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Impacts Environnementaux
Impacts Environnementaux
Gaétan A. Leduc
B onne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales en langue française !
Il faut se réjouir à la sortie de chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la
Francophonie, l’utiliser et le recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’in-
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
fluence, peuvent en tirer profit.
Les auteurs nous font profiter de plusieurs années de travail et d’enseignement universitaire,
au Canada et à l’étranger, ce qui leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils
ENVIRONNEMENTAUX
savent, d’expérience, quels sont les concepts plus difficiles à saisir et peuvent ainsi mettre plus
l’accent, à l’aide d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés
Un outil d’aide à la décision
très actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les asso-
ciations et les ONG œuvrant dans le domaine des évaluations des impacts environnementaux
(ÉIE), ce qui confère un caractère actuel et pratique à leur ouvrage.
ISBN 2-921146-98-3
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L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
Un outil d’aide à la décision
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
Un outil d’aide à la décision
Gaétan A. Leduc
Michel Raymond
Préface de
Normand Trempe
Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale
pour l’évaluation d’impacts
Données de catalogage avant publication (Canada)
Leduc, Gaétan A.
L’évaluation des impacts environnementaux
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 2-921146-98-3
1. Environnement – Études d’impacts. 2. Environnement – Évaluation du risque. 3. Environnement
– Études d’impacts – Méthodologie. I. Raymond, Michel. II. Titre.
TD194.6.L42 2000 333.7'14 C00-940878-7
ISBN 2-921146-98-3
Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2000
Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 2000
ÉDITIONS MULTIMONDES, 930, rue Pouliot, Sainte-Foy (Québec), G1V 3N9 CANADA,
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DÉPOSITAIRE EN FRANCE : Éditions Ibis Press, 8, rue des Lyonnais, 75005 Paris FRANCE,
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Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entre-
mise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités
d’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC)
pour son aide à l’édition et à la promotion.
Les Éditions MultiMondes remercient également les ministères de l'Environnement et des Relations
internationales du Québec pour le soutien particulier qu’ils ont accordé à cet ouvrage.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC
Les auteurs du présent document sont Gaétan A. Leduc et Michel Raymond, res-
pectivement professeur chargé de cours et professeur titulaire de l’Université du Québec
à Montréal (UQAM).
• Gaétan A. Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environnement
de l’UQAM et candidat au doctorat en aménagement de l’Université de
Montréal. Il est professeur chargé de cours au Département de physique et de
géographie, ainsi qu’en maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM.
Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement
(ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation
environnementale stratégique et la gestion de l’environnement.
• Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université de
Sherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques de
l’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’en-
vironnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur
l’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide à la décision.
Le professeur Raymond est actuellement (1997-2000) directeur du Département
de gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).
L’évaluation des impacts environnementaux
VIII
Préface
Bonne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales vient d’être
publié en français! Par sa vocation, le Secrétariat francophone de l’Association inter-
nationale pour l’évaluation d’impacts favorise la publication et la diffusion de docu-
mentation sur les évaluations d’impacts environnementaux (ÉIE), le développement
durable et la participation publique. C’est pourquoi il faut se réjouir à la sortie de
chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la Francophonie, l’utiliser et
le recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’influence, peuvent
en tirer profit.
Dans le cas du présent ouvrage, les auteurs nous font profiter de plusieurs
années de travail et d’enseignement universitaire, au Canada et à l’étranger, ce qui
leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils savent, d’expérience, quels
sont les concepts plus difficiles à saisir, et peuvent ainsi mettre plus l’accent, à l’aide
d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés très
actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les
associations et les ONG œuvrant dans le domaine des ÉIE, ce qui confère un carac-
tère actuel et pratique à leur ouvrage.
Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes,
ingénieurs, politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire, ne serait-ce qu’à
parcourir, un tel ouvrage, et cela pour cinq bonnes raisons.
L’évaluation des impacts environnementaux
La première est qu’il faut briser le mythe qui veut que les ÉIE constituent un ob-
stacle au développement économique. Certaines personnes croient sincèrement que
ce processus a été inventé délibérément par des écologistes radicaux pour empêcher
tout développement. La lecture de ce volume, en particulier le chapitre 1, démontre
au contraire que son objectif est d’assurer la continuité du développement et que la
réalisation de projets est à la base même des ÉIE. En effet, sans projet, il n’y a pas d’ÉIE.
Comme la planification, les montages financiers, les plans et devis et les appels
d’offre, les ÉIE font partie du processus de développement, permettant de voir où l’on
va, quelles sont les conséquences d’un projet, comment l’insérer dans le milieu, ainsi
que de prévoir et surtout de corriger le tir pour éviter des erreurs coûteuses. Quel
industriel refuserait d’entendre un ingénieur le mettant en garde contre tel équipe-
ment ou tel procédé qui a déjà donné de mauvais résultats et risque de paralyser son
entreprise? Pourquoi alors refuser ou tenter d’éviter une étude sérieuse et méthodique
qui pourrait mettre en lumière les problèmes environnementaux ou sociaux pouvant
résulter d’un projet et dont le promoteur risque d’être tenu responsable et d’en payer
les frais?
Certains évoquent les fameux délais occasionnés par ce processus d’ÉIE, surtout
lorsqu’il y a audiences publiques. À cela, il y a trois réponses: la première, c’est qu’il
y a moyen d’intégrer l’évaluation environnementale à l’ensemble du processus de pla-
nification, plutôt que d’attendre à la toute fin pour réaliser cette étape comme un appen-
dice coûteux et inutile. La seconde, c’est que la plupart des réglementations régissant
les ÉIE prévoient des délais maximums limitant le processus à des durées très rai-
sonnables: ces délais sont d’ailleurs bien modestes par rapport à l’ensemble de la pla-
nification d’un projet, qui s’étale souvent sur des années. Enfin, la troisième réponse
tient au fait que les promoteurs eux-mêmes sont souvent responsables de longs délais
lorsqu’ils tardent à fournir des informations requises.
Il importe de briser ce mythe, donc, qui, heureusement, tient de moins en
moins. À preuve, ne remarque-t-on pas que les pays les plus développés, ceux qui ont
connu la plus forte croissance ces dernières années, sont ceux qui ont appliqué le plus
rigoureusement des processus d’évaluation environnementale ? A contrario, les pays
les moins développés n’ont généralement pas de réglementation applicable à cet effet.
X
Le phénomène se vérifie même dans les variations des taux de développement éco-
nomique : lorsque le corpus réglementaire n’est pas renouvelé, mis à jour, resserré,
l’économie prend généralement du retard dans son développement par rapport à celle
des compétiteurs. La réglementation environnementale comme moteur de dévelop-
pement économique ? Pourquoi pas ! Plusieurs pays n’auraient rien à perdre à l’es-
sayer.
Préface
Une fois ce mythe enrayé, la seconde raison de lire cet ouvrage est de comprendre
comment fonctionne le processus des ÉIE. C’est l’objectif premier de ce livre et il y
arrive très bien, car non seulement expose-t-il la mécanique des évaluations, mais il
fait comprendre le rôle et la raison d’être des diverses étapes. En abordant l’ouvrage
avec ouverture et intérêt, on peut alors découvrir tout le potentiel que recèle le pro-
cessus d’évaluation d’impacts.
Ceci nous amène à une troisième raison pour laquelle je souhaite voir les déci-
deurs lire ce volume : ils seront maintenant en mesure de s’approprier le processus,
de s’associer à la démarche et de participer activement et positivement à toutes les
étapes, y compris aux audiences publiques.
En effet, on a trop longtemps fait de ce processus un domaine réservé aux éco-
logistes, alors qu’en réalité il s’agit d’abord et avant tout d’un outil de planification
à l’usage des développeurs. C’est la raison pour laquelle le promoteur est lui-même
responsable de réaliser l’ÉIE, et il doit voir cette obligation non pas comme un pensum
mais comme une occasion de s’assurer de l’acceptation sociale de son projet, de l’amé-
liorer et parfois même d’en faire la promotion. C’est une piste d’essai qui lui est offerte
pour vérifier le comportement du projet et faire des ajustements à peu de frais plutôt
que d’agir après coup, lorsque les travaux sont réalisés ou, pire, lorsque d’importants
dommages environnementaux sont survenus.
Les administrateurs responsables de l’application des processus d’ÉIE peuvent
fournir de nombreux exemples des sommes considérables qui ont été épargnées par
les promoteurs en suggérant des modifications, des améliorations ou des modes de
fonctionnement différents, parfois simplement en posant les bonnes questions.
Aussi voit-on de plus en plus de grandes entreprises intégrer volontairement les ÉIE
dans leurs opérations de planification et participer volontiers à toutes les étapes, y
compris aux audiences publiques, qui en somme leur offrent une excellente occasion
de valoriser leur projet. Voilà une attitude à encourager.
La quatrième raison de lire ce livre, c’est l’élargissement de l’application du pro-
cessus d’évaluation d’impacts. En effet, ce processus a d’abord été développé pour déter-
miner (et prévenir ou atténuer) les conséquences environnementales appréhendées
d’un projet. Mais la notion d’impacts environnementaux a été progressivement XI
élargie aux impacts sociaux, culturels, économiques; le processus est maintenant uti-
lisé pour évaluer les programmes, politiques, plans, réglementations… dans un
esprit de prévoyance, de saine gestion et, somme toute, d’économie à moyen et à long
terme. La tendance d’ailleurs incite à évaluer les impacts le plus en amont possible
des stades de planification des projets.
L’évaluation des impacts environnementaux
Cette évolution des pratiques d’ÉIE n’est sûrement pas terminée et l’intérêt de
nouveaux décideurs pourra permettre de découvrir de nouvelles applications au pro-
cessus d’évaluation, à l’intérieur du cycle général de planification et de gestion du déve-
loppement.
Enfin, le cinquième avantage que les acteurs du développement peuvent décou-
vrir dans ce volume est le fait d’avoir l’occasion de participer à l’évolution du pro-
cessus d’ÉIE lui-même. Maintenant qu’ils en connaissent les objectifs, la raison
d’être, le fonctionnement et la portée, peut-être peuvent-ils proposer des ajustements,
des variantes, des améliorations qui permettraient d’en augmenter l’efficacité, de favo-
riser l’adhésion des développeurs ou d’améliorer la participation des personnes
concernées par les projets.
Les modifications réglementaires sont souvent longues et ardues, car le pouvoir
politique recherche généralement un «juste milieu», un consensus pour ne pas dire
un compromis entre diverses tendances dans la société. Après avoir parcouru cet ouvrage,
les milieux du développement économique devraient être plus à même d’accepter les
améliorations proposées au processus d’évaluation d’impacts, sinon de se l’approprier
et de s’en faire eux-mêmes les promoteurs et les défenseurs.
XII
Table des matières
Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377
de concertation des diverses interventions en vue d’une cohésion éventuelle des pro-
cédures et des pratiques.
Les composantes techniques et les éléments de l’environnement d’accueil, ainsi
que les exigences administratives et réglementaires, sont spécifiques à chacun des pro-
jets. Il est donc hors de question de reprendre intégralement les données et les méthodes
employées par des études antérieures. Toutefois, les méthodes employées et les résul-
tats obtenus peuvent fréquemment être transposés aux fins d’études ultérieures, en
particulier si ceux-ci sont clairement exposés et reproductibles. La nature même du
projet, autant que la compétence et les moyens dont dispose l’équipe d’évaluateurs,
détermine grandement l’approche méthodologique retenue et ultimement la ou les
méthodes d’examen employées. Le contexte législatif et réglementaire délimite lui aussi
le choix des approches utilisées, sans pour autant être dirigiste ni impératif, sauf par-
fois en ce qui concerne le contenu du rapport à être présenté aux autorités.
L’évaluation des impacts environnementaux implique la mise en commun, par-
fois même la confrontation, d’aspects multidisciplinaires de la connaissance. L’étude
ne peut se construire qu’en faisant appel à l’expertise de diverses disciplines, étant donné
la nature multidimensionnelle de l’environnement et de la plupart des projets. C’est
ainsi que les notions techniques et de génie se combinent à celles des sciences phy-
siques, chimiques et biologiques, aussi bien qu’à celles des sciences sociales, géogra-
phiques, politiques, économiques et de la santé. En conséquence, l’ÉIE doit s’exécuter
dans un contexte d’interdisciplinarité ou, à tout le moins, de multidisciplinarité.
Nous pouvons définir de façon préliminaire l’évaluation des impacts environ-
nementaux comme étant l’ensemble des études plus ou moins systématiques sur les
impacts prévisibles, tant directs qu’indirects, qui résultent d’une intervention projetée
(projet, politique, programme) sur un environnement donné. Selon nous, le processus
d’ÉIE renferme trois objectifs distincts mais convergents. Il aspire d’abord à connaître
avec le plus de justesse possible l’importance de l’impact environnemental d’un projet.
Il s’agit donc d’évaluer l’ampleur des modifications qui affecteront l’environnement.
L’ÉIE vise ensuite à réduire les conséquences environnementales néfastes de l’inter-
vention, notamment par l’amélioration du projet initial et la mise en place de
mesures d’atténuation. Enfin, l’ÉIE constitue une composante importante du processus
3
même de décision, notamment pour l’acceptation sociale d’un projet. En effet, cet examen
participe au processus démocratique préalable à une prise de décision avisée visant
une meilleure intégration du développement dans son milieu d’accueil.
Contrairement à la manière habituelle de la concevoir, l’ÉIE définie selon ces trois
objectifs peut devenir une réelle démarche de prise en compte de l’environnement
L’évaluation des impacts environnementaux
dans l’examen d’un projet. L’ÉIE ne résout pas tous les problèmes environnemen-
taux et surtout pas ceux résultant d’erreurs passées. L’ÉIE n’est pas la panacée à tous
les maux qui affectent notre environnement planétaire. L’ÉIE aspire cependant à pré-
voir, à réduire et à légitimer l’impact environnemental du développement à venir.
Le présent document vise l’acquisition des multiples compétences nécessaires afin
de comprendre, d’analyser ou de rédiger un rapport d’évaluation ainsi que d’inter-
préter, de participer ou d’organiser un processus d’examen. La démarche poursuivie
vise donc l’apprentissage des composantes méthodologiques essentielles, la com-
préhension d’un processus type d’étude et la connaissance des plus usuelles méthodes
d’évaluation. Cette démarche s’inscrit dans le contexte de l’incorporation de l’éva-
luation des impacts environnementaux, couramment nommée «étude d’impacts sur
l’environnement», dans les processus décisionnels des diverses autorités, tant du domaine
public que privé. D’autre part, ce livre s’adresse autant aux planificateurs, aux ges-
tionnaires, aux décideurs, aux formateurs et aux évaluateurs qu’aux divers spécialistes
chargés de la prise en compte de l’environnement. Il s’adresse aussi à tous ceux qui
sont intéressés par ce domaine de la connaissance et tout particulièrement aux étu-
diants en environnement ainsi que des disciplines connexes.
L’apport principal de notre ouvrage à l’avancement des connaissances et des pra-
tiques en ÉIE est triple. Notre contribution se retrouve d’abord dans la présentation
systématique des multiples éléments méthodologiques à prendre en compte pour un
examen complet (chapitre 4). Elle se situe ensuite dans la manière originale de dis-
poser ces différents éléments méthodologiques selon les trois niveaux d’examen de
l’ÉIE: scientifique, technique et politique (chapitres 4 et 6 à 8). Enfin, nous propo-
sons une typologie originale des multiples méthodes d’examen des impacts selon cinq
axes d’étude: expertise; modèles et systèmes; représentation spatiale et cartographique;
méthodes comparatives unicritères; et méthodes comparatives multicritères (chapitre 5).
Mais avant d’aborder de plain-pied les fondements méthodologiques de notre tra-
vail, il nous faut survoler le contexte global dans lequel se meut l’ÉIE (chapitre 1) et
délimiter son cadre habituel d’intervention, c’est-à-dire son processus général d’étude
(chapitre 2). Nous porterons ensuite notre attention sur diverses procédures parti-
culières d’examen (chapitre 3), afin de constater l’étendue des possibilités d’intervention
4 mises en œuvre un peu partout à travers le monde ainsi que par les diverses organi-
sations appelées à intervenir dans la pratique de l’ÉIE.
Nous croyons que, telle que présentée ici, l’ÉIE deviendra un meilleur outil d’aide
à la décision. En conséquence, le processus d’examen des projets de développement
n’en sera que plus efficace et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs impliqués par
Introduction
l’avenir de nos sociétés. En définitive, l’objectif de notre travail rejoint le souhait exprimé
par plusieurs à l’effet que l’évaluation des impacts environnementaux puisse devenir
une démarche reconnue et efficace de prise en compte des préoccupations environ-
nementales, au même titre que les aspects techniques et économiques, afin de «cesser
d’être une justification a posteriori d’une décision prise a priori pour devenir le sup-
port d’une véritable négociation environnementale» (Gouguet, 1992).
5
Chapitre
1
Contexte global de l’évaluation
des impacts environnementaux
1. Nous employons le terme « promoteur » dans le sens large d’instigateur et de responsable du projet,
et non pas simplement dans celui de soutien financier à la construction des installations. Ce terme
est équivalent à «maître d’ouvrage» ou «maître d’œuvre».
L’évaluation des impacts environnementaux
les procédures actuelles d’ÉIE sont trop favorables aux «développeurs», l’environ-
nement n’étant pas adéquatement pris en compte face aux aspects techniques et finan-
ciers omniprésents. Pour d’autres, enfin, l’ÉIE peut devenir un mécanisme efficace
de conciliation entre les actions des entrepreneurs et la conservation de l’environ-
nement, et ce, même si l’ÉIE n’est pas un processus neutre d’examen. L’ÉIE consti-
tuerait dans ce cas, malgré ses limites encore trop évidentes, un véritable outil de pla-
nification environnementale, notamment par son indispensable valeur préventive.
Le développement ne représenterait plus alors une longue suite de contraintes
néfastes sur l’environnement, sans possibilités d’atténuation, d’apprentissage et de
recherche de compromis.
L’ÉIE peut être perçue comme une activité se situant dans un cadre général de ratio-
nalisation des activités humaines. Il s’agit alors de l’intégrer dans les processus de ges-
tion et de planification des diverses administrations et autorités impliquées. Son action
s’effectue aussi par l’«internalisation» du coût des dommages environnementaux. Cela
signifie que les dommages environnementaux, notamment les «coûts sociaux», sont
pris en compte dans la comptabilité usuelle des projets, ce qui n’est habituellement
Figure 1.1
Deux approches de développement
Interzone photographie
celui-ci. Par ailleurs, il s’agit aussi de maximiser les impacts positifs, notamment les
impacts socio-économiques, afin de réduire l’impact environnemental global du projet.
Enfin, le dernier objectif, que certains oublient trop souvent, est que l’ÉIE permet la
validation du projet. Cela implique que les conditions requises tant du point de vue
légal, financier que social, et ce, pour les différents acteurs sociaux concernés par le
développement, ont été examinées convenablement. En fin de compte, l’ÉIE agit sur-
tout comme un outil scientifique de planification par sa première orientation, alors
que dans la seconde il s’agit plutôt d’une intervention technique corrective et, dans
la troisième, d’une saine stratégie de gestion (administrative et socio-économique).
et inévitable amélioration 3
Genèse de l’ÉIE
Dès les années 1950, l’impact néfaste de certaines activités humaines sur les écosys-
tèmes était dénoncé par plusieurs scientifiques et pionniers de la conservation de l’en-
vironnement. L’érosion des prairies du Middle West nord-américain et les conséquences
de plus en plus perceptibles des rejets d’eaux usées sur la qualité des cours d’eau ont
favorisé l’émergence de cette prise de conscience. Mais jusqu’à la fin des années 1960,
bien peu de contrôle des activités humaines sur l’environnement existait, comme si
cela n’avait alors que peu de conséquences. À l’époque, l’ÉIE ne trouvait des appli-
cations que de manière fragmentaire et indirecte, notamment par les rares «codes
de bonne pratique» et les quelques projets exceptionnellement envisagés sous l’op-
tique de l’aménagement du territoire. C’est ainsi, par exemple, qu’un ancien décret
de Napoléon, le Décret sur les établissements classés de 1810, proposait une série de
mesures représentant une saine façon de faire; un code de bonne pratique environ-
nementale avant la lettre.
