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Suicides et travail : au-delà des émotions

Suicide au travail en Europe : la grande inconnue


par Clotilde de Gastines - 18 Janvier 2011

Le s chif f re s du suicide d'o rigine pro f e ssio nne lle so nt f o ndus dans un no m bre glo bal de suicide s. Aucune é t ude e uro pé e nne ne s'y e st pe nché e jusqu'à pré se nt .
Se ule ce rt it ude , ce chif f re glo bal e st e n re cul co nst ant de puis 15 ans e t la gé o graphie du suicide é vo lue .

Gé o graphie du suicide
La mo yenne euro péenne affiche un taux de 16 suicides po ur 10 0 0 0 0 habitants. Sur les 15 dernières années, il est en baisse, sauf dans deux États membres : la Po lo gne et le
Po rtugal.

Le taux est plus élevé dans les pays du No rd (excepté la Suède et au Ro yaume-Uni) et de l'Est : Lituanie (37), Ho ngrie, Letto nie et Slo vénie (entre 20 et 24), Esto nie (19 ) Finlande (18 ),
Po lo gne (13,2). En France, le taux est de 14,2 selo n l'OCDE, de 16 selo n le centre d'épidémio lo gie sur les causes médicales de décès (CépiDc), centre d'étude français rattaché à

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l'Inserm. Alo rs qu'en principe, il est plus faible dans les pays du Sud et de l'Ouest de l'UE : Chypre, Grèce, Malte, Espagne co mme le mo ntre ce graphique de l'OMS.

Dé m o graphie du suicide
Les taux mo yens so nt nettement plus élevés si l'o n co nsidère une po pulatio n adulte, car le suicide des perso nnes âgées est généralement très fréquent. Ils varient également avec la
co mpo sitio n ho mmes/femmes d'une po pulatio n, car les ho mmes mettent beauco up plus so uvent fin à leurs jo urs que les femmes.

Par exemple, en Lituanie, le taux mo yen de suicide est de 37 po ur 10 0 0 0 0 habitants. Chez les ho mmes, ce taux atteint 53,9 , alo rs que les Lituaniennes o nt un taux de 9 ,8 po ur 10 0
0 0 0 selo n les chiffres de l'OMS. Cette disso ciatio n en fo nctio n du genre est la même parto ut : en Finlande (28 ,9 co ntre 9 ), en France (25,5 co ntre 9 avec un pic à 41,6 po ur 10 0 0 0 0
chez les ho mmes de 45 à 49 ans), en Po lo gne (26 ,8 co ntre 4,4), en Autriche (23,8 co ntre 7,4).

De même, les po pulatio ns frappées évo luent. « Les jeunes, les actifs et les femmes sont plus exposés qu'auparavant » indique le Rappo rt du CAS sur la santé mentale en France en
20 0 9 . Le suicide recule (mo ins de 2 % des décès), la dépressio n est stable auto ur de 3 % (dans sa fo rme la plus sévère), mais la détresse psycho lo gique a co nsidérablement
augmenté. En France, elle a été multipliée par tro is en vingt ans et to uche un Français sur cinq. L'ensemble de ces phéno mènes frappe les jeunes Euro péens, qui so nt aujo urd'hui les
plus vulnérables so cio -éco no miquement. En Lituanie, le taux de suicide des jeunes a par exemple co nnu un no uveau pic en 20 0 7 relate un repo rtage de Cafebabel.

Bie n-ê t re e t t ravail


Il n'existe pas de do nnées permettant de suivre l'évo lutio n du no mbre des suicides sur le lieu du travail et a fo rtio ri liés au travail. En 20 0 6 , les accidents du travail o nt to uché 3,2 % de
la po pulatio n active en 20 0 6 selo n l'enquête sur « la fo rce de travail dans l'Unio n euro péenne ». Ce qui représente 7 millio ns de perso nnes. Il est aussi impo ssible de savo ir co mbien
de suicides so nt chaque année qualifiés d'accidents du travail dans chacun des Etats membres.

L'expo sitio n aux risques est co nsidérable selo n l'enquête : 41 % des travailleurs de l'Unio n (so it 8 1 millio ns de perso nnes) so nt expo sés à des facteurs qui peuvent effectivement
affecter leur santé physique. 28 % travaillent dans des co nditio ns qui peuvent affecter leur bien-être mental.

Les statistiques sur la satisfactio n et le stress au travail so nt un des mo yens po ur estimer la suicidalité d'une po pulatio n. L'agence euro péenne po ur la santé et la sécurité au travail
(EU OSHA) alertait dès 20 0 2 sur les risques pro vo qués par la vio lence psycho lo gique dans les entreprises. Aujo urd'hui, plus d'un travailleur sur quatre est co nfro nté au stress lié au
travail. Les tro ubles musculo -squelettiques, le stress, l'anxiété o u la dépressio n figurent en tête des affectio ns.

Les enquêtes euro péennes sur la satisfactio n au travail mo ntrent que les Euro péens les plus insatisfaits ne so nt pas fo rcément ceux qui se suicident le plus. Figurent en tête
Allemands et Esto niens, Britanniques et Po rtugais. Les Français arrivent en 5ème po sitio n. Sur une échelle de 1 à 10 , ce so nt les Dano is, les Chyprio tes et les Finlandais qui so nt les
plus satisfaits. Po urtant les Finlandais se suicident beauco up. En Suède, le taux de suicide a baissé de 22,3 en 19 70 à 12 en 20 0 6 suite à des campagnes de préventio n en santé
mentale et de po litiques de bien-être au travail.

Il existerait de grandes co nstantes en matière de déterminants de la satisfactio n générale

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d'après de no mbreuses études d'éco no mie du bo nheur, so cio lo gie, psycho lo gie o u
enco re neuro sciences co gnitives. Les Euro péens partageraient la même « structure de la
satisfactio n » co nstate le Rappo rt du CAS sur « La santé mentale, l'affaire de to us ». «
Les femmes sont plus heureuses que les hommes, hormis dans les pays en transition, les
natifs du pays sont plus heureux que les migrants, les croyants que les non-croyants,
ceux qui vivent en famille que les célibataires, les veufs et les divorcés ».

La f aut e de la crise ?
Le « cycle du suicide » n'est « pas totalement superposable aux cycles économiques des
trente dernières années » analyse le rappo rt du CAS qui illustre so n pro po s par ces tro is
co urbe : France, Euro pe des 15, puis des 27

En 19 76 , un premier pic co rrespo nd po urtant à la crise issue du premier cho c pétro lier et
à la hausse du chô mage. Idem en 19 9 3, qui co ïncide avec une année de récessio n
éco no mique impo rtante en France, et des bo uleversements liés à la transitio n vers
l'éco no mie de marché dans les pays ex-co mmunistes.

Dans l'Euro pe des 15, la baisse de 19 8 5 est antérieure à la reprise éco no mique et au
tassement du chô mage de la fin des années 19 9 0 . « Elle co rrespo nd à une phase
d'acquisitio n d'une plus grande to lérance en matière de mœurs (divo rce, ho mo sexualité),
décrit le CAS. Po ur certains o bservateurs, le taux de suicide, co mme d'autres
expressio ns du mal-être, serait mo ins le reflet de la co njo ncture que la traductio n du
degré d'(in)adaptatio n face à de no uvelles réalités so ciales. Une autre o bservatio n plaide
dans le sens d'une tensio n sur les rô les et les no rmes ».

Les Français so nt parmi les Euro péens qui acco rdent le plus d'impo rtance au travail
(po ur 6 8 %, le travail est « très impo rtant »). Dans une étude datée de 20 0 8 , Do minique
Méda et Lucie Davo ine so ulignent que c'est précisément l'ampleur des attentes qui peut
entraîner un sentiment de déceptio n à l'égard de la réalité. Cependant, les Français
seraient également ceux qui so uhaitent le plus vo ir la place du travail dans leur temps de
vie se réduire. (...) Près de la mo itié des Britanniques, des Belges et des Suédo is
so uhaiteraient que le travail prenne mo ins de place dans leur vie, cette pro po rtio n atteint
6 5 % en France. Ce résultat est la marque d'un empiétement du travail sur les autres
sphères d'activité so ciale.

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Vo ir
- L'enquête 20 0 6 sur « la fo rce de travail dans l'Unio n euro péenne », de la Co nfédératio n
euro péenne des syndicats (12 pages, en anglais) sur le site de l'Euro pean Trade Unio n
Institute
- Rappo rt du CAS sur « La santé mentale, l'affaire de to us ».

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Clo t ilde de Gast ine s
: santé, sécurité, suicide, démographie, Clotilde de Gastines

Suicides et travail : au-delà des émotions

« N'importe qui peut-il péter un câble ? »


par Clotilde de Gastines - 18 Janvier 2011

Le lie n e nt re suicide e t t ravail e st -il pe rt ine nt ? Po ur Viviane Ko ve ss-Masf é t y, é pidé m io lo gist e e t psychiat re , une pe rso nne se suicide à cause d'un t ro uble de
sant é m e nt ale , e t pas dire ct e m e nt à cause de so n t ravail. L'int o lé rance aux t ro uble s m e nt aux e t l'inadapt at io n de s so ins so nt de ux co nsé que nce s du dé ni
gé né ral qui e nt o ure la m aladie m e nt ale . Il e m pê che de m ie ux pré ve nir le s suicide s. Ent re t ie n

Le s Français se suicide nt -ils davant age que le s aut re s Euro pé e ns ? Est -ce à cause du t ravail ?
No us so mmes dans la mo yenne euro péenne. En France, no tre taux est de 16 suicides po ur 10 0 0 0 0 habitants ; il est plus élevé si o n
co nsidère les adultes et il varie selo n la co mpo sitio n ho mmes/femmes d'une po pulatio n, car il est beauco up plus élevé chez les
ho mmes que chez les femmes. En France, le quart No rd-Ouest est plus to uché que le sud-Est. En Euro pe, ce taux est élevé en
Lituanie, en Finlande et en Autriche. Il est plus faible dans les pays du Sud, en Suède et au Ro yaume-Uni.

