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INTRODUCTION
Le droit ne saurait rester indifférent face au bouleversement technologique de l’Internet.
Les Etats représentés par leur législateur n’ont pas hésité à encadrer les conséquences du
développement de l’internet. A l’origine, l’internet était dédié à la recherche scientifique, mais
aujourd’hui, le cyberespace est ouvert aux activités économiques, culturelles, politiques,
sociales, … etc. Dans ce cyberespace, sont accueillies toutes formes de communication,
d’informations et de transactions avec toutes personnes dans le monde entier. Bien que ces
nouveaux échanges ont créé de nouvelles activités de nature variée, il faut se rendre à
l’évidence que les relations entre les différents acteurs du cyberespace se nouent à travers le
recours à un outil juridique indispensable : le contrat. Le contrat a été qualifié par le doyen
JEAN CARBONNIER, de pilier du droit. On se rend compte qu’avec le développement du
cyberespace, que le contrat prend une forme électronique et dans cette environnement, il est
conclu chaque jour, minute, seconde, partout dans le monde par celui qui navigue sur des sites
internet. Le contrat se définit comme un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes
destinées à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. En d’autres termes, le
contrat est un accord générateur d’obligations. Cet accord qui se noue des relations entre deux
ou plusieurs personnes dans le monde réel se prolifère aujourd’hui dans le monde virtuel, ce
qui a donné naissance aux contrats électroniques ou contrats conclus par voie électronique.
Cette naissance amène à s’interroger sur les traits et les contours de ce contrat. Par contrat
électronique, s’agit-il d’une nouvelle espèce de contrats ou d’une nouvelle modalité de
contracter ? Avant de définir le contrat électronique, une distinction doit être faite entre les
contrats de l’internet et ceux conclus via internet.
Les contrats de l’internet font partie de la nouvelle économie, ils désignent des
contrats spéciaux des réseaux numériques tels que le contrat de fourniture d’accès et
d’hébergement, de création de sites internet, de référencement. Ce qui caractérise ces
contrats, c’est leur objet qui est la fourniture d’une prestation de services
spécifiques, à savoir, accéder à internet ou l’utiliser.
Les contrats conclus via internet couvrent les contrats de l’ancienne économie qui se
nouent via internet. Il peut s’agir de la vente des lunettes, voitures, voyages,
téléchargement de musique, la fourniture d’un service, la souscription d’une
assurance. Ce sont des contrats ordinaires soumis au régime des figures juridiques
qu’ils utilisent, c’est-à-dire, qu’ils constituent la catégorie des contrats nommés, dont
le régime juridique fait l’objet de dispositions légales particulières. C’est le cas de la
vente, du mandat, du louage de choses.
L’internet se présente donc comme un vecteur de rencontres entre l’offre et la demande.
Autrement dit, il ne s’agit pas d’un nouveau contrat spécial, mais d’un contrat qui se forme
par voie électronique via les réseaux. Un auteur résume bien cette pensée en ces termes : « le
contrat conclu par voie électronique n’est pas un nouveau modèle mais un « vieux
patron » qu’on utilise dans un nouveau contexte ; il s’agit d’une nouvelle façon de
contracter mais pas d’un nouveau contrat. ». Cette affirmation rejoint l’option prise par le
législateur qui a fait le choix de ne pas produire un droit nouveau, mais d’adapter autant que
possible des droits généraux d’origine civile, pénale, commerciale, constitutionnel ou
spécifique comme ceux de la propriété intellectuelle, du commerce, de la concurrence, de la
communication pour des réalités techniques nouvelles et à des situations juridiques le plus
souvent connues. La loi 2010/021 du 21 /12/2010 régissant le commerce électronique au
Cameroun, et qui abordent les contrats électroniques souscrits en chapitre 3 est un modèle
d’adaptation du droit classique des obligations aux réalités techniques nouvelles, à savoir les
contrats conclus par voie électronique. A titre de droit comparé, le législateur français a
intégré dans son code civil une sous-section 4, intitulée Dispositions propres aux contrats
conclus par voie électronique, de même que le législateur belge dans son code du droit
économique, ainsi que le législateur québéquois dans son code civil. Cette manière de faire
des différents législateurs atteste de leur volonté de ne pas créer une nouvelle catégorie
juridique et donc un contrat électronique type, mais d’adapter les règles existant au contexte
numérique.