L’évaluation d’impacts est bien sûr tributaire de la perception globale de la société
concernant l’environnement en général. La mise en place de l’ÉIE s’inscrit ainsi dans
la suite des pressions publiques en faveur de la protection de l’environnement. Les
prémisses des interventions législatives américaines en environnement, et dans une
moindre mesure dans l’ensemble des autres pays industrialisés, sont liées entre
autres aux problèmes du phosphate dans les eaux usées, aux inquiétudes concernant
les approvisionnements en eau potable et à l’opposition aux essais nucléaires, des pro-
blèmes très populaires au cours des années 1950 et 1960.
Vers la fin des années 1960, les questions de sûreté des centrales nucléaires vinrent
augmenter considérablement les craintes du public et de certains scientifiques. De plus,
les nombreuses catastrophes environnementales au cours de ces années, notamment
aux États-Unis et au Japon, provoquèrent une intensification des pressions publiques
en faveur de la prise en compte des conséquences des activités humaines sur l’envi-
ronnement. La montée de la conscience environnementale américaine, et dans une
certaine mesure mondiale, faisait donc écho à une série de grandes catastrophes éco-
logiques réelles ou appréhendées. Parmi celles-ci, mentionnons les déversements acci-
dentels de pétrole sur les côtes de Californie et de Bretagne, mais aussi l’affaire de
15
Minamata au Japon et de Séveso en Italie, ainsi que les cris d’alarme lancés par un
certain nombre d’écologistes au cours de la même décennie, notamment Rachel Carson
aux États-Unis (Carson, 1962) et Jean Dorst en France (Dorst, 1966).
Tout cela entraîna la création d’organismes responsables des questions envi-
ronnementales et la mise en place de législations en ce sens. Un peu partout, il se
L’évaluation des impacts environnementaux
3. Depuis 1997, il existe une contrepartie francophone à l’association internationale, le Secrétariat fran-
cophone de l’Association internationale d’évaluation d’impacts (Interface, 1999).
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
Nous verrons en détail dans la section «Concepts, définitions et objectifs de l’ÉIE» que
ces trois objectifs correspondent aussi à trois niveaux d’études de l’ÉIE: politique, tech-
nique et scientifique. Ainsi, au cours de la période classique, le niveau technique semble
avoir orienté les efforts de développement et de mise en œuvre. La période moderne
semble quant à elle se préoccuper avant tout du niveau scientifique. Enfin, la période
contemporaine paraît mettre de l’avant les aspects politiques du processus d’ÉIE.
le début des années 1970 celle-ci se préoccupait déjà des aspects environnementaux
des projets de développement, comme en fait foi la directive environnementale de
1984 (World Bank, 1984). La Banque fut amenée à replacer les considérations envi-
ronnementales par rapport aux considérations économiques et financières dans l’aide
au développement international. C’est ainsi qu’elle se dota de pratiques concernant
la prise en compte de la conservation de l’environnement dans l’élaboration des pro-
jets. Elle se dota en particulier de mesures bien définies concernant l’ÉIE et de nom-
breuses directives furent émises en ce sens.
Comme nous venons de le voir, parmi les plus récents et influents incitatifs en
faveur de la diffusion et de la généralisation de l’ÉIE, on retrouve l’acceptabilité envi-
ronnementale des projets de développement par les grands bailleurs de fonds inter-
nationaux. C’est ainsi que des directives en faveur de l’évaluation environnementale
préalable au financement des projets furent émises, notamment, par la Banque
mondiale (World Bank, 1991), la Banque africaine de développement (African
Development Bank, 1992), la Banque asiatique de développement (Asian Development
Bank, 1993) et la Banque interaméricaine de développement (Inter-American
Development Bank, 1994). La «Déclaration des Banques sur l’environnement et le
développement durable», entente intervenue en 1992 entre 29 grandes banques impli-
quant 23 pays, abondait elle aussi dans le même sens (London, 1993). Cet engage-
ment fut réitéré lors de la conférence internationale des banques à Genève en 1994,
notamment par une meilleure intégration de l’environnement parmi les paramètres
de décision (Dron, 1995). Les récents accords du commerce international, ancien-
nement les « accords du Gatt », viennent eux aussi entériner la pratique de l’ÉIE.
La conférence des Nations Unies, à Rio de Janeiro au Brésil en juin 1992, ren-
força les engagements pris antérieurement en faveur de l’ÉIE et incita une fois de plus
les pays encore récalcitrants à agir en ce sens. Parmi les engagements de
l’Agenda 21(Action 21, 1993) figure l’évaluation de l’impact des projets. De plus, la
Convention sur la biodiversité ratifiée en 1992 (PNUE, 1996) s’ajoutait aux autres
incitations en faveur de la généralisation des pratiques d’ÉIE issues de la rencontre
de Rio. Cette importante et complexe convention présente de nombreuses possibi-
lités pour l’avancement de l’ÉIE (Krattiger et coll., 1994). Le Programme des Nations
22 Unies pour l’environnement (PNUE) s’implique activement dans la promotion de
l’ÉIE par l’organisation d’ateliers de formation et par la diffusion de son manuel du
formateur en ÉIE (PNUE, 1996).
Enfin, on pourrait ajouter, comme encouragement à l’ÉIE, les réactions positives
des autres organismes gouvernementaux et organisations non gouvernementales (ONG),
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
4. Le texte même de la Loi québécoise est peu explicite sur les aspects sociaux du concept «environ-
nement ». La pratique a cependant clairement établi une conception large de l’environnement au
Québec. Une mise en garde placée au début de tous les rapports du Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement (BAPE) depuis quelques années spécifie d’ailleurs clairement la portée élargie
du concept «environnement» en ce qui concerne les impacts sociaux.
L’évaluation des impacts environnementaux
doute pas toujours bien intégré cette conception exhaustive de l’environnement. Elle
semble toutefois recevoir désormais l’acquiescement d’une majorité d’évaluateurs d’im-
pacts. Néanmoins, il n’existe pas encore de définition univoque et universelle de l’en-
vironnement et de ses multiples implications en ÉIE. Celles-ci se différencient donc
d’une procédure d’ÉIE à l’autre.
De son côté, l’«évaluation des impacts environnementaux» peut être définie sim-
plement comme étant «l’identification, l’organisation et l’évaluation des effets phy-
siques, écologiques, esthétiques, sociaux et culturels d’un équipement ou d’une
décision (technique, économique ou politique)» (Poutrel, 1977). En pratique, l’ÉIE
comprend donc « l’ensemble des procédés destinés à déterminer et à prévoir l’effet
que peuvent avoir, sur la santé et le bien-être de l’homme, les projets de loi, les poli-
tiques, les programmes et les projets divers ainsi qu’à interpréter et à communiquer
les résultats obtenus» (Munn, 1975). En conséquence, ils sont de plus en plus nom-
breux à croire que les impacts biophysiques sont inextricablement liés aux impacts
sociaux, et vice versa (Sadar et coll., 1994).
De manière moins traditionnelle, notamment par l’intégration de l’ÉIE dans le
contexte plus global du développement durable, les experts internationaux propo-
saient récemment la définition suivante:
5. Nous définissons le concept de «négociation» dans son sens large. En conséquence, la «négocia-
tion environnementale» regroupe l’ensemble des pourparlers, des réunions (formelles et informelles)
et des tractations (publiques et privées) entre les différentes parties impliquées par la mise en œuvre
d’un projet, en vue d’en arriver à une entente ou à un accord quelconque.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
plans sur les multiples éléments (naturels et humains) de son milieu d’insertion. Ce
processus vise à connaître et à réduire l’impact du projet ainsi qu’à valider son inté-
gration dans le milieu. Il aspire donc à estimer le plus précisément possible l’importance
future de l’impact environnemental, c’est-à-dire prévoir l’ampleur anticipée des modi-
fications résultant des activités humaines projetées. De plus, l’ÉIE espère réduire les
conséquences néfastes de l’intervention, en proposant des améliorations et des cor-
rectifs au projet initial ainsi qu’en suggérant la mise en place de mesures d’atténua-
tion et ultimement de compensation. Finalement, en tant que processus participatif
de négociation environnementale, l’ÉIE constitue une partie importante du processus
même de décision menant à la validation ou non d’un projet de développement dans
son milieu. En conséquence, l’ÉIE est bien plus qu’un simple outil venant éclairer un
processus de négociation et de décision qui lui est extérieur et transcendant.
Objectifs de l’ÉIE
L’ÉIE est habituellement conçue comme ayant deux objectifs, à savoir: «évaluer l’im-
portance des impacts biophysiques et sociaux d’un projet, […] en apprécier l’opportunité
de réalisation compte tenu de ses avantages et de ses impacts environnementaux et,
le cas échéant, […] mettre au point une solution de moindre impact pour sa réali-
sation» (Lacoste et coll., 1988). De manière plus normative, certains conçoivent que
les deux objectifs de l’ÉIE sont: «de faciliter la prise de décisions optimales et inté-
grée» et de favoriser «l’atteinte ou le soutien des objectifs fondamentaux que sont
la protection de l’environnement et le développement durable» (Sadler, 1996).
Mais comme nous le disions précédemment, la démarche d’ÉIE renferme plutôt
un triple objectif, à savoir: la connaissance la plus exacte possible de l’impact envi-
ronnemental des projets, la réduction éventuelle de celui-ci et la compréhension et l’ap-
probation par le milieu des conséquences du projet. En fait, il s’agit d’abord de con-
naître le plus précisément possible toutes les conséquences environnementales que les
diverses activités du projet à l’étude auront sur les différents éléments du milieu d’im-
plantation concerné. Par la suite, l’étude visera à incorporer des mesures cherchant à
atténuer la plupart des impacts néfastes à l’environnement, et accessoirement à opti-
miser (maximiser) au contraire les impacts positifs. Enfin, le processus même de l’ÉIE
est une démarche d’approbation du projet total par les différents acteurs sociaux impli- 27
qués.
De manière plus systématique, les trois objectifs de l’ÉIE sont donc de:
• connaître les conséquences environnementales du projet à l’étude ;
L’évaluation des impacts environnementaux
28
6. Faute d’un terme sans doute plus adéquat et moins sujet à caution, nous employons le terme «poli-
tique»pour l’ensemble des paramètres et des aspects à prendre en compte à ce niveau d’examen.
D’autre part, il s’agit du concept de politique étendu à l’ensemble des relations de pouvoir dans la
société et qui bien souvent recouvrent ou recoupent les dimensions sociales, culturelles, économiques,
administratives et proprement politiques de tous les acteurs d’une société ainsi que les rapports qu’ils
entretiennent dans la gestion des affaires publiques. Il ne s’agit donc pas du concept de «la poli-
tique», définie dans le sens plus restreint des pratiques et des institutions du gouvernement d’un
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
mesurer l’importance des différences et des divergences qui existent un peu partout
à ce sujet.
7. Parmi les réalisations de l’évaluation environnementale, notons les rapports nationaux sur l’état de
l’environnement, l’audit environnemental, le suivi environnemental de la réglementation et
l’examen particulier d’un élément de l’environnement.
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 1.5
L’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE)
et diverses évaluations similaires et apparentées
ÉIE
Évaluation des technologies Audit environnemental
a logical first step in this process [create the viability of earth], because they repre-
sent the opportunity for man to consider, in his decision making, the effects of actions
that are not accounted for in the normal market exchange of goods and services.»
La mise en œuvre d’un processus d’évaluation environnementale devrait donc inter-
venir le plus tôt possible, car «le moment idéal pour étudier en détail les aspects envi-
ronnementaux, sociaux et autres des nouveaux projets se situe très tôt, dès le stade
de la formulation du projet; l’évaluation des impacts doit se faire parallèlement aux
évaluations économiques et techniques, l’étude des premières devant être intégrée à
celle des secondes» (Munn, 1975).
L’ÉIE est plus efficace lorsque son intervention survient promptement dans le pro-
cessus d’élaboration d’un projet, soit dès le stade de la planification. En effet, le coût
des mesures correctives est d’autant plus onéreux que la réalisation du projet est avancée.
Toutefois, il reste que: «environmental action has traditionnally been poorly co-
ordinated, and planners may usefully bring their skills of mediation and negociation
to bear in the wider task of achieving integrated use of natural resources» (Selman,
1992). Il est à tout le moins essentiel que l’examen des impacts se réalise avant que
des décisions irrévocables ne soient prises (Sadar et coll., 1994). Autrement, le coût
des correctifs éventuels, des dommages environnementaux considérables et de fortes
oppositions pourraient compromettre le projet et sa transformation.
Dans un contexte d’intervention non limité, l’évaluation environnementale peut
être perçue comme un mécanisme essentiel et utile d’aide à la décision. L’amélioration
des projets, consécutive à l’élaboration d’un rapport d’études environnementales, repré-
sente une contribution importante à la gestion de l’environnement. De plus, l’inté-
gration en amont (dès les premières étapes de planification) de la prise en compte
de l’impact environnemental représente souvent une économie appréciable, notam-
ment en ce qui concerne la mise en place de mesures correctrices, d’atténuation ou
de compensation.
L’ÉIE devient aussi un instrument efficace d’aide à la décision dans la mesure ou
elle permet une participation accrue du public dans les processus de décision. Le pro-
cessus d’évaluation peut ne représenter que la recherche d’un compromis acceptable
entre diverses parties, mais il devrait peut-être aussi proposer la recherche d’un consensus
34
minimal. Cette quête, en vue de trouver un consensus ou à tout le moins un large
compromis, repose bien entendu sur une stratégie de négociation. Cela suppose consé-
quemment un minimum d’échange de connaissances, donc un processus d’acquisi-
tion de connaissances et de transfert d’informations, mais aussi une ouverture d’es-
prit relativement aux intérêts et points de vue des autres intervenants. Ces deux aspects
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux
indispensables à toute réelle négociation devraient être inséparables eux aussi du pro-
cessus d’évaluation des impacts sur l’environnement.
Dans le contexte général de la démocratie, l’ÉIE suppose une certaine forme de
planification et de participation accrue du public au processus habituel de décision.
L’évaluation permet une ouverture démocratique par la participation des citoyens ainsi
que par la défense des intérêts publics et de ceux de la nature. Elle renforce donc les
idéologies favorables à une démocratie participative, mieux que certains autres
moyens, comme la réglementation environnementale, par exemple, trop souvent écha-
faudée entre experts sans autre consultation (Guigo et coll., 1991). Toutefois, la rela-
tive jeunesse du procédé dans la plupart des pays ne se concrétise, lorsque c’est pos-
Figure 1.7
L’intégration du projet dans l’environnement
Les composantes d’un projet ne s’insèrent pas toujours harmonieusement dans leur milieu d’insertion.
35
Cette autoroute surélevée en milieu urbain (Montréal) redécoupe les anciennes limites territoriales parois-
siales et ce, juste devant le parvis de l’église.
Interzone photographie, 1998.
L’évaluation des impacts environnementaux
sible, qu’avec la participation active d’un petit nombre d’individus autour des
groupes de pressions, notamment les mouvements écologistes et humanitaires.
L’ÉIE peut aussi être considérée comme un instrument efficace de propositions
nouvelles au développement, tout en apportant souvent des améliorations fondamentales
à un projet. Toutefois, les résultats de l’évaluation doivent être présentés de manière
à pouvoir être utilisés efficacement dans les processus de décision (Jain et coll., 1993).
Sans cela, l’ÉIE pourrait de nouveau être perçue uniquement comme un «outil
contraignant qui vise à interdire toute forme de développement» (Guigo et coll., 1991).
En fait, le rôle des chercheurs en évaluation environnementale ne consisterait-il pas
pour le moins, selon la formule de Simos (1990), à «trouver une solution satisfaisante
pour les acteurs en présence»?
Enfin, il existe souvent un fossé important entre les volontés exprimées dans la
législation et les actions concrètes mises en œuvre. En pratique, la procédure d’ÉIE
ne joue pas toujours le rôle qu’elle devrait tenir. Elle est alors restreinte à une simple
obligation réglementaire ne remettant nullement en cause les anciennes façons de faire.
Ultimement par contre, l’évaluation des impacts environnementaux, telle que conçue
dans un cadre élargi et non restrictif, c’est-à-dire en intégrant la planification à long
terme, la réduction des impacts environnementaux et l’implication des divers inter-
venants, pourrait devenir un outil important et essentiel du développement durable.
36
Chapitre
2
Processus général d’étude
de l’évaluation des impacts
environnementaux
L e concept de l’ÉIE varie d’un endroit à l’autre et il évolue dans le temps. Chaque
procédure est donc spécifique à son pays ou État d’adoption à un moment donné.
L’application même de la réglementation varie selon l’état d’avancement de la prise
en compte de l’environnement et de la participation publique dans les processus de
gestion des affaires publiques de chacune des parties en cause. Il n’existe pas de défi-
nition univoque et unanimement acceptée de l’ÉIE, il ne peut donc y avoir de
démarche méthodologique générale et universelle. Toutefois, le contexte global dans
lequel s’insère l’ÉIE est fondamentalement similaire d’un endroit à un autre et
conséquemment les diverses procédures sont en grande partie semblables. À partir
des « règles de l’art» en ÉIE, il est possible, au moins en théorie, de proposer un pro-
cessus type, qui grosso modo s’apparente à un processus général d’étude applicable
un peu partout, avec tout de même quelques précautions.
Ainsi, et malgré l’évolution temporelle des concepts et des procédures, il est pos-
sible, voire même souhaitable, à des fins pédagogiques, de délimiter un «processus géné-
rique» d’ÉIE. Ce processus théorique type, que nous proposerons sous la forme d’une
«procédure simplifiée» d’ÉIE, comprend les principales étapes usuelles minimales d’un
processus d’évaluation d’impacts convenable. Nous illustrerons ensuite à l’aide d’un
processus général plus détaillé l’ensemble des opérations successives de l’étude d’un
L’évaluation des impacts environnementaux
38 Interaction activités-effets-impacts
Le terme «impact environnemental» n’a pas partout ni toujours la même définition,
ni la même dénomination, d’ailleurs. Il existe ainsi plusieurs appellations pour des
concepts plus ou moins apparentés de l’«impact». Certains auteurs emploient l’ex-
pression « répercussion environnementale », alors que d’autres préfèrent « incidence
environnementale ». Depuis quelques années, cependant, les termes « effet » et
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux
«impact» bénéficient de la faveur de la plupart des experts. Pour la plupart des auteurs,
aucune distinction n’est faite entre ces deux résultats d’une activité, les deux étant
confondus sous une même appellation, variable selon l’auteur choisi. Généralement,
les effets et les impacts ne font pas l’objet d’une distinction bien nette, ni d’un trai-
tement distinct. Ces deux notions sont donc la plupart du temps confondues. Dans
le texte du NEPA, par exemple, ces termes sont synonymes, mais les auteurs semblent
préférer l’emploi d’effets (effects).
Par contre, pour plus de rigueur et afin d’éviter une certaine confusion, il est pré-
férable de différencier les termes «impact» et «effet». Bien qu’elle ne soit pas retenue
actuellement par la majorité des experts, cette distinction entre les effets et les
impacts, introduite par Sorensen (1971) dès les débuts de l’ÉIE, a été reprise et jus-
tifiée peu après par Munn (1977), puis entérinée de nouveau par Simos (1990).
L’interface entre la société et l’environnement est habituellement subdivisée en
deux opérations seulement : les actions humaines et les impacts environnementaux.
Cependant, il est plus adéquat de retenir une typologie composée de trois constituantes:
les «activités humaines», les «effets» des actions et les «impacts sur l’environnement».
