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FRANÇAIS
Raoul Audouin
LES LOIS
DE LA LIBERTE
Libéral et croyant,
pourquoi?
EDITIONS DE L'
INSTITUT ÉCONOMIQUE DE PARIS
© Copyright by
Editions de l'Institut Economique de Paris
. 1985 .
Le Centre Libéral Spiritualiste
Français
Fondée en 1947, cette association (sans but lucratif, régie par la
Loi du 1er juillet 1901) reçut alors pour objectif statutaire « l'étude et
la diffusion de la pensée libérale fondée sur les principes spiritualistes
de la civilisation occidentale ». Elle s'offrait comme un « Point de
rencontre» (son appellation initiale), aux croyants et aux agnostiques
que préoccupait le bouleversement des assises morales et juridiques de
la société par les divers courants matérialistes.
Trois de ses dirigeants ayant été cooptés par la Société du Mont
Pèlerin - forum mondial des libéraux fondé également en 1947 - le
C.L.S.F. s'est acquis une audience internationale; mais en France, il
n'a pu faire plus que de maintenir un foyer intellectuel intransigeant,
pendant tout un tiers de siècle de prépondérance du dirigisme.
Ce petit livre présente un condensé des approfondissements doc-
trinaux réalisés pendant cette « traversée du désert», avec l'espoir que
dans le renouveau actuel du libéralisme, des hommes et des femmes
plus jeunes viendront poursuivre l'œuvre de réconciliation entre les
libertés temporelles et la recherche de l'épanouissement spirituel.
Pour toute prise de contact, écrire à Raoul Audouin, cio Institut
Economique de Paris, 35, avenue Mac Mahon, 75017 Paris.
L'auteur
Né à Rouen en 1907, Raoul Audouin a servi la cause libérale
depuis 1938, et assumé la présidence du C.L.S.F. au décès du Fonda-
teur Pierre Lhoste-Lachaume, en 1973, Il est surtout connu pour ses
traductions d'ouvrages fondamentaux de Ludwig von Mises et de Frie-
drich A. Hayek, les inspirateurs des Nouveaux Economistes.
Pages
Préambule : Pourquoi ce livre ? •• ......... ...... ••• ............. ...... Il
CHAPITRE 1
REPERAGE INITIAL................................................... 13
Azimut: liberté ................................... ......................... 14
La comparaison du tripode ..............................................- 15
CHAPITRE II
CHAPITRE III
9
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CONCLUSION
Bibliographie............................................................... 59
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PREAMBULE
POURQUOI CE LIVRE?
... parce que trop gens de bonne volonté oublient que l'on
ne peut supprimer que ce que l'on remplace. Beaucoup souhai-
tent aujourd'hui, à juste titre, que soit répudié le
« tout-à-l'Etat » - mais ce que l'Etat ne devra plus faire, qui en
aura la charge ?
Rien de décisif ne peut venir des redistributions de pou-
voirs plus ou moins amorcées: concertations étatico-
syndicalo-corporatives, décentralisation à divers échelons,
autorités infra - ou supra - gouvernementales etc., ne sont que
des pseudo-remèdes qui passent à côté du mal profond.
Il s'agit, non pas de changer les dépositaires du pouvoir,
mais de ramener le Pouvoir lui-même à son champ normal
d'exercice, à sa fonction propre dans les sociétés humaines. Le
recours automatique à ses procédures - électorale, législative,
administrative, fiscale, monétaire - est la monomanie de notre
époque, la drogue intellectuelle de nos civilisations matérialis-
tes. Pour enrayer ce mal, il faut rendre leur place aux autres
modes d'impulsion et de coordination des activités.
Le danger est pressant, car l'HYPERTROPHIE du pou-
VOIR multiplie les ambitions et les heurts - et suscite ainsi
l'apparition de son frère ennemi, le TERRORISME, qui s'atta-
que à la racine nourricière de la vie en société : la CON-
FIANCE de l'homme dans son semblable.
L'objet de ce petit livre est de présenter une perspective
d'ensemble des institutions - économiques, juridiques et mora-
les - dont il faudra restaurer la COMPLÉMENTARITÉ, mot-
clef de notre recherche d'un équilibre pour une Société d'Hom-
mes Libres.
11
Chapitre 1
Repérage initial
13
leçons ambiguës de son expérience personnelle. Pour nous gui-
der dans ce brouillard, quant au choix des moyens nous avons
un radar: les prix du marché; et quant aux objectifs et par-
cours, le vieux portulan des règles morales et de la sagesse
populaire. Si frustes qu'ils soient, ces instruments de pilotage
individuel ont fait leurs preuves, et c'est pour avoir méconnu
feur efficacité que les générations de l'entre-deux-·guerres se
sont fourvoyées; elles ont cru pouvoir éluder les responsabili-
tés personnelles et familiales, par la fonctionnarisation de la vie
sociale et la prétendue « maîtrise de la monnaie ».
Il est vrai que le premier conflit mondial avait déjà dislo-
qué l'univers mental de la « belle époque» ; l'intelligentsia
commença de tourner en dérision la décence privée et publi-
que; les gouvernants prirent l'habitude du cours forcé, des
dévaluations et des « moratoires ». La seconde guerre mon-
diale laissa l'Europe mutilée, les économies plus qu'à demi éta-
tisées, déséquilibrées par l'impulsion que l'effort militaire avait
donnée au progrès des techniques. Trente années (<< glorieu-
ses ») de croissance accélérée suivirent, en partie grâce à
l'ouverture des frontières douanières, mais aussi à un recours
effréné au crédit et à l'inflation. Comment de tels bouleverse-
ments n'auraient-ils pas engendré une hantise de « garanties»
sociales et de jouissance immédiate? Personne n'a vraiment
voulu renoncer à la magie d'un dirigisme qui semblait avoir éli-
miné les « crises du capitalisme » ... Les décombres sont main-
tenant sous nos yeux, et ils obstruent dramatiqueme,nt les che-
mins de la jeunesse. Cherchons à lui proposer autre chose que
les replâtrages de la social-démocratie.