En France, les po pulatio ns les plus à risque de suicide n'o nt pas de travail o u so nt en priso n. Cependant, l'InVS a publié des
statistiques de mo rtalité par secteur d'activité pro fessio nnelle, auxquelles s'ajo utent des do nnées en pro venance d'autres pays qui
so nt parfo is plus co mplètes po ur certaines catégo ries pro fessio nnelles qui en so nt exclues. Co ncernant le suicide, les pro fessio ns
les plus à risques so nt les médecins (surto ut les femmes) infirmières et anesthésistes, suivis des agriculteurs, et des métiers du
bâtiment et de la métallurgie. A niveau de risque mo yen o n tro uve les téléco mmunicatio ns. Et avec un risque faible, les enseignants. Le
taux des suicides chez France Teleco m-Orange, est en fait le taux qui co rrespo nd à cette po pulatio n bien qu'il so it difficile sur des
no mbres de cet o rdre de faire des prévisio ns précises sur une pério de relativement co urte.

Alo rs e st -ce que la crise , le s re st ruct urat io ns f avo rise nt le s t ro uble s de sant é m e nt ale qui pe uve nt co nduire au

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suicide ?
Les suicides n'augmentent pas en pério de de crise. La co urbe de chô mage ne co ïncide pas du to ut avec celle de la suicidalité. Au
co urs des années 20 0 0 , tro is pays euro péens dans lesquels la situatio n éco no mique était flo rissante o nt vu leur suicidalité
augmenter. A l'épo que c'était l'Irlande, le Luxembo urg et la Finlande. En Irlande, le bo o m éco no mique a pro bablement fait augmenter la co nso mmatio n d'alco o l, de dro gues, et reculer
un catho licisme qui était co hésif et fixait des interdits.

Car si l'o n co mpare la co urbe des suicides et celle de co nso mmatio n d'alco o l et de psycho tro pes, le parallèle est saisissant. Ces dernières années, la baisse de la co nso mmatio n
d'alco o l en France et dans les différents pays d'Euro pe est fo rtement co rrélée à la baisse du no mbre de suicides.

En général, les « auto psies psycho lo giques » mo ntrent que les perso nnes qui se suicident o nt un tro uble de santé mentale. Le rô le de l'alco o l est quasi-systématique po ur le
passage à l'acte o u po ur l'accentuatio n des tro ubles mentaux (NB : l'auto psie psycho lo gique est une métho de de recherche clinique, do nt les règles o nt été définies en 20 0 5).

Ce rt ains salarié s m e t t e nt e n scè ne le ur m o rt sur le ur lie u de t ravail, Christ ian Laro se , vice -pré side nt du Co nse il é co no m ique , so cial e t e nviro nne m e nt al, é value
à 4 0 0 le no m bre de suicide s lié s au t ravail chaque anné e e n France . Se lo n vo us, que lle e st la part du t ravail dans le suicide ?
Je suis très sceptique sur la part des suicides liés au travail. Ce n'est pas parce que quelqu'un se tue sur le lieu de travail que c'est à cause du travail. On m'a rappo rté un cas, o ù la
perso nne s'est suicidée sur le lieu de travail après une rupture amo ureuse avec quelqu'un qui était un co llègue de travail. Et même quand quelqu'un fait une lettre sur « j'étais harcelé
etc. » c'est difficile de faire un lien causal.

Bizarrement, o n parle éno rmément de santé mentale, de tro ubles psycho lo giques, de risques psycho -so ciaux, mais il y a un grand déni des maladies mentales. Quand je dis que les
perso nnes se suicident à cause d'une maladie mentale et no n pas parce qu'elles so nt stressées, les réactio ns so nt très virulentes. La maladie mentale, c'est une injure. Je décris la
fro ntière entre le patho lo gique et le no rmal dans mo n livre N'importe qui peut-il péter un câble ? .

Si le s pe rso nne s qui se suicide nt o nt de s m aladie s m e nt ale s, le st re ss pe ut -il le s po usse r au suicide ?


Si vo us n'avez pas de pro blème de santé mentale, quand vo us êtes mal quelque part au travail o u ailleurs, vo us vo us battez o u
vo us partez, vo us changez de service, vo us prenez de la distance, vo us tro uvez des dérivatifs o u vo us créez des so lidarités
auto ur de vo us par des co mbats avec vo s co llègues. Si rien de to ut cela ne marche, vo us êtes pro fo ndément malheureux.

Po ur se suicider, il faut un tro uble de santé mentale sérieux : 15% des perso nnes qui o nt un tro uble bipo laire décèdent par
suicide. Mais quelqu'un qui so uffre d'un tro uble bipo laire o u d'un tro uble dépressif sévère avec par exemple un pro blème d'alco o l
et des tendances impulsives ne se suicide pas « po ur rien ». Aucune maladie mentale ne s'amélio re avec le stress.

La santé mentale se définit en tro is catégo ries. Vo us avez d'abo rd la santé mentale po sitive : c'est aimer ce qu'o n fait, s'y réaliser,
avo ir co nfiance en so i, gérer les stress. Les interventio ns au travail do ivent po usser vers la santé mentale po sitive. Po ur sa
pro pre pro ductivité, to ute entreprise a intérêt à ce que les gens se sentent bien, respectés, etc...

Ensuite o n a le mal-être, ce n'est pas de la maladie mentale, c'est le fait d'être malheureux. Je ne cro is pas que quelqu'un se suicide parce qu'il est malheureux.

Enfin vo us avez les maladies mentales, qui se manifestent par des tro ubles anxieux, dépressifs, des délires, une co nso mmatio n exagérée d'alco o l o u de dro gues, une impulsivité et

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une into lérance aux frustratio ns. Il existe une grande co nfusio n entre la dépressivité, le malheur et la dépressio n clinique. Et do nc une grande réticence à envo yer vers la psychiatrie
des perso nnes qui vo nt parfo is s'auto -médiquer avec de l'alco o l, des dro gues.

Qui do it agir e t co m m e nt ? Le s m é dias po ur se nsibilise r aux que st io ns de sant é m e nt ale ? Le s re pré se nt ant s du pe rso nne l ? Le s m anage rs ?
Les perso nnes qui se suicident so nt très sensibles aux médias. On parle du phéno mène Werther. Si un suicide a une aura médiatique, d'autres perso nnes vo nt ado pter le même
mo de de suicide. C'était le cas du métro de Vienne à la suite de la co uverture sensatio nnelle d'un incident en 19 8 6 , eurent lieu 22 suicides dans les 18 mo is so it deux fo is plus que
lo rs des tro is années précédentes, alo rs que le métro n'était pas plus dangereux qu'avant. La ville et les médias se so nt engagés dans un co de de bo nne co nduite po ur ne plus
médiatiser systématiquement ces événements. Le no mbre de suicides sur les vo ies a diminué.

Aujo urd'hui, chaque suicide dans une grande entreprise paraît dans la presse. Ce n'est pas le cas quand il s'agit d'une marchande de chaussures, d'un bo ucher, o u d'un agriculteur. Ma
veille do cumentaire relate par exemple les suicides récents de patro ns de PME dans le No rd de l'Italie. Ou enco re deux anesthésistes français, qui se so nt tués à la suite d'une erreur
médicale.

Co mme o n utilise le suicide po ur sensibiliser aux co nditio ns de travail, o n n'arrive plus à disso cier les deux. En d'autres termes, vo us ne po uvez pas dire, « le suicide c'est un
pro blème de gestio n des maladies mentales », sans avo ir l'air de cautio nner des co nditio ns de travail qui ne so nt peut-être pas du to ut adéquates. D'ailleurs, je ne suis pas sûre, que
c'est en amélio rant les co nditio ns de travail, qu'o n va endiguer le suicide. Ce n'est pas po ur défausser l'emplo yeur ! On va sans aucun do ute amélio rer le bien-être des gens, mais de
là à diminuer le taux de suicide...

Je suis d'acco rd avec la po sture d'Yves Clo t, qui pense qu'o n psycho lo gise to ut. Le fait de faire venir des cabinets de co nsultatio n disqualifie les syndicats. Ou bien, les syndicats se
retro uvent à faire du travail de psy po ur lesquels ils ne so nt pas fo rmés.

Aujo urd'hui les emplo yeurs so nt sensibilisés au suicide, vu que certains o nt été co ndamnés po ur faute grave et inexcusable. Mais en tant qu'emplo yeur si vo us repérez quelqu'un de
suicidaire, le mieux que vo us puissiez faire, c'est de l'envo yer vo ir un médecin du travail. Les médecins du travail mettent to ut leur cœur à amélio rer les co nditio ns de travail, ce que je
ne leur repro che pas, mais ils ne so nt pas to ujo urs capables de faire un diagno stic, ni d'évaluer un risque suicidaire, po ur diriger et acco mpagner vers la psychiatrie. Certain n'o nt pas
la mo indre idée de ce qu'est une maladie mentale et plaquent un raiso nnement type pro duit no cif/cancer sur le suicide au travail.

On est dans deux mo ndes qui o nt leur lo gique pro pre. La lo gique de la psycho patho lo gie, de la psychiatrie, et celle du syndicalisme, du co mbat. Il faudrait se parler davantage po ur
mieux se co nnaître. Car po ur l'instant, o n o cculte la maladie mentale d'une part parce qu'il existe une préventio n généralisée co ntre ces tro ubles, mais aussi car cela po inte le risque
individuel, qu'o n o ppo se à to rt au co llectif et do nc au co mbat po ur l'amélio ratio n des co nditio ns de travail. Bien sûr qu'il faut faire les deux : amélio rer les co nditio ns de travail, se
battre co ntre les attitudes indignes et méprisantes, détecter les pro blèmes et mettre en place des mécanismes qui permettent de prendre en charge avant qu'il ne so it tro p tard dans le
respect de la vie privée des perso nnes.

Et e s-vo us f avo rable au dé ve lo ppe m e nt de l'audit psychiat rique ?