Cette distinction en trois temps bien distincts est capitale afin d’estimer correctement
toutes les conséquences environnementales des activités humaines dans leur milieu
d’insertion. En effet, ne considérer que les émissions polluantes d’une installation donnée,
ce qui représente un effet environnemental, sans se préoccuper de l’impact même de
cet effet sur de multiples éléments de l’environnement serait préjudiciable à l’examen
complet des incidences environnementales d’une activité humaine. Dans ce cas bien
précis, les impacts, probablement nombreux, affecteraient les humains, les bâtiments,
la faune, la flore, la qualité de l’eau, etc. Bien sûr, il est souvent plus facile de n’es-
timer que les effets, mais la prise en compte complète et globale de l’impact envi-
ronnemental d’un projet s’en trouve ainsi amoindrie.
Nous croyons donc qu’il est essentiel de séparer l’évaluation des effets de celle
des impacts, et ce, tant d’un point de vue pédagogique que pour la rigueur métho-
dologique même de l’ÉIE. C’est ainsi que nous considérons que les actions humaines
ont, dans un premier temps, des effets sur l’environnement, puis que, dans un
deuxième temps, ces effets engendrent à leur tour des impacts sur l’environnement.
39
Le schéma de la figure 2.1 illustre cette typologie à trois constituants de l’impact envi-
ronnemental. Chacune des activités du projet peut donc avoir un ou plusieurs effets,
et à son tour chacun des effets peut causer un ou plusieurs impacts. Les possibilités
d’effets causés par d’autres effets, ainsi que d’impacts produits par d’autres impacts,
n’ont pas été illustrées ici afin de ne pas alourdir la représentation.
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 2.1
Typologie « activités-effets-impacts » et multiples possibilités d’interactions
Activité
du projet
Impacts
environnementaux
Effets
environnementaux
Activité du
projet
Impacts
environnementaux
Effets
environnementaux
Les activités du projet, ou actions humaines, englobent autant les projets soumis
à l’étude que les projets de loi, les politiques et les programmes. Afin de déceler cor-
rectement et complètement les diverses activités éventuellement perturbatrices, il est
nécessaire de connaître les moindres détails du projet proposé ainsi que tout ce qu’ils
impliquent (Jain et coll., 1993). Une connaissance insuffisante du projet ne permettra
qu’une estimation incomplète ou approximative des activités perturbatrices et consé-
quemment des impacts possibles. La subdivision et le niveau de détails pour les diverses
activités dépendent de l’importance relative de chacune d’elles, mais aussi de l’am-
pleur des effets appréhendés pour chacune. Ainsi, on regroupera les activités simi-
laires et ces regroupements seront d’autant plus vastes que les effets ou impacts anti-
cipés seront mineurs. Par contre, les effets ou les impacts importants d’activités
particulières recommanderont un traitement non regroupé de ces activités.
40
L’effet sur l’environnement peut se définir de façon très générale en tant que pro-
cessus mis en branle ou accéléré par une intervention humaine (Munn, 1975). Selon
Veuve (1988), l’effet environnemental représente la description d’un événement qui
est la conséquence objective de l’action envisagée (l’activité), le déboisement d’une
surface de territoire, par exemple. L’effet représente l’incidence directe d’une activité
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux
Qualité de l’environnement
déterminé ou à un moment
bien précis.
Amplitude
La figure 2.3 reprend la de l’impact
présentation de la variabilité
de l’amplitude de l’impact B
environnemental dans le
Évolution avec projet
temps, à partir de la com-
paraison de deux états de –
Évolution temporelle de l’écosystème
référence du milieu. Cette
nouvelle représentation cor-
respond mieux à la complexité réelle de l’évolution d’un élément de l’environnement
dans le temps.
L’interaction effet-impact
La relation entre un effet et un impact varie. Elle est plus ou moins complexe selon
le cas. La variation de l’intensité d’un effet n’entraîne pas nécessairement une varia-
tion proportionnelle de l’intensité de l’impact. Il existe des relations proportionnelles,
ou fonction linéaire, mais aussi des effets d’amplification et des réactions de seuil, toutes
deux propices à des fonctions non linéaires plus ou moins complexes. Schématiquement,
ces diverses fonctions entre l’effet et l’impact peuvent être représentées comme à la
figure 2.4. La figure présente l’évolution temporelle de ces trois différentes fonctions.
La prise en compte de ces relations successives se complique grandement lorsqu’on
ajoute une perspective temporelle. C’est ainsi que l’impact sur un élément de l’envi-
ronnement d’un effet environnemental induit par une activité peut varier selon une 43
fonction linéaire, mais il peut aussi varier selon une fonction non linéaire, voire selon
une fonction non linéaire complexe, ce qui est encore plus difficile à anticiper.
Plusieurs impacts évoluent dans le temps selon des fonctions non linéaires complexes;
c’est notamment le cas lors de rejets polluants dans l’eau ou lors de modifications affec-
tant la distribution et la répartition d’espèces. Bien souvent, l’évaluation d’un élément
L’évaluation des impacts environnementaux
Fonction
non linéaire catastrophiques» ou «effets
Fonction
de seuil».
linéaire
Les multiples interac-
Fonction
tions possibles entre les acti-
non linéaire vités, les effets et les impacts
complexe
peuvent être représentées
EFFET comme dans le schéma de la
figure 2.5. Ce schéma montre
qu’à partir de chacune des activités du projet plusieurs éléments environnementaux
peuvent être affectés1. Dans le cas présent, seulement trois éléments sont affectés par
l’une des activités, celle de la construction de la route d’accès. Les effets interviennent
ensuite, au nombre de deux ou trois seulement par élément de l’environnement dans
cet exemple. Puis apparaissent les impacts environnementaux en plus grand nombre;
ils sont eux-mêmes issus des effets.
Dans cette figure la représentation ne respecte pas la succession que nous avions
présentée auparavant vis-à-vis de l’effet qui résulte directement d’une activité avant
de produire un impact, en passant par l’environnement. Toutefois, ces figures per-
mettent d’anticiper l’abondance et la diversité des aspects à traiter ainsi que la com-
plexité du traitement des données, pour des projets d’une certaine envergure. Cela
est d’autant plus vrai que les effets et les impacts indirects, secondaires et cumulatifs
n’y sont pas indiqués.
Le schéma présenté à la figure 2.6 montre par contre la séquence d’interactions
que nous proposons. Cet exemple ne fait intervenir qu’un seul élément de l’envi-
ronnement; il s’agit ici de la forêt, et ce, à partir d’une seule activité perturbatrice.
44
Dans ce cas, trois effets environnementaux seulement ont été identifiés. Puis une série
Figure 2.5
Interactions entre activités, éléments, effets et impacts environnementaux
Activités et Éléments de
Effets Impacts
composantes l’environnement
......
.........
......
.....
......
Arpentage .........
..... ......
d’impacts, neuf dans le cas présent, viennent compléter l’identification des incidences
environnementales de l’activité du projet. Une telle présentation peut être fort utile
pour un élément significatif dans l’analyse d’un projet. Le niveau de détails peut en
être amélioré en conséquence de son importance. Certains impacts auraient très bien
pu, par exemple, être indiqués comme étant le résultat d’effets croisés.
L’évaluation environnementale permet donc de connaître, de comprendre et de 45
mieux évaluer et plus complètement toutes les conséquences possibles sur l’envi-
ronnement de la mise en œuvre des activités et des composantes d’un projet. Une
analyse rigoureuse déterminera et évaluera, de façon explicite et détaillée, toutes les
conséquences d’un projet, aussi bien les effets que les impacts, et ce, que ces consé-
quences soient directes, indirectes ou cumulatives.
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 2.6
Interactions d’une activité et ses effets et impacts
sur un élément commun
Dans le cas des évaluations externes, plusieurs types sont aussi possibles. Les orga-
nismes de contrôle de la procédure réalisent des évaluations souvent très complètes.
Dans ces cas, il s’agit de vérifier tout d’abord la conformité de l’examen effectué par
les évaluateurs avec les directives exigées (termes de référence), mais aussi afin de fournir
un éclairage complémentaire aux décideurs. Certains groupes d’intervenants et 47
même de simples citoyens réalisent des évaluations de plus en plus complètes afin de
participer avec plus de discernement et de connaissances à l’examen d’un projet et
de tenter d’influencer la prise de décision. Les groupes environnementaux, du local
à l’international, préparent de mieux en mieux leurs interventions. Enfin, les firmes
L’évaluation des impacts environnementaux
ou les promoteurs concurrents peuvent eux aussi participer directement ou par l’en-
tremise d’intermédiaires à la réalisation d’évaluations plus ou moins complètes du projet.
Tous les types d’évaluations que nous venons d’examiner font bien sûr appel à
des évaluateurs. Il existe par conséquent plusieurs types d’évaluateurs possibles. Tous
n’ont pas nécessairement les mêmes objectifs et ils ne défendent pas toujours les mêmes
intérêts. L’évaluateur d’impacts est lui-même l’un des acteurs impliqués dans le pro-
cessus d’évaluation. Chacun occupe une place déterminée dans le processus d’examen.
Certains des évaluateurs sont des agents du promoteur ou d’une firme privée engagée
expressément pour réaliser l’évaluation. D’autres sont les agents du gouvernement,
de l’organisme de contrôle ou d’autres organismes gouvernementaux. À l’opposé,
d’autres sont les agents d’une firme de contre-expertise, de représentants de groupes
de riverains ou d’organismes environnementaux. Enfin, on retrouve le citoyen vigi-
lant et réfléchi ou celui qui se trouve à subir malgré lui les conséquences négatives
de la mise en place du projet.
L’évaluateur, quel qu’il soit, est un acteur important du processus d’évaluation.
Qu’il s’implique de lui-même ou qu’il le soit par l’entremise de son travail, il ne peut
nier complètement ses propres intérêts, ses opinions et ses jugements de valeur. Il ne
faudrait surtout pas sous-estimer l’importance du rôle des humains dans les orga-
nisations. Les lois, les techniques, les normes et la science ne s’expriment que par l’ac-
tion d’humains dans la réalité, même dans les plus sophistiqués des systèmes infor-
matisés. Leur rôle dans la mise en œuvre et le déroulement des affaires publiques est
donc crucial; il ne devrait surtout pas être négligé. De plus, le processus d’évaluation
s’inscrit dans une négociation environnementale qui déborde facilement les consi-
dérations techniques et scientifiques. La nature humaine ne s’agite pas uniquement
de manière objective et rationnelle, et comme jusqu’à maintenant l’évaluateur d’im-
pacts est de cette nature, tout concourt à voir en lui l’un des acteurs majeurs du pro-
cessus d’ÉIE et non un simple exécutant impartial.
Les responsabilités de l’évaluateur d’impacts sont considérables, et ce, d’autant
plus qu’elles sont multiples et parfois contradictoires. En effet, l’évaluateur a d’abord
des obligations envers ceux qui l’emploient : le promoteur, l’organisme de contrôle
ou le groupe d’intervenants. Il a cependant d’autres obligations, tout aussi impor-
48
tantes, vis-à-vis de ses pairs (corporation professionnelle et experts de l’évaluation
d’impacts) et par rapport à la connaissance (scientifique et technique). Finalement,
dans la plupart des cas, il est assujetti, de manière formelle ou informelle, à certaines
règles d’éthique et de respect des sujets mêmes d’études (population actuelle et future).
En conséquence, sa mission est complexe et parfois fort délicate. Son bien-être et sa
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux
sérénité seront mieux servis s’il fait preuve d’un esprit critique en toutes choses et
s’il est en mesure d’éviter les situations de dépendance de toutes sortes.
d’orienter l’évaluation détaillée qui sera éventuellement réalisée et, d’autre part, de
proposer immédiatement des correctifs au projet.
Les conclusions de cette étape renvoient donc à l’examen du projet et elles en modi-
fient en conséquence l’élaboration initiale. Selon les résultats de l’évaluation initiale,
et selon la procédure en vigueur, plusieurs solutions s’offrent alors pour la poursuite
du cheminement de l’étude. Le projet pourrait être accepté immédiatement, soit tel
que proposé, soit avec des modifications mineures. Dans ce cas, cette évaluation ini-
tiale représente en fait une évaluation «finale et complète» du projet. Par contre, le
promoteur pourrait être dans l’obligation de revoir l’élaboration du projet présenté
et on retournerait alors à la case de départ. Enfin, l’étude du projet initial pourrait
se poursuivre et on passerait alors aux diverses étapes de la phase d’évaluation
détaillée du projet. À l’occasion, le projet est tout simplement abandonné dès cette
étape.
La phase proprement dite de l’évaluation des impacts ou d’examen détaillé com-
prend les quatre étapes suivantes: le cadrage, l’identification, la prédiction et l’éva-
luation. Ces étapes représentent généralement le cœur de l’ÉIE et bien sûr la partie
qui nécessitera le plus d’efforts, de temps et de moyens.
Cet examen détaillé du projet débute de plus en plus par une procédure dite de
«cadrage» (scoping), aussi nommée «détermination du champ» de l’examen (Sadar
et coll., 1994). Il s’agit plus précisément d’un processus de hiérarchisation des enjeux
L’évaluation des impacts environnementaux
mis en cause par le projet à l’étude. Cet exercice de hiérarchisation vise à déterminer
les aspects les plus significatifs à étudier. Il a donc pour objectif d’orienter le plus effi-
cacement possible les efforts de l’examen détaillé complet qui doit suivre. Habituellement,
cet exercice de planification et de hiérarchisation des enjeux de l’examen détaillé à
effectuer est la conséquence directe de l’interprétation des résultats de l’évaluation
initiale (screening) à partir de l’expertise même des évaluateurs. En ce sens, cette étape
est parfois confondue et intégrée à la précédente.
L’identification consiste à parfaire l’analyse préliminaire de l’évaluation initiale.
Elle vise une compréhension complète et détaillée du projet et de l’environnement
à l’étude. Il s’agit d’abord de relever précisément les diverses composantes du projet,
c’est-à-dire les diverses activités, les procédés de fabrication et les émissions probables
ainsi que les composantes reliées à l’élaboration et à la réalisation complète. Cela com-
prend les activités de toutes les phases de réalisation du projet. Il s’agit ensuite d’iden-
tifier et de décrire les divers éléments de l’environnement, à savoir les éléments bio-
physiques tout autant qu’humains, pouvant être affectés par la mise en œuvre du projet.
Cette dernière opération est communément nommée «caractérisation du milieu».
On fait ici appel aux connaissances des diverses disciplines engagées dans l’étude, bio-
logie, chimie, physique, géologie, sociologie, géographie, histoire, économie, anthro-
pologie, archéologie, etc., afin de dresser l’inventaire des divers éléments. Il s’agira ensuite
de relier ces deux premières études afin de déterminer les interactions entre les acti-
vités du projet et les éléments de l’environnement. Le résultat constitue l’identifica-
tion des impacts potentiels.
L’étape de la prédiction, nommée aussi «estimation», consiste à caractériser l’im-
pact des activités ou des effets environnementaux prévus sur les diverses composantes
de l’environnement. Il s’agit d’estimer l’ampleur appréhendée des modifications que
subiront les éléments de l’environnement à la suite de la réalisation du projet. Les impacts
identifiés lors de l’étape précédente sont alors réexaminés de manière à en connaître
l’évolution prévisible dans le temps, c’est-à-dire pour la durée de vie du projet.
L’estimation des modifications anticipées se fait à partir d’indicateurs (descrip-
teurs/critères) spécifiques à chacun des objets d’étude. Ces indicateurs sont déterminés
lors de la réalisation des inventaires de l’étape précédente. Le résultat de cette étape
52
représente la somme des études particulières exécutées pour chacun des impacts appré-
hendés. L’étape de la prédiction peut aussi permettre l’émergence d’impacts non prévus
lors de l’identification préliminaire. Cela entraînera nécessairement de nouvelles études
ou, à tout le moins, une nouvelle formulation des résultats de l’identification.
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 2.8
Schéma général du processus d’ÉIE aux États-Unis
Pas d’ÉIE
exigée
Projet
proposé
Évaluation
Indéterminé
environnementale
ÉIE
exigée
Cadrage
Suivi et mesures
d’atténuation
Rapport final
Approuvé d’évaluation Modification
Projet
rejeté
Réalisation du projet
Suivi
55
Source: Traduit et adapté de Wathem, 1992.
Figure 2.9
Déroulement possible d’une étude,
de l’élaboration initiale au suivi postprojet
oui
Assujettissement
Avis
de projet non Directive
Contrôle
Suivi postprojet
Commission
Autorisation d’étude
Exploitation
Mise en œuvre oui
non
Figure 2.10
Étapes et délais du processus fédéral américain du NEPA
Résoudre et résumer
les commentaires
de projet et étude sommaire publiques du rapport
d’étude
Min. 15 j.
Enseignement
dans l’agence
Commentaires
d’autres agences
et du public
Rapport de la décision
Présentation finale du
+ commentaires reçus
Rapport d’étude
d’impacts public
Minimum de 90 jours
7 mois ou +
Dans ce schéma temporel, les diverses prises de décision inhérentes à tout pro-
cessus d’ÉIE ainsi que les différents acteurs impliqués sont clairement identifiés. L’on
constate que le processus d’ÉIE est beaucoup plus étendu que la rédaction même du
rapport d’évaluation. Il s’étend des premières étapes d’évaluation jusqu’à la décision
en faveur ou non de la réalisation du projet, en passant par la remise finale du rap-
port d’évaluation. La décision finale de réaliser ou non le projet est en fait extérieure
à l’évaluation elle-même. Rappelons que le rapport d’évaluation n’est habituellement
qu’une des composantes essentielles contribuant à la décision.
L’ÉIE oriente bien sûr cette prise de décision, mais la décision elle-même n’est
pas une étape à proprement parler de l’évaluation accomplie par les évaluateurs. Comme 57
nous l’avons mentionné précédemment, les évaluateurs ne peuvent que présenter les
meilleurs arguments en faveur ou à l’encontre de la réalisation du projet, ainsi que
des recommandations à cet effet. La prise de décision est exécutée par d’autres, soit
par les autorités compétentes mandatées à cet effet, soit en bout de ligne par le pro-
moteur qui décide lui-même de retirer, de modifier ou de réaliser son projet.
Chapitre
3
Procédure particulière d’examen
de l’évaluation des impacts
environnementaux
en est la source. Au Canada, ainsi que pour la plupart des pays fédératifs ou confé-
dératifs comme les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne ou la Suisse, il existe une pro-
cédure fédérale applicable à l’ensemble du pays, ainsi qu’une douzaine de procédures
régionales (provinces et territoires) et plusieurs procédures locales ou spécifiques (muni-
cipalités et régions autochtones). De plus, des procédures administratives (ministères
et organismes gouvernementaux) et corporatives (grandes entreprises et associations)
apparaissent aussi en grand nombre depuis quelques années. À côté de la législation
officielle, il existe donc un ensemble de procédures administratives qui déterminent
ou imposent une démarche complète ou partielle d’ÉIE, tant dans le domaine public
que dans le secteur privé. Du côté de l’État, il peut s’agir de normes ou de pratiques
issues d’une politique gouvernementale, d’une procédure administrative de l’État ou
du respect d’une convention internationale. Dans le secteur privé, cela concerne avant
tout l’autorégulation des grandes entreprises privées en matière d’environnement (poli-
tique environnementale corporative, code de bonne pratique environnementale et guide
de procédure d’ÉIE).
En plus de cette variété de procédures, l’examen d’un projet varie aussi selon les
conditions particulières d’assujettissement d’un projet. L’examen exigé varie aussi en
fonction du type et de l’ampleur du projet en question. Pour une même procédure,
tous les projets ne sont pas obligatoirement soumis aux mêmes exigences, celles-ci
peuvent être plus ou moins sévères. Le déploiement de l’étude à l’ensemble des phases
de préparation et de réalisation du projet est lui aussi très variable selon les cas. Il
n’est pas rare de constater que les phases de planification et de conception des pro-
jets, ainsi que celle de la fermeture des installations, ne laissent que très peu de place
à l’évaluation des impacts environnementaux, sinon aucune. Ces phases importantes
de la planification d’un projet ne font alors pas partie de l’examen de l’ÉIE. Cette situa-
tion déplorable de la portée de l’ÉIE dans une optique de développement durable l’em-
porte néanmoins à l’heure actuelle.