AZIMUT: LIBERTÉ
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aurons, avec eux, à retrouver des bornes oubliées, à refaire un
ordre qui ne consolide pas trop d'injustices, à abaisser les fron-
tières sans submerger les communautés. Les solutions ne sont
pas données à l'avance; mais c'est le propre de la liberté que
d'être un instrument d'exploration du possible, trouvant ainsi
des issues où personne n'en soupçonnait.
L'obstacle le plus insidieux se trouve dans la perversion du
vocabulaire par la propagande révolutionnaire : on ne parle
pas de liberté, mais de droits acquis ou à « conquérir» ; on ne
se proclame plus immoraliste, on dénonce l'hypocrisie des
bourgeois; on n'est pas matérialiste, ni « partageux », on
réclame pour les multitudes un confort croissant (à l'ancien-
neté) ; on ne fait plus de « l'agitation-propagande », on désta-
bilise des pouvoirs anti-démocratiques ... Nous chercherons ici
à « coller au réel », tout en affirmant clairement que la vie de
l'homme a un sens plus large et plus haut que sa seule fonction
temporelle et sociale ; et nous souhaitons montrer que les insti-
tutions doivent tenir compte de cette finalité spirituelle, pour
que nos sociétés retrouvent un degré salubre de stabilité.
LA COMPARAISON DU TRIPODE
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« Marché » est fait d~ jugements de convenance bilatéraux ; la
« Loi » est faite de jùgements collégiaux de commune utilité ;
la « Morale », de jugements de valeur communs aux personnes
du gro\Jpe considéré, qui se les transmettent de génération en
génération. La pierre de touche de tous ces jugements est
l'expérience historique; c'est pourquoi il faut se garder du
« constructivisme » qui prétend bâtir « rationnellc~ment » les
institutions en faisant « table rase du passé ».
Il faut aussi souligner le caractère évolutif des créations
collectives telles que le Droit et, à un moindre degré, le Marché
et la Morale; elles ne sont d'ailleurs pas étanches les unes aux
autres. Ce sont néanmoins trois catégories d'institutions qui,
prises ensemble, ·rendent les libertés concrètes possibles en les
protégeant contre la démesure.
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portions variables. Le « balancier de l'Histoire» fait que les
gens, par moments, redoutent surtout les risques de l'autono-
mie, et à d'autres moments s'impatientent davantage de subir
le Pouvoir.
C'est ainsi que les tribus d'Isra~l demandèrent jadis à
Samuel de leur sacrer un roi (l.S. 8), et plus tard se rebellèrent
contre le successeur de Salomon, Roboam (l.R. 10) ...
17
Chapitre Il
LE DOS AUMUR
19
rien d'autre. C'était déjà cela pour les hommes de Cro-Magnon
quand ils troquaient des peaux de bisons tués par eux, contre
des pointes de flèche en silex venues de fort loin.
Ce qu'il y a de neuf depuis trois siècles, c'est le développe-
ment exponentiel de la technique des échanges ; mais dans son
essence, cette technique reste définie en trois mots : marché,
monnaie, entreprise. Sans sous-estimer l'impact des facteurs
juridiques et culturels, l'on peut imputer à l'essor des échanges
économiques mondiaux le principal mérite du progrès matériel
acquis depuis une douzaine de générations : triplement de la
population du globe, et accession des « prolétaires» occiden-
taux à une durée de vie et une aisance concrète largement supé-
rieures à celles dont jouissaient les aristocrates au temps de
Louis XIV.
En effet, le levier de cette efficacité réside dans un fait très
simple: les ressources naturelles, les talents humains et les
savoirs de tous ordres sont captés en tous points du monde et
combinés par des esprits inventifs de toutes nations, en vue de
servir les besoins dont ils sont informés. Mais comment ce foi-
sonnement d'activités hétéroclites peut-il se passer d'une direc-
tion, ou concertation, « au sommet» ? Comment cette anar-
chie peut-elle encore - malgré tous les échecs privés et tous les
gaspillages publics - engendrer un« produit net» aussi phéno-
ménal ?. Grâce a.u système des prix en monnaie sur des mar-
chés ouverts et informés. L. von MISES et F.A. HAYEK ont
appelé cela: catallaxie.
BIOLOGIE DU MARCHE
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total des coûts des éléments absorbés dans la fabrication. Ce
coût de revient (y compris sa propre rémunération) forme dans
l'esprit de l'entrepreneur une sorte,de gabarit dans lequel cha-
que composant doit s'emboîter aux autres en quantités exacte-
ment complémentaires ; ce coût unitaire varie avec les quanti-
tés produites.
Pour tout ce « calcul économique », l'entrepreneur ne dis-
pose que d'une référence certaine: pour chacun des facteurs de
production complémentaires, les prix tels qu'ils se sont établis
récemment sur les marchés actuellement accessibles. Si soi-
gneusement que la production ait été agencée, son coût effectif
n'est connu qu'au terme de son processus; à ce moment inter-
vient l'aléa majeur, la réaction des acheteurs, qui n'est pas
affectée seulement par le prix de vente affiché, mais par
l'énorme variété de circonstances que l'on groupe sous le terme
de « conjoncture ».
Enfin, dans les conditions modernes des techniques de
financement, ce personnage de l'entrepreneur « pur » a besoin
d'un autre risqueur, l'actionnaire. Rarement les deux risqueurs
se confondent en une seule personne, que les marxistes dénon-
cent alors comme le « patron de droit divin ». Ces sophistes
jouent sur l'illusion d'optique des salariés qui, recevant des
ordres de la « direction» s'imaginent que c'est le « capita-
liste» qui commande à l'entreprise - alors que le vrai maître
du jeu, c'est le CLIENT.