DEFINITION DU CONTRAT ELECTRONIQUE
Elle est assez discutée en doctrine, ce qui justifie la prudence du législateur. M. THIERRY
REVET définit le contrat électronique comme « les opérations contractuelles dans lesquelles
l’expression des volontés et le cas échéant, la réalisation partielle ou totale des
engagements s’opèrent grâce aux techniques électroniques de circulation d’informations.
L’électronique ne constituerait en la matière qu’un moyen technique d’établissement de la
relation constitutive d’un accord contractuel, voire, si l’objet des obligations le permet, un
moyen technique d’exécution des engagements obligatoires. ». Pour VINCENT
GAUTRAIS, un contrat électronique est : « la situation par laquelle un engagement est
conclu entre deux ou plusieurs personnes qui utilisent un ordinateur branché sur un
réseau de communication, comme moyen de transmettre une offre et une acceptation,
élément constitutif dudit contrat. ». De ces deux définitions, on peut retenir deux éléments
comme le 1er se rattache à la technique, ainsi est électronique tout contrat issu d’un procédé
technique de communication à distance. Cet élément technique va être relayé par Mme
ARROYO, qui se référant à la loi espagnole sur les services de la société des informations
selon laquelle : « est électronique tout contrat conclu par l’intermédiaire d’ordinateurs
connectés au réseau internet ou intranet au moyen d’u, échange de messages de données par
courrier électronique, chat, ou pages WEB ou en envoyant et en recevant des données
d’images et de son (par vidéoconférence). » En se référant à cet élément, le contrat
électronique relève donc de la manière de contracter et non de l’objet du contrat.
Le second élément consiste aux critères de formation du contrat. Comme l’affirme M.
RAYNOUARD : « C’est le mode de rencontre de volonté qui permet d’identifier un contrat
conclu par voie électronique puisque la formation du contrat se cristallise à ce moment-
là. ». C’est ainsi que le dictionnaire juridique définit quant à lui le contrat électronique en se
fondant sur la phase de sa formation comme étant le contrat dont l’offre et l’acceptation sont
formés de manière dématérialisée. La voie électronique et le critère de formation du contrat
restent donc les éléments clés de la définition. Cependant, le mot électronique peut
comprendre outre l’internet, d’autres moyens de communication tels que le téléphone
portable, le fax, le télex, le minitel. Le contrat électronique est conclu par voie électronique à
priori sans la présence physique et simultanée des parties. C’est pour cette raison qu’il
constitue une catégorie de contrats à distance. La directive européenne du 25/10/2011 définit
le contrat à distance comme étant « tout contrat conclu entre le professionnel et le
consommateur dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à
distance sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur par le
recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’au
moment et y compris au moment où est conclu le contrat ». A l’analyse de toutes ces
définitions, on observe qu’il y a plusieurs appellations pour désigner une seule réalité. Il faut
retenir que le contrat électronique est un contrat entre non présents, à distance et par voie
électronique. Un contrat électronique peut être conclu par voie électronique et/ou exécuté par
voie électronique. En tout état de cause, le critère de la distance est donc un élément clé dans
la qualification du contrat électronique. Cependant, théoriquement, ce contrat ne devrait pas
toujours avoir cette qualification car un contrat est électronique dès lors que sa formation
(manifestation et contenu) sont constatés électroniquement. Il faut se rendre compte que le
contrat électronique est pris entre deux feux, celui du monde numérique qui est
essentiellement libéral et privilégiant l’efficacité économique et celui du contrat qui repose
sur un fragile équilibre entre sécurité juridique et justice contractuelle. La prise en
considération de ces deux intérêts justifie la difficulté à légiférer sur les contrats
électroniques. Le législateur ne devrait légiférer sur les contrats électroniques qu’en tremblant
pour reprendre cette formule du doyen CARBONNIER, c’est-à-dire après beaucoup de
réflexions et d’hésitations. Et on peut comprendre que pour les différents législateurs,
l’utilisation d’internet ne change en rien au fait que le contrat électronique est un contrat qui
est soumis aux règles de droit commun et les exigences de fond et de forme mises en place
par la loi de 2010 au Cameroun visent à renforcer et à assurer la sécurité juridique du contrat
électronique. On va observer que ce contrat qui ne nécessite pas un cadre spécifique va
soulever des difficultés qui vont exiger des règles spécifiques. Ces difficultés tiennent
principalement à la fiabilité du consentement par voie électronique en l’absence de support
papier et en présence des parties éloignées dans l’espace.