Depuis quelques années, nous assistons à une véritable extension et à une rela-
tive uniformisation des procédures d’évaluation des impacts environnementaux. Cela
est grandement attribuable à la mondialisation des marchés, là comme ailleurs, mais
surtout à l’influence des organismes internationaux et à la montée universelle des pré-
60 occupations concernant le développement durable. Originellement employée dans
certains pays occidentaux, l’ÉIE se répand peu à peu à l’ensemble des pays. L’engoue-
ment récent de son utilisation n’est sans doute pas étranger à la mise en place de pro-
cédures bien définies d’ÉIE de la part des grands bailleurs de fonds internationaux,
notamment par la Banque mondiale. Cette dernière initiative entraîna, et incite encore
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
aujourd’hui, les pays retardataires à mettre en place des procédures d’évaluation des
impacts environnementaux.
Enfin, le temps apporte parfois des modifications substantielles. L’évolution des
idées et des pratiques poursuit son œuvre. C’est ainsi que les pratiques actuelles sont
habituellement plus complètes que celles d’il y a vingt ans. Souhaitons seulement qu’on
pourra réitérer cette affirmation en 2020.
particulières est l’un des aspects les plus importants de cette stabilité résultante du
droit. Lorsqu’il est clairement exprimé et largement diffusé, le droit constitue alors
une rassurante orientation des pratiques. Cela oblige tous les intervenants à agir dans
un cadre bien déterminé, mais celui-ci est connu de tous et présumé stable, au moins
jusqu’à une éventuelle réforme.
La législation, comme la réglementation qui en est issue, demeure toutefois en
vigueur au-delà des réalités qu’elle croit encore représenter. Pour les progressistes, notam-
ment la plupart des groupes de citoyens, le droit est souvent perçu comme un domaine
d’intervention publique constamment en retard sur les préoccupations du moment;
alors qu’au contraire, pour les traditionnels, et tout particulièrement pour plusieurs
promoteurs, la législation devancerait plutôt les possibilités d’intervention. Le droit
environnemental, malgré l’importante évolution des dernières années, n’échappe pas
à cette réalité, bien au contraire. Ainsi, le récent débat au sujet de la nouvelle législa-
tion québécoise en évaluation d’impacts présente très bien en son sein l’opposition
entre les divers tenants du développement durable et les défenseurs du développe-
ment économique libéralisé des interventions de l’État. Le droit environnemental ali-
mente en somme l’inépuisable controverse entre les intérêts privés et l’intérêt public.
L’introduction du droit environnemental dans un nouveau pays, tout particu-
lièrement dans les «pays en voie de développement», apporte ou implique parfois
de sérieux remaniements dans les façons de faire. Cela est particulièrement vrai en
ce qui concerne l’ÉIE, tant pour les pays qui ne disposent que de faibles assises démo-
cratiques que là où les impératifs du développement escamotent encore les considé-
rations environnementales. Les impératifs du développement, tout comme les struc-
tures traditionnelles de pouvoir, s’opposent encore plus fortement au plein et complet
épanouissement de l’évaluation intégrale des impacts des projets de développe-
ment. L’absence presque totale de groupes de pression voués tant à la défense des droits
de l’environnement que des citoyens limite grandement toute prise en compte véri-
table de l’ÉIE. Lorsque le pouvoir est fortement hiérarchisé et concentré entre peu
d’acteurs, la portée de l’ÉIE est plutôt limitée comme processus de planification et
de participation publique.
Le droit environnemental, toujours en cours de formulation, est fragmenté en
64
champs d’application et en domaines de compétence à l’intérieur même de l’ensemble
du droit. Différents domaines environnementaux recoupent divers domaines du droit
classique et cela pose souvent des problèmes et des contraintes de juridiction. C’est
ainsi que l’instauration d’une législation globale sur l’environnement, par exemple
la mise en place d’une loi nationale sur la protection de l’environnement, devra recouper
et regrouper diverses législations antérieurement régies sous des domaines et des
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
responsabilités très diversifiés. Cette situation pose déjà et posera sans doute encore
longtemps des limites et des contraintes à une pleine responsabilité du droit envi-
ronnemental. Toutefois, la mise en place d’une politique globale de l’environnement
atténue l’importante fragmentation de son champ d’application. La mise en place d’une
législation en ÉIE exige précisément une grande intégration d’ensemble. Cette inté-
gration concerne d’abord les multiples administrations impliquées par le processus
d’examen. D’autre part, elle implique un regroupement des multiples législations et
réglementations sectorielles qui régissent les éléments de l’environnement et les acti-
vités génératrices d’impacts.
L’éparpillement du droit environnemental est parfois accentué par le partage des
compétences entre divers paliers de gouvernement. Nous avons mentionné que c’est
le cas au Canada et au Québec avec une répartition des responsabilités entre les divers
organismes du pouvoir fédéral et ceux des autorités provinciales et municipales. C’est
aussi le cas de la plupart des pays où plusieurs niveaux de gouvernement se partagent
là aussi les responsabilités. Dans la plupart des «pays en voie de développement», la
situation est parfois compliquée par la présence de pouvoir traditionnel en parallèle
aux institutions modernes officielles.
La réalisation d’une étude d’ÉIE doit tenir compte d’une multitude de lois et de
règlements autres que ceux spécifiquement dédiés à cet effet. Au Québec, par
exemple, le recueil de lois et de règlements sur l’environnement comprend quatre lois,
L’évaluation des impacts environnementaux
dont celles sur les pesticides et la conservation de la faune, ainsi que vingt-quatre règle-
ments d’application. Il faudrait aussi y ajouter les 130 lois et règlements sur la faune
et les parcs, comprenant des sujets comme les oiseaux migrateurs, les parcs, les pêche-
ries et les droits de chasse. En outre, certains aspects de l’examen concernent d’autres
domaines d’application, comme la Loi sur les biens culturels, celle sur la protection
du territoire agricole ainsi que celles sur l’expropriation et la protection des personnes
et biens en cas de sinistre. De plus, 63 lois et règlements du gouvernement du Canada
concernent en tout ou en partie le domaine fédéral d’intervention environnemen-
tale, dont la Loi sur les produits dangereux, celle sur les ressources en eau et celle sur
la protection des eaux navigables. Bien sûr, un certain nombre de directives minis-
térielles et gouvernementales ainsi que des politiques et programmes gouvernementaux
viennent ajouter à la complexité de la législation québécoise. Enfin, la juridiction muni-
cipale et celle des Municipalités régionales de comté (MRC) viennent à leur tour aug-
menter le nombre de dispositions et de contraintes législatives et réglementaires. Parmi
celles-ci, mentionnons la réalisation de schémas d’aménagement, de plans d’urba-
nisme ainsi que des codes et règlements de construction et de lotissement.
La nature même de la législation soulève aussi d’autres questions. Ainsi, les inten-
tions et les objectifs du législateur en faveur d’une réglementation donnée peuvent
nous fournir de précieuses informations sur le contexte légal global. S’agit-il d’inciter
la société à agir selon certains comportements jugés socialement convenables? Ou
s’agit-il, au contraire, de punir et de restreindre des attitudes et des conduites jugées
répréhensibles pour le mieux-être de la société ou de l’environnement? Cette double
nature de l’intervention du droit, traduisant et traduite par le jeu des pressions poli-
tiques, vacille donc entre une indulgente attitude incitative et la forte manière coer-
citive. Cette dernière situation se retrouve fréquemment en droit environnemental,
particulièrement par le grand nombre de normes environnementales concernant les
rejets. En ce qui concerne l’ensemble de l’évaluation des impacts environnementaux,
la législation serait plutôt d’une nature incitative. Cette attitude incitative laisse une
marge de manœuvre assez importante aux responsables de la réalisation de l’étude
d’impacts, notamment en ce qui concerne la démarche méthodologique et le choix
des méthodes utilisées.
66
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
l’ouest du pays à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le champ d’ap-
plication de l’autorité fédérale ne concernait alors que les activités des organismes
du gouvernement fédéral canadien lui-même ainsi que quelques domaines de com-
pétence bien particuliers, notamment les pêcheries et les oiseaux migrateurs.
En 1987, le ministre de l’Environnement annonçait une consultation nationale
concernant la réforme du processus canadien d’évaluation. En juin 1990, le gouver-
nement canadien présentait un premier projet de loi, le projet C-78, ainsi qu’un ensemble
de réformes aux façons de faire en vigueur jusqu’alors. Le projet sera éventuellement
modifié en projet de loi C-13, pour finalement être sanctionné en juin 1992 par le
Parlement canadien. La première loi fédérale en ÉIE modifiait légèrement la procé-
dure canadienne d’évaluation adoptée jusque-là. La Loi canadienne n’est entrée en
vigueur qu’en janvier 1995.
Jusqu’à la fin de l’année 1994, toutefois, le PÉEE, couramment nommé PFÉEE
(Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental), s’appliquait sur les
territoires et les domaines de compétences fédérales. La procédure canadienne d’éva-
luation s’appliquait exclusivement aux projets visés suivants :
• ceux sous l’autorité fédérale, comme promoteur d’un projet;
• ceux en tout ou en partie financés par une autorité fédérale;
• ceux d’une autorité fédérale administrant le territoire en question;
• et ceux pour lesquels le fédéral doit délivrer un permis pour la mise en œuvre
du projet (ces projets comprenant des éléments sous juridiction fédérale).
Notons que la Loi canadienne sur l’ÉIE ne viendra aucunement modifier ce champ
d’application du pouvoir décisionnel du gouvernement fédéral. Les autres projets que
ceux visés directement par règlement ne feront toujours pas l’objet d’une interven-
tion fédérale.
Il existe aussi une possibilité d’exclusion à la procédure d’évaluation pour certains
projets, soit en raison de leur présence sur une des listes d’exclusion, soit lors de situa-
tions de crise nationale (d’après la Loi sur les mesures d’urgence), ou soit pour un projet
en réaction à une situation de crise. Ces situations exceptionnelles dépendent du pou-
voir discrétionnaire du ministre de l’Environnement. 69
La procédure canadienne d’évaluation comprend, entre autres choses, la délivrance
d’un certificat d’évaluation environnementale et la formation d’organismes consul-
tatifs et de recherche. L’organisme du gouvernement canadien chargé du contrôle et
du développement de la recherche était jusqu’en 1994 le Bureau fédéral d’examen des
évaluations environnementales (BFEÉE).
L’évaluation des impacts environnementaux
La nouvelle loi maintient toutefois en vigueur le «Décret sur les lignes directrices
visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement», approuvé
par le gouvernement en 1984. C’est ainsi que les règles d’assujettissement des pro-
jets demeurent les mêmes. Seule vient s’ajouter la possibilité d’intervention «trans-
frontière», en vertu de la Convention sur l’ÉIE dans un contexte transfrontière que
le Canada vient récemment de ratifier. Par ailleurs, la nouvelle procédure précise qu’en
vertu de la Loi, un «projet» désigne aussi bien la réalisation d’un ouvrage qu’une acti-
vité concrète non liée à un ouvrage.
Une autre des principales modifications concerne la possibilité de renvoyer, devant
une commission d’étude ou devant un médiateur, l’examen des impacts interpro-
vinciaux, à défaut d’une entente interprovinciale préalable. De façon similaire, les «effets
internationaux» peuvent être mis en évidence par une évaluation de même type. De
plus, la Loi propose de nouvelles dispositions en ce qui concerne les « Terres sur les-
quelles les Indiens ont des droits », améliorant ainsi un des problèmes épineux
actuellement au Canada.
Finalement, la nouvelle loi crée l’Agence canadienne d’évaluation environnementale,
un nouvel organisme du conseil du ministre canadien de l’Environnement. L’Agence
remplace l’ancien Bureau fédéral d’examen des évaluations environnementales
(BFEÉE). Les objectifs de la nouvelle agence d’évaluation sont:
• de gérer le processus d’évaluation environnementale ;
• de promouvoir l’uniformisation des procédures au Canada ;
• de promouvoir et de mener des recherches ;
• de promouvoir l’évaluation environnementale ;
• et de veiller à la participation du public.
On prévoit qu’une douzaine de règlements seront ou sont déjà adoptés afin de
rendre opérationnelle la Loi. Parmi ceux-ci, les quatre règlements suivants sont essen-
tiels à son bon fonctionnement:
• la Liste des dispositions législatives et réglementaires;
• la Liste d’exclusion ; 71
• la Liste d’inclusion ;
• la Liste d’études approfondies.
L’évaluation des impacts environnementaux
3. Pour en savoir plus long sur le processus canadien d’évaluation environnementale, nous conseillons
la lecture du Guide du citoyen publié par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE)
(ACÉE, 1994) ainsi qu’un document très intéressant du Service de la protection de l’environnement
d’Environnement Canada intitulé « Mesures législatives sur la protection de l’environnement
conçues pour l’avenir – Une LCPE renouvelée» (Environnement Canada, 1995).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 3.1
Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental
Oui
Liste
Projet d’exclusion
Non Examen préalable
Évaluation initiale
Modification
Impacts Impacts Impacts
importants insignifiants inacceptables
Abandon
Autoévaluation
Examen indépendant
Commission ad hoc
Directive
Étude d’impacts
Audiences
publiques
Rapport de
la commission
Décision Décision/exécution
ministérielle
Réalisation du projet
73
Suivi
Nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploi-
tation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévus
par règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen
des impacts sur l’environnement prévue dans la présente section et obtenir un cer-
tificat d’autorisation du gouvernement.
Les projets à être soumis à cette procédure sont énumérés sur une liste fournie
dans le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement».
La procédure prévoit la possibilité de tenir une audience publique. Cette audience
est décrétée par le ministre de l’Environnement à la suite de demandes justifiées de
la part du public. Le ministre peut toutefois déclarer « frivole » toute demande en ce
sens; dans ce cas, il n’y aurait pas d’audience publique. Dans tous les cas, cependant,
l’étude d’impacts réalisée sera rendue publique par le Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement (BAPE) après l’examen interne du ministère de l’Environnement.
Le cheminement du dossier au BAPE débute donc par la période d’information
et de consultation publique. Puis, selon qu’il y a demande ou non du public à l’effet
de tenir des audiences, l’examen se poursuit ou le dossier chemine directement vers
la décision finale. Dans le cas d’audience décrétée par le ministre, une commission du
BAPE est formée afin de tenir la consultation publique et d’en faire rapport au 77
ministre de l’Environnement. Le rapport du BAPE comprend les observations, les com-
mentaires et les remarques, tant positifs que négatifs, exposés oralement ou par écrit
devant la Commission. De plus, il s’accompagne de recommandations générales
(acceptabilité du projet) et de recommandations particulières (modifications à
L’évaluation des impacts environnementaux
4. Le premier rapport du BAPE fut déposé en 1979 et portait sur deux projets de gazoduc.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 3.2
Procédure québécoise d’évaluation et d’examen environnemental
Assujettissement
Non
Oui
Phase II
Réalisation de l’étude Réalisation de l’analyse
d’impacts environnementale
Recevabilité de l’étude
Non
Consultation publique
Oui
Audience publique
Rapport d’audience
Décision du
gouvernement
Réalisation du projet
Phase VI
Surveillance et suivi
Figure 3.3
Cheminement d’un projet en audiences publiques au BAPE
Rapport de la Commission
Décision du Décision du
Ministre ministre
45 jours 4 mois
et les organismes intéressés viennent présenter, verbalement ou par écrit, leurs com-
mentaires sur le projet à l’étude et sur l’étude d’impacts présentés. Ces commentaires
peuvent être favorables ou défavorables, ils peuvent déboucher sur des propositions
ou des recommandations, tout comme il peut s’agir simplement de fournir de l’in-
formation ou une réflexion à propos du projet. De nouveau, la Commission assiste
les participants dans l’expression de leur point de vue. Il ne reste plus alors qu’à rédiger
le «rapport de la Commission». Ce dernier se doit d’être le reflet des opinions expri-
mées en cours d’audience, tout en apportant un nouvel éclairage sur l’ensemble de
l’examen réalisé. Le rapport se termine habituellement par les recommandations de
la Commission. Il est ensuite acheminé vers le ministre de l’Environnement, enta-
mant ainsi la cinquème phase du processus.
La phase V en est une de prise de décision. Elle débute par l’«analyse ministé-
rielle», qui n’est que le prélude à la «décision du gouvernement » et à l’émission du
décret gouvernemental. L’« analyse ministérielle » consiste à préparer la décision
gouvernementale qui va suivre. Le ministre de l’Environnement, en consultation avec
les autres ministères impliqués et sur la base des divers rapports d’examen possibles
(étude d’impacts, analyse environnementale et rapport d’audience ou de médiation),
justifie sa position quant à la possibilité de réaliser le projet. Des conditions de mise
en œuvre peuvent alors être ajoutées aux autres recommandations du Ministre afin
de rendre acceptable la réalisation du projet. La décision finale revient toutefois au
Conseil des ministres du gouvernement du Québec, après discussion à partir du rap-
port d’analyse ministérielle. La décision du gouvernement, favorable ou non, est publiée
sous la forme d’un décret gouvernemental.
La dernière étape de cette phase décisionnelle débute par la décision ultime du
promoteur lui-même. En effet, ce dernier doit décider de l’issue finale selon les pos-
sibilités qui lui sont offertes. Il peut soit réaliser, modifier ou retarder la mise en place
du projet prévu et accepté, soit, dans le cas d’un refus gouvernemental, reprendre
l’examen d’un nouveau projet ou abandonner toute visée en ce sens. Lors de cir-
constances exceptionnelles (de nombreuses craintes ou des oppositions manifestes
exprimées lors de l’examen), le promoteur pourait aussi décider, de sa propre initiative,
d’abandonner tout simplement la réalisation de son projet. Toutefois, cette phase se
84 termine habituellement par la «réalisation du projet».
La dernière phase de la procédure, la phase VI, concerne la surveillance, le contrôle
et le suivi du projet. Cette ultime étape peut s’étendre sur plusieurs années après la
mise en place des installations et le début des opérations relatives au projet.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
La procédure que nous venons d’examiner ne s’applique que pour le Québec méri-
dional, d’autres régimes étant en vigueur dans les régions nordiques. Ils sont le résultat
d’ententes antérieures entre le gouvernement canadien, le gouvernement québécois
et les groupes autochtones habitant les vastes territoires du nord du Québec. Ces ententes
sont survenues dans le cadre des délibérations sur les projets hydroélectriques de la
baie James ayant abouti à l’accord contenu dans la Convention de la baie James et
du Nord québécois. Deux règlements particuliers régissent ainsi le nord du Québec;
ce sont le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement
et le milieu social dans le territoire de la baie James et du nord québécois» (c.Q-2,
r.11) et le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement
et le milieu social dans le Nord-Est québécois» (c.Q-2, r.10). Le projet hydroélectrique
Grande-Baleine précédemment mentionné se situe justement à l’intérieur de ces limites
du Québec nordique.
sont depuis suspendus. La mise en place de la nouvelle loi suppose aussi la présen-
tation et l’adoption d’un nouveau règlement général, le «Règlement sur l’évaluation
environnementale» (L.R.Q., c. Q-2, a. 31.9.20), encore en phase de consultation. Les
délibérations entre les différents acteurs sociaux et économiques se poursuivent en
fait depuis bientôt une dizaine d’années, et ce, uniquement afin de réviser légèrement
une loi existante. Ce long exercice de négociation expose clairement les difficiles com-
promis de la négociation environnementale entre les multiples intérêts.
