Vous êtes sur la page 1sur 14

Les Arbres de la Liberté en Amérique

Je vais vous parler aujourd'hui des Arbres de la liberté dans l'Amérique des guerres d'Indépendance
Il s'agit de ces arbres, généralement coiffés d'un bonnet phrygien, qui furent plantés sur les places
centrales de certaines villes lors des mouvements d'émancipation.
Mon but sera d'aborder ce symbole comme un moment dans la construction de l'imaginaire national
colombien. Dans ma thèse, j'avais analysé les relations qu'il entretenait avec un imaginaire colonial,
héroïque, polémique et viril ; j' avais émis l'hypothèse que pendant un laps de temps assez bref,
celui des révolutions hispano-mericaines, tout l'édifice symbolique avait tremblé . Aujourd'hui, je
voudrais reprendre cette idée, et la développer, à travers l'exemple des arbres de la liberté
colombiens.
L'arbre est un archétype qui appartient au régime nocturne de l'imaginaire. Pour la chrétienté de
l'ancien régime, dans le Vieux comme dans le Nouveau Monde, il avait souvent un statut
subalterne . Les valeurs qu'il incarne ; transcendance, dignité humaine, résistance, entrent en
contradiction avec l'éthique de l'Etat Bourbon, selon laquelle liberté et libertinage se recoupent ; là
où n'existent que de « sujetos sujetados », la liberté est q vie dissolue, ou hérésie.1
A ce titre, son irruption, dans la première phase des guerres d'indépendance, représente
apparemment une rupture avec l'imaginaire polémique et héroïque mentionné plus haut
C'est en 1810, à Mompox, sur la côte Caraïbe, qu'apparurent les premiers Arbres de la Liberté
américains. Par la suite, des arbres semblables surgirent dans ce qui deviendrait la Colombie :
d'abord de façon spontanée, avant que les différentes régions n'affirment leur autonomie vis à vis
de la Régence espagnole, puis à l'instigation des nouvelles autorités républicaines .En 1813, on en
planta dans la jeune république de Cundinamarca, puis en 1816. Ultérieurement, cette pratique
s'efface ou se modifie.
Étrangement, dans les autres pays américains, sauf au Vénézuela, cette pratique est très rarement
mentionnée. Son aire semble limitée à la zone de l'ancienne Grande Colombie, qui fut un des trois
grands foyers des guerres d'indépendance. Au Mexique, ou en Argentine, on ne trouve pas de
références à cette fête. Comment expliquer cette particularité ? Par le biais d' une comparaison avec
leurs homologues français, une étude de leur pré-histoire, et celle de leur utilisation par les
nouvelles autorités, c'est un inconscient national en construction que j'essaierai d'entrevoir ici.

1 Georges Lomné, dans l'article qu'il consacre au sens du mot liberté, remarque que pour les théoriciens de l'Ancien
régime, l'idée de liberté est une forme de folie. Dans le corps mystique qui est celui de l'état chrétien, le prince est la
tête, et la rébellion du corps vis à vis de sa tête une aberration. in Georges Lomné., « Del miedo a la «imaginaria
Independencia» al festejo de la «Independencia absoluta»: el recorrido de un concepto clave (Nueva Granada-
Colombia, 1761-1873), Bulletin de l’Institut Français d’Études Andines / 2010, 39 (1): 17-35, pp.19-23.
Cela permet peut-être de comprendre pourquoi, lorsqu'apparurent les arbres de la liberté, les partisans du pouvoir royal
les déterrèrent parfois pour les remplacer par des « arbolocos ».
1) Une création originale

