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Abcès du cerveau
J.-J. Laurichesse, J. Souissi, C. Leport

L’abcès cérébral est une pathologie devenue rare en France, au XXe siècle. Son diagnostic a été facilité par
l’imagerie moderne (scanner cérébral et imagerie par résonance magnétique), les signes cliniques étant
parfois aspécifiques. La nature de l’agent causal varie selon la porte d’entrée, les abcès cérébraux étant le
plus souvent secondaires à des foyers à distance. Compte tenu de la difficulté de documentation
microbiologique de l’agent infectieux responsable, le choix du traitement anti-infectieux doit tenir compte
des micro-organismes suspectés ou isolés, et de données pharmacocinétiques incomplètes, diffusion et
concentration des antibiotiques dans le parenchyme cérébral. Ils sont initialement administrés par voie
parentérale et à posologie élevée ; un relais oral est ensuite possible, lorsque l’état du patient s’améliore.
Une recherche de la porte d’entrée est nécessaire pour reconnaître un foyer d’origine associé, pouvant
nécessiter un traitement propre et éviter une récidive. Un traitement chirurgical, avec une biopsie
stéréotaxique à double visée diagnostique et curative, est associé dans la majorité des cas. Grâce aux
avancées techniques en matière diagnostique et thérapeutique, associant traitements antibiotiques et
souvent drainage chirurgical, les séquelles sont devenues plus rares et souvent moins marquées. La
mortalité a été réduite à moins de 10 %.
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Mots clés : Abcès cérébral ; Antibiothérapie diffusion intracérébrale ; Drainage chirurgical ; Porte d’entrée

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 L’abcès cérébral est une pathologie devenue rare en France
dans la deuxième partie du XXe siècle avec une incidence entre
¶ Définition 1
0,3 et 1/100 000 habitants/an [1]. Son pronostic a été complète-
¶ Contexte épidémiologique 2 ment modifié du fait de la conjonction de plusieurs facteurs :
¶ Physiopathologie 2 un diagnostic plus précoce et plus facile par l’apparition d’outils
Abcès par contiguïté 2 peu ou pas invasifs (scanner et imagerie par résonance magné-
Abcès par diffusion hématogène 2 tique [IRM]), la meilleure connaissance des micro-organismes
Abcès par ensemencement direct 2 responsables d’abcès cérébraux, le développement d’antibioti-
Abcès d’origine indéterminée 2 ques ayant un spectre adapté à la bactériologie de ces abcès et
¶ Micro-organismes responsables 2 une bonne diffusion intracérébrale, et enfin des indications
chirurgicales plus sélectives, grâce à l’apport de la chirurgie
¶ Clinique 2
stéréotaxique.
Forme habituelle 2
Les abcès cérébraux chez les sujets immunodéprimés, ainsi
Autres formes cliniques 2
que les abcès fongiques, parasitaires ou à mycobactéries ne sont
¶ Examens complémentaires 3 pas traités dans ce chapitre consacré aux abcès bactériens.
¶ Diagnostic microbiologique 3
¶ Recherche de la porte d’entrée 4
¶ Traitement 4 ■ Définition
Traitement médical 4
Traitement chirurgical 4 . L’abcès est une suppuration intracrânienne réalisant une
Traitements adjuvants 4 cavité néoformée. Cette caractéristique le différencie d’un
Traitement de la porte d’entrée 4 empyème sous-dural ou extradural, suppuration intracrânienne
développée dans une cavité préexistante. Les pyogènes, et plus
¶ Suivi et pronostic 4
particulièrement les streptocoques, les staphylocoques, les
¶ Conclusion 5 anaérobies et certains bacilles à Gram négatif, qui sont des
bactéries à multiplication extracellulaire responsables des
suppurations, sont les principaux agents responsables.

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■ Contexte épidémiologique L’isolement de l’agent microbien responsable est rendu