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en monnaie de biens qui appartenaient à des personnes déter-
minées.
Sur cette masse de manœuvre, avant de produire quoi que
ce soit, il aura fallu acheter tout ce qui deviendra les « capitaux
matériels»: installations, machines, parc de transports;
rémunérer les pf(!miers collaborateurs, réaliser Je,s études,
payer les fournitures, les matériaux, l'énergie, les services exté-
rieurs. Une fois que l'entreprise fonctionne en équilibre de
recettes et dépenses, elle constitue un « capital prodw;tif », qui
ne comprend pas seulement ses « fonds propreS» (liquidités
non empruntées à des tiers), mais aussi ses ressources immaté-
rielles : brevets et procédés, savoir-faire acquis par ses collabo-
rateurs permanents, réputation de la firme, et sa cohésion
interne (l'esprit-maison).
Cette fortune de l'entrepreneur et des actionnaires n'est
pas consommable par eux - à la différence des rennus que
sont les salaires, profits et dividendes. Elle est « immobilisée»
aussi longtemps que l'équipe n'est pas dissoute, l',entreprise
liquidée.
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pour continuer de répartir en son sein des revenus qui satisfas-
sent les salariés, les capitalistes et l'entrepreneur.
Il n'y a pas à chercher la « finalité» de l'entreprise en
dehors de ces objectifs -. prosaïques et parfaitement légitimes -
des hommes et des femmes qui y travaillent ensemble, ou de
ceux qui en achètent les produits et services. Sa légitimité
sociale réside dans le fait qu'elle apporte sur le marché, en
valeur d'échange, plus qu'elle n'y a puisé; elle crée un surplus
de pouvoir d'achat.
Si le « capitaine de l'équipe », l'entrepreneur, ne parvient
pas à servir ainsi les intérêts de ses équipiers, des consomma-
teurs et de la société, l'entreprise finira par disparaître, et son
passif final sera supporté par le patrimoine propre de l'entre-
preneur et des apporteurs de capitaux. Du point de vue social,
cette dure loi de la faillite met un terme à une mauvaise utilisa-
tion des facteurs de production, et constitue un processus de
sélection des « décideurs » en matière de production et de
vente, très supérieur au « mandarinat» politicien pratiqué par
les gouvernements socialistes.
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En résumé, le système mondial des prix de marché fonc-
tionne à la façon d'un immense ordinateur. Mais un ordinateur
ne peut répondre correctement que si tous les signaux qu'on y
introduit sont rédigés dans un même langage - ici, en une mon-
naie unique acceptée partout. Cette condition était remplie
complètement au temps de l'étalon-or, moins bien avec le
système de l'étalon de change-or; elle l'est fort mal
aujourd'hui avec l'erratique étalon-dollar-papier.
Pratiquement aucune des « monnaies nationaks » actuel-
les ne remplit les exigences auxquelles doit se plier une monnaie
véritable; celle-ci, écrit Pascal SALIN, doit « représenter un
pouvoir d'achat disponible à n'importe quel moment, auprès
de n'importe qui et contre n'importe quoi ». Le plupart des
monnaies du monde ne sont plus que des «'chèques en bois»
tirés sur des Etats à solvabilité douteuse.
On a dit que les porteurs d'une monnaie de papier ont
pour gage utile le produit de l'activité économique du pays
émetteur. Mais nos « masses monétaires en circulation» char-
rient une proportion considérable de mauvaises créa.nces. Rien
ne les distingue des bonnes, du simple fait que l'on a - à l'abri
du cours forcé - étendu indéfiniment le crédit : à la consomma-
tion comme à la production et au stockage, aux particuliers
comme aux entreprises et aux organismes publics. En même
temps, par la pratique des déficits budgétaires, l'Etat se fait
crédit à lui-même !
D'un pays à l'autre, la proportion de cette monnaie factice
varie, et dans chaeun elle change avec le temps. De ces « diffé-
rentiels d'inflation» découlent des dislocations des courants
d'échanges, et d(!s résurgences de protectionnisme plus ou
moins flagrant.
Pour les entreprises, ces monnaies fantômes transforment
en caricatures les chiffres comptables par lesquels il leur faut
pourtant suivre l'évolution des actifs et passifs, le flux des
recettes, la valeur d'inventaire des équipements, du stock outil
et des approvisionnements. Il faut vraiment que l'Economie de
Marché corresponde fondamentalement aux besoins et aux
normes psychiques des hommes, pour ne pas crouler sous tant
de malfaçons politiques. Pascal SALIN souligne qu'à la diffé-
rence d'un ordre monétaire mondial, « un système monétaire
international n'est guère que le reflet de la manière dont la
monnaie est créée et gérée par les autorités nationales. Dans la
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mesure où ces mêmes autorités se sont arrogé (directement ou
par le monopole d'une banque d'émission) le pouvoir de créa-
tion monétaire, elles sont responsables de tous les !Jouleverse-
ments, de toutes les « crises monétaires» et elles en sont seules
responsables ».
25
Chapitre III
27
mis d'imposer. Au dix-neuvième siècle, l'oligarchit: des classes
moyennes doit à son tour partager son influence avec des élus
du suffrage populaire.
De cette démocratie, dite représentative, Alexis de TOC-
QUEVILLE prédit alors qu'elle n'arrêtera pas le gonflement
indéfini du pouvoir centralisé, mais que celui-ci ch,erchera à se
rendre agréable à la multitude par une tutelle sécurisante et,
ainsi, usurpera sans violences les responsabilités des citoyens.