Qu'entend-t-on exactement par Arbre de la Liberté ? C'est la révolution française qui en lança la
mode : on cite , c'est vrai les Liberty Pole américains, que les indépendantistes nord-américains
plantèrent comme signe de leur rébellion ; mais ces derniers étaient, plutôt que des arbres, des
poteaux coiffés d'un bonnet phrygien. L'origine des Arbres de la Liberté français remonterait à
l'intervention d'un curé de la Vienne, qui, le premier mai 1790, fit transplanter un chêne de la forêt
voisine au milieu de la place de son village. Selon Mona Ozouf, ce serait là une légende2. Mythe ou
réalité, il s'agit là d'un moment de la construction de l'imaginaire révolutionnaire. Il semble que
rapidement, dès 1792, les Arbres de la Liberté se soient mis à proliférer, et l'Abbé Grégoire3, dans
le livre qu'il leur consacra, recommanda ce qui lui semblait être le vecteur d'un culte civique. Trente
mille arbres auraient été mis en terre à cette époque, dont beaucoup survécurent et beaucoup furent
arrachés, lorsque le pouvoir devint impérial.
Comme les Liberty Pole américains, ces arbres étaient souvent coiffés d'un bonnet phrygien et
couverts de rubans ou cocardes. En 1793, leur symbolisme se fixa et la volonté de les protéger
'affirma. Une loi de Pluviose de l'an II énumérait les soins qui devaient lui être apportés ; chose
importante, elle stipulait que l'arbre en question, contrairement à l 'arbre de Mai de l'Ancien
Régime, devait être planté avec ses racines.
Il est probable que deux héros des indépendances, le Vénézuelien Miranda, et le Colombien Nariño
virent un jour ou l'autre un de ces arbres : en effet, il passèrent un temps assez considérable en
France, sous la révolution, surtout Miranda, . Les liens étroits que ce dernier entretenait avec des
figures essentielles du gouvernement révolutionnaire nous portent à croire qu'il avait très bien
compris la raison d'être de ces cérémonies ; vraisemblablement, il en avait parlé avec ses amis
révolutionnaires et, dès son retour en Amérique, il réfléchirait a la symbolique américaine : c'est
lui qui imaginerait le premier drapeau du Venezuela. Quant à Nariño, qui deviendrait le président de
la république de Cundinamarca, il resta seulement deux ans en France, mais il avait déjà entendu
parler de ces arbres avant son exil. Aussitôt au pouvoir, il adopterait le symbole et l'imposerait.
En effet, la première cérémonie officielle de « siembra de árboles de la libertad » eut lieu au début
de la geste indépendantiste, en 1813, très peu de temps après la proclamation de l'indépendance. Les
affrontements entre partisans d'un centralisme organisé autour de Bogotá et fédéralistes soucieux de
leur prérogatives battaient alors leur plein. Nariño, alors membre du Congrés constituant, par le
décret du 24 avril 1813, ordonna de faire planter des arbres à Santafe de Bogotá. Dans toute la
région, à Funza, à Bogotá, mais aussi à Honda ou à Ibagué dans le Tolima, le nouveau pouvoir
encouragea ce genre d'initiatives, et le peuple y participa activement L'un des meilleurs
2 Mona Ozouf, La fête révolutionnaire, 1789-1799, Gallimard, Bibliothèque des histoires, Paris,1976.
3 Henri Grégoire, Essai historique et patriotique sur les Arbres de la Liberté,Desenne et Didot, Paris ,1793
chroniqueurs de cette période, le commerçant José Maria Caballero4, patriote et partisan du
centralisateur Nariño, mentionne deux de ces fêtes civiques. Il nous propose la description de
première cérémonie consacrée à cet arbre en avril 1813. A priori, on pourrait croire à une simple
copie du modèle français : « on sortit l'arbre du cabildo, lit-on dans le Diario de la Independencia,
celui qui était couvert de poèmes, et portait un bonnet phrygien » Et, comme en France, l'arbre fut
planté avec ses racines. Une cérémonie très militaire, avec un défilé à cheval solennel, des fanfares,
et une parade des autorités nouvelles accompagna la mise en terre de l'arbre.
Détail exotique (contrainte de la géographie ) au lieu du chêne préconisé par l'abbé Gregoire,
Narino avait choisi un immense arrayán, un arbre tropical, le Qualea Ingens, de la famille des
myrthacées. Palmiers moriches, cocotiers, et même cafetiers seraient choisis comme insignes de la liberté, autant
que les oliviers ou les cerisiers.
Sur l'arbre planté en grande pompe à Bogotá , la juxtaposition d'éléments divers attire l'attention. Les
feuillets couverts de vers et les rubans rappellent certes les arbres français, mais on remarque une
innovation : l'arbre a été recouvert d'une structure de bois, très semblable à ces arcs de triomphe
portatifs qui pousseront un peu partout dans les autres pays américains ; et, sur la coupole qui
surplombe l'arbre, une lampe est placée : « tenía pinturas de Cundinamarca en sus cuatro costados:
un árbol en el primero, luego una imagen de Jesús, una de la Virgen María en el tercer costado y, en
el último, la espada de la justicia »5. Voilà donc deux symboles religieux, la Vierge et le Christ, et
un symbole du pouvoir colonial, l'épée de justice, toujours présente sur les places de la Colonia.
Un cas de figure impensable dans la France révolutionnaire, où l'irruption de l'arbre de la liberté
coïncidait avec le déclin du religieux populaire, puis avec l'interdiction du culte romain par les
autorités révolutionnaires qui veulent déchristianiser et implanter un nouveau sacré.
Quoiqu'il en soit, l'association de l'arbre et du Christ n'est pas une nouveauté. Jésus est d'ailleurs
souvent associé à un olivier, une espèce parfois choisie en Colombie pour les arbres de la Liberté.
Indépendance et rébellion coexistent donc avec les valeurs qu'incarne le Christ, communion et
sacrifice, et qui nourriront autant le patriotisme que l'élan religieux. Dans le continent qui a
connaîtra plus tard la théologie de la Libération et une longue tradition de prêtres guerriers, le
Christ est aussi celui qui dit : « je ne suis pas venu apporter la paix mais l'épée ».La part active
prise dans le mouvement révolutionnaire par un personnage hétérodoxe comme Juan Fernández de
Sotomayor, curé de Mompox (première ville de Colombie à avoir déclaré son indépendance),
évêque de Cartagena, et qui plus est ,affilié a la franc-maçonnerie, tendrait à conforter cette
impression. Contempteur des horreurs commises par les espagnols et grand défenseur des patriotes,

