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Comment distinguer un arrêt de principe ?

par Partiels-droit.com | Cours de droit en ligne

SOMMAIRE [Masquer]
 1 Clarification sur l’arrêt de principe
o 1.1 L’arrêt de principe : Définition
 1.1.1 Définition de l’arrêt de principe
 1.1.2 Distinction entre l’arrêt de principe et les autres arrêts
o 1.2 Identification de l’arrêt de principe
 1.2.1 Les indices généraux d’identification de l’arrêt de principe
 1.2.2 Les indices intrinsèques à l’arrêt de principe lui-même
 1.2.3 Les autres clarifications autour de l’arrêt de principe
 2 Présentation de quelques arrêts de principe en droit français
o 2.1 Les arrêts de principe en droit privé
 2.1.1 Un arrêt de principe en droit des obligations : Arrêt Chronopost
 2.1.2 Un arrêt de principe en Procédure civile : Arrêt Césaréo
o 2.2 Les arrêts de principe en droit public
 2.2.1 Un arrêt de principe en droit public : Arrêt Blanco
 2.2.2 Un arrêt de principe ayant eu des répercussions en droit international : Arrêt Perruche

En droit français, un arrêt de principe est une décision rendue par la Cour

de cassation ou le Conseil d’État et à travers laquelle une ligne de


conduite générale qui vise à mieux résoudre tous les cas similaires qui se

poseront dans l’avenir est prise. On y dénote un principe d’application

générale qui sert de modèle dans la résolution de pareils cas dans

l’avenir.

Dans l’exercice de leurs fonctions, les magistrats se retrouvent, parfois

face à un problème de droit nouveau, qui ne s’é tait jamais présenté à eux

auparavant. Malgré la source jurisprudentielle florissante et les diverses

décisions rendues, ils sont obligés de résoudre le nouveau problème

isolément.

Cette situation nouvelle demande une réponse nouvelle et dès lors la

décision rendue devient pour l’avenir un modèle que pourront suivre les

autres juridictions. Cette question du droit est souvent résolue par un arrêt

de principe.

Pour dire les choses autrement, la cour de cassation française ou le

Conseil d’État à travers un ar rêt de principe procèdent à l’interprétation

d’une règle de droit. L’objectif final visé consiste à parvenir à une

uniformisation de la règle voire sa codification.

L’arrêt de principe peut intervenir non seulement lors des arrêts de

cassation, mais aussi lors de certains arrêts de rejet.

Présenté de cette façon, on peut se demander donc : qu’est-ce que c’est

que l’arrêt de principe ? Comment le reconnait-on ? On peut même

chercher à décortiquer quelques arrêts de principe en vue de voir leur

mode général de fonctionnement.


C’est justement le but de notre présentation : mieux comprendre l’arrêt de

principe et le distinguer facilement de la multitude d’arrêts qui existent.

Pour y parvenir, nous allons dans une première partie apporter quelques

clarifications liées à la notion d’arrêt de principe. Ensuite dans une

deuxième partie, beaucoup plus pratique, nous allons présenter certains

arrêts de principe majeurs en droit français que ce soit dans les domaines

du droit privé ainsi que dans le droit public.


CLARIFICATION SUR L’ARRÊT DE PRINCIPE
L’arrêt de principe : Définition
Définition de l’arrêt de principe

Tout arrêt de principe provient d’une haute juridiction et représente une

décision rendue par celle-ci en vue d’exprimer une solution à un problème

juridique. Cette solution est souvent de portée générale et est appelée à

régir les nouveaux cas analogues qui se poseraient aux juges des cours et

tribunaux.

