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Revue française d'économie

Les enseignements de la théorie économique dans l'indemnisation


du chômage
Monsieur Etienne Lehmann

Résumé
Cet article propose une synthèse de la littérature théorique sur les allocations chômage. Nous recensons d'abord les
mécanismes par lesquels une hausse des allocations chômage peut aggraver le chômage. Nous énumérons ensuite différents
arguments pour justifier que les allocations chômage peuvent malgré tout améliorer le bien-être. Ainsi, la question du niveau
optimal des allocations chômage se pose comme un dilemme entre efficacité productive et égalisation des revenus. Nous
rendons ensuite compte de trois directions différentes pour dépasser ce dilemme : la dégressivité des allocations chômage, une
modification de leur degré d'indexation et une réforme de leur mode de financement.

Abstract
In this paper, I propose a survey of the theoretical literature on unemployment benefits. First, I investigate mechanisms through
which a rise in unemployment benefits can lead to an increase in the unemployment rate. I then look at channels through which
unemployment benefits may improve welfare. Hence, the question of the optimal level of unemployment benefits can be
interpreted as a dilemma between productive efficiency and income smoothing. I have then mentioned different directions to go
over this dilemma : the decline of unemployment benefits with respect to the unemployment spell, a change in the dependence
of unemployment benefits with respect to last wages earned and a reform of the financing scheme.

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Lehmann Etienne. Les enseignements de la théorie économique dans l'indemnisation du chômage. In: Revue française
d'économie, volume 14, n°4, 1999. pp. 159-190;

doi : https://doi.org/10.3406/rfeco.1999.1094

https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_1999_num_14_4_1094

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Etienne

LEHMANN

Les enseignements

de la théorie économique

dans l'indemnisation

du chômage

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directement en raison de leur état de chômeur, soit indirectement


en raison de leur paupérisation. Les principaux dispositifs qui
répondent à cette définition en France sont : l'allocation unique
dégressive (AUD), l'allocation formation reclassement (AFR),
l'allocation de solidarité spécifique (ASS), l'allocation d'insertion
(AI), mais aussi le revenu minimum d'insertion (RMI) (voir
tableau 1 en annexe).
En France, comme dans l'ensemble des pays de l'OCDE1,
les dispositifs d'indemnisation du chômage répondent à des
logiques bien distinctes. D'un côté, l'AUD verse pour une durée
limitée une allocation généreuse qui dépend des derniers salaires
perçus avant l'entrée au chômage et qui diminue avec le temps.
Elle répond ainsi à une logique d'assurance dont le principal
objectif est de protéger les individus contre le risque de chômage.
Au contraire, Г ASS et le RMI sont des dispositifs qui
versent indéfiniment2 des revenus dont les montants sont
indépendants de la trajectoire antérieure des agents sur le marché du
travail. Ces dispositifs répondent à une logique d'assistance3 qui
vise à redistribuer les revenus en faveur des individus les plus
exposés au risque de chômage. Ils sont à ce titre considérés comme
des minima sociaux (cf. CSERC [1997]).
L'allocation d'insertion propose une solution de secours
aux personnes en grande détresse pendant une durée limitée
(un an maximum). Elle s'adresse à des publics restreints comme
les détenus sortis de prison ou les « personnes en attente de
réinsertion ou en instance de reclassement » comme les rapatriés ou
les demandeurs d'asile politique. Enfin, l'AFR permet aux
bénéficiaires de l'AUD de voir temporairement suspendue la dégres-
sivité de leur allocation-chômage s'ils suivent une formation
professionnelle. Elle répond ainsi à une logique d'aide à la mobilité
interprofessionnelle des travailleurs au chômage.
La complexité de ces dispositifs rend difficile une analyse
unifiée de la politique d'indemnisation du chômage. Toutefois,
devant l'acuité des problèmes posés, des analyses théoriques et
stylisées nous semblent nécessaires pour pouvoir améliorer notre
compréhension des mécanismes économiques à l'œuvre. Elles
complètent des analyses empiriques très développées. La littéra-

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ture sur les conséquences économiques des allocations-chômage


s'est d'ailleurs considérablement développée depuis les années
soixante-dix, comme en témoignent les contributions de Snees-
sens et Van der Linden [1994] et d'Holmlund [1998].
Dans cet article, nous proposons une synthèse (partielle)
de la littérature théorique qui concerne les allocations-chômage.
Dans la première partie, nous analyserons comment le problème
de la recherche de Г assurance-chômage optimale revient à la
résolution d'un dilemme entre les objectifs d'efficacité
productive et d'égalisation des revenus. Nous verrons tout d'abord les
mécanismes par lesquels une hausse des allocations-chômage
peut aggraver le chômage avant de nous intéresser aux canaux par
lesquels les allocations-chômage peuvent avoir des effets
bénéfiques sur le bien-être des agents. Dans la deuxième partie, nous
proposerons différentes voies permettant de dépasser ce dilemme
« efficacité productive / équité de la redistribution des revenus ».
Nous étudierons successivement les effets de la dégressivité des
allocations-chômage, de l'indexation des allocations-chômage et
du financement de celles-ci à travers un schéma d'expérience
rating.

Un arbitrage

entre efficacité productive

et inégalité ex post des revenus

On considère souvent que la recherche du système optimal


d'allocations-chômage revient à un arbitrage entre les objectifs
d'efficacité productive et d'égalisation des revenus. Il convient alors
de comprendre par quels canaux les allocations-chômage ont un
coût en termes de chômage, et par quels canaux elles peuvent
néanmoins améliorer le bien-être des agents.

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Un facteur aggravant du chômage

Les allocations-chômage sont très souvent accusées d'aggraver le


chômage. Les estimations empiriques d'Adams et Сое [1990],
Layard et alii [1991], Manning [1993] et Jackman et Leroy
[1996] montrent que le ratio de remplacement (qui correspond
au rapport entre le revenu d'un chômeur et le revenu d'un
travailleur) a une influence significative sur le taux de chômage. En
utilisant des données micro-économétriques, Meyer [1990]
montre également que le niveau des allocations-chômage
diminue la probabilité de sortie du chômage des agents.
On peut alors distinguer deux catégories d'arguments
justifiant une telle causalité. La première s'appuie sur la
formation des salaires et la demande de travail. Elle concerne les
déterminants institutionnels du chômage. La deuxième repose au
contraire sur les comportements individuels des agents face aux
offres d'emploi qu'ils reçoivent.
Lorsque l'on tient compte de la demande de travail des
entreprises, on considère généralement qu'une hausse des
allocations-chômage diminue l'emploi à travers deux canaux4.
D'une part, une hausse des allocations-chômage se finance
le plus souvent par une hausse des cotisations sociales. Or, pour
un même niveau de salaire, des cotisations sociales plus élevées
augmentent le coût du travail que subissent les entreprises, ce qui
entraîne une baisse de leur demande de travail. Toutefois, cet
argument semble insuffisant ainsi que le soulignent Cotis et Loufir
[1990]. Si les salariés considèrent les cotisations sociales comme
des éléments de rémunération et non comme des prélèvements,
ou si l'offre de travail (ou la quasi-offre de travail lorsque le
marché du travail fonctionne de façon non concurrentielle) est
inélastique au salaire réel, une hausse des cotisations sociales laisse le
coût du travail et le niveau de l'emploi inchangés et diminue le
niveau des salaires nets. Les estimations économétriques de Cotis
et Loufir tendent à privilégier la première hypothèse, tandis que
les développements récents des théories du chômage (cf. Cahuc
et Zylberberg [1996]) privilégient au contraire la deuxième
hypothèse.