4 José Maria Caballero, Diario de la Indepedencia, Talleres Gráficos Banco Popular, Colección de documentos en la
Biblioteca virtual de la Biblioteca Luis Angel Arango del Banco de la Republica, documento digitalizado por Biblioteca
Virtual del Banco de la República 2005.
5 Diario de la independencia, op. cit ., http://www.banrepcultural.org/blaavirtual/historia/diarioindep/diario6b.htm
Fernández, alla jusqu'à invalider le fondement religieux de la Conquête espagnole, arguant que le
pape n'aurait pas du donner ce qui ne lui appartenait pas, et écrivant un catéchisme qui était une
justification de l'indépendance absolue. 6
Quant à la figure de la Vierge, elle peut se comprendre à travers cette américanisation du culte
marial qui a marqué les colonies espagnoles. La vierge de Guadalupe avait accompagné les
mouvements révolutionnaires de 1810 au Mexique et on peut tracer un parallèle entre la Vierge des
Insurgés américains, et la Marianne française, vierge antique au sein généreux. Y voir une
irruption du féminin, signe d'un imaginaire nocturne, dans la sphère du pouvoir. Mais Marianne
représentait la valorisation d'un féminin polémique, contrairement à la Vierge. Il est fascinant de
constater qu'avec cet arbre de la liberté colombien, le fondement religieux de l'imaginaire national,
nous apparait ainsi dans le procès de sa construction. Mais, si en France les symboles
révolutionnaires remplacent les symboles religieux, dans la première république colombienne, il y
a coexistence des deux.
Dans une description, faite par le même témoin, d'une cérémonie semblable qui a lieu trois ans plus
tard, se fait jour une autre différence. Le 4février 1816, Jose Maria Caballero relève la présence
d'une Indienne lors de la cérémonie qui accompagne la plantation de l'arbre. Les armées royalistes
sont sur le point de reprendre le pouvoir à Bogotá, profitant des dissensions entre citoyens de
Cundinamarca et membres de la fédération des provinces de Colombie. Selon José Maria Caballero, ce
dimanche là, la population de Bogotá se rendit sur la place centrale, pour voir la cérémonie :« Iba una india con su
corona bien dispuesta, con su corona de plumas y en llegando al lugar del hoyo dijo la India: "Planto aquí el árbol que
nuestros enemigos arrancaron con crueldad de este mismo lugar »7.
La cérémonie a changé, le personnage féminin n'est plus la Vierge, mais une Indienne. Dans le nouveau contexte de
la « pacification », les Espagnols sont devenus les ennemis. En 1813, ils étaient seulement des accapareurs, ceux qui
ne voulaient pas reconnaître les américains comme leurs égau . L'Indienne entre en scène lorsque les créoles doivent
fonder de façon radicale leur opposition aux Espagnols . Le pouvoir en place à Bogotá, inapte à organiser la
résistance militaire, redessine les alliances et fonde sa légitimité : le « nous » présent dans le discours de l'Indienne,
fait des autochtones , victimes d'une oppression remontant à la Conquête, et des créoles, niés et massacrés par le
pouvoir espagnol, des alliés objectifs. Certes cette Indienne est une pure invention : la couronne de plumes, propre
aux Indiens amazoniens, est absurde dans une région andine, et la tunique grecque, qui traduit l'importance de la
symbolique gréco-romaine à l'époque des guerres d'indépendance, en fait une créature très improbable. Jusque là , l'
Indienne était absente des représentations coloniales ; au mieux, il arrivait qu'elle incarnat l'Amérique, dans les
allégories du dix -septième et dix -huitième siècle8. Dans ce cas là, on lui associait toujours des têtes de morts, des

6 Fernán Gonzalez, Teología de la liberación en el siglo XIX, Revista Credencial Historial, n° 248, Aout 2010.
7 Diario de la Indepedencia, op.cit., http://www.banrepcultural.org/blaavirtual/historia/diarioindep/diario9a.htm
8 Voir Juan Ricardo Marquez, « Nacionalismos aparte: antecendentes republicanos de la iconografía nacional. Las
historias de un grito. Doscientos años de ser colombianos ». Exposición conmemorativa del Bicentenario 2010. In:
Colombia ISBN: 978-958-753-010-0 ed: Museo Nacional De Colombia , v. , p.VII - ,2010,pp. 1-3.
membres à demi dévorés, tout un folklore cannibale qui ravissait les européens de l'époque .La présence d'une
native lors de la cérémonie d'intronisation d'un nouveau symbole, correspond à la diffusion de
cette représentation sur d'autres supports, dés 1812, en Colombie : pièces de monnaie, écussons,
pommeau d 'épée, tableaux. Quoi qu'il en soit, l'introduction de ce symbole féminin marque un
renversement : invisible pendant trois ans, la femme indienne surgit lorsque les fondements de
l'édifice colonial commencent vraiment à trembler. L'ordre masculin de la colonia est-il pour autant
mis à mal ? S'agit il de passer à autre chose ou de revenir en arrière ?