2e difficulté : le moment de la rencontre des volontés ; la preuve, l’écrit et la signature des
parties. Autrement dit, les principales questions qui seront abordées relatives à la
contractualisation par l’électronique seront liées à la sécurité des échanges et à l’identité des
contractants. Par sécurité ici, on renvoie à la fiabilité et l’intégrité du message ; et par identité,
il s’agira principalement de la fiabilité des infos communiquées.
On constate donc la réalité des contrats électroniques, support du commerce électronique.
Le commerce électronique est une activité économique par laquelle une personne effectue ou
assure par voie électronique la fourniture de biens ou de services. Les contrats électroniques
sont une réalité au Cameroun sous le prisme du développement du e-commerce. Le
gouvernement camerounais a élaboré en 2019 une stratégie nationale de commerce
électronique pour le Cameroun ; dès lors qu’il a compris que le développement de l’économie
numérique est une réalité incontournable. Au Cameroun, l’essor de l’internet, la forte
pénétration du mobile et le développement des solutions du mobile money transforment peu à
peu les habitudes du commerce camerounais et font fleurir le e-commerce dans le pays. On
note la présence de quelques plates formes de vente en ligne : Jumia, Afrique Market,
Kerewa, Sellan Quick sans oublier les plates formes internationales : Ali baba, Cdiscount,
Amazon. C’est pour dire que le développement du numérique est une réalité au Cameroun et
met en présence des acteurs différents, des intermédiaires, commerciaux et des plates formes.
Et on distingue deux types de contrats électroniques : B to B et B to C.
CHAPITRE 1 : LA FORMATION DU CONTRAT
L’étude des conditions de conclusion du contrat électronique suppose au préalable la mise
en relief de quelques considérations. L’apparition de l’internet aux USA à la fin des 60’s
comme un moyen d’échanger librement et gratuitement des informations a donné naissance à
ce qui est unanimement appelé une « société de l’information ». Le développement de cet
espace d’échange électronique s’est rapidement transformé en un moyen inhabituel de vente
et fourniture des services par voie électronique et par conséquent, la conclusion du contrat
électronique. On va observer en même temps la volonté des pouvoirs normatifs étatiques et
internationaux à encadrer cette « critique planétaire » qui se mettait en place. C’est ainsi que
la CNUDCI (Commission des Nations Unies pour le Développement du Commerce
International) va adopter dès 1996, une loi type sur le commerce électronique dans le but
d’harmoniser les législations des pays membres des Nations Unies en prévoyant une parfaite
équivalence entre l’écrit sous forme électronique et tout autre écrit afin de lever toute entrave
au commerce par voie électronique. Le Parlement européen et le Conseil de l’UE vont adopter
le 08 juin 2000, la directive n°2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des
services de l’information et notamment du commerce électronique dans le marché
intérieur dite directive sur le commerce électronique, des dispositions qui iront dans le
même sens, à savoir que le régime juridique applicable au processus contractuel ne fasse pas
obstacle à l’utilisation des contrats électroniques, ni ne conduisent à priver d’effets et de
validité juridique de tels contrats pour le motif qu’ils sont passés par voie électronique. Le
législateur camerounais va adopter, le 21/12/2010, la loi 2010/021 régissant le commerce
électronique au Cameroun, avec un chapitre 3 réservé aux contrats souscrits par voie
électronique. L’esprit de ce texte est d’encourager le commerce électronique par un
encadrement des contrats électroniques. Dès lors que les contrats électroniques s’imposent et
deviennent des opportunités à saisir, la technique d’encadrement de ce contrat va se révéler
spécifique. La 1ère difficulté naît du fait que le droit et le commerce électronique sont des
concepts aux antipodes. Le commerce électronique se caractérise par sa rapidité, sa variété,
son insaisissabilité ; pourtant le contrat s’identifie au conservatisme, régit des situations