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D'autre part, une hausse des allocations-chômage peut


augmenter le salaire d'équilibre, ce qui se traduit également par
une hausse du coût du travail et une baisse de la demande de
travail des entreprises. Cet argument est en réalité très ancien
puisque Rueff [1925] et [1931] l'évoquait déjà pour expliquer
l'existence d'une rigidité du salaire à l'origine d'un chômage
« permanent » en Grande-Bretagne. Rueff considérait un
marché du travail concurrentiel avec une allocation-chômage fixée
en terme monétaire. Le salaire nominal s'ajuste de telle sorte
qu'à l'équilibre, les travailleurs sont indifférents entre travailler
et rester au chômage. La présence d'une allocation-chômage
entraîne l'existence d'une rigidité nominale du salaire qui explique
la montée du chômage constatée par Rueff en Grande-Bretagne
lors des périodes de déflation des années vingt.
Cette première analyse se restreint à l'examen d'un
marché du travail concurrentiel. Ceci nous semble critiquable au
regard de la théorie de la responsabilité qui stipule que la
puissance publique se doit de neutraliser l'influence des
caractéristiques dont les individus ne sont pas jugés responsables (cf.
Fleurbaey, Martinez et Trannoy [1998]). Au regard de cette grille
de lecture de la politique de redistribution, des
allocations-chômage ne sont versées que si l'on considère que les chômeurs ne
sont pas responsables de leur situation. C'est pourquoi il nous
semble indispensable de considérer des situations où, ex post, les
chômeurs bénéficient d'une utilité plus faible que celle des
travailleurs5. Les théories de salaire d'efficience et les modèles de
négociations salariales permettent de relever ce défi (cf. Layard et alii
[1991] et Cahuc et Zylberberg [1996]).
Le modèle de salaire d'efficience de Shapiro et Stiglitz
[1984] repose sur l'hypothèse que les firmes observent
imparfaitement l'effort que les employés fournissent effectivement
dans leur emploi. Si un travailleur qui fournit le bon niveau
d'effort bénéficiait de la même espérance d'utilité
intertemporelle qu'un chômeur, il aurait intérêt à « tirer au flanc ». Le
salaire versé aux salariés à l'équilibre apparaît alors comme la
somme du niveau des allocations-chômage et d'une rente que les
salariés obtiennent pour être incités à ne pas « tirer au flanc ».

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Par conséquent, une hausse des allocations-chômage se traduit


encore par une hausse du salaire d'équilibre, du coût du travail
et une baisse de 1'emploí.
Cependant, Atkinson [1995, chap. 10] montre que cette
causalité peut être renversée si on suppose qu'un travailleur
détecté à « tirer au flanc » perd ses droits aux allocations-chômage.
En effet, dans un tel contexte, une hausse des
allocations-chômage augmente la pénalité que subit un travailleur qui a été
détecté à « tirer au flanc », ce qui permet à la firme de réduire
la rente salariale.
La deuxième raison que l'on peut avancer pour
expliquer pourquoi, ex post, les chômeurs sont dans une situation
moins favorable que les travailleurs, repose sur l'hypothèse que
les travailleurs disposent d'un pouvoir de marché. Dans les
modèles de négociations salariales du type « droit à gérer », les
entreprises et les syndicats fixent ensemble le niveau du salaire
en tenant compte des effets sur la demande de travail des
entreprises. Une hausse des allocations-chômage améliore le point de
menace des syndicats dans la négociation salariale, ce qui incite
les travailleurs à réclamer des salaires plus élevés. De nouveau,
le coût du travail et le taux de chômage augmentent. A long terme,
le chômage est une fonction croissante du rapport entre les
revenus des chômeurs et le revenu des salariés après transferts sociaux.
En revanche, le chômage diminue quand la fiscalité devient plus
progressive (cf. Malcomson et Sartor [1987], Lockwood et
Manning [1993] et Cahuc et Zylberberg [1996])6.
Ceci achève notre revue des effets des allocations-chômage
sur la formation des salaires. Le comportement de recherche
d'emploi des agents est la deuxième explication que l'on retrouve
dans les analyses théoriques des conséquences des
allocations-chômage sur le taux de chômage. L'intérêt d'une telle démarche est
qu'elle permet de modéliser le versement des allocations-chômage
dans le cadre d'un modèle principal — agent avec aléa moral. La
caisse d'indemnisation du chômage joue alors le rôle de
principal, les chômeurs étant assimilés aux agents. Deux grandes
explications sont traditionnellement avancées afin de justifier cette
représentation du marché du travail.

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Tout d'abord, Bail/ [1978] et Flemming [1978] posent


l'hypothèse que plus les chômeurs fournissent un effort
important, et plus leur probabilité de trouver un emploi est élevée. Pis-
sarides [1990, chap. 4] fournit une justification formalisée de cette
hypothèse. Cet auteur considère que le flux agrégé de sortie du
chômage est déterminé par une fonction d'appariement dont
les arguments sont le temps que passent les chômeurs à chercher
un emploi, et le nombre d'emplois vacants. Ainsi, plus les
chômeurs passent de temps à rechercher un emploi, plus leur
probabilité de trouver un emploi est élevée7. Dans ce contexte, les
agents concèdent d'autant plus d'efforts à chercher un emploi que
la différence d'utilité entre un travailleur et un chômeur est
élevée. Ainsi, une hausse des allocations-chômage réduit l'intérêt pour
les chômeurs de trouver un emploi, donc leur effort de recherche,
et contribue à accroître le taux de chômage.
Par ailleurs, les modèles de prospection d'emploi
reposent sur l'hypothèse d'offres d'emploi hétérogènes. Les chômeurs
peuvent alors avoir intérêt à refuser certaines offres d'emploi
pour pouvoir bénéficier plus tard d'offres plus avantageuses. Une
hausse des allocations-chômage rend donc les chômeurs plus
exigeants, ce qui accroît également le taux de chômage. On
retrouve d'ailleurs une analogie avec les mécanismes évoqués
dans le paragraphe précédent lorsque l'on considère que le niveau
de sélectivité des offres d'emploi (c'est-à-dire le salaire de réserve
lorsque les offres d'emplois ne diffèrent que par le niveau des
salaires offerts) remplace l'intensité de recherche d'emploi des
modèles précédents.
Dans ce cadre d'analyse, permettre aux chômeurs de
sélectionner davantage les offres d'emploi qui leur parviennent
peut avoir un effet pervers en augmentant la durée moyenne
passée au chômage. Beaucoup d'auteurs, dont Ljungqvist et
Sargent [1998] considèrent en effet que le capital humain des
chômeurs se dégrade lorsqu'augmente leur ancienneté au chômage.
La probabilité de retrouver un emploi devient alors plus faible
pour les chômeurs de longue durée. Cet argument peut
toutefois être nuancé par l'existence de nombreuses « politiques
actives »8 sur le marché du travail qui proposent aux chômeurs

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des formations leur permettant de limiter la dégradation de leur


capital humain, voire même de l'augmenter pendant leur période
de chômage. C'est notamment le cas en France des plans de
reconversion, et du dispositif d'allocation formation
reclassement (AFR) géré par l'UNEDIC.
Ainsi, les arguments théoriques semblent converger pour
montrer le caractère néfaste des allocations-chômage sur l'emploi.
Cependant, il convient de rappeler que le but d'une politique
publique n'est pas de diminuer le chômage, mais d'améliorer un
critère de bien-être social préalablement défini. Sneessens et Van
der Linden [1994] soulignent d'ailleurs que même si
l'amélioration du bien-être peut très bien passer par une baisse du taux
de chômage, cela ne va pas de soi a priori. Ainsi, les allocations-
chômage peuvent engendrer des effets bénéfiques sur le bien-être
qu'il convient de préciser.