possible grâce à la ponction-biopsie stéréotaxique, d’autant plus
Les abcès à pyogènes du cerveau sont devenus rares depuis la que les prélèvements effectués sont de bonne qualité, rapide-
fin du XXe siècle. Leur incidence est constamment inférieure à ment acheminés au laboratoire, et ensemencés en de multiples
1/100 000 habitants dans les pays développés et peut s’expliquer milieux de culture aéro- et anaérobies. Les hémocultures avant
en partie par la meilleure prise en charge des infections oto- antibiothérapie peuvent isoler les bactéries dans 20-25 % des
rhino-laryngologiques (ORL) et stomatologiques, dont ils cas.
représentaient une complication possible [1] . De même la Les bactéries les plus fréquemment isolées sont : les strepto-
mortalité, proche de 100 % au début du siècle traduisant coques aéro- et anaérobies (40 %) provenant surtout de la cavité
l’inefficacité du système immunitaire à la défense contre ce type buccale (notamment du groupe milleri : Streptococcus anginosus,
d’infection, se situe actuellement entre 5 et 10 %. Ce progrès a Streptococcus intermedius, Streptococcus constellatus), les bactéries
été réalisé grâce à un diagnostic plus précoce et plus facile anaérobies strictes (30 %) Bacteroides spp., Fusobacterium spp.
depuis l’avènement du scanner (1974) puis de l’IRM cérébrale En fonction de la porte d’entrée, certaines particularités sont
(début des années 1990), grâce à une meilleure connaissance des à souligner :
bactéries responsables (biopsie stéréotaxique possible) et grâce à • les abcès à point de départ dentaire sont fréquemment
la découverte de nouveaux antibiotiques à bonne diffusion dans associés à une flore polymicrobienne (streptocoques, anaéro-
le parenchyme cérébral. bies, dont Actinomyces sp. et plus rarement entérobactéries) ;
Les abcès du cerveau sont plus souvent observés chez les • les abcès à point de départ d’otite chronique sont dus aux
hommes adultes, avec une moyenne d’âge de 48 ans. Un sex- entérobactéries ou à Pseudomonas aeruginosa ;
ratio de trois hommes pour une femme était noté dans une • les abcès cérébraux survenant dans les suites d’une interven-
étude rétrospective portant sur 94 patients pris en charge entre tion de neurochirurgie sont dus à Staphylococcus epidermidis
1980 et 1999 [2]. Les sujets immunocompétents restent les plus et/ou à des bacilles à Gram négatif ;
touchés : cependant, sur l’ensemble des abcès du cerveau (tous • les abcès cérébraux à la suite d’un traumatisme sont le plus
micro-organismes confondus), la proportion d’immunodéprimés .
souvent dus à Staphylococcus aureus, mais il faut également
a nettement augmenté durant les trois dernières décennies. rechercher Nocardia spp., les anaérobies, les entérobactéries et
Pseudomonas aeruginosa.
Il est important de noter que dans 20 % des cas, le micro-
■ Physiopathologie organisme n’est pas retrouvé.
L’abcès cérébral débute par une inflammation non circons-
crite, « cérébrite », secondairement entourée d’une capsule
hypervascularisée, qui limite l’extension de l’infection.
■ Clinique
Différents mécanismes dépendant de la porte d’entrée sont à
l’origine de la cérébrite initiale. Forme habituelle
L’installation des signes cliniques est souvent insidieuse. Ils
Abcès par contiguïté traduisent le plus fréquemment l’hypertension intracrânienne,
et s’associent de façon variable aux éléments d’un syndrome
Ils représentent environ 50 % des cas.
tumoral intracérébral. Les céphalées, retrouvées chez la quasi-
Ils se développent à partir d’un foyer ORL primitif, sinusite
totalité des patients, uni- ou bilatérales, sont souvent mal
frontale, frontoethmoïdale ou sphénoïdale, otite chronique,
localisées et débutent progressivement. Les nausées et les
mastoïdite ou d’un foyer stomatologique, infection buccoden-
vomissements s’y associent dans 50 % des cas. Les crises
taire. La propagation se fait par voie veineuse intracrânienne,
convulsives généralisées sont retrouvées dans 30 % des cas.
favorisée par une phlébite septique. La localisation intracéré-
Dans 25 % des cas on retrouve un œdème papillaire au fond
brale dépend du foyer infectieux responsable. La flore est en
d’œil. Le syndrome infectieux associé est souvent peu marqué :
général polymicrobienne.
la fièvre, le plus souvent modérée, n’est présente que chez 50 %
des patients. Les signes neurologiques focaux sont fonction du
Abcès par diffusion hématogène nombre, de la taille et de la localisation des abcès. Ils ne sont
Ils représentent environ 20 à 25 % des cas. présents que dans 50 % des cas.
Le foyer infectieux à distance est le plus souvent dentaire,
mais toute bactériémie peut être à l’origine d’un abcès cérébral Autres formes cliniques
secondaire, quelle que soit son origine : endocardite, abcès
pulmonaire, empyème pleural, médiastinite, diverticulite. La Un syndrome d’hypertension intracrânienne fébrile, associant
flore est le plus souvent monomicrobienne avec des localisa- fièvre et signes d’hypertension intracrânienne (céphalées
tions secondaires multiples, surtout dans le territoire très intenses, vomissements, nausées, convulsion...) peut être au
vascularisé de l’artère cérébrale moyenne. premier plan. Il est très évocateur, mais rarement rencontré
(sauf dans les abcès toxoplasmiques au cours du syndrome de
l’immunodéficience acquise).
Abcès par ensemencement direct Un syndrome méningé peut être au premier plan : la ponc-
Ils représentent environ 5 à 10 % des cas. tion lombaire montre une méningite puriforme aseptique. Cette
Ils font suite à un traumatisme crânien avec plaie craniocé- présentation peut révéler un abcès cérébral, d’où la nécessité
rébrale entraînant une brèche méningée, ou se développent impérative de réaliser un scanner devant un tel tableau.
dans les suites d’une intervention neurochirurgicale, survenue Un début aigu sous forme d’une méningite purulente ou
parfois plusieurs semaines auparavant. d’une hémorragie méningée sans signes neurologiques est
possible.
Abcès d’origine indéterminée Quant au syndrome infectieux, il domine rarement le
tableau. La fièvre est souvent modérée (38 à 38,5 °C).
Dans 5 à 10 % des cas aucune circonstance particulière de L’hyperleucocytose est inconstante, dépassant rarement 20 000
survenue n’est mise en évidence. L’hypothèse d’une bactériémie leucocytes/mm3. Les signes en rapport avec la porte d’entrée,
asymptomatique est évoquée. souvent ORL, peuvent s’associer au tableau clinique dans 60 %
des cas.
■ Micro-organismes responsables Quand le diagnostic est tardif ou l’évolution rapide, l’abcès
progresse, l’œdème périlésionnel se majore et l’hypertension
La nature de l’agent causal varie souvent selon la porte intracrânienne s’aggrave avec apparition de confusion, convul-
d’entrée. Une flore polymicrobienne est retrouvée, dans 20 à sion puis coma pouvant conduire au décès par engagement
60 % des cas selon les études. cérébral. La ponction lombaire est contre-indiquée en cas de