De façon plus claire, l’arrêt de principe fait recours à une solution générale

que rend une haute juridiction et qui sert de ligne directrice aux prochains

cas similaires. Quand on parle de haute juridiction, on fait recours

spécifiquement à la Cour de cassation et au Conseil d’État. La première

est une juridiction de l’ordre judiciaire tandis que la seconde est une

juridiction de l’ordre administratif (Lire : Organisation juridictionnelle

française). Les deux étant des organes suprêmes dans chacune de leur

branche.
Exemple pratique :

A titre illustratif, on peut considérer le cas où la cour de cassation en 1992

a retenu qu’une personne transsexuelle peut à certaines conditions obtenir

la modification de son état civil. Cette position de la Cour de cassation

devient une décision transposable à tous les cas d’espèce similaires.

Dès lors qu’une personne transsexuelle veut obtenir la modification de son

état civil, il suffit de faire appel à la jurisprudence et à la solution qu’avait

apportée le juge national au premier cas (celui ayant consacré le principe).


Distinction entre l’arrêt de principe et les autres arrêts

Pris dans ce sens, l’arrêt de principe s’oppose à d’autres arrêts. Il est

donc important de faire ressortir les éléments de distinction.

Arrêt de principe et arrêt d’espèce

L’arrêt d’espèce n’a pour autre rôle que de trancher une question bien

définie dans une affaire précisément identifiée sans pour autant avoir

vocation à être étendue à d’autres affaires. L’arrêt d’espèce n’a de portée

que dans le cadre du litige qui oppose les parties. La portée de l’arrêt de

principe, a contrario, est générale, s’appliquant aussi bien pour un litige

actuel, mais aussi pour des litiges similaires à venir.

Par ailleurs alors que l’arrêt de principe est souvent publié et comm enté

par les professionnels du droit (il fait aussi évoluer la doctrine), l’arrêt

d’espèce ne l’est que rarement. La publication est faite soit au bulletin des

arrêts des chambres civiles (première chambre, deuxième chambre et

troisième chambre) ou celui de la chambre criminelle.


Arrêt de principe et arrêt de règlement

Aucune haute juridiction en France (Cour de cassation ou Conseil d’État)

n’a la possibilité de rendre un arrêt de règlement : c’est l’article 5 du Code

civil qui le dit. Et effet, la Cour ne peut se mettre à la place du législateur

et aucune décision rendue par une cour ne peut être directement

applicable à d’autres affaires.

Par conséquent, et en référence à l’autorité de la chose jugée relative aux

décisions rendues par la cour, une décision de justice n’a d’effet

contraignant que pour l’affaire en cours et non les autres affaires à venir.

L’arrêt de principe n’a donc pas de force contraignante et n’est qu’une

invitation des juridictions judiciaires inférieures (cour d’appel, tribunal de

grande instance, conseil de prud’hommes, etc.) à statuer dans un même

sens, lorsque confrontées à des cas similaires.

Cependant, la pratique des arrêts de principe continue de déranger du

point de vue des sources du droit. Une étude plus détaillée permet de se

demander si la pratique des arrêts de principe ne méconnait pas tout de

même prohibition des arrêts de règlement.

En réalité, l’arrêt de principe ne pose qu’un principe que la Cour de

cassation compte réitérer dans toutes les affaires similaires. Autremen t

dit, là où l’arrêt de règlement adopte une règle juridique qui s’impose,

l’arrêt de principe ne retient qu’une solution qui pourra être reconduite.

Mais à vrai dire, il faut reconnaître que le résultat est presque identique

puisqu’en effet une décision qui s’écarterait du principe ou de la règle


imposée subira une cassation et c’est ce qui fait dire à beaucoup que la

position du droit français qui prohibe les arrêts de règlement et qui

admet les arrêts de principe semble quelque peu hypocrite.