BISMARCK, le premier, transforme en Socialisme d'Etat cette
intuition du philosophe français : sa « sécurité sociale» procu-
rera aux visées expansionnistes du Chancelier l'allégeance des
ouvriers.
Entre temps, l'Angleterre et la France ont conquis des
empires coloniaux, tandis que l'Espagne et le Portugal per-
daient les leurs en Amérique. Les premières s'étaient donné de
plus fortes structures militaires, administratives, fiscales, poli-
tiques ; et comme elles ont pris une avance considérable dans
l'industrialisation, leur prépondérance se fait sentir dans le
inonde entier. L'Etat-Nation a ainsi atteint en Angleterre et en
France son âge adulte; mais leurs révolutions ayant été d'ins-
piration libérale,. l'Etat reste chez elles modéré, n~spectant le
droit privé et l'indépendance de la justice.
LA PERCÉE LIBÉRALE
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nations» ; elle n'atteindra l'Europe qu'en 1918, quand Woo-
drow WILSON viendra à Versailles en arbitre du démembre-
ment des Empires Centraux, et en prophète d'une démocratie
mondiale: la Société des Nations.
Néanmoins, entre 1856 et 1914, on a pu penser que
l'Europe réussirait à faire régner dans le monde un ordre com-
parable, en gros, aux antiques empires perse ou romain. L'ana-
logie était trompeuse: Perses ou Romains, lors de siècles
d'hégémonie, n'avaient aucun adversaire à leur taille, et abso-
lument aucun doute sur la normalité de la loi du plus fort. Au
contraire, dans les Etats-Nations d'Europe, moyens et rivaux,
l'on avait parfois mauvaise conscience, car leurs institutions
démocratiques cadraient fort mal avec l'élitisme racial d'une
colonisation - même en fait civilisatrice.
Le système, adouci entre les deux guerres par des formules
de protectorat et de mandat, devait s'effondrer après l'écrase-
ment de l'Allemagne hitlérienne; il souffrait au moins autant
de son discrédit (excessif) dans les métropoles, que des coups
des « fronts de libération» des nouveaux nationalismes.
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l'ont inspirée. La formule-clef en est le droit des p{~uples à dis-
poser d'eux-mêmes; pour Napoléon III qui l'adopta avec
éclat, c'était la justification du plébiscite qui l'avait investi à vie
du pouvoir impérial; mais aussi, un argument « juridique»
pour bouter les Autrichiens hors d'Italie: « tous œux qui par-
Ient l'italien ont le droit de former un peuple indépendant ».
Ce critère linguistique servit aux Alliés, en 1919, pour morceler
l'Europe centrale et ressusciter la Pologne; mais aussi en 1938
à Hitler pour annexer les Sudètes et l'Autriche. Actuellement,
le même critère« une langue, un peuple », sert de prétexte aux
terroristes pour faire en pays basque la guerre à l'Espagne, et
en Corse la guerre à la France.
L'on devrait regarder de plus près le contenu d'un principe
qui permet de légitimer des entreprises si contestables. Com-
ment un peuple peut-il « disposer de lui-même» ? Qu'est-ce
que nous entendons exactement par un peuple, et la langue
seule le définit-elle? Faut-il. diviser en quatre la Suisse, en deux
la Belgique? Faut-il que tous les anglophones du monde cons-
tituent un seul Etat? Un peuple peut-il expulser ses minorités
raciales (ou politiques) ? Toute minorité peut-elle faire séces-
sion? Autant de doutes qui montrent le caractère superficiel et
inconsistant de la formule.
Le sens valable, que l'opinion pressent,n'app.araît que si
l'on transpose le ]pseudo-principe au négatif: « Nul peuple n'a
le droit de dispos,er d'un autre peuple ». HAYEK Il dit que la
liberté, la justice et la paix sont les trois grandes vale!urs univer-
selles, parce qu'elles sont négatives: c'est-à-dire nc~ requérant
pour exister que des prohibitions (les « interdits» du préteur,
dans l'ancien droit romain, imposant la paix civile entre deux
,« patres familias » en conflit).
Encore faut-il bien voir que depuis la fin des grandes inva-
sions du Haut Moyen Age, ce n'est pas un peuple, mais son
gouvernement (ou plusieurs, comme lorsque la Russie, la
Prusse et l'Autriche se partagèrent la Pologne) qui dispose du
peuple opprimé. Cavour et Napoléon III avaient convenu
qu'uri plébiscite rattacherait la Savoie et Nice à l'Empire fran-
çais ; lés intéressés approuvèrent leur arrangement. Mais, ce
sont des chefs d'Etat qui, à Yalta, entérinèrent l'exode forcé
des populations de la Prusse Orientale et de l'Est de la Polo-
gne, puis à Postdam le partage en deux Etats de la nation alle-
mande.
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Si l'on juge l'arbre à ses fruits, bien mince est la sagesse
d'une organisation du monde qui respecte la « sphère d'inté-
rêts » de l'empire soviétique, et provoque la balkanisation des
communautés anglophone ou francophone d'Afrique.
IMPUISSANCE DU GIGANTISME
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LE MINOTA URE DÉMYTHIFIÉ
32
dont les hommes ne peuvent se passer pour certaines tâches,
celles que le marché n'a pas (du moins jusqu'à présent) rem-
plies efficacement.
Seule cette approche « micro-politique», inspirée de
l'individualisme méthodologique de l'Ecole Autrichienne, per-
mettra de sortir de la mythologie collectiviste implicite dans le
respect populaire envers l'Etat-Nation, sans tomber dans un
anarchisme utopique et suicidaire.
33
du nombre. L'absolutisme des majorités électoralt!s est donc
néfaste à la concorde entre les citoyens. Le problème n'est pas
tant de savoir qui sera dépositaire du pouvoir, que de préciser
limitativement les buts et les modes de l'exercice du pouvoir.