Parmi les innovations espérées notons que tout programme ou toute politique
du gouvernement provincial pourra désormais être soumis à la procédure d’évalua-
tion d’impacts. Actuellement, seuls les projets sont assujettis. En outre, les autorités
municipales pourront elles aussi demander d’y être soumises. La nouvelle Loi qué-
bécoise sur l’évaluation prévoyait aussi les modifications substantielles suivantes :
• la tenue d’une audience publique ou d’une médiation, à la discrétion du Ministre;
• la détermination de deux types de projets, ceux à enjeux ou impacts majeurs
et ceux à enjeux ou impacts mineurs;
• de nouveaux pouvoirs discrétionnaires du ministre de l’Environnement et du
gouvernement du Québec, particulièrement en ce qui concerne le retrait de
certains projets à une partie (audience publique) ou à la totalité de la procé-
dure d’évaluation.
La détermination des projets selon qu’ils impliquent ou non des «enjeux ou impacts
majeurs » illustre clairement l’un des aspects subjectifs de l’ÉIE, laissant libre cours
au pouvoir discrétionnaire des autorités. La démarcation des projets entre ceux à enjeux
majeurs et ceux à enjeux mineurs est décidée par le ministre de l’Environnement, puis
approuvée par le gouvernement, à partir d’une liste de projets contenue dans l’éven-
tuel règlement. En fait, la deuxième liste peut contenir des projets à enjeux ou impacts
majeurs ou mineurs, le choix étant laissé de nouveau à la discrétion du Ministre et
du gouvernement. Il existe bien sûr un risque de confusion important entre les deux
types de projets, et il est bien possible que cette dichotomie ne soit pas retenue dans
le projet de loi qui sera effectivement mis en place. Cet aspect équivoque, source de
nombreuses discussions contradictoires entre les intervenants, ne sera probablement
86 pas retenu dans la nouvelle législation.
L’accroissement du pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres et du
ministre de l’Environnement, notamment en ce qui concerne le pouvoir de soustraire
un projet à la procédure, représente actuellement l’un des enjeux retardant la mise
en application de la Loi. Le pouvoir accru des autorités gouvernementales dans le pro-
cessus est un lieu propice de désaccord entre les divers intervenants.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
(déchets, substances nocives ou dangereuses ainsi que le bruit et les odeurs). Ce n’est
qu’aux articles 82 et 83 que le Code aborde le thème de la procédure d’étude d’im-
pacts. Le premier de ces articles soumet tout projet pouvant porter atteinte à l’envi-
ronnement à la procédure d’étude d’impacts. Le deuxième article (83) signale, d’une
part, qu’un décret d’application devra préciser la procédure globale à suivre ainsi que
les projets qui devront y être soumis (ce sera le décret de 1989), et que, d’autre part,
un arrêté de l’autorité ministérielle chargée de l’environnement (l’Arrêté 990 à
venir) devra réglementer le contenu, la méthodologie et la procédure à suivre.
Le Décret codifiant les études d’impacts sur l’environnement (Décret 199/PRG/
SGG/89) de novembre 1989 décrète obligatoire la réalisation d’une étude d’impacts
dans le cas des projets mentionnés sur une liste d’inclusion placée en annexe. Seuls
sont exclus les « travaux d’entretien et de grosse réparation» (article 2). Les types de
projets soumis à la procédure d’ÉIE selon les secteurs d’activité sont:
• aménagement rural: exploitation forestière;
• domaine public maritime et fluvial: endigage, ports, exploitation des ressources
minérales en zones maritimes, aquaculture, pêche industrielle, rejets de sub-
stances dans le milieu marin;
• secteur de l’énergie: barrages hydroélectriques et centrales thermiques, lignes
électriques et stockage souterrain d’hydrocarbures;
• extraction de matériaux: exploitation de carrières, concession et exploitation
minière, et stockage souterrain de déchets industriels;
• infrastructures de transport: aérodrome, voies ferrées et routes ainsi qu’oléo-
ducs et gazoducs;
• installations classées: usines et manufactures de première classe;
• tourisme et loisirs: camping, hôtels (plus de 50 lits) et établissements de loi-
sirs de nuit ;
• aménagements des eaux continentales: aménagement des cours d’eau, ouvrages
d’adduction d’eau et programme d’irrigation ;
• urbanisme: grands projets d’urbanisation, dont stations d’épuration et de trai-
tement. 89
Quant à lui, l’Arrêté 990 du ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement
(Arrêté 990/MRNE/SGG/90) de mars 1990 énumère en détail les différents éléments
que devrait contenir le rapport de l’étude d’impacts. Une deuxième section, beau-
coup plus sommaire, détermine les grandes étapes de la procédure ainsi que les délais
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 3.4
Carte du monde
part, comme l’enseignement et le transfert des connaissances entre les pays indus-
trialisés et ceux en voie de développement constitue l’un des mandats prioritaires de
tels organismes, l’ACDI parraine désormais un programme de renforcement insti-
tutionnel et universitaire en Afrique francophone (ACDI, 1994). Les agences d’aide
internationale des autres pays ont elles aussi établi des politiques et des programmes
similaires.
Parmi les autres incitatifs influents en faveur de la diffusion et de la généralisa-
tion de l’ÉIE, on retrouve les grands bailleurs de fonds internationaux. Ces derniers,
grâce à de nouvelles exigences concernant l’acceptabilité environnementale des pro-
jets de développement, espèrent inciter tous les promoteurs, et par ricochet tous les
décideurs du monde entier, à prendre en compte l’environnement dans l’évaluation
d’un projet. L’initiative des grands bailleurs de fonds en faveur de l’évaluation envi-
ronnementale, préalable au financement des projets, s’accomplit grâce à l’émission
92 de lignes directrices et de politiques bien précises. C’est notamment le cas de la Banque
mondiale (World Bank, 1991) et de la Banque africaine de développement (African
Development Bank, 1992), que nous verrons en détail plus loin. Ce premier mou-
vement international en faveur de l’évaluation environnementale des projets est appuyé
par des traités ou des conventions internationales concernant l’environnement, et tout
particulièrement par la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement
dans un contexte transfrontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
parfois du seul fait de la non-solvabilité des derniers propriétaires en titre. Ainsi, aux
États-Unis, dans le cadre législatif du CERCLA (Comprehensive Environmental
Response, Compensation and Liability Act 1980), dénommé couramment «Superfund»
(Superfund Amendments and Reauthorization Act of 1986 (SARA)), la prise en charge
d’un site contaminé, même par la simple exécution d’une hypothèque, rend ipso facto
l’institution financière responsable. En avril 1992, une «circulaire» de l’EPA, EPA Final
Rule on Lender Liability, s’est efforcée de redresser quelque peu la situation en faveur
des banques, sans toutefois dénier toutes les responsabilités de celles-ci (London, 1993).
Il y est notamment question du droit de l’emprunteur d’exiger un audit environne-
mental ou une remise en état du site, ainsi que le respect de la réglementation envi-
ronnementale en vigueur. Cette nouvelle pratique signifie que non seulement le res-
ponsable d’une contamination du sol pourrait être contraint de réparer les dommages
causés, entre autres en décontaminant le terrain en question, mais l’acheteur ulté-
rieur du terrain aussi ou la banque ayant accordé un financement à la société
condamnable.
En mai 1992, à New York, les représentants de grandes banques commerciales
adoptaient la « Déclaration des Banques sur l’Environnement et le Développement
durable». La déclaration insistait sur les responsabilités collectives vis-à-vis de la conser-
vation de l’environnement et du rôle prioritaire de l’environnement parmi les acti-
vités des entreprises, y compris pour les banques. Les signataires (29 grandes banques
impliquant 23 pays) s’engageaient à faire respecter les « meilleures pratiques en
matière d’environnement», et ce, en tant que facteur clé pour une gestion efficace
de l’entreprise (London, 1993).
L’un des plus profonds encouragements en faveur de l’ÉIE découle sans doute
des nombreuses poursuites en dommages consécutives aux catastrophes environne-
mentales des dernières années. Parmi ces catastrophes, notons les poursuites des com-
munes françaises contre la Standard Oil, à la suite du déversement de pétrole de l’Amoco-
Cadiz (1978), celle de l’Exxon-Valdez sur les côtes de l’Alaska (1990) et tout
particulièrement les poursuites contre les dirigeants de l’entreprise responsable des
meurtrières vapeurs toxiques de Bhopal aux Indes (1985). Dans ce dernier cas très
révélateur et lourd de conséquences, plusieurs membres étrangers de la haute direc-
94 tion de l’entreprise furent traduits devant les tribunaux locaux pour négligence grave.
La France, tout comme la plupart des pays industrialisés, entreprit une réforme
du Code pénal en 1994. Cette réforme introduisait des modifications à la loi fran-
çaise, et particulièrement la responsabilité des personnes morales (entreprises, col-
lectivités locales) en cas de nuisance à l’environnement. Auparavant, seulement les
personnes physiques pouvaient en être tenues responsables (Dron, 1995).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
Lors de la conférence de Rio, vingt ans après celle de Stockholm en 1972, les par-
ticipants réaffirmèrent donc le rôle essentiel de la planification environnementale dans
la gestion des affaires humaines. La Déclaration de Rio concrétisait aussi l’interdé-
pendance des États, et ce, quel que soit leur niveau de développement (Dron, 1995).
Toutefois, malgré les fortes pressions en sens inverse des organisations internationales
non gouvernementales et du droit international, les engagements issus de Rio réitèrent
la souveraineté des États. Cet état de fait expose clairement «l’impossibilité pour une
organisation supranationale d’exercer envers l’un d’eux une rétorsion quelconque,
hormis les embargos, plus ou moins respectés d’ailleurs » (idem). En conséquence,
l’incitation en faveur de la planification environnementale, et notamment de l’ÉIE,
doit passer avant tout par la mise en œuvre d’accords et de conventions internatio-
nales, ainsi que par la poursuite des exigences des grands bailleurs de fonds.
Le nouveau contexte mondial favorisé par les sociétés transnationales permet d’en-
trevoir cependant le dépassement des structures de régulation étatique nationale. Les
pratiques bancaires et les multiples échanges internationaux entraînent la mise en
évidence de la pluralité des ententes et des conflits possibles, mais surtout le dépas-
sement tous azimuts des structures étatiques (Lascoumes, 1986). La rationalité
propre des sociétés transnationales tendra ainsi à favoriser de nouveaux processus de
gestion et de décision libérés des cadres étatiques trop restrictifs.
La pratique internationale de l’ÉIE se dirige donc lentement vers une relative «har-
monisation» et une inévitable «recherche de cohérence» des politiques, des procé-
dures, des démarches méthodologiques et des méthodes employées dans le domaine
de l’évaluation des impacts environnementaux, sans toutefois nier les particularités
propres à chacun et parfois fort utiles à la gestion de l’environnement. Néanmoins,
afin que les outils de l’ÉIE puissent agir concrètement, la pression des organisations
non gouvernementales et des experts en études d’impacts devra se poursuivre. Ce n’est
qu’ainsi qu’on pourra contrebalancer les tendances inverses issues de la déréglementation
et de l’insidieuse «loi du marché» toute puissante.
6. Les trois volumes publiés en 1991 par la Banque mondiale, Environmental Assessment Sourcebook,
viennent tout juste d’être traduits en français, grâce à la collaboration du Secrétariat francophone
de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts sous le titre de Manuel d’évaluation envi-
ronnementale (été 1999).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
• Risques naturels : l’étude devrait examiner les risques que le projet soit
affecté par les catastrophes naturelles (tremblement de terre, inondation,
activité volcanique) et devrait, le cas échéant, proposer des mesures préven-
tives spécifiques;
• Santé et sécurité publique: les projets énergétiques et industriels devraient
inclure des plans formels pour promouvoir la santé et la sécurité publique;
• Bassins versants: promouvoir la gestion et la protection des bassins versants,
pour les opérations reliées aux barrages, aux réservoirs et aux systèmes d’ir-
rigation;
• Milieux humides: favoriser la conservation et la gestion des milieux humides
(estuaires, lacs, mangroves, marais et marécages);
• Milieux naturels: la Banque s’est engagée à protéger les milieux naturels en
incluant des mesures de compensation lorsque des impacts négatifs sont appré-
hendés.
En ce qui concerne la gestion des ressources marines et côtières ainsi que les bar-
rages et réservoirs, les produits dangereux, les voies navigables internationales, la relo-
calisation des populations, les autochtones et les forêts tropicales, la Banque mon-
diale se base aussi sur le respect des directives nationales et internationales existantes
dans ces domaines.
Plus récemment, les préoccupations de la Banque concernaient la nouvelle
orientation en faveur de l’évaluation environnementale régionale et sectorielle.
L’évaluation environnementale régionale doit être entreprise lorsque plusieurs pro-
jets de développement sont prévus dans une zone relativement bien localisée (World
Bank, 1993). Dans un tel cadre, il est nécessaire de considérer les impacts cumula-
tifs, d’explorer les différents scénarios de développement et d’envisager une gestion
à long terme. L’évaluation environnementale sectorielle, quant à elle, sera plutôt entre-
prise dans le cadre d’un changement dans les politiques locales et dans les petits pro-
jets locaux, de même que pour les grands secteurs d’activité comme les mines et les
ressources énergétiques, ainsi que les secteurs forestier et agricole (World Bank, 1996b).
devrait être relatif à l’ampleur des impacts potentiels, un projet important exigeant
donc un rapport exhaustif. Le rapport soumis aux autorités de la Banque peut être
rédigé en anglais, en français ou en espagnol.
Selon la directive opérationnelle (DO 4.00), le rapport d’évaluation environne-
mentale devrait contenir plus précisément les dix aspects suivants:
• Résumé synthèse en anglais: revue concise des différents éléments significa-
tifs et des actions recommandées ;
• Contexte institutionnel, juridique, législatif et administratif: les différents
contextes dans lesquels l’évaluation environnementale a été préparée. Les exi-
gences des cofinanciers devraient aussi être exprimées ;
• Description du projet : compréhension du projet dans les contextes géogra-
phique, écologique, social, financier et temporel, ainsi que les projets connexes
requis par le projet (par exemple, conduites réservées, routes d’accès, héber-
gement, matériel brut et facilité de stockage);
• Données de base: évaluation des dimensions de la zone (espace de référence)
du projet et description des conditions physiques, biologiques et socio-
économiques les plus importantes, y compris les changements éventuels anti-
cipés avant le démarrage du projet. Les activités de développement, en cours
ou proposées, devraient également être intégrées;
• Impacts sur l’environnement : identification et évaluation des impacts posi-
tifs et négatifs résultant du projet proposé. Les mesures d’atténuation et les
impacts résiduels ne pouvant être minimisés devraient être définis clairement.
Les possibilités de mise en valeur de l’environnement devraient être aussi explo-
rées. L’ampleur et la qualité des données disponibles ainsi que les incertitudes
reliées aux prédictions et les données absentes devraient être clairement rele-
vées et estimées ;
• Analyse des solutions de rechange : comparaison systématique des solutions
proposées en termes de conception, de localisation, de technologie, d’inves-
tissements et de variantes d’exploitation. Pour chacune des solutions, les
avantages, coûts et bénéfices devraient être quantifiés. Les paramètres ayant
servi à la sélection de l’option proposée devraient être clairement exposés ; 101
• Plan d’atténuation: établissement de la faisabilité et de la relation coûts-
avantages des mesures d’atténuation pouvant réduire significativement et à un
niveau acceptable un impact négatif appréhendé. Les frais associés et les coûts
d’entretien des mesures devraient eux aussi être estimés. De plus, l’estimation
des besoins institutionnels de formation et, ultérieurement, ceux concernant
L’évaluation des impacts environnementaux
• une description des matériaux bruts, des procédés, des équipements et des
produits utilisés;
• les cartes, diagrammes et photographies disponibles;
• un résumé des principales caractéristiques techniques, économiques et envi-
ronnementales du projet;
• Description de l’état de l’environnement actuel: la description devrait inclure:
• les conditions qualitatives et quantitatives actuelles de l’environnement phy-
sique, biologique et humain;
• les limites spatiales de l’environnement concernées par le projet;
• les éléments sensibles de l’environnement ;
• Options au projet: selon les contraintes, les objectifs et l’étendue des facteurs
économiques, techniques et environnementaux, plusieurs variantes ou solu-
tions de rechange au projet devraient être étudiées. Les principales caracté-
ristiques de chaque option devraient être présentées, ainsi que les principaux
avantages et désavantages qui devraient être discutés et évalués. Les options
non retenues devraient être également incluses dans la discussion;
• Impacts environnementaux : cette section devrait décrire comment les
impacts positifs et négatifs du projet sont déterminés et évalués. Les effets cumu-
latifs, synergiques ou antagonistes devraient aussi être présentés. La présen-
tation devrait inclure en outre:
• la source des impacts ;
• la nature des impacts ;
• la méthode d’évaluation des impacts;
• la détermination des impacts résiduels significatifs (donc après mesures d’at-
ténuation);
• Mesures d’atténuation: énumération des mesures d’atténuation proposées afin
de réduire ou d’éliminer les impacts potentiels du projet. L’évaluation éco-
nomique de ces mesures doit aussi faire l’objet de discussion;
• Conclusion : la conclusion devrait montrer clairement les principaux enjeux
105
du rapport;
• Références : les références scientifiques et techniques utilisées devraient être
énumérées.
L’évaluation des impacts environnementaux
D’autre part, la gestion des questions transfrontières, voire des différends entre
États voisins, est couverte de diverses façons sous l’égide des Nations Unies. C’est le
cas entre autres de la Charte des Nations Unies et de la Cour internationale de jus-
tice ainsi que des multiples accords, traités et ententes internationales. La Convention
transfrontière poursuit l’application du principe de règlement pacifique des différends
entre États tel qu’exprimé par les Nations Unies. L’organisme a d’ailleurs publié un
«manuel d’instruction» très détaillé sur cette question à la même époque que la rati-
fication de la Convention (Nations Unies, 1992).
1998). Dès 1980, l’UICN avait fixé les principes et les grandes lignes de la Convention
future, notamment lors de la publication de sa Stratégie mondiale de la conservation
(UICN/PNUE/WWF, 1980). En compagnie du Programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE) et du Fonds mondial pour la nature (WWF), l’UICN
poursuivit ses efforts de promotion du développement durable et de diffusion d’ou-
tils de gestion de l’environnement, comme l’ÉIE (UICN/PNUE/WWF, 1991).
La Convention comprend un long préambule sur la pertinence de conserver la
biodiversité et 42 articles traitant d’aspects plus particuliers, dont la plupart sont sub-
divisés en plusieurs points distincts. De plus, deux annexes imposantes, dont l’une
comprenant 23 articles traitant de l’arbitrage et de la conciliation, complètent ce docu-
ment essentiel de gestion d’une partie fondamentale de l’environnement (PNUE, 1996).
L’esprit de l’entente multilatérale se retrouve très clairement exprimé à travers
les trois objectifs de la Convention. Ces trois objectifs, qu’on retrouve à l’article 1 de
la Convention, sont les suivants:
• la conservation de la diversité biologique;
• l’utilisation durable de ses éléments;
• le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des res-
sources génétiques.
Dès le préambule, par contre, le contexte d’application dans lequel l’esprit de la
Convention se retrouve est quelque peu réducteur quant à l’importance qui sera accordée
aux deux premiers objectifs, notamment lors de l’inévitable conciliation entre les pré-
occupations environnementales et les impératifs du développement. En effet, au-delà
des préoccupations environnementales, le libellé du long préambule dresse au pre-
mier plan la primauté du développement économique et social ainsi que l’éradica-
tion de la pauvreté.
Plusieurs articles de la Convention concernent l’ÉIE, en tout ou en partie. On
retrouve notamment l’article 6, qui mentionne l’adoption de stratégies, de plans ou
de programmes nationaux visant la « conservation et l’utilisation durable de la
diversité biologique» ainsi que l’intégration de cet objectif de conservation dans l’en-
110 semble de ses «plans, programmes et politiques sectoriels ou intersectoriels pertinents».
