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6 l'événement

S’installer en aviculture : o
Les jeunes aviculteurs parlent de leur métier
Source : enquête installation 2015
C'est stressant 52 % auprès de 21 éleveurs

C'est rémunérateur 57 %
L'atelier permet de dégager du temps libre 62 %
La volaille a de l'avenir 76 %
Je ne me sens pas isolé 81 %
J'ai une bonne image de mon métier 90 %

Faire découvrir l’aviculture constitue un vrai défi.

La production de volaille Mais pourquoi certains beaux ate- Autre élément majeur, la conjonc-
de chair bretonne reprend liers avicoles ont-ils tant de mal ture économique depuis une quin-
des couleurs avec des à trouver preneur ? Pour appor- zaine d’années et sa couverture
annonces d’importants ter de premières réponses à cette médiatique, qui peut effrayer les
investissements dans question, le pôle aviculture de la candidats. Ce désintéressement
chambre d’agriculture de Bretagne peut sembler étonnant car les
notre région. Mais le
a interrogé des conseillers spé- risques financiers ne sont pas for-
développement ne se cialisés dans la transmission des cément si élevés lors de la reprise
fera pas sans aviculteurs. exploitations et analysé le profil d’un atelier d’occasion.
Selon le recensement des jeunes installés en volailles de
agricole de 2010, chair. Du plein air et du foncier
1 500 exploitations avicoles sinon rien ?
seront concernées par Des productions méconnues En fait, des candidats à l’installa-
la transmission dans les Les conseillers transmission le tion en aviculture, il y en a, mais
prochaines années. Si la notent : la transmission est plus souvent dans le cadre de recon-
méconnaissance de la difficile en aviculture que pour versions professionnelles avec une
d’autres filières volonté de produire
production peut inquiéter
d ’ é leva g e . E t le des volailles de
de potentiels candidats, premier frein est
L'attrait pour la qualité ou en vente
le métier d’aviculteur la méconnaissance production est lié à directe. Pour une
présente aussi de de cette production. la charge de travail, majorité d’entre eux
nombreux atouts. Tout semble fait l’aviculture conven-
pour que l’aviculture
et à la garantie t i o n n e l le e t le s
reste confidentielle : d’un débouché productions "hors-
les formations agri- s o l " e n g é n é ra l
coles y consacrent pas ou peu de ont mauvaise presse. Dans leur
temps, et les aviculteurs emploient esprit, les démarches qualité sont
peu de salariés, vivier d’installa- synonymes de prix plus rémuné-
tions dans d’autres productions. Ce rateur. Ils peuvent être intéressés
phénomène est exacerbé pour des par l’achat de poulaillers pour une
productions encore moins connues surface jusqu’à 1 200 m² avec de
comme l’élevage de volailles repro- la terre accolée au bâtiment pour
ductrices ou de canards. mettre en place un parcours. Dans
1er avril 2016
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: oser sauter le pas