Une politique de redistribution des revenus

On peut distinguer quatre mécanismes par lesquels les allocations-


chômage peuvent avoir un effet bénéfique sur le bien-être.
• Le premier mécanisme repose sur l'aversion pour le risque des
agents. Supposons un environnement où tous les travailleurs ont
une même probabilité exogène de trouver un emploi qui leur
procurerait un revenu exogène. Lorsque la fonction d'utilité des
agents est strictement concave et qu'elle ne dépend pas du
statut sur le marché du travail, l'espérance d'utilité des agents
augmente strictement quand ils s'engagent à lisser le revenu entre
tous les états de la nature avant de savoir s'ils sont chômeurs ou
employés. Ils sont alors indifférents ex post entre accepter une offre
d'emploi et la refuser.
Ce résultat concernant l'optimalité de l'assurance
parfaite n'est pas aussi robuste que l'on pourrait le croire et peut être
remis en cause, y compris dans un contexte walrassien où
l'information est parfaite. En effet, il semble logique de supposer que
la fonction d'utilité d'un travailleur diffère de celle d'un chômeur
à cause de la désutilité du travail, de la désutilité dans la recherche

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d'emploi ou du caractère stigmatisant du statut de chômeur.


L'assurance-chômage optimale se caractérise alors par la seule
égalité des utilités marginales de la consommation des travailleurs
et des chômeurs. Or, en règle générale, cette condition n'a pas
de raison particulière d'entraîner l'égalité des niveaux de
consommation, ni même celui des niveaux d'utilité.
Une autre source de complication apparaît lorsque l'on
suppose que la probabilité de sortie du chômage est une
fonction strictement décroissante du ratio de remplacement. Dans
un tel contexte, la situation où les agents sont indifférents
entre travailler et rester au chômage correspond à celle où le
taux d'emploi, et donc l'espérance de revenu des agents, est
minimal. Il faut trouver un compromis entre une situation
économiquement inefficace où l'espérance de revenu des agents
est minimale et le partage du risque optimal, et une situation
où l'espérance de revenu des agents est maximale, mais où le
risque couru devient très important. Baily [1978, p. 390]
propose alors un critère approximatif pour décrire le système
optimal d'assurance-chômage dans un tel contexte : « Le niveau
optimal des allocations-chômage est atteint lorsque le produit
de la baisse relative de la consommation suite à la perte d'un
emploi, multiplié par le degré relatif d'aversion pour le risque,
est égal à l'élasticité de la durée du chômage par rapport aux
allocations-chômage, cette dernière élasticité étant évaluée à
budget équilibré ».

• La deuxième motivation traditionnellement évoquée afin de


justifier l'indemnisation du chômage émane d'un souci de
redistribution des revenus en faveur des individus qui ont de façon
innée une plus forte exposition au risque de chômage. Pour bien
comprendre cet argument, Wright [1986] considère une
économie où les probabilités d'être employés sont hétérogènes et
exogènes. Tous les agents reçoivent le même niveau d'allocations
lorsqu'ils sont au chômage et subissent la même cotisation lorsqu'ils
sont employés. Pour que cela soit possible, il faut que les
individus les moins exposés au risque de chômage acceptent de payer
une cotisation de même montant que les autres, hypothèse qui

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traduit une grande solidarité dans la société, ainsi que le souligne


VanParijs [1996].
L'hypothèse centrale du modèle de Wright est que les
niveaux des allocations et des taxes sont choisis à travers un
processus de vote démocratique et sincère. Lorsque le niveau
d'allocations-chômage augmente marginalement, tous les agents
subissent une même hausse marginale de la cotisation. Cette
hausse est d'autant plus grande que la probabilité moyenne
d'être au chômage9 est élevée. En revanche, la dépendance de
leur espérance d'utilité suite à cette hausse marginale des
allocations-chômage augmente avec leur propre exposition au
risque de chômage. Ainsi, ce sont les agents les plus exposés
au risque de chômage qui s'expriment en faveur d'une plus forte
redistribution des revenus. Le régime d'indemnisation du
chômage est donc d'autant plus généreux que le rapport entre la
probabilité médiane et la probabilité moyenne d'être au
chômage est élevé.

• Le troisième mécanisme par lequel une hausse des allocations-


chômage peut-être désirée est ce que Saint- Paul [1996] appelle
le « canal salarial ». En effet, lorsque l'impact des allocations-
chômage sur la formation des salaires est pris en considération,
nous avons vu qu'une hausse des allocations-chômage peut
déboucher sur une hausse des salaires. Si les travailleurs sont
majoritaires et que l'état de chômage est persistant, une hausse
des allocations-chômage peut augmenter le revenu des insiders
sans trop augmenter le risque qu'ils subissent à se retrouver au
chômage. Saint-Paul étudie alors les déterminants empiriques
du ratio de remplacement sur un panel de dix-neuf pays de
l'OCDE sur la période 1961-1993. Comme on peut s'y
attendre, le taux de chômage a bien une influence négative sur
le ratio de remplacement, mais elle est statistiquement non
significative. Au contraire, la part des revenus salariaux dans
la valeur ajoutée a une influence négative statistiquement
significative. Saint-Paul en conclut que dans les déterminants du
ratio de remplacement, le canal salarial domine probablement
le motif d'assurance.

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• Le dernier mécanisme par lequel une hausse des allocations-


chômage peut être désirée repose sur les conséquences positives
que peut avoir un comportement plus sélectif des agents vis-à-
vis des offres d'emplois qu'ils reçoivent. Cremer, Marchand et Pes-
tieau [1996] supposent ainsi que les agents peuvent recevoir
deux types d'offre d'emploi : des « bonnes » et des « mauvaises ».
Les « mauvaises » offres se distinguent des « bonnes » par le fait
qu'elles impliquent une plus forte désutilité du travail. Une
hausse des allocations-chômage incite alors les agents à adopter
un comportement plus sélectif. Le nombre de propositions
d'emploi refusées est plus important, mais la qualité moyenne des
emplois s'est accrue. Marimon et Zilibotti [1999] développent
une idée similaire dans un modèle de « matching » à la Pissarides
[1990], où le taux de proposition d'emploi est endogène. Les
rencontres sur le marché du travail peuvent déboucher sur des
emplois de productivités différentes. Une hausse des allocations-
chômage tend alors à diminuer le nombre d'emplois vacants et
à augmenter le taux de chômage. Cependant, les rencontres sont
mieux sélectionnées et la productivité moyenne des emplois
augmente. La production peut alors croître ou diminuer selon les
paramètres du modèle.
Il convient d'ailleurs de noter que dans l'historique des
politiques sociales que Join-Lambert et alii [1994] développent,
le principal intérêt que les créateurs de l'UNEDIC attendaient
en 1958 de l'assurance-chômage reposait sur le souci
d'encourager l'aide à la mobilité interprofessionnelle. L'assurance-chômage
devait permettre aux chômeurs de rechercher des emplois plus
appropriés à leurs caractéristiques. Ce souci est par conséquent
parfaitement cohérent avec les arguments avancés par Cremer et
alii [1996] et par Marimon et Zilibotti [1997].
Ainsi, la recherche du niveau optimal des allocations-
chômage passe par un arbitrage entre le coût économique
qu'entraîne l'indemnisation du chômage sur le niveau du chômage, et
les effets bénéfiques des allocations-chômage sur le bien-être des
agents. Il convient de souligner que le compromis optimal entre
ces deux termes dépend de façon cruciale du critère de bien-être
retenu. Ainsi, dans le critère « approximatif » de Baily, le degré

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d'aversion pour le risque, qui peut également se réinterpréter


comme le degré d'aversion pour l'inégalité du décideur public,
joue un rôle primordial.

Quelques pistes

pour dépasser le dilemme efficacité-

égalité des revenus

Néanmoins, ce dilemme peut être dépassé lorsque l'on affine la


modélisation des régimes d'indemnisation du chômage, ainsi
que le soulignent Atkinson et Mickelwright [1991]. Cette
deuxième partie examine ainsi différentes pistes permettant
d'améliorer l'efficacité économique des dispositifs
d'indemnisation du chômage sans affecter leur générosité globale.

La dégressivité des allocations-chômage

La première piste que l'on peut évoquer réside dans la


dégressivité des allocations-chômage. Pour Shavell et Weiss [1979],
proposer un profil d'allocations qui décroît avec l'ancienneté au
chômage, constitue un instrument permettant de mieux inciter
les chômeurs à chercher un emploi. Pour comprendre cet
argument, notons Vf, et et zt l'espérance d'utilité intertemporelle,
l'effort fourni et l'allocation-chômage d'un chômeur d'ancienneté
t. Supposons qu'un agent qui fournit le niveau d'effort e et qui
touche un revenu R bénéficie à la période courante d'une utilité
égale à u(R)-e. On note /3 le facteur d'escompte intertemporel.
Enfin, posons s(.) la fonction qui associe la probabilité de
trouver un emploi à la quantité d'efforts fournis10 et Ve l'espérance
d'utilité intertemporelle d'un travailleur employé. L'espérance

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d'utilité intertemporelle d'un chômeur d'ancienneté t se définit


alors à rebours selon l'équation de Bellman :

Vut = max {u(zt) - et + (3 [s(et) Ve + Vut+1}) (1)

Le niveau d'effort choisi par un chômeur d'ancienneté t


est alors déterminé par la relation d'arbitrage :

=Ps'(et)[V-Vut+1] (2)

Ainsi, à la date ř, les agents fournissent d'autant plus


d'efforts pour rechercher un emploi que la différence entre
l'espérance d'utilité intertemporelle d'un travailleur et d'un chômeur
d'ancienneté t+1 est élevée. L'intuition de ce résultat vient du fait
que fournir un effort aujourd'hui permet de diminuer ses chances
d'être au chômage demain. À budget constant, une hausse de zp
compensée par une baisse de zt+1 permet alors d'accroître la
quantité d'efforts fournis dans la recherche d'emploi et la
probabilité de retour vers un emploi en augmentant la différence
V — Vet+1. Par ailleurs, une telle politique augmente l'utilité
instantanée d'un chômeur d'ancienneté t.
Hopenhayn et Nicolini [1997] ont raffiné l'analyse de Sha-
vell et Weiss en proposant de faire dépendre la taxe que paient
les travailleurs employés de la durée de leur dernière période de
chômage. Notons alors V/+; l'espérance d'utilité d'un travailleur
qui trouve un emploi après t périodes de chômage. L'équation
(2) devient :

1 = P s\e,)[VL, - (3)

L'introduction d'une cotisation contingente à la durée de


la dernière période de chômage permet de modifier V7+/, ce qui
constitue un deuxième instrument permettant d'inciter les
chômeurs d'ancienneté t à rechercher plus activement un emploi. Plus
la cotisation que paient les travailleurs employés augmente avec
la durée de leur dernière période de chômage, plus les travailleurs
sont incités à trouver un emploi rapidement. Hopenhayn et

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Nicolini montrent alors que Г assurance-chômage qui maximise


l'espérance d'utilité d'un agent rentrant au chômage se
caractérise par un profil décroissant d'allocations-chômage et par un
profil de cotisations qui augmente avec la durée de la dernière
période de chômage.
Les simulations numériques menées par Hopenhayn et
Nicolini permettent de comparer les caractéristiques de l'assu-
rance-chômage optimale avec celles que l'on obtiendrait en
maintenant la cotisation indépendante de la durée de la dernière
période de chômage. Le profil optimal d'allocations que
proposent Shavell et Weiss est alors beaucoup plus dégressif que le
système préconisé par Hopenhayn et Nicolini. Par ailleurs, ils
montrent que la dégressivité optimale permettrait de diminuer
les coûts du système américain d'indemnisation du chômage de
7,2 % lorsque la cotisation sociale est indépendante de la
dernière période de chômage. Ce chiffre devient égal à 28,1 % si on
fait dépendre la cotisation de la durée de la dernière période de
chômage. On s'aperçoit ainsi que l'introduction d'une taxe
contingente à la dernière période de chômage permet une
amélioration substantielle de l'efficacité du système d'indemnisation
du chômage. Wang et Williamson [1996] ont mené une démarche
similaire dont les conclusions sont tout à fait cohérentes avec celles
ď Hopenhayn et Nicolini.
Toutefois les modèles évoqués jusqu'ici supposent
fondamentalement que les travailleurs ont la même productivité
quelle que soit la durée de leur dernière période de chômage. Une
telle hypothèse a pourtant été abondamment discutée dans la
littérature. Layard, Nickell et Jackman [1991] montrent sur un plan
macro-économique l'intérêt qu'il y a à enrichir les estimations
des courbes de Phillips en incorporant la variation du taux de
chômage comme régresseur des équations de salaire. En effet, cette
variable apparaît comme une proxy du taux de chômage de
longue durée. Or, pour ces auteurs, la présence d'un nombre élevé
de chômeurs de longue durée est un facteur explicatif de la
persistance du chômage lorsque les chômeurs de longue durée
rencontrent davantage de difficultés à être réemployés que les
chômeurs de courte durée. Manning [1991] a également recours à

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 173

ce dernier argument pour expliquer en quoi une hausse du


rapport nombre de chômeurs de longue durée sur nombre de
chômeurs contribue à diminuer la pression salariale dans un modèle
dynamique de négociations salariales. Enfin, Ljungqvist et
Sargent [1998] ont incorporé cette hypothèse dans le modèle
d'équilibre général calculable qui leur sert à expliquer pourquoi une
économie avec une forte protection sociale connaît de façon durable
un taux de chômage plus élevé dans des phases de
restructurations technologiques qu'une économie ne connaissant pas de
protection sociale.
Le fait que l'employabilité des chômeurs diminue avec
l'ancienneté au chômage peut conduire à relativiser les conclusions
du modèle de recherche d'emploi dans lequel les cotisations
sociales dépendent de la durée de la dernière période de chômage.
En effet, un tel schéma peut révéler à l'employeur l'ancienneté
réelle au chômage de la personne qu'il embauche, alors que cette
information peut lui être cachée s'il n'a pas accès au calcul du
montant des allocations-chômage. Il peut alors plus facilement
pratiquer une politique de discrimination à l'embauche à l'en-
contre des chômeurs de longue durée, ce qui risque d'accroître
leur exclusion du marché du travail11. A notre connaissance, cette
critique du modèle d'Hopenhayn et Nicolini [1997] n'a pas
encore été évaluée empiriquement.
Ces premières approches reposent sur une spécification
ad hoc de la fonction qui au niveau d'effort associe la
probabilité de trouver un emploi. D'autre part, elles ne tiennent pas
compte des effets de la dégressivité des allocations-chômage sur
la demande de travail des entreprises et sur la formation des
salaires. Au contraire, Cahuc et Lehmann [1999] étudient les effets
de la dégressivité des allocations-chômage dans un modèle de
négociations salariales qui considère le cas particulier où l'effort
de recherche d'emploi des chômeurs n'affecte pas la probabilité
agrégée de sortie du chômage. Il existe deux niveaux d'allocations-
chômage. Les chômeurs reçoivent pendant une période une
allocation versée aux chômeurs de courte durée. S'ils ne retrouvent
pas d'emploi à l'issue de leur première période de chômage, ils
deviennent des chômeurs de longue durée. Le point de menace

Revue française d'économie, Automne 1999


174 Etienne Lehmann

des insiders en cas de rupture des négociations dépend alors du


bien-être des chômeurs de courte durée. Or, lorsque à budget
équilibré les allocations des chômeurs de courte durée augmentent,
les revenus et l'espérance d'utilité des chômeurs de longue durée
diminuent strictement. Le bien-être des chômeurs de courte
durée augmente, car ils bénéficient dès aujourd'hui de la hausse
de leurs revenus tandis que la baisse des allocations versées aux
chômeurs de longue durée ne leur sera préjudiciable que dans le
futur. Dans un tel contexte, la dégressivité des
allocations-chômage accroît le point de menace des insiders dans la négociation
salariale, et le chômage augmente12. Cahuc et Lehmann montrent
que le profil des allocations-chômage qui maximise le bien-être
de l'individu le plus défavorisé de l'économie est constant et
offre la même espérance d'utilité intertemporelle aux chômeurs
de courte durée qu'aux chômeurs de longue durée.
Fredriksson et Holmlund [1998] et Cahuc et Lehmann
[1999] ont développé des modèles où les deux effets de la
dégressivité des allocations-chômage sont pris en considération. Pour
cela, ils ont recours à une extension du modèle de Pissarides
[1990, chap. 4] où l'effort de recherche des chômeurs est
endogène, en supposant l'existence de deux niveaux
d'allocation-chômage. Les résultats numériques montrent que l'effet sur l'emploi
d'un profil d'allocations-chômage qui transite par l'effort de
recherche des chômeurs est quantitativement plus important
que l'effet qui transite par la détermination collective des salaires.
Fredriksson et Holmlund [1998] montrent alors que le système
d'allocations-chômage qui maximise la somme des utilités de
tous les agents est dégressif. Les simulations présentées par Cahuc
et Lehmann [1999] montrent néanmoins que le coût d'une
baisse du chômage en termes de bien-être des chômeurs de
longue durée par le recours à un profil plus dégressif d'allocations-
chômage, est deux fois plus important lorsque l'on tient compte
de la formation non concurrentielle des salaires.
On peut terminer cette section consacrée à l'analyse de
la dégressivité des allocations-chômage en étudiant le profil qui
se dégagerait d'un vote des travailleurs sur cette question. Wright
[1986] montre que les travailleurs employés s'expriment en faveur

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 175

d'un régime dégressif des allocations-chômage car ils subissent


dès aujourd'hui le coût des allocations versées aux chômeurs de
longue durée alors qu'ils ne bénéficieront de ces allocations que
dans un futur lointain.
Ainsi, la dégressivité des allocations-chômage est une
caractéristique politiquement soutenable des systèmes
d'indemnisation du chômage qui incite les chômeurs à rechercher plus
activement un emploi. Néanmoins, d'autres instruments existent
pour fournir cette incitation. Faire dépendre la cotisation que
paient les travailleurs employés de la durée de leur dernière
période de chômage semble en particulier beaucoup plus efficace.
Enfin, la dégressivité des allocations peut avoir des effets néfastes
sur la pression salariale et sur le bien-être des individus les plus
défavorisés de l'économie.

L'indexation des allocations-chômage

La modification du mode de calcul des allocations constitue


également une piste permettant d'améliorer l'efficacité du
dispositif d'indemnisation du chômage. Atkinson et Mickelwright
[1991], Van Parijs [1996], Goerke [1997], Lechevalier [1997],
Cremer et Pestieau [1998] et Cremer, Casamatta et Pestieau
[1998] montrent que deux logiques s'opposent à ce sujet. D'un
côté, la logique assurancielle, d'inspiration bismarckienne,
recommande la proportionnalité entre les allocations-chômage et les
derniers salaires perçus. D'un autre côté, la logique redistributive,
d'inspiration beveridgienne, préconise la distribution d'un revenu
minimum forfaitaire pour protéger la totalité des individus contre
l'ensemble des risques sociaux.
Dans un contexte où les travailleurs sont homogènes, on
peut donc se demander quel système entraîne le taux de chômage
le plus faible. Goerke [1997] pose cette question dans le cadre
d'un modèle de salaire d'efficience où le niveau d'efforts est une
fonction continue et croissante du ratio de remplacement et du
taux de chômage. Sous des hypothèses restrictives concernant la
technologie, il montre qu'un régime bismarckien est susceptible

Revue française d'économie, Automne 1999


176 Etienne Lehmann

de diminuer le taux de chômage. Cependant, on peut se


demander si ce résultat est très robuste. En effet, pour augmenter la
quantité d'efforts fournis par ses employés, une firme dispose d'autres
instruments que le paiement d'un salaire d'efficience. En
particulier, elle peut offrir un profil de salaires croissants avec
l'ancienneté dans l'emploi (cf. Cahuc et Zylberberg [1996, chap. 4]).
Si on suppose au contraire que le salaire fait l'objet de
négociations salariales, les insiders sont d'autant plus incités à
accroître leurs revendications salariales qu'une hausse du salaire
négocié à la période t leur permettra d'obtenir des allocations-
chômage plus élevées à la date t+1 s'ils se retrouvent au chômage.
Ainsi, pour un niveau donné de ratio de remplacement, le taux
de chômage est dans cet environnement d'autant plus faible que
les allocations-chômage sont faiblement indexées sur le dernier
salaire reçu.
Toutefois, ces arguments ne portent que sur le mode de
calcul des allocations-chômage. Or, si l'on prend en
considération l'hétérogénéité des travailleurs, on montre qu'un système beve-
ridgien aboutirait à un ratio de remplacement plus élevé pour les
travailleurs les moins qualifiés. Cette remarque est d'ailleurs à la
base de l'argument avancé par Mortensen et Pissarides [1999] pour
expliquer pourquoi le taux de chômage des travailleurs peu
qualifiés est plus important que le taux de chômage des travailleurs
les plus qualifiés. Le mode de calcul optimal des allocations-
chômage consiste alors à faire dépendre le niveau des
allocations-chômage d'une définition de la qualification du travailleur
qui serait commune à l'ensemble de l'économie. Les insiders ne
percevraient pas cette incitation supplémentaire à accroître leurs
revendications salariales, et on disposerait d'un instrument
susceptible de limiter les différentiels de taux de chômage en
fonction des qualifications.
On peut enfin s'interroger sur la soutenabilité politique
des régimes bismarckiens et beveridgiens d'allocations-chômage.
Cremer et Pestieau [1998] et Cremer, Casamatta et Pestieau
[1998] posent cette question dans le cadre d'un modèle
électoral avec probabilité de risque exogène et homogène, où les
revenus des agents sont en revanche hétérogènes. Etant donné un degré

Revue française d'économie, Automne 1 999


Etienne Lehmann 177

d'indexation des prestations, ces articles étudient la quantité de


prestations sociales désirée par une majorité d'électeurs. Sous
certaines hypothèses concernant la distribution des revenus (Cre-
mer, Casamatta et Pestieau [1998]) ou la mobilité des agents (Cre-
mer et Pestieau [1998]), ces auteurs montrent que même si un
système beveridgien constitue souvent pour le planificateur un
système préférable car plus redistributif, un système mixte
permet de dégager une majorité politique en faveur d'une sécurité
sociale plus généreuse.
Ainsi, il semble qu'un système beveridgien permette une
meilleure redistribution des revenus. Néanmoins, le débat sur
l'efficacité économique relative des systèmes beveridgiens et bis-
marckiens reste encore à ses débuts. En particulier, il semble
qu'un système beveridgien accroisse le différentiel de taux de
chômage selon les qualifications. Enfin, c'est un système où les
agents s'expriment en faveur de prestations globalement moins
généreuses.

L'expérience rating

Une vaste littérature visant à améliorer l'efficacité économique


des allocations-chômage concerne leur mode de financement. Ainsi
aux Etats-Unis, les caisses d'assurance-chômage de chaque Etat
pratiquent une politique dite d'« experience rating » qui consiste
en « une modulation des taux de cotisation qui varient selon [...]
chaque entreprise. En 1988, par exemple, ces taux variaient de
1 à 10 % au Michigan et de 0,3 % à 5,4 % en Indiana. La
modulation des taux a lieu ex post : elle prend en compte la
réalisation passée du risque de chômage, mais ne repose pas sur
une évaluation prospective de ce risque en fonction de la
politique d'emploi et de la conjoncture. » (cf. Lefèvre [1996], pp. 131-
132). En France, une telle politique se restreint essentiellement
à la « contribution Delalande » : le licenciement d'un salarié de
plus de 50 ans oblige l'employeur à verser aux ASSEDIC une
contribution dont le montant peut aller jusqu'à douze mois de

Revue française d'économie, Automne 1999


178 Etienne Lehmann

salaire pour le licenciement d'un salarié de 56 ou 57 ans d'une


entreprise de plus de cinquante salariés.
Depuis l'article originel de Feldstein [1976], la littérature
sur l'« expérience rating » s'est considérablement développée.
L'idée de base est de faire internaliser par les entreprises le coût
que la société subit pour indemniser le chômage selon le
principe du « licencieur - payeur » (pour reprendre l'expression de
Lefèvre [1996]). Pour comprendre ce point de vue, nous allons
développer un petit modèle stylisé.
Considérons une économie dans laquelle une firme
représentative produit un bien unique selon une fonction de
production à rendements décroissants J{.). On note L, le niveau
d'emploi et m, la désutilité du travail exprimée en unité de
consommation, \loptimum social de cette économie se
caractérise alors par le partage équitable entre tous les membres de la
société des ressources totales de l'économie dont le montant vaut
f(L)-m. Ainsi, le niveau d'emploi optimal L* est déterminé par
l'égalité de la productivité marginale du travail f'(L*) et du coût
« social » du travail que représente la désutilité du travail m.
Considérons à présent un équilibre dans lequel le salaire
réel serait exogène et égal à w, et où un nombre N exogène de
travailleurs sont attachés à la firme13. Parmi ces travailleurs, les
personnes qui se retrouveraient sans emploi doivent alors
recevoir une allocation-chômage z. On suppose que les travailleurs
ont toujours intérêt à travailler. Ceci se traduit formellement
par l'hypothèse w > z + m. Le principe de l'expérience rating
consiste alors à faire payer par la firme une fraction e de l'ensemble
des allocations-chômage qu'il faut verser aux chômeurs attachés
à la firme. Ainsi, pour financer le système d'allocation-chômage,
les entreprises payent une taxe égale à T = ez(N— L) + TwL. Le
paramètre e représente le degré d'expérience rating et T désigne
le taux de cotisations sociales. Lorsque e est égal à 1, la firme
finance intégralement le versement des allocations-chômage aux
chômeurs qui lui sont attachés. Lorsque e est égal à 0, on retrouve
un schéma de financement des allocations-chômage plus conforme
à la réalité française. Enfin, on remarque que si e z > T м/, la firme

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 179

paye d'autant moins de prélèvements obligatoires qu'elle emploie


un nombre élevé de personnes. Le profit de la firme s'écrit alors :

n{LMw,z,é) = flL) -U + T)wL- e{N- L)z (4)

Le coût du travail que les entreprises perçoivent est alors


égal à (7+t) w - e z. Cette expression correspond à la différence
entre les salaires reçus par les travailleurs (augmentés des
cotisations sociales) et le niveau des allocations-chômage multiplié
par le degré d'expérience rating. En effet, avec l'expérience rating,
les firmes perçoivent en partie le fait que diminuer l'emploi
implique pour la société de prélever des ressources pour
financer le versement des allocations-chômage supplémentaires. Ainsi,
plus le degré d'expérience rating est élevé, plus le coût du
travail que la firme perçoit est proche du coût « social » du travail
que représente la désutilité du travail m.
L'expérience rating revient ainsi à accorder à tous les
travailleurs une allocation universelle égale à e z, à faire payer par
la firme une taxe forfaitaire e z N ex. une cotisation sociale T w.
Tout se passe alors comme si le salaire versé par la firme
devenait égal à w - e z. Une autre interprétation consiste à dire que
la firme reçoit une subvention égale à e z par travailleur employé.
On peut alors se demander pourquoi un tel schéma de
financement n'est pas davantage répandu. En effet, il semble
que les Etats-Unis et les pays Scandinaves soient les seuls pays où
un tel schéma de financement des allocations-chômage soit
généralisé. Pour tenter de répondre à cette question, on peut
remarquer que, dans l'équation (4), le profit de la firme diminue
strictement avec le degré e d'expérience rating et avec le nombre de
personnes N qui lui sont directement attachées. En effet, au
niveau décentralisé, une firme ne peut pas internaliser le fait
qu'une hausse du degré d'expérience rating e implique une baisse
du taux de cotisations sociales T. D'ailleurs, dans un univers
déterministe, les firmes n'ont jamais intérêt à se voir attachées
plus de personnes qu'elles n'en emploient effectivement, car une
personne supplémentaire attachée mais non employée coûte à la
firme un revenu égal à e z. Le problème est alors de faire adop-

Revue française d'économie, Automne 1999


1 80 Etienne Lehmann

ter par les différentes entreprises un comportement coopératif et


« social » afin qu'elles se repartissent l'attachement des personnes
privées d'emploi. Or, il semble que chaque firme aura intérêt à
se défausser au maximum de cette obligation. Une fois encore,
ce résultat est dû à l'incapacité des firmes à internaliser le fait que
plus le nombre de personnes qui lui sont attachées est élevé,
plus faible sera le taux de cotisations sociales T qu'elle subira.
Marceau [1993] montre ainsi que dans une économie où
le marché des biens est en situation de concurrence oligopolis-
tique avec libre entrée, une hausse du degré d'expérience rating
diminue le profit de long terme des firmes. Elles sont alors moins
nombreuses à entrer sur le marché. Même si chaque firme emploie
davantage de personnes, la diminution de leur nombre avec le
degré d'expérience rating implique que l'emploi total peut
diminuer.
Dans un univers incertain, ce résultat est quelque peu
modifié. La théorie des contrats implicites montre en effet que
les firmes ont intérêt à s'attacher plus de personnes qu'elles n'en
embauchent en moyenne afin de pouvoir répondre à la demande
en cas de conjoncture favorable (voir Rosen [1983]). Elles
indemnisent alors les personnes qu'elles s'attachent mais qu'elles
n'emploient pas ex post selon un schéma d'expérience rating pur {Le.
avec e = 1). Cependant, le statut de ces personnes est ambigu.
Même si elles ne travaillent pas en cas de conjoncture défavorable,
elles restent attachées à une firme. C'est donc un « chômage
partiel »14 qui est décrit par ces modèles. D'ailleurs, les études
empiriques qu'ont menées Feldstein [1978] et Topel [1983] pour
confirmer l'intérêt de l'expérience rating se restreignent à cette
seule catégorie de chômeurs. Cette notion rappelle également la
logique de financement des dispositifs publics ou conventionnels
d'indemnisation du chômage partiel en France.
Burdett et Wright [1989] étudient alors la détermination
du nombre de contractants que la firme désire s'attacher lorsqu'elle
doit garantir à ces personnes un niveau donné d'espérance
d'utilité. Ces auteurs supposent que le degré d'expérience rating est
exogène. Lorsque ce paramètre augmente, la firme doit verser
davantage d'allocations-chômage aux personnes qui lui sont atta-

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 181

chées mais qu'elle n'emploie pas. Le coût marginal de


l'attachement d'une personne supplémentaire augmente, si bien qu'une
hausse du degré d'expérience rating diminue le nombre de
personnes avec qui une firme désire s'attacher, même si le taux
d'emploi parmi les personnes qui ont contracté augmente.
Holmlund et Lundborg [1988] et [1989] ont repris cette
problématique dans un cadre de monopole syndical où les
syndicats gèrent le versement des allocations-chômage. Cette
situation semble assez bien correspondre à la réalité des pays
Scandinaves15. Il existe un syndicat par secteur qui fixe simultanément
le niveau du salaire et des allocations-chômage en tenant compte
de la contrainte de demande de travail de la firme. Le syndicat
a par conséquent la possibilité de mutualiser parfaitement les
risques de chômage entre ses adhérents. Aussi, dans ces modèles,
les travailleurs et les chômeurs perçoivent-ils le même revenu
w16. Dans un souci de mutualisation des risques, chaque
syndicat verse à une caisse centrale une taxe T et reçoit en échange une
allocation-chômage b pour chaque chômeur. Le syndicat
complète alors cette allocation en versant w-b à chaque chômeur. Le
rapport l-(b/w) s'interprète par conséquent comme le degré d'ex-
perience rating. En normalisant à 1 la taille des adhérents du
syndicat, et en notant J{.) la fonction de production de la firme
représentative, le revenu de chaque membre du syndicat est alors égal
aux charges de personnel subies par l'entreprise représentative
(1 - u) f'(l - u), auxquelles on ajoute les allocations-chômage
versées par la caisse centrale и b, et dont on retranche finalement
la taxe prélevée par la caisse centrale T. Le revenu moyen des
adhérents du syndicat vérifie alors :

w = (1-й) f(1-й) + ub-T (5)

L'allocation-chômage b versée par la caisse commune


joue par conséquent le rôle d'une subvention au chômage.
Lorsque b augmente, les syndicats sont incités à accroître leurs
revendications salariales, ce qui diminue l'emploi. On retrouve
ainsi le fait que l'emploi augmente avec le degré d'expérience
rating. Cependant, pour un niveau donné de taxe T, le revenu

Revue française d'économie, Automne 1999


1 82 Etienne Lehmann

moyen des membres du syndicat diminue avec le degré


d'expérience rating. Comme les syndicats sont supposés incapables
d'internaliser le fait qu'une baisse de b se traduira par une baisse
de T, ils auront le sentiment de perdre au développement de Гех-
perience rating. Ainsi, malgré les effets bénéfiques sur l'emploi
de l'expérience rating, de fortes pressions à son développement
peuvent apparaître, ce qui permet de mieux comprendre
pourquoi un tel schéma de financement des allocations-chômage est
finalement aussi peu répandu.
Ainsi, la littérature théorique semble converger pour
conclure qu'un plus fort degré d'expérience rating est susceptible
d'améliorer l'efficacité économique du dispositif d'indemnisation
du chômage, mais que les forces qui s'opposent à l'extension de
l'expérience rating restent très fortes. Même si l'expérience rating
constitue un mécanisme efficace pour faire internaliser aux
entreprises les conséquences sociales de leur politique d'emploi, sa mise
en place nécessite de la part des agents un comportement
coopératif pour déterminer quel chômeur doit être attaché à quelle
firme.

Cet article avait pour objet de proposer une synthèse


théorique des effets économiques des allocations-chômage.
Dans un premier temps, nous avons montré comment la
question du niveau optimal des allocations-chômage pouvait se
ramener à un arbitrage entre efficacité productive et inégalité des
revenus.
Nous avons alors distingué deux grands mécanismes par
lesquels une hausse des allocations-chômage est susceptible
d'accroître le chômage. Tout d'abord, une hausse incite les agents à
réclamer des salaires plus élevés, ce qui accroît le coût du travail
et diminue la demande de travail des entreprises. Cette hausse
du chômage exige de plus une hausse des taux de cotisations

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 1 83

sociales, ce qui vient renforcer le premier effet. Le deuxième


mécanisme passe par le comportement des chômeurs qui sont
d'autant moins actifs dans leur recherche d'emploi que leur
situation n'est pas trop inconfortable, comparée à celle des travailleurs.
Nous avons également mis en évidence quatre canaux
par lesquels les allocations-chômage peuvent avoir un effet
favorable sur le bien-être. Tout d'abord, en réduisant les disparités
de revenus entre un chômeur et un travailleur, elles ont une
fonction d'assurance qui limite les conséquences du risque de
chômage pour les individus. Ensuite, elles peuvent avoir une
fonction d'assistance en redistribuant les ressources en faveur des
agents qui, de façon innée, ont une plus forte exposition au
risque de chômage. Le canal salarial, qui stipule qu'une hausse
des allocations-chômage augmente le revenu des travailleurs,
constitue le troisième motif pour lequel les allocations-chômage
peuvent être désirées. Enfin, en permettant aux agents de mieux
sélectionner les offres d'emploi qu'ils reçoivent, les allocations-
chômage peuvent avoir des effets bénéfiques sur la productivité
agrégée du facteur travail.
Ainsi, il convient de garder à l'esprit que le système
optimal d'indemnisation du chômage dépend étroitement de
l'objectif poursuivi par la politique économique. En particulier, selon
que le décideur politique présente une aversion pour l'inégalité
(ou le risque) plus ou moins importante, il privilégiera plus ou
moins l'égalisation des revenus par rapport à l'efficacité
productive de l'économie.
Néanmoins, plusieurs pistes ont été explorées pour
dépasser le dilemme efficacité - égalité. La première réside dans le
versement d'allocations-chômage dont le montant diminue avec
l'ancienneté du chômeur. Il semblerait que cette piste puisse être
poursuivie en faisant dépendre les cotisations payées par les
salariés de la durée de leur dernière période de chômage. La deuxième
voie concerne le mode de calcul des allocations-chômage. Le
montant des allocations doit-il être forfaitaire ou doit-il dépendre
des derniers salaires reçus ? Le mode de calcul des cotisations
payées par les firmes constitue une troisième direction de
recherche. Ainsi, le système de l'expérience rating (où chaque chô-

Revue française d'économie, Automne 1 999


184 Etienne Lehmann

meur est attaché à une firme qui lui verse directement ses
allocations-chômage) permet d'augmenter singulièrement le niveau
d'emploi et l'efficacité du système. Mais, un tel schéma semble
difficile à mettre en place, car les firmes ont intérêt à ne pas
s'attacher des personnes qu'elles ne pourront pas employer
effectivement.
Au terme de cette réflexion, plusieurs directions restent
à explorer pour la recherche théorique. Sous quelles conditions
une politique d'allocation universelle serait-elle plus efficace
qu'une politique d'allocations-chômage ? Quelles interactions
existent entre la détermination des indemnités de licenciement
- dont l'un des objectifs est de prévenir les licenciements
économiques — et la politique optimale d'indemnisation du chômage ?
Quel sort doit-on réserver aux chômeurs les plus âgés à l'aube
d'un retournement démographique qui pèsera sur les retraites ?

A l'époque de la rédaction de l'article, Etienne Lehmann était membre d'EUREQua,


université Paris I, Panthéon Sorbonně.

Il est actuellement maître de conférences à l'université Panthéon-Assas Paris II, et membre


de l'ERMES.
Adresse : 83 bis, rue Notre Dame des Champs — 75006 Paris
Tél. 014441 5926
elehmann@u-paris2.fr

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 185

Annexe
Les principaux dispositifs d'indemnisation du chômage en
France

Nature Mode de calcul Mode de gestion Nombre


de la prestation de la prestation et de financement de bénéficiaires
au 31/12/95"
Allocation En fonction du Gestion et 1 801 600
unique Assurance-chômage versée revenu, qui financement paritaires
dégressive pour une durée décroît entre
(AUD) limitée qui régulièrement selon des confédérations syndicales
dépend de l'âge paliers de et patronales au
et de la durée de dégressivité. sein de l'UNEDIC
cotisation du grâce à des
demandeur cotisations sociales
d'emploi. spécifiques à
l'UNEDIC.
Allocation de Régime En fonction de la Gestion paritaire 470 900
solidarité d'assistance destiné aux taille du ménage au sein de
spécifique (ASS) chômeurs en fin de façon à l'UNEDIC, à partir d'un
de droits qui ont compléter les autres fond de solidarité,
préalablement revenus jusqu'à financé au 2/3
cotisé 5 ans au obtenir un par l'Etat et au
cours des 10 minimum vital. 1/3 par l'UNEDIC.
dernières années.
Revenu Régime En fonction de la Gestion par les 841 000
minimum d'insertion d'assistance destiné à taille du ménage, caisses
(RMI) toutes les de façon à d'allocations familiales ou
personnes de plus compléter les autres la caisse de la
de 25 ans. revenus jusqu'à mutualité sociale
obtenir un agricole, financé
minimum vital. par l'Etat.
Allocation de Suspend la En fonction du Gestion et 165 100
formation baisse de revenu antérieur. financement paritaires
reclassement l'allocation unique entre
(AFR) dégressive confédérations syndicales
pendant la durée de et patronales au
formation des sein de l'UNEDIC
chômeurs de grâce à des
moins de 6 mois. cotisations sociales
spécifiques à
l'UNEDIC.
Allocation Allocation En fonction de la Gestion paritaire 18 100
d'insertion (Al) provisoire (un an taille du ménage, au sein de
maximum) de façon à l'UNEDIC, à partir d'un
destinée à des publics compléter les autres fond de solidarité,
spécifiques revenus jusqu'à financé au 2/3
(détenus sortis de obtenir un par l'Etat et au
prison, demandeurs minimum vital. 1/3 par l'UNEDIC.
d'asile
politique,...)
Récapitulatif des principaux dispositifs

Revue française d'économie, Automne 1999


1 86 Etienne Lehmann

Notes

1. Sur ce point,
kelwright [1991].voir Atkinson et Mic- mage. Or verser des revenus à des
chômeurs de longue durée nous semble une
politique de lutte contre la pauvreté tout
2. Seule une limite d'âge entre en aussi pertinente qu'inciter des chômeurs
compte. Mais elle ne correspond qu'à un moins anciens à se former pour
changement de dispositif, les retrouver un emploi.
bénéficiaires pouvant recevoir le minimum
vieillesse au lieu du RMI ou de l'ASS. 9. Qui, en vertu de la loi des grands
nombres, tend vers le taux de chômage.
3. Nous employons le terme
d'assistance en lui refusant vigoureusement la 10. On suppose que les fonctions w(.) et
connotation péjorative qui lui est parfois s(.) sont strictement croissantes et
accordée. strictement concaves.
4. Du moins tant que l'on ne se situe pas 11. L'auteur remercie les rapporteurs
dans un univers keynésien où les prix anonymes pour leurs remarques sur ce
sont rigides. point.
5. Certains auteurs qualifient une telle 12. Ce raisonnement n'est valable que
situation de « chômage involontaire ». si les agents sont neutres vis-à-vis du
risque. En effet, lorsque les agents sont
6. Lorsque l'on suppose à l'instar de averses vis-à-vis du risque, le taux de
MacDonald et Solow, Manning [1987] chômage et le bien-être des chômeurs
ou Layard et Nickell [1990] que de courte durée sont des fonctions uni-
l'emploi fait également l'objet de modales de la dégressivité des
négociations décentralisées, il se révèle être allocations-chômage, le maximum étant
une fonction décroissante du niveau des atteint pour un profil légèrement
allocations-chômage. D'ailleurs, Layard dégressif.
et Nickell [1990] montrent que lorsque
les allocations-chômage sont 13. On suppose que 0<f'(N)</n<
parfaitement indexées sur le salaire moyen de /'(0)=+°°, si bien que le niveau d'emploi
l'économie et que la fonction de optimal est inférieur ou égal à la taille
production est iso-élastique, le taux de de la population active.
chômage de long terme est indépendant du
pouvoir de négociation des syndicats 14. Feldstein [1976], Rosen [1983] et
Topel [1983] parlent de « chômage
sur l'emploi.
temporaire » pour désigner ces
7. Un autre intérêt du modèle de personnes, Sneessens et Van der Linden
Pissarides [1990, chap. 4] est que la (1994) ont recours à la notion de «
probabilité de sortir du chômage chômage conjoncturel », tandis que Cahuc
dépend à la fois du comportement de et Zylberberg [1996] utilisent la
recherche d'emploi des chômeurs et terminologie de « mise à pied
de la formation non concurrentielle des temporaire ».
salaires.
15. En Suède, ce sont les syndicats qui
8. Bien que cette terminologie soit gèrent les caisses de l'indemnisation du
couramment utilisée, elle ne nous semble chômage. Il y a une seule caisse par
pas la plus appropriée en connotant de secteur d'activité à laquelle sont affiliés
façon péjorative les politiques dites d'office tous les adhérents à un
« passives » d'indemnisation du syndicat, ce qui concerne la majorité des sala-

Revue française d'économie, Automne 1999


Etienne Lehmann 187

ries. Les non-syndiqués peuvent alors nos notations, cela revient à supposer
adhérer à la caisse sous forme d'une que m=0.
contribution individuelle.
17. Il s'agit des bénéficiaires en
16. Pour simplifier leur exposé, Holm- métropole. Les sources sont le bulletin
lund et Lundbord [1989] supposent qu'il mensuel de l'UNEDIC et CSERC [1997]
n'y a pas de désutilité du travail. Avec pour le RMI.

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