La partie de la Convention la plus directement engageante pour l’ÉIE se retrouve
sous l’article 14, intitulé «études d’impacts et réduction des effets nocifs». Cet article
stipule que «dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra», les signataires de
l’entente respecteront les cinq principes suivants:
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux
pas seulement la prise en compte des espèces rares sur une portion de territoire. Par
rapport à cette situation, l’Union internationale pour la conservation de la Nature
(UICN) proposait récemment de développer de nouveaux outils de planification et
d’aménagement plus conformes aux objectifs de maintien de la biodiversité que ne
le sont actuellement ceux de l’ÉIE. Dans la poursuite des interventions du dernier
congrès de l’Association québécoise pour l’évaluation d’impacts (AQÉI) en novembre
1997 (AQÉI, 1998), il semble toutefois que l’évaluation d’impacts peut adéquatement
répondre à cette exigence.
Les discussions se poursuivent en vue de rapprocher les organismes liés à la sau-
vegarde de la biodiversité comme l’UICN et ceux de l’évaluation d’impacts. Ainsi, lors
de la quatrième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scienti-
fiques, techniques et technologiques (SBSTTA), à Montréal en juin 1999, l’un des docu-
ments préparatoires portait sur la « Synthèse des rapports et des études de cas
concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement » (Boivin, 1999).
112
Chapitre
4
Éléments méthodologiques
d’analyse de l’évaluation
des impacts environnementaux
et niveaux. C’est ainsi que le spécialiste des oiseaux ne peut faire abstraction de la valeur
accordée par le public à certaines espèces particulières, l’aspect scientifique n’est pas
toujours isolé du politique.
Chaque politique ou législation en évaluation d’impacts, qu’elle soit étatique ou
corporative, est orientée vers une démarche ou un processus bien particulier d’éva-
luation. Chacune propose donc une démarche spécifique. Selon le cas, certains
aspects de l’évaluation d’impacts sont omniprésents ou au contraire sous-étudiés, voire
même absents. C’est ainsi que la participation publique ou les aspects sociaux, par
exemple, ne sont pas toujours présents. Même à l’intérieur d’un cadre théorique bien
défini, ce que n’exigent habituellement pas la législation et les directives corporatives,
l’arbitraire n’est pas nécessairement absent. Par ailleurs, le type même de projet ou
son contexte d’insertion feront varier l’examen, l’étude d’un projet d’implantation
d’un incinérateur de déchets, par exemple, ne mettra pas nécessairement l’accent sur
les mêmes aspects méthodologiques que l’examen d’une ligne électrique à haute ten-
sion. L’essentiel ici est que les informations nécessaires à une bonne compréhension
de l’impact du projet soient suffisantes et présentées de manière intelligible. Il n’est
pas rare de constater l’insuffisance des données justifiant les résultats énoncés, tout
comme apparaissent trop fréquemment des lacunes méthodologiques et des résul-
tats fragmentaires ou sans portée par rapport aux affirmations et jugements formulés.
Dans l’ensemble, toutefois, les diverses études d’ÉIE présentent au minimum un
certain nombre d’éléments méthodologiques communs. La diffusion des pratiques
et de l’information en études d’impacts, la généralisation de la législation en ce sens
et la mondialisation récente en ce domaine consolident la «recherche de cohérence»
et la réalisation de «bonnes pratiques» en ÉIE.
sélective afin de déterminer rapidement les éléments les plus significatifs pour la prise
de décision. Par ailleurs, Canter (1996) fait ressortir l’intérêt de l’interdisciplinarité
et le choix d’indicateurs d’impacts judicieux.
SCIENTIFIQUE
TECHNIQUE
POLITIQUE
Temps d’étude. Chacun de ces trois
TECHNIQUE
processus distincts est pré-
senté à la figure 4.2.
POLITIQUE Notons que le processus
séquentiel ou réactif cons-
PLANIFICATION RÉACTIVE PLANIFICATION PARTICIPATIVE
titue actuellement l’usage le
Source: Présentation inspirée de Simos, 1990.
plus fréquent sinon l’unique
façon de faire dans bien des
endroits. Par contre, un examen global et intégrateur en ÉIE exige un processus intégré
ou participatif, même si c’est sans doute le plus difficile à réaliser.
Figure 4.2
Divers types de processus d’étude : séquentiel, parallèle et intégré
Processus séquentiel
Atténuation et projet
Processus parallèle
Les diverses étapes et la séquence de réalisation d’une ÉIE peuvent varier, cer-
taines étant interchangeables et d’autres, facultatives, mais dans l’ensemble, les élé-
ments présentés ci-dessus constituent les éléments méthodologiques essentiels d’une
évaluation. Toutefois, la subdivision couramment employée en trois grands domaines
(identification, évaluation et présentation des résultats) correspond avant tout à la
répartition temporelle des actions bien plus qu’à une justification méthodologique.
Nous préférons employer une classification qui regroupe les éléments méthodolo-
giques selon nos trois niveaux d’étude de l’ÉIE, à savoir:
• niveau politique d’étude;
• niveau technique d’étude;
• niveau scientifique d’étude.
118
1. Rappelons que nous entendons le concept politique ici utilisé dans un sens étendu à l’ensemble des
relations de pouvoir dans la société et qui bien souvent recouvrent ou recoupent les dimensions
sociales, culturelles, économiques, administratives et proprement politiques de tous les acteurs d’une
société et des rapports qu’ils entretiennent dans la gestion des affaires publiques. Bien entendu, ce
terme «politique» n’est pas de même nature que «technique» et «scientifique», mais il nous est
apparu comme le seul convenable, dans les circonstances.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Des liens intimes relient ces différentes composantes, le mandat de l’étude ne pou-
vant être indifférent du contexte général ni des moyens mis en œuvre, par exemple.
Quoique certaines composantes puissent être interchangeables, voire incluses dans
d’autres, celles-ci sont habituellement insérées dans ce que l’on nomme «les termes
de référence» de l’ÉIE, tel que le stipule en particulier la Banque mondiale (World
Bank, 1991).
Ces éléments méthodologiques du niveau politique, qui pourraient bien entendu
se retrouver dans un ordre différent de celui présenté ci-dessous, sont :
• le contexte de l’étude :
– l’objet d’étude;
– le mandat de l’étude;
– les moyens mis en œuvre;
– les ressources de l’équipe;
– le processus et la démarche d’étude.
• le contexte général:
– contraintes administratives ;
– enjeux environnementaux;
– types d’acteurs.
• la participation du public;
• l’audience publique ;
– la médiation environnementale ;
– les mesures de compensation;
– la présentation des résultats;
– les recommandations;
– la décision;
– l’inspection et le suivi.
Le schéma de la figure 4.3 illustre l’organisation des divers éléments du niveau 119
politique les uns par rapport aux autres, la disposition correspondant aux procédures
habituelles d’ÉIE. Certains des éléments méthodologiques de la présente section se
retrouveront aussi dans l’une ou l’autre, voire dans les deux autres sections, comme
c’est le cas des mesures de compensation et de la présentation des résultats ainsi que
de l’inspection et du suivi.
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 4.3
Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau politique
L’objet d’étude
Processus et démarche
Niveau politique d’examen
Contexte général
Enjeux Contraintes Acteurs
Audience Participation
publique publique Médiation
Mesures de compensation
Présentation Recommandation
des résultats
Prise
de décision
Inspection et suivi
Le contexte de l’étude
Le contexte de l’étude comprend les éléments méthodologiques spécifiques au projet
en examen. Ces aspects particuliers correspondent bien souvent au «mandat» de la
firme d’évaluation. Tous ces éléments sont donc établis à partir de contacts étroits
entre le promoteur et la firme d’évaluation. Il s’agit donc avant tout d’une série d’opé-
120 rations internes et initiales à l’examen qui va suivre.
L’objet d’étude
L’objet de ce premier élément consiste à déterminer la nature exacte du projet à
l’étude: s’agit-il d’un projet de construction d’un réseau d’adduction d’eau potable, d’une
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Le mandat de l’étude
L’entendement du mandat de l’étude consiste d’abord à déterminer dans quel cadre
l’étude sera effectuée: quelles sont les attentes par rapport à l’équipe d’évaluateurs
et à l’examen à entreprendre, par exemple ? La fixation des objectifs poursuivis
apportera un complément fort utile à la compréhension exhaustive du mandat.
La compréhension du mandat implique la détermination des contextes écono-
mique, politique, social et environnemental régissant l’entourage ou l’ambiance
générale dans laquelle s’effectuera l’étude. La délimitation du mandat implique
aussi que les attentes vis-à-vis du projet lui-même soient dévoilées. De plus, l’ap-
profondissement du mandat d’étude permet de mieux envisager la portée de l’étude
et du rapport final qui en résultera, en fonction des ambitions et de l’ampleur anti- 121
cipées. S’agit-il d’effectuer des recherches originales ou s’agit-il plutôt de reprendre
les résultats de nombreuses et solides études antérieures? Ce mandat dépend bien sûr
de l’objet d’étude, mais aussi des moyens et des ressources en présence. Généralement,
l’échéancier des travaux d’examen, la description et la répartition des tâches, ainsi
que le budget, font partie des résultats obtenus de la détermination du mandat. Bien
L’évaluation des impacts environnementaux
La sélection du type de processus même d’étude est l’un des éléments métho-
dologiques d’ordre général à choisir dès le début du travail. Comme nous l’avons vu
dans la section précédente, il y a deux ou trois types de processus possibles, selon la
typologie employée: réactif ou participatif, d’une part, ou séquentiel, parallèle et intégré,
L’évaluation des impacts environnementaux
d’autre part. Nous avions affirmé que le processus séquentiel ou réactif constituait
actuellement l’usage le plus fréquent sinon l’unique façon de faire en ÉIE. Toutefois,
nous pensons qu’il serait plus avantageux de réaliser l’ÉIE à partir d’un processus intégré
ou participatif, voire d’un processus parallèle.
La démarche méthodologique peut aussi être de deux types, selon l’orientation
que l’on donne à l’enchevêtrement des diverses étapes d’étude (Veuve, 1988). Le pre-
mier type de démarche est dénommé démarche linéaire (épistémologie positiviste).
Les diverses étapes d’examen se succèdent dans le temps et elles sont successives, c’est-
à-dire définitives. Le deuxième type est nommé démarche itérative (épistémologie empi-
riste). Cette démarche permet le retour sur les étapes antérieures, la succession des
étapes peut recommencer un certain nombre de fois. Le schéma de la figure 4.4 illustre
ces deux types de démarches de travail.
Figure 4.4
Les deux types de démarches méthodologiques : linéaire et itérative
Démarche linéaire
Démarche itérative
Définition du Définition du
problème problème
Recherche de Recherche de
solutions solutions
Identification Identification
des effets des effets
Évaluation Évaluation
des impacts des impacts
124
CHOIX CHOIX
La démarche itérative, plus rarement employée, est celle qui se rapproche le plus
d’une démarche systémique complète, comme cela se passe implicitement dans les
mécanismes de la pensée. En effet, elle seule donne la possibilité de rétroagir sur des
composantes premières initialement examinées, apportant ainsi une meilleure com-
préhension du problème. Bien entendu, ces gains en compréhensibilité et en rigueur
sont toutefois obtenus au détriment de la promptitude et de la simplicité de l’examen
en cours. D’un point de vue conceptuel, l’ÉIE est une démarche itérative, dans laquelle
les différentes phases de l’étude interagissent les unes avec les autres constamment,
les phases ultérieures imposant de nécessaires rajustements des phases précédentes
(Sadar et coll., 1994).
Malgré les contraintes d’application, une analyse selon une démarche itérative
se réalisant par un processus participatif ou intégré serait souhaitable. Les résultats
obtenus à une phase ultérieure de la démarche bonifient souvent ceux obtenus anté-
rieurement. Cela est d’autant plus important que l’étape d’évaluation des impacts rem-
plit habituellement trois grandes fonctions distinctes, à savoir: l’identification, la pré-
diction et finalement l’évaluation proprement dite des impacts. En pratique, ces trois
fonctions sont imbriquées les unes dans les autres et bien souvent de manière indis-
sociable et progressive.
Le contexte général
Nous regroupons sous l’expression «contexte général» trois ensembles bien distincts
de paramètres fort différents mais intimement liés. Ces ensembles de nature différente
sont: les contraintes administratives, les enjeux environnementaux et les types d’ac-
teurs. Bien entendu, ces divers constituants, que nous réunissons ici, pourraient très
bien faire l’objet d’étapes particulières et être présentés séparément. Le contexte
général se distingue de celui de l’étude en ce sens qu’il est tourné vers l’extérieur. Il pour-
suit, précise, actualise et corrige l’évaluation qui a été faite lors du contexte plus res-
treint de l’étude. Cette étape représente parfois une véritable évaluation préliminaire
de l’étude complète du projet. Dans ce cas, elle correspond à peu près à l’opération dite
du cadrage (scoping) (Sadar et coll., 1994). Elle représente parfois une étape formelle
de la procédure d’évaluation, mais dans tous les cas, elle en est au moins un épisode
informel fort important. 125
On pense souvent que l’étude d’un projet se réalise dans l’optique d’une optimi-
sation environnementale ou économique «répondant à des règles universelles», alors
qu’elle se réalise plutôt dans les «limites» des institutions et des cultures en présence
(Dron, 1995). Voilà qui implique que, confrontés au même problème, deux examens
L’évaluation des impacts environnementaux
réalisés dans des contextes différents n’aboutiront pas nécessairement aux mêmes résul-
tats et solutions, ni même à un processus d’examen similaire.
Contraintes administratives
À ce stade de l’étude, les exigences réglementaires et législatives doivent être claire-
ment établies. Il s’agit aussi de connaître les diverses contraintes administratives à res-
pecter, tant internes qu’externes à l’entreprise (promoteur). Les évaluateurs doivent
donc déterminer la réglementation en vigueur concernant le projet ainsi que les diverses
instances politiques et administratives concernées par l’une ou l’autre des compo-
santes du projet. Il faut aussi présenter la politique environnementale corporative et
les normes environnementales de l’entreprise, à savoir du promoteur, si c’est le cas.
De plus, il faudrait veiller à tenir compte de la présence possible de divers autres exé-
cutants pour les travaux et l’exploitation. Ces derniers peuvent jouer un rôle déter-
minant pour la qualité de l’environnement. La participation de ces tiers est trop sou-
vent négligée, sauf peut-être dans le cas des grandes entreprises responsables de
nombreux projets et qui possèdent une politique environnementale corporative incluant
les façons de faire employées pour les travaux.
Par ailleurs, la prise en compte des contraintes administratives suppose aussi la
connaissance et éventuellement la consultation des autres administrations pouvant
être impliquées ou intéressées par les composantes du projet. Dans la plupart des cas,
celles-là comprennent les ministères intéressés ainsi que les différents paliers de pou-
voir, les autorités nationale, régionale (provinciale) et locale, ainsi que, à l’occasion,
les pays voisins. On peut alors y trouver des normes, des traités, des conventions ou
des ententes internationales, des directives prescriptives d’autorités financières
(banques nationales ou internationales) ou de juridictions particulières, comme les
plans d’aménagement ou les normes municipales de construction.
Enjeux environnementaux
Le relevé des enjeux environnementaux dès les premières étapes d’étude est une pra-
tique de plus en plus courante. Les enjeux environnementaux sont habituellement
compris comme étant les impacts et les éléments environnementaux déterminants
126 pour l’acceptation du projet, en opposition aux autres qui n’interviendront que de
manière peu significative dans la prise de décision. Il faudrait donc distinguer avec
le plus grand soin les enjeux parmi les autres éléments et impacts du projet. Cette
distinction permet de cibler (scoping) les aspects importants à considérer dans le fatras
d’ensemble et ainsi d’améliorer l’efficacité de l’examen et ses chances de réussite
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
complète. Voilà qui est particulièrement avantageux dans le cas d’études à faible budget
ou qui doivent s’effectuer rapidement.
Parmi les enjeux environnementaux, certains acquièrent une connotation bien
particulière et au-dessus des autres, soit en raison de leur vaste portée du point de
vue environnemental, soit pour une autre raison remarquable. C’est notamment le
cas en ce qui concerne l’importance stratégique (une base militaire) ou la valeur intrin-
sèque rattachée à un élément de l’environnement (une espèce en voie de disparition),
qui par ailleurs ne pourrait être affecté que de manière faible par le projet.
En pratique, il faut relever le plus tôt possible les enjeux environnementaux déter-
minants pour le processus de décision ultérieur, sans toutefois le faire au détriment
complet des éléments moins significatifs. L’analyse devra ensuite se concentrer sur
les principaux éléments sensibles de l’environnement, sur les éléments environnementaux
à haut potentiel ou grandement appréciés par les acteurs impliqués ainsi que sur les
impacts inadmissibles à éviter à tout prix, ces derniers étant alors considérés comme
des contraintes environnementales absolues (drapeau rouge). Il s’agit, en somme, de
relever clairement les grands domaines possibles de contestation et de litige entraînés
par la réalisation du projet. Cet exercice inclut bien sûr les enjeux environnementaux
qui concernent l’acceptation du projet lui-même, par exemple, sa justification ou sa
raison d’être.
La connaissance préalable de ces enjeux permet de modifier certaines composantes
du projet et ainsi d’atténuer le plus tôt possible les impacts ou les problèmes majeurs
qui pourraient survenir après. L’objectif poursuivi ici consiste donc à orienter l’éla-
boration du projet afin d’éviter autant que possible la présence de tels aspects parmi
ceux provoqués par le projet et qui pourraient constituer des entraves et des contraintes
probablement importantes, voire infranchissables. L’insertion d’une telle préoccupa-
tion le plus tôt possible dans le processus de planification du projet représente sou-
vent un gain important de temps et d’argent et permet d’éviter des contrariétés.
Types d’acteurs
L’élaboration, l’examen, la mise en place et par la suite l’exploitation d’un projet mettent
en cause de nombreux intervenants.Afin de compléter adéquatement le contexte général, 127
il faut donc porter une attention bien particulière aux différents acteurs impliqués,
à quelque degré que ce soit, dans la réalisation du projet.
L’univers des acteurs possibles, entraînés à s’impliquer d’une façon ou d’une autre,
est souvent large et très diversifié. La prise en compte préliminaire des intérêts, par-
fois divergents et opposés, des divers acteurs permet parfois d’éviter l’émergence ou
L’évaluation des impacts environnementaux
De l’anonymat à la notoriété
Le projet de construction, en 1993, d’une petite centrale hydroélectrique sur
la rivière Richelieu, à la hauteur de Chambly, au sud-est de Montréal, a permis
à un illustre inconnu de nos eaux d’atteindre la célébrité en quelques mois.
En effet, le Suceur cuivré, un poisson de la famille des catostomidés, qui ne
vit qu’au Québec et dont l’unique frayère connue à l’époque se situe en plein
cœur de la zone des travaux de construction de la centrale, est passé rapide-
ment de l’anonymat, où il était depuis toujours, aux premières pages des quo-
tidiens lors de l’examen environnemental du projet. Le poisson au nom plutôt
péjoratif dans le langage populaire devint l’enjeu principal du projet. L’ardent
plaidoyer de certains biologistes, l’appui des médias et la sympathie d’une grande
partie du public pour cette espèce menacée provoqua l’abandon du projet.
Beaucoup de flots et quelques années plus tard, l’espèce fait encore des vagues
dans les journaux, grâce notamment à son changement de nom en février 1998,
puis à une polémique qui en résulte en janvier 1999. Le héros victorieux du
«développement sans bornes» s’enorgueillit désormais d’un nouveau nom, celui
plus prestigieux de Chevalier cuivré.
Il arrive parfois qu’un élément de l’environnement, comme ce fut le cas du poisson
cuivré, ne se présente comme un enjeu que lors des dernières phases du pro-
cessus d’ÉIE. Dans bien des cas, cet enjeu dévoilé tardivement remet fortement
en cause la réalisation du projet. La plupart du temps, toutefois, les enjeux sont
déterminés dès les premières étapes d’examen, ce qui permet une meilleure prise
en compte de cet aspect essentiel de l’ÉIE.