Toutefois, il faut préciser aussi qu’il existe des cas particuliers où un arrêt

de la cour d’appel va à l’encontre d’une décision antérieure de la haute

juridiction et malgré ce point est conf irmé par la Cour après pourvoi en

cassation fait par le demandeur. Il s’agit des cas spéciaux de revirement

de la jurisprudence.
Identification de l’arrêt de principe
Pour reconnaitre l’arrêt de principe, il faut se baser sur certains indices. Il

existe des indices généraux et des indices propres à l’arrêt de principe lui -

même.
Les indices généraux d’identification de l’arrêt de principe

L’arrêt de principe présente une solution nouvelle

Il s’agit du premier indice important qui permet de distinguer l’arr êt de

principe des autres types d’arrêts. Lorsqu’une question est tranchée pour

la première fois, la décision qui intervient a vocation à constituer un arrêt

de principe. Pour trancher d’autres cas analogues, les juges du fond ne se

baseront que sur la sol ution de la Cour de cassation dans l’arrêt de

principe.

L’arrêt de principe est diffusé


C’est un autre critère majeur d’identification de l’arrêt de principe. En

effet, la diffusion d’un arrêt peut permettre de déduire qu’il constitue un

arrêt de principe. On tiendra aussi compte de la diffusion donnée à l’arrêt.

En effet, toutes les décisions rendues par la Cour de cassation n’ont pas

la même attention médiatique. Lorsqu’un arrêt de principe est rendu, il est

souvent publié et diffusé sur le site internet de la Cour de cassation. La

publication se fait dans le bulletin d’informations de la Cour de cassation.

L’arrêt de principe est énormément commenté

La doctrine est aussi appelée à se prononcer sur l’arrêt de principe. Aussi,

les praticiens et théoriciens du droit sont appelés à proposer un

commentaire d’arrêt visant à l’expliquer. Par ailleurs, le juge de cassation

peut également commenter l’arrêt dans un rapport annuel de la Cour.

Ainsi, lorsqu’une telle attention est donnée à un arrêt et qu’il fait l’obj et

d’étude diversifiée, il est fort probable que l’on soit en présence d’un arrêt

de principe.
Les indices intrinsèques à l’arrêt de principe lui -même

Certains critères sont propres à l’arrêt rendu lui -même.

Lieu d’émanation de l’arrêt

 L’arrêt de principe provient d’une haute instance juridictionnelle

Ni les jugements rendus par le Tribunal de Grande Instance ni les arrêts

de la cour d’appel ne peuvent permettre de consacrer un arrêt de principe.

Ce n’est que lorsque l’arrêt est rendu par la Cour de cassation ou le

Conseil d’État qu’on parlera d’arrêt de principe.


Ceci se comprend en ce sens que c’est la Cour de cassation qui est la

seule juridiction de l’ordre judiciaire détenant l’autorité judiciaire

nécessaire pour rendre des décisions pouvant orie nter les autres juges

dans des cas futurs.

Il en va de même pour le Conseil d’État qui, dans le domaine administratif,

est le seul qui détient autant de pouvoir pour influencer les autres juges du

domaine au moment où des cas similaires surviendraient.

 L’arrêt de principe est rendu soit par une Assemblée plénière, soit par

une chambre mixte

Il est important de regarder aussi la chambre d’où émane l’arrêt rendu. Il y

a plus de chances qu’on soit en présence d’un arrêt de principe quand on

sait qu’il s’agit d’un arrêt de l’assemblée plénière ou de la chambre mixte

de la haute juridiction.

Exception à la règle : Il existe des arrêts de principe rendus par des

chambres ordinaires. Tel est le cas de l’arrêt Chronopost qui fera l’objet

d’une étude approfondie dans la partie 2.

Mais comment fonctionnent la chambre mixte et l’assemblée

plénière ?

Lorsqu’un pourvoi en cassation est fait, il est réparti entre différentes

formations de la Cour de cassation. Soit c’est une formation ordinaire qui

s’en occupe, soit c’est une formation solennelle.

En parlant des formations ordinaires, en matière pénale, c’est la chambre

criminelle qui est compétente pour résoudre une question de droit pénal.
Pour les affaires ci viles, la cour est constituée d’une première chambre

civile, d’une deuxième chambre civile et d’une troisième chambre civile.

On y distingue également une chambre sociale et une chambre

commerciale.