depuis l’Antiquité et ne s’habitue pas aux aspects fluctuants tels que l’univers numérique. On
va donc constater que les textes législatifs sur les contrats électroniques vont renforcer le droit
commun des contrats pour l’adapter à l’univers numérique. Il s’agit du renforcement du
consentement des parties et du formalisme électronique à travers la consécration des principes
d’équivalence professionnelle des neutralités technologiques et de la reconnaissance de la
signature électronique. Le contrat électronique est caractérisé par la dématérialisation et la
délocalisation des échanges par internet. Ce contrat efface les frontières, ce qui pose
réellement des problèmes relatifs à l’application des règles traditionnelles dans l’espace
virtuel et à l’effectivité de la protection du co-contractant. Le moins qu’on puisse dire c’est
que la complexité juridique se retrouve accrue. Le processus contractuel par voie électronique
est emprunt d’une grande spécificité par rapport au processus traditionnel. Par exemple, si les
conditions de formation du contrat sont dominées par le principe de l’autonomie de la volonté,
force est de constater qu’en matière de contrat électronique, cette autonomie peut être relative
en raison de la dématérialisation des relations et la facilité avec laquelle le contrat peut être
formé.
Le consentement au contrat électronique n’est pas simultanément exprimé et
communiqué, d’où la question de la sécurité juridique de la transaction et le problème de la
détermination du moment précis de la conclusion du contrat par voie électronique. La facilité
de contracter dénature en quelques sortes le consentement et va nécessiter l’instauration des
mesures spécifiques de protection des contractants en ligne, notamment dans les rapports
déséquilibrés. C’est ainsi que nous verrons que les règles traditionnelles relatives à la
conclusion du contrat risquent d’être complètement inadaptées et nécessiteront un
réaménagement dans l’univers immatériel. On va aussi constater que le consentement ne
constitue pas le seul vecteur de formation du contrat électronique. La forme de celui-ci et la
faculté de le prouver revêtent pour les parties contractantes, un intérêt au moins aussi
important que la possibilité de le conclure. On va noter d’importants efforts entrepris par les
différents législateurs pour permettre aux parties de conclure leurs contrats électroniques avec
un certain niveau de sécurité juridique visant à instaurer la confiance au mode de formation
par voie électronique. Toutefois, cette réponse ne serait pas toujours complète dès lors que le
contrat électronique est un contrat qui dépasse les frontières, ce qui fait que la protection des
parties va demeurer fragile dans ce système complexe. Quoi qu’il en soit, il faut retenir qu’un
contrat conclu par voie électronique demeure un contrat. Par conséquent, sa conclusion
suppose le respect des conditions de fond et de forme, tendant à sa formation et en même
temps, ce contrat doit reposer sur les règles adaptées au contrat électronique.
transaction réalisée à partir du site de l’offrant ; la 2nde se rapporte aux conditions spécifiques,
aux biens ou aux services objet de la transaction et qui portent généralement sur la nature du
bien ou du service, ses qualités, quantités, prix, …, etc. Au-delà de tout débat jurisprudentiel,
l’acceptation du contrat doit porter tant sur les conditions générales que sur les conditions
spécifiques. D’une manière générale, bien qu’il soit possible de constater des décisions
contradictoires quant à la recevabilité des circonstances traduisant une acceptation tacite
d’être lié, il faut croire néanmoins que dans le cyberespace, il importe que les parties prennent
soin de bien éclairer leur intention et exprimer leur consentement. Il incombe dans ce cadre au
cyber commerçant, de prévoir des dispositifs d’accusé de réception reprenant le contenu des
conditions essentielles du contrat, de mettre à disposition des conditions générales et
d’utilisation accessibles et lisibles permettant la prise de connaissance de leur contenu avant
tout engagement contractuel.
