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Séries L, ES, S

PHILOSOPHIE

Sujet
La conscience de soi implique-t-elle la
connaissance de soi ?

© Magnard 2020 Page 1 sur 7


Sujet commenté

➽Comprendre le sujet
Le sujet invite à réfléchir à la différence entre conscience et
connaissance. E
• Pour démarrer la réflexion
On serait tenté d’aller chercher directement des références
Cette première approche
philosophiques, surtout si un cours a été fait précédemment,
permettra de chercher des
par exemple sur l’inconscient freudien. Mais c’est prendre le
exemples, qui permettront
risque d’un devoir partiel, d’une récitation de cours.
d’affiner les distinctions. Il ne
Plutôt que de commencer par des références et des faut pas chercher tout de suite
oppositions abstraites, il est préférable de réfléchir sur des des définitions précises.
expériences vécues, parmi les plus simples. Prendre, par Définitions et analyses, dans le
exemple, les expressions communes (se lever du pied gauche, travail préalable de réflexion,
perdre la tête, être hors de soi…) ; des réalités psychologiques se soutiennent mutuellement.
(sympathies, antipathies, angoisses…) ; des réalités sociales
(passions excessives, incompréhensions...). Pouvons-nous
expliquer tout cela, en avons-nous une connaissance précise ? Chercher à enraciner le
Certainement pas. problème dans des réalités
concrètes, de façon à lui
Dans un premier temps, et pour débuter, on pourra également
donner toute son extension.
se contenter de distinctions provisoires : avoir conscience, c’est
constater, se rendre compte. Avoir connaissance, c’est
expliquer.
• La forme logique
Lorsqu’un sujet de dissertation contient deux concepts, il est
important de savoir si les deux concepts ont un poids égal et
doivent donc être traités de façon équilibrée et symétrique, ou
bien si l’un des deux concepts concentre le poids essentiel de
l’analyse.
Dans le sujet qui nous est proposé, le premier concept
Un outil logique semble
(conscience de soi) ne pose pas de difficulté, c’est une réalité
indispensable : la différence
de fait qui sert de point de départ au problème ; celui-ci se
entre condition nécessaire et
concentre autour de l’idée de connaissance.
condition suffisante.
En effet, la conscience de soi est une condition nécessaire de
la connaissance de soi. Il faut donc avoir conscience pour avoir
connaissance. Ce constat ne pose donc pas de problème. On
peut se contenter de donner une description rapide de la
conscience de soi au début du devoir, et de noter qu’elle est la
condition nécessaire de toute connaissance.
La question est de savoir si la conscience est une condition
suffisante.
Le centre du problème devient donc : que veut dire se
connaître soi-même ? Qu’est-ce qui peut manquer à la
conscience pour atteindre cette connaissance ?

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➽Construire une problématique
De manière générale, qu’est-ce qui me permet de dire que je Il faut réfléchir sur les différents
« connais » quelque chose ? sens possibles de
« connaissance ».
> Trois critères peuvent être proposés :
1• Il faut d’abord prendre conscience que cette chose existe,
ou peut exister.
Par exemple, les virus, les microbes sont restés « inconnus »
pendant des millénaires, on ne soupçonnait même pas leur
existence, puisqu’ils sont invisibles à l’œil nu.
2• Connaître une chose, c’est aussi pouvoir expliquer son
fonctionnement, connaître ses causes, son origine, pouvoir
l’insérer dans les lois de la nature, ou dans une histoire.
3• Connaître, c’est juger objectivement une réalité, sans la Ces trois questions se
déformer. recoupent partiellement. Il est
rare que les parties d’une
> Si l’on applique ces trois critères à notre vie intérieure, trois
dissertation soient parfaitement
questions se posent :
« étanches » ; l’essentiel est de
1• Est-ce que j’ai accès à tout ce qui se passe dans mon permettre un traitement séparé
psychisme ? de problèmes différents, en
essayant d’aller des plus
2• Est-ce que je peux expliquer les causes de toutes mes
simples aux plus complexes.
émotions, idées et réactions ?
3• Est-ce que j’ai suffisamment de recul pour me juger de façon
neutre, objective ?