Chacune des chambres des formations ordinaires dispose d’ une

compétence qui lui est spécifique et qui se distingue de celle de l’autre.

De la même manière, la procédure devant chaque chambre n’est pas

identique. Ainsi devant la chambre criminelle, il sera question de

procédure pénale alors que devant les chambre s civiles c’est la procédure

civile qui est le plus souvent mise en mouvement.

 La chambre mixte

Quand une question rentre dans le domaine de plusieurs chambres, c’est

la chambre mixte qui se réunit pour la résoudre. Lorsque la question

dépend déjà de deux des chambres, la chambre mixte est habilitée à se

réunir en vue de la connaitre.

Dans sa composition, la chambre mixte doit comporter des magistrats qui

interviennent au minimum dans trois chambres de la Cour de cassation. À

côté des treize magistrats que compose la chambre mixte, le concours

d’un avocat général peut être également sollicité en vue d’apport d’avis et

de suggestion à la Cour de cassation.

 L’assemblée plénière

L’assemblée plénière quant à elle se réunit lorsqu’un second pourvoi en

cassation est fait. Ceci est le cas lorsqu’il y a non-conformité entre la


position de la cour d’appel de renvoi et les solutions rendues par la Cour

de cassation. Autrement dit, lorsqu’après le premier pourvoi en cassation,

un second est formé, c’est l’assemblée plén ière qui est habilitée à se

réunir pour connaitre de la question.

Par ailleurs, lorsque l’affaire fait référence à un cas d’arrêt de principe,

c’est également l’assemblée plénière qui est compétente pour la résoudre.

Enfin, tout comme la chambre mixte, l’a ssemblée peut se réunir dès lors

que le problème juridique à résoudre dépend de plusieurs chambres.

Le schéma ci-dessous permet de présenter les formations de la Cour de

cassation.

Le type d’arrêt rendu

Il est impérieux de faire attention aussi à la nature de l’arrêt. Autrement de

chercher à savoir si l’on est en présence d’un arrêt de cassation ou d’un


arrêt de rejet. On est plus souvent face à un arrêt de principe quand on a

affaire à un arrêt de cassation.

En effet, au cours d’un arrêt de rejet, la Cour de cassation adopte la

position de la cour d’appel qu’elle confirme. Or nous l’avons dit, les cours

d’appel ne peuvent rendre des arrêts de principe. Elles statuent

généralement en considérant la jurispr udence de la Cour de cassation. Ce

qui implique la difficulté de rencontrer des arrêts de rejet résolvant des

problèmes de droit nouveau.

Exception à la règle : Quand bien même que ce serait rare, certains arrêts

de rejet peuvent toutefois être des arrêts de principe : Exemple de l’arrêt

Jacques Vabre (Cour de cassation, chambre mixte, 24/05/1975, 73 -

13.556, publié au bulletin). Voici le cas d’un arrêt de rejet qui est

pourtant un arrêt de principe rendu par la Cour de cassation (précisément

par sa chambre mixte le 24 mai 1975).

À travers cet arrêt, la Cour de cassation admet que le droit communautaire

dispose d’une primauté sur le droit interne. À cet effet, le Droit européen

se retrouve au-dessus des lois nationales éditées avant ou après

l’adoption de texte communautaire particulier.

L’intérêt de cet arrêt de principe est que désormais le juge a la capacité

de faire un contrôle de conventionnalité des lois adoptées par le

législateur français. Dans un autre sens, il peut contrôler si une norme

relevant du droit interne français est en conformité avec une norme

communautaire.
La structure de l’arrêt de principe

L’un des critères de repérage d’un arrêt de principe est de faire attention à

sa structure. Autrement dit, il faut se poser certaines questions :

 Est-ce que l’arrêt comporte un chapeau ?

Le chapeau ici fait référence à l’attendu de principe qui coiffe l’arrêt. Il

s’agit d’un attendu formulé de manière générale.