2) Émergence d'un imaginaire subalterne : le retour d'un sacré banni.

Car l'arbre de la liberté n'est pas une véritable invention. En France, et partout en Europe, en
Allemagne ,dans les pays scandinaves, au Royaume uni, ou en Espagne, sous l'Ancien régime,
l'arbre de mai, par exemple, avait été un rite particulièrement vivace. En France, il s'était maintenu
jusqu'à la révolution. De nos jours, il subsiste dans certains villages du Sud.
La coutume dite de l'arbre de mai, ou mai d'honneur, vestige probable d'anciens rites de fécondité,
consistait à couper un arbre au mois dit et à le planter sur la place du village. Une fête suivait alors
la plantation, et l'arbre restait en place jusqu'à ce qu'il se dessèche. Souvent, c'était plutôt un mat ou
un poteau qui était érigé dans la nuit du trente avril au premier mai. Toute la communauté
villageoise participait à une cérémonie qui scellait sa cohésion et était associée aux rites de
fiançailles des jeunes gens locaux. Il y avait donc, en dehors du caractère festif, un rite de
renouveau et une affirmation de l'autorité locale, comme le souligne Erik Fechner 9
L'Espagne connut également la tradition de l'arbre de mai . En Aragon et dans le Leon éxistait un culte
dénommé « pingar el mayo » , « plantar el mayo », « o palo mayo », qui se celebrait le premier mai . »En ella los
jóvenes de la localidad, normalmente los quintos, salen fuera del pueblo en busca de un gran árbol, el más alto de
todos, lo talan y lo trasladan a hombros entre canciones y bailes al medio de la plaza mayor o frente a la iglesia.10
On remarquera cependant qu'en Espagne, les arbres de mai n' évoluèrent comme en France vers les Arbres de la
liberté : mentionnés lors de fêtes libérales au cours du dix-neuvième siècle, ils resteront exceptionnels.11

9 Erik Fechner L'arbre de la liberté : objet, symbole, signe linguistique, Mots, Année 1987, Volume 15, Numéro 1
10 César Javier Palacios, Árboles Singulares de la Provincia de Burgos, Historias, leyendas y tradiciones populares,
Burgos, 2002.
11 « Deux seules occurrences de cet arbre, en en-tête de « A los amantes de la Patria y de Isabel Segunda »35 et de « El
conspirador de la movilización. Por un español amante de su patria y libertad »36, qui réemploie la même gravure. Le
deuxième romance n’est pas daté, mais peut être également situé en 1836, c’est-à-dire dans la conjoncture de la guerre
carliste et du rétablissement de la Constitution de 1812, comme le montrent, dans le texte, la critique de la “facción
perjura” qui ravage villes et campagnes ainsi que la défense de l’union et de la Constitution. L’apparition du symbole de
l’arbre, bien qu’unique, présente un double intérêt : l’objet lui-même, qui prouve concrètement la circulation et
l’adaptation en Espagne de symboles nés de la Révolution française, ainsi que la forme adoptée . »
Marie-Angèle OROBON , La religion de la liberté : symboles et allégories dans l’imagerie libérale de l’Espagne du
XIXe siècle , Sacré/sacralités, Pandora, Revue d'Études Hispaniques, 4/2004, Université de Paris 8, Saint-Denis,p.
178.179.
Avec la colonisation, le culte de l'arbre de mai migra en Amerique anglo-saxone ; mais sa présence
dans les Indes espagnoles semble avoir été plus rare.
Il est vrai que sous la Colonia, l'arbre fut l'objet de cette guerre des imaginaires, dont parle
Gruzinski. Les Blancs, créoles ou péninsulaires, et les castes, Indiens, Metis et Noirs , se le
représentaient de façon le plus souvent opposée.
Pour les Blancs, groupes dominants de la Colonia, c' était un symbole ambigu. Dans la societé
contre réformiste des Indes, qui asseyait sa légitimité sur l 'évangélisation, il avait une double
nature : arbre de la tentation et arbre de vie de l'Eden biblique, arbre des vices ou arbre des vertus
d'un art sacré très marquée par l'esprit des manuscrits médiévaux. Les sculptures et les tableaux
coloniaux étaient l'instrument d'une catéchèse, qui faisait de l'Arbre un symbole de la tentation :
árbol del pecador, ou árbol del pecado. Symbole de la caducité humaine, il était souvent
représenté biseauté, prés à tomber.
Chez les peuples autochtones au contraire, l'arbre était valorisé. Dans la Nouvelle Grenade, comme
dans d'autres vice-royautés américaines, il constituait le pilier d'une comogonie. Les Indiens de
l'Amazonie colombienne, Uitotos, Andokes ou Boras, célébraient la « Yucca grande » qui
représentait la manne, l'aliment primordial.
Quant aux esclaves noirs, employés dans les mines de Zaragosse, dans l'actuel Cauca, ils avaient,
dés les débuts de l'esclavage, renoué avec les pratiques qui étaient les leurs en Afrique, se
retrouvant clandestinement sous de grands arbres, semblables à l'Arbre de parole africain12. Ces
réunions fameuses, nommés juntas de brujería, furent pourchassées activement par l'Inquisition de
l'époque, dont le siège se trouvait sur la cote pacifique, à Cartagena de Indias. Les procès pour
sorcellerie du dix-septième siècle faisaient état de réunions, organisées par des sorcières sous de
grands arbres, au cours desquelles se seraient pratiqués ce que les autorités prenaient pour des
cultes démoniaques. En fait, il s'agissait d' une première forme de cette résistance incessante, mais
longtemps sous-estimée, que les esclaves opposèrent à la domination blanche.
Rappelons à ce sujet qu'aux Etats Unis, pendant la colonisation anglaise, le premier May pole
mentionné, en 1628, concernait un groupe d'hommes qui s'étaient révoltés contre leurs maitres et
avaient décidé de fonder un territoire ; ils avaient planté le May Pole, symbole de leur
indépendance, et dansé autour, en compagnie des Indiens autochtones. Cette apparition des
indigènes, invisibilisés sous la colonisation, qu'elle soit nord ou sud américaine, au moment où le
symbole arboricole s'affirme, est encore le signe de ce possible renversement de l'ordre dominant.
La question est de comprendre comment un symbole longtemps négatif pour le pouvoir colonial va
devenir positif et être récupéré par le nouveau pouvoir.