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ce cas, l’optique est de mettre en lorisations de contrats, augmen- de stress sont à la fois techniques,
place un atelier de transformation tation des charges ou difficultés mais aussi liés à la conjoncture Installations
ou vente directe, et le bâtiment est techniques. Il est ainsi très difficile économique et aux relations avec
reconverti en aviculture fermière. de rembourser les annuités d’un les partenaires (organisations de en volailles
Une autre structure d’élevage bâtiment neuf au vu des contrats production, abattoirs). de chair
effraie les futurs éleveurs : des actuel et de l’évolution des coûts de
poulaillers sans terre. Bien que bâtiments. La rentabilité ne serait Une bonne image du métier  78 % d’hommes
des solutions de normalisation et ainsi au rendez-vous qu’une fois le Les jeunes aviculteurs enquêtés  64 % de jeunes
d’export des déjections existent, bâtiment amorti, ce qui peut expli- sont quasiment unanimes : ils ont issus du milieu
l’absence de foncier est un réel quer en partie le manque d’attrait une bonne, voire une très bonne agricole
frein. La taille de l’atelier avicole pour ces productions. image de leur métier et la très  58 % de salariés
peut également être rédhibitoire. Lors du chiffrage de l’installa- grande majorité est convaincue agricoles ou para-
Une surface de 2 000 m² sans terres tion, les risques les plus délicats que cette production a de l’avenir. agricoles
par exemple ne permet pas tou- à appréhender sont les risques Les trois quarts d’entre eux esti-  3 030 m² de
jours de dégager un revenu et il est externes, en lien avec une mauvaise ment que leur production leur per- surface moyenne
difficile de trouver des candidats. visibilité de l’évolution des contrats met de dégager du temps libre, de poulaillers
Heureusement, la production avi- et de la réglementation environne- sous réserve de rester à proximité  Coût de
cole présente des atouts pour les mentale. D’autres difficultés assez du bâtiment pour pouvoir réagir l’installation :
candidats : ainsi l’attrait pour la courantes concernent la réalisation rapidement en cas d’alarme. Cela 176 €/m² de
production est lié à la charge de des travaux : investissements non dépend également du type de pro- poulailler dont
travail, et à la garantie d’un débou- prévus dans le plan de financement, duction qui entraîne des durées de 114 €/m² pour le
ché, d’autant plus si la production mauvaise planification ou mauvaise lot et des rotations plus ou moins bâtiment et les
est peu contraignante. évaluation du coût des travaux. importantes. investissements
La production de volailles de chair Ils sont persuadés que la produc- matériels
Anticiper et bien s’entourer est considérée comme une activité tion de volailles a de l’avenir, et la Source : Eoloas 2009-2015
Les démarches pour s’installer sont stressante voire très stressante meilleure démonstration est l’ins-
fastidieuses, mais dans la majorité dans la grande majorité des cas. Ce tallation de nombreux techniciens
des cas elles n’entraînent pas de constat est partagé quelle que soit avicoles.
grosses difficultés. Les étapes à la production, y compris par les éle- Elodie Dezat
ne pas manquer pour une instal- veurs en label rouge. Les facteurs Chambre d'agriculture de Bretagne
lation réussie sont un bon suivi des
démarches, une estimation fiable
des bâtiments et rénovations, une
bonne planification des travaux, le
Sylvaine Dano, groupe permanent "volailles"
choix de sa structure de produc- des chambres d'agriculture de Bretagne
tion et surtout l’accompagnement
technique. Cela implique d’être  Est-ce que tout va bien désormais en volaille de chair ?
bien entouré ! Car il ne faut pas
Sylvaine Dano. Dire que tout va bien, ce serait faux. Mais on le
oublier qu’une installation, ou une
voit bien, les clignotants sont au vert, la volaille se porte mieux
transmission, c’est avant tout une
que les autres productions. Mais c'est vrai, nous revenons de
affaire de femmes et d’hommes.
loin. Nous faisons face à la concurrence de nos collègues euro-
Ainsi, parmi les jeunes récemment
péens qui se développaient grâce aux subventions européennes
installés, quelques-uns ont essuyé
pendant qu'on supprimait les nôtres... et qu'on nous incitait à la
un premier échec en lien avec des
cessation... pour régler les problèmes environnementaux, etc.
soucis avec des cédants ou à des
refus de financement.  Quelles sont les bonnes raisons de s'installer ?
Il faudra donc être patient : entre le
dépôt des dossiers environnemen- S.D. Il y en a beaucoup. D'abord, les opérateurs investissent dans
taux et la sortie du premier lot de les abattoirs bretons et cherchent à reconquérir le marché natio-
Sylvaine Dano est avicultrice
volailles, il peut s’écouler plusieurs à S Jean Brévelay (56).
t nal. A l'échelle mondiale, la consommation est en hausse et n'est
mois voire plusieurs années ! freinée par aucune restriction religieuse. La viande de volaille est
saine et l'élevage bénéficie d'un bon bilan carbone. Enfin, nous avons du potentiel grâce aux
Nous ne sommes pas matières premières, aux infrastructures, au savoir faire et à la compétence à tous les niveaux
des philanthropes de la filière en Bretagne. Donc, oui, un jeune de 25 ans motivé et courageux peut s'installer
La principale "critique" des jeunes même avec peu d'apport s'il achète et rénove grâce aux aides à la rénovation. Il peut aussi le
installés est une faible rentabilité faire en location. Le fait que la filière avicole soit intégrée s'avère être une une sécurité lors
économique des productions de des crises, l'important est de travailler avec un groupement ayant une vraie stratégie à long
volailles de chair. Certains jeunes terme. Et, il devra se former, s'informer, notamment sur l'évolution des marchés, pour éviter
enquêtés ont été frappés de plein des mauvais choix. Car ce sont toujours les éleveurs qui prennent les risques.
fouet par des dépôts de bilan, reva- Paul Jégat
1er avril 2016
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1er avril 2016