B- Le moment de la formation du contrat par voie électronique
Lorsqu’un contrat est conclu entre les personnes présentes, le moment de la formation du
contrat est déterminé sans difficultés. Toutefois, une incertitude s’attache à la détermination
du moment de la formation du contrat lorsque les parties se trouvent à des endroits différents.
La question du moment de la formation du contrat entre non présents ou conclu à distance
pose donc une redoutable difficulté. En quel lieu et à quel moment peut-on considérer que le
contrat est formé. Il est sans doute important de déterminer le moment où le contrat est
conclu. Généralement, cette détermination permet de définir jusqu’à quel moment l’offrant
peut en principe retirer son offre sans encourir une action en responsabilité de la part de
l’acceptant. Après cette formation, dans les contrats translatifs de propriété, les risques de la
chose vendue sont transférés à l’acheteur sans considération de la livraison effective de la
chose. C’est au moment de la formation qu’on peut apprécier la capacité des contractants et
les conditions de validité du contrat au regard de la loi en vigueur. Ce moment constitue aussi
le point de départ de certains délais tel que celui de la prescription de certaines actions de
nullité du contrat ou pour l’exercice d’un droit de rétractation pour certains types de contrats.
Cependant, ce débat sur le moment de l’acceptation de l’offre et en conséquence de la
formation du contrat peut perdre de son importance dans un mode virtuel où le temps
consacre un message électronique pour parvenir au site ou à la boîte mail de l’offrant est dans
le cas normal, instantané. Même en cas d’incident technique, la réception ne peut être retardée
que de quelques minutes après qu’elle ait été émise. En outre, entre le moment de l’émission
de l’acceptation à travers un clic et le moment de la réception de celle-ci, il n’y a aucune
nuance à faire.
Un décalage dans le temps peut exister entre l’émission de l’acceptation et sa réception
lorsque le contrat est conclu par deux personnes qui communiquent par courrier écrit sur
papier. Lequel décalage n’a pas de raison d’être quand l’émission de l’acceptation se
manifeste par le clic sur le bouton indiqué sur le site d’un professionnel. Ceci amène à se
pencher sur la place de l’accusé de réception dans la détermination du moment de la
formation du contrat. Dans l’article 12 de la loi camerounaise, il se peut que l’accusé de
réception tienne lieu de l’acceptation. Dans ce cas, le contrat est réputé formé à la réception
de l’accusé de réception par le destinataire de l’offre.
Cette vue peut être discutée car il est possible que l’accusé de réception se borne
uniquement à respecter la réception du message émis par le client. Dans tous les cas, la liberté
de ne pas contracter est fondamentale. L’accusé de réception a son utilité lorsqu’il joue une
fonction probatoire du fait qu’il constate l’acceptation et en conséquence la formation du
contrat. Lorsqu’un cyber consommateur est connecté à un site web, il n’a pas les moyens de
prouver qu’il a émis son acceptation avec le clic. L’ADR va donc lui accorder cette preuve.
En l’absence de preuve de l’émission de l’acceptation et partant de la formation du contrat, la
question du moment reste floue à déterminer. Nous savons qu’en la matière, il existe deux
théories : celle de l’émission et celle de la réception.
La théorie de l’émission considère le contrat formé quand l’acceptant émet sa volonté de
contracter. Autrement dit, lorsque le destinataire de l’offre déclare accepter celle-ci, peu
importe si l’offrant a connu cette acceptation. En d’autres termes, conformément à la théorie
de l’émission, le contrat n’est conclu qu’au moment où la théorie de l’acceptant se dessaisit
du document supportant sa volonté. Cette théorie possède des appellations diverses en droit
anglo-saxon : expedition rule, postal rule, … Ceci tient compte du moyen d’envoyer
l’acceptation en remettant à un messager. Cette théorie de l’émission favorise la rapidité de la
transaction puisque le contrat sera formé à l’émission de l’acceptation et l’acceptant peut
immédiatement commencer à exécuter le contrat.