12 Voir Maria Rocio Waked, « Xilografia de Bolivar : la imagen como símbolo de la nación », in Arte, poder e
identidad en Iberoamérica, de los virreinatos a la construcción nacional, Inmaculada Rodriguez Maya(d), Universitat
Jaume I , 2008, p. 232.
3)Du symbole populaire au symbole national

Effectivement, l'histoire française des Arbres de la Liberté, pourrait nous faire penser qu'il s'agit
d'une récupération. Car, les Arbres de la liberté français, ceux que les conventionnels avaient fini
par protéger, étaient d'abord apparus dans les campagnes, et c'étaient le peuple qui les avait plantés,
dans des circonstances bien précises. Pendant l'hiver 89, les paysans en révolte avaient arraché les
girouettes des toits des châteaux et les avaient accrochés à des arbres de mai, plantés devant les
demeures seigneuriales. Toute une symbolique du pouvoir était remise en cause : la girouette
seigneuriale ne dominait plus le paysage, mais était greffée à un symbole populaire, l'arbre de mai.
Il apparaitrait comme l'insigne de la rébellion des paysans, en lutte contre le paiements des rentes
et droits féodaux et serait perçu comme un appel à l'émeute. Les Conventionnels déploieraient des
trésors d'imagination pour différencier ce mai insurrectionnel de l'arbre de la liberté .
Si nous considérons maintenant la Colombie, nous constaterons qu'avant de mettre en terre en
grande pompe la myrte de Bogota, Nariño avait fait déterrer le cerisier de la liberté, coiffé d'un
bonnet phrygien, qu'un inconnu avait planté sur la place centrale. Cette opération, à l'inverse de la
cérémonie qui suivit, s'était faite de nuit, dans la plus grande discrétion. D'autres arbres de la liberté
anonymes furent plantés durant la Patria Boba, et ils furent généralement arrachés par les autorités.
Mais, fait encore plus remarquable, le premier arbre de la liberté en fut pas planté dans la capitale
de la république de Cundinamarca; c'est à Mompox, ville de la côte Caraibe, région à fort
peuplement noir, la première à avoir déclaré son indépendance que fut planté le premier arbre de la
liberté. Et avant ceux de Santa fé de Bogota, le 19 avril 1813, il y avait eu l'arbre de Honda. Là
aussi, la présence noire avait été et restait importante. Honda avait constitué un des centres de
commerce des esclaves. Dans ce port important du fleuve Magadalena, les transports étaient
assurés par des bogas ( rameurs) d'abord Indiens, puis Noirs. C'était aussi une région agricole et
d'élevage, activités que réalisaient des esclaves noirs, souvent de langue bantou.
Ces esclaves s'intéressèrent de prés à la cause de l'indépendance. On sait aujourd'hui qu'ils jouèrent
un rôle important dans le succès des patriotes, pas seulement dans les bataillons où ils furent
enrôlès, mais aussi dans les décisions les plus radicales prises par les nouveaux pouvoirs, en
particulier dans la ville, proche de Monpox et grande rivale de Bogotá, qu'était Cartagena. L 'arbre
de la liberté ne fut-il pas aussi l'étendard des esclaves désireux de devenirs libres ( une liberté que
les créoles craignaient ) ? Après tout, le bonnet phrygien qu'il portait, en France comme au Nouveau
Monde, avait bien été emprunté aux esclaves de l'Antiquité, en lutte pour leur liberté. Alors, derrière
l'arbre de la liberté, imaginé par les Blancs péninsulaires ou créoles, n'était-ce pas l'arbre des
