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De la fête aux loisirs: événement,

marchandisation et invention des lieux


From festivities to leisure: event, merchandizing
and the creation of places

Dominique Crozat
Géographe, Université Montpellier 3, UMR 5185 ADES

Sébastien Fournier
Ethnologue, Université Montpellier 1, JE 2416 GP3S

Résumé Ce travail vise à renouveler l’approche des pratiques festives et de loisir dans les
sociétés occidentales contemporaines. En dépassant l’opposition classique qui
valorisait une rupture entre temps de la fête et quotidien, il interroge d’abord les
notions d’événement et de loisir. L’analyse des fêtes comme révélatrices de con-
ceptions spécifiques du temps et de l’espace permet ensuite de repérer et d’es-
sayer d’articuler entre elles plusieurs caractéristiques et fonctions des fêtes
actuelles: rapprochées des loisirs, marchandisées et standardisées mais toujours
sources de croyances et moteurs de l’action, elles produisent de l’identité indi-
viduelle en permettant au corps de s’exprimer, tout en participant à la construc-
tion d’idéologies territorialisées aussi bien qu’à la négation des lieux par leur
banalisation.

Abstract This paper aims at renewing studies on festive and leisure practices in the con-
temporary Western societies. In order to overcome the classical opposition mar-
king a break between ordinary time and festive time, we first question the
notions of event and leisure. The analysis of festive periods as an expression of
specific conceptions of time and space has allowed us to link several characte-
ristics and functions of contemporary festivals: closer to leisure, standardized
and merchandised, it has remained a source of beliefs and empowerment. Fairs
and festivals contribute to the construction of personal identity, in offering the
body a way of expression, while providing a territorial ideology, as well as tri-
vialization and negation of places.

Mots-clefs Fête, événement, loisir, modernité, changement social, espace, pratiques,


performativité.

Key-words Festival, event, leisure, modernity, social change, space, practices, performance.

Introduction

Si une géographie des loisirs émerge, dans les sciences humaines, elle s’est
concentrée sur les activités les plus spectaculaires, plus facilement identifiables
et surtout quantifiables (tourisme international puis national). Parallèlement,

Ann. Géo., no 643, 2005, pages 307-328, © Armand Colin


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l’étude des activités sportives se développe (Augustin, 1995), étendue


maintenant à l’ensemble des activités récréatives. Sous un autre angle, la
géographie de la fête a fait une percée (Di Méo, 2002), mais reste encore
assez marginale et peut-être trop limitée aux aspects économiques (Benito,
2001) ou symboliques, suivant la perspective héritée de Durkheim. Trois
axes d’études inter-reliés sont donc à développer :
– La conceptualisation. Les termes de fête et de loisir, comme l’ensemble
du vocabulaire associé à ce champ, restent faiblement conceptualisés, alors
qu’ils sont fortement opératoires du fait de la logique économique et pro-
fessionnalisante des études qui les concernent et en dépit même des imper-
fections de leur définition. Amirou (2000) constate ainsi que les festivals
ne sont pas comptabilisés dans les statistiques du tourisme culturel par
l’Observatoire National du Tourisme car cette catégorie est limitée à la
visite payante des monuments historiques et des musées.
– L’analyse des modalités d’insertion de la fête dans les activités de loisirs.
Il importe de ne pas s’arrêter au seul concept de loisir. Prendre en compte
le champ des loisirs, accepté dans sa définition bourdieusienne, nécessite de
prêter attention aux pratiques peu spectaculaires du quotidien banalisé
(Bromberger, 1998), souvent très locales (Crozat, 2004).
– Enfin, les représentations associées à ces notions doivent être envisagées,
afin de se dégager des seules approches symboliques et de comprendre
comment fêtes et loisirs acquièrent de nos jours une dimension performa-
tive pour contribuer à créer socialement de la valeur et du sens. Sans
négliger ce qui précède et fonde l’évolution des notions considérées, c’est
l’essentiel de la thèse que nous allons développer ici. Sans chercher une
définition exhaustive de la fête — c’est l’objet d’un autre article et d’un
prochain colloque interdisciplinaire et international (Montpellier, juin
2006) —, nous envisageons plutôt de souligner des tendances vers lesquel-
les la recherche doit s’orienter. Pour se convaincre de l’extrême diversifica-
tion des thèmes traités, il suffit de consulter ceux de quelques colloques
récents ou à venir (CTCC, 2005 par exemple).
Ces deux derniers points permettent d’insister sur une quadruple évolution
des loisirsþet de la fête. Premièrement, ils tendent à converger alors qu’on
avait l’habitude de distinguer clairement des activités « nobles » et d’autres
vulgaires, peu étudiées (Trochet, 2000). Ensuite, ils intègrent des logiques
de marchandisation : les loisirs sont de plus en plus souvent traités comme
un produit de consommation courante. Par ailleurs, leur lien ancien avec le
plaisir et les corporalités les valorise fortement dans une société qui reven-
dique le développement personnel des individus jusqu’en ses dimensions
intimes. Nous n’insisterons guère, ici, sur la dimension de l’expérience indi-
viduelle et corporelle du sujet. De même, nous ne mettrons pas l’accent
sur les liens entre fête, identité et ethnicité ou genre. Enfin, la fête n’est
plus nécessairement locale (Di Méo, 2002). Parfois même, elle est cons-
truite dans le refus du territoire, à l’image des raves parties (Fontaine et
Fontana, 1996).
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Plus généralement, cette évolution oblige à poursuivre la réflexion sur


la notion de territorialité festive (Rosa, 2002) : quelles relations entretien-
nent local et global dans ces nouveaux modes de mise en fête des lieux ?
Ces mutations confèrent un rôle clé à la notion d’événement. Elles invi-
tent à réfléchir au positionnement du chercheur par rapport à la « fête » et
aux « loisirs ». Ses questionnements comme ses outils théoriques doivent
s’adapter, sous peine de produire un discours déconnecté de l’objet de son
étude.
Pour rendre compte des enjeux liés à ces questions, à travers un regard
plus spécifique sur l’évolution du sens de la fête, nous montrerons d’abord
en quoi les notions de fête, d’événement et de loisir se sont rapprochées.
Puis nous verrons comment la fête participe de manière dialectique à
l’invention et à la construction des lieux. Enfin nous dégagerons quelques
niveaux d’analyse et quelques fonctions émergentes de la fête, afin de la
saisir dans son actualité dynamique.

