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DOCUMENT RÉSERVÉ AUX EXAMINATEURS

LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

4 Production orale 25 points

Préparation : 60 minutes
Passation : 30 minutes
environ

SUJET 1

Thème de l’exposé :

La téléphonie mobile a-t-elle encore un avenir ?

DOCUMENT 1

Un opérateur téléphonique condamné à


démonter une antenne relais
L’inquiétude suscitée par les antennes relais perdure. Un tribunal a récemment condamné un
opérateur de téléphonie mobile à démonter l’une d’entre elles en application du principe de pré-
caution. Dans un jugement rendu le 18 septembre, la 8ème chambre civile du tribunal de grande
instance (TGI) de Nanterre a en effet donné raison à trois couples qui se plaignaient du risque
sanitaire posé par des antennes relais installées depuis 2006 sur un pylône à proximité de leurs
habitations. Motif : « risque de troubles » pour la santé.
Selon le jugement, l’opérateur téléphonique en ques- Cependant, a estimé le tribunal, si les liens entre les
tion dispose, après la signification du jugement sous troubles sanitaires et les antennes relais restent à dé-
astreinte de 100 euros par jour, de quatre mois pour montrer, « le risque de troubles [...] est, lui, certain
démonter l’installation incriminée. L’opérateur de- puisqu’il n’est pas contesté que les autorités compé-
vra également verser 3000 euros à chacun des trois tentes en la matière, tant internationales que françai-
couples, à titre de dommages et intérêts pour « leur ses, préconisent de faire application d’un principe de
exposition au risque sanitaire ». […] précaution ». « Or exposer son voisin, contre son gré,
à un risque certain, et non pas hypothétique comme
Un risque potentiel bien présent
prétendu par l’opérateur, constitue en soi un trouble du
Selon l’avocat des plaignants, « c’est la première fois voisinage », poursuit le tribunal, dont le jugement a été
qu’un tribunal considère que l’existence du risque accueilli avec satisfaction par plusieurs associations.
sanitaire constitue un préjudice indemnisable et ré- « S’il y avait une multiplication des procédures judi-
parable » avec des dommages et intérêts. En effet, ciaires et des décisions de tribunal sur l’application
la 8ème chambre civile du tribunal de Nanterre n’a du principe de précaution, l’État pourrait se dire qu’il
pas tranché le débat sur les nuisances éventuelles vaut mieux agir sur le plan législatif que de laisser
que pourraient provoquer les champs magnétiques faire », a ainsi réagi la présidente de l’association Pour
des antennes relais, en estimant que la « discussion une réglementation des implantations d’antennes relais
scientifique reste ouverte et qu’elle permet à chacun de téléphonie mobile. […]
de nourrir son point de vue ».
Le Point, 02/10/08
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DOCUMENT 2

La réponse des opérateurs de télécommunication :


« La santé passe avant le commerce »
Vingt scientifiques ont lancé un appel à la prudence dans l’utilisation des téléphones portables.
Point par point, les réponses de l’AFOM, l’association française des opérateurs mobiles, qui
regroupe Orange, SFR et Bouygues Télécom.
L’appel lancé par les cancérologues énonce dix N’y a-t-il pas une incompatibilité entre ce principe
règles de prudence dans l’utilisation des télépho- de précaution - téléphoner moins - et les campagnes
nes portables. Quel jugement portez-vous sur ces de publicité des opérateurs qui incitent à téléphoner
conseils ? plus ?
Certains ont déjà été émis par le ministère de la Santé Le principe de précaution ne recommande pas de télé-
en janvier 2008 : faire un usage modéré de son por- phoner moins, mais de réduire l’exposition aux ondes
table, éviter les appels dans les zones de mauvaise radio. Pour cela, on peut aussi utiliser un kit mains
réception ou lors de déplacements à grande vitesse, libres avec fil, qui divise l’exposition par 10, ou une
utiliser un kit mains libres. Mais d’autres, parfois oreillette sans fil, qui divise cette exposition par 100.
étonnants, constituent une vraie nouveauté : interdic- On peut aussi téléphoner dans les zones de bonne ré-
tion totale pour les enfants de moins de 12 ans, rester ception, et utiliser un téléphone mobile à faible « débit
à plus d’un mètre de distance d’une personne en com- d’absorption spécifique ». Il n’y a pas d’incompatibi-
munication, changer de côté régulièrement pendant lité, parce que de toute façon, la santé passe avant le
les communications, privilégier les SMS... Nous al- commerce. C’est ainsi que, en France, un kit oreillette
lons demander son avis au ministère de la Santé. est systématiquement fourni avec chaque portable.