révolutions noires qui était caché, ou que l'on cachait ; cet « árbol brujo de la libertad », dont parle
l'écrivain afro-colombien Manuel Zapata Olivera. Peut -on séparer la cause de la liberté et celle de
la « sorcellerie », en fait de la résistance noire ?
Toujours est-il que le pouvoir politique, en la personne de Nariño, s'empara du symbole, quand les
provinces unies de Colombie rechignèrent à passer sous la domination de Bogotá. Il semble que le
volonté de Nariño ait été de rassembler à l'aide de symboles communs les habitants de la
république de Cundinamarca, mais aussi, sans doute, ceux des provinces qui voulaient rester
indépendantes. Selon Gonzalo Hernandez de Alba13, les cérémonies de siembra de árboles
correspondent à un projet murement médité. Doit-on voir un rapport entre la résistance de
Cartagena, ville où l'indépendance avait été proclamée sous la pression des Noirs, et l'utilisation par
le dictateur Nariño d'un symbole qui se voulait fédérateur ? Nariño appliquait-il seulement le
modèle français, ou avait-il la ruse de reprendre ce qui pouvait parler au peuple noir de Nouvelle
Grenade, un arbre, un grand arbre, comme ceux qui présidaient les réunions de sorcières sous la
Colonia ? L'égalité revendiquée par les Noirs et les Mulâtres, et la liberté, à laquelle aspiraient les
esclaves, ne pouvaient-elles se recouper, sinon dans la réalité, du moins dans l'imaginaire, grâce à
un seul symbole fédérateur ?
Un détour par l 'imaginaire de la racine nous permettra peut-être de mieux appréhender la portée de
cette image. Comme nous l'avions remarqué déjà pour la France, ce qui différenciait vraiment l'arbre de la liberté de
l'arbre de mai c 'était ses racines . Les trente mille arbres plantés à partir de 1792 semblaient marquer la fin d'une très
ancienne interdiction, liée à la religion autant qu'au pouvoir monarchique ; celle des anciens cultes de l'arbre.
L'irruption des arbres comme symboles de la liberté, au moment où les monarchies chrétiennes s'effondraient, ne
relevaient pas du hasard. La lecture de l'ouvrage de l'abbé Grégoire nous apprend que les arbres de la Liberté, au
début, étaient mis en terre sans racines , mais que peu à peu ils furent littéralement « enracinés » . Si les Liberty pole
américains, ces piquets, étaient des symboles d'arbres, les arbres de la liberté français, étaient des végétaux
authentiques . Pour une psychologie de l'imaginaire cette différence est importante .
L'arbre de mai qu'avait toléré l'Ancien Régime était la trace inoffensive d'une religion archaïque :
il n'avait pas de racines, on le laissait se dessécher. Le laps de temps pendant lequel il trônait, à coté
de l'église et de sa croix, était bref, codifié dans le calendrier du village ; quelque chose de proche
des fêtes carnavalesques où la remise en question soudaine des principes de l'ordre, n'était qu'une
parenthèse. Après 1792, les arbres sont transportés de la forêt vers la ville, et ils y demeurent. La
différence entre la ville et la forêt, qui avait structuré l'imaginaire médiéval, est remise en question
par l'introduction au cœur de la cité de ce qui constituait son envers.
L'arbre de la liberté opère le renversement d'un symbole qui véhiculait une image profondément
pessimiste de l'homme. N'oublions pas que sur plus d'un manuscrit médiéval, de la bouche de l'enfer