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Figure 2. Imagerie par résonance magnétique, séquences T1 et T2 :


abcès postotitique (flèche).

rechercher l’étiologie de l’abcès, en réalisant des clichés centrés


sur les sinus ou les rochers. Cependant, cet examen peut être
pris en défaut dans les stades très précoces de cérébrite non
collectée, et en cas de lésion de petite taille ou uniquement
sous-tentorielle, d’ou l’intérêt de l’IRM, parfois plus performante
dans ces conditions.
L’IRM cérébrale est pratiquée en complément du scanner. En
séquence T1, l’abcès apparaît hypodense et l’injection de
. gadolinium montre le rehaussement en anneau périphérique (la
capsule). En séquence T2, typiquement, l’abcès est hyperintense
au centre avec capsule hypo-intense et un œdème périphérique
. moins dense que l’abcès lui-même (Fig. 2). Elle permet de
visualiser des lésions non visibles au scanner, dénombrer des
abcès multiples et apprécier le volume de l’œdème cérébral.
. Au stade de l’imagerie, le principal diagnostic différentiel est
une tumeur maligne du cerveau, primitive (gliome) ou secon-
daire métastatique, surtout lorsqu’elle est nécrosée en son
centre. Quelques différences non discriminatives peuvent
orienter vers l’un ou l’autre des diagnostics : l’abcès du cerveau
survient préférentiellement dans les zones mal vascularisées avec
l’aspect typique en « cocarde » formé de trois niveaux de
contraste bien différenciés, alors que les métastases ont plus
souvent des limites irrégulières avec une prise de contraste
globale de la lésion.
L’électroencéphalogramme reste un examen important de
dépistage car il est anormal dans 90 % des cas. Il peut faire
évoquer le diagnostic en montrant un aspect pseudopériodique,
un foyer d’ondes lentes de haute amplitude contrastant avec les
Figure 1. Scanner cérébral sans et avec injection.
anomalies habituelles des autres processus expansifs. Il permet
A. Abcès postotitique.
également de détecter des crises convulsives infracliniques.
B. Abcès sur plaie craniocérébrale.
C. Abcès et empyème compliquant une sinusite frontale (flèche).

