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Illustration : HERVÉ LE GOFF

Illustration sonore : JEAN-FRANÇOIS LEROUX


U
n jour, dans cette grande forêt sombre
et mystérieuse qu’on appelle « la Jungle »,
quelque chose… d’EXTRAORDINAIRE arriva.
Écoute… Ce jour-là, les animaux sauvages furent surpris
par des cris… mais des cris qu’ils n’avaient encore
jamais entendus. Des cris de petit bébé, de petit bébé d’homme.
L’énorme et redoutable tigre Shere Khan sentit de très loin la délicieuse odeur de ce petit bébé
et, aussitôt, il se mit en route pour le dévorer. Mais Bagheera, la panthère noire,
le découvrit avant lui.
– Hmm, mais d’où sors-tu, toi, Petite Grenouille ? Qui a bien pu t’abandonner ici ?
C’est incroyable ! Comment est-ce possible ? Tu es si fragile ! Tu as de la chance que ce soit
moi qui te trouve la première. Le tigre Shere Khan, lui, n’aurait fait de toi qu’une bouchée.
Il est si cruel qu’il n’hésite jamais à se jeter sur une proie sans défense. Hmm, je vais t’amener
chez Akela, le chef des loups. Sa louve vient d’avoir des petits, elle est très gentille et je suis sûre
qu’elle acceptera de t’adopter.
Et, en effet, la louve prit tout de suite soin de lui. Elle le lécha, le nourrit et l’appela « Mowgli ».
Le chef Akela présenta ensuite le petit d’homme aux autres loups. Tous furent très surpris. Ils n’avaient encore jamais
vu de bébé à la peau sans poils. Ils étaient en train de le regarder avec curiosité, quand soudain… GGRRR…
apparut le tigre Shere Khan, terreur de la Jungle.
– J’ai flairé ce petit avant vous tous. Il est à moi, GGRRR ...
– À toi ? Non, mais tu plaisantes, j’espère ! lui répondit Akela.
C’est Bagheera qui l’a trouvé et c’est notre famille qui l’a adopté.
Une masse énorme alors s’avança. RROOW ! C’était Baloo. Ce gros ours était très respecté
pour sa bonté et sa sagesse, aussi tous firent silence pour écouter ce qu’il avait à dire.
– Ce petit d’homme ne t’appartient pas Shere Khan. La famille d’Akela l’a accueilli,
c’est donc avec les loups qu’il grandira. Et je lui apprendrai moi-même ce qu’il devra
savoir sur la jungle, voilà !
C’est ainsi que le tigre, ce fauve si redouté, dut repartir bredouille et profondément vexé.
GRRRR…
Mowgli fut donc élevé avec ses frères les loups. À cinq ans, il courait déjà aussi vite
qu’eux, grimpait aux arbres avec l’agilité d’un singe et nageait comme un poisson.
L’ours Baloo lui avait appris à respecter les habitudes des animaux, à se méfier
des plus féroces et à protéger les plus faibles. Il était très fier de son petit élève,
de son « Minus sans poils », comme il l’appelait pour plaisanter.
Mais quand son Minus sans poils n’était pas sage, l’ours se fâchait. RROOW !
Une fois, il l’avait grondé si fort que le petit garçon était parti bouder tout un après-midi dans la forêt.
À son retour, l’ours lui demanda :
– Alors Minus sans poils, toujours fâché ?
– Mais non, Baloo adoré ! Je vais même te confier un secret… Approche... Plus près, je ne vais pas te manger !
Je serai bientôt le chef d’une très grande tribu !
– Ah bon, oh ! Et laquelle, s’il te plaît ?
– Des gentils singes m’ont offert des bananes pour me consoler et ils m’ont dit que, si je les suivais,
je deviendrais leur chef, et même que…
– OOOHHRRR… Ne fais surtout pas ça, petit. Ils ne savent que mentir, que pousser des cris idiots,
que se chercher des poux dans la tête ou se balancer de liane en liane en montrant leurs fesses !
Faut jamais leur faire confiance. Tu m’entends, Minus sans poils ? JAMAIS.
Son Baloo adoré avait l’air si sérieux que le petit garçon lui promit de ne jamais suivre les singes.
Puis il alla se coucher avec ses frères les loups et s’endormit.
Mais, voilà, lorsqu’il se réveilla, il se retrouva tout là-haut là-haut dans les arbres.
Les singes l’avaient enlevé et l’emportaient en bondissant de branche en branche à travers la Jungle.
L’ours et la panthère ne pouvaient les rattraper. Impossible pour eux de grimper aussi haut...
Bagheera proposa :
– Allons trouver Kaa. Lui seul peut nous aider !
– Excellente idée, ma jolie ! Il est leur pire ennemi ! approuva Baloo,
en essayant de rattraper la panthère, déjà partie à la recherche de Kaa.
Mais qui était Kaa ? C’était un serpent immense, d’au moins dix mètres de long,
d’une force incroyable, et qui réussissait à se faufiler à la vitesse d’un éclair
jusqu’à la cime des arbres. Il avait en plus un pouvoir extraordinaire qui faisait
très peur aux singes : rien qu’en les regardant fixement de ses yeux jaunes
et brillants, il les paralysait. Au point que les singes ne pouvaient plus faire
un geste, pas même une petite grimace de rien du tout. Kaa les détestait.
– Ccces sssinges sssont ausssi insssolents que ssstupides, ççça ccc’est sssûr…
Je sssais où cccces sssots sssans cccervelle ssse sssont inssstallés.
Et ccc’est ssssûrement là qu’ils ont emmené votre petit protégé…
Sssuivez-moi !
Le soleil se couchait quand ils arrivèrent au vieux temple en ruine où Mowgli était prisonnier.
Les singes, très nombreux, tournaient sans cesse autour de lui en poussant des cris. Le petit garçon
ne pouvait s’échapper. Il était désespéré, quand, soudain, au sommet du temple éclairé par
la lune… surgit Kaa. L’impressionnant serpent lança alors un sifflement : SSSSSSS…
Un sifflement aigu, glaçant, terrifiant. Les singes, paniqués, s’enfuirent dans tous les sens,
comme si… des milliers de guêpes venaient de leur piquer les fesses. Bagheera fit ensuite monter
Mowgli sur son dos, et, avec Baloo, tous les trois s’en retournèrent dans la forêt.
Des semaines, des mois, plusieurs années même, passèrent… et le tigre Shere Khan n’oubliait
toujours pas qu’un jour on l’avait empêché de dévorer le petit bébé d’homme. Il s’était senti
humilié et, depuis, il cherchait à se venger. Jusqu’à présent, il n’avait pas réussi : Mowgli était
tout le temps entouré de ses amis Baloo et Bagheera.
Seulement voilà… ce tigre vorace et rusé venait d’avoir une idée. Une idée astucieuse
et diabolique. Cette fois, il en était sûr : il allait pouvoir approcher leur cher petit protégé.