Selon la théorie de la réception, le contrat ne sera formé qu’au moment où l’offrant a
eu connaissance de la volonté de l’acceptant ou tout au moins a pu prendre connaissance de la
volonté de l’acceptant. Ce système de la réception assimile l’échange des consentements à
une communication de l’acceptation. Autrement dit, il ne suffit pas que le consentement soit
donné, il faut qu’il soit connu de l’autre. En conséquence, le contrat est formé lorsque
l’offrant reçoit l’acceptation ou lorsqu’il en prend connaissance ou est susceptible de le faire.
Sur la question, il faut savoir que la Convention de Vienne consacre le principe de la
réception de l’acceptation par l’offrant dans article 18 sauf qu’en cas des usages des relations
ou des relations d’affaires entre les parties, une réserve d’acceptation licite est accordée. Le
droit européen quant à lui considère que la détermination du moment de la formation du
contrat est une question de fait, c’est-à-dire qu’elle est laissée à l’appréciation du juge. Le
droit américain pour sa part consacre la théorie de l’émission. Devant la difficulté à cerner la
position du législateur camerounais, on doit considérer une déclaration d’acceptation
transmise par voie électronique prendra effet lorsqu’elle serait rentrée dans une boîte de
réception, afin qu’elle puisse être consultée, à condition que le destinataire ait lui-même
désigné cette boîte.
CHAPITRE 2 : LE FORMALISME CONTRACTUEL A L’EPREUVE DU
CONTRAT ELECTRONIQUE
L’apparition des nouvelles technologies de communication et de l’économie
numérique, le développement accru de ces technologies incitent à trouver des solutions
juridiques adaptées au particularisme que présentent les contrats conclus par voie électronique
par rapport aux contrats traditionnels. Deux séries de difficultés caractérisent ces contrats, à
savoir : qu’elles sont dues d’un côté à l’absence de support papier, et d’un autre côté, à la
circonstance que le e-contrat est conclu entre 02 personnes qui ne sont pas physiquement
présentes en un même lieu. L’évolution des techniques de reproduction sans support papier,
des documents électroniques, ainsi que la dématérialisation des échanges et des accords à
distance a suscité la question de la force probante des documents qui peuvent être transmis ou
constitués par le mécanisme de ces nouvelles technologies. Le Droit est ainsi appelé à
s’adapter en permanence et à répondre à ces nouvelles difficultés. Il doit être entendu que le
contrat ainsi conclu par voie électronique doit pouvoir être efficace juridiquement et répondre
aux exigences de sécurité juridique. Sous l’angle de la preuve, l’immatérialité des échanges
électroniques impose d’assurer un niveau de sécurité comparable à celui des contrats papiers.
La preuve en matière juridique peut se présenter sous différents angles. Elle peut
désigner des éléments destinés à faire naître la conviction du juge que tel fait est vrai ou que
tel acte existe avec tel contenu. Dans un autre sens plus étroit, la preuve est un procédé utilisé
aux fins de démontrer l’existence d’un fait ou d’un acte, et son contenu dans l’objectif de
soutenir une prétention juridique. Enfin, la preuve peut être employée dans le sens de résultats
de tels éléments probatoires sur la conviction du juge et l’issue du litige. Aujourd’hui, l’écrit
électronique est admis comme preuve au même titre que l’écrit papier sous réserves de
répondre à certaines exigences qui sont souvent liées à l’identification de l’auteur de l’acte, à
l’établissement et à la conservation du document électronique dans des conditions de nature à
en garantir l’intégrité.