 Est-ce qu’il comporte le visa d’un texte général :

Il est question ici des visas dans les arrêts de cassation.

Comme nous l’avons souligné préalablement, il peut s’agir aussi bien d’un

arrêt de rejet (et l’attendu de principe est précédé de la mention « mais

attendu que l’arrêt », ou d’un arrêt de cassation et l’attendu de principe est

alors précédé du visa et de l’expression « attendu que la cour »).

Dans un arrêt de rejet, les indices qui montrent clairement qu’on est en

présence d’un arrêt de rejet, c’est lorsque la Cour de cassation opère une

substitution de motifs. Dans d’autres cas encore, il faut examiner certaines

expressions utilisées par la Cour. Ces expressions permettent à la Cour

de cassation de marquer qu’elle est particulièrement d’accord avec la cour

d’appel, si elle avait à le dire, elle l’aurait dit exactement comme cela.

Le tableau ci-dessous permet de présenter le cas illustratif de l’arrêt de

l’Assemblée plénière du 15 avril 2011. Cet arrêt se réfère à l’article 6 de la

convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des

libertés fondamentales. Cet article pose le fondement juridique du droit à

un procès équitable.
Analyse des cas d’ouverture à cassation

Il faut aussi regarder les cas d’ouverture à la cassation. Lorsqu’il y a un

défaut de base légale, ou qu’il n’y a pas de violation d’une loi ou encore

un défaut de motif, il ne s’agit pas alors des marques d’arrêt de principe.

En revanche lorsqu’on est en présence de violation d e la loi (cas où le

demandeur au pourvoi trouve que la décision de la cour d’appel n’est pas

conforme à la loi), on a plus des indices présentant un arrêt de principe.

Toutefois, rappelons ici qu’il n’existe pas en droit français de principe du

précédent qui signifie qu’un revirement de jurisprudence est toujours

possible même lorsque la Cour de cassation pose un arrêt de principe. Les

cours de cassation ont la possibilité de revenir sur une jurisprudence

antérieure.
Les autres clarifications autour de l’ arrêt de principe

Les apports de l’arrêt de principe pour le droit

Lorsque la Cour de cassation rend un arrêt de principe en cassant une

décision attaquée, elle permet au droit d’être plus précis. Autrement dit,

chaque arrêt de principe est utile pour l’ac cessibilité du droit. C’est

notamment le cas lorsque les textes sont lacunaires. On admet même

qu’un arrêt de principe puisse avoir quasiment la même valeur qu’une

règle de droit posée par un texte.

Différence de terminologie entre juge administratif et juge judiciaire

En droit commun, les arrêts des cours (cassation ou appel) sont motivés

dans les « attendus ». Par contre, lorsqu’on se situe sur le domaine du

droit administratif, on parle de « considérants » en lieu et place des

« attendus ». Quel que soit le terme utilisé par la juridiction administrative

ou judiciaire, il faut comprendre qu’il est question des motifs de l’arrêt.


PRÉSENTATION DE QUELQUES ARRÊTS DE
PRINCIPE EN DROIT FRANÇAIS
Il existe des arrêts de principes dans tous les domaines du dr oit, que l’on

soit en droit pénal, en droit administratif ou en droit international. Nous


allons présenter quelques arrêts de principe en droit privé et en droit

public dans la partie suivante.


Les arrêts de principe en droit privé
Un arrêt de principe en droit des obligations : Arrêt
Chronopost

Cet arrêt fut rendu le 22 octobre 1996. Ce jour -là, la Cour de cassation

sanctionne pour la première fois les clauses limitatives de responsabilité.

Contexte de l’arrêt

Le principe général qui prévaut dans un contra t est que les parties

s’engagent l’une envers l’autre. Par exemple, le vendeur doit remettre la

chose et l’acheteur doit payer le prix équivalent. Lorsqu’une partie porte

grief à l’autre en manquant d’exécuter son obligation alors elle engage sa

responsabilité contractuelle, c’est l’article 1147 du Code civil qui le

précise.

Cette responsabilité peut le conduire à payer des dommages et intérêts

pour indemniser le préjudice subi par l’autre partie du fait de l’inexécution.

C’est pour réduire l’effet de cette sanction qu’intervient la clause limitative

de responsabilité.

Cette clause, servant généralement de sécurité juridique, est inscrite dans

le contrat par les parties et sert à plafonner le montant des dommages et

intérêts qui sont dus par la partie défail lante. Mais cette clause est-elle

sans limites ? C’est à ce moment-là qu’intervient la jurisprudence

Chronopost.
Résumé de l’arrêt : Fait, problème juridique et solution du juge

Une entreprise ayant le désir de candidater à un appel d’offres en vue de

remporter un marché devait déposer un dossier avant une date précise. La

société pour s’assurer d’être dans les temps s’est adressée à Chronopost

qui s’engageait à livrer le pli avant le lendemain midi.

Malheureusement, ladite lettre n’est pas parvenue à temps au lieu de

destination, ce qui a entrainé pour l’entreprise la perte du marché.

Considérant que Chronopost avait failli à son obligation, l’entreprise

l’assigne en responsabilité contractuelle devant une juridiction de droit

civil.

Or, Chronopost avait déjà couvert ses arrières en insérant et en invoquant

une clause limitative de responsabilité inscrite au contrat ne l’engageant

qu’à hauteur de 122 francs.

En appel, le juge admet le manquement par la société Chronopost de son

obligation de livrer à temps, mais ne conteste pas la clause limitative de

responsabilité au motif que Chronopost n’a pas commis de faute lourde.

Devant la Cour de cassation, les magistrats optent pour une autre solution

et affirment que le choix de l’entreprise avait été guidé par la promesse

d’une livraison rapide.

Par ailleurs, la contrepartie de 122 F était dérisoire au regard du préjudice

subi par l’entreprise qui avait perdu son contrat. Ainsi, la Cour de

cassation casse et annule la décision rendue en appel.


La Cour a affirmé que la rapidité de l’expédition était une obligation

essentielle du contrat dans la mesure où l’entreprise avait fait la démarche

de payer un prix plus important pour s’assurer que la lettre soit bien

acheminée à temps.

Il en ressort que cette clause qui alla it à l’encontre de l’obligation

essentielle du contrat sera considérée comme sans effet pour les parties.

Le choix de l’entreprise avait été grandement guidé par l’assurance de

rapidité de l’expédition.

Cette jurisprudence a été suivie d’une saga juridique importante avant de

recevoir une consécration légale en entrant dans le Code civil.


Un arrêt de principe en Procédure civile : Arrêt Césaréo

Cet arrêt fut rendu le 7 juillet 2006 par l’Assemblée plénière de la Cour de

cassation. À travers cet article fut consacré le principe de concentration

des moyens en procédure civile.

Contexte de l’arrêt

Cet arrêt rendu par l’assemblée plénière de la Cour de cassation pose

pour la première fois dans la procédure civile française le principe de

concentration des moyens. En effet, un demandeur qui invoquerait un

second fondement juridique alors que ses deux demandes présentent une

identité de cause se verrait désormais opposer le principe d’autorité de

chose jugée faisant obstacle à la recevabilité de sa demande. C e principe

de concentration des moyens pèse bien sûr sur le demandeur.

Résumé de l’arrêt : Fait, problème juridique et solution du juge


Mr Césaréo se prétendait titulaire d’une créance de salaire différée sur la

succession de son père pour avoir travaillé sans rémunération au service

de celui-ci. En vue de réclamer le paiement de ladite créance, Mr Césaréo

a assigné son frère en justice. Celui -ci était à ce moment précis le seul

autre cohéritier du défunt.

Les juges du premier degré l’ont débouté de sa demande au motif que

l’activité professionnelle litigieuse n’avait pas été exercée au sein d’une

exploitation agricole. Mr Césaréo décida alors d’assigner une nouvelle fois

son frère en paiement de la même som me d’argent, mais cette fois-ci sur

le fondement de l’enrichissement sans cause.

Par un arrêt du 29 avril 2003, la cour d’appel d’Agen a accueilli la fin de

non-recevoir tirée de l’autorité de chose jugée attachée au jugement

rejetant la première demande. Monsieur Césaréo forme alors un pourvoi

en cassation. La question qui se pose à l’Assemblée plénière de la Cour

de cassation est la suivante : une demande s’appuyant sur un fondement

juridique nouveau, mais présentant une identité de parties, d’objets et d e

faits, avec une demande initiale est -elle recevable ?

Par un arrêt rendu en date du 7 juillet 2006, la Cour de cassation rejette le

pourvoi en cassation formé par Mr Césaréo. En effet, les deux demandes

de Mr Césaréo présentaient une identité de cause ré sultant de la demande

de paiement d’une somme d’argent à titre de rémunération d’un travail

prétendument effectué sur contrepartie financière.


Il ne pouvait plus invoquer un nouveau fondement juridique qu’il s’était

abstenu de soulever lors de sa première demande. Ainsi, sa demande se

heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même

contestation.

Intérêt de l’arrêt

L’intérêt du principe de la concentration des moyens est d’éviter ici les

contestations et une multiplication des procès. Cette décis ion va ainsi

dans le sens de la célérité du délai raisonnable du procès. Il s’agit

également de lutter contre une insécurité juridique puisque le plaideur doit

présenter tous ses arguments dès la première instance et ne pourra pas

surprendre l’autre partie par un nouveau moyen. Cela renforce donc le

principe de loyauté et de droit de la défense en procédure civile.


Les arrêts de principe en droit public
Un arrêt de principe en droit public : Arrêt Blanco

Il s’agit d’un arrêt rendu par le tribunal des confli ts en date du 8 février

1873. Cet arrêt est reconnu comme l’arrêt fondateur du droit administratif.

Contexte de l’arrêt

Pendant longtemps l’État ne pouvait être tenu responsable pour les

dommages occasionnés aux tiers. Ceci se déduisait de sa mission de

service public qui le conduisait, au nom de l’intérêt général, à faire montre

de certaines prérogatives exorbitantes de l’administration.

Lire aussi : Notre cours complet sur le principe de l’arrêt B lanco du 8

février 1873.
Résumé de l’arrêt : Fait, problème juridique et solution du juge

Dans cette affaire, une jeune fille Agnès Blanco a été renversée par un

wagonnet d’une manufacture de tabac exploitée directement par l’État.

Son père Jean Blanco avait saisi les tribunaux judiciaires pour une

condamnation de l’État à des dommages et intérêts. Il voulait tenir l’État

pour responsable des fautes commises par les ouvriers en son nom.

Le litige s’est retrouvé devant le tribunal des conflits qui devait dét erminer

quel ordre juridictionnel était compétent sur la question. Par finir, le

Tribunal des conflits a attribué compétence aux tribunaux administratifs.

Par cet arrêt, la cour a consacré la responsabilité générale de l’État.

Cependant, cette responsabili té de l’État demeure un régime spécifique

parce que la responsabilité étatique ne peut être fondée sur les principes

du Code civil pour des rapports de particulier à particulier. Il faut donc

affirmer un régime spécial que seule la juridiction administrati ve peut

connaître.

En outre, le tribunal du conflit vient dans cet arrêt affirmer le principe de la

liaison de la compétence et du fond, ce qui voudrait signifier qu’il y a un

lien entre le fond du droit applicable à une affaire et la compétence du

tribunal administratif. En d’autres termes, si le droit applicable à une

affaire relève du droit administratif, alors c’est la juridiction administrative

qui sera celle compétente pour connaitre de l’affaire.

Enfin, l’arrêt Blanco reconnait le service public comm e le critère de

compétence des tribunaux administratifs.


Un arrêt de principe ayant eu des répercussions en droit
international : Arrêt Perruche

Contexte de l’arrêt

L’affaire Perruche est relative à l’indemnisation d’un enfant né et atteint

d’un handicap incurable suite à une faute médicale qui a privé sa mère de

recourir à une interruption volontaire de grossesse.

Lire : Notre cours complet sur le principe de l’arrêt Perruche du 17

novembre 2000.

Résumé de l’arrêt Perruche : Fait, problème juridique et solution du

juge

Josette Perruche est atteinte de la Rubéole, maladie bénigne pour l’adulte,

mais potentiellement grave pour un fœtus. Enceinte, elle demande à son

médecin de pratiquer des tests pour éventuellement procéder à une

interruption médicale de la grossesse en cas de résultat positif. D’après

les tests réalisés par le laboratoire et confirmés par le médecin, son fœtus

ne serait pas atteint par cette maladie.

Cependant quelques mois après sa naissance, le nouveau-né Nicolas a la

rubéole avec ses symptômes, de graves troubles neurologiques et visuels,

une surdité et une atteinte cardiaque.

Les parents débutent alors une procédure visant à engager la

responsabilité du médecin et du laboratoire. Les juges du fond, que ce soit

en première instance ou en appel, estiment que le préjudice des parents


doit donc être réparé, mais ne reconnaissent pas le préjudice subi par

l’enfant.

Les parents de Nicolas forment alors un pourvoi en cassation et le 16

mars 1996, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en estimant que les

fautes médicales ont généré le dommage subi par l’enfant. L’affaire fut

renvoyée devant la cour d’appel d’Orléans qui résiste en refusant

d’indemniser l’enfant et en retenant que celui -ci ne subit pas le préjudice

d’une faute commise par le médecin.

Le 17 novembre 2000, la Cour de cassation renie solennellement en

assemblée plénière casse et annule l’arrêt de la cour d’appel et condamne

le médecin à réparer le préjudice de l’enfant et d es parents.

La loi du 4 mars 2002, loi Kouchner, fut adoptée pour briser la

jurisprudence Perruche. Cette loi, qui avait un effet rétroactif, vient sonner

le glas de la jurisprudence antérieure en décidant que le préjudice de

l’enfant et le préjudice matér iel des parents ne pouvaient plus être réparés

par la voie de la responsabilité, mais par celle de la solidarité nationale.

Sanction de la France par la CEDH

Rentre alors en jeu, le 6 octobre 2005, la Cour européenne des Droits de

l’Homme qui a condamné la France par rapport à la loi anti Perruche. Le

24 janvier 2006, la France se retrouve confrontée à une affaire similaire.

Il se posait la question de savoir si les juges français allaient prendre en

considération la condamnation faite par la Cour européenn e des Droits de

l’Homme quelques mois plus tôt. C’est ce que fit la Cour de cassation à
travers trois arrêts dans lesquels elle a suivi la décision de la CEDH : la loi

anti-Perruche ne s’appliquera jamais.

Position du Conseil constitutionnel

Le 24 février 2006, le Conseil constitutionnel décide d’adopter la même

position que la Cour de cassation. Enfin depuis le 1 er mars 2010, il est

possible de formuler une question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

qui permet de contester la validité d’une dispositi on légale au regard d’une

disposition constitutionnelle. C’est dans ce sens que les toutes premières

QPC étaient relatives à la loi anti-Perruche. L’objectif visé était de rendre

la loi anticonstitutionnelle aux fins de son abrogation.

Le 11 juin 2010, le Conseil constitutionnel fait une censure partielle de la

loi anti-Perruche. Ainsi si l’action en justice a débuté avant l’entrée de la

loi anti-Perruche, alors la naissance reste un préjudice indemnisable. A

contrario si l’action en justice a débuté après son entrée en vigueur, la

naissance n’est plus alors un préjudice indemnisable.

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