13 Gonzalo Hernández de Alba, Los árboles de la libertad, Editorial Planeta, Bogotá, 1989, pp.151-160.
jaillissait un arbre. Jérôme Baschet,14 dans son essai sur l'iconographie médiévale, remarque que
l'obsession chrétienne du salut s'expliquait par une vision profondément désenchantée d'une
créature humaine non seulement coupable à l'origine, mais absolument incapable d'un libre arbitre,
et donc, plus fondamentalement, de liberté. L'érection des arbres de la liberté correspond donc à une
véritable révolution. Walter Benjamin notait dans ses thèses sur l'histoire, qu'au moment de la
révolution française, on vit des gens tirer sur les horloges. Le calendrier révolutionnaire, avec sa
symbolique végétale, ses mois aux noms fleuris entérinait cette rupture. Le temps ancien n'était
plus seulement une irruption, car une continuité s'établissait, grâce aux racines. La localisation des
arbres, sur la place où l'église était jadis l'ombilic, officialisait ce changement dans le comput
temporel, cette révolution, qui était aussi un retour. Car les racines communiquaient avec la terre
des ancêtres, des morts.
Les plantations d'arbre de la liberté dans ce pays noir qu'est la Colombie prennent un sens
particulier : le temps qui revenait était celui de la liberté perdue, celui des ancêtres libres, d'avant
l'esclavage. Les morts qui resurgissaient étaient peut-être les marginaux de la Colonia ; les Indiens,
les esclaves noirs. Songeons que la première révolution noire, celles d'Haïti commença par une
cérémonie vaudou dans une forêt nommée Bois Caïman. La racine, archétype de la contradiction
selon Bachelard, « rejoint l'empire des morts »15. Or, le culte des morts est une particularité des
peuples bantous qui constituaient l'essentiel des esclaves de Nouvelle Grenade. Ces rites étaient
célébrés sous des arbres, les arbres de parole mentionnés plus haut, entre les branches desquels
flottaient les âmes des morts. Remarquons d'ailleurs que cette particularité des croyances bantoues
nous renvoie à ce que nous avions remarqué plus haut pour l'arbre de la Liberté de 1813. Il était
couvert des messages versifiés, et l'effigie de la Vierge et du Christ apparaissait entre ses branches.
A priori, c'est l'influence catholique qui s'exprimait là, mais si l'on songe que les Bantous
associaient leurs esprits ancestraux à des saints chrétiens, et qu'ils avaient tracé un tableau de
correspondance entre leur cosmogonie et celle des chrétiens, cet arbre de la liberté hétéroclite prend
un autre sens : il nous renvoie à l'arbre couvert d'offrandes sacrées des anciens rites bantous. Et son
apparition pendant les guerres d' indépendance, retour des morts, est aussi celui du temps de la
liberté.
D'autre part, pour cet homme éclairé que fut Nariño, et pour ses successeurs, l'arbre planté avec tous
les honneurs, protégé par sa coque de bois, surveillé par la police, était un symbole patriotique
policé ; les représentations religieuses, les cérémonies pratiquement identiques à celles qui se
déroulaient sous la Colonia, étaient à même de rassembler des membres très divers de la

14 Jérome Baschet, La civilisation féodale, de l'an Mil à la colonisation de l'Amérique, Aubier, Collection historique ,
2004, Paris, chapitre III
15 Gaston Bachelard, La terre et les rêveries du repos, Editions Corti, les Massicotés, 2004, première édition Librairie
José Corti, 1948.
population, chacun pouvant communier dans ce rite.
Nous pouvons également nous demander quel rôle joua dans le choix de ce symbole la participation
antérieure de Nariño à l 'expédition botanique. Au sein de la célèbre, et interminable Real Expedición
botánica, qu' organisa le savant espagnol Mutis, se formèrent aux idées scientifiques les créoles qui seraient les
leaders des mouvements indépendantistes. L'expédition ne fut pas pour autant un lieu où se cultivaient les idées
révolutionnaires, même si la présence de savants suédois affiliés a la franc maçonnerie laisse songeur. Quoiqu'il en
soit, la question est de savoir dans quelle mesure la botanique illustrée, qui fut indéniablement la matrice du
développement scientifique en Colombie, pourrait avoir favorisé une transformation de l'imaginaire créole, et favorisé
l'apparition d'un symbole nouveau, l'arbre. Il semble concevable qu' au moment où la taxinomie de la botanique
moderne allait recouvrir le système des connaissances indigènes, un des représentants de cette modernité ait voulu
récupérer un symbole jusque là marqué par un imaginaire subalterne . Arraché à son milieu naturel, il serait redirigé
vers l'éthique sacrificielle (déjà présente dans la religion chrétienne) de ce nouveau sacré, ce patriotisme qui exigerait
tant de sang. « L’arbre de la liberté doit être revivifié de temps en temps par le sang des patriotes et des tyrans » disait
Jefferson16 .