La participation du public
La participation du public peut se manifester en différents moments de la procédure
d’évaluation, même si c’est rarement le cas. Elle peut se retrouver dès les premières
étapes d’étude de l’ÉIE et s’échelonner jusqu’à la décision finale concernant
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Le public peut être constitué des différents acteurs que nous avons définis anté-
rieurement, notamment des deux derniers, à savoir ceux s’impliquant par eux-
mêmes, les écologistes et les riverains, ainsi que ceux amenés à s’impliquer, à savoir
les diverses administrations et experts-conseils. Dans le cas des projets internationaux,
il n’est pas rare de voir se manifester une «organisation non gouvernementale inter-
nationale» (ONGI) ou l’un des grands groupes écologistes.
La participation du public au processus d’évaluation implique une information
adéquate sur les éléments d’étude. Afin de permettre au public de porter un jugement
éclairé sur les implications du projet, cette information doit être disponible en
temps opportun. Elle doit aussi être suffisante, compréhensible et de qualité. Voilà
qui est encore plus impératif dans un contexte de participation active du public.
Toutefois, cet aspect de la participation du public soulève des questions concernant
l’accès à l’information (permission, horaires et lieux disponibles) et la confidentia-
lité de certaines données (sûreté nationale, secret de fabrication). La participation popu-
laire implique aussi son financement: il est parfois difficile de se déplacer vers les lieux
de consultation, d’avoir le temps d’examiner l’information convenablement et de pré-
parer des questions ou de formuler des recommandations.
La présentation finale des résultats de l’étude, c’est-à-dire le rapport final d’éva-
luation lui-même, devrait tenir compte de l’implication et des interventions du public.
Par ailleurs, l’audience publique pourrait s’insérer à l’intérieur du processus d’examen
du projet, comme nous l’avons vue esquissée dans le cas du projet Grande-Baleine.
Dans tous les cas, le rapport final devrait tenir compte des résultats de la consulta-
tion. Bien souvent, la consultation publique fait l’objet d’un rapport séparé du rap-
port principal d’ÉIE, comme cela se fait au Québec.
Nous reviendrons de manière plus détaillée sur l’ample question de la partici-
pation du public au cours du chapitre sept, qui traite de la négociation environne-
mentale. De plus, la présentation des techniques de communication et de résolution
des problèmes, ainsi que la description des techniques d’information concomitantes
à la présentation du rapport, supporteront ce sujet fort important de la participa-
tion publique.
130 L’audience publique
L’audience publique représente l’une des composantes essentielles de la participation
publique, sans pour autant représenter la seule forme possible de consultation de la
population. Nous la présentons séparément étant donné son importance de plus en
plus grande dans le processus d’examen de l’ÉIE. Dans plusieurs pays, elle fait partie
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
des procédures régulières d’ÉIE, les modalités particulières à ces dernières détermi-
nant parfois la façon de faire.
La plupart du temps, l’audience publique s’insère dans un formalisme bien par-
ticulier qui prend souvent la forme d’une commission ou d’un comité public doté
de pouvoirs quasi judiciaires. Selon la procédure, l’implication des participants tient
une plus ou moins grande place (rôle et importance), car les responsabilités qui leur
sont octroyées varient grandement selon la législation en cause. Il en est de même
des pouvoirs de recommandation ou de décision qui en sont issus. L’indépendance,
par rapport aux différents acteurs et à l’État impliqués dans le processus, ainsi que
le fonctionnement de l’organisation des audiences publiques sont tributaires des pra-
tiques démocratiques. Comme nous l’avons mentionné pour la participation publique,
le contexte démocratique influence énormément les façons de faire.
La tenue d’audience publique fait appel aux diverses techniques de participation
du public (voir la section «Participation du public») et de communication ainsi qu’à
celles, parfois nécessaires, de résolution des problèmes. Parmi ces dernières, on
retrouve bien entendu les techniques de négociation et de recherche de consensus.
La participation publique, ainsi que les techniques de communication et celles de réso-
lution des problèmes, fera l’objet d’une attention plus détaillée au cours du chapitre
sept, consacré au cadre de la négociation environnementale.
La médiation environnementale
La médiation environnementale est une des nouveautés en évaluation des impacts
environnementaux. La nouvelle Loi québécoise sur la procédure d’ÉIE, tout comme
c’est le cas pour ses homologues canadienne et américaine, en fait pour la première
fois explicitement mention. La médiation est un des mécanismes de participation du
public ; elle est en fait l’une des techniques de négociation et de recherche de
consensus. La médiation est l’une des procédures particulières de résolution des pro-
blèmes entre divers intervenants. Tel que prévu dans plusieurs législations, elle rem-
place ou complète l’audience publique dans les cas de litiges mineurs entre les
acteurs impliqués. Ces cas de litiges mineurs concernent des points bien particuliers
de l’étude ou du projet.
131
La médiation environnementale suppose bien sûr une participation active du public,
et ce, dans un contexte bien particulier de confiance et de vie démocratique. Les ques-
tions en litige ne devraient concerner ni la justification du projet ni la globalité de l’examen.
Dans de tels cas d’affrontements, elle ne semble constituer qu’un exercice impossible,
le désaccord étant trop grand ou trop complet. Concrètement, la médiation vise la
L’évaluation des impacts environnementaux
du rapport final. C’est ainsi que divers aspects de la présentation des résultats sont
parfois clairement et explicitement désignés.
Au point de vue politique, la présentation des résultats est une composante essen-
tielle de l’évaluation des impacts environnementaux en tant qu’élément central de
l’information. En effet, outre sa propre justification en tant que fondement de la prise
de décision, tant du point de vue scientifique que technique, elle est indispensable à
la bonne marche de plusieurs autres aspects politiques de l’ÉIE. Comme nous venons
de l’indiquer, la présentation des résultats est primordiale pour la participation du
public, mais aussi pour la compréhension et l’acceptabilité globale du projet. D’une
part, un projet mal compris par la population locale peut soulever des craintes et des
inquiétudes sans commune mesure avec l’impact réel du projet en cause. D’autre part,
les résultats fournis dans le rapport final doivent pouvoir répondre adéquatement aux
questions soulevées par les acteurs impliqués par la mise en œuvre du projet. Enfin,
tous les aspects significatifs pour une prise de décision éclairée doivent trouver une
réponse acceptable dans le rapport d’évaluation. Nous n’examinerons pas plus avant
les aspects précis de la présentation des résultats, car cette question fera l’objet d’une
partie importante du chapitre six.
Les recommandations
L’élaboration de recommandations, de conclusions ou de suggestions constitue par-
fois l’étape «ultime» du processus d’examen de l’ÉIE. On les retrouve soit dans le rap-
port final d’évaluation, ce qui n’est pas toujours le cas, soit dans d’autres rapports,
par exemple, ceux d’une commission d’enquête, d’une consultation publique ou d’un
rapport interne de l’organisme de contrôle. Les procédures particulières d’ÉIE déter-
minent souvent les formalités en ce sens, sans toutefois en préciser toujours l’étendue
et la portée. Là comme ailleurs, les spécificités socioculturelles propres à chaque cul-
ture et le contexte démocratique déterminent souvent la portée de cette étape.
Les recommandations peuvent se déployer des plus générales, celles qui représentent
en fait la conclusion même de l’étude, aux plus particulières, celles qui ne concernent
qu’un aspect précis de l’examen. Les recommandations générales (conclusions)
expriment l’estimation globale de l’impact du projet, notamment l’acceptation ou
non du projet, ou plus rigoureusement la recommandation en ce sens. Les recom-
133
mandations particulières, par contre, énoncent divers avis et propositions concernant
des points bien précis de l’étude ou du projet. Elles peuvent comprendre la présen-
tation des correctifs à apporter aux composantes du projet, des mesures d’atténua-
tion et de compensation proposées ainsi qu’une appréciation du choix de site, des
L’évaluation des impacts environnementaux
La décision
En règle générale, la prise de décision en ÉIE est unique, globale et sans recours, l’or-
ganisme responsable de donner son accord acceptant ou refusant le projet proposé.
En pratique, toutefois, cette affirmation doit être nuancée. En effet, il existe parfois
plusieurs organismes responsables d’une partie ou de la totalité de l’autorisation. Il
existe aussi des prises de décision partielles en cours de processus. De plus, l’accep-
tation «finale» d’un projet est souvent soumise à des conditions d’application, tout
comme elle est parfois sujette à des modifications ultérieures.
La prise de décision est pour une bonne part tributaire des valeurs et des procé-
dures de la société dans laquelle elle s’exerce, que celles-ci soient institutionnalisées ou
non. Dans ce contexte général, les rapports de force existant entre tous les groupes et
individus impliqués sont d’une importance déterminante. Dans le contexte plus par-
ticulier de l’ÉIE, la prise de décision soulève des questions d’ordre éthique et huma-
nitaire, en plus des aspects environnementaux en jeu. Cela concerne plus particuliè-
rement la répartition des bénéfices et des inconvénients des projets de développement
ainsi que le déplacement des populations, le dédommagement des expropriés et la
prise en compte des intérêts de tous, aussi bien que la sauvegarde et la conservation
134 des éléments de l’environnement, notamment les plus sensibles. De manière plus res-
treinte, la prise de décision englobe aussi les rapports qu’entretiennent les différents
évaluateurs entre eux ainsi qu’avec l’ensemble des autres acteurs impliqués dans le
processus. Les rapports de force souvent inégaux entre une petite firme d’évaluateurs
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
et une grande entreprise faisant régulièrement appel à ses services ne peuvent être
régis de manière convenable que par des mécanismes extérieurs de contrôle.
En pratique, l’ensemble du processus d’ÉIE offre plusieurs possibilités de prise
de décisions partielles, la plus importante demeurant cependant la décision finale et
globale concernant l’opportunité du projet. Les possibles prises de décision partielles
varient selon la procédure en cours. Ces prises de décision restreintes concernent cer-
tains aspects répartis tout au long de la démarche d’examen d’un projet. Parmi celles-
ci, notons l’opportunité même de tenir une ÉIE, c’est-à-dire le processus d’assujet-
tissement des projets, l’élaboration de la directive, les détails de la démarche à
entreprendre, notamment la diffusion de l’information et les modalités de la parti-
cipation publique. Concernant ces derniers aspects, il existe des relations étroites entre
les évaluateurs et les organismes de contrôle – les responsables de l’environnement,
en l’occurrence. Comme tout n’est pas nécessairement fixé, il existe une marge de
manœuvre propice à la négociation entre les parties impliquées.
Bien entendu, la décision finale est souvent un compromis entre les préoccupa-
tions environnementales et les «impératifs» économiques et techniques. Le réar-
rangement, même partiel, d’un projet compromettant pour l’environnement est sou-
vent un moindre mal par rapport à un développement sans bornes. Des enjeux
environnementaux modifient parfois, même de manière importante, un projet
pourtant jugé incontournable par ses promoteurs. Le défi de la prise de décision est
souvent la résolution du dilemme entre des enjeux, des objectifs et des intérêts dif-
férents, voire divergents.
Comme nous le disions à propos des recommandations du rapport final de l’ÉIE,
l’étude d’impacts elle-même ne représente pas une prise de décision en tant que telle.
Le rôle de l’évaluateur d’impacts n’est pas de se substituer à celui des décideurs. L’objectif
ultime de l’ÉIE demeure uniquement de supporter et de favoriser la prise de décision
optimale. L’ÉIE fournit ainsi l’éclairage essentiel et indispensable d’une décision ins-
truite et fondée. L’évaluateur doit transmettre toute l’information nécessaire et signi-
ficative à la prise de décision qui devra être accomplie par le ou les décideurs. Les res-
ponsabilités du premier sont souvent considérables, car les jugements fondant la décision
des derniers reposent en grande partie, mais pas uniquement, sur son travail. L’opinion
135
des experts, sans être toujours acceptée d’emblée ni la seule valable, comme nous le
verrons dans le chapitre sur la négociation environnementale, pèse donc lourd dans
les décisions des autorités.
L’évaluation des impacts environnementaux
L’inspection et le suivi
Dans le rapport final d’examen, l’inspection et le suivi représentent les engagements
futurs du promoteur. Le respect de ces engagements touche les correctifs apportés
au projet par l’examen d’impacts, la mise en place des mesures d’atténuation prévues,
la bonne pratique environnementale lors des travaux et le programme de contrôle
ultérieur à la mise en marche des installations projetées ainsi que de tout autre enga-
gement issu de l’ÉIE. Cette section du rapport final, la dernière habituellement, concerne
donc des activités à réaliser après l’acceptation du projet par les décideurs. C’est dans
ce sens que tous ces aspects ultimes de l’ÉIE relèvent de ce qu’on nomme couram-
ment le suivi environnemental.
En fait, le suivi environnemental comprend au moins trois grands types d’opé-
rations différentes. La première opération s’effectue au moment de l’exécution des
travaux de construction des installations, ce qui comprend aussi les étapes prélimi-
naires de mise en œuvre des travaux. La «surveillance des travaux» désigne cette pre-
mière étape de suivi. Puis, tout au long de la phase d’exploitation, les activités d’ins-
pection de certains paramètres environnementaux représentent le «suivi d’exploitation»
(monitoring). Enfin, lorsque c’est le cas, ce qui est plutôt exceptionnel dans la pra-
tique courante, une nouvelle étude des répercussions environnementales s’effectue
plusieurs années après la mise en place des installations, c’est ce qu’on nomme le suivi
« postprojet».
De façon plus concrète, les différents aspects de l’inspection et du suivi seront
examinés dans la section méthodologique du niveau technique de l’ÉIE, en ce qui
concerne la surveillance des travaux, et au niveau scientifique d’étude pour ce qui touche
le suivi d’exploitation et le suivi postprojet. Toutefois, ce n’est qu’au cours du cha-
pitre huit que nous étudierons en détail l’ensemble de ces questions, notamment par
un examen complet des exigences habituelles et de la mise en œuvre de programmes
de suivi.
ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES
DU NIVEAU TECHNIQUE D’ÉTUDE
136 Le niveau technique est sans doute le plus spécifique des niveaux d’étude de l’ÉIE.
En effet, il correspond grosso modo à une seule spécialité, celle du génie, l’univers de
l’ingénieur. En règle générale, les autres disciplines n’interviennent qu’en soutien aux
activités de génie. Rappelons que le niveau technique relève du second objectif de l’ÉIE,
à savoir la minimisation de l’impact environnemental du projet. Les éléments
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
regroupés dans cette section représentent les constituants des étapes reliées aux pro-
cessus techniques; ils sont habituellement spécifiques à l’évaluation des impacts envi-
ronnementaux.
La plupart des mesures mises sur pied en vue de réduire ou d’atténuer l’impact
du projet ont avantage à intervenir le plus tôt possible dans l’élaboration du projet.
L’ampleur des mesures correctrices et d’atténuation est très variable, selon les com-
posantes du projet. On constate fréquemment que le projet approuvé à la fin de l’examen
d’ÉIE est différent de celui présenté initialement par le promoteur.
Les éléments méthodologiques qui relèvent avant tout du niveau technique de
l’évaluation des impacts environnementaux sont les suivants:
• la modification du projet;
• les correctifs au projet;
• le choix de solutions de rechange ou de variantes ;
• l’ordonnancement;
• les mesures d’atténuation;
• les mesures de compensation;
• la surveillance des travaux.
Le schéma de la figure 4.5 montre la disposition probable de ces éléments tech-
niques dans le processus d’ÉIE. Nous examinerons de façon plus détaillée, au cours
du chapitre huit, la plupart des éléments de la présente section.
La modification du projet
Lorsque débute l’élaboration d’un projet, les préoccupations environnementales ne
se retrouvent généralement pas aux côtés des préoccupations techniques et financières.
Jusqu’à tout récemment, la conception des projets n’avait que très rarement intégré
l’environnement dans ses tâches initiales. La prise en compte des aspects environ-
nementaux ne survient donc habituellement qu’à la suite des premières étapes
d’élaboration du projet par les promoteurs. Conséquemment, leur intégration dans
le projet est perçue comme une étape supplémentaire de réalisation. Il devient donc 137
parfois difficile de s’arranger pour que leur intégration ne remette pas trop en cause
les aspects techniques et financiers. De plus en plus, par contre, le choix des techniques
employées (c’est-à-dire procédé de fabrication et emploi de ressources particulières)
résulte des normes d’émissions en vigueur, ce qui limite et oriente l’élaboration du
projet vers la voie d’une plus grande implication environnementale. Il est donc dans
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 4.5
Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau technique
Projet initial
Modification Correctifs
Sélection et choix
Alternatives Variantes
Niveau politique d’examen
Ordonnancement
Mesures d'atténuation
Mesures de compensation
Certains ajustements se manifestent toutefois dès la première analyse des activités rela-
tives au projet, alors que d’autres ne se présenteront qu’au moment de la prise de déci-
sion finale concernant l’acceptabilité du projet.
Les correctifs apportés à un projet en cours d’examen ne sont pas toujours très
distincts de certaines des mesures d’atténuation; ils sont parfois confondus, d’ailleurs.
Les deux concourent cependant à l’amélioration du projet ou à la minimisation de
ses répercussions sur l’environnement. De la même façon, certaines modifications
au projet initial et, dans une moindre mesure, certains des correctifs employés ne se
différencient pas vraiment du choix des solutions de rechange ou des variantes en
cours d’étude.
site ou d’un couloir d’implantation ainsi qu’une modification mineure dans le pro-
cédé de fabrication ou la durée d’exploitation du projet relèvent plutôt d’un choix
de variantes. Par ailleurs, les solutions de rechange autant que les variantes peuvent
impliquer l’ensemble des composantes du projet soumis ou une partie seulement de
celles-ci.
La réglementation en vigueur en ÉIE recommande presque toujours l’examen
de solutions de rechange ou de variantes à l’intérieur de l’étude d’un projet. Ces obli-
gations réglementaires sont inscrites dans plusieurs pays depuis les débuts de l’ÉIE,
notamment aux États-Unis et au Canada. Néanmoins, il est fréquent de ne retrouver
aucune solution de rechange sérieuse à un projet proposé. Par contre, on retrouve
plus fréquemment l’examen de diverses variantes du projet à l’étude, notamment pour
le choix de site ou du tracé des infrastructures.
La présence de solutions de rechange ou de variantes, et à plus forte raison
lorsqu’il s’agit de l’examen comparatif de différents projets, suppose bien sûr la sélec-
tion d’un choix optimal. L’examen des diverses options à un projet d’étude nécessite
donc l’emploi de techniques de comparaison en vue d’évaluer le meilleur choix pos-
sible. La méthodologie doit alors contenir une procédure particulière permettant la
sélection entre diverses options (solutions de rechange ou variantes) afin d’obtenir
le plus adéquatement possible un choix optimal. La sélection des options possibles
et l’analyse comparative de celles-ci (choix de critères et méthode de comparaison)
relèvent surtout du domaine technique de l’ÉIE. Cependant, les choix qui seront effec-
tués et les acteurs qui y participeront concernent le niveau politique de l’étude.
Bien souvent, les promoteurs omettent de proposer des solutions autres que leur
projet. Pour de multiples raisons, certains promoteurs sont dans la quasi impossibi-
lité de faire autrement, comme c’est le cas des projets miniers, par exemple. Il en va
souvent de même pour les entreprises dont les opérations ou le produit final sont
bien déterminés. Pour un promoteur, l’analyse exhaustive de solutions de rechange
qu’il ne compte pas réaliser est de peu d’intérêt, voire n’a aucun sens ni raison d’être.