■ Diagnostic microbiologique
suspicion d’abcès cérébral, en raison du risque d’engagement. La
rupture brutale de l’abcès dans un ventricule cérébral peut aussi Les hémocultures doivent être prélevées devant toute fièvre
être cause de décès. même modérée à 38 °C, avant toute antibiothérapie. Elles
peuvent isoler l’agent bactérien responsable, surtout dans deux
situations : l’endocardite avec abcès cérébral secondaire (où
■ Examens complémentaires Staphylococcus aureus est souvent incriminé) et la listériose
cérébroméningée. Elles contribuent ainsi au diagnostic étiologi-
Le diagnostic d’abcès cérébral repose sur le scanner cérébral que de l’abcès cérébral dans près de 10 % des cas.
avant et après injection de produit de contraste. Il reste La ponction lombaire est classiquement contre-indiquée en
l’examen de référence pour le diagnostic des abcès cérébraux cas de suspicion d’abcès cérébral, en raison de la majoration du
avec une excellente sensibilité, de 90 à 100 % [2, 3]. Typique- risque d’engagement de tout processus expansif intracrânien à
ment, il montre une image arrondie, hypodense avec effet de la suite de ce geste.
masse, et, après injection de produit de contraste, apparaît La ponction-biopsie stéréotaxique permet de mettre en
l’image en « cocarde » : hypodensité centrale (correspondant à la culture le contenu de l’abcès. Son rendement est maximal si elle
zone de suppuration et de nécrose collectées), prise de contraste est effectuée avant toute antibiothérapie préalable. Néanmoins,
intense, annulaire, régulière en périphérie (correspondant à la elle reste un geste invasif ; il est donc indispensable de s’assurer
coque) et hypodensité en périphérie (correspondant à l’œdème que le produit obtenu sera traité de manière optimale durant les
cérébral) (Fig. 1A à C). Cet aspect typique est plus ou moins différentes étapes d’acheminement et de traitement au labora-
complet en fonction du stade de développement de l’abcès au toire : mise en milieux de culture différemment enrichis, durées
moment de la réalisation du scanner. Le scanner permet d’observation des cultures appropriées, recours aux techniques
également de guider une éventuelle biopsie stéréotaxique ou de de biologie moléculaire.

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Tableau 1.
Diffusion des antibiotiques dans le cerveau. Infections neuroméningées postopératoires. B. Veber. Conférences d’actualisation 2001.
Diffusion satisfaisante Diffusion intermédiaire Diffusion mauvaise ou nulle
Chloramphénicol Pénicilline G Aminosides
Péfloxacine/ofloxacine Aminopénicillines Vancomycine
Fosfomycine Uréidopénicillines Polymyxine
Sulfamides Carboxypénicillines Macrolides
Cotrimoxazole Céphalosporines de 3e génération Lincosamides
Rifampicine Imipénème Tétracyclines
Imidazolés Ciprofloxacine Céphalosporines
Isoniazide Pénicilline M
Inhibiteurs des bêtalactamases
Synergistines
Acide fusidique

