Vous êtes sur la page 1sur 6

16ème Congrès Français de Mécanique Nice, 1-5 septembre 2003

Choix des conditions aux limites pour le calcul d’une excavation

Nouredine Frih1, Alain Corfdir1 & Emmanuel Bourgeois2

1
CERMES, ENPC/LCPC, Institut Navier, 6 et 8, avenue Blaise Pascal, 77455 Marne-la-vallée CEDEX 2
2
LCPC-MSRGI, Institut Navier, 58 boulevard Lefebvre, 75732 Paris, CEDEX 15
email : corfdir@cermes.enpc.fr

Résumé :

Le calcul par éléments finis des déplacements et des contraintes induits par la réalisation d'une fouille
nécessite de fixer la taille de la zone maillée en fonction de l'étendue de la zone excavée et de choisir des
conditions aux limites. Pour les conditions aux limites très simples généralement retenues, on observe
que les résultats dépendent de la taille de la zone maillée.
On propose d’utiliser des conditions aux limites mieux adaptées en utilisant la solution approchée du
problème en champ lointain. L’application du principe de Saint-Venant permet de se contenter d’une
modélisation schématique de l’effet de l’excavation tout en obtenant une estimation satisfaisante des
conditions « loin » de l’excavation. La démarche suggère aussi une correction des résultats obtenus par
un calcul élastoplastique 2D pour prendre partiellement en compte la nature 3D du problème réel.

Abstract :

The calculation of the strain and stress fields induced by an excavation by a finite element approach
makes it necessary to choose the extent of the meshed zone (compared to the excavated zone) and to
choose boundary conditions. For the very simple boundary conditions usually adopted, one observes that
results depend on the dimensions of the meshed zone.
We suggest to adopt boundary conditions derived from an approximate solution of the problem in distant
field. The application of Saint-Venant’s principle allows to obtain a satisfactory estimation of the
unknown fields "far" from the excavation with a very simplistic modelling of the effect of the excavation.
Eventually, it is suggested that the same idea can be used to modify the results given by a 2D elastoplastic
calculation in order to account, at least partially, for the 3D nature of the real problem.

Mots-clefs : éléments finis ; conditions aux limites ; excavation

1 Introduction

Lors de la réalisation d’une excavation en milieu urbain, il est nécessaire de s'assurer que
les déplacements du sol autour de l'excavation ne mettent pas en péril les constructions
avoisinantes. La simulation numérique par éléments finis de l'excavation nécessite d'effectuer
deux types de choix : il faut fixer l'étendue du domaine maillé et choisir des conditions aux
limites.
Les conditions aux limites retenues sont en général très simples. On impose le plus souvent
un déplacement normal nul sur les limites verticales du maillage, un déplacement vertical nul
sur la limite horizontale inférieure, et un effort de cisaillement nul sur les mêmes limites. Avec
ce type de conditions aux limites, les résultats dépendent de la taille de la zone maillée, cette

1
16ème Congrès Français de Mécanique Nice, 1-5 septembre 2003

dépendance étant plus sensible pour les modélisations 2D, qui sont les plus courantes en
pratique et qui reviennent à modéliser la réponse du massif soumis à une force linéique
appliquée sur une longueur infinie. Dans le cas élastique, la théorie de Boussinesq indique alors
que la décroissance de la perturbation due à l’application d’une force ponctuelle sur un massif
semi infini est de l'ordre de 1/r2 pour les contraintes et de 1/r pour les déplacements ; tandis que
le comportement asymptotique de la perturbation due à l’application d’une force linéique sur un
massif semi infini est de l'ordre de 1/r pour les contraintes et de ln r pour les déplacements (r
étant la distance au point ou à la droite d'application du chargement).
Ainsi, pour diviser par k l'intensité de la perturbation apportée aux contraintes sur le bord
du maillage, il faut augmenter sa taille d’un facteur k1/2 pour une force ponctuelle et d’un facteur
k pour un chargement linéique. Pour diviser par m les déplacements au bord du maillage, il faut
multiplier sa taille par m dans le cas d'une charge ponctuelle et l’opération n’est pas possible
pour une charge linéique.
Il en résulte que les conditions aux limites classiques décrites ci-dessus ne sont pas
satisfaisantes, sauf pour des maillages très étendus et en condition tridimensionnelle : en
particulier les résultats obtenus sont sensibles à la taille du maillage, et il est en général
recommandé d’utiliser de grands maillages (Mestat, 1999). On propose donc de rechercher des
conditions aux limites différentes pour réduire, d'une part, la sensibilité des résultats à la taille
du maillage, et, d'autre part, la taille du maillage nécessaire pour obtenir une précision donnée.
La démarche proposée s'appuie sur la solution approchée du problème en champ lointain,
obtenue de manière analytique ou par éléments finis en utilisant un maillage de grande étendue
mais dans lequel l'excavation n'est pas représentée de manière détaillée. Le raisonnement repose
sur l'utilisation du principe de Saint-Venant pour obtenir une estimation des conditions loin de
l’excavation en modélisant schématiquement l’effet de l’excavation sur le massif de sol.