La signature électronique est un moyen efficace pour répondre à ces impératifs dont
l’objectifs est d’assurer la sécurité juridique des transactions réalisées sur internet en donnant
la possibilité aux différents acteurs de prouver l’existence et la teneur de leurs échanges en
ligne. Dans cette perspective, la valeur juridique de l’écrit électronique en tant que preuve au
même titre que l’écrit sur support papier est subordonnée à la reconnaissance de la signature
électronique.
Section 1 : LA PREUVE DE L’ENGAGEMENT ELECTRONIQUE
Les NTIC jouent sur le droit de la preuve en ce sens qu’elle impose son actualisation
et le constat de l’importance des répercussions de l’avancée technologique sur cette matière
apparaît tel un poncif, à l’heure où l’adaptation du droit de la preuve __ longtemps perçu
comme une nécessité__. La recevabilité et la fiabilité de la preuve des documents établis sous
forme électronique sont des sujets portés devant les tribunaux. Toutefois, il ne faut pas en
conclure que le droit ne peut exister qu’en présence de sa preuve. L’absence de la preuve ne
conduit pas toujours à l’inefficacité du droit. En matière de e-contrat, il faut affirmer le
principe de la liberté probatoire de même que celui de la liberté formelle de la preuve. La
reconnaissance juridique de la force probatoire de l’écrit électronique se pose. Sur la question,
il faut savoir que l’assimilation de l’écrit électronique à l’écrit traditionnel a été le choix fait
par les NU, ainsi que par les législateurs nationaux.
Le principe d’assimilation de la preuve électronique à la preuve écrite sur support
papier suppose que l’écrit électronique donne au moins les mêmes garanties que le papier et
que l’ensemble des règles relatives à la preuve puisse s’appliquer à la preuve électronique.
Certains auteurs estiment que pour donner plus que sa place à l’écrit électronique dans le
système probatoire, il est indispensable que les justiciables aient confiance dans ce système
preuve. A défaut, la reconnaissance de l’écrit électronique sera vaine, puisqu’au lieu de
remplacer le papier, le support électronique viendra en juxtaposition avec celui-ci. La
CNUDCI a élaboré une loi-type de 1996 sur le e-commerce avec un guide pour son
incorporation. Cette loi a pour objet de faciliter le e-commerce en proposant aux Etats, un
ensemble de règles internationalement acceptables, dont le but est de lever les obstacles
juridiques résultant des dispositions légales auxquelles les parties ne peuvent déroger
conventionnellement en offrant une égalité de traitement des conventions sur support papier et
support électronique ; c’est le principe de l’égalité fonctionnelle. Cette égalité permet de
faciliter la communication sans support papier, et donc de promouvoir l’efficacité du
commerce international. Comme argument de fond, la CNUDCI indique que la forme sous
laquelle une certaine information est présentée ou conservée ne peut être invoquée comme
unique raison pour laquelle cette information n’aurait aucune valeur légale, validité ou force
probante. Par équivalence fonctionnelle, on entend généralement la technique qui consiste à
rechercher les fonctions qu’un écrit papier possède et de les transposer sur tout autre support
qui remplirait les mêmes fonctions.
Par ailleurs, à l’article 5 de cette loi-type : « la valeur légale, la validité ou la force
exécutoire d’une information ne sont pas refusées au seul motif qu’elle est présentée dans
la forme d’un message de données ». On y voit ainsi consacré le principe de la neutralité
technologique. La loi camerounaise n°2010/012 du 21/12/2010 relative à la cyber sécurité et
à la cyber criminalité au Cameroun sous le prisme de la signature électronique dispose à
l’article 17 : « la signature électronique avancée a la même valeur juridique que la
signature manuscrite et produit les mêmes effets que cette dernière. ». Par cette disposition,
le législateur camerounais fait sien, le principe de l’équivalence fonctionnelle.
