Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Philosophie 340-101-MQ
Philosophie et Rationalité - Cours 2
Professeur : Jean-Philippe Morin
Plan de séance
1. Présentation des notes de cours
2. Les Jugements
3. Les Jugements de Fait
4. Les Jugements de Préférence
Le plan de séance vous donnera le contenu du cours. J'ai divisé le cours sur
les jugements en deux parties. La première partie portera sur les jugements
de fait et de préférence (cours 2), la deuxième partie sera à propos des
jugements de valeur (au prochain cours, cours 3).
***
Ces notes de cours vont parfois inclure des extraits de textes philosophiques
à lire, des questions de révision et des exercices. Les réponses aux exercices
seront inclues à la fin des notes de cours.
Pour bien réussir, il ne faut pas se contenter seulement des capsules audios :
les notes de cours seront plus importantes, car elles seront plus détaillées.
***
3
2. Les jugements
Le premier cours théorique de la session sera consacré à une notion un peu
technique, mais qui sera indispensable pour tout le reste de la session : les
types de jugements. Je considère cette matière très importante, au point où
je l'enseigne également en philo 2 et philo 3. Si je n'avais qu'un seul cours à
donner de toute la session, ce serait celui-ci. Il m'arrive même de parler de
cela à des gens qui ne connaissent pas bien la philosophie, en dehors de mes
cours.
Le plus important à retenir dans ce cours sera la différence entre les trois
types de jugements. En plus de les reconnaître et être capable de donner
des exemples, il faudra être capable de les distinguer, de ne pas les
mélanger ou les confondre.
DÉFINITION
Jugement : Affirmer quelque chose à propos de quelque chose.
Chaque fois que nous pensons ou disons « Ceci est X », par exemple « La
table est en bois », nous faisons un jugement. Une grande partie de nos
pensées et de nos paroles sont donc des jugements. Nous affirmons que les
choses sont de telle ou telle manière : faire un jugement, c'est une manière
de décrire le monde.
Caractéristique essentielle :
Un jugement peut être vrai ou faux.
Si je dis « ma table de cuisine est en bois » ou « il faut être végane », ces
jugements peuvent être vrais ou faux. Pour savoir si c'est vrai, nous aurons
4
besoin d'un critère de vérité - quelque chose qui nous permet de vérifier la
vérité d'un jugement.
Nous pouvons faire une distinction entre trois types de jugements. Nous
verrons les deux premiers dans ce cours, le troisième dans le prochain.
***
DÉFINITION
Jugement de fait : Affirmation qui porte sur l'existence ou l'inexistence
d'une chose ou d'un fait.
formule le jugement de fait suivant : « La terre est plate ». Leur jugement est
clairement faux, mais pourquoi savons-nous qu'il est faux? Parce que nous
avons accès à de nombreuses observations qui montrent que la terre est
plutôt une sphère. Faites-en une liste!
Pourquoi des gens s'acharnent à croire en quelque chose de faux, malgré des
observations qui prouvent le contraire? C'est une question difficile, dont
nous parlerons plus tard dans le cours sur l'irrationalité. Mais pour l'instant,
gardons simplement à l'esprit : un jugement de fait décrit la réalité, et soit il
la décrit d'une manière correcte (conforme à la réalité), ou bien il décrit mal
la réalité et est dans l'erreur.
- Que devrait-on faire précisément pour savoir s'il est vrai que les licornes
existent?
- Serait-ce possible d'avoir une certitude absolue qu'elles n'existent pas? Que
devrait-on faire pour en être 100% certain?
***
La philosophie n'est pas centrée sur les jugements de faits. C'est plutôt le
domaine des différentes sciences, sciences de la nature et science humaines.
Par exemple, la physique tente de décrire la composition de la matière, et
pour faire cela, a besoin de faire des observations à l'aide d'instruments
beaucoup plus précis que nos sens : des microscopes ou même des
accélérateurs de particules gigantesques. La psychologie, la sociologie aussi
essaient de décrire des objets de manière objective : l'esprit humain, la
société, en étudiant ces objets de la manière la plus objective possible, sans
préjugés.
