fruits et légumes

Le rêve
Le Verger Pedneault de l’Île aux Coudres
a ceci d’unique : il offre une multitude de
saveurs qu’on ne retrouve plus ailleurs.
Certains de ses pommiers ont 90 ans !

de mon père par Marie-Josée Parent, agronome

n 1971, Michel Pedneault n’a que 20 ans lors quelque chose », raconte Michel Pedneault. Et le quel-

E du décès de son père, Francis. À la veille de

mourir, Francis fait promettre au plus jeune
de ses 15 enfants de garder la ferme située à l’entrée
que chose a été fait. Si bien que la ferme est rentable
depuis seulement quatre ans. Peu de temps après,
Michel Pedneault a finalement avoué à ses proches le
de l’île. Pendant plus de 30 ans, Michel Pedneault secret qui le tenaillait depuis tant d’années.
PHOTOS : MARIE-JOSÉE PARENT

cache cette conversation aux membres de sa famille.
C’est que la ferme peine à faire vivre la famille. En fait,
c’est plutôt la famille qui fait vivre la ferme.
En 1996, les membres de la famille, actionnaires de
l’entreprise, décident du sort de l’exploitation. « On
s’est dit : ou bien on abandonne tout, ou bien on fait
L’histoire pomicole des Pedneault débute en 1918.
Trois cents pommiers sont plantés à la ferme ances-
trale à l’Île aux Coudres. On retrouve les variétés Weal-
thy, Greening, Baldwin, Fameuse, Duchesse, Transpa-
rente, Alexandre et New Town, plusieurs disparues du
paysage québécois aujourd’hui. Or, plusieurs dizaines

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de ces pommiers sont toujours présents
à la ferme des Pedneault.
En fait, si la ferme avait été floris-
sante, il est fort probable que ces varié-
tés standards auraient été arrachées et
remplacées par des variétés semi-nai-
nes comme ce fut le cas à la grandeur
du Québec. Aujourd’hui, Michel Ped-
neault tient à les conserver puisqu’el-
les apportent une saveur unique à ses
produits. Et puis, bien entretenu, un
pommier âgé de 90 ans peut apporter
une belle récolte.
D’autres pommiers, mais aussi
des cerisiers, des poiriers et des pru-
niers sont plantés à différentes épo-
ques. Ainsi, les Pedneault ont planté
des arbres dans les années 1940, au
moment de l’acquisition d’une terre
voisine. Puis, d’autres arbres fruitiers
et des pommiers semi-nains sont mis
en terre dans les années 1980. Dans les
années suivantes, les propriétaires se
contentent de garder les actifs en bon
état, car la ferme est déficitaire.
De la confiture au nectar
des dieux
Jusqu’en 1996, les actionnaires
déboursent chaque année entre 5000
et 10 000 $ pour faire vivre la ferme.
Les fruits sont écoulés en majorité
à Rougemont pour en faire du jus.
Le coût de transport n’en vaut pas la
chandelle. La décision est prise : il faut
transformer les fruits à la ferme.
On engage un chef cuisinier qui
concocte diverses recettes. Marie-
Claire, la sœur de Michel, sort égale-
ment ses talents de cuisinière. La ferme
offre dorénavant des gelées, du sirop
et des confitures, ainsi que quelques
autres produits. Puis, l’année suivante,
on achète l’équipement pour la fabrica-
tion du jus.
La suite est plutôt un concours de cir-
constances. En 1998, la crise du verglas
survient. Les routes sont paralysées et
l’entreprise est en rupture de stock de
bouteilles pour faire du jus. Michel Ped-
neault opte donc pour la fabrication de
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vinaigre puisqu’il Différentes varié-
a les barils qu’il tés de pommes,
de poires, de ceri-
lui faut. Mais pour
ses et de prunes,
faire du vinaigre, et surtout des
il faut faire du mélanges de ces
cidre. « Au début, saveurs forment
il n’était pas bon, les ingrédients des
nombreux alcools
se rappelle-t-il.
vendus par le Ver-
Mais quand j’ai ger Pedneault
réussi, ma sœur
Marie-Claire m’a dit : “Michel, tu vas
faire du cidre!” »
Les mois suivants sont orientés vers
l’obtention du permis nécessaire et la
formation de 300 heures offerte par un
vinificateur. En 1999, le cellier, la vinai-
grerie et la cidrerie voient enfin le jour.
D’autres formations permettent ensuite
à Michel Pedneault de développer des
cidres apéritifs, des mistelles et des crè-
mes végétales.
Le cheminement est difficile. Rappe-
lons que la ferme ne fait pas ses frais à
l’époque. Le Centre local de développe-
ment (CLD) est le premier à offrir son
 fruits et légumes
Le Verger
Pedneault, c’est…
Une histoire de famille. Établi sur la
terre ancestrale, le Verger Pedneault est
administré par plusieurs membres de
la famille. Michel, sa sœur Marie-Claire,
son neveu Éric et Julie, la conjointe de
Michel, opèrent l’entreprise. Patrice,
Jean-Baptiste et Johanne, la conjointe
de ce dernier, sont également action-
naires.
Des arbres fruitiers plantés depuis
1918. On y retrouve des pommiers, des
cerisiers, des poiriers, des pruniers, de
l’amélanchier et, à titre expérimental, de
l’argousier.
22 produits différents dans les gammes
suivantes : cidre fort, apéritif de cidre
aromatisé, cidre léger mousseux, cidre
mousseux, mistelle, mistelle de pom-
mes glacées, boisson alcoolique et ci-
dre de glace léger.
Des cidres et des mistelles reconnus.
aide financière en 1997. Puis, Le Verger Ped- cruchons. » Une seule moti-
Le Verger Pedneault est un fidèle abon- neault est une
la Caisse populaire, la Société vation : l’amour de la pomme,
né de la Coupe des Nations, concours histoire de
d’aide au développement des du verger et de la terre.
tenu lors du Festival de la gastronomie famille. Sur la
collectivités (SADC) et, fina- photo, Michel Tous unis, les Pedneault
de Québec chaque année. En 2007, trois
lement, la Financière agricole Pedneault est s’attellent et réussissent à
de ses produits ont remporté une coupe
apportent leur appui. entouré de sa surmonter les obstacles. Les
Or, et quatre ont reçu une coupe Argent. sœur Marie-
Mais une grande partie produits issus de leur permis
Il s’agit d’un record de récompenses Claire, à gauche,
de l’argent nécessaire vient d’artisan s’écoulent petit à
pour l’entreprise qui a été honorée neuf et de sa conjointe
des salaires des actionnaires Julie Fontaine, à petit sur la ferme, au Marché
fois lors des six éditions précédentes.
qui travaillent à l’extérieur droite. Éric Ped- du Vieux-Port à Québec, au
Quels sont les produits primés Or l’an
de l’entreprise et consacrent neault, un autre Marché des saveurs à Mon-
dernier ? Pommes gelées, Le Glacier et actionnaire actif,
de longues heures à l’élabo- tréal, à la Société des alcools
Mistelle de pommes. était absent au
ration du projet. « On a com- (SAQ), ainsi que dans diverses
Un économusée de la pomiculture. En moment de la
mencé en dessous de la pre- prise de photo. Il expositions. Le marché des
juin 2003, le Verger Pedneault rejoint
mière marche, relate Michel est le neveu de produits alcoolisés est forte-
le réseau des économusées. Des pan-
Pedneault. On n’avait même Michel Pedneault. ment réglementé et la SAQ
neaux explicatifs et des instruments an-
pas l’argent pour acheter les agit en maître tout puissant.
ciens permettent de découvrir l’his-
Pour étendre la mise en
toire de la pomme au Québec,
marché, l’entreprise se tourne
ainsi que celle du verger.
en 2004 vers un permis
Un site Internet : www.vergers-
« industriel », qui permet la
pedneault.com Ces pommiers
presque cente- fabrication de produits conte-
naires font partie nant 7 % et moins d’alcool.
d’un lot de varié- Ainsi, les Pedneault conçoi-
tés anciennes de vent toute une gamme de
pommes qui ne
sont plus culti- produits faibles en alcool qui
vées aujourd’hui. se retrouvent sur les tablettes
Les pommiers les de nombreuses épiceries et
plus anciens ont dépanneurs de la province,
été plantés en sans l’intermédiaire de la
1918… l’année
de la fondation SAQ.
du Bulletin des Les efforts de la famille sont
agriculteurs ! récompensés. Un premier prix