Il faut donc observer qu’en matière de e-contrat, l’écrit est exigé comme preuve et cela ne
saurait être sans difficultés, à savoir les critères utilisés pour déterminer les fonctions de l’écrit
numérique. Autrement dit, si le principe de l’équivalence fonctionnelle est unanimement
reconnu dans le monde, il existe en revanche un certain nombre de difficultés quant à la façon
de déterminer quelles sont les fonctions de l’écrit et comment celle-ci se concrétise sur le plan
pratique. Les principes UNIDROIT à l’article 1-10 proposent 02 critères :
- L’exigence d’un écrit est satisfaite quel que soit le support, dès qu’il permet de
conserver l’information qui y est contenue ;
- Il est également difficile d’apprécier la nature de la distinction entre ce critère de
matérialité et celui relatif à la conservation car cet élément de matérialité laisse sous-
entendre une certaine relation avec tout support physique.
Au-delà de ce débat, il faut retenir que le consensualisme numérique préserve la liberté dans
la production de la preuve, mais encadre la preuve la preuve elle-même, qui doit être un écrit
numérique. Cette preuve numérique produit les mêmes effets que la preuve sur support papier.
Section 2 : LA SIGNATURE ELECTRONIQUE
Il est évident que dans le monde du numérique, les transactions par voie électronique sont de
plus en plus fréquentes. Une variété de contrats se conclue sur internet et par voie
électronique dans le cyberespace ou selon des procédés électroniques préétablis. Le Droit
s’adapte à ces nouvelles technologies tout en reconnaissant l’équilibre fonctionnelle entre
l’écrit électronique et l’écrit papier. Jusque-là, la confiance numérique n’est pas encore
retrouvée car rien n’est plus facile que de modifier un contenu électronique sans même laisser
de traces et sans qu’on ne connaisse même l’auteur des modifications. Cela vaut bien pour la
signature électronique dont le rôle principal est de marquer un engagement ne pouvant être
contesté par la suite. Il vaut aussi pour le contenu du document dont il faut garantir l’intégrité.
La reconnaissance légale de la signature électronique va permettre de recevoir celle-ci au
même titre que la signature manuscrite. C’est ce que prévoit le législateur camerounais de
2010, à l’article 17. La signature électronique est définie au Cameroun par des moyens
techniques, tantôt par des références __ ou de fonction qu’expriment des expressions
employées pour consentir à un acte, ou exprimer un consentement. Quoi qu’il en soit, la
signature électronique est la transposition dans le monde numérique de la signature
manuscrite. Elle a pour principale fonction, d’identifier le signataire, de garantir l’intégrité
du contenu, son lien avec l’acte signé et sa pérennité dans le temps. C’est dire que la
signature électronique ne constitue pas un acte machinal, raison pour laquelle, elle est bien
encadrée en droit camerounais. A titre préventif, l’article 21 de la loi camerounaise dispose :
« toute personne désirant apposer sa signature électronique sur un document peut créer
cette signature par un dispositif fiable dont les caractéristiques techniques sont fixées par
un texte du Ministère chargé des télécommunications. ». Toute personne qui utilise un
dispositif de signature électronique au Cameroun doit prendre les précautions minimales
fixées par la loi pour éviter toute utilisation illégale des éléments de cryptage ou des
équipements personnels relatifs à sa signature, en cas d’utilisation illégitime de sa signature,
elle doit informer l’autorité de certification (l’ANTIC), car le titulaire de la signature
électronique est responsable du préjudice causé à autrui.
Pour justifier cette rigueur, il faut convoquer l’article 18 de cette loi : « une signature
électronique avancée doit remplir les conditions ci-après :
- Les données affairantes à la création de la signature sont liées au signataire et sont
sous son contrôle exclusif.
- Toute modification à elle apportée est facilement décelable ;
- Elle est créée au moyen d’un dispositif sécurisé dont les caractéristiques techniques
sont fixées par un texte du Ministère chargé des télécommunications ;
- Le certificat utilisé pour la génération de la signature est un certificat qualifié. Un
texte du ministre chargé des télécommunications fixe les critères du certificat. »
On peut conclure que le régime juridique de la signature électronique au Cameroun est très
bien encadré et le signataire de la signature électronique est responsable de son utilisation car,
les éléments de sa signature sont sous son contrôle exclusif.