■ Recherche de la porte d’entrée Traitement chirurgical


La recherche de la porte d’entrée est nécessaire pour recon- Il a une double visée diagnostique et curative. La nature du
naître un foyer d’origine associé pouvant nécessiter un traite- geste chirurgical dépend du siège et de l’aspect des lésions
ment propre, et éviter une récidive. Il peut s’agir d’un foyer (taille, nombre), ainsi que du terrain.
locorégional : essentiellement ORL avec examen ORL spécialisé, La ponction-biopsie chirurgicale avec aspiration est réalisée
radiographie des sinus et panoramique dentaire, ainsi qu’un après repérage scanographique stéréotaxique (précision de 1 à
examen tomodensitométrique avec fenêtre osseuse. D’autres 2 mm). Elle permet à la fois l’évacuation du pus (souvent
fois, il s’agit d’un foyer à distance, surtout intrathoracique : spontanément, sans aspiration), et le diagnostic bactériologique
pneumonie, empyème, endocardite, cardiopathies cyanogènes (d’autant plus qu’elle est réalisée précocement). Elle permet en
malformatives chez l’enfant, cardiopathies congénitales, fora- outre de lever la compression cérébrale en cas d’effet de masse
men ovale... important. Les complications de cette ponction, à type
d’hémorragie, aggravation neurologique, échec sont rares après
repérage, surtout pour la majorité des abcès de localisation
■ Traitement hémisphérique proche de la convexité.
L’excision complète de l’abcès est un geste lourd, présentant
Les modalités de prise en charge des abcès cérébraux dépen- un risque important d’aggravation neurologique, et par consé-
dent de leurs présentations et de leurs caractéristiques : terrain, quent doit être réservé à des situations particulières d’échec de
bactériologie, gravité, localisation, etc. Selon la plupart des ponction et/ou d’antibiothérapie, pour un micro-organisme
experts, le traitement est médical et chirurgical dans la majorité multirésistant par exemple.
des cas [3-7].
Traitements adjuvants
Traitement médical
Un traitement antiépileptique systématique est indiqué du
Il repose sur une antibiothérapie prolongée tenant compte fait d’un fort risque épileptogène de ces abcès souvent de
.
des micro-organismes suspectés ou isolés, et des données localisation corticale.
pharmacocinétiques de pénétration et de concentration des À titre anti-œdémateux, les corticoïdes sont indiqués en cas
antibiotiques dans le parenchyme cérébral (Tableau 1). d’hypertension intracrânienne grave, pour une durée ne dépas-
Les posologies sont élevées et la voie est parentérale durant sant pas 7 jours. Leur usage systématique n’est pas conseillé du
les 2 à 3 premières semaines pour assurer une diffusion paren- fait qu’ils exposent à la diminution de la pénétration des
chymateuse optimale. Un relais oral est ensuite possible pour les antibiotiques au site infecté, avec une possible diminution de la
antibiotiques ayant une bonne biodisponibilité et diffusion clairance bactérienne, ainsi qu’un effet rebond possible à l’arrêt
intracérébrale, si l’état du patient s’améliore. du traitement.
La durée empirique de l’antibiothérapie est au minimum de Le mannitol intraveineux pourrait être utilisé en alternative
6 à 8 semaines pour les abcès documentés, à pyogènes multi- ou en cas de contre-indication aux corticoïdes.
sensibles et ayant pu être évacués, mais peut aller jusqu’à 3, Il est parfois nécessaire de mettre en place une dérivation
voire 6 mois pour les abcès compliqués, non documentés, non ventriculaire externe en urgence, en cas d’hypertension intra-
ponctionnables et de résolution lente. crânienne réfractaire et menaçante.
En attendant les données microbiologiques de la ponction
neurochirurgicale, un traitement présomptif est débuté qui tient
compte de la porte d’entrée présumée. Il utilise le plus souvent Traitement de la porte d’entrée
une céphalosporine de troisième génération (céfotaxime) à forte
dose (200 mg/kg/j) par voie parentérale pour son action sur les Il est important de traiter en parallèle un foyer ORL (drainage
streptocoques et les bacilles à Gram négatif, associée aux d’une sinusite, mastoïdite), d’effectuer des soins dentaires si
imidazolés actifs sur les anaérobies ou aux phénicolés qui ont nécessaire, et de traiter spécifiquement une endocardite ou un
une bonne diffusion cérébrale. La clindamycine est une alterna- autre foyer profond.
tive possible.
Dans les infections supposées à Staphylococcus aureus, on
utilise une pénicilline M (oxacilline) si le staphylocoque est ■ Suivi et pronostic
sensible (SAMS) et la vancomycine ou l’association céfotaxime-
fosfomycine si une résistance est suspectée (abcès postneurochi- Il repose sur la clinique et l’imagerie cérébrale et s’effectue
rurgical). Ensuite, en fonction de l’antibiogramme de la bactérie initialement en milieu neurochirurgical, avant que le médecin
responsable, les fluoroquinolones, la rifampicine, la clindamy- ne prenne le relais.
cine, le cotrimoxazole et l’acide fusidique peuvent être utilisés. Un scanner ou une IRM cérébrale doit être effectué de façon
La durée moyenne est de 3 mois, après abord chirurgical si hebdomadaire pendant les 15 premiers jours d’antibiothérapie,
celui-ci est réalisé. puis de façon mensuelle et en fin de traitement si l’évolution

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clinique est satisfaisante. Les images scanographiques peuvent