2 Etude numérique de l'influence des conditions aux limites et de l'étendue de la zone


maillée dans le calcul par éléments finis d'une excavation

On étudie une excavation de 40 m de large et de 8 m de hauteur, de longueur suffisante


pour se placer dans l'hypothèse des déformations planes, soutenue par une paroi cantilever de 13
m de hauteur. Pour les besoins de l'étude, on introduit trois maillages différents :
- le premier maillage, noté S, correspond à une zone de 35 m de large et 18 m de profondeur de
18 m. Il prend en compte la géométrie réelle de la paroi et de l'excavation ;
- le deuxième maillage, noté L, est obtenu en étendant le maillage S à un domaine de 100 m de
large et 50 m de profondeur ;
- le troisième maillage, noté L0, correspond au même domaine que le précédent, mais sera utilisé
pour une modélisation simplifiée de l'excavation consistant à appliquer à la surface du massif
une densité surfacique de force uniforme, verticale vers le haut, sur la demi-largeur de
l'excavation 20 m.

FIG.1 – Présentation des maillages S, L et L0

2
16ème Congrès Français de Mécanique Nice, 1-5 septembre 2003

On suppose que le terrain est homogène et sec. Au voisinage de la paroi, on introduit une
bande d'interface d'une épaisseur de 10 cm. Le sol, dans le massif et dans la bande d'interface,
obéit à une loi élasto-plastique de type Mohr-Coulomb, avec des propriétés mécaniques réduites
dans le voisinage de la paroi : l'angle de frottement et de dilatance sont multipliés par 2/3 ; avec
attribution du critère orienté (Frank et al., 1982). Les hypothèses et données ont fait l'objet
d'autres études spécifiques (Frih et al., 2002 ; Delattre, 1999).

Sol Sol Ecran


(massif) (bande d'interface) (béton armé)

Epaisseur [m] - 0,1 0,5


Poids volumique (γ) [KN/m3] 20 20 24
Module d'Young (E) [MPa] 90 60 40000
Coefficient de Poisson (ν) [-] 0,3 0,3 0,2
Cohésion (c) [kPa] 1 0 -
Angle de frottement [degrés] 35 23 -
Angle de dilatance (ψ) [degrés] 5 3.5 -

TAB.1 – Paramètres du calcul

La simulation consiste à supposer que la paroi est installée sans perturber l'état de
contraintes qui règne initialement dans le massif ("wished-in-place"), supposé géostatique.
L'excavation est simulée en appliquant sur le contour de la zone excavée une densité surfacique
telle que les contraintes résultantes le long de ce contour soient nulles.
On effectue d'abord deux simulations avec les maillages S et L en utilisant les conditions
aux limites habituelles (déplacement normal et contrainte de cisaillement nuls sur les limites du
maillage). On constate que les déplacements verticaux du fond de fouille et de la surface du
massif derrière le mur sont sensiblement différents dans les deux simulations (FIG.2).
Néanmoins, on retrouve les résultats obtenus avec le maillage L si l'on effectue une troisième
simulation, sur le maillage S en prenant comme conditions aux limites les déplacements
normaux et tangentiels calculés dans la simulation réalisée avec le grand maillage L (pour les
points du contour de S). On peut donc retrouver les résultats d'une simulation effectuée sur un
maillage étendu en utilisant un maillage plus petit, à condition d'adapter les conditions aux
limites.

FIG.2 – Courbes des déplacements verticaux :


a) terrain en surface derrière la paroi ; b) soulèvement de fond de fouille

3
16ème Congrès Français de Mécanique Nice, 1-5 septembre 2003

L'étape suivante consiste à reprendre la même procédure en utilisant sur le contour de S


des conditions aux limites issues de la simulation effectuée avec le maillage L0. L'idée est de
simplifier le problème en représentant le chargement et la géométrie réels par un chargement et
une géométrie plus simples, dans la mesure où l'on cherche à évaluer les déplacements et les
contraintes loin de l'excavation.
La force et le moment résultants sont identiques dans les deux cas, et l’application
heuristique du principe de Saint-Venant permet de supposer que loin de la zone d’application du
chargement, on observera la même influence dans les deux cas. Il faut souligner cependant deux
écarts avec les conditions d’application stricte du principe de Saint-Venant : la géométrie du
domaine étudié est différente de celle de l'excavation réelle; d'autre part, dans le problème
initial, des déformations élastoplastiques peuvent se produire dans les zones proches de la zone
excavée, alors que l'application du principe de Saint-Venant est a priori limitée aux problèmes
élastiques. Toutefois, si l'étendue de la zone plastifiée est limitée, la zone simulée diminuée de
la zone plastifiée et de la zone excavée supporte la même force dans les deux cas, et on peut
appliquer le principe de Saint-Venant au reste du massif.
Les résultats (FIG. 2) montrent que le calcul simplifié (sur L0) fournit des conditions aux
limites qui permettent de retrouver, en faisant une simulation sur le petit maillage, des résultats
corrects, c'est-à-dire conformes à ceux que l'on a obtenus avec le maillage L. On vérifie de plus
que les résultats restent corrects si l'on utilise des conditions aux limites tirées d'une simulation
sur le maillage simplifié en adoptant pour le sol un comportement élastique.
On s'affranchit ainsi de l’effet de taille du maillage, puisque l'on peut retrouver sur un petit
maillage les résultats obtenus sur un maillage plus étendu. Signalons qu'en pratique, on n'obtient
une concordance satisfaisante que si les calculs menés sur des maillages différents conduisent à
une précision comparable, ce dont on peut s'assurer en vérifiant que le nombre d'itérations dans
les calculs élastoplastiques est comparable. La contrepartie est qu'il est nécessaire pour obtenir
des conditions aux limites convenables de faire le calcul sur un grand maillage, même si ce
calcul peut se faire avec un maillage lâche et en élasticité.

3 Calcul de la réponse d'un massif semi-infini avec un maillage de taille finie :


introduction de conditions aux limites analytiques

Nous étudions maintenant une excavation de longueur infinie dans un massif semi-infini
(sans substratum indéformable à profondeur finie). On cherche à définir des conditions aux
limites pour le calcul par éléments finis sur un domaine d'étendue finie de ce problème. Le
problème étudié conduit (en élasticité) à un déplacement vertical infini. Pour lever cette
difficulté, nous imposons un déplacement vertical nul en un point particulier du maillage (ici à
la surface à 80 m de la paroi), ce qui revient à s'intéresser au déplacement vertical relatif par
rapport à ce point. Les déplacements relatifs peuvent être estimés de manière analytique par
intégration de la solution de Boussineq (Poulos et al., 1974), en assimilant l’effet de
l’excavation à celui d’une densité de force uniforme s'exerçant à la surface du massif sur une
bande de la largeur de l’excavation. De même que précédemment avec le maillage L0, on utilise
les déplacements calculés comme conditions aux limites pour le maillage S.
La figure 3 montre la déformée de la paroi : pour les conditions aux limites données par un
calcul analytique pour un massif semi-infini ; pour les conditions aux limites habituelles
appliquées sur le contour L avec différentes variantes de calcul (sur le maillage L ou sur le
maillage S avec conditions aux limites issues de divers calculs) et pour les conditions aux
limites habituelles sur le contour S. On note en particulier que le résultat obtenu avec le massif
semi-infini s’éloigne sensiblement de ceux obtenus pour les conditions aux limites habituelles
appliquées sur L. Le maillage L est donc encore trop petit pour modéliser l’excavation étudiée
sur un massif semi-infini.

4
16ème Congrès Français de Mécanique Nice, 1-5 septembre 2003

FIG.3 – Courbes des déplacements horizontaux de la paroi

4 Prise en compte partielle de la longueur de l'excavation

La modélisation précédente concerne un espace semi-infini soumis à une force surfacique


uniforme appliquée sur une bande de longueur infinie (cas 2 de la figure 4) : les déplacements
verticaux sont alors infinis, ce qui nous a conduits à nous intéresser aux déplacements relatifs
par rapport à un point pris comme référence. Pour une modélisation plus réaliste des
déplacements, il est nécessaire de prendre en compte la géométrie tridimensionnelle réelle, et
notamment le fait que la zone excavée a une étendue finie dans les deux directions du plan
horizontal.
On considère maintenant le problème représenté par le cas 1 de la figure 4, qui correspond
à un massif semi-infini soumis à une densité de force uniforme sur une partie rectangulaire de sa
surface (ce problème, différent du problème réel, sert de problème auxiliaire pour déterminer
des conditions aux limites sur le contour d'un maillage d'étendue limitée autour de la zone
excavée, mais suffisante pour pouvoir appliquer le principe de Saint-Venant).
Si le massif est élastique, les déplacements et les contraintes induits au point M peuvent
être obtenus par différence entre les champs solutions du problème 2 et d’un autre problème
auxiliaire tridimensionnel (cas 3). En admettant que les sollicitations dans le cas 3 sont
appliquées « loin » du point M, les déplacements et les contraintes qu'elles induisent peuvent
être évaluées de manière simplifiée en appliquant le principe de Saint-Venant.

1 2 3

M M M

FIG.4 – Principe de la prise en compte des effets 3D

Finalement, on propose donc d'évaluer, au moyen d'un calcul en déformations planes, les
déformations et les contraintes induites par une excavation d'étendue finie. On effectue d’abord
un calcul élastique analytique bidimensionnel pour obtenir des conditions aux limites
convenables pour un calcul élastoplastique par éléments finis en déformations planes sur un
maillage limité au domaine proche de la zone excavée. Les résultats obtenus (notamment les
déplacements) sont ensuite diminués des champs solutions du cas 3, obtenus par un calcul
élastique analytique.

5
16ème Congrès Français de Mécanique Nice, 1-5 septembre 2003

L'approche proposée consiste donc à étudier un chargement d'étendue finie en superposant


une solution élastoplastique et une solution élastique ; elle ne fournit donc qu'une solution
approchée. En tout état de cause, elle est plus représentative des déplacements réels, à cause de
la prise en compte au moins partielle du caractère tridimensionnel du problème de départ. Les
résultats numériques sont donnés ci-dessous (FIG. 5), l’excavation ayant 40 m de large, 8 m de
profondeur comme précédemment, mais sa longueur est finie et vaut 50 m. On constate que la
prise du caractère 3D réduit le déplacement relatif (par rapport à un point situé à 80 m)
d’environ la moitié. Il en est de même pour le tassement relatif et la distorsion angulaire.

FIG.5 – Correction 3D sur les déplacements verticaux

4 Conclusions

Le calcul d'une excavation en condition bidimensionnelle dans un massif semi-infini


conduit à étudier la réponse de ce massif à une densité linéique de force et donne des
déplacements verticaux infinis. Nous avons proposé ici d'utiliser des conditions aux limites
issues d'une analyse tridimensionnelle pour un calcul en déformation plane avec un maillage
d'étendue limitée au voisinage de l'ouvrage étudié : on surmonte ainsi la difficulté précédente
sans augmenter la taille de la zone à mailler, ce qui s'avère efficace du point de vue numérique.
Il reste à faire le nécessaire pour pouvoir mettre en œuvre ce procédé de manière automatique.
On pourra alors réduire le problème des soulèvements physiquement injustifiés que l'on observe
dans les solutions numériques, qui sont directement liés à la prise en compte de chargement
s'appliquant sur des longueurs infinies (et à l'utilisation de modèles élastiques linéaires).

Références

Delattre, L., 1999, Comportement des écrans de soutènement expérimentation et calculs, 412p,
Thèse doctorat, Ecole Nationale des Ponts et Chaussées.
Frank R., Guenot A., Humbert P., 1982, Numerical analysis of contacts in geomechanics, 37-45,
Proc. 4th Int. Conf. on Num. Meth. in Geomechanics, Edmonton.
Frih, B. N., Corfdir A., Bourgeois E., Borgne H., 2002, Prise en compte de l’interface sol –
ouvrage dans la modélisation numérique: cas de la paroi moulée, Conf. JNGG 2002, 8 et 9
Oct. 2002, Nancy.
Mestat, P., 1999, Modélisation des ouvrages de soutènement, in Ouvrages en interaction, 934p,
sous la direction de Mestat, P. et Prat, M., Hermès Science Publications, Paris.
Poulos, H.G. & Davis EZ.H., 1974, Elastic solutions for soil and rock mechanics, 411p, John
Wiley & Sons, New York.

Vous aimerez peut-être aussi