L’examen à un niveau supérieur à celui de l’évaluation de projet, l’évaluation straté-
gique des politiques et des programmes, par exemple, permettrait de clarifier quelque
peu les choses, notamment en filtrant le type de projet par l’entremise d’une véri-
140
table comparaison de solutions de rechange. Les projets ainsi présélectionnés pour-
raient ensuite être examinés sous l’optique d’un choix de variantes dans le cadre d’une
évaluation du projet sélectionné. Les options fortement rejetées lors d’une telle éva-
luation, l’incinération en milieu urbain, par exemple, et les contraintes inadmissibles,
telles que l’exclusivité de la pêche sur un cours d’eau, permettraient de guider les futurs
promoteurs. Dans un tel contexte d’élargissement de la place de l’ÉIE dans nos
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
L’ordonnancement
L’ordonnancement représente un ensemble de techniques particulières de mise en
valeur et de comparaison de solutions de rechange ou de variantes. Il s’agit généra-
lement de classer les différentes options selon des critères d’évaluation relative, sans
pour autant faire appel aux techniques d’agrégation ni de stricte pondération, deux
notions complexes que nous examinerons au cours de la prochaine section. Au-delà
de ses aspects techniques, l’ordonnancement présente aussi plusieurs dimensions
politiques.
Bien souvent, en fait, l’ordonnancement correspond à la plus simple des tech-
niques de pondération (valeur relative des paramètres), celle de la hiérarchisation.
La hiérarchisation des paramètres (éléments, effets et impacts ainsi que critères de
comparaison) du plus important au plus banal, par exemple, est en fait une classifi-
cation relative assez vague plutôt qu’une véritable comparaison rigoureuse des divers
paramètres.
La hiérarchisation classe tous les paramètres dans une série limitée de classes d’im-
141
portance. Elle réduit les opérations de comparaison de tous les paramètres les uns
par rapport aux autres et simplifie d’autant le classement parfois très compliqué de
ceux-ci. Le nombre de classes est généralement réduit à deux ou trois possibilités seu-
lement, suivant un ordre décroissant d’importance. Comme dans toute réflexion com-
parative, les critères importants sont séparés des autres et placés au-dessus de ceux
L’évaluation des impacts environnementaux
142 Nous examinerons, en ce qui a trait au niveau scientifique d’étude, une typologie
complète des impacts. Par ailleurs, en vertu du même objectif de réduction de l’im-
pact environnemental, des «mesures de bonification» pourraient être incorporées au
projet. Ces mesures de bonification permettent d’augmenter l’importance ou la valeur
des impacts positifs. En fait, ces mesures se situent bien souvent à la frontière entre
de véritables mesures d’«atténuation» et celles de compensation.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
La figure 4.6 présente une liste de mesures d’atténuation. Ces mesures sont dites
particulières, simplement parce qu’il s’agit d’une série de mesures à appliquer à cer-
tains aspects particuliers des composantes ou des activités d’un projet. À l’inverse,
certaines mesures d’atténuation sont dites générales, parce qu’elles concernent l’en-
semble des activités ou des composantes du projet; elles sont donc d’une nature plus
générale que les mesures particulières. Nous reviendrons de manière plus détaillée
au cours du chapitre huit sur ces mesures générales et particulières d’atténuation.
En pratique, il n’y a que trois résultats possibles à la mise en place de mesures
d’atténuation. Il existe, tout d’abord, la possibilité d’élimination totale de l’impact,
une possibilité plutôt rare. Il existe aussi la situation la plus courante, soit l’élimina-
tion (atténuation) partielle de l’impact. Dans ce cas, la valeur de l’impact peut être
plus ou moins fortement diminuée. Finalement, il reste toujours la possibilité que la
mesure proposée n’ait éventuellement aucune influence sur l’impact lui-même.
Comme les enseignements des rares programmes de suivi sont faibles, cette troisième
possibilité est peut-être plus importante qu’on le croit.
Figure 4.6
Liste de mesures particulières d’atténuation
Modification des eaux • Planifier les périodes d’intervention, dans les zones sujettes
de surface et souterraines, aux inondations ou présentant un fort ruissellement, en dehors
ainsi que des conditions des saisons de crues ou de fortes pluies.
de drainage. • Ne pas entraver le drainage des eaux de surface et prévoir des mesures
palliatives.
• Respecter le drainage superficiel en tout temps. Éviter d’obstruer
les cours d’eau, les fossés ou tout autre canal, notamment par les débris
qui entravent l’écoulement normal des eaux.
travaux, que ces derniers soient du ressort du promoteur lui-même ou de l’un de ses
partenaires entrepreneurs.
La surveillance des travaux s’effectue durant toute la phase de mise en œuvre du
projet, c’est-à-dire de la conception des plans et devis jusqu’au début de l’exploita-
tion, en passant par la phase cruciale de construction des installations et de mise en
place des équipements. La surveillance des travaux peut se subdiviser en deux sous-
étapes: celle de l’élaboration du programme de surveillance et celle de la mise en œuvre
de ce programme. L’exécution de la surveillance des travaux peut être confiée à des
représentants du promoteur ou à ceux d’une firme ou d’un organisme externe en envi-
ronnement.
ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES
DU NIVEAU SCIENTIFIQUE D’ÉTUDE
Le niveau scientifique d’étude est probablement le plus systématique des niveaux
d’examen de l’ÉIE. Les diverses opérations s’imbriquent les unes dans les autres de
manière ordonnée et passablement rationnelle. Il est donc celui qui paraît le plus objectif,
compte tenu de la nature ordonnée et méthodique des différents éléments. Tout comme
les autres niveaux d’examen, cependant, il n’est pas exempt de subjectivité.
Les éléments regroupés sous cette section font appel aux connaissances discipli-
naires des diverses sciences impliquées par l’identification, la prédiction et l’évalua-
tion de l’impact environnemental du projet à l’étude. Mais ils font aussi appel à l’ex-
pertise inter ou multidisciplinaire et ils sont pour la plupart spécifiques à l’ÉIE. C’est
encore plus vrai pour les aspects globaux, comme les domaines de référence, ainsi
que pour la cotation, l’agrégation et la pondération.
Les éléments méthodologiques du niveau scientifique comprennent les paramètres
suivants :
• quantification versus qualification;
• aspects spatio-temporels ;
• domaines de référence;
145
• identification des activités ;
• identification des éléments;
• interaction activités/éléments ;
• relevé des effets/impacts ;
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 4.7
Schéma d’organisation des éléments méthodologiques
du niveau scientifique
Quantification/qualification
Aspects spatio-temporels
Domaines de référence
Identification Identification
des activités des éléments
Interaction activités/éléments
Niveau scientifique d’examen
Descripteurs d’impacts
Évaluation de l’impact
Agrégation Pondération
Cotation
que qualifiées de façon très rudimentaire. L’information ne peut alors être quanti-
fiable, même approximativement. Quoi qu’on en pense généralement, les sciences bio-
physiques ne sont pas elles non plus à l’abri d’un tel jugement. Cet aspect non quan-
tifiable conféré généralement aux sciences sociales est souvent prétexte à leur
isolement par rapport aux sciences biologiques et physiques en ÉIE.
Dans la plupart des études, il existe ainsi un difficile arbitrage entre des données
objectives relativement précises et des données subjectives peu ou pas quantifiables.
Les effets et impacts environnementaux incommensurables entraînent parfois des biais
méthodologiques importants. Ces biais sont fréquemment à l’origine de litiges entre
les divers intervenants. Toutefois, la question de la quantification versus la qualifica-
tion ne doit pas être perçue de manière trop simpliste. Ainsi, il n’est pas certain que
des résultats quantifiés soient toujours meilleurs et plus utiles que d’autres qui ne sont
que qualifiés ou grossièrement quantifiés. Certains paramètres environnementaux ne
peuvent pas être traités de manière quantitative ou très difficilement; ne pensons qu’aux
difficultés rencontrées dans l’estimation de la plupart des impacts sociaux. L’enjeu
principal de cette question est de savoir si on peut vraiment estimer l’impact d’une
activité sur l’environnement afin de juger et d’intervenir convenablement, et ce, de
quelque façon que ce soit.
D’autre part, les évaluateurs devraient porter un soin particulier afin d’éliminer
le plus possible les aspects subjectifs, notamment les jugements de valeur. Les juge-
ments de valeur sont indéniables en évaluation d’impacts, on les retrouve un peu par-
tout. Cela est plus évident lorsqu’il s’agit de facteurs ou d’éléments sociaux ou
éthiques, mais ils sont présents aussi lorsqu’il s’agit de techniques, de sciences et d’éco-
nomie. L’aspect subjectif, difficilement extirpable de tout processus d’étude, n’est sur-
tout pas à négliger. Les éléments subjectifs présents tout au long de l’examen de l’ÉIE
sont multiples. Mostert (1996) a démontré qu’ils se retrouvent aussi bien dans le choix
des méthodes et la sélection des options que dans la représentation graphique des
données. Comme les éléments subjectifs doivent être pris en compte dans le processus
de prise de décision, qu’on le veuille ou non, l’évaluateur d’impacts devrait permettre
la mise en évidence de ces aspects subjectifs. C’est ainsi que les jugements de valeur,
parfois fort utiles et essentiels dans plusieurs cas, devraient faire l’objet d’une pré-
148 sentation explicite, et non pas être dissimulés. De toute façon, ils se retrouveront de
manière implicite dans les résultats ainsi que dans les jugements et les conclusions
qui en résulteront. Ce qui importe, avant tout, c’est de mesurer ou d’évaluer de la manière
la plus précise et complète possible le degré de certitude ou d’occurrence des événe-
ments et des impacts anticipés.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
L’étude d’impacts devant être un outil d’aide à la décision, des problèmes appa-
raissent bien sûr lorsque les données fondamentales font l’objet de controverses, et
ce, d’autant plus que la méthodologie employée ne peut les expliquer ou les justifier.
De plus, comme la décision en est souvent une de groupe, la méthodologie employée
peut introduire des difficultés nouvelles «au niveau des données fondamentales en
vue de prendre une décision» (Simos, 1990), étant donné la capacité variable de chacun
à comprendre et à interpréter. La transparence, tout comme la vulgarisation de la
démarche méthodologique, est donc de mise; toute démarche scientifique devrait
d’ailleurs permettre sa «reproductibilité» ou à tout le moins sa compréhension inté-
grale. Une présentation claire et complète de la méthodologie employée s’avère
donc essentielle, plus particulièrement pour ces aspects qui opposent trop souvent
les experts aux autres acteurs.
Aspects spatio-temporels
Les aspects spatio-temporels ne sont pas exclusifs au domaine scientifique. Certains
d’entre eux relèvent aussi du niveau politique; c’est le cas notamment de la délimi- 149
tation de la zone d’étude et de l’horizon de référence.
Les aspects temporels à considérer dans l’évaluation environnementale diffèrent
parfois de ceux issus des disciplines à partir desquelles elle s’organise, des paramètres
économiques, par exemple. Ces derniers visent la maximisation à court terme, alors
L’évaluation des impacts environnementaux
Domaines de référence
Les domaines de référence comprennent les aspects spatio-temporels délimitant le
champ d’investigation de l’étude ainsi que le contexte de référence du milieu d’ac-
cueil. Les aspects spatiaux sont bien sûr établis en grande partie dès les premières étapes
d’examen (éléments préliminaires de niveau politique). Toutefois, ils ne sont habi-
tuellement fixés de manière quasi définitive qu’à cette étape de l’étude.
Les domaines de référence de l’étude en cours doivent être choisis en fonction de
leur compatibilité avec les objectifs déterminés au préalable, mais aussi en rapport avec
les moyens financiers et temporels disponibles. Il est inutile d’embrasser trop grand
si les moyens ou le temps ne le permettent pas, d’autant plus s’il s’agit d’aspects non
significatifs pour l’examen en cours. La délimitation des domaines de référence,
particulièrement l’espace de référence, est aussi fixée par la nature et le type même des
impacts appréhendés, ainsi que par la répartition des acteurs en présence. Certains impacts
n’affectent que des zones restreintes, alors que d’autres englobent des entités territo-
riales immenses, souvent internationales.
Le choix de domaines de référence «complexes» ou trop ambitieux peut entraîner
une augmentation de la complexité de l’étude et parfois, comme corollaire, une dimi-
nution de la validité ou de la pertinence des résultats finalement obtenus. Dans de
151
tels cas, les résultats sont souvent incomplets, fragmentaires ou insuffisants aux yeux
de certains acteurs.
L’évaluation des impacts environnementaux
Espace de référence
L’espace de référence représente l’étendue du territoire à considérer pour l’évalua-
tion des impacts. Il variera du plus global au seul périmètre du site d’implantation,
en passant par le niveau régional ou local. La zone d’étude varie selon l’ampleur des
incidences du projet et l’étendue des composantes de l’environnement. Conséquemment,
plusieurs échelles d’étendue doivent être employées afin de pouvoir couvrir tout le
spectre des espaces essentiels au relevé complet des éléments de l’environnement, puis
à l’évaluation des impacts, sans pour autant balayer tous les espaces à travers chacun
des effets.
L’espace de référence peut varier considérablement selon la nature même de chacun
des impacts. Cet espace, souvent tridimensionnel, est déterminé par l’étendue des consé-
quences d’une activité du projet. Effectivement, les effets peuvent parfois se disperser
fort loin de leur lieu d’origine et affecter des éléments environnementaux qui se situent
à de très grandes distances des installations responsables. La plupart des effets et impacts
des activités reliées directement aux opérations de construction sont concentrés dans
des zones restreintes autour de leur lieu d’origine. Par contre, certains effets et
impacts consécutifs à la phase d’exploitation, comme les précipitations acides ou l’effet
de serre, englobent de très vastes territoires.
Il existe aussi une concordance des espaces de référence avec les divers interve-
nants. Les différents types d’acteurs ne considèrent pas tous nécessairement le même
espace de référence et cela peut devenir une source de confusion, voire de confron-
tation entre eux. Cette question de la perception variable entre les divers acteurs concerne
d’ailleurs de façon similaire tous les domaines de référence (espace, état et horizon).
On délimite souvent cinq types possibles d’espaces de référence:
152 • celui du site d’implantation du projet;
• celui de l’ensemble des impacts environnementaux ;
• celui des impacts à longue portée;
• celui des bénéficiaires du projet (destinataires);
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
État de référence
Il existe aussi plusieurs possibilités d’états de référence de l’environnement comme
objet d’étude. On distingue généralement trois types possibles d’états de référence:
• l’état originel de l’environnement avant l’action projetée;
• la projection de l’état originel dans l’avenir, en l’absence du projet;
• un état virtuel futur, défini par un but, des objectifs ou une cible à atteindre.
153
L’état le plus simple à décrire correctement est sans doute l’état originel avant
l’action projetée. Il est immédiatement disponible aux fins d’étude et peu ou pas de
projections s’avèrent nécessaires. Conséquemment, il est celui qui supporte la plu-
part des études d’ÉIE produites jusqu’à maintenant. Cependant, cet état originel est
L’évaluation des impacts environnementaux
Horizon de référence
L’horizon de référence représente la prise en compte temporelle de l’étude. Celle-ci
s’exprime par le temps compris dans l’estimation des conséquences futures du
projet. Cette durée peut être très variable selon la nature des impacts et des projets
concernés. Malgré la très grande variabilité entre les divers projets, les horizons de
référence employés en ÉIE sont bien souvent similaires.
Un examen complet et global d’ÉIE, notamment s’il tient compte du cycle de vie
du projet, devrait subdiviser le temps de référence en quatre grandes périodes :
• celle précédant le début des travaux d’implantation;
• celle de la construction des installations ;
• celle de la durée de l’exploitation de ces installations;
• celle de la disposition finale des installations.
Chacune des périodes nécessite une durée plus ou moins étendue. La période d’ex-
ploitation s’étend généralement sur des dizaines d’années; elle est donc beaucoup plus
longue que les trois autres. Il est fréquent de rencontrer des études qui ne distinguent
que deux grands ensembles d’horizons de référence, celui considéré pendant les tra-
vaux d’implantation et celui de l’exploitation. Afin de montrer les conséquences res-
pectives de ces deux phases, la période des travaux est fréquemment subdivisée en
phases de préconstruction et de construction. La prise en compte de la disposition
finale est rarement inscrite dans les études d’impacts, malgré son importance déter-
minante dans plusieurs cas – ne pensons qu’aux déchets, rejets, infrastructures et déna-
turations de toutes sortes laissés en place à la fin de l’exploitation. De plus, certains
effets et impacts se poursuivent longtemps après la phase d’exploitation – ne pen-
sons qu’aux sites d’enfouissement des déchets domestiques et aux centrales nucléaires.
La division en quatre périodes s’accommode bien des préoccupations relatives
à l’évaluation d’impacts de différentes durées. Chacun des impacts peut alors être évalué
en fonction de ces diverses périodes, ce qui permet de délimiter la durée de certains
impacts, compte tenu que certains d’entre eux ne sont reliés qu’à des activités bien
délimitées dans le temps, les activités de construction, par exemple. Dans beaucoup
d’études, il existe, explicitement ou de manière implicite, deux ensembles d’horizons 155
de référence. Le premier est d’ordre général ; c’est celui de l’ensemble des impacts. Il
correspond habituellement à la durée de vie des installations ou des composantes du
projet. L’autre ensemble regroupe l’un ou les horizons spécifiques aux impacts ou aux
activités traités selon des horizons particuliers différents de l’horizon d’ensemble.
L’évaluation des impacts environnementaux
Le relevé des activités peut se faire à partir des connaissances d’un spécialiste du
projet – l’ingénieur chargé des travaux ou de l’exploitation, par exemple. Le relevé
peut aussi être réalisé ou complété à l’aide de listes de contrôle conçues à cet effet.
La figure 4.8 présente une telle liste de contrôle. Cette liste propose une douzaine de
sources potentielles d’impacts reliées à la réalisation de projets d’adduction d’eau potable.
Une description de l’activité permet de préciser la nature de chacune des sources d’im-
pacts. Les différentes activités responsables d’impacts sont regroupées suivant qu’il
s’agit des phases de préconstruction, de construction et d’exploitation. Ces listes énu-
mèrent les diverses activités potentiellement responsables d’effets sur l’environnement.
Les listes sont la plupart du temps thématiques, elles ne concernent alors qu’un seul
type de projet bien particulier. Nous verrons d’autres listes de contrôle des activités
au cours du prochain chapitre.
Figure 4.8
Liste de sources d’impacts potentiels, selon les phases d’un projet
Préconstruction
Études préliminaires Toutes études en vue de l’installation des campements de travail
et des équipements du projet. Ceci implique le déplacement
de la machinerie et la prise d’échantillons.
Arpentage Localiser les composantes et baliser la zone des travaux par la pose
d’une signalisation appropriée.
Acquisition des emprises Négociation pour acquérir l’emprise (achat) ou pour obtenir un droit
de passage (entente sur la valeur foncière).
Installation de chantier La localisation du matériel servant à la construction des installations doit
faire l’objet d’une attention particulière.
Construction
Transport et circulation Déplacement de la machinerie et des employés pour la construction
des équipements dans l’emprise et à proximité.
Excavation, forage Tout ce qui touche le creusage du sol et la pose des équipements.
et dynamitage Identification des façons de faire selon le type de fondation et de sols.
Bâtiments et équipements L’endroit où seront installés les bâtiments et l’entreposage des matériaux
durant les travaux de construction.
Réaménagement des aires Réaménagement des milieux ayant subi divers impacts liés aux activités
de travaux énumérées précédemment.
Exploitation
Transport et circulation La réparation des équipements et l’entretien impliquent une circulation
à proximité des installations.
Présence physique La présence des installations ainsi que leur fonctionnement engendrent
des installations une série d’impacts: nuisance visuelle, olfactive, etc.
Gestion des déchets Transport des déchets solides, liquides ou dangereux vers des lieux
et des eaux usées d’élimination prévus à cet effet. Les eaux usées doivent être envoyées
à une usine de traitement.
Sécurité et intervention Il faut prévoir des aires sécuritaires d’entreposage pour les produits
d’urgence contaminants ou dangereux provenant de l’exploitation ainsi que la mise
en place de plans d’urgence advenant le déversement de produits
dangereux. Ces plans doivent être connus des intervenants.
compte tenu des moyens et des ressources limités, