser un chèque à la condition qu’il ne soit pas
encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie ».
On notera d’abord, que l’endossement d’un chèque de garantie est pour la
première fois incriminé légalement. Auparavant, les tribunaux sanctionnaient bien
l’endossement de tels chèques, mais sous le couvert de l’acceptation, c’est que les
juges retenaient l’endossement comme un critère de l’acceptation de chèques sans
provision.
Quant à l’acceptation de chèque de garantie, le texte de 1996 n’a pas
retenu la formule des articles 70 dah. 39 et 543 CP qui sanctionne l’acceptation de
chèque sans provision, il a préféré consacrer celle de l’art. 544 CP qui consiste en
l’acceptation d’un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement et
qu’il soit conservé à titre de garantie.
Ainsi, selon cette formule retenue par l’art. 316, l’infraction se réalise par la
seule existence de l’accord sur la condition de ne pas encaisser immédiatement le

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chèque et cemalgré l’existence de la provision. Or, dans ce cas, seul le bénéficiaire
qui accepte de recevoir un tel chèque sera sanctionné, le tireur ayant provision
n'étant pas en infraction.
On notera enfin que pour faire respecter les interdictions bancaire et
judiciaire par les titulaires de comptes interdits, le code de 1996 a incriminé
l’émission de chèque au mépris d’une interdiction d’un emprisonnement d’un
mois à 2 ans et d’une amende de 1.000 à 10. 000 dhs malgré l’existence de la
provision. Et si la provision fait défaut, ces peines sont portées au double. (art.
318).
Toutefois, en pratique cette infraction ne risque pas d'être sanctionnée!
Ce qui nous amène à aborder le domaine des sanctions.
B - LES SANCTIONS PENALES :
- L’art. 316 prévoit des sanctions communes à toutes les infractions en
matière de chèque à savoir, l’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2.000
à 10.000 dhs sans qu’elle puisse être inférieure à 25% du montant du chèque ou de
l’insuffisance de la provision (sous le régime du dah. 39 l’amende ne pouvait être
inférieure au montant du chèque).
- En outre, le tribunal peut prononcer une interdiction d’émission de chèque
de 5 ans avec injonction de restituer les formules de chèques au banquier.(art.
317)
- Il peut aussi ordonner, aux frais du condamné, la publication des extraits
de la décision d’interdiction dans les journaux.
Cependant, si ces sanctions paraissent normales, il n’en est pas de même de
leur régime d’application qu’on peut qualifier d’un régime d’exception :
- En ce qui concerne la récidive, toutes les infractions en matière de chèque
sont considérées comme constituant un même délit (art. 323).
- Le sursis ne peut être accordé que pour les peines d’emprisonnement (art.
324), il n’est donc pas applicable à l’amende.
- Le tireur d’un chèque sans provision ne peut bénéficier des circonstances
atténuantes que s’il constitue ou complète la provision dans les 20 jours de la
présentation ! Il se pose alors le problème de savoir comment le tireur pourra
prendre connaissance du jour de la présentation sachant que les poursuites

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pénales ne sont pas soumises au protêt et aux avis de non paiement, il serait
possible de compter sur la lettre d’injonction de la banque, mais le législateur ne
fixe aucun délai à cette dernière pour l’envoi de l’injonction.
Par ailleurs, pour permettre à la victime de réclamer son du lors des
poursuites pénales, la loi lui permet, en se constituant partie civile, de demander
devant la juridiction pénale la somme du montant du chèque et les dommages-
intérêts.
Mieux encore, l’art. 326 du nouveau code a permis au juge, même en
l’absence de constitution de partie civile, de condamner d’office le tireur à payer au
bénéficiaire le montant du chèque , les dommages-intérêts et tous les frais
résultant du non-paiement.

PLAN DU COURS

INTRODUCTION
Chapitre 1- LA LETTRE DE CHANGE
Section 1 – EMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE
§ 1 - La capacité
§ 2 – Les mentions obligatoires
Section 2 - L’acceptation
§ 1 - FORMES ET MODALITES
§ 2 - CONSEQUENCES DE L’ACCEPTATION
A - Provision et valeur fournie
B - Inopposabilité des exceptions du tiré au porteur
C - Les exceptions opposables au porteur
D - Les effets de complaisance et de cavalerie
Section 3 - LES GARANTIES DE PAIEMENT DE LA LC
§ 1 - LE TRANSFERT DE LA PROPIETE DE LA PROVISION
§ 2 - LA SOLIDARITE
§3 - L’AVAL

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Section 4 - LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE
§1- L’ENDOSSEMENT TRANSLATIF DE PRORIETE
§2 - L’ENDOSSEMENT PAR PROCURATION
§3 - L’ENDOSSEMENT PIGNORATIF
Section 5 – PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE
§1- L’ECHEANCE
§2 - LA PRESENTATION AU PAIEMENT
Section 6 - LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LC
§1 - L’OPPOSITION AU PAIEMENT
§2 - LE REFUS DE PAIEMENT
A - Le protêt
B - Le cas de dispense du protêt
Section 7 - LES RECOURS
§1 - LES RECOURS DU PORTEUR DILIGENT
§2 - LES DECHEANCES DU PORTEUR NEGLIGENT
§3 - LES PRESCRIPTIONS DES RECOURS
CHAPITRE 2 - LE BILLET A ORDRE
Section 1 - SPECIFICITES
§1 - Définition
§2 - Nature du billet à ordre
§3 - Régime cambiaire
Section 2 - CONDITIONS DE VALIDITE
§1 - LES CONDITIONS DE FORME
A - La dénomination « billet à ordre »
B - La promesse pure et simple de payer
§2 - LES CONDITIONS DE FOND
A - La capacité
B - Absence de la notion de provision
C - Absence de la notion d’acceptation
CHAPITRE III - LE CHEQUE
Section I- LES CONDITIONS DE CREATION DU CHEQUE
§ I- LES CONDITIONS DE FORME

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§ II- LA PROVISION du chèque
§ 3 - JUSTIFICATION D’IDENTITE
§ 4 - LA CIRCULATION DU CHÈQUE
Section II - LES SYSTEMES DE PROTECTION DU CHEQUE
§ I- LE SYSTEME CAMBIAIRE
A- LA PRESENTATION AU PAIEMENT :
B- Le protêt :
C- Les délais de prescription :
D- Les recours cambiaires :
§ II- LE SYSTEME BANCAIRE :
A- Les obligations des banques
B – La réparation de l'incident
§ III- LE SYSTEME PENAL
A- Les infractions en matière de chèque
B - Les sanctions pénales

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