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 fruits et légumes

1918-19 Années Années 2006 2008 est remporté en 2001 à la Coupe des Nations
1940 1980
tenue lors du Festival de la gastronomie de Qué-
Pommiers Pommiers Pruniers; Pommiers Poiriers bec. Le cidre fort sec Rêve de mon père remporte
standards; standards; Mont-Royal, semi-nains une coupe Argent. Ce cidre a une valeur symbo-
Wealthy, McIntosh, Lombard, lique pour l’entreprise et pour Michel surtout. Il
Greening, Lobo, Burbank lui a donné ce nom en mémoire de la requête que
Baldwin, Cortland, Pommiers son père lui avait faite juste avant de mourir.
Fameuse, Lofem, semi-nains; Aujourd’hui, avec une culture fruitière sur
Duchesse, Linda, Lobo et 14,3 hectares, le Verger Pedneault réalise 22
Transparente, Bettel, McIntosh produits alcoolisés sous permis artisanal et sous
Alexandre et Melba, Poiriers permis industriel. Les produits transformés sans
New Town Délicieuse, Beauté alcool sont toujours offerts à la clientèle. Et sur-
Lodi, flamande tout, la ferme a repris la voie de la rentabilité. Le
Spartan et et Clapp rêve du père de Michel, Marie-Claire, Patrice et
Antonaska favorite Jean-Baptiste s’est enfin réalisé !
mariejosee.parent@lebulletin.rogers.com
Pour le plaisir…
Le Verger Pedneault se spécialise dans la fabrication de cidres secs. Michel Pedneault aime
Ce type de cidre peut se prendre en mangeant, en remplacement du un cidre agréable au
palais et qui peut se
vin. Pour obtenir des saveurs particulières, Michel Pedneault mélange
déguster sans laisser
toujours diverses variétés de fruits. C’est ainsi qu’avec des dizaines de de mal de tête le lende-
variétés de pommes, prunes, poires, cerises et poires sauvages (fruits main, typique des mau-
de l’amélanchier), les possibilités de produits se multiplient à l’infini. vais cidres des années
Chaque année, Michel Pedneault ne peut résister à l’envie de concocter 1980. Écume de mer
est un cidre mousseux
une ou deux nouvelles recettes. Mais attention ! Pour lui, les boissons
élaboré à la méthode
alcoolisées ne sont et ne doivent rester qu’une source de plaisir. Il ché- champenoise qui repré-
rit d’ailleurs ce proverbe : « Sage qui boit. Fou qui s’enivre. » sente bien ce cidre de
nouvelle génération.

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