Une question personnelle : aimez-vous les tomates? Qui n'aime pas les
tomates? Quand je pose cette question en classe, trois ou quatre personnes
lèvent toujours la main. Alors je leur demande : pourquoi au juste?
Je fais cela pour me chercher des alliés avant de confier ma propre opinion
sur le sujet : je trouve les tomates absolument dégueulasses! Je les déteste,
simplement en voir une tranche me lève le cœur, si j'en repère dans un plat,
je serai incapable de le manger, elles me répugnent totalement.
DÉFINITION
Jugement de préférence : Appréciation purement subjective (de type
J'aime/J'aime pas).
Très jeune, nous comprenons que nos goûts ne sont pas toujours partagés par
les autres. Les tomates m'apparaissent réellement comme dégoûtantes, mais
je sais que ce n'est pas le cas pour tout le monde. Comment je pourrais
reformuler mon jugement « les tomates sont dégueulasses » d'une manière
plus exacte, et plus mature?
8
Ce qui crée souvent des conflits, c'est que nous formulons à tort nos
jugements de préférence comme si c’étaient des jugements de fait. Si je
dis « le café c'est dégueulasse », quelqu'un pourra me répondre « ben non,
c'est délicieux! ». On dirait que j'affirme que la « dégueulasserie » est à
l'intérieur du café lui-même et peut être observée dedans, mais ce que je
veux dire est plutôt « je n'aime pas ça ». L'autre personne ne pourra que
répondre « ah bon, moi j'aime ça. » Il serait possible d'éviter bien des débats
inutiles si nous formulions nos jugements de préférence correctement.
***
pouvez pas savoir avec 100% de certitude si c'est vrai, parce que je pourrais
avoir inventé cet exemple de toute pièce, simplement comme méthode
pédagogique. Mais moi (ou chacun d'entre vous), nous savons si nous
aimons certaines choses ou non, ce n'est pas nécessaire d'y réfléchir : notre
réaction nous saute aux yeux.
Tout cela devrait vous sembler évident, et rien de nouveau. Les choses vont
se compliquer plus tard avec le troisième type de jugement.
« Les tomates sont bonnes pour la santé » est un jugement de fait. Pour
savoir si cela est vrai, il faut faire des études : les scientifiques (ici des
nutritionnistes, des biologistes, des médecins) peuvent tenter de vérifier cela
par observation, en faisant des expériences. Même si cela était vrai, je
continuerais de les trouver dégoûtantes.
« Il faut manger des tomates » est un jugement de valeur. Nous verrons dans
la section suivante ce que cela signifie. Mais même s'il faut en manger,
même si la santé est importante, je n'aimerai pas plus cela.
L'important ici : les arguments rationnels n'ont aucune emprise sur les
goûts. Il n'est pas possible de débattre des goûts ou de les modifier par
de simples arguments. Le débat est inutile dans ce cas. Pourtant, nous le
10
faisons régulièrement, mais nous perdons notre temps. Si un ami déteste une
chanson que nous adorons, ce n'est pas avec des arguments que nous le
ferons changer d'avis.
Cela ne signifie pas que les goûts ne peuvent pas changer. Plus jeune, je me
souviens que je n'aimais pas du tout le café, je trouvais cela amer, carrément
imbuvable. Maintenant je bois 3-4 tasses chaque matin, je ne pourrais pas
m'en passer. Même chose avec le whisky : la première fois que j'en ai bu, je
l'ai presque recraché tellement ça m'a brûlé la bouche, mais aujourd'hui je
suis alcoolique (blague). Seulement, ce ne sont pas des arguments qui ont
changé mes goûts : c'est à force d'en boire que je me suis habitué. (Avec les
tomates, ça n'a jamais fonctionné, par contre!)
Je suis aussi convaincu que vous sentez quelque chose : on dirait qu'on parle
de choses sans importance, dans cette section du cours. On s'en fiche bien de
savoir si le prof aime les tomates ou non. Et de mon côté, je m'en fiche aussi
de savoir si vous aimez ça. « Chacun ses goûts », dirait ma mère. Justement,
cette indifférence à propos des jugements de préférence est une
caractéristique qui les différencie du troisième type de jugements, les
jugements de valeur. Nous verrons cela plus en détail ensuite.
***