LE DOMAINE DE LA SUBSIDIARITE
34
De ces efforts mal conçus, il reste cependant une notion
partiellement valable, qui revient en faveur. Elle a été formulée
dans les Encycliques pontificales, et notamment dans divers
textes de PIE XII de la façon que voici :
« L'Etat ne doit pas être une oppressive omnipotence sur
toute légitime autonomie. Sa fonction ( ... ) est de favoriser,
aider, promouvoir les regroupements internes, la coopération
active dans le sentiment d'une unité plus haute des membres
qui, respectant la subordination finale à l'Etat, coopèrent de la
meilleure façon possible au bien commun précisément par la
conservation et le développement de leurs particularités et de
leurs natures propres. »
Il est clair que la référence idéale des Pontifes reste (con-
formément aux enseignements d'Aristote et de St Thomas
d'Aquin) le Prince vertueux: propriétaire éminent de ses terri-
toires, plus sage, mieux informé, plus efficace que ses sujets
touchant les intérêts publics, il leur laisse l'initiative et la res-
ponsabilité de leurs activités, les protège, et les soutient judi-
cieusement dans les passes difficiles, comme un père assiste ses
enfants majeurs en cas de nécessité.
Cette subsidiarité qui va du haut vers le bas est de nature
morale: quiconque dispose d'une autorité a le devoir de res-
pecter ceux sur qui son autorité s'exerce, et le devoir de leur
porter secours avec discernement. Mais de telles attitudes ne
sont possibles que dans la famille et les groupes dont les mem-
bres peuvent se connaître personnellement.
Dans les Etats-Nations, les gouvernants n'ont de ressour-
ces que celles que produisent les citoyens; les « subsides» vont
à rebours du bas vers le haut, et les tâches proprement collecti-
ves sont fort onéreuses. D'où l'axiome d'Abraham LIN-
COLN : « Le pouvoir oe doit pas faire ce dont les citoyens sont
capables» ; il pensait même que l'obligation de secours aux
sinistrés incombe aux individus dans leurs milieux autonomes,
car l'assistance fédérale garantie atrophierait l'assisté.
35
Un réflexe analogue se produit de nos jours devant le mono-
pole monétaire. Le sentiment d'une responsabilité à prendre
s'émousse lorsque l'Etat intervient: la Sécurité Sociale fait dis-
paraître la solidarité familiale. Et comme l'Etat ne travaille pas
gratis, le mécénat public tarit les ressources du mécénat privé.
Au total, à l'échelle de l'Etat, le principe unificateur ne
peut être la subsidiarité verticale dans une pyramide de pou-
voirs. Décentraliser le pouvoir n'est pas lui ôter son venin: des
tyranneaux locaux peuvent être bien plus oppressifs qu'un loin-
tain empereur, et des vendettas de paysans plus inexpiables que
les querelles de princes de jadis. Le principe unificateur n'est
pas de nature constitutionnelle, mais pragmatique: nous avons
tous besoin les uns des autres. Au lieu de subsidiarité, il vaut
donc mieux penser à la complémentarité horizontalle des aptitu-
des dans un échange de services spécialisés. Cela s'applique
dans l'Economie mondiale, comme dans la famille, et tout
autant dans l'Etat.
L'erreur des corporatistes est d'attendre de négociants,
d'industriels, d'agriculteurs, de syndicalistes (et où classer les
« indépendants»?) qu'ils se comportent collégialement
comme des juristes et des hommes politiques çompétents.
L'erreur des dirigistes (nationalistes ou socialistes) est de vou-
loir dicter aux autres spécialistes ce que ces dernÏfrs doivent
faire dans leur propre spécialité: « Qui trop embrasse, mal
étreint», dit le proverbe; que penser alors des
mondialistes ! ...
Dans la mesure où nos institutions contredise:nt cet autre
vieux proverbe « A chacun son métier, les vaches seront bien
gardées », il faut les élaguer de leurs prétentions adventices,
ramener chacune à son champ d'action spécifique.
Depuis quelques mois, beaucoup se disent partisans de
« dégraisser l'Etat ». Mais aussitôt, le donjon de l'interven-
tionnisme hisse un étendard respecté: la « justice sociale ».
Cependant ce pavillon couvre bien d'autres marchandises que
le souci d'assister impersonnellement les victime:s de l'exis-
tence. HAYEK a montré que la conservation de:s situations
acquises (pour les classes moyennes) s'accommode habilement
du désir de nivellement des revenus (pour ceux qui en ont le
moins). Pour cette vérité inconvenante, des Catholiques ont
accusé Hayek d'amoralisme; il a simplement démasqué
l'hypocrisie de la politique de redistribution égalitaire, qui de
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surcroît n'atteint pas son objectif humanitaire: car elle est un
frein à l'esprit d'épargne et d'initiative responsable, qui est
indispensable pour entraîner vers le haut le niveau de vie de
tous, y compris des plus dél:nunis.
Il est vrai qu'actuellement, ce serait condamner des mal-
heureux au désastre que de retirer à l'Etat la charge de les assis-
ter: car les individus, même les plus charitables, n'ont ni les
ressources, ni l'organisation nécessaire pour le faire. Il est
dommage que l'on n'y ait pas réfléchi avant de dépouiller les
Eglises de leur mission traditionnelle et des fondations privées
qui leur permettaient de s'y consacrer.
L'impasse actuelle démontre que le droit d'association et
son usage généralisé constituent le vrai recours contre l'impuis-
sance des bonnes volontés isolées; alors que l'Etatisme enva-
hissant paralyse le sens des responsabilités et le goût de
l'entr'aide.