➽Rédiger l’introduction
La conscience de soi est cette intuition immédiate et Point de départ : proposer
permanente (du moins tant que nous sommes éveillés) de notre une esquisse de définition de la
vie intérieure : nos pensées, nos sentiments, nos émotions, nos conscience dans l’opinion
désirs… nous sont immédiatement donnés, et personne ne commune.
pourrait les vivre à notre place. Aussi, il semblerait naturel de
conclure que nous nous connaissons, puisque nous avons un
contact direct avec ce que nous vivons.
Cependant certains faits peuvent nous faire douter de ce Ce qui conduit à un premier
constat. Tout n’est pas transparent dans la conscience que j’ai problème.
de moi-même. J’ai souvent conscience de certaines réactions
dont je ne comprends pas les causes. Je crois avoir conscience
de mon caractère, mais souvent j’exagère ou je minimise tel Utiliser les connecteurs
défaut ou telle qualité. Je suis conscient de mes opinions, mais logiques comme : cependant,
est-ce que je sais réellement d’où elles me viennent ? Peut-être pourtant …
que ma conscience en reste-t-elle aux apparences immédiates.
Or connaître, c’est chercher la réalité profonde, trouver les

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causes réelles des faits.
La conscience de soi est sans doute une condition nécessaire Esquisse de définition de la
de la connaissance. Sans elle je ne pourrais rien connaître, ni connaissance.
le monde, ni moi-même. Mais est-elle une condition suffisante ?
Reformulation du problème.
Suffit-il de se vivre de l’intérieur pour prétendre se connaître ?
Nous étudierons donc dans un premier temps si nous avons
accès à l’intégralité de notre psychisme. Puis si nous sommes Annoncer le plan n’est pas une
capables d’expliquer les causes de toutes nos pensées, et enfin nécessité si les questions
si nous pouvons nous juger de façon neutre, objective. posées suffisent à faire
comprendre la démarche.

➽Pistes pour rédiger le plan


Partie I
Se connaître implique au minimum que l’on prenne conscience
de ce qui est inconnu en soi-même.
Si je suis angoissé et que je n’en vois pas les raisons, ou que
les raisons que je peux trouver me semblent disproportionnées,
je prends conscience immédiatement que quelque chose
m’échappe. Je ne sais pas ce que c’est, mais au moins je sais
que je ne le sais pas, et comme l’affirme Socrate, cette
conscience de l’ignorance est le début de la connaissance.
> Sous-partie 1 : Les hommes se méconnaissent, parce qu’ils
croient se connaître.
Exemple Les préjugés apparaissent comme des évidences ;
c’est la raison pour laquelle on a du mal à les remarquer.
> Sous-partie 2 : Plus grave, les hommes peuvent se
Ici des arguments sont
méconnaître, parce qu’ils se cachent à eux-mêmes.
proposés, sans être
Exemple La mauvaise foi, le refus de se regarder en face, la développés. Ils sont donc à
peur de la réalité sont des manières de se fuir. Se mentir à soi- compléter.
même semble contradictoire.
> Sous-partie 3 : Enfin, l’expérience nous manque souvent
pour connaître les potentialités qui sont en nous.
Exemple On ne peut connaître ses limites que dans l’action, ou
lorsque la vie nous met au pied du mur. Ce sont les épreuves
de la vie qui peuvent m’apprendre si je suis lâche ou
courageux, résistant à l’épreuve.

Transition
La transition entre deux parties
Tant qu’on ignore qu’on ignore, on ne peut chercher à se
résume ce qui précède, mais
connaître ; tant qu’on n’a pas conscience d’un problème, on ne
fait rebondir le problème en
peut pas en chercher les causes. C’est donc souvent en se

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heurtant à des traits de caractère ou à des réactions étranges introduisant la partie suivante.
que l’on cherchera à mieux se connaître en analysant les
causes de nos actions.
Partie II
Se connaître implique qu’on puisse expliquer les vraies causes
de ses sentiments, de ses pensées, de ses actions ou
réactions.
Or ces causes nous sont souvent inconnues. Pourquoi ?
> Sous-partie 1 : De manière générale, j’ai une conscience
immédiate de mes désirs, de mes envies, et je peux imaginer
que ce sont là les causes de mes actions.
Exemple Dans une lettre dans laquelle il traite de la question
de la liberté et du libre arbitre, Spinoza affirme que la > Spinoza, Lettre à Schuller
méconnaissance que les hommes ont d’eux-mêmes est à
l’origine d’une fausse conception de la liberté : « Cette liberté
humaine que tous se vantent de posséder consiste en cela seul
que les hommes ont conscience de leurs désirs et ignorent les
causes qui les déterminent. »
> Sous-partie 2 : De manière plus approfondie, cette ignorance
des causes peut s’enraciner dans des mécanismes qui ne > Freud, Cinq leçons sur la
dépendent pas de moi. C’est ainsi que Freud explique cette psychanalyse.
part inconnue de nous-mêmes que nous ne pouvons connaître
même si nous le voulons de toutes nos forces, et qu’il appelle
« inconscient ».
Exemple Les angoisses, les phobies, les complexes
d’infériorité ou de supériorité, une timidité maladive ou une
agressivité chronique sont autant de pathologies ordinaires
dont on voudrait comprendre les mécanismes.
> Sous-partie 3 : De manière générale, l’inconscient n’est pas
seulement d’ordre psychologique. Il naît aussi de notre
appartenance à un groupe social. Très tôt, nous apprenons des
manières d’être, de penser que nous intériorisons si
profondément que nous n’y faisons plus attention. On parlera
d’inconscient sociologique.
Exemple La morale familiale imprègne très tôt l’enfant qui n’a
pas les moyens de l’analyser.
Transition
Ce n’est pas seulement des comportements étranges ou
déplacés qui nous sont inconnus, mais aussi une trop grande
familiarité. Comment prendre suffisamment de recul pour nous
juger avec objectivité ?
Partie III
Se connaître implique que l’on puisse avoir une distance
suffisante par rapport à soi pour pouvoir se juger objectivement.