Travail du quotidien :
observer pour optimiser
Peut-on évaluer son confort de un contenant qui sert de mesure pour les
travail à travers le regard des concentrés, un tuyau branché sur l’arrivée
autres ? Peut-on améliorer ses d’eau pour remplir un bidon (plutôt qu’une
pratiques grâce aux conseils bouteille), …
Deux mois plus tard, que sont-ils devenus ?
du groupe ? Trois groupes lait
Pas de changements extraordinaires. Mais
et vaches allaitantes des Geda,
quelques aménagements ont déjà rendu
animés par les conseillers le travail du quotidien un peu plus confor-
d’entreprise du service élevage table : l’aliment n’est plus servi à l’auge
de la chambre d’agriculture chez Mickaël : les quatre tours de brouette
ont souhaité répondre à ces sont remplacés par un mélange avec les
Pas de changements extraordinaires mais
questions. Devant l’œil de la quelques aménagements ont déjà rendu le travail du aliments distribués par la désileuse. La
caméra, ils se sont mis en scène quotidien un peu plus confortable. ration semi-complète n’a pas détérioré les
dans leurs élevages respectifs. résultats du troupeau. Julien a pris bonne
Retour sur images chez Mickaël, manœuvres des tracteurs ; positionner le note des conseils distillés par ses collègues
lieu de stockage des aliments concentrés pour sa nouvelle stabulation et le réaména-
Aurélien et Julien.
au cœur du corps de ferme : le point cen- gement de l’ancienne.
Le scénario pédagogique est bouclé. Les tral ; aménager un parc d’attente devenu Des solutions existent pour faciliter le travail
conseillers ont chargé la caméra et chaus- trop petit et peu fonctionnel ; repenser l’im- d’astreinte dans l’élevage. Il suffit parfois
sé les bottes. Rendez-vous est donné sur plantation d’un futur bâtiment… Notons au d’observer le fonctionnement de l’exploita-
l’exploitation au lever du jour pour suivre passage que le groupe aura pu dénombrer tion pour se rendre compte que des chan-
chaque éleveur sur ses tâches d’astreinte pas moins de 150 pelletées d’aliment dis- gements d’habitudes ou quelques adapta-
quotidiennes, filmer les gestes et mesurer tribuées manuellement matin et soir chez tions, même mineures, peuvent grandement
les déplacements des uns et des autres. Mickaël, 2,6 km parcourus en 1h30 chez améliorer la situation. Le regard porté par
La traite, les veaux, la préparation et la Aurélien ou bien encore 21 seaux d’une les autres éleveurs sur les pratiques et les
distribution des fourrages et des concen- dizaine de kilogrammes transportés par équipements, de même que le choix d’équi-
trés, le raclage, le paillage, la surveillance. Julien. pements adaptés, peuvent contribuer à
Rien, pas le moindre détail n’échappe à la l’amélioration du travail d’astreinte.
mémoire de la caméra. Tout est dans la Astuces et bonnes idées Les acteurs ont joué le jeu. Les spectateurs
boîte pour le groupe qui peut à présent se Mais une évaluation n’a pas de sens si on ont fait valoir leur regard extérieur et déli-
livrer à ses commentaires. Tout y passe. ne s’attache pas qu’à ce qui pèche. Car vré leurs césars. Le film n’est pas fini. La
Chacun donne son avis sur l’ergonomie, force est d’admettre aussi qu’astuces et saison 2 nous dira quel confort de travail
la sécurité, l’efficacité et la pénibilité des bonnes idées sont à prendre chez chacun et combien de temps auront gagné les pre-
tâches. Chacun délivre ses conseils sur ce de nos acteurs : une brouette ingénieuse- miers et leurs collègues en valorisant le
qui pourrait être amélioré : déplacer l’auge ment reconvertie en taxi à lait, des cuvettes fruit du travail en groupe.
pour ne plus devoir enjamber la barrière juste assez basses pour faciliter la buvée
en allant la remplir ; ôter un élément de des petits veaux et parfois des choses Céline Bessou, Frédéric Guy et Agnès Loisel
contention qui gêne la circulation et les toutes simples qui facilitent le quotidien : Chambre d’agriculture 35

en bref Un nouvel abattoir dénoncé par une vidéo


Après Alès et Le Vigan, des images tournées à l'abattoir de
Mauléon-Licharre dans les Pyrénées-Atlantiques, qui "montrent
La Bretagne moins touchée mais... de nouveau l'extrême violence de la mise à mort des animaux", ont
Le réchauffement climatique affectera la été publiées par l’association de protection animale L214 sur son
Bretagne mais dans une moindre mesure. site internet, le 29 mars. La vidéo a fait réagir immédiatement Sté-
Rançon du succès, elle subira une très forte phane Le Foll. Dans un communiqué, ce dernier "condamne avec
pression démographique et urbaine a dé- la plus grande fermeté les actes de maltraitance animale et or-
montré le climatologue , membre du Giec, donne des inspections spécifiques sur la protection animale dans
Laurent Labeyrie, vendredi dernier à Pon- l’ensemble des abattoirs de boucherie en France". Il demande
tivy. Il a apporté sa contribution à la journée également "immédiatement aux préfets de faire réaliser, dans
des IAA organisée par la chambre régionale un délai d’un mois, des inspections spécifiques sur la protection
Laurent Labeyrie, d'agriculture sur le thème du changement animale dans l’ensemble des abattoirs de boucherie du territoire
climatologue et climatique et des contributions de l'agricul- national". Le résultat de ces inspections sera fourni à la commis-
membre du Giec. ture et de l'agroalimentaire bretons. sion d’enquête parlementaire annoncée le 22 mars dernier.

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