37
Chapitre IV
LA DIMENSION MORALE
Aux Actes des Apôtres (16, 17) l'on voit PAUL dire aux
Athéniens « Vous êtes, je le vois, les plus religieux des hom-
mes» ; compliment ironique se référant à leurs innombrables
idoles. Mais ces mêmes Grecs. à la théologie sommaire
savaient par cœur la tragédie de SOPHOCLE, Antigone (442
av. J. c.) où est affirmé· le principe de toute morale de liberté :
« Au-dessus des lois humaines, il y a les lois non écrites et iné-
branlables de la conscience ».
La notion du Bien et du Mal est omniprésente chez les
hommes; mais c'est aussi un fait, que ce qu'ils y rangent est
fort peu homogène: « Vérité en-deça des Pyrénées, erreur
au-delà» écrivait PASCAL (Pensées, 294). Il nous semble que
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les sept derniers commandements du Décalogue constituent un
code moral universel; pourtant le pape JEAN-PAUL II,
s'adressant en quichua aux Indiens du Pérou, n'a pu citer en
leur morale traditionnelle que deux interdictions semblables
aux nôtres : Tu ne voleras point, Tu ne mentiras point. .. En ce
qui touche la situation de la femme, les divergences sont crian-
tes dans les diverses parties du monde d'aujourd'hui. Et tandis
qu'en Occident les parents se sentent tenus de garder en charge
longtemps leurs adolescents, en Afrique et en Asie ce sont les
enfants qui ont le devoir de subvenir indéfiniment aux besoins
de leurs parents.
Ce n'est pas à dire que la morale soit une collection arbi-
traire de tabous et de craintes préhistoriques ; les différences
constatées aujourd'hui tiennent à des stades différents de la
recherche que font les groupes humains, de la « bonne» façon
de vivre ; la convergence est en marche, mais à des vitesses dif-
férentes relatives aux niveaux technologiques, économiques,
sanitaires et culturels des milieux considérés.
40
se retrouvent à toutes les dimensions des groupes humains :
famille, clan, paroisse, cité, nation, fédération - mais aussi au
. niveau de tous les regroupements sélectifs tels que les associa-
tiops professionnelles, sportives, culturelles, philanthropiques,
sociétés savantes, confessions religieuses, sociétés secrètes; et
parce que dans ces groupes la discipline est consentie, que l'on
n'y fait pas appel à l'Etat pour la maintenir mais seulement à
l'exclusion du dissident, ces communautés humaines franchis-
sent aisément toutes les frontières politiques.
L'on peut dire, en simplifiant, qu'il y a une « société» là
où est appliquée une certaine morale, - même criminelle,
comme entre « terroristes » - là où une conformité volontaire
soude entre eux des hommes ayant des affinités semblables.
L'EVOLUTION CULTURELLE
41
pays «avancés»); mais l'on imite en général ce qui
« réussit ». L'osmose fonctionne dans les deux sens «< la Grèce
vaincue captiva son farouche vainqueur »), les mœurs se com-
pénètrent, et les leçons d'innombrables expériences se conden-
sent en une « sagesse des nations », morale prosaïque mais
solide.
42
ferment pacifique qui a sauvé de la barbarie l'Empire effondré.
Le Christianisme a donné à notre Moyen Age la référence de
commune appartenance à tant de principautés parlant des dia-
lectes différents. C'est cette communauté de foi qui fera accep-
ter par la féodalité des Trêves de Dieu, l'immunité des monas-
tères, la neutralité des foires, des marchands et des pèlerins, les
franchises des Communes.
Sans qu'il y régnât aucun pouvoir hégémonique (l'Empire
et la Papauté ne s'en disputaient que le principe) cette authenti-
que Société occidentale avait pour structure essentielle l'héré-
dité des multiples formes de propriété, et le respect des chartes
et contrats. L'autorité politique même, dans les états féodaux,
se transmettait avec les « biens de la Couronne ». En face de
cette autorité, le Décalogue, les Coutumes et la jurisprudence
constituaient un droit stable opposable aux puissants.
L'on ne saurait trop redire que l'essence de la théorie libé-
rale de l'économie a été formulée par les Clercs de l'Université
de Salamanque dits « casuistes », lorsqu'ils ont déclaré qu'il
n'est de prix «juste» que celui qui s'établit sur un marché
libre, ouvert et informé.
LOIS ET DEVOIRS
43
Mais le groupe peut aussi exploiter ses membres, d'autant
plus lourdement qu'ils sont plus nombreux et mieux organisés.
En revanche l'individu très doué a, dans un te!l milieu,
d'amples occasions de devenir un tyran: pensons au pouvoir
démesuré exercé par tel ou tel chef syndicaliste améric:ain. C'est
pourquoi tout gouvernement doit s'opposer aux tentatives de
n'importe quelle organisation socio-économique pour enrôler
quiconque contre son gré, ou l'obliger à se soum~:ttre à ses
injonctions; notamment les privilèges syndicaux ne doivent
pas permettre de porter atteinte au droit de travailler, tant des
employeurs que des salariés, et tant des immigrés que des natio-
naux.
Quand aux lois anti-trusts, ce sont concrètement des ins-
truments d'arbitraire politique, car il n'existe pas de norme
objective par quoi on puisse juger que quelqu'un qui dispose de
sa propriété sans violer celle d'autrui porte atteinte à ses droits.
44
C'est là proprement qu'intervient la notion d'éthique, en
tant que distincte des « mœurs» et centrée sur ce que les
Anciens appelaient la « force d'âme », le courage et la lucidité
quant aux fins que doit poursuivre « l'homme libre ». La
« morale », comme on l'entend couramment, est un catalogue
de règles trop générales pour qu'il suffise de s'y référer
lorsqu'on affronte les problèmes concrets de l'existence en
société: il faut en outre juger correctement de toutes les cir-
constances, persévérer dans ses convictions et ses objectifs, et
souvent choisir la meilleure de plusieurs voies aléatoires. La
liberté est inséparable du risque et du sacrifice.