1 De la fête à l’événement permanent

Dans les sociétés occidentales contemporaines, fêtes, loisirs et consommation


tendent à se rapprocher du fait d’évolutions récentes : l’ancienne distinction
entre d’une part la reproduction sociale, le symbolique, et d’autre part la
consommation, le trivial, la récréation, s’estompe (Clarke et Critcher,
1985) sous l’effet des changements structurels qu’enregistrent ces sociétés.
1.1 Les limites de l’opposition classique entre fête et quotidien
La fête a longtemps été abordée par son lien avec la reproduction sociale et
dans sa dimension symbolique, en suivant la tradition sacralisante durkhei-
mienne. Celle-ci fut revitalisée par les apports utopisants des années 1960
qui ne retenaient que ses aspects grandioses et exceptionnels. Cette con-
ception a suscité une abondante littérature célébrant une fête mythique,
intemporelle, conçue comme purificatrice dans un monde mercantiliste
(Duvignaud, 1973; Wunenburger, 1977). Depuis le XVIIIe siècle, cette ana-
lyse semblait évidente. Jusqu’à Caillois (1939), tous les discours philoso-
phiques ou politiques avaient prêté à la fête des vertus purgatives ou cathar-
tiques. La fête était ainsi généralement condamnée par les autorités
morales, rapportée à son archétype carnavalesque (Fabre, 1992). Lieu
d’excès et de désordre, elle était analysée comme le reflet inversé d’une
société fondée sur le primat de la raison cartésienne.
Malgré des analyses plus rigoureuses qui incitent à la prudence (Vovelle,
1982), cette perspective envisage la fête comme un invariant, construit dans
le temps long et traditionnel (Bessaignet, 1976). Ainsi, la fête est strictement
distinguée des loisirs ou du tourisme qui sont fortement liés au travail
(Corbin, 1995) et, à ce titre, abordés sous l’angle économique (Appleton,
1974). D’une manière générale, les loisirs, répétitifs et quotidiens, s’oppo-
sent au caractère exceptionnel de la fête.
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Ainsi, la définition de la fête comme ouverture sur le sacré ou l’utopie


se révèle restrictive même si on se souvient parfois de son caractère straté-
giquement politique (Muchembled, 1991). Les travaux qui ménagent des
passerelles entre le monde festif et le monde profane sont restés longtemps
rares, malgré quelques exceptions : ceux de Mintz (1997) sur les carnavals
de la province de Cadiz, ceux de Bakhtin (1984) sur les figures du carna-
valesque chez Rabelais, ceux de Vovelle (1982) signalant qu’« aujourd’hui,
le véritable carnaval, c’est quand les Hells Angels du coin viennent s’éclater
au bal du samedi soir », ou ceux que rassemble un numéro de Autrement
au titre prémonitoire (La fête, cette hantise, Dougier, 1976).
Pourtant, à la même époque étaient formulées des thèses évoquant une
civilisation où les loisirs tiennent une place centrale dans des relations sociales
toujours plus indépendantes du travail (Dumazedier, 1962). Dans La société
post-industrielle (1969), Alain Touraine prophétisait l’homogénéisation, la
massification et la dé-stratification sociale des loisirs comme traits majeurs
de cette société. Or, une telle rupture n’est pas sans susciter quelques
inquiétudes.
1.2 Ambivalence du loisir et condition post-moderne
Jean Baudrillard (1970) est moins optimiste. Il annonce l’aliénation de
l’individu contemporain à l’objet et à la consommation, en soulignant la
contradiction entre cette consommation, les loisirs et le temps perdu ou
gaspillé. Depuis, la généralisation du loisir s’est réalisée. À bien des égards,
elle a généré les pires prévisions de Baudrillard. Celeste Olalquiaga (1992)
postule que la relation à l’habitat et aux lieux évolue sous l’influence tant
des mutations des structurations profondes de notre société (mobilité, flexi-
bilité…) que des évolutions techniques (révolution des communications).
Cela génère un malaise (psychesthenia) qui renvoie à ce que la plupart des
auteurs appellent la condition post-moderne : nous évoluons en permanence
dans des contextes où la territorialisation se révèle difficile, dans ce
qu’Augé (1992) appelle les non-lieux. Plus grave encore, les représentations
qu’on nous donne de la société seraient faussées, sans références à un vécu
tangible, sensationnalistes, sordides, violentes… Tout cela perturberait la
formation des identités spatialisées des individus.
Devant la multiplication de ces contextes découplés du réel, nous
serions littéralement et figurativement « perdus dans l’espace », dans une
situation de « perturbation dans notre relation personnelle avec le territoire
environnant » (Olalquiaga, 1992). Cette troublante incapacité à localiser les
frontières de notre corps nous conduirait à une confusion entre ces para-
mètres corporels et les espaces représentés, nous poussant à abandonner
notre identité propre pour nous fondre dans un espace environnant volon-
tairement flou en jouant d’identités différenciées. Nos représentations d’un
monde imaginé à partir de médiations faussées finissent par se substituer au
monde réel, car elles apparaissent plus attrayantes. L’engouement pour le
patrimoine ethnologique dans les sociétés occidentales contemporaines est
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un indicateur de cette situation.þ Jeudy (1986) ou Candau (1998) ont


montré que la mémoire collective se construisait au besoin contre la vérité
historique. Ainsi, les animations festives du patrimoine (fig. 1) se sentent
obligées de renforcer l’erreur populaire, afin de répondre à un public qui
demande au patrimoine un passé imaginé plutôt que réel (Lowenthal,
1998). Elles présentent l’idéal d’une mémoire « rose » qui exclut les con-
flits, les oublis et les contradictions du réel, et procèdent à la reconstruction
des identités locales par « ceux qui perçoivent leurs liens avec leurs origines
comme les plus distendus » (Candau, 1998, p. 157). Ainsi, selon Poche
(1998), la mise en patrimoine élabore l’image virtuelle d’une société
détemporalisée et désincarnée. Le patrimoine trahirait alors une « incapacité
à habiter le temps présent » (Candau), et se rapporterait in fine à une peur
de la perte et de l’oubli. Cette plongée dans l’hyper-réel pourrait n’être
qu’un jeu, mais nous considérons comme réels les modèles artificiels peu
attrayants qui nous sont proposés (centres commerciaux, parcs d’attrac-
tions, télévision, etc.). Nous n’imaginons plus guère échapper à cette illu-
sion hyper-réelle de l’interaction au monde. En même temps, ce désir,
fondé sur l’angoisse, génère ivresse et effroi (Missonnier et Lisandre, 2003)
ou souffrance car il est produit par la «mort du symbolique» (Stiegler, 2004).

La fête médiévale: un grand succès contemporain peu préoccupé de véracité historique.