Le téléphone portable est-il un outil dangereux, Après cet appel, les opérateurs envisagent-ils de
pour susciter tant de précautions ? contre-attaquer, par exemple avec une campagne de
communication à destination du grand public ?
Même les auteurs de l’appel ne disent pas que le por-
table est dangereux. On ne parle pas de danger, mais
Non. La fonction d’une association professionnelle
de doute scientifique. C’est un sujet complexe où l’on
comme l’AFOM n’est pas de rassurer ou de cacher
applique à la lettre le principe de précaution. Au fur
les dangers. Ce n’est pas du tout notre démarche. No-
et à mesure des études, les recommandations s’affi-
tre seul but, c’est de relayer le message des autorités
nent et les opérateurs adaptent leurs pratiques à ces
sanitaires.
études.
L’Express, 16/06/08

DOCUMENT 3

« Ma commune est privée de portable »


Le Coudray-Saint-Germer est l’une de ces zones blanches que le gouvernement veut éradiquer.
Ou comment vivre sans réseau à 100 kilomètres de Paris.
Il y a encore quinze ans, vivre sans portable ne posait de problème à personne. Aujourd’hui, cela
paraît presque impossible. Et pourtant, certains Français doivent bien faire avec - ou plutôt sans.
En métropole, 364 communes seront encore privées de réseau à la fin de l’année. Sur 36 783, ce
n’est pas terrible, dira-t-on. Sauf, évidemment, lorsque l’on est directement concerné.

Véronique est infirmière libérale au Coudray-Saint- Le maire, lui, commence à être fatigué par cette si-
Germer, un village de 900 habitants de l’Oise. « Les tuation. « Ici, nous vivons dans le passé. Voilà sept
patients ne parviennent pas à me joindre. Ils me ans que j’annonce, lors de mes vœux, que nous aurons
laissent des messages que je reçois deux heures plus l’antenne dans l’année et voilà sept ans que je passe
tard, en traversant une zone mieux desservie. Ensui- pour un idiot ! », proteste le maire. « Même les jour-
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te, il faut que je rappelle tout le monde... » Martine, naux s’en amusent et lancent des pronostics. Mais cela
gérante du bar le Saint-Laurent, confirme : « Chacun nous pose des problèmes tous les jours. Les habitants
compare son opérateur, son téléphone... C’est devenu me voient sans cesse courir dans la ville et dans la fo-
le principal sujet de conversation de mes clients. » rêt voisine pour chercher mes employés communaux.

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Pour joindre les pompiers, il m’est même arrivé d’en- nous qui établissons cette liste. » En fait, voilà ce qui
trer chez quelqu’un et d’utiliser son téléphone fixe. s’est passé : « En 2003, il était prévu que Le Coudray
Un jour, nous finirons par avoir un accident ! » soit desservi par le pylône d’une commune voisine,
La situation du Coudray-Saint-Germer est d’autant explique Yves Rome, président du conseil général. Le
plus curieuse qu’elle est la dernière commune du dé- problème est que, pour des raisons paysagères, le re-
partement à être privée de réseau, alors qu’elle n’est lais a dû être déplacé. Résultat : Le Coudray est resté
affectée par aucune difficulté particulière. À qui la en zone blanche. »
faute ? « Voilà dix ans, une antenne devait être ins- Mais cette fois, c’est promis, la commune figure bien
tallée, mais un éleveur de chevaux s’y est opposé, sur la liste et disposera de son pylône. Le gouverne-
se souvient le maire. Mais cette explication n’est ment, par la voix du secrétaire d’Etat à l’Aménage-
plus valable : depuis 2001, nous adressons chaque ment du territoire, s’y est engagé le 10 septembre : les
année des demandes officielles pour obtenir le ré- 364 dernières communes de métropole à être encore
seau. » Les opérateurs, eux aussi, plaident non coupa- privées de portable seront connectées au plus tard en
bles. « Nous n’y sommes pour rien, affirme le respon- 2010. M. le Maire ne passera plus pour un idiot !
sable régional de l’opérateur. On nous a transmis une
liste de communes à desservir avant la fin de l’an- L’Express, 18/09/08
née : Le Coudray n’y figurait pas. Mais ce n’est pas
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SUJET 2

Thème de l’exposé :

Jouer et apprendre sont-ils compatibles ?

DOCUMENT 1
Le jeu : la forme d’apprentissage du XXIème siècle ?
Le jeu a pris une place prépondérante dans notre quotidien. Nouveaux joueurs, nouveaux sup-
ports, nouvel espace-temps : peu à peu, le jeu sort du domaine du simple divertissement pour deve-
nir support de communication et d’information et permettre l’apprentissage et la formation.
Plus qu’un simple moyen de se divertir, serait-il devenu le nouvel outil du XXIème siècle pour trans-
mettre efficacement des connaissances ?
De nouveaux types de joueurs apparaissent Il se développe également entre amis, lors de soirées,
et remplace les jeux de société classiques. De nou-
Le jeu n’est plus le monopole des enfants et jeunes
adolescents : les jeunes entre 18 et 35 ans représen- veaux espaces et temps sont dédiés au jeu. Les nou-
tent aujourd’hui le noyau dur de ce nouveau public, veaux supports disponibles et la créativité des déve-
rejoints ensuite, au sein du grand public, par d’éton- loppeurs de jeux permettent d’accéder à des jeux en
nants nouveaux joueurs - les femmes et les person- continu de son téléphone portable ou sur Internet. Les
nes âgées. On assiste également à une reconquête des pauses au travail et les trajets en transports en com-
joueurs de la première heure, aujourd’hui âgés de 35 à mun deviennent des moments propices au jeu vidéo.
40 ans, et qui ont perdu la pratique des jeux en vieillis-
sant. Les générations ayant grandi avec les jeux sont De nouveaux types de jeu
aujourd’hui en âge de travailler et vont représenter
une part croissante des effectifs des entreprises. Le jeu évolue dans sa fonction. Au-delà du diver-
tissement, il devient un support à l’apprentissage.
De nouvelles façons de jouer : De nouveaux sup- Il est ainsi possible de développer sa mémoire ou
ports, temps et lieux de jeu ses réflexes avec le jeu, d’apprendre une langue ou
Les jeux colonisent de nouveaux supports, comme le d’apprendre à cuisiner. De nouveaux thèmes de jeux
téléphone portable. Ces nouveaux supports s’appro- apparaissent, et avec eux de nouvelles fonction-
chent de la dimension ludique des consoles portables. nalités. Le jeu vidéo, attractif pour une large partie
De plus, les consoles actuelles proposent des inter- de la population, a du potentiel en tant que support
faces très efficaces dont le succès auprès du grand efficace pour la communication et l’apprentissage.
public est indéniable. De nouvelles façons de jouer
apparaissent : le jeu vidéo se pratique aujourd’hui en www.sysope.com
famille : le jeu vidéo devient « transgénérationnel ».

DOCUMENT 2

Les jeux vidéo appliqués à l’éducation


La maturité de l’homme, c’est d’avoir retrouvé le sérieux qu’il avait au jeu quand il était enfant.
(Friedrich Nietzsche)
L’attrait universel du jeu recèle un potentiel éducatif rêts luxuriantes. Les jeux vidéo, utilisés volontaire-
que l’école tarde à exploiter. La tradition perpétue la ment, peuvent pourtant colorier et fertiliser l’activité
croyance que l’apprentissage découle uniquement du scolaire. Le rôle de l’école ne consiste pas seulement
travail. C’est oublier que le cerveau est programmé à faire apprendre, mais à faire aimer l’apprentissage.
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pour apprendre. Puisqu’il s’agit d’un phénomène Le contraire mine l’esprit.


naturel, les seuls apprentissages vraiment laborieux Malgré la mise en garde contre la violence dans les
sont ceux qui se font contre nature. L’école s’entête jeux vidéo et leur usage parfois maladif, les cher-
malheureusement à préférer les climats arides aux fo- cheurs continuent de se pencher sur leurs avantages

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éducatifs. Une étude au Chili, par exemple, constate Éventuellement, les jeux vidéo vont se simplifier et
des gains significatifs sur le plan de la motivation, de se multiplier au point où ils pourront être appliqués
l’attention et du comportement. Par ailleurs, les jeux à des objectifs éducatifs précis. Par ailleurs, leur lé-
vidéo développent des habiletés qui débordent des gèreté fera en sorte qu’ils s’adaptent facilement aux
contenus disciplinaires, comme la pensée stratégique. supports mobiles, la mobilité éducative débordant de
Une revue de la littérature sur le sujet signale, entre la salle de classe.
autres, qu’ils engagent le joueur et qu’ils peuvent in-
Il n’y a pas de panacée en éducation. Les jeux vi-
tégrer jusqu’à 36 principes d’apprentissage.
déo, par conséquent, ne constituent qu’un outil parmi
Tous les jeux vidéo ne sont pas équivalents, la qua- d’autres. Il est absurde, toutefois, d’exclure un moyen
lité étant une chose relative et fluctuant en fonction pédagogique actuel au moment où l’école perd de sa
des variables. Ils doivent d’abord correspondre à un pertinence aux yeux des élèves. On aura beau dénon-
stade d’apprentissage. Dans une perspective scolaire, cer la superficialité du format, c’est oublier qu’il met
ils doivent également correspondre à des visées édu- en valeur un contenu, tout comme un manuel sco-
catives ciblées. Par ailleurs, un jeu vidéo éducatif doit laire.
comporter quatre caractéristiques importantes : être
participatif, interactif, enclin à former une commu- www.opossum.ca
nauté, et divertissant.

DOCUMENT 3

Le jeu sérieux : un nouvel horizon pour l’école ?


Entretien avec Julian Alvarez
De temps en temps, une thèse déplace la réflexion habituelle sur l’école et lui ouvre une nouvelle
fenêtre. C’est le cas de la recherche de Julian Alvarez sur le « jeu sérieux ». Élevé lui-même dans
3 systèmes éducatifs différents, il a retenu de son éducation suédoise l’idée que le jeu peut porter
l’enseignement. Cette idée, il l’a théorisée. […]
Dans la tradition scolaire française, le jeu est opposé pliquent souvent qu’ils s’ennuient devant la télévi-
à l’effort et c’est l’effort qui est valorisé. Êtes-vous sion car ils ne peuvent pas interagir comme dans un
d’accord avec cette opposition et, plus générale- jeu vidéo. Dans le contexte scolaire, le phénomène
ment, quel peut être l’intérêt du jeu en éducation ? paraît de plus en plus marqué : les jeunes s’ennuient
probablement dans les cours dispensant une pédago-
Effectivement le jeu vidéo peut pour certains repré-
gie passive car ils ne sont pas en mesure d’interagir.
senter un évitement à l’effort. Tout peut paraître sim-
Du coup, ils tapotent sur leurs téléphones mobiles
ple dans un environnement vidéo ludique, puisqu’il
ou s’absentent des cours quand ils le peuvent. Il faut
suffit d’appuyer sur des touches pour accomplir des
peut-être voir là une forme de mécontentement pour
tâches qui dans la vie réelle sont coûteuses en éner-
indiquer aux professeurs qu’il leur manque la dimen-
gie : en un clic je construis un immeuble, en appuyant
sion interactive. Par contre, dès qu’une dimension
sur une seule touche mon personnage peut nager des
interactive est introduite par le biais de la pédagogie
heures durant...
active ou l’introduction d’une dimension ludique ou
Des spécialistes de l’enseignement assisté par ordi-
vidéo ludique, les salles ne désemplissent plus et la
nateur dénoncent ce clic de souris qui simplifie pro-
motivation des apprenants semble au rendez-vous.
bablement trop les choses. A côté de ces aspects, qui
doivent être pris en compte, certains chercheurs ex- Comment expliquer que les professeurs aient du mal
pliquent qu’un bon jeu doit contraindre l’utilisateur.
ff

à faire appel au jeu ?


Donc là, on peut voir se dessiner l’une des nombreu-
Il est vrai qu’en France, il y a une grande majorité de
ses convergences qui existent entre le jeu et la péda-
professeurs qui n’emploient pas le jeu. Les raisons
gogie : les deux réclament de l’apprenant qu’il four-
invoquées sont souvent la surcharge de travail qu’im-
nisse un effort pour atteindre les objectifs visés. […]
pose le suivi des programmes scolaires. Rajouter une
dimension vidéo ludique est donc vécue comme une
Peut-on dire que la culture ludique des jeunes
contrainte supplémentaire. On peut dire que, dans ce
modifie leur façon de penser ?
cas, la quantité de plaisir n’est pas suffisante par rap-
Je pense que oui. L’industrie du jeu vidéo a démarré port à l’effort à fournir. Certains professeurs ne refer-
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il y a plus de 35 ans. Ainsi, les jeunes d’aujourd’hui ment pas pour autant la porte : mais dans ce cas, le
ont grandi avec le jeu vidéo et ont sans doute besoin jeu doit pour eux être un moyen de leur faire gagner
d’interagir. Mes propres enfants de 6 et 8 ans m’ex- du temps et non l’inverse. Mais il existe d’autres rais-

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sons pour évoquer le rejet du jeu. Cela peut-être no- border... N’oublions cependant pas qu’enseigner avec
tamment d’ordre culturel, « le jeu, ce n’est pas sé- le jeu est une des approches pédagogiques possibles.
rieux », ou personnel : pour certains chercheurs, intro- Aussi faut-il avoir envie d’opter pour celle-ci. Y venir
duire le jeu en classe peut être vu comme un accroisse- contraint et forcé ne peut pas fonctionner. […]
ment de la liberté et la prise de décision concédée aux
apprenants. Certains professeurs ne savent pas com- Julian Alvarez, entretien avec François Jarraud,
ment appréhender cela et peuvent craindre de se faire dé- le 15/05/08,
http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/
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SUJET 3

Thème de l’exposé :

Les langues peuvent-elles être sauvées


par la politique ?

DOCUMENT 1

L’Unesco* recense 2 500 langues en péril


Peut-on sauver une langue comme on sauve un temple des outrages du temps ou de la destruction des hom-
mes ? L’Atlas international des langues en péril, présenté jeudi 19 février à l’Unesco, à Paris, donne une
vision plus optimiste et nuancée que ne le laisse supposer son intitulé. Alors que l’Atlas de 1999 en relevait
600 et celui de 2001, 900, la troisième édition, réalisée par 25 chercheurs sous la direction du linguiste
Christopher Moseley, estime à 2 511 le nombre de langues vivantes dont la situation est soit vulnérable, en
danger, sérieusement en danger, en situation critique ou éteinte dans le monde.
Un chiffre à mettre en regard des 6 912 langues re- pas : l’irlandais a beau être enseigné très largement
censées par L’Ethnologue, l’index officiel et seule es- dans l’île, 5 à 6 % seulement de la population le par-
timation scientifique disponible. La concentration de lent, rappelle Christopher Moseley.
langues en danger est particulièrement forte dans les
régions du monde qui présentent aussi la plus grande Dans tous les cas, la mobilisation des communau-
diversité linguistique : la Mélanésie, l’Afrique subsa- tés reste essentielle. Ainsi, si l’Amérique du Nord et
harienne et l’Amérique du Sud. l’Australie sont les régions du monde où il existe le
plus de langues en danger, ces deux « continents »
Ce bond quantitatif considérable ne signifie en rien sont aussi ceux où « les campagnes pour faire revivre
une aggravation, mais reflète simplement « un meilleur des langues perdues ou quasi perdues sont les plus
recensement » des idiomes, explique Cécile Duvelle, importantes », explique M. Moseley, en référence à la
chef de section du patrimoine immatériel de l’Unesco. mobilisation des communautés indiennes-américaines
Dans leur typologie, les linguistes ont classifié ces qui œuvrent, avec beaucoup de succès ces dernières
langues et leur degré de « péril » en fonction de cri- années, au renouveau du black-foot, de l’apache et du
tères de « vitalité » linguistique tels que, notamment, cherokee. […]
le nombre de locuteurs, mais aussi la transmission de A l’heure où le global english semble en passe de do-
la langue d’une génération à l’autre et les politiques miner le monde, il peut paraître déraisonnable de vou-
linguistiques du gouvernement et des institutions. loir à toute force préserver la totalité du patrimoine
linguistique. Ce n’est pas l’anglais qui menace le plus
« Les langues sont vivantes. Certaines meurent, la diversité linguistique, mais des langues régionales
d’autres naissent. Ça bouge », résume Cécile Du- qui tendent à s’imposer au détriment des « petites »
velle qui décèle « une préoccupation grandissante des langues, objectent unanimement les linguistes. La do-
États » sur les questions linguistiques. Celles-ci sem- mination du swahili en Afrique de l’Est, parce qu’il est
blent également avoir profité de la montée des reven- enseigné et permet de décrocher un emploi, menace
dications partout dans le monde en faveur de la pro- bien davantage les 30 ou 40 langues par ailleurs prati-
tection de la biodiversité, de traiter « avec un même quées en Tanzanie. Même cas de figure en Indonésie,
sentiment d’urgence la préservation des espèces vi- où le barassa provoque la « mort lente » de toutes les
vantes et celle des langages humains », précise M. autres, nombreuses, qui cohabitaient jusqu’alors dans
Moseley. […] l’archipel.
Prise de conscience militante ici, volontarisme po- Mais à quoi bon maintenir ou revitaliser une langue
litique et institutionnel là, tels sont les facteurs qui quand ses locuteurs n’ont plus de relations entre eux ?
poussent à la renaissance des langues. L’inscription « Une écologie linguistique saine suppose la coexis-
du bilinguisme dans la Constitution du Paraguay n’est tence de plusieurs langues : une langue locale de
évidemment pas étrangère à la forte augmentation communication et toute une gamme d’autres qui ont
entre deux recensements nationaux du nombre de chacune un rôle différent », explique James Costa,
locuteurs du guarani (de 3,6 millions en 1992 à 4,4 chercheur à l’Institut national de recherche pédagogi-
millions en 2002), langue désormais placée à quasi- que (INRP) rappelant l’exemple des îles Shetland en
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égalité avec l’espagnol. Au Mexique cette fois, c’est mer du Nord : « Avant le XVIIème siècle, cette partie
également une loi qui, en 2003, a conféré aux peuples du monde était un haut lieu de diversité linguistique.
indigènes le droit à un enseignement bilingue, ce qui On y parlait une forme de norvégien, mais aussi le
a suscité la formation d’enseignants dans ces langues. frison, le flamand, le hollandais, chacune servant à
Mais une reconnaissance institutionnelle ne suffit

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des usages différents, pour le commerce, la vie quo-


tidienne, etc. » Ce sont donc des « écologies linguis-
tiques » qu’il faut aujourd’hui sauvegarder, plaide le
linguiste.
*L’UNESCO est l’Organisation des Nations Unies pour
Brigitte Perucca, Le Monde du 18 février 2009. l’éducation, la science et la culture (créée en 1945).

DOCUMENT 2

Luxembourg : protéger sa langue... et maîtriser


celles des autres
Au Luxembourg, dès le primaire, tous les apprentissages se font en français et en allemand, deux langues
étrangères. L’anglais se rajoute au cycle secondaire, évidemment. Qui dit mieux ?

Imaginons. Comme le Québec est en terre des Améri- La loi sur le régime des langues de 1984 définit le
ques, imaginons que les petits Québécois francopho- francique comme langue nationale, le français et
nes soient scolarisés en espagnol et en portugais, une l’allemand comme langues administratives. « L’idée
partie des matières (l’histoire, la chimie et les mathé- nationale est basée sur le trilinguisme », résume la
matiques par exemple) étant enseignée dans une de linguiste. Concrètement, le luxembourgeois est uti-
ces deux langues étrangères, tout le reste dans l’autre. lisé par l’administration et par les citoyens entre eux.
Il y aurait aussi des cours d’apprentissage de l’anglais […]
dans les matières polyvalentes, puisqu’il faut bien
maîtriser cette nouvelle lingua franca. De la guerre linguistique
Et le français ? Il s’utiliserait à la maison, mais guère
Jean-Pierre Kramer affirme que le nombre de locuteurs
plus.
du francique augmente sans cesse. « Je ne crois pas
Ce serait la langue maternelle et officielle, mais pas
que notre langue va disparaître. Pas plus que le fran-
celle de l’éducation, ni du travail et des divertisse-
çais ou l’allemand, d’ailleurs. » Il cite les critères dé-
ments.
finissant une langue menacée. Elle doit être parlée par
Impossible ? C’est pourtant à peu près la réalité
moins de 10 000 personnes, ne pas être écrite, ne pas
linguistique du Grand-duché de Luxembourg. Ce
se rattacher à un État, etc. « Dans chacun des critères,
micro-État du centre de l’Union européenne ras-
le luxembourgeois se démarque avantageusement. »
semble environ 450 000 citoyens autour de di-
zaines de millions de germanophones et de fran-
Une étude de l’université de Metz a montré que la
cophones. Du lot, plus de 250 000 maîtrisent le
langue française devient la mieux comprise par le
luxembourgeois aussi appelé le francique mosellan.
plus grand nombre d’habitants du Luxembourg,
Ce parler germanique dérivé du moyen-allemand
y compris les étrangers. « Sauf qu’entre eux, les
compte des milliers de mots d’origine française,
Luxembourgeois parlent le joli francique mosellan,
dont 500 d’usage courant. Ici, notre direction devient
dit M. Kraemer. Parallèlement, l’allemand et le
directioun et l’allemand die Erde (la terre) donne
luxembourgeois demeurent dynamiques, et l’anglais,
d’Äerd. Ici, on dit moien pour bonjour, mais merci
la langue de travail dans les banques, n’en menace
pour merci. […]
aucune ici. Je ne crois pas à la vision apocalypti-
« Le luxembourgeois est un lieu de mémoire », ré-
que de la domination de l’anglais. Je crois plutôt
sume la linguiste Mélanie Wagner, spécialiste de
au parallélisme croissant des langues. […] Pour
l’Université du Luxembourg. « Le luxembourgeois
nous, fondamentalement, le multilinguisme est une
est appris à la maison puis une heure par semaine au
richesse et une nécessité, pas une source de conflit. »
primaire et une heure aussi dans la première année
du lycée. L’alphabétisation se fait en allemand, puis
Stéphane Baillargeon, 19 novembre 2007, Le Devoir
les enfants apprennent le français. Ils sont ensuite
scolarisés dans les deux langues. Il faut aussi ajouter
l’anglais dans le programme des études secondaires.
Les Luxembourgeois sortent donc quadrilingues du
lycée. En effet, il reste souvent très peu de temps pour
le luxembourgeois, la langue officielle du pays. »
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SUJET 4

Thème de l’exposé :

Le repos hebdomadaire a-t-il encore du sens ?

DOCUMENT 1

« Le commerce du dimanche, c’est des emplois »


Le secrétaire d’Etat à l’industrie et à la consommation veut relancer le débat sur le travail le dimanche. Il
estime que l’économie française peut créer de la croissance et de l’emploi grâce à des activités dominica-
les, rejetant le risque que cela représenterait pour les petits commerces. Le porte-parole du gouvernement
souhaite aussi que les salariés puissent y trouver leur compte.
Pourquoi relancer le débat sur le travail du diman- Comment protéger les petits commerces, boulange-
che en pleine crise mondiale ? ries, fleuristes ou marchés ouverts si les hypermar-
C’est justement le moment d’avancer, de favoriser chés ouvrent le dimanche?
la consommation et d’aller chercher de la croissan- Dans les petites villes, les supermarchés spécialisés
ce. Si on a peur de bouger, on est sûr de perdre. La dans l’alimentaire peuvent déjà ouvrir jusqu’à midi
loi de modernisation de l’économie (LME) facilite tous les dimanches, et la cohabitation avec les petits
l’implantation des grandes surfaces commerciales. commerces ou les marchés se passe très bien ! En fa-
Maintenant, il faut passer à la question du diman- vorisant la concurrence et la diversité de l’offre, c’est
che. Partout où les magasins ouvrent le septième le consommateur qui est gagnant. Notre objectif est
jour, l’activité a été favorisée. Le commerce du di- d’assouplir la législation, mais en préservant l’équi-
manche, ce sont des emplois et de la croissance ! libre local. […]
Dans les Bouches-du-Rhône, 1 000 emplois sur
6 000 sont liés au dimanche. Les salariés pourront-ils refuser le travail du diman-
che, malgré les pressions de l’employeur?
Donc, le dimanche deviendra un jour comme
Dans ce dossier, nous sommes bien sûr particulière-
un autre ?
ment vigilants sur la défense du droit au refus des sa-
Ça n’arrivera pas. Mais il faut moderniser une légis-
lariés. Mais c’est aux branches d’activité et non à la
lation obsolète qui date de 1906. Il existe 180 déroga-
loi d’en définir les conditions.
tions à l’interdiction du travail dominical ! On nage
dans l’incertitude juridique et l’illogisme. Souvenez-
Propos recueillis par Marie NICOT, 11/10/08
vous : en juin dernier, plus de 2 000 salariés de grands
Le Journal du Dimanche
magasins ont manifesté à Paris pour pouvoir travailler
le dimanche. […]

DOCUMENT 2
Recréons du rituel !
« Autrefois, dans les sociétés chrétiennes, le di- Comme la promenade du dimanche : dans un coin de
manche était occupé par des rites collectifs très nature, de campagne ou de forêt, ou même dans les
marqués : la messe, le repas familial, la prome- rues… D’autres se transforment : le déjeuner domini-
nade… » rappelle le sociologue Jean-Claude Kauf- cal tend à devenir un dîner du vendredi ou du samedi,
mann. « Le corps aussi avait ses rituels, précise Jo- la messe est complétée ou balancée par la balade au
celyne Bonnet, ethnologue. On faisait sa toilette, on marché « où l’on se ressource aux odeurs et aux sou-
venirs d’enfance », note Jocelyne Bonnet. D’autres,
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s’endimanchait. » « Aujourd’hui, nous assistons non


pas à une disparition des rituels, mais plutôt à leur enfin, sont apparus plus récemment, comme le repas
diversification, ajoute Jean-Claude Kaufmann. Cha- de début d’après-midi, regroupant le petit-déjeuner
cun s’invente les siens. Le dimanche des uns n’est pas et le déjeuner, ou la course à pied. Ou la sortie au
celui des autres. » Quelques traditions demeurent. centre commercial, relèveront les esprits malins…

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DOCUMENT RÉSERVÉ AUX EXAMINATEURS

Mais ce qui caractérise cette journée, insiste l’ethnolo- adonner sans complexes à ce pour quoi nous ne som-
gue, « c’est que nous ne faisons pas la même chose que mes pas forcément doués mais qui nous sort, le temps
les autres jours. Le dimanche n’est pas un samedi. Et d’une parenthèse enchantée, d’un quotidien trop rou-
c’est ce qui lui donne toute sa saveur ». Bricoleur du tinier.
dimanche, conducteur du dimanche, c’est au contraire
le moment d’explorer nos talents cachés, ou de nous Laurence Lemoine, Psychologies Magazine, Février
2009

DOCUMENT 3
L’abandon du repos dominical augmenterait
un peu plus l’anxiété
Trois questions à Michela Marzano, docteur en philosophie et chercheuse au Centre national pour
la recherche scientifique.

N’y-a-t-il pas un paradoxe à vouloir faire travailler classique, pour laquelle le temps utile est au contraire
le dimanche au nom de sa propre liberté ? celui du « décollement du réel », qui mène à l’inac-
Bien sûr. Cette perception est tout à fait caractéristi- tion, à la rêverie, à l’abstinence, à la réflexion. Et de
que de la société dans laquelle nous vivons, où do- loin en loin, à la pensée critique…
mine sans partage la mesure économique, qui au fond
est une affaire de morale. Nous sommes plus que ja- Quelles seraient selon vous les conséquences de
mais dans l’âge du « faire », plutôt que dans celui de l’abandon pur et simple de l’interdiction du travail
« l’être ». La doctrine dominante veut en effet que le dimanche ?
tout individu respectable doive exister par le travail, Elles seraient néfastes ! L’interdiction du travail le di-
auquel il doit se « dédier » tout entier. J’emploie vo- manche, même si elle souffre d’exceptions, est pour
lontairement un terme religieux (dedicare signifie moi un élément majeur de cohésion sociale. Le fait
« consacrer au culte divin » en latin), et même si l’on d’instituer officiellement et collectivement un jour où
use plutôt dans le langage courant celui de « s’inves- l’on ne travaille pas a quelque chose de profondément
tir ». Cela montre bien la dominance sur notre quoti- déculpabilisant. Non seulement chez ceux qui tra-
dien de la pensée utilitariste ! Je ne nie pas, bien sûr, vaillent, mais également chez ceux qui ne travaillent
que le travail soit une des composantes fondamenta- pas. Actifs, chômeurs, retraités… Tous peuvent se
les de l’individu, ne serait-ce que parce qu’il assure concentrer sur autre chose sans être accusé d’ « aban-
sa subsistance. Ce qui me paraît contestable en revan- don de poste ». Il y a par ailleurs quelque chose de
che, c’est que cette notion soit à ce point sacralisée pervers à privilégier le lien social tissé dans la sphère
qu’elle conduise à transformer l’homme en outil, à du travail. Ce lien-là est en effet hautement instru-
l’instrumentaliser. Et cela au nom de sa propre liberté, mentalisé et particulièrement angoissant. Comment
ce qui est un comble… ne le serait-il pas lorsqu’on vous demande d’être hy-
per-responsable dans un monde instable? L’abandon
Mesuré à l’utilité économique, le temps humain de- du repos dominical aurait pour conséquence d’affai-
vient un trésor qu’il convient de ne pas gaspiller… blir un peu plus le lien social et d’augmenter un peu
Absolument. Je me souviens d’un discours du minis- plus l’anxiété sociale…
tre de l’économie en 2007 qui insistait sur le fait que,
le temps, « ça se gagne ». Si on suit jusqu’au bout le Philosophie magazine, février 2009
fil de cette pensée, le temps non travaillé, non collé au
réel économique, est nécessairement « gâché ». Sauf
évidemment s’il est consacré à une autre activité tout
aussi utile économiquement (l’autre versant du sys-
tème en somme) celle qui consiste à consommer. […]
On est bien sûr à des années-lumière de la sagesse
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