ne pas se normaliser au bout de plusieurs mois de traitement
efficace, et finir de régresser lentement, alors même que “ Points forts
l’antibiothérapie est arrêtée.
La suite de la surveillance réalisée par le médecin traitant est Pathologie rare
clinique et biologique ; elle est dépendante des différents Association de signes neurologiques et de signes
antibiotiques prescrits. infectieux souvent insidieux
Le principal facteur pronostique est l’état de vigilance au Agent causal streptocoques et bactéries anaérobies,
moment du diagnostic. La mortalité est actuellement réduite à souvent polymicrobien et selon porte d’entrée, plus
moins de 10 % toutes catégories confondues, mais elle serait rarement BGN, staphylocoques dorés
proche de 25 % en cas de séjour en réanimation [2]. Elle est le Scanner cérébral sans et avec injection permet le
plus souvent due à un engagement cérébral ou à la rupture diagnostic : image en « cocarde »
intraventriculaire de l’abcès. IRM cérébrale complémentaire : surtout pour diagnostic
Les séquelles neurologiques peuvent toucher entre 30 et 50 % différentiel
des patients, surtout les patients ayant nécessité une réanima- Traitement médicochirurgical
tion. Elles sont souvent mineures, mais 15 à 20 % des patients Antibiotiques à bonne diffusion intracérébrale, par voie
présentent des séquelles invalidantes ; parmi elles, l’épilepsie parentérale, traitement prolongé
mérite d’être signalée, le risque de convulsion initialement de Traitement de la porte d’entrée
l’ordre de 20 %, s’élève à 70 % à 30 ans de suivi. Pronostic en amélioration spectaculaire
Évolution jugée sur la clinique, mortalité < 10 %, séquelles
neurologiques 30-50 %
■ Conclusion .

L’abcès cérébral est une pathologie rare en France. Le dia- ■ Références


gnostic est difficile car les signes d’appel sont aspécifiques.
[1] Wispelwey B, Dacey RG, Scheld WM. Brain abscess. In: Scheld WM,
Compte tenu de l’absence de documentation microbiologique
Whitley RJ, Durack DT, editors. Infections of the central nervous
initiale, le choix du traitement doit s’aider au maximum system. Philadelphia: Lippincott-Raven; 1997. p. 463-93.
d’éléments d’orientation provenant à la fois de la porte d’entrée, [2] Tattevin P, Bruneel F, Clair B, Lellouche F, de Broucker T, Chevret S,
de localisations associées, des antécédents et pathologies sous- et al. Bacterial brain abscesses: a retrospective study of 94 patients
jacentes. Le diagnostic et le traitement actif des infections se admitted to an intensive care unit. Am J Med 2003;115:143-6.
compliquant d’abcès cérébraux comme les sinusites, otites, [3] Mathisen GE, Johnson JP. Brain abscess. Clin Infect Dis 1997;25:
mastoïdites, abcès dentaires contribuent à diminuer l’incidence 763-79.
de cette pathologie. L’imagerie cérébrale permet de faire le [4] Enzmann DR, Britt RH, Lyons BE. Brain abscess. Neurosurgery 1985;
diagnostic. Le traitement associe une approche chirurgicale avec 16:877-8.
[5] Schliamser SE, Backman K, Norrby SR. Intracranial abscesses in
une ponction-biopsie stéréotaxique à visée diagnostique et
adults: an analysis of 54 consecutive cases. Scand J Infect Dis 1988;
curative, à une approche médicale avec une antibiothérapie 20:1-9.
initiale intraveineuse à fortes doses et à bonne diffusion [6] Mamelak AN, Mampalam TJ, Obana WG, Rosenblum ML. Improved
intracérébrale. management of multiple brain abscesses: a combined surgical and
medical approach. Neurosurgery 1995;36:76-86.
[7] Korinek AM, Bismuth R, Cornu P. Attitude face aux abcès cérébraux de
Remerciements : Au docteur A.-M. Korinek pour toutes les images. l’adulte non immunodéprimé en 1996. Lettre Infectiol 1997;12:62-7.

J.-J. Laurichesse (j-j.laurichesse@ch-mantes-la-jolie.fr).


Service de médecine interne/maladies infectieuses, Hôpital François Quesnay, 2 boulevard Sully, 78200 Mantes-La-Jolie, France.
Laboratoire de recherche en pathologie infectieuse, Université Paris 7, Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard,
75018 Paris, France.
J. Souissi.
C. Leport.
Laboratoire de recherche en pathologie infectieuse, Université Paris 7, Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Bichat, 46, rue Henri-Huchard,
75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Laurichesse J.-J., Souissi J., Leport C. Abcès du cerveau. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Traité de
Médecine Akos, 4-0975, 2009.

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Empyème sous-dural spontané. Sans puis avec injection.
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Diagnostic différentiel. Résorption de contusion hémorragique.
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Diagnostic différentiel. a. Tumeurs malignes. Sans puis avec injection. b. Glioblastome : prise de contraste dense à contours
irréguliers. Peu d'oedème périphérique.
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a,b. Diagnostic différentiel : métastases. Sans puis avec injection.
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