Conclusion
L''histoire des arbres de la liberté sud-américains nous amène à considérer sous un autre angle les révolutions
hispano-américaines, à revaloriser la participation des Noirs et des esclaves aux mouvements révolutionnaires,
comme nous invitent à le faire les historiens ou Marixa Lasso17. Elle nous invite également à mieux apprécier
l'originalité des cultes civiques colombiens, La relation entre sacré religieux et sacré civique s'élabora suivant des
formes inédites. Contrairement à ce qui se passa en France,la construction d'un imaginaire patriote n'impliqua pas le
recul de l'imaginaire religieux . Mais ce dernier semblait avoir évolué : le Dieu qui soutenait les insurgés n' était plus
celui des anges exterminateurs en prise avec le Mal ; c'était un Christ ressuscité, un mort qui revenait .
Une étude plus approfondie des rapports entre religion et plantation d'arbres au cours des guerres d' indépendance
colombienne permettrait peut-être de mieux saisir quelle synthèse permit de réaliser ce symbole, quel imaginaire du
peuple et de la nation il exprima. Une comparaison plus systématique des des rites français et colombiens, articulée à
uen analyse de la variation sémantique des termes liberté et indépedance entre 1810 et 181618, nous ferait avancer
dans la compréhesio nde l'imaginaire de l'époque
Remarquons pour conclure que , bien aprés les guerres d'indépendance, t dans le dernier quart du XIX siècle, qui

16 Thomas Jefferson, Lettre à W. S. Smith, 13 nov. 1787.


17 Lasso, Marixa. 2007. « Un mito republicano de armonía racial: raza y patriotismo en Colombia, 1810-
1812 ». Revista de estudios sociales. Revista de la Facultad de Ciencias Sociales. Universidad de los Andes.
Múnera, Alfonso. 1998. El fracaso de la nación: región, clase y raza en el Caribe colombiano (1717-1810).
Bogotá: El Áncora Editores.
18 Georges Lomné, « Del miedo a la «imaginaria Independencia» al festejo de la «Independencia absoluta»:
el recorrido de un concepto clave (Nueva Granada-Colombia », 1761-1873), Bulletin de l’Institut Français
d’Études Andines / 2010, 39 (1): 17-35
correspond à la phase offensive des nationalismes, les nations américaines choisirent tous un arbre comme emblème.
La Colombie jeta son dévolu sur le palmier moriche des écussons ou des blasons. L'arbre vigoureux des révolutions
américaines ne subsistait plus que sous une forme euphèmisée, au moment ou le peuple devenait une abstraction,
nécessaire à la construction des idéologies nationales et prise en charge par les élites au pouvoir.
Bibliographie
Gaston Bachelard, La terre et les rêveries du repos, Editions Corti, les Massicotés, 2004, première édition
Librairie José Corti, 1948.

Jérome Baschet, La civilisation féodale, de l'an Mil à la colonisation de l'Amérique, Aubier, Collection
historique ,2004, Paris, chapitre III

José Maria Caballero, Diario de la Indepedencia, Talleres Gráficos Banco Popular, Colección de
documentos en la Biblioteca virtual de la Biblioteca Luis Angel Arango del Banco de la Republica,
documento digitalizado por Biblioteca Virtual del Banco de la República 2005

Fernán Gonzalez, « Teología de la liberación en el siglo XIX », Revista Credencial Historial, n° 248, Aout
2010
Henri Grégoire, Essai historique et patriotique sur les Arbres de la Liberté, Desenne et Didot, Paris, 1793.

Gonzalo Hernández de Alba, Los árboles de la libertad, Editorial Planeta, Bogotá, 1989.

Thomas Jefferson, Lettre à W. S. Smith, 13 nov. 1787.

Lasso, Marixa. 2007. « Un mito republicano de armonía racial: raza y patriotismo en Colombia, 1810-
1812 ». Revista de estudios sociales. Revista de la Facultad de Ciencias Sociales. Universidad de los Andes.

Georges Lomné., « Del miedo a la «imaginaria Independencia» al festejo de la «Independencia absoluta»: el


recorrido de un concepto clave (Nueva Granada-Colombia, 1761-1873) », Bulletin de l’Institut Français
d’Études Andines / 2010, 39 (1): 17-35, pp.19-23.

Juan Ricardo Marquez, « Nacionalismos aparte: antecendentes republicanos de la iconografía nacional. Las
historias de un grito. Doscientos años de ser colombianos ». Exposición conmemorativa del Bicentenario
2010. In: Colombia ISBN: 978-958-753-010-0 ed: Museo Nacional De Colombia.

Múnera, Alfonso. 1998. El fracaso de la nación: región, clase y raza en el Caribe colombiano (1717-1810).
Bogotá: El Áncora Editores.

Marie-Angèle OROBON , La religion de la liberté : symboles et allégories dans l’imagerie libérale de


l’Espagne du XIXe siècle , Sacré/sacralités, Pandora, Revue d'Études Hispaniques, 4/2004, Université de
Paris 8, Saint-Denis.
Mona Ozouf, La fête révolutionnaire, 1789-1799, Gallimard, Bibliothèque des histoires, Paris,1976.

Maria Rocio Waked, « Xilografia de Bolivar : la imagen como símbolo de la nación », in Arte, poder e
identidad en Iberoamérica, de los virreinatos a la construcción nacional, Inmaculada Rodriguez Maya(d),
Universitat Jaume I, 2008.

Vous aimerez peut-être aussi