Un soir, Bagheera surprit Shere Khan en train de comploter avec de jeunes loups. Cela l’inquiéta.
Elle s’approcha d’eux en douce pour les écouter, et ce qu’elle entendit l’épouvanta.
Mowgli était en danger. Elle passa la nuit à chercher une solution pour le sauver…
Elle n’en trouva malheureusement qu’une. Une seule.
Dès le lendemain matin, elle en parla au jeune garçon :
– Écoute, Petite Grenouille, je…
– Ohhh ! Ne m’appelle plus Petite Grenouille, je suis grand maintenant.
– C’est vrai ! Et justement, mon grand, j’ai quelque chose d’important à te dire, mais arrête
de tripoter cette liane s’il te plaît et écoute-moi. Nous avons un problème, un sérieux problème…
Je suis navrée de te dire ça, mais… nous devons prendre une décision.
Voilà… Tu… tu ne peux plus rester ici, c’est trop risqué. Tu dois quitter la Jungle,
retourner chez les hommes, ta vraie famille !
– Mais ma vraie famille, ce sont les loups, c’est toi et Baloo ! Tout le monde m’aime ici.
– Non, ne crois pas ça, Petite Gren… mon grand... Ne crois pas ça !
Ceux qui veulent que tu t’en ailles sont de plus en plus nombreux...
– Mais pourquoi ? Je n’ai rien fait de mal !
– Sais-tu ce que Shere Khan raconte aux jeunes loups pour qu’aujourd’hui tous se méfient
de toi ? Il leur dit que tu feras comme les autres hommes qui viennent dans la Jungle…
que tu nous captureras et nous tueras ! Et tous le croient…
Mowgli, consterné par ce qu’il venait d’apprendre, restait silencieux. Bagheera, alors, ajouta :
– Il y a bien un moyen d’effrayer tes ennemis. C’est le feu. Nous autres, les animaux,
nous avons très peur du feu.
– Le feu ? Mais où je peux en trouver ?
– Devant chaque maison des hommes, il y a un pot où une flamme brûle jour et nuit.
Va prendre un de ces pots, si tu n’en as pas peur, et rapporte-le. Ce soir, les loups vont
se rassembler, Shere Khan sera sûrement là.
Le jeune garçon courut de toute la vitesse de ses jambes jusqu’au village le plus proche.
Plus tard, Mowgli, revenu à temps pour assister à la réunion des loups,
cachait près de lui un pot où brûlait une flamme.
Les jeunes loups, rassemblés autour de Shere Khan, étaient déchaînés.
Tous hurlaient que le petit d’homme n’avait rien à faire dans la Jungle
et qu’il fallait s’en débarrasser.
– GRRR, je sais, moi, comment vous en débarrasser.
Ça fait si longtemps que je rêve de m’en régaler ! rugit le tigre en bavant d’envie.
Mowgli se dressa alors d’un bond avec une branche enflammée à la main.
Les jeunes loups effrayés rampèrent ; Shere Khan, surpris, ne bougea pas.
Mais quand il sentit la flamme du garçon s’approcher tout près de ses moustaches,
il recula. Il recula lentement en grognant de rage, les yeux pleins de fureur.
Et, dans l’obscurité de la forêt, il disparut.
Mowgli se tourna ensuite vers les jeunes loups.
– Et vous autres… Je vous aimais comme des frères, pourquoi m’avez-vous trahi, hein ?
Pourquoi ? Puisque vous ne voulez plus de moi, et qu’avec Shere Kan je serai toujours
en danger, je vais partir… Mais avant... avant, je veux vous prévenir que si vous faites
confiance à ce tigre fourbe et cruel… vous le regretterez. Voilà ! Adieu.
Allez-vous-en, maintenant.
Les jeunes loups s’en allèrent, le museau baissé, la queue entre les pattes.
C’est dire à quel point ils se sentaient honteux.
Mowgli sentit soudain quelque chose lui chatouiller les joues.
Quelque chose de tiède et d’humide, comme de l’eau.
Il ne pleuvait pas, pourtant. C’était quoi alors ?
Bagheera, tout en lui léchant affectueusement le visage, lui expliqua :
– Ce sont des larmes. Des larmes d’hommes. Ces larmes, vois-tu,
débordent de vos yeux chaque fois que votre cœur est très triste.
C’est étrange, mais c’est comme ça. Hmm, tu vas me manquer, Petite Gren…
Tu me permets une dernière fois encore de t’appeler Petite Grenouille ?
Allez, va, maintenant ! Va rejoindre les hommes.
Mowgli prit dans ses bras la Mère Louve et Akela. Tous les trois restèrent
ainsi un moment, à se chercher de jolis mots d’adieu. Mais leurs cœurs pleins
de chagrin ne les trouvaient pas. Puis, le petit d’homme courut
se jeter dans l’épaisse fourrure de son gros Baloo adoré.
Et, là, ces curieuses petites rivières d’eau salée que les hommes appellent
« des larmes » recommencèrent à couler, couler, couler, sans qu’il puisse
les retenir. Les poils du gros ours en étaient tout mouillés.
– Allons, allons, fit Baloo, très ému aussi. N’es-tu pas le plus courageux
de tous les Minus sans poils ? Si ? Alors, prouve-le-nous encore une fois, hein ?
Mowgli prit une grande respiration et… s’en alla.
Quand il arriva près du village des hommes, le soleil se levait.
Il entendit d’abord un chant… un chant aussi joli que celui du plus doué
des rossignols de la forêt.
Et, bientôt, il aperçut… une fillette.
Elle puisait de l’eau à la rivière. C’était elle qui chantait. Il l’observait, caché
derrière un tronc d’arbre, n’osant pas se montrer. Elle finit par le découvrir
et lui fit signe de s’approcher. Quand il fut tout près, elle le prit tout simplement
par la main et l’entraîna vers son village…

Le jeune garçon eut alors un frisson agréable au contact de sa main.


Aucun animal dans la Jungle n’avait une peau aussi douce…
Aucun animal, non plus, ne réussissait comme elle, et en moins d’une seconde,
à rendre son visage plus lumineux, plus beau. Mowgli ne savait pas encore
que ce pouvoir merveilleux s’appelait « sourire ».
Parmi les hommes, il allait faire beaucoup d’autres découvertes…
Mais jamais, de toute sa vie, tu vois… il n’oublia ses amis de la Jungle. Jamais.
La Sorcière du parc Monceau

Les Bisous du Croqu’Odile

Et si un soir… il pleuvait des gâteaux !

Le Monstre de Pabocoulo

Le Jouet magique de Saint-Pétersbourg

Les Sorcières de la rue des tempêtes


Avec toute la fantaisie et la sensibilité qu’on lui connaît, MARLÈNE JOBERT a revisité
ce joli conte de RUDYARD KIPLING qui a réjoui tant de générations.
Sa fille EVA GREEN
GREEN, séduite par cette adaptation et les jolies illustrations
tout en tendresse d’HERVÉ
HERVÉ LE GOFF,
GOFF a participé avec enthousiasme à ce projet.

Sur le CD, les deux talentueuses comédiennes nous offrent donc une interprétation
captivante de l’histoire extraordinaire de ce petit bébé d’homme abandonné
dans la Jungle et élevé par des animaux sauvages.
La mise en scène sonore et musicale de JEAN-FRANÇOIS LEROUX contribue
à l’enchantement que produira ce conte sur les petits dès 5 ans
ans.

ISBN 978-2-344-03811-6

18,90 € TTC France 79.0836.4

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