« Fête traditionnelle d’inspiration médiévale » réalisée à Villandraut (Gironde) en 2000 par
une société commerciale. Certains événements festifs sont moins innocents: voir Martin et
Suaud (1992) sur le Puy-du-Fou (Vendée).
Fig. 1 La fête des Fous.
All fools’s day.
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1.3 Du malaise post-moderne à l’événement permanent


Ce malaise est à l’origine du besoin de créer l’événement permanent. Selon
l’anthropologue Marshall Sahlins (1985), la notion d’événement ne
s’oppose pas à celle de structure historique, mais en est le nécessaire
complément. Lorsque le capitaine Cook est assassiné à Hawaii en 1829, ce
n’est pas en tant qu’envahisseur ou colon, c’est dans une logique culturelle,
parce qu’il a été reconnu par les autochtones comme l’incarnation d’un
dieu local néfaste. L’événement imprévu (la venue des Européens sur l’île)
prend sens dans les termes du système symbolique propre à la culture
hawaïenne préexistante. On peut donc comprendre la culture comme
l’organisation d’une situation présente dans les termes d’un passé connu,
pour dépasser ainsi l’opposition classique entre structure et événement, fon-
dée sur l’idéalisme de la structure, et montrer que les systèmes culturels se
reproduisent toujours en intégrant les événements, en donnant un sens à
l’irruption progressive des innovations. Dès lors, le changement n’est
qu’une modalité de la reproduction culturelle ; il ne s’y oppose pas.
Pour Alban Bensa et Éric Fassin (2002) l’événement n’existerait que par
sa médiatisation (Nora, 1974). Il relève d’une temporalité spécifique, ren-
voyant à l’ambiguïté idéelle d’un présent à la fois perpétuel et unique
(Deleuze, 1969). Ces caractéristiques imposent au chercheur de dépasser
l’événement lui-même, pour aborder les cadres interprétatifs dans lesquels
il s’inscrit et les manières dont il est produit et mis en scène média-
tiquement. L’événement est une catastrophe fondatrice (Thom, 1983) :
dans un continuum linéaire, il apporte l’idée de rupture mais en même
temps d’aboutissement ; c’est une mise en scène du sens profond de ce con-
tinuum (une justification a posteriori) ; il crée un équilibre précaire et
génère ainsi la phase suivante de ce continuum. Ainsi, il faut nécessairement
s’intéresser à l’événement vécu, à travers le temps, les lieux, les actions, les
individus, c’est-à-dire à l’événement considéré comme un construit social.
L’événement invite alors à reprendre de manière critique les catégories de
culture, de rite, de structure (Sahlins, 1985).
Enfin, comme la force de l’événement réside dans ce qu’il dit plus que dans
ce qu’il est, et qu’il est à la fois rupture et point de départ («Rien ne sera
jamais plus comme avant…», a-t-on entendu dire après les attentats de New
York en 2001), il faut en priorité s’intéresser aux manières dont la notion
s’applique dans un champ donné. Il faut voir comment, au-delà des récits qui
en font une rupture unique, incomparable, il peut avoir une signification
sociale lorsqu’on le met en rapport avec le contexte qui le produit et les séries
de faits à travers lesquelles il prend sens.
La fête permet de comprendre comment on passe de la notion d’événement
sporadique à celle d’événement permanent. Selon Olalquiaga (1992), la
fête est le prototype parfait de l’événement qu’on peut espérer générer et
contrôler, même si, dans la réalité, il s’agit souvent de productions com-
merciales. Pour certains, ces événements festifs sont des espaces de liberté
car on les accapare, on les parodie, on les travestit. Elle cite ainsi la réin-
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vention de la culture latino à Los Angeles ou le mouvement punk festif


chilien. C’est aussi la Mano Negra qui manie fort bien ce type de
« radicalisme ironique ». Cette fête voulue comme permanente permet de
substituer une réalité plus riante à celle que l’on pratique couramment.
Cette construction de l’événement artificiel réalisé — l’hyper-réalité —
dépend de l’offre commerciale, qu’en bon consommateur, chacun accepte
sans réfléchir. Ces qualités expliquent que spectacles, fêtes, actions cultu-
relles sont nécessairement des événements : à Eurodisney, la fête est quoti-
dienne pour assurer aux visiteurs que leur séjour est différent de celui des
visiteurs de la veille. De même, c’est encore la fête qui crée la réalité du
village déstructuré par la péri-urbanisation (Crozat, 2003). Enfin, les insti-
tutions culturelles et les musées privilégient souvent la forme de l’exposi-
tion temporaire, construite comme un événement (Davallon, 1999). Car
aujourd’hui l’art est souvent associé à la fête. Cet événement performatif
permet de supprimer le lieu et sa structure historique en renforçant la
médiatisation : la fête n’est plus que présent, immédiateté; par exemple à
travers la multiplication des spectacles de rue, mais aussi d’autres manifes-
tations plus statiques (expositions, réalisation de grafs dans les raves par-
ties), à l’intérieur du site de la fête.
À partir de là, on doit s’intéresser à un certain nombre d’éléments
dérivés car ce nouveau mode de fonctionnement de la fête a des implica-
tions multiples.
1.4 Une nécessaire re-définition du concept de loisir
La définition du loisir s’impose. On peut l’entendre de trois manières dif-
férentes (temps, activité, expérience), toutes insuffisantes.
La plus usitée, comme temps, l’oppose aux temporalités du quotidien et
au travail payé. Cette idée n’est pas universelle et date de la Révolution
Industrielle. Mais elle est restrictive : tous les non-actifs (définition de
l’INSEE) et une partie des actifs (chômeurs) en sont exclus, même si on
l’étend jusqu’à des formes de travail non payées (soins aux enfants, éduca-
tion, tâches domestiques…). Bien que disposant de temps, ces exclus ne
possèdent pas toujours les moyens économiques nécessaires, les droits (pri-
sonniers) ou les possibilités physiques (retraités) ou culturelles de profiter
de leur temps libre.
Comme activité, le loisir nous permet d’inclure les activités banales du
quotidien (fréquenter un café, faire du jardinage, regarder la télévision…).
On peut également disposer de statistiques plus complètes à travers les
enquêtes (par exemple, ministère de la Culture français ou General Household
Survey britannique). Mais ce n’est pas plus satisfaisant : la sexualité ou les
activités illicites (fumer de la marijuana) doivent-elles être considérées
comme des loisirs ? Surtout, les formes les plus institutionnalisées (golf,
opéra, théâtre…) sont sur-valorisées au détriment des activités banales du quo-
tidien. Enfin, les loisirs de certains peuvent être le métier des autres (jardi-
nage, sport, jeux d’argent), faussement comptabilisé comme temps libre.
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Envisager le loisir comme expérience permet de prendre en compte le


contexte dans lequel il s’inscrit et devient producteur d’émotions, de sen-
timents, mais aussi les obligations qui lui sont associées (encadrer ses
enfants dans une activité de loisir, même sans être payé, n’est pas toujours
un temps de loisir…). « Le loisir est défini par l’usage du temps, pas le
temps lui-même. Il doit être distingué par le sens de l’activité, non sa
forme » (Kelly, 1983, cit. in Pain, 2000). Pour Kelly, une relative liberté et
sa perception sont la principale caractéristique du loisir ; en découle l’idée
de jeu et de plaisir. En réalité, cette liberté reste illusoire : le contrôle social
est permanent depuis le XIXe siècle (Corbin, 1995) et se renforce
aujourd’hui (Crozat, 2004). Enfin, le loisir apparaît comme un objet de
consommation construit selon les normes du marketing.
Au final, cette imprécision montre bien la nécessité de travailler
sérieusement à la conceptualisation du loisir devenu un des champs majeurs
structurant nos sociétés. En effet, une étude britannique (Henley Centre,
1994, cité in Pain, 2001), confirmée par d’autres études nationales (Don-
nat, 1997 ; Lalive d’Épinay, 1982 ; Bouillin-Dartevelle et alii, 1991 ; Gama
et Santos, 1991), montre que dans les sociétés occidentales développées, le
temps consacré aux loisirs est partout deux fois plus important que celui
dévolu au travail (environ 40 % du temps total contre 20 à 25 % pour le
temps de travail). En même temps, les activités de loisir représentent une
part croissante de l’activité économique générale : jamais moins du quart et
jusqu’à plus du tiers du PIB dans certains pays. Et cela ne tient pas compte
des activités induites : que serait par exemple l’industrie de la bière sans la
fête ?
S’y ajoute ici un second impératif : comment caractériser la fête dans ce
champ si vaste des loisirs ? Si les notions de fête, loisir et consommation
tendent bien à se rapprocher, et à participer d’un univers de référence com-
mun marqué par les repères du divertissement, de la marchandisation ou
de la standardisation, peut-on dire pour autant qu’elles sont devenues uni-
formes, équivalentes, réductibles les unes aux autres ? Comment la fête
s’insère-t-elle dans les loisirs ? Dans notre champ disciplinaire, la principale
caractéristique de la fête traditionnelle tenait dans sa capacité à construire
symboliquement des lieux. Qu’en est-il aujourd’hui ?

2 Quelle construction des lieux par la fête ?

Pour penser les mutations de la fête, nous débutons par un bilan des évo-
lutions récentes du contexte d’utilisation des notions de fête, loisir et con-
sommation. Nous posons ensuite la question du rôle de la fête dans la
construction des identités territoriales avant d’aborder les relations entre
local et global. Cela nous permettra, dans la dernière partie, de distinguer
plusieurs niveaux d’analyse des faits étudiés et de retenir quatre fonctions
de la fête et des loisirs festifs pour les penser.
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2.1 Les mutations radicales de la fête


L’importance du banal et du quotidien : le premier changement, c’est la
prise en compte, tant par les acteurs publics ou privés (organisateurs) que
par les scientifiques, de l’importance du banal et du quotidien (Bromberger,
1989; 1998 ; Di Méo, 1996 ; Yonnet, 1999). Tourisme, sorties, passe-temps
représentent une part majeure de la vie des individus (Donnat, 1997 ; Hall
et Page, 1998) et de la structuration de l’expérience humaine du monde,
par leur durée croissante, mais aussi parce qu’ils laissent à l’individu devenu
acteur une capacité apparente de choix plus large que dans d’autres domaines
(travail, logement par exemple). À ce titre, ils contribuent à la production
des identités et se révèlent d’excellents marqueurs sociaux et spatiaux.
Fêtes et loisirs se confondent : dans ce contexte, la distinction entre ces
différentes activités s’estompe pour l’usager, devenu acteur et client. Fêtes
et sorties se confondent, tandis que le tourisme, l’audiovisuel et souvent le
commerce jouent des mêmes registres en plaçant l’événement, la participa-
tion — en général virtuelle — et le ludique au cœur de toute activité : on
parle alors d’entertainment. Le choix de ce terme plutôt que son équivalent
français (divertissement récréatif) vise à prendre en compte un modèle com-
binant des loisirs re-médiatisés par l’événement permanent (Eco, 1987),
mais aussi consumérisme (Don Mitchell, 2000) et manipulation des repré-
sentations jusqu’à la reconstruction hyper-réelle lorsque l’original ne donne
pas satisfaction (Rodaway, 1994).
L’évolution des programmes de fêtes locales sur la façade méditer-
ranéenne de la France (Fournier, 2002) témoigne de cette tendance. Les
fêtes anciennes réfèrent à des sociétés agro-pastorales et célèbrent commen-
cement et fin des cycles de travaux agricoles ; elles suivent un schéma rituel
fixe reconduit d’année en année. Les fêtes créées depuis une trentaine
d’années proposent des activités nombreuses, hétérogènes et juxtaposées
(fig. 2A et 2B). Comparer des fêtes de création ancienne et récente révèle
que les anciennes fêtes de confréries sont relancées en respectant à la lettre
un programme qui rassemble les participants dans un seul espace unifié par
le rituel. Les fêtes récentes sont construites autour d’un espace éclaté par
la diversité des activités simultanées. Cette diversification des fêtes permet
au public de déambuler librement, suivre plusieurs activités en même
temps, et prendre la posture du spectateur. Les fêtes anciennes prescrivaient
des rôles et des statuts aux personnes qui les fréquentaient. Elles se con-
centraient autour d’une trame programmatique que chacun suivait à l’unis-
son. Les fêtes actuelles sont organisées de telle façon que le participant ne
sait pas forcément lui-même s’il est placé sur le registre de la célébration
collective ou celui de la réjouissance individuelle. Les organisateurs créent
pour lui des activités qui ont un sens à la fois pédagogique, ludique et com-
mercial, ce qui pousse à la confusion.
La fête comme outil politique : prenant acte de ces recompositions, le
scientifique s’intéresse donc à des activités auparavant considérées comme
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2A: Les fêtes de création ancienne. L’espace et le public de la fête sont unifiés autour d’ac-
tivités rituelles communes qui se succèdent sur l’axe du temps.

Fête de la confrérie de Saint Eloi, 3e samedi de juin, à Mollégès, Bouches-du-Rhône (Fournier, 2002, p. 241-270)
messe aubade décoration de la course apéritif repas bal
charette charette

8h 10h 12h 15h 19h 20h 22h


parade Messe distribution kermesse concert de apéritif repas feux bal
militaire Te Deum aux indigents l'orphéon

Instructions préfectorales pour encadrer l'organisation des festivités du 15 août sous le Second Empire (d'après Sanson,1994)

2B: Programme d’une fête locale créée en 1968. L’espace et le public sont fragmentés par
l’existence d’activités simultanées diversifiées. Les éléments fédérateurs (au-dessus de la
flèche) ont un sens d’animation plutôt que de rituel.

Fête des olives vertes, 3e samedi de septembre, Mouriès, Bouches-du-Rhône

Concours (cassage d'olives) sérénade bal

8h 10h 12h 15h 19h 20h 22h

– foire à la brocante et aux produits du terroir


– promenades en calèche
– danses et animations folkloriques
– exposition des artistes locaux
– concentration de vÈhicules anciens
– etc.

Fig. 2 Évolution de la structure des programmes des fêtes.


Structural evolution of the festival programs.

négligeables, mais dont les acteurs publics ont depuis longtemps perçu
l’importance. Dès le XVII e siècle, le processus de « policement des mœurs »
a contribué à structurer la société au moyen du contrôle des loisirs festifs,
notamment sur le plan religieux, social et moral (Elias, 1973 ; Muchembled,
1991 ; Corbin, 1995). La Révolution française a codifié strictement les fêtes
(Ozouf, 1976). Au XIX e siècle, la fête est condamnée tant par les tenants
de l’ordre moral que par les révolutionnaires : elle est lieu de licence et
d’excès pour les uns, moyen de calmer les ardeurs populaires pour les
autres. Au XXe siècle, l’organisation nationale des loisirs (dopolavoro du fas-
cisme italien ou la Force par la Joie nazie) montre l’intérêt que leur portent
les acteurs publics. En France, l’organisation du rituel de la fête nationale
du 15 août puis du 14-juillet en témoigne. Sous Napoléon III, il est
imposé aux maires par le pouvoir (fig. 2A). Après 1880, « les finalités se
recoupent : consacrer le régime, forger une mentalité collective, sceller
l’adhésion du peuple au gouvernement. En matière de divertissement, le
Second Empire calque les fêtes nationales de la Monarchie de Juillet et la
Troisième République plagie le Second Empire avec quelques variantes
dues au contexte » (Sanson, 1994). Sous le Second Empire, la fête conçue
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comme un plébiscite connaît un succès ambigu : populaire car fête natio-


nale, elle ne suscite pourtant pas d’adhésion forte à la personne de l’Empe-
reur, et provoque la demi-hostilité du clergé. La fête du 15 août s’est per-
pétuée comme un des principaux jours de fêtes locales en France avec,
entre autres, environ 7 000 bals (Crozat, 1998). En revanche, avec le même
rituel, le pouvoir républicain, dans un contexte différent, a su faire du 14-
juillet un réel succès pour le régime (Sanson, 1976 ; Ihl, 1996). Moins
spectaculaire, l’imbrication de la Fête nationale du 14 Juillet et du Tour de
France cycliste est un indice de l’utilisation croisée de l’image des fêtes et
des loisirs par les acteurs publics, pour construire une mémoire commune
(Amalvi, 1984).
Le poids économique des fêtes : le poids économique des loisirs et fêtes
s’accroît. Mais, au-delà de la seule consommation, fêtes et loisirs contribuent
au développement et à la création sociale de richesse et de valeur. À Lille,
le Plan Local d’Action Tourisme de 1999 définit une politique destinée à
renforcer « l’image à vendre » de la ville et de sa région. On va donc faciliter
le développement d’un des plus vastes quartiers de bars en Europe, autour
des Halles. « L’exploitation de cette filière [la vie nocturne] n’existerait pas
sans une évolution de la Ville elle-même. La vie nocturne est une nouvelle
réalité lilloise, pas forcément facile à maîtriser. Elle peut être un produit
fabuleux pour les touristes, avides de flâneries nocturnes, d’ambiances ori-
ginales et de convivialité (estaminets, Folies de Paris, caves, bars à thè-
mes…). Elle existe dans le Vieux Lille, à Wazemmes, dans le quartier des
Halles ». Valorisation de la bière et réinvention de l’estaminet sont destinées
aux clientèles aux modes de vie uniformisés des grandes métropoles : on
leur propose une image typée mais pas incompréhensible, un nouvel exotisme.
Les fêtes locales facilitent l’exploitation d’une ressource patrimoniale
(produits du terroir, bâtiments anciens) (Hinnewinkel, 2001). Dans les
fêtes aveyronnaises (Regourd, 2002) ou celle des bœufs gras de Bazas
(Gironde), l’événement festif est indissociable de la construction du patri-
moine (fig. 2), ici les produits du terroir labellisés par l’appellation d’ori-
gine contrôlée. La fête est au cœur du plan de valorisation et de
« marketing » des lieux (Gilbert, 1994 ; Garnier et alii, 1999 ; Abdelmalek
et Chauvigné, 2000 ; Fournier, 2002), tant pour la population locale que
pour celle venue de plus loin. Elle s’inscrit dans les stratégies de dévelop-
pement local. Cette valorisation du patrimoine local remet en question cer-
taines analyses critiques de la patrimonialisation, assimilée hâtivement à une
pétrification (Jeudy, 1999). Elle pose la question du type de valeur que la
fête contemporaine produit,þ fort différente des valeurs de sacralité ou
d’utopie qui fondaient les analyses durkheimiennesþ.
2.2 Limites de l’uniformisation: la dialectique local-global
En même temps, la fête assure la promotion du localþ. Produit d’un mar-
keting uniformisé afin de devenir consommable par le plus grand nombre,
elle est sujette à une médiatisation croissante : CNN (la mise en scène du
318 • Dominique Crozat, Sébastien Fournier ANNALES DE GÉOGRAPHIE, No 643 • 2005

Aspect socio-culturel Aspect socio-économique


Ville de Bazas

Retombées économiques, Organisation et Bouchers bazadais


touristiques et médiatiques financement de la fête
te
Retour aux valeurs traditionnelles fê Éleveurs traditionnels
la
et aux valeurs du terroir de
s
ur
Ac
te Microfilière locale
ue
iq
o m et pratiques individuelles
on
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Succès de la fête
o ri s e lle Organisation
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re ss io économique
Fête n na
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s
co ro
Valisation de l'image du produit des re et
p de la filière et
pratiques collectives
bœufs
Lien social et identité territoriale gras Identification du produit
par le grand public
Association de défense
du bœuf bazadais
Promotion du
«Bœufs de Bazas»
Coopérative Expalliance

Fig. 3 Construction des identités territoriales festives et bovines en bazadais


(d’après Guicheney, 2001).
Building of festive and bovine territorial identities in the Bazas region (near Bor-
deaux) (from Guicheney, 2001).

passage à l’an 2000) ou Disney ne sont-il pas des producteurs majeurs de


normes festives ? La fête est en tout cas très concernée par la question de
la mondialisation culturelle. Plusieurs modèles théoriques envisagent le lieu
de la fête comme celui d’une dialectique entre échelles locale et globale.
Il faut d’abord se garder d’adopter un point de vue totalisant : la moder-
nité ne fut pas seulement uniformisation et globalisation. La modernité créa
aussi de la différence en provoquant divers phénomènes de syncrétisme ou
en suscitant de nouveaux particularismes. La globalisation implique quant
à elle la complexité et la diversité (Carol Rogers, 1992), voire le maintien
des localismes et la résurgence ou la revivification des identités locales et
des communautarismes : « Jamais un Marseillais n’a autant ressemblé à un
Breton, jamais il ne s’est senti plus différent » (Bromberger, 1996). De
même, G. Balandier affirmait dans une récente conférence qu’il n’y a pas
une modernité unique mais une infinité de modernités qui s’enchaînent et
se succèdent dans l’histoire.
Tentant aussi de dépasser l’opposition local-global, Clifford Geertz
(1986) souligne que les situations d’alternative à la dialectique du global
et du local sont rares et se résument à deux malédictions : la dilution de
l’individu dans un système global désenchanté car incapable de penser le
particulier ; la fusion organique dans une communauté qui détermine les
inscriptions culturelles, transformant l’identité en fatalité. Aujourd’hui, les
modèles universalistes restent flous et dépendent de leurs contextes de per-
ception et d’adaptation par les sociétés locales et les individus. Aussi, ces
derniers ne choisissent que ce qui correspond à leurs systèmes culturels : les
individus composent à partir d’une palette de possibles quasi infinie des
Articles De la fête aux loisirs, marchandisation et invention des lieux • 319

paysages culturels variés qui donnent sens à leur vie. Par ailleurs, la com-
munauté n’existe plus vraiment, sinon en tant qu’idéologie territoriale
(Crozat, 2003) ou « communauté imaginée »þ(Anderson, 1991). À l’échelle
locale, Geertz détecte des mécanismes de globalisation ressemblant à ceux
qui régissent le monde. Il insiste sur la capacité des hommes à transformer
toute nouveauté à travers le double filtre d’un système de pratiques et de
significations. Il défend l’idée de la relation entre un universel qu’il voit
homogène et un local hétérogène : « L’approche par les lieux permet de
conjuguer le plus local des détails et la plus globale des structures globales,
en sorte qu’on arrive à les voir simultanément » (Geertz, 1986). La culture
n’est donc pas seulement un système de pouvoir et de domination, car elle
n’en est pas le fidèle reflet : une autonomie est envisageable dans la mesure
où le pouvoir d’interprétation donne sens. À Lille, la frontière avec la Bel-
gique, réputée virtuelle du fait de l’ouverture européenne, se perpétue par
l’action des individus qui « vont faire la fête en Belgique », même s’il s’agit
simplement, sur les bords de la nationale 50, d’y fréquenter une discothèque
conçue selon un standard international qui passe des musiques internatio-
nales dans une langue internationale.
Sennett (1990) ou Don Mitchell (2000) ne récusent pas Geertz sur le
fond mais pointent que ces fragmentations et discontinuités contribuent à
la production d’identités complexifiées et appauvries par la dé-territorialisa-
tionþqu’induit la globalisation culturelle. Ainsi à Dublin la prolifération
récente, liée au boom économique, du type de bar dit irlandais que le
groupe Guinness exporte dans le monde entier a déclenché une polémique :
on leur reproche de hâter la disparition des bars irlandais traditionnels.
Assez proche de ces idées, la proposition d’Anthony Giddens (1987)
d’une théorie de la structuration tente indirectement de donner sens à cette
relation complexe entre universalisme/globalisme et localisme/particula-
risme. La compétence des agents crée, à travers l’action, des « propriétés
structurelles » qui, à leur tour, orientent à tout moment la conduite et la
compétence propre des individus. Cette adaptation continue, faite de
rétroactions permanentes modifiant un environnement changeant, permet
l’acquisition de compétences mobilisées pour la protection de l’identité des
sujets-agents. Individus et groupes construisent des compétences pour gérer
leur résistance à la « dé-caractérisation culturelle » en mobilisant des recours
variés qui découlent du propre processus de dé-territorialisation de leurs
pratiques. Cependant, Giddens s’expose aux mêmes critiques que Geertz.
Sennett (1991) s’interroge pour savoir jusqu’où il est légitime d’attendre
que les sujets auto-définissent leur propre identité en même temps que tous
les protagonistes des communautés simultanées et multiformes, communautés
locale, régionale, nationale ou internationale qu’ils fréquentent. En fait, les
individus sont plus souples que ne l’imaginent nos modèles. Cependant
croire que cette capacité de construction harmonieuse et multiscalaire des
identités concerne tous les individus, toujours en phase au bon moment, est
un peu naïf.
320 • Dominique Crozat, Sébastien Fournier ANNALES DE GÉOGRAPHIE, No 643 • 2005

En conséquence, la proposition de Simard (2000) d’envisager le concept


de système identitaire glocal comme articulation de territorialités d’échelles
variées apparaît mécaniste. Cette articulation passerait par l’imaginaire
autant que par les institutions, dessinant des identités localisées mais aussi
réticulaires ou virtuelles. Chaque échelle supérieure viendrait renforcer la
précédente en même temps qu’elle lui devrait son existence. Les échelles
locales et régionales seraient les plus importantes. Le concept est intéres-
sant, mais ce modèle repose sur une vision trop hiérarchique et uniformi-
satrice de l’identité. Il suppose surtout que, partout, les sociétés produisent
le même localþ uniformisé et décalé de la diversité des réalités rencontrées.
Ces limites conduisent à conclure à l’impossibilité de construire des typo-
logies strictes selon ce critère (Street, 1997). Cette thèse offre pourtant un
outil opératoire parfois utile : les festivals de country ou les rave parties
revendiquent cette uniformité comme gage de qualité et d’authenticité
(Theulle, 2004 ; Mabilon-Bonfils, 2004).
Cependant, d’autres phénomènes télescopent les logiques théoriques
que nous venons de recenser, jusqu’à remettre en cause l’idée d’emboîtement
d’échelles.
2.3 Fluidité et ouverture : le rôle croissant des représentations
En effet, dans ce qu’Édouard Glissant appelle « une pensée du trem-
blement », la fluidité sans esprit de système, ni cohérence d’échelle de la
construction des identités spatiales se retrouve dans l’un-glunking geography
de Deleuze chez Doel (2000). Concernant les fêtes, il faut nuancer le propos
avec deux remarques.
La première concerne la régulation médiatique de la fête. Cette créolisa-
tion du monde (Glissant, 2004), cette pensée-rhizome, selon Deleuze, est plus
régulée par l’influence des grands networks médiatiques que ne l’affirment ses
promoteurs. Le développement des rassemblements géants dans les
métropoles lors du passage de l’année en est un exemple, l’omniprésence pla-
nétaire et l’influence de Disney en est un autre. Le succès du Téléthon en
France et son équivalent dans tous les pays développés est représentatif de
cette articulation entre des événements festifs locaux liés en réseau national
par le biais de la médiatisation. Dans beaucoup de périphéries pavillonnaires
récentes sans tradition festive rénovée, le Téléthon est devenu la fête locale
majeure de l’hiver : avec le 14-Juillet, le 15-août et la fête de la musique (21
juin), c’est un des quatre principaux rassemblements festifs nationaux
annuels. Que deux de ces systèmes de fêtes datent de moins d’un quart de
siècle montre bien l’ampleur du renouvellement, mais à un rythme sans
surprise : à la fin du XIXe siècle, le 14-Juillet s’est imposé aussi rapidement
(Ihl, 1996). Surtout, la mondialisation culturelle passe par la formalisation
médiatisée du Téléthon. Animations et fêtes sont conçus pour le passage à la
télévision et à la radio, même s’il se limite à quelques instants d’antenne, sou-
vent radiophonique et régionale (le réseau des Radio Bleues de France Inter).
Le Téléthon s’apparente aux spectacles télévisuels du type d’Okavango de
Articles De la fête aux loisirs, marchandisation et invention des lieux • 321

Nicolas Hulot qui « contribue, à sa petite échelle […] à ménager et à amé-


nager un “terrain” visuel et cognitif favorable à la constitution d’une pers-
pective “mondialisante” » (Perrot, 1997). Qu’on pense à tous ces « défis » (le
terme est déjà révélateur en lui-même) qui s’apparentent à ceux du Guinness
Book des Records, autre standard de la mondialisation culturelle.
La seconde remarque questionne la récurrence de l’utopie d’une com-
munauté idéale. Ainsi, le repas dansant est un bal clos périurbain qui rem-
place peu à peu le bal public et ouvert traditionnel, mais cultive le cliché
du bal public rural. Organisé en général par des associations, sa clientèle
est très précisément identifiée (invitations, bouche-à-oreille). Aussi, bien
que nombreux (40 000 chaque année en France), ces bals sont discrets. Les
organisateurs refusent la publicité qui appellerait un public « tout-venant ».
Ils sélectionnent sur une aire plus large que le territoire, et en même temps
excluent ceux qui ne font pas partie du champ social défini. Ainsi, ils
s’empêchent de réaliser le bal public auquel ils disent rêver car ils construi-
sent une société différente. « Néo-communautarisme doublé d’un utilita-
risme cynique » (Jauréguiberry, 1994), c’est un bal clos destiné à créer une
communauté idéale débarrassée de ceux qu’on ne veut pas côtoyer. Le projet
politique ne vise plus à renforcer la cohésion d’une communauté territoria-
lement identifiée, ni à la re-fonder par l’adhésion de tous en lui donnant à
voir ses origines, sa diversité, sa vivacité. On refuse la communauté territo-
riale pour créer un projet irréel, intemporel, caché et protégé des autres.
Les liens sont socio-économiques et culturels plus que territoriaux.
À partir de cette analyse, il est possible de cibler quelques pistes d’orien-
tation d’une recherche sur la fête.

3 Comment penser la fête aujourd’hui ?

L’analyse qui précède pose les jalons d’une nouvelle pensée de la fête. Cette
dernière ne serait pas seulement mise à distance comme lieu utopique, mais
refléterait au contraire la complexité des articulations d’échelles propre aux
sociétés contemporaines. Pour en renouveler l’étude, on peut distinguer
des niveaux d’analyse mais aussi des fonctions nouvelles des fêtes.
3.1 Renouveler l’analyse
Plusieurs niveaux d’analyse nous semblent émerger concernant le lien entre
fêtes et loisirs, la marchandisation et la standardisation croissante des acti-
vités festives et de loisir, mais aussi les rapports entre fête, croyance et action.
– Nous avons insisté sur le lien croissant entre fête et loisir, en particulier
à travers les sorties. Le basculement des temporalités où un time being
(Loy, 2001), temps vécu se substituerait au time-clock de la modernité
(Landes, 1987) projeté dans la construction de l’à-venir, amène à recher-
cher constamment l’événement afin de scander cet éternel présent. La fête
permanente, personnalisée (sans abandonner l’inscription collective) et ubi-
quiste, est un outil privilégié de cette nouvelle temporalité.
322 • Dominique Crozat, Sébastien Fournier ANNALES DE GÉOGRAPHIE, No 643 • 2005

– La marchandisation de la fête est croissante. Outil et vecteur écono-


mique, elle perd le côté spontané et désintéressé, longtemps et naïvement
trop valorisé. De grands groupes (Disney, Club Méditerranée, Sony…) la
produisent. Mais la marchandisation est aussi à l’œuvre dans des événe-
ments de proximité, du bal de quartier aux sorties du soir ou à la fête du
terroir.
– La standardisation, la reproductibilité et l’industrialisation de la fête
sont à l’ordre du jour. Ce mode de production festif garantit une efficacité
économique. Il permet aussi aux individus de retrouver des repères fiables
et efficaces dans ce contexte d’événement permanent. L’analyse de la fête,
mais aussi les techniques « d’ingénierie festive » montrent que les événements
en question sont rapportés à des impératifs de gestion, selon une série de
modèles censés être appliqués dans n’importe quelle circonstance. Le succès
de tels modèles prend appui sur des ouvrages de management des événements
festifs (pour un exemple appliqué au domaine sportif, voir Desbordes et
Falgoux, 2003) ou sur des cursus de formation professionnelle orientés vers
les « métiers de l’art et de la culture », vers la mise en œuvre de festivals.
– Mais la fête se rapporte encore au champ de la croyance, de la religion
et des représentations, selon vieille la perspective durkheimienne. La fête
permet d’affermir l’ordre social et de « vendre » un territoire. Elle est aussi
une occasion de communiquer des valeurs. Inscrite dans le temps banal des
loisirs, incarnant les valeurs plus fondamentales de spontanéité, la fête
donne toujours une place de choix au mythe, et surtout au rite et à la
structuration du temps en séquences rituelles. Cette fonction perdure, tandis
qu’évoluent les modalités de constructionþdu mythe.
– Ainsi la performativité de la fête s’accroît : ouverture au monde d’une
communauté qui se dit et espère ainsi se réaliser, elle construit des rites qui
permettent aux images et aux représentations de valeurs communes de
générer une plus-value sociale. « Propriété de la parole d’agir sur le monde
et de le transformer » (Mondada, 2003), la performativité concerne une
« économie sémiotique [qui] rassemble sous une même bannière tous les
signes émis ou diffusés par les acteurs d’un ensemble pratique ou/et d’une
situation dans le cours de son fonctionnement » (Lussault, 2000). À partir
d’Austin et de Derrida, Judith Butler (1990) introduit le concept de per-
formativité pour comprendre les positionnements et les identités incorporés
dans les relations entre les structures sociales et l’action individuelle.
Thrift (1996) propose pour sa part de lier performativité et pratiques
individuelles, dans une « non-representational theory » ou «theory of practices ».
Les pratiques sont des présentations performatives, des mises en spectacles,
des manifestations d’une identité du quotidien, « tout dire est un faire
social » (Lussault, 2000).þ Aussi, les individus-sujets sont capables de chan-
ger le sens d’un lieu par le jeu de leurs discours et de leurs pratiques (Nash,
2000). On mesure l’intérêt d’un tel outil. Il fonctionne à double sens. La
tenue vestimentaire, le tatouage, le choix d’une discothèqueþlaissent la fête
construire l’identité à la place d’autres fonctions (le travail en particulier).
Articles De la fête aux loisirs, marchandisation et invention des lieux • 323

Les lieux sont effectivement construits par de tels discours : que serait le
village, même complètement périurbanisé, sans sa fêteþtraditionnelle ? Elle
est « considérée comme un indicateur d’efficacité organisationnelle de la
société locale, c’est-à-dire de son aptitude à susciter de la coopération entre
ses membres » (Granié et Linck, 1997). Boissevain (1997) montre comment
le système de représentations des Maltais de l’émigration, exprimé à l’occa-
sion de leur retour en vacances, dans des festas, s’impose aux résidants per-
manents de l’île. Il construit une identité collective locale (fournit des raci-
nes) traduite jusque dans l’aménagement urbain. Ces situations, comme ce
qu’on a pu développer plus haut autour de l’idée de néo-utopie communau-
taire, imposent de reconsidérer le concept de prophétie auto-réalisatrice (self
fulling auto prophecy) de Merton qui, bien qu’assez flou, peut se révéler
intéressant.
3.2 Fonctions de la fêteþcontemporaine
Quatre fonctions non exclusives de la fête et des loisirs festifs sont retenues
pour établir les bases de travaux à venir.
– En permettant aux individus de s’inscrire dans des groupes restreints
précisément délimités, les fêtes produisent de l’identité individuelle : aller
dans tel ou tel autre type de lieu «marque», permet de «s’affirmer comme…»
(punk, rasta, etc.). Cette spécificité interroge les évolutions récentes de la
notion de lieu. Elle renvoie à des débats engagés dans le champ de l’his-
toire, de la sociologie ou de l’anthropologie (Nora, 1984-1992 ; Micoud,
1991 ; Augé, 1992).
– Fêtes et sorties permettent l’affirmation d’une corporalité des indivi-
dus. La consommation alimentaire (manger, boire ou ingérer des psycho-
tropes) et l’appel aux sens sont constants lors de leur déroulement. Cette
perspective offre à la géographieþ la perspective d’un approfondissement
scalaire, à partir des travaux sur le placement des corps dans l’espace, et —
enfin ! — celle d’une prise en compte du sujet par la géographie humaine
(Pile et Thrift, 1995).
– Les activités festives construisent des idéologies territoriales. Ce fait
est ancien mais s’est renforcé car, désormais, les brassages de population,
l’ouverture globale, le développement du tourisme tendent à brouiller les
repères habituels. En Provence, la fête permet la production d’un discours
patrimonial véhiculé par la para-littérature qu’éditent certaines structures
officielles : Comités du tourisme, collectivités territoriales, associations de
maintien des traditions (Fournier, 2002). Le discours identitaire indivi-
duel devient collectif, tandis que « les populations deviennent touristes à
leurs propres yeux » (Boissevain, 1997). Les recompositions des fêtes sont
liées aux évolutions des représentations liées au territoire (Di Méo, 2002)
et, souvent, la performativité des fêtes ne garde du territoire que le dis-
cours.
– Les activités festives participent donc au marketing territorial. Ce dis-
cours, tourné vers l’extérieur du groupe territorialisé quand l’idéologie ter-
324 • Dominique Crozat, Sébastien Fournier ANNALES DE GÉOGRAPHIE, No 643 • 2005

ritoriale a plutôt fonction interne,þ « vend » du territoire à travers ses fêtes.


Pour saisir pleinement ce phénomène, il convient d’étudier des corpus
précis d’images, de discours média-tiques, d’affiches, de publicités, etc., en
vue de comprendre comment les territoires se constituent une « vitrine
identitaire » (Bonnet, 1995 ; Geronimi, 2003).
Cet agenda participe du renouvellement de la discipline à condition
d’éviter trois écueils :
Enfermer ces études dans une spécialisation aveugle à d’autres objets
participant des mêmes questionnements (écomusées, pratiques en général).
Manquer de précision et ne pas distinguer entre les différentes fonctions
évoquées à l’instant.
Se priver des apports d’autres disciplines susceptibles de fournir des élé-
ments d’analyse particulièrement riches. Cet article à quatre mains espère
en témoigner.

Conclusion

Une caractéristique de notre modernité semble être un repli sur un éternel


présent. Prise dans ce « présentisme » (Hartog, 2003), la fête se banalise,
devient événement, bouleversant la structure tripartite habituelle du rite,
respectueuse de l’enchaînement passé/présent/futur. Les traditions et la
charge symbolique qu’elles portent ne sont pas seulement réinterprétées,
mais aussi réinventées (Hobsbawm et Ranger, 1983). À La Terrasse-sur-
Dorlay (Loire), la fête du pain, créée en 1990, attire 2000 personnes (4
fois la population du village) autour de valeurs traditionnelles, mais le vil-
lage n’a plus de boulanger depuis 30 ans… Lorsque la population d’origine
urbaine est devenue dominante, le besoin de reconstruire une identité col-
lective par le moyen d’une fête s’est fait sentir.
Ces fêtes procèdent d’une « filiation inversée » (Lenclud, 1987). Pensée
à partir du présent, l’étude des fêtes dépasse les stratégies individuelles ou
collectives pour les considérer comme un « nœud identitaire probléma-
tique » (Fournier, 2002) ou un moment privilégié permettant de comprendre
la construction sociale du sens par un collectif. Les fêtes font en effet coïn-
cider les quatre fonctions vues plus haut, les cultures et les territoires de
leur mise en œuvre.
On peut donc exploiter la forte capacité analytique des fêtes dans le
cadre des études de géographie. Rapportées aux loisirs, elles obligent le
chercheur à se re-positionner. Elles deviennent des objets d’étude aussi per-
tinents que le marché de l’acier, les stratégies résidentielles ou les modalités
d’organisation du pouvoir. Elles sont utiles pour cibler trois probléma-
tiques, trois approches conceptuelles majeures de nos sociétés :
– les relations entre individus, groupes sociaux, ainsi que les articulations
entre lieux, territoires, identités et comportements.
Articles De la fête aux loisirs, marchandisation et invention des lieux • 325

– la dialectique entre les espaces, lieux et territoires et le rôle des loisirs


dans la construction des identités territoriales jusqu’à la production d’urba-
nités flexibles (Augustin et Latouche, 1998).
– la construction culturelle et sociale des espaces de loisirs, les structu-
rations et les conflits spécifiques qu’ils suscitent.

Université de Montpellier 3
Route de Mende
34090 Montpellier
d.crozat@ades.cnrs.fr
ls.fournier@free.fr

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