No n, j'appelle cela le « suicide-business » co mme je l'explique dans un article paru dans Slate.fr . Quand j'entends que quelqu'un qui vend de l'audit psychiatrique, débarque avec des
psychiatres et fait passer des questio nnaires à to ut le mo nde, ça me fait fro id dans le do s. De quel dro it ces psychiatres arrivent-ils ? Au no m de quo i se mettent-ils à parler aux
salariés ? La psychiatrie so igne l'inco nscient, cela demande de la co nfiance et du temps. Mais ces métho des so nt devenues le parapluie de l'entreprise. Et ça créé to ut un marché. On
est à la limite de l'exercice illégal de la médecine. Le Co nseil de l'Ordre a d'ailleurs émis un avis très clair : une entreprise ne peut pas co nclure de co ntrat entre un psychiatre et un

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salarié. Alo rs, elle distribue des ticket-psy.

No us avo ns un vrai pro blème de gestio n des pro blèmes psychiatriques en France. Par exemple, les médecins du travail o nt-ils une fo rmatio n psy ? Ont-ils une chance de
diagno stiquer un tro uble dépressif et un risque suicidaire ? Idem po ur les médecins généralistes. Savent-ils détecter la suicidalité, les pro blèmes d'alco o l ? On fera baisser le taux de
suicide en amélio rant leur fo rmatio n po ur utiliser adéquatement les antidépresseurs, diriger vers un psychiatre o u ho spitaliser dans certains cas co ntre leur gré, les perso nnes qui
so nt vraiment suicidaires, et surto ut en amélio rant la relatio n entre médecins et psychiatres. Car la psychiatrie no n plus n'est pas to ujo urs capable d'accueillir ces perso nnes.

Le s pe rso nne s « e n so uf f rance » so nt discrim iné e s, vo ire se discrim ine nt . Co m m e nt f aire po ur y re m é die r ?
Dans le cadre du rappo rt sur le bien-être o n a demandé, à une représentante de malades mentaux au travail, qu'est-ce qu'o n peut faire po ur qu'ils aillent mieux ? Il faut avant to ut
prévenir ses co llègues, po ur qu'ils puissent être to lérants. Que de temps en temps, ils ne fero nt pas le travail co mme il faudra, etc. En principe, il y a des emplo is pro tégés po ur cela,
mais la discriminatio n est telle que perso nne ne so uhaite émarger dans cette catégo rie po ur un tro uble mental et les entreprises ne se précipitent pas no n plus po ur recruter ce type de
handicap qui fait peur. En plus, avec la transfo rmatio n du travail, les métiers-refuge o nt disparu. Ce qu'o n appelait « la fo nctio n so ciale de l'administratio n », o ù o n savait que celui-là ne
travaillait pas to ujo urs au bo n rythme n'est plus to lérée.

Ensuite, vo us n'êtes pas par hasard dans une entreprise. Le travail est une renco ntre. On arrive sur le marché du travail avec so n histo ire perso nnelle, ses fragilités. Certains o ptent
po ur des métiers peu pro tégés, d'autres veulent abso lument un statut de fo nctio nnaire. Chacun selo n ses cho ix et ses capacités intellectuelles. Si o n n'acco mpagne pas les
perso nnes fragiles lo rsque leur métier change, alo rs qu'elles n'o nt pas les mécanismes de défense po ur y faire face, ça peut créer des tensio ns.

Il existe enfin des situatio ns de huis clo s, qui po ussent à la fo lie. Quand o n regarde la co urbe du niveau de sécurité d'emplo i et du bien-être des pays. Vo us avez d'un cô té des pays
co mme le Ro yaume-Uni et les Etats-Unis avec une grande précarité de travail, o ù les gens en so uffrent, de l'autre, vo us êtes dans un pays o ù vo us avez peu de précarité, mais o ù les
gens so nt to ut aussi malheureux. Car dans une so ciété o ù licencier quelqu'un o u retro uver un bo ulo t ailleurs est quasi impo ssible, emplo yeurs et emplo yés se retro uvent dans une
situatio n à huis clo s. Po ur peu que vo us ayez des gens assez sadiques, po ur faire subir à leurs emplo yés des cho ses effrayantes..., mais que ça les po usse au suicide, c'est autre
cho se.

Vo ir :
- Rappo rt du CAS sur « La santé mentale, l'affaire de to us », 20 0 9 .
- Vivianne KOVESS-MASFETY, N'impo rte qui peut-il péter un cable, Odile Jaco b, 20 0 8
- InVS, Suicide et activité pro fessio nnelle en France : premières explo itatio ns de do nnées dispo nibles (pdf - 20 7 Ko )

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Clo t ilde de Gast ine s
: suicide, travail, déni, France telecom, Europe, santé mentale, maladie mentale, huis clos, médecin du travail, prévention, psychiatrie
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Suicide et travail ... que faire ?
- 18 J anvie r 20 11

Suicides et travail : au-delà des émotions

Suicide et travail ... que f aire ?


par Benjamin Sahler, consultant - 18 Janvier 2011

Le t it re de ce do ssie r e st à la f o is im parable , risqué e t f o ndam e nt al. Im parable puisque le s f ait s so nt là, aucun dé ni n'e st plus po ssible . Risqué par sa brut alit é
é m o t io nne lle e t le s sim plif icat io ns qu'e lle charrie de t ro uve r t ro p vit e de s raiso ns univo que s, de s co upable s dé signé s, dans le cam p " d'e n f ace " . Fo ndam e nt al,
car il po usse la que st io n classique : " que f aire po ur que le t ravail so it lie u de plaisir plut ô t que de so uf f rance ?" ve rs un paro xysm e pro pre m e nt vit al : " que f aire
po ur que le t ravail aide à vivre ... plut ô t qu'il po usse à m o urir ?"

L'injo nctio n est do uble, il faut agir sans déni, et agir avec efficacité. Les lignes qui suivent so nt celles d'un praticien paritaire mû par cette
exigence. Une première difficulté surgit : co mment mo biliser ensemble des parties prenantes do nt les intérêts so nt traditio nnellement
co nsidérés co mme antago nistes ? To ut en laissant sans ambiguïté to ute leur place aux rappo rts de fo rce nécessaires sur les questio ns
internes du partage de leurs préro gatives et de la répartitio n des résultats de leur activité, il faut favo riser la prise de co nscience que leurs
enjeux, leur dévelo ppement, leur destin, vo ire même leur survie so nt largement co mmuns.
En effet, dans une perspective de mo yen o u lo ng terme to ut au mo ins, la santé des perso nnes au travail et la santé de l'entreprise (au sens
large) so nt indisso lublement liées.

So igne r le t ravail e t le s pe rso nne s


Ce co nstat de base partagé, il est temps maintenant de dépasser les batailles sémantiques : "so igner le travail" o u "so igner les
perso nnes", "prévenir les risques psycho so ciaux" o u "éradiquer la so uffrance au travail" o u enco re "pro mo uvo ir le bien-être" ? Bien sûr
ces expressio ns ne so nt pas équivalentes, et les mo ts so nt lo urds de sens, tant ils induisent so uvent des métho des de pensée exclusives
du type "o u bien-o u bien", co mme o n entend "so igner l'un, c'est nier l'autre". En revanche si no us accepto ns par exemple qu'il faut "so igner
le travail", c'est à dire prendre du temps, précisément, sur sa co nceptio n, so n co ntenu, quantitatif, qualitatif, en termes de sens, d'exigences,
de répartitio n. Et, il faut en même temps, "so igner les perso nnes" qui o nt beso in d'aide, d'acco mpagnement, de fo rmatio n, d'élargissement,
de so utien par des managers attentifs et dans des co llectifs structurants et so lidaires. No us vo yo ns bien que les deux expressio ns de
départ ne so nt pas antago niques.

Autre exemple, si no us liso ns "prévenir les risques psycho so ciaux" no n pas co mme "ajo uter une catégo rie de risques à inclure dans une pure liste de gestio n", mais co mme un
"pro jet très vaste et co mplexe que l'entreprise au plus haut niveau et to ut au lo ng de l'échelle hiérarchique, le service Resso urces Humaines, le service médico -so cial, et enfin, mais
no n les mo indres, les partenaires so ciaux dans le Co mité d'Hygiène Sécurité Co nditio ns de Travail (CHSCT) do ivent savo ir prendre en charge jusqu'à tro uver des so lutio ns
équilibrées po ur le travail, po ur les co llectifs et po ur les individus". Qui peut raiso nnablement se plaindre de cette appellatio n ?
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Dès lo rs, co mment avancer avec des idées claires mais pas tro p simplistes dans la co mplexité de ces questio ns ? Quelques directio ns fo rtes so nt déterminantes po ur pro gresser
efficacement ensemble.

Evit e r l'illusio n qu'o n a af f aire à un phé no m è ne ho m o gè ne


Do nc, co mmencer par co ntextualiser les situatio ns étudiées co ncrètement. Ces questio ns psycho so ciales so nt d'une diversité incro yable. Mal traitées, elles débo uchent to utes sur
une "so uffrance", et fo nt des "victimes" mais ces termes, s'ils suscitent instantanément une empathie de bo n alo i, véhiculent une unité tro mpeuse. Quo i de co mmun entre le stress
d'un cadre sup' surbo o ké, la pénibilité multidimensio nnelle d'une caissière de supermarché, l'ango isse d'un salarié de la mo yenne entreprise lo cale en liquidatio n, les changements
radicaux de repères d'un fo nctio nnaire en pleine Révisio n Générale des Po litiques Publiques (RGPP), le mal-être d'une perso nne qui ne suppo rte plus so n chef o u so n co llègue ?
Quo i de co mmun ? Une so uffrance, réelle, légitime, qui do it être entendue... et traitée, sino n prévenue. Mais au cœur d'autant de situatio ns différentes, qui appellent autant de métho des
de préventio n et de traitement différents, finement adaptés.

Ide nt if ie r pré cisé m e nt le s cause s à l'œuvre , le s " f act e urs de risque "
D'o ù la nécessité de mo yens d'investigatio ns, d'analyses, d'o bjectivatio n sérieux et épro uvés, aussi larges que po ssible a prio ri. Les facteurs de risque so nt no mbreux, les
spécialistes des différentes disciplines (psycho lo gie du travail, so cio lo gie du travail, éco no mie du travail, ergo no mie, dro it du travail, médecine du travail...) les o nt investigués avec
éno rmément de finesse. On peut en appro cher une trentaine au mo ins, qui ne peuvent être co nfo ndus. Ainsi par exemple, il serait absurde de n'étudier une situatio n de travail qu'à
l'aune d'un seul facteur (les o bjectifs inatteignables, o u co ntradicto ires, le manque de reco nnaissance, le manque d'auto no mie, la perte de sens, le co nflit de valeurs, la difficulté à
mener de fro nt travail et vie de famille, l'incertitude sur l'emplo i, les relatio ns de travail dégradées, un parco urs sans avenir...). Enfin, si appro cher ces facteurs, un par un, dans une
situatio n de terrain reste relativement accessible, passer de cette image par po ints à une image d'ensemble est nettement plus ardu. Po ur ce faire, le beso in de vrais "généralistes" se
fait cruellement sentir dans le paysage actuel.

Co nst ruire un plan de pré ve nt io n e t de t rait e m e nt qui cro ise t o us le s aspe ct s


Après l'analyse, le diagno stic, vient maintenant le temps du traitement, curatif, et mieux quand c'est enco re temps, préventif. Co mment agir sur ces facteurs, no n pas iso lément mais
d'une faço n systémique. Ici précisément se tient sans do ute le nœud actuel le mo ins fréquenté et peut-être la vraie chance de salut de ces questio ns : Pro gresser dans le débat de
terrain sur les équilibres à co nstruire entre des enjeux largement co ntradicto ires. So yo ns très co ncret sur un exemple : Co mment réguler la charge de travail d'une unité, en tenant
ensemble les o bjectifs de pro ductio n, les attentes individuelles de reco nnaissance, les réalités différentes de co mpétences, d'appétences, de perfo rmances, et enfin le so uci d'équité et
d'efficacité co llective ? Les cho ses se co mpliquent enco re si cette charge est changeante, aléato ire, peu prévisible, demandant des adaptatio ns fo rtes...

C'est en "tenant ensemble" ces facteurs que des équilibres réalistes entre perfo rmance et santé deviennent crédibles, sino n "demande d'auto no mie" o u "beso in de reco nnaissance",
par exemple, restent au stade de vœu pieux. Impo ssible de démêler cet écheveau sans co nvo quer ensemble, chacun dans so n rô le, le prescripteur des o bjectifs, le respo nsable
managérial, la fo nctio n Resso urces Humaines, le représentant du perso nnel et le salarié lui-même, et enfin le médecin, vo ire l'inspecteur du travail. L'apprentissage de cette co -activité
(co mme o n dit depuis des décennies dans le Bâtiment Travaux Publics o ù sur un même chantier travaillent ensemble les différents co rps de métier) n'est pas enco re familier sur no s
sujets dans les entreprises. La qualité d'un dialo gue so cial respectueux et co nscient entre partenaires également fo rmés est do nc cruciale.

Il faut en finir aussi avec cette o ppo sitio n stérile entre les préventio ns primaire (en amo nt, la véritable "préventio n"), seco ndaire et tertiaire, car co mme po ur la grippe, l'incendie o u
l'accident de vo iture, bien sûr il faut avant to ut en éviter l'o ccurrence, mais dès lo rs que le sinistre est là, il faut au mieux en éviter la co mplicatio n et en traiter les effets. D'o ù cette idée,
évidente dès qu'o n est pro che du terrain, qu'un plan glo bal do it embrasser les tro is stades alo rs que certains ne jurent que par le primaire tandis que d'autres se co ntentent de ne
mettre en place que du tertiaire.

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Ide nt if ie r le s m arge s de m anœuvre s
L'identificatio n rigo ureuse des réelles marges de manœuvres de chacune des parties prenantes est une co nditio n réaliste du succès. Exemple fréquent : o ù et par qui so nt décidés les
mo des et o utils de gestio n, les po litiques de Resso urces Humaines, o u bien les o bjectifs et mo yens de pro ductio n ? Parfo is bien lo in des interlo cuteurs immédiats. Ne pas se tro mper
d'o rdre du jo ur o u de destinataire de ses questio ns, mais plutô t tro uver les canaux et les mo yens efficaces de l'actio n est un préalable majeur.

A l'extérieur enfin, les spécialistes qui peuvent éclairer o u acco mpagner les entreprises so nt plus acco utumés à se succéder qu'à réellement travailler ensemble en interdisciplinarité.
Des pro grès significatifs so nt nécessaires ici.

En résumé, cette co mplexité nécessite une appro che très glo bale, po rtée po ur être crédible par la plus haute directio n (co mme le préco nise en to ut premier lieu le rappo rt Lachmann et
al., et ensuite pilo tée o pératio nnellement par un co mité transversal o ù sero nt représentées to utes les parties prenantes, animée par un bo n généraliste qui saura tenir ensemble les
différentes dimensio ns (stratégiques, o rganisatio nnelle, managériale et individuelles) aux différents stades de la préventio n (primaire, seco ndaire et tertiaire).

Vo ilà brièvement quelques directio ns co ncrètes qui do nnent à espérer, au travers d'exemples de plus en plus no mbreux, également enco uragés et incités par les po uvo irs publics, que
ce travail sur le travail change, à to us les niveaux des entreprises o u des o rganisatio ns, les victimes en acteurs de leur santé et de leur réalisatio n au cœur de leur activité
pro fessio nnelle.

Co mment ne pas vo ir enfin co mbien cette appro che très pragmatique des chantiers à mener dans l'entreprise s'agrège en défis so ciétaux majeurs qui no us pressent, co mme par
exemple : co mment so igner le travail et pro téger l'emplo i ? Co mment articuler la satisfactio n individuelle et le climat co llectif ? Y co mpris entre ceux qui travaillent et les autres (les plus
jeunes, les plus vieux, ceux qui so nt sans travail), co mment réussir le mix des génératio ns, co ncilier les représentatio ns si différentes du travail et de so n rô le dans la vie, co mment
tro uver po ur la santé au travail sa juste place dans la santé publique, dans une so ciété qui so uvent bro ie et désespère, co mment s'adapter aux évo lutio ns du mo nde et pro téger en
acteurs respo nsables, les équilibres qui do ivent l'être ?

Si le travail ne do it pas être le seul centre de la vie humaine ni le seul resso rt de la santé, il en demeure à co up sûr un centre vital qui demande to ute no tre attentio n, no tre intelligence
co llective et no tre co urage d'agir.

Benjamin Sahler est co nsultant et ancien respo nsable régio nal à l'ANACT

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Benjamin Sahler, co nsultant
: suicide au travail, santé, sécurité, conditions de travail , Benjamin Sahler

Suicides et travail : au-delà des émotions

Allemagne : prévenir avant tout la dépression


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par Claude Emmanuel Triomphe - 31 Janvier 2011

Po ur é vit e r le s suicide s il f aut pré ve nir la dé pre ssio n e t t ravaille r sur le m anage m e nt co m m e sur la ré silie nce e st im e Karl Kuhn, che rche ur alle m and e n scie nce s
so ciale s e t scie nce s du t ravail. À se s ye ux, le dé bat f rançais sur le s suicide s au t ravail o m e t de t rait e r le s cause s m e nt ale s du suicide

Le dé bat aut o ur de s suicide s au t ravail e st -il part iculiè re m e nt f rançais ?


Je dirais que o ui, c'est un débat typiquement français car le débat auto ur des suicides de France Teleco m a été lié directement
aux co nditio ns de travail. Les suicides so nt la fin amère de parco urs psycho so ciaux dans l'entreprise. En Allemagne no us avo ns
enviro n 9 0 0 0 suicides par an mais aucun cas n'est lié directement au travail o u aux co nditio ns de travail. No us avo ns un plan
natio nal de préventio n des suicides. Le suicide du gardien de l'équipe natio nale de fo o tball Ro bert Enke a pro vo qué un large
débat l'année dernière ; il so uffrait d'une sévère dépressio n -qui l'a co nduit au suicide- mais aucun de ses amis, co llègues ni
même so n co ach n'a détecté sa maladie.

Dans le débat public en Allemagne, les suicides so nt so uvent la fin d'un parco urs lié à des maladies mentales. Avant de
co mmettre un suicide vo us so uffrez so uvent de dépressio n o u de « burn-o ut ». No us discuto ns dans no tre pays sur la
reco nnaissance et sur la détectio n le plus tô t po ssible de la dépressio n. Po urquo i ne pas reco nnaître que les suicides à FT so nt
l'abo utissement d'une maladie mentale co mme la dépressio n ?

Il est difficile de dire qu'il y a un lien direct entre les suicides et les co nditio ns de travail, il s'agit plutô t d'un lien indirect o ù le suicide apparait co mme le résultat d'une suite de
pro blèmes psycho so ciaux. Le « burn-o ut » est so uvent asso cié à la dépressio n. La dépressio n est rarement vue co mme une maladie chro nique qu'elle est po urtant. No us savo ns
que la plupart des suicides so nt asso ciés à une sévère dépressio n. Ainsi il est crucial d'analyser les co nditio ns qui o nt un lien avec la dépressio n même si celles-ci so nt d'o rigines
diverses : caractère perso nnel, génétique, enviro nnement externe...

Sur quo i po rt e le dé bat e n Alle m agne ?


Le débat allemand est centré sur la reco nnaissance des maladies mentales telles que la dépressio n. Le plus tô t po ssible afin d'éviter qu'elle ne devienne chro nique o u sévère. De
no mbreuses études mo ntrent que la dépressio n est la maladie chro nique la plus co ûteuse. Au co urs de la maladie, il existe un po int de no n-reto ur o ù la maladie devient chro nique. De
no mbreuses do nnées américaines sur les co ûts de la dépressio n. D'un po int de vue épidémio lo gique et en se basant sur des do nnées très fiables, no us savo ns que les déso rdres
psycho so ciaux so nt la première cause d'incapacité et des lo ngs arrêts maladie. C'est l'une des raiso ns po ur laquelle les partenaires so ciaux discutent auto ur des meilleurs mo yens
de faire de la préventio n des déso rdres psycho so ciaux, des o utils de mesures dispo nibles et de la faço n de les mettre en place.

Co m m e nt t rait e r le s dé so rdre s psycho so ciaux au se in d'une o rganisat io n ?


De no mbreux déso rdres psycho so ciaux so nt « cachés ». Perso nne ne va dire à ses co llègues o u à ses managers qu'il est « malade » de peur d'être stigmatisé. Il faut dévelo pper la
prise de co nscience des emplo yeurs et des salariés sur le fait que la dépressio n est une maladie et que la perso nne malade nécessite do nc de l'aide et du so utien de la part de ses
co llègues, du management et de l'o rganisatio n. La sécurité au travail et les services de santé do ivent être en mesure de mettre ces pro blèmes à l'o rdre de jo ur.

A ce pro po s, un pro jet euro péen s'est mis en place dans la ville de Nuremberg qui vise à réduire le no mbre de suicides et réunit l'ensemble des acteurs co ncernés (entreprises,
services so ciaux et services de santé, enseignants, cito yens et même prêtres). Ce pro jet a permis de dévelo pper des co ncepts et a réduit très fo rtement le no mbre de suicides dans la
ville. Ce co ncept a été étendu à de no mbreuses autres régio ns d'Allemagne et transféré en tant que mo dèle dans différents pays d'Euro pe.

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D'aprè s vo us, le s co ndit io ns de t ravail m o de rne s so nt -e lle s pré judiciable s à la sant é ?
No us avo ns aujo urd'hui en Allemagne, une so ciété du 24h/24 o ù il n'y a plus d'intimité et o ù vo us êtes susceptibles de travailler to ut le temps. Le travail ne vo us quitte plus au travail, à
la maiso n, pendant le transpo rt, pendant vo s temps de repo s. Plusieurs entreprises o nt intro duit ce qu'elles appellent « le temps de travail en confiance » : vo us avez un co ntrat général
de travail, des o bjectifs vo us so nt fixés mais vo us avez la liberté de fixer la manière d'atteindre ces o bjectifs et le temps que vo us y co nsacrez. Ces métho des de travail peuvent être
préjudiciables à la santé ; la détério ratio n de la vie so ciale entraine la détério ratio n de la santé.

De telles co nditio ns de travail do ivent être acco mpagnées de mesures préventives et de structures de so utien au sein de l'entreprise. Il est nécessaire d'avo ir un équilibre entre
auto no mie et co ntrô le. Il faut aussi repenser les co ncepts de management et de leader. De ce po int de vue, les no uveaux co ncepts de leadership transactio nnel et transfo rmateur so nt
pro metteurs : un manager do it se mo ntrer empathique avec ses co llègues no n seulement en fixant des o bjectifs mais aussi en dévelo ppant une visio n et en appo rtant du so utien. Il
est très impo rtant d'équiper les salariés po ur le changement. La pro mo tio n de la santé mentale et le dévelo ppement du co ncept de résilience dans le management so nt cruciaux.

Co m m e nt vo ye z vo us ce t t e que st io n du m anage m e nt e t du le ade rship e n France ?


En tant qu'o bservateur de vo tre pays, je remarque que la hiérarchie est beauco up plus dévelo ppée et plus lo urde que dans les pays vo isins tels que la Belgique, les Pays-Bas,
l'Allemagne o u enco re les pays scandinaves. C'est un aspect qui do it être po rté à la discussio n co ncernant les co nditio ns de travail et le management.

En m ars pro chain, se t ie ndra la co nf é re nce Euro pé e nne sur la sant é m e nt ale au t ravail à Be rlin : qu'e n at t e nde z-vo us ?
Cette co nférence est la cinquième du genre. Elle est o rganisée dans le cadre du pacte euro péen po ur la santé mentale ado pté en 20 0 8 par l'Unio n Euro péenne. Ce pacte vise à définir
une large stratégie co ncernant la santé mentale. J'espère qu'il en resso rtira que la pro mo tio n de la santé mentale do it être une partie implicite du travail afin de rendre les perso nnes
capables de répo ndre aux no uvelles demandes émergeant de la glo balisatio n et des changements qui en résultent. Bien sûr, il faut adapter le travail à des no rmes que les perso nnes
suppo rtent, mais les perso nnes do ivent avo ir o u acquérir les pré-requis po ur faire le travail. Il faut aussi les adapter aux types et aux rythmes des changements. Le secteur des
Téléco ms en est d'ailleurs un très bo n exemple. Il no us faut travailler en pro fo ndeur sur la no tio n de résilience au travail.

Karl Kuhn a été conseiller principal pour les politiques de santé au travail du BAuA (Bundesanstalt für Arbeitsschutz und Arbeitsmedizin ). Professeur à l'Université Griffith de Brisbane en
Australie, il préside également le réseau européen de promotion de la santé sur le lieu de travail (ENWHP).

Ce s pro po s o nt é t é t raduit s par Claire Pio t

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Claude Em m anue l Trio m phe
: maladie mentale, dépression, Allemagne, Karl Kuhn,

Suicides et travail : au-delà des émotions

Francis Ginsbourger : la souf f rance est une question de pouvoir


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par Francis Ginsbourger - 31 Janvier 2011

Co upable gé né rique , « l'o rganisat io n du t ravail » re vê t e n f ait t ro is f igure s : le capit alism e f inancie r, le m anage m e nt par le st re ss e t la so uf f rance au t ravail.
Ce t t e po st ure e st bie n t ro p co m m o de e t sim plist e co m m e l'e xplique Francis Ginsbo urge r, é co no m ist e du t ravail e t int e rve nant dans le s o rganisat io ns. Il no us
aut o rise à publie r de s e xt rait s subst ant ie ls de de ux art icle s é crit s po ur Esprit (no ve m bre 20 0 9 ) e t po ur l'o uvrage co lle ct if L'Etat pyromane (f é vrie r 20 10 ).

Le suicide est un phéno mène à haute teneur émo tio nnelle, ango issant po ur to ut le mo nde et jamais to talement « explicable », face
auquel o n se to urne vo lo ntiers vers des spécialistes. Po ur l'essentiel, les chercheurs et experts réquisitio nnés sero nt des « psy » - et
la questio n qui leur est adressée o u à laquelle ils cho isissent de répo ndre est invariable : po urquo i ? Un co upable est bien vite identifié
: il s'agit de « l'o rganisatio n du travail ».

Pe t it re t o ur sur le s de rniè re s dé ce nnie s


Cela fait trente ans qu'une sélectio n implicite basée sur le « niveau » sco laire pro vo que des spirales de disqualificatio n des « peu
qualifiés », niant l'expérience des anciens et des « immo biles » qui o nt appris sur le tas. Il n'est pas rare que, lo rs de restructuratio ns
o u après, des o uvriers désespérés se tuent, o u bien qu'ils to mbent malades et meurent. Cela fait plus de vingt ans que l'o rganisatio n
du travail co mbine la discipline du mo de o pérato ire avec le contrôle, plus difficilement co ntestable, des résultats d'après des o bjectifs
quantifiés et, de plus en plus, individualisés. La pressio n que fait peser cette co ntractualisatio n unilatérale a été présente dans les entreprises co ncurrentielles, dans leurs pratiques de
so us-traitance et de reco urs à du travail précaire, bien avant les entreprises publiques et les services publics (tels que les universités).

Cette pressio n a eu des effets sur le co ntenu de l'activité pro fessio nnelle et sur l'image de so i. Cela fait plus de dix ans qu'un go uvernement a fait le cho ix d'impo ser une réductio n de
la durée hebdo madaire du travail par la lo i. De fait, il aura, sur le mo ment, o ptimisé ses perfo rmances « so ciales » aux yeux de l'o pinio n en affichant un taux de chô mage réduit. Sans
do ute aurait-il été mo ins rentable électo ralement, mais plus efficace dans la durée, d'impulser des négo ciatio ns sur l'o rganisatio n du travail, en faisant de la durée hebdo madaire une
variable de négo ciatio n parmi d'autres, do nt la pénibilité (qui, so rtie par la po rte des négo ciatio ns de branche, n'a pas manqué de rentrer par la fenêtre des entreprises).

Depuis près de cinq ans, une lo i quinquennale a institué une négo ciatio n relative à la « gestio n prévisio nnelle de l'emplo i et des co mpétences ». Vite devenue l'affaire des avo cats, des
experts-co mptables de co mité d'entreprise et des DRH, la « GPEC » est le plus so uvent un exercice techno cratique saturé d'arrière-pensées à pro po s des restructuratio ns à venir. On y
parle de to ut sauf de la co mpétence qui se manifeste dans le co urs des activités de travail, des co nditio ns de la pro ductio n de valeur, de ce que so nt des métiers dans to utes les
dimensio ns de ce terme galvaudé par le seul fait d'une définitio n unilatérale. Car le métier, c'est aussi l'entretien d'un pro fessio nnalisme (« avo ir du métier ») et l'appartenance à une
co mmunauté pro fessio nnelle vivante, so urce d'identité (« être du métier »). À défaut de négo ciatio ns fo ndées sur les réalités de l'activité de travail et les métiers, une gestio n RH des
co mpétences, prise dans un registre de l'emplo yabilité, a prévalu.

Parler de la co mpétence, c'eût été discuter aussi des resso urces appo rtées par l'o rganisatio n du travail et le management po ur que la co mpétence de chacun s'exprime et se déplo ie,
de l'o rganisatio n par les co mpétences, de leur valo risatio n, des relatio ns des entreprises et des établissements avec les acteurs éducatifs du territo ire, etc. Les suicides
pro fessio nnels éto nnent parce qu'il y est questio n de co ncepteurs, de co mmerciaux, de cadres. Ils éto nnent parce qu'un sentiment de disqualificatio n et de déclassement gagne des
emplo yés, des techniciens, des ingénieurs, tels ceux qui so nt entrés et o nt pro gressé par la vo ie technique, dès lo rs qu'ils so nt co nfro ntés sans préparatio n à des « métiers »
co mmerciaux o u de service (en fait de changements de métiers, ce so nt surto ut des changements d'affectatio n).

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Que s'e st -il passé che z France Te le co m ?
Po ur résumer, une so rte de mécanisme infernal a été inventé po ur faire partir des salariés qui, par définitio n, n'avaient pas tro uvé à se reclasser, ni suffisamment de resso urces
pro fessio nnelles o u perso nnelles po ur démissio nner et se reco nvertir dans la fo nctio n publique o u dans le privé. Ceux qui restaient étaient do nc les mo ins mo biles, les plus difficiles
à reco nvertir, préjugés tels o u se vivant co mme tels. Puisqu'il était impo ssible de les licencier, alo rs o n a fait en so rte qu'ils partent « d'une manière o u d'une autre », co mme l'écrit Ivan
du ROY. Des dispo sitio ns que l'o n peut effectivement, sans exagératio n, qualifier de perverses, o nt été prises. C'est ainsi que le fameux « Time To Mo ve » (il est temps de changer)
selo n un rythme accéléré de mo bilité, ainsi qu'une po litique vo lo ntariste de « mise en inco nfo rt », o uvertement déno ncée par des cadres de FT, o nt eu cette fo nctio n implicite : po usser
des salariés à la démissio n.

Mettre d'anciens « lignards » o u des techniciens de la co mmutatio n sur des platefo rmes télépho niques o u d'autres po stes intenables pour eux a fait partie des mo yens utilisés à cette
fin. Placer délibérément des gens dans des emplo is qui so llicitent des qualités différentes en to ut po int à celles qui o nt été valo risées dans leur parco urs sco laire et pro fessio nnel
antérieur, c'est créer des co nditio ns maximales de négatio n identitaire. C'est dans cette perspective qu'il faut resituer les suicides. Il en faut, des explicatio ns, po ur résumer le
mécanisme pervers qui po rte en germe les mo bilités fo rcées.

L'existence de ce mécanisme rend difficile d'établir un lien de causalité direct entre les suicides et un co upable générique, fut-ce l'o rganisatio n du travail. Il y a là un faisceau de causes
entrelacées, des po litiques fluctuantes, des dirigeants successifs, des acco rds et des co mpro mis discutables, des diffèrements po rteurs d'effets au lo ng co urs. Le mécanisme pervers
qui a visé des techniciens en surno mbre traduit à l'agestio n d'une mutatio n anno ncée de lo ngue date, au mo ins autant qu'une gestio n intentio nnelle qui peut servir à mo ntrer du do igt
des « co upables ». Bien plus qu'à des questio ns d'o rganisatio n du travail, il renvo ie à une gestio n unilatérale des mo bilités, des parco urs pro fessio nnels et des reco nversio ns.

Une que st io n de po uvo ir


Les suicides pro fessio nnels devraient no us alerter sur le fait que la fo rce implo sive des no uvelles pénibilités et la dimensio n identitaire des changements d'o rganisatio n et des
mo bilités n'o nt guère été perçues, éco utées, entendues. Que l'o n ne sait pas enco re bien les traduire dans des o bjets et instances de négo ciatio n de plus en plus saucisso nnés et
co mplexes.

Si tant est que l'o n puisse attribuer a posteriori une significatio n univo que à de tels actes, je dirais qu'ils reflètent une so uffrance d'impuissance. Co mme d'autres intervenants, j'o bserve
l'émergence d'une critique de l'o rganisatio n du travail qui ne débo uche en rien sur une demande de pro tectio n, de réparatio n, et enco re mo ins d'éco ute co mpatissante. C'est une
critique au nom de la compétence, d'après laquelle des salariés de to us niveaux demandent à être do tés des resso urces et des so utiens permettant d'affro nter les co ntraintes. Ils
demandent à ce que leur expérience serve à l'entreprise, qu'elle so it entendue, reco nnue, capitalisée et remo nte vers le niveau dirigeant. Ils veulent être acteurs dans la manière de
définir des o bjectifs réalistes co hérents avec une stratégie o ffensive face aux co ncurrents dans le mo nde.

Les grandes o rganisatio ns de service au public so nt empo rtées par les ro uages gestio nnaires de leurs ho mo lo gues industrielles qui, hier, co ncevaient, fabriquaient et vendaient en
grandes séries. La gestio n éco no mique du travail qui en déco ule a po ur levier cardinal la pro ductivité, ce qui nie l'épaisseur et la valeur des pro cessus d'apprentissage, leur caractère
co llectif et « o rganisatio nnel » (et no n seulement individuel), les différences dans les manières d'apprendre et les rythmes, variables selo n les gro upes pro fessio nnels, les âges, les
habitus, les expériences antérieures de la vie...Elles so nt empo rtées par la gestio n topdown o ù to ut s'évaluerait d'en haut, o ù rien ne vient renvo yer à quico nque l'effectivité de ses
actes.

Il y a urgence à prendre enfin le temps de faire des « o bjectifs de gestio n » et de leur évaluatio n un o bjet de dialo gues pas seulement bilatéraux ; à débattre des changements
o rganisatio nnels et des dynamiques de métiers en so rte que les managers gèrent les apprentissages et les mo bilités en fo nctio n des gro upes pro fessio nnels, des perso nnes, et de
leurs expériences - en tenant co mpte des identités, des transitio ns à o pérer, des po ints de fragilité à prévenir. Il est grand temps de tro uver le chemin d'actio ns o rganisatrices « équipant

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» les perso nnes po ur faire face aux co ntraintes, plutô t que de les passiver et de les infantiliser.

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Francis Ginsbo urger
: Francis Ginsbourger, suicide, France Telecom, souffrance, travail, organisation, gestion, passiver, infantiliser

Suicides et travail : au-delà des émotions

Améliorer les conditions de travail peut permettre de réduire les suicides


par Clotilde de Gastines - 20 Janvier 2011

Le s m é de cins du t ravail s'at t ache nt t radit io nne lle m e nt à am é lio re r l'e nviro nne m e nt pro f e ssio nne l. Exe m ple e n Slo vé nie , qui co nnait un de s t aux de suicide le s
plus é le vé s d'Euro pe . Me t o da Do dič-Fikf ak, é pidé m io lo gist e e t spé cialist e de s m aladie s pro f e ssio nne lle s, dirige l'inst it ut de m é de cine du t ravail de Ljubljana
de puis 20 0 1 (Klinicni inst it ut za m e dicino de la, pro m e t a in spo rt a, KIMDPS)

En Slo vé nie , le t aux de suicide e st bie n supé rie ur à la m o ye nne e uro pé e nne . Que l a é t é l'é cho de s suicide s che z France Te le co m dans vo t re pays ?
La presse en a fait écho bien entendu et a plus o u mo ins cherché à savo ir s'il se passait la même cho se dans le secteur des Teleco m en
Slo vénie. No tre taux de suicide général est très haut. Il est presqu'aussi élevé qu'en Lituanie o u en Ho ngrie. La tendance est à la baisse sur
plusieurs années, même si o n co mptabilise 40 cas supplémentaires en 20 0 9 par rappo rt à 20 0 8 . Ces suicides so nt fo rtement liés à la crise
éco no mique. Les deux derniers so nt ceux d'un entrepreneur qui a fait faillite et d'un emplo yé a perdu so n emplo i du jo ur au lendemain. Mais en
Slo vénie, ces décès so nt peu médiatisés, car il existe une so rte de retenue, de co de de co nduite des médias.

La cause principale de suicide n'e st -e lle la m aladie m e nt ale , co m m e le co nst at e l'é pidé m io lo gist e Vivianne Ko ve ss ?
Je ne suis pas psychiatre, mais spécialiste de médecine du travail. Je suppo se do nc que to ut dépend de la faço n do nt vo us définissez la maladie
mentale. Si vo us incluez to utes les perso nnes fragiles, o u no n. Car les causes d'un suicide so nt to ujo urs multiples.

Co mme le dit l'épidémio lo giste américain Kenneth J. Ro thman, des causes insuffisantes s'accumulent po ur fo rmer une cause suffisante.
Imaginez une tarte, chaque part de tarte est une cause insuffisante : la relatio n avec vo s enfants, avec vo tre co njo int, vo s o rigines, o u enco re vo tre
situatio n de vie actuelle. Une fo is la tarte co mplète que ce so it avec mille o u 10 parts, vo us avez une cause suffisante po ur vo us tuer. So uvent,
l'élément déclencheur est vo tre situatio n présente, en emplo i o u no n, vo tre enviro nnement immédiat et vo tre travail.

Certains psychiatres so nt d'avis que ces perso nnes qu'elles aient o u no n des patho lo gies mentales o u des déso rdres psycho lo giques, se suicident po ur des raiso ns « para-
suicidaires ». C'est au mo ment o ù vo us perdez l'espo ir que vo us vo us suicidez. En temps de crise, ces deux dernières années par exemple, beauco up de perso nnes o nt ajo uté une
part à leur tarte... Aussi, quand o n dit qu'un taux de suicide est « attendu », je tro uve cela dangereux. L'atmo sphère o ppressive et les co nditio ns de travail malsaines peuvent être la

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so urce de tro ubles mentaux les plus sévères, ainsi que de maladies du co rps.

Si le s cause s du suicide so nt m ult iple s, va-t -o n pré ve nir le s suicide s e n am é lio rant le s co ndit io ns de t ravail ? Que pe uve nt f aire le s m é de cins du t ravail ? Est -ce
suf f isant ?
En amélio rant les co nditio ns de travail, o n va sûrement empêcher certains suicides. En Slo vénie, ce so nt peut-être 10 vies humaines sur 40 qui auraient pu être sauvées en 20 0 9 . Ce
n'est pas rien ! Les représentants du perso nnel o nt un rô le essentiel po ur amélio rer les co nditio ns de vie sur le lieu de travail : parler, info rmer, intégrer les perso nnes dans des
équipes. Il faut to ujo urs respecter la dignité des emplo yés, c'est essentiel po ur endiguer les suicides.

Par co ntre, je suppo se que sans amélio rer les co nditio ns de travail, il est impo ssible d'atteindre et aider les perso nnes qui so uffrent d'addictio ns à l'alco o l o u de dépressio n clinique.

Aussi, la préventio n peut s'effectuer en entreprise en créant un enviro nnement adéquat po ur favo riser la bo nne santé mentale. Je n'imagine pas qu'o n puisse auto riser psychiatres o u
psycho lo gues à entrer dans l'entreprise, à distribuer des questio nnaires. C'est dangereux sur deux po ints : d'une part l'emplo yeur po urrait décliner to ute respo nsabilité, en cas de
suicide, et incriminer le psychiatre. D'autre part la renco ntre d'un psychiatre relève d'une démarche vo lo ntaire et individuelle.

De leur cô té, les po litiques publiques do ivent agir sur le plan des to xico lo gies, faire de la préventio n sanitaire sur l'alco o l et les dro gues. Et au niveau médical, il faut mieux fo rmer les
médecins du travail et généralistes à repérer le suicide. To ute la so ciété do it revo ir so n attitude po ur do nner à chacun les mo yens de se battre, sino n le suicide restera une so rte de
« maladie chro nique ».

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Clo t ilde de Gast ine s

Suicides et travail : au-delà des émotions

France Telecom : après les suicides, de nouvelles organisations ?


par Claude Emmanuel Triomphe - 18 Janvier 2011

Franço is Co che t , dire ct e ur de s act icit é s de sant é au t ravail au se in du gro upe Se caf i re vie nt sur le s dé co uve rt e s de se s é quipe s aprè s le suicide surve nu sur la
plat e -f o rm e d'appe l d'Anne cy e t sur la m aniè re do nt l'e nt re prise e ssaie de re pe nse r se s o rganisat io ns.

Co m m e nt e n t ant qu'e xpe rt auprè s de s CHSCT ave z-vo us vu ve nir la que st io n de s suicide s ?
Cette questio n n‘est pas vraiment no uvelle. Ce qui est no uveau, c'est so n ampleur et le fait qu'o n so rte pro gressivement du
déni. Lo rsque no us interveno ns sur un suicide, no us no us apercevo ns, dans beauco up d'entreprises, qu'il y en a déjà eu par le

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passé et parfo is en no mbre significatif. Ce que no us co nstato ns, c'est qu'un certain no mbre d'entreprises qui o nt co nnu des
suicides o nt aussi cumulé de no mbreux changements sur une pério de co urte et à un rythme accéléré. En tant qu'experts auprès
des CHSCT, no us avo ns une do ctrine et no us no us y teno ns : no tre but c'est de co mprendre et de prévenir, ce n'est ni d'imputer,
ni d'accuser, cho ses qui relèvent éventuellement du rô le de la justice, pas du nô tre.

Selo n Marie-France Hirigo yen, les psychiatres co nsidèrent qu'un suicide est dû à une cinquantaine de causes. Mais n'y en
aurait-il qu'une seule de nature pro fessio nnelle, il co nvient de l'identifier de travailler sur une préventio n po ssible. Ce qui no us
intéresse, c'est de savo ir si une perso nne qui s'est suicidée a été expo sée à des risques psycho -so ciaux dans so n travail et si
o ui, co mment les prévenir o u les réduire. No us no us interdiso ns d'investiguer la vie perso nnelle o u la santé psychique des
perso nnes. Cela ne no us regarde pas et ne regarde pas l'entreprise. Ce n'est pas utile en termes de préventio n. No us allo ns
no us intéresser à la vie pro fessio nnelle du salarié, à to utes les info rmatio ns que l'entreprise peut avo ir eu au co urs de sa carrière, à ses po stes de travail, et vo ir s'il y a des éléments
d'expo sitio n. En restant sur la questio n du travail, no us essayo ns de dégager des pistes intéressantes et ambitieuses.

Re ve no ns à France Te le co m : co m m e nt ave z-vo us pro cé dé ?


Je vais prendre l'exemple du suicide qui a eu lieu dans un centre d'appel à Annecy en septembre 20 0 9 . Ce fut le premier cas o ù Didier Lo mbard, le PDG de l'épo que, s'est déplacé
avec le DRH et le directeur po ur la France. A l'issue de sa visite, il a dit tro is cho ses : suspensio n de la fermeture des petits sites, suppressio n du « time to mo ve », c'est-à-dire de
l'o bligatio n po ur les cadres de bo uger to us les tro is ans, anno nce que le centre d'appel d'Annecy serait un lieu de travail exemplaire. A travers ces tro is anno nces, il a lui même établi
un lien entre les suicides au travail, les co nditio ns de travail, le management et la stratégie de l'entreprise.

Le CHSCT d'Annecy no us a missio nné sur la situatio n de ce salarié. No s investigatio ns o nt mo ntré que le salarié qui s'était suicidé avait beauco up bo ugé au co urs de sa carrière.
Suite à la fermeture brutale de so n ancien service, o n lui avait pro po sé un no n-cho ix pro fessio nnel : so it rester dans so n métier et à so n po ste de travail, mais à 150 km de so n lieu de
vie, so it rester sur so n lieu de vie mais en ayant un emplo i à l'o ppo sé de l'ancien : alo rs qu'il était en back o ffice, il passait en fro nt o ffice, alo rs qu'il était dans la technique, o n le
mettait à la vente. En o utre to utes les mo dalités d'acco mpagnement de sa mutatio n en termes de fo rmatio n et de so utien avaient été lo upées ! En l'o n venait de l'affecter à un plateau
en crise : l'absentéisme y avait do ublé le semestre précédent so n arrivée...

En o bservant les situatio ns de travail, no us avo ns déco uvert que les salariés devaient manier une o ffre beauco up tro p co mplexe qu'aucun d'entre eux ne maitrisait vraiment. Les o utils
info rmatiques à leur dispo sitio n étaient beauco up tro p lo urds, les empêchant de bien travailler : 39 applicatio ns, des temps de répo nse lo ngs, une ergo no mie caco pho nique, et des
scripts rigides po ur répo ndre au client to ut en s'effo rçant de le faire patienter ! A cela s'ajo utait un plateau très exigü et une prime de vente variable, inéquitable et démo tivante.

A cette épo que, la « crise » des suicides avait débuté depuis déjà deux mo is et il y avait de l'affo lement managérial chez France Teleco m. Le mo t d'o rdre était de repérer les perso nnes
fragiles et de vo ir quels po uvaient être les pro blèmes perso nnels des salariés. C'est ce qu'o nt fait les managers et les co llègues du salarié d'Annecy quand ils se so nt aperçu que
celui-ci do nnait des signes de détresse. Ils o nt suppo sé qu'il devait avo ir des pro blèmes perso nnels au lieu d'interro ger ses co nditio ns de travail.

Que lle s o nt é t é vo s pré co nisat io ns ?


No us avo ns fait des pro po sitio ns très ambitieuses à partir de l'analyse du travail. Au départ, la directio n n'en a pas pris la mesure. Mais il est arrivé quelque cho se d'extrao rdinaire : la
présentatio n de no tre rappo rt au CHSCT a duré 4 jo urs tant les salariés avaient de cho ses à dire ! Avec des débats passio nnés sur la respo nsabilité de l'entreprise, sur les mo des de
travail, le management, la difficulté à vendre des pro duits tro p co mplexes, des primes injustes. Au final, le suicide a été reco nnu co mme accident de service. Finalement, no s
pro po sitio ns o nt été tellement appuyées et validées par les salariés, que la Directio n a dû en tenir co mpte. Beauco up so nt aujo urd'hui en co urs de co ncrétisatio n, y co mpris

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l'extensio n du plateau avec 50 0 m² de plus, ce qui n'est pas une mince affaire.

Plus gé né rale m e nt , que l re gard ave z-vo us sur la vague de né go ciat io ns so ciale s dans laque lle e st e nt ré e l'e nt re prise ?
No us n'avo ns pas directement pris part aux négo ciatio ns mais je pense que no s travaux o nt parfo is eu une influence. Beauco up de cho ses so nt inscrites dans le fameux « no uveau
co ntrat so cial explicité par le no uveau PDG et envo yé à to us les salariés. On y tro uve par exemple la phrase : « un travail est engagé en vue de réduire le no mbre d'o ffres et de les
simplifier ». L'entreprise va aussi dégager 50 millio ns d'euro s po ur revo ir ses o utils info rmatiques, ce n'est pas rien. Ce no uveau co ntrat so cial do it beauco up à la série de
négo ciatio ns qui se so nt so ldées po ur beauco up par des acco rds, même si pas to ujo urs signés par les mêmes syndicats. L'acco rd le plus inno vant est sans do ute celui sur
l'o rganisatio n du travail. Rien que le fait d'avo ir négo cié et abo uti sur un thème co mme celui-ci est assez révo lutio nnaire, car po ur l'instant cela relevait exclusivement de la
préro gative de l'emplo yeur.

Et puis dire que l'o n va puiser dans l'intelligence des salariés po ur bien réagir aux beso ins des clients, ce n'est pas rien. Maintenant le défi c'est bien sûr la mise en œuvre des acco rds
et du no uveau co ntrat so cial. Cela demande un changement de culture pro fo nd de la part de to us, y co mpris des syndicats. Cela réclame de la co nfiance et ça, c'est lo ng et co mpliqué.
Dernièrement, no us avo ns effectué d'autres missio ns liées à des réo rganisatio ns chez France Teleco m. Dans certains cas, elles o nt démarré « à l'ancienne » si j'o se dire : o n ne
vo ulait pas entendre parler de l'o rganisatio n du travail. Mais ce qui est no uveau, c'est que dans ces cas, la directio n a abando nné ses pro jets. Ceci dit, une cho se est de sto pper des
pro jets no cifs, une autre est de co nstruire des pro jets po sitifs. Car il est évident que France Teleco m ne peut rester immo bile, qu'elle do it co ntinuer à bo uger dans un univers très
co ncurrentiel.

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Claude Em m anue l Trio m phe
: suicide au travail, France Telecom, Secafi, CHSCT,François Cochet, Claude-Emmanuel Triomphe

Suicides et travail : au-delà des émotions

France Telecom : les bases d'un nouveau contrat social


par Clotilde de Gastines - 01 Février 2011

Laure nt Z ylbe rbe rg, dire ct e ur de s re lat io ns so ciale s, re vie nt sur la crise so ciale e t la m ise e n œuvre d'un no uve au « no uve au co nt rat so cial » che z France
Te le co m -Orange .

La crise so ciale e st -e lle ré so lue che z France T é lé co m -Orange ?


Le plus impo rtant est d'aller vers un changement po sitif et je cro is que le co ntexte s'est sensiblement amélio ré. La répo nse aux
suicides ne po uvait pas être une répo nse individuelle, elle est nécessairement co llective. Je ne suis pas capable d'expliquer le
geste d'une perso nne qui se suicide. Il s'agit de l'intime. Une crise so ciale se réso ut dans le dialo gue so cial.

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Co m bie n de suicide s o nt -ils é t é im put é s à l'e nt re prise ?
Peu de pro cédures so nt en co urs. Il faut distinguer les cas des perso nnels fo nctio nnaires, des co ntractuels. Les premiers
entrent dans le pro cessus des décisio ns administratives et des reco urs qui leur so nt pro pres alo rs que les seco nds so nt
étudiés par les CPAM. Jean-Marc Bo ulanger, Inspecteur Général des Affaires So ciales, a été missio nné par le ministre du travail
de l'épo que Xavier Darco s po ur étudier sept cas.

De puis f in 20 0 9 , vo us ave z signé 8 acco rds : e m plo is e t co m pé t e nce s, st re ss, o rganisat io n du t ravail, sé nio rs.
Vo us inve st isse z 9 0 0 m illio ns sur le « no uve au co nt rat so cial ». Que lle s so nt le s pe rspe ct ive s de m ise e n œuvre ?
Ce n'est pas le no mbre d'acco rds signés qui est gage de la qualité du dialo gue. Un signe de vitalité inco ntestable du dialo gue so cial par co ntre, c'est que to utes les o rganisatio ns
syndicales o nt signé au mo ins un de ces acco rds. Co mme le prévo it la lo i, ils so nt signés au mo ins à 30 % et la plupart d'entre eux so nt majo ritaires.

Leur po int co mmun, c'est qu'ils o nt été négo ciés sur une pério de lo ngue. Et à la fo is, ils fo nt partie d'un no uveau co ntrat so cial, do nt to us les salariés o nt reçu un exemplaire à
do micile (NB : ce no uveau co ntrat so cial prévo it 10 0 0 0 embauches d'ici 20 12, préventio n des risques psycho so ciaux, évo lutio ns de la po litique RH etc...). En 12 à 18 mo is, la réactio n
a été finalement assez rapide face à la crise.

Ces acco rds so nt structurants. Ils so nt nés des résultats de l'enquête Techno lo gia à laquelle 8 0 0 0 0 emplo yés o nt répo ndu, et des assises de la refo ndatio n so ciale (30 0 0 réunio ns).
Ces acco rds so nt le fruit d'échanges avec to us les salariés, et pas seulement entre les Resso urces Humaines et les partenaires so ciaux.

Certains o nt une applicatio n immédiate, co mme le gel des mo bilités po ur une perso nne qui est à tro is ans de la retraite, o u enco re la préventio n des risques psycho -so ciaux. D'autres
éno ncent des principes d'o rganisatio n du travail dans un acco rd très inno vant. Il s'agit de principes qui do ivent être co nfro ntés à la réalité et do nc qui engagent un changement culturel
inscrit dans le temps.

Le pro gram m e de m o bilit é s f o rcé e s a é t é suspe ndu un m o m e nt . Qu'e n e st -il aujo urd'hui ?
Aujo urd'hui, il existe deux types de mo bilités. D'un cô té, celles qui relèvent de la vo lo nté du salarié et qui s'effectuent en fo nctio n des po ssibilités de l'entreprise (10 0 0 0 0 salariés
répartis sur plusieurs centaines de sites). De l'autre, celles liées à des pro jets de l'entreprise, fermeture de site o u autres po ur lesquels les risques psycho co ciaux so nt
systématiquement pris en co mpte. Les pro jets peuvent être très différents les uns des autres. Il peut s'agir d'un déménagement de Paris XIIIème vers Saint-Denis. Quand la distance
est pro blématique, le pro cessus d'acco mpagnement pro po se tro is po stes de niveau équivalent au salarié, o u bien une fo rmatio n si so n métier disparaît. D'o ù la négo ciatio n GPEC en
co urs.

Po ur é vit e r ce t t e crise so ciale , n'aurait -il pas m ie ux valu f aire un plan so cial, plut ô t qu'une re st ruct urat io n sile ncie use ?
Un plan so cial signifierait qu'o n ait eu beso in de pro céder à des licenciements éco no miques. Ce n'est pas le cas.

En ce qui co ncerne les 22 0 0 0 suppressio ns d'emplo i. Celles-ci se so nt faites so us la fo rme de départs en retraite, de mo bilité vers d'autres fo nctio ns publiques, d'essaimage o u de
pro jets perso nnels acco mpagnés. A l'exceptio n des départs en retraite, bien sûr, to us les départs prévo ient une clause de reto ur de 10 ans dans leur co ntrat.

No us n'avio ns pas de raiso n de faire un plan so cial. Do nc le terme de « restructuratio ns silencieuses » n'est pas adéquat... o u alo rs c'est un silence asso urdissant, vu les débats qui
o nt eu lieu.

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L'e nt re prise n'a-t -e lle pas cré é de s sit uat io ns de huis clo s ? On a parlé de « burn out » , de m é t ho de s de m anage m e nt « pe rve rse s », d'af f aiblisse m e nt de s
co lle ct if s.
Je ne cro is pas qu'o n se so it retro uvé en situatio n de huis clo s. Le co llectif de travail s'est mo difié entièrement avec le temps. Le changement a été o rganisé avec les salariés de
l'entreprise. Le bilan so cial po inte par exemple qu'un tiers des salariés o nt plus de 30 ans d'ancienneté, un quart plus de 25 ans. Ces perso nnes o nt participé à la transfo rmatio n de
l'entreprise.

Le co rps so cial de France Teleco m est habitué aux mo dificatio ns, pas seulement techno lo giques. Ce qui est frappant, c'est que la crise so ciale a co ïncidé avec la crise mo ndiale. Po ur
diverses raiso ns autres, ça a co nduit à des inco mpréhensio ns au sein de l'entreprise. Au sein même de l'entreprise il n'y a po urtant pas de grand co nflit so cial malgré le malaise
évident. Je co nstate même qu'au mo ment de la réfo rme des retraites, les jo urnées d'actio ns o nt été davantage suivies que pendant la crise so ciale interne.

Se lo n Francis Ginsbo urge r, ce t t e crise so ciale n'a pas co nduit à une de m ande accrue de pro t e ct io n o u de ré parat io n, m ais plut ô t à une vo lo nt é de dé bat t re de s
m é t ie rs, de s o bje ct if s, de s t ransit io ns. Co nt raire m e nt à l'idé e re çue qu'o n pe ut se f aire d'un f o nct io nnaire , il re f use d'ê t re passif . L'analyse z-vo us co m m e
ce la ?
Dans la vie quo tidienne des équipes de France Téléco m, le statut des gens n'est pas structurant dans le travail, dans ma pro pre équipe, je ne sais pas qui est fo nctio nnaire o u pas. Vu
de l'extérieur, cela n'est pas évident, sans do ute parce que « la garantie de l'emplo i » est perçue co mme un élément très fo rt.

Lo rsque je vais sur le terrain, je remarque que la co nfiance est très fo rte dans la vo lo nté de la directio n d'engager le changement, elle est à démo ntrer to us les jo urs co ncrètement.
Cela se fait par des actes, puis au quo tidien, se transcrit dans des pro po sitio ns po ur reno uer du lien so cial : co mme la platefo rme plazza, un réseau so cial interne. Ou enco re le
« hello to ur » (NB : un to ur de 4 0 0 0 kms dans lequel des salariés vo nt à la renco ntre d'autres salariés en faisant déco uvrir l'ensemble des métiers du Gro upe).

Vo us ave z plusie urs gro upe s, no t am m e nt au nive au e uro pé e n, qui planche nt sur la sant é au t ravail e t le st re ss. Que lle s dispo sit io ns o nt é t é prise s po ur la sant é
m e nt ale ?
Po ur les perso nnes malades, le travail est curatif par principe, mais il est de la respo nsabilité première de l'entreprise de travailler sur la préventio n. Il faut empêcher que les gens qui
so nt en situatio n co mplexe so ient abîmés par le travail. Mais cela ne signifie pas po ur autant qu'une crise so ciale do ive être médicalisée. La répo nse est avant to ut so ciale.

No us avo ns mené un pro jet euro péen dans cette o ptique qui s'intitule « Go o d Wo rk, Go o d Health » (vo ir le détail sur www.gwgh.eu). Enfin, un co mité de gro upe euro péen se penche
sur le stress et est en train d'établir un questio nnaire destiné à l'ensemble des salariés du gro upe d'ici la fin du premier semestre 20 11.

A propos de cet article


Aut e ur(s) : Clo t ilde de Gast ine s
: France Telecom, Orange, contrat social, Laurent Zylberberg, suicide, santé mentale, stress, restructuration, débat, Plazza, Hello Tour

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