Toutefois, dans le kaléidoscope des situations vécues, il y
a un point fixe - dont l'ethnologie contemporaine permet
d'observer la portée considérable - à savoir: l'attitude à
l'égard du travail. Un Noir américain, économiste à la Hoover
Institution, le Professeur Thomas SOWELL a dressé une his-
toire comparée, depuis la Diaspora jusqu'à la présente décen-
nie, de l'insertion des minorités racialès dans les grandes
régions d'immigration: Europe, Proche-Orient, Asie sud-
orientale, Amériques et Australie. Il y suit les émigrants Chi-
nois, Juifs, Irlandais, Allemands, Italiens et, bien entendu, les
Africains avant et après l'abolition de l'esclavage au siècle der-
nier.
Chacun de ces groupes ethniques conserve, en quelque lieu
qu'il s'établisse, ses aptitudes et tendances propres; à chacun
correspond un profil caractéristique d'insertion et d'ascension
sociale. Tout en remarquant que le seul fait d'émigrer volontai-
rement témoigne d'une bonne dose d'énergie, T. SOWELL
constate qu'à des degrés divers ces groupes réussissent leur
implantation en peu de générations, mais que la vitesse et le
niveau des réussites sont manifestement proportionnels à la
mise en œuvre d'une recette enseignée par "exemple au sein de
la famille: 1. accepte tout travail proposé et fais-le de ton
mieux ; 2. épargne régulièrement quelque argent sur ta rému-
nération, si faible soit-elle; 3. dès que possible établis-toi à ton
compte; 4. envoie tes enfants à l'école.
La recette n'a rien de sensationnel: c'est la même que les
peuples de l'Europe occidentale ont appliquée depuis des siè-
cles, et qui leur a permis de sortir de la misère sans aucune
« aide au développement» venue d'ailleurs.
45
Observation complémentaire : les immigrants dynamiques
s'enrichissent d'autant plus tôt que les autochtones sont moins
enclins traditionnellement au travail pénible et assidu, à l'épar-
gne et à l'entreprise.
46
Chapitre V
47
chrétienne, rempart irremplaçable (l'exemple de la Pologne en
témoigne) contre le« matérialisme dialectique », et source per-
manente de dévouements aux victimes des guerres, des
cataclysmes et du sous-développement.
LA DIMENSION MÉTAPHYSIQUE
48
loyauté monétaire, les échanges mondiaux sont faussés et les
individus perdent le respect des lois.
C'est pourquoi la réciprocité légale des droits et des
devoirs doit se compléter d'une disposition générale à la modé-
ration et à la générosité, de sorte que les situations dominantes
ne soient pas pesantes au point de fissurer la concorde.
L'histoire de notre siècle démontre que des institutions
démocratiques desséchées spirituellement peuvent être dislo-
quées par des appels à l'irrationnel : grand soir, dictatures,
racisme, terrorisme. A danger spirituel, il faut une rispote sur
le terrain spirituel.
49
la plainte du prophète d'Israël, incapable de taire la Parole
divine qui le brûle d'un feu intérieur (Jérémie, 20, 7 à 9).
Cependant, le commun des mortels peut aussi, moins dra-
matiquement, pratiquer le dévouement, l'abnégation, la
recherche ingrate d'une perfection dans les tâches quotidiennes
familiales, professionnelles, civiques et humanitaires. L'idéal
peut éclairer de l'intérieur les réalités les plus prosaïques. Le
sentiment d'être utile à quelqu'un, même inconnu, est néces-
saire à l'estime dt~ soi et rien n'est désolant comme de ne plus
servir à personne.
50
raine est généralement stérile et sans attrait, c'est qu'elle
néglige le facteur - peut-être le plus omniprésent - du comporte-
ment humain: l'affection, le désir de faire du bien, l'amour.
Telle est en effet la déficience d'une pensée déchristiani-
sée, séduite par le socialisme qui reporte les devoirs sur la col-
lectivité, en proclamant les « droits» de tous à une pseudo
« libération du besoin », au nom de la « justice sociale ». La
notion traditionnelle des Chrétiens, exprimée par St Thomas
d'Aquin, est à l'opposé: la justice est accomplie par les hom-
mes qui remplissent leurs devoirs à la lumière de leur cons-
cience.
L'EVANGILE résume ces devoirs de conscience en trans-
formant - mutation extraordinairement exigeante - l'interdic-
tion de l'Ancienne Loi en une incitation positive « Tout ce que
vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-
même pour eux; voilà la Loi et les Prophètes» (Matthieu, 7,
12). St Jean, dans son récit de la Cène, rapporte que JESUS dit
aux apôtres: « Je vous donne un commandement nouveau:
vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés ... Il n'est
pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis»
(Jean, 13, 34 et 15, 13).
Dans sa 1re EpÎtre, le même Evangéliste résume en une
seule phrase l'essence de la morale et de la métaphysique chré-
tiennes: «Celui qui n'aime pas, n'a pas connu Dieu, car
DIEU EST AMOUR» (4, 8). Le croyant n'a qu'à s'accrocher
ferme à cette Révélation-là, acceptable pour un agnostique (tel
que feu Louis ROUOIER) et qui devrait l'être encore pour
ceux qui pensent avoir « perdu la foi» à cause des défauts de
l'Eglise où ils sont nés, et des autres!