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Est-ce possible ? La conscience de soi est un contact immédiat
avec soi-même. Mais n’est-ce pas précisément cette proximité
> Comte, Cours de philosophie
qui est le principal obstacle à notre connaissance de nous-
positive.
mêmes. Peut-on se juger à la fois de l’intérieur et de l’extérieur,
être juge et partie ?
> Sous-partie 1 : On se heurte ici aux contradictions de > Le désir et autrui : Lavelle,
l’introspection, peut-on à la fois être l’observateur neutre et L’Erreur de Narcisse.
l’observé ?
> Sous-partie 2 : Pour se juger avec recul, le regard d’autrui
est nécessaire ; il renvoie une image extérieure de soi-même
qui peut corriger certaines déformations du regard que l’on a
sur soi-même. Pour autant, lui non plus n’est pas un juge
impartial. Il peut même conforter l’individu dans des distorsions
ou en créer d’autres.
> Sous-partie 3 : Un recul sur soi passe souvent par des
expériences ou des exercices pénibles, qui peuvent autant
éveiller la lucidité que refermer les gens derrière des défenses
plus infranchissables.
Exemple 1 Des expériences douloureuses (décès, échecs,
trahison) peuvent conduire à une révision d’un point de vue sur
nous-mêmes.
Exemple 2 La compréhension de soi peut passer par des
analyses apparemment abstraites (la littérature, la sociologie,
l’histoire, la psychanalyse) qui semblent loin de la vie intérieure,
mais qui sont pourtant nécessaires. Ces lectures peuvent
parfois tromper autant qu’éclairer.
Exemple 3 L’injonction socratique : « connais-toi toi-même »
supposerait apparemment que l’homme soit toujours égal à lui-
même, et ne change pas, qu’il puisse se connaître une bonne
fois pour toutes. Mais cette uniformité de vie n’est pas
nécessairement acquise, et Socrate lui-même prononce cette
injonction afin d’inciter les hommes à ce mouvement de retour
sur soi, de recherche et de réflexion. C’est en se tournant vers
soi que l’homme cesse de courir et d’errer à la recherche d’un
sens qu’il ne peut trouver qu’en lui, s’il a le courage de se
penser et de réfléchir hors de tout préjugé.

➽Rédiger la conclusion
Les hommes n’ont pas une connaissance immédiate de la
nature qui les entoure. Il a fallu l’invention des sciences et de Comparer la connaissance de
détours multiples pour parvenir à un début de connaissance
soi à la connaissance de la
objective. N’en est-il pas de même pour le « monde nature (connaissance de
intérieur » ? Pour celui-ci, il semble qu’une simple familiarité l’intérieur/connaissance de
devrait suffire : spectateur de nous-mêmes à chaque instant, l’extérieur). C’est une façon
nous aurions un accès privilégié à cette intériorité. Or nous d’élargir le problème.
avons vu que cette familiarité est précisément un des grands

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obstacles à cette connaissance. Quant à la recherche des problème.
causes qui font ce que nous sommes, il ne semble pas que
l’accès en soit plus facile que pour le monde extérieur. La
conscience de soi donne la surface de notre personnalité, elle Utiliser les connecteurs
n’en donne pas spontanément les mécanismes. logiques comme : cependant,
pourtant …

Esquisse de définition de la
connaissance.
Reformulation du problème.
Annoncer le plan n’est pas une
nécessité si les questions
posées suffisent à faire
comprendre la démarche.
> Fiche 2, p. 574

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