L'académicien René HUYGHE, dans une puissante étude
des résonances entre l'esthétique, la vie animale et le cosmos
(Formes et Forces) a montré que tout le règne vivant dessine,
depuis les micro-organismes jusqu'à nous, un effort ininter-
rompu vers une liberté toujours plus complète. Or, si la liberté
est le but de l'évolution, l'amour en est la force motrice à cha-
cun de ses échelons; l'amour est aussi la seule raison d'être que
nous puissions assigner à la liberté humaine, fleur de la Créa-
tion.
N'est-ce pas là, même pour le rationaliste utilitarien, à la
fois le meilleur chemin vers « le plus grand bonheur pour le
plus grand nombre », et une interprétation satisfaisante des
51
faits qu'en divers endroits MISES appelle des « donnés ulti-
mes» parce que la raison ne peut les rattacher à une cause con-
naissable?
...
52
l'humaine faiblesse, cela comporte que, sur le marché aussi, les
hommes se c(!)mportent en « frères », se gardant de frauder et
de voler même quand ils n'ont rien à craindre du gendarme.
Les économistes diraient que « les coûts de transaction seront
moindres ».
*
Quant au Politique: lorsque les gouvernants auront com-
pris que leur « autorité monétaire » traduite en« cours forcé »
est plus nuisible à leurs concitoyens qu'aux étrangers; que
toute protection contre la concurrence a un effet sclérosant sur
l'équipement industriel et commercial; et que la manipulation
du crédit par l'Etat est la cause essentielle des « crises cycliques
du capitalisme» - l'Etat pourra vaquer efficacement à ses
fonctions propres, laissant aux individus le soin et l'entière res-
ponsabilité de leurs activités contractuelles. Le libéral considé-
rera alors l'impôt comme la juste contrepartie de services spé-
cialisés rendus au public ; et le croyant aura conscience de
« rendre à César ce qui est à César ». L'autonomie des familles
et des groupes spontanés retrouvera la place qu'elle a su rem-
plir pendant des siècles.
*
Au nom de la Morale, notre temps a intercalé entre l'Eco-
nomique et le Politique ce que l'on appelle le Social. En réalité
c'est un débordement du pouvoir législatif et fiscal dans un
champ d'action où il est structurellement inefficace. Par la
force des choses (notamment démographiques) cette intrusion
des modes autoritaires de l'action collective est condamnée à
terme. Les risques sont du ressort des méthodes contractuelles
d'assurance et de mutualité. L'assistance appelle une conver-
gence d'efforts personnels et d'activités concertées (dans les
quartiers et les métiers, dans les Eglises et les associations phi-
lanthropiques), ne laissant aux autorités politiques qu'un rôle
d'authentique subsidiarité dans les circonstances de force
majeure excédant les réserves normales de ces groupes. Le libé-
rai y verra la consécration du volontariat des « corps intermé-
diaires » dévoués à des besoins collectifs de leur choix ; quant
S3
au croyant, il a toujours appris que la charité active est pour lui
un devoir essentid car « la foi sans les œuvres e:,t une foi
morte» (Epître de St Jacques, 2, 14).
*
Ce qui vient d'être dit n'a rien d'original; mais le but
recherché est de montrer que dans chaque domaine, il s'agit de
réveiller des mentalités de responsabilité, au contact le plus
direct possible des réalités. Si l'on obtenait cela, les réformes
institutionnelles au niveau national s'opéreraient sa.ns boule-
versements.
Mais saurons-nous en persuader nos concitoyens? Les
sceptiques ne peuvent communiquer que leur doute, et les pas-
sifs sont voués à subir ce qu'ils renoncent à combattre.
54
CONCLUSION
Le Pacte nécessaire
Si les thèses exposées ci-dessus lui semblent bien fondées,
le lecteur libéral qu'il soit agnostique ou croyant écartera aisé-
ment de son esprit les préventions qu'il pouvait avoir contre
l'autre « famille de pensée». Un libéral agnostique ne peut
craindre une « arrière-pensée théocratique » chez le croyant
qui approuve nos analyses ; et. un croyant ne redoutera pas
d'hostilité « anticléricale» de la part du libéral que n'effarou-
che pas la métaphysique esquissée. D'ailleurs, nombre de libé-
raux sont de confessions judéo-chrétiennes, et beaucoup de
croyants gardent leurs préférences au « capitalisme » de nos
démocraties occidentales.
Pourquoi, dès lors, hésiter à se comporter en alliés pour
souder la défense de libertés solidaires, contre les dangers
cumulés des ambitions dirigistes et du terrorisme nihiliste? Il y
a une sincère inspiration œcuménique dans la perspective pro-
posée d'un humanisme rajeuni, insistant sur la c9mplémenta-
rité des individus, des groupes naturels et contractuels, et des
institutions que l'Histoire nous a léguées.
Ces institutions devront certes être révisées ; notamment il
faudra reconstituer un système monétaire mondial, partie inté-
grante d'une « évacuation» par l'Etat des fonctions économi-
ques et sociales qu'il a « envahies ». Cependant, des opéra-
tions chirurgicales n'ont de chances de réussir que si l'orga-
nisme du patient y a été préparé par un renforcement de ses
énergies vitales.
C'est pourquoi l'objectif primordial de l'alliance souhai-
tée doit être de restaurer dans la vie publique et privée le sens
du devoir, actuellement bien affaibli. Que chacun donne
l'exemple, sous son propre drapeau, en servant de son mieux la
liberté de tous.
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POSTFACE
(La foi de rauteur)
Raoul AUDOUIN
23 Mars 1985
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PAR L'AUTEUR
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Imprimerie COCONNIER
72300 SABLÉ-SUR-SARTHE
Dépôt légal 3c trimestre 1985
Chez le même éditeur (suite)
Le consumérisme dévoyé
Situation comparée des consommateurs en Europe et aux
Etats-Unis.
par Denis Hermite
304 pages. - 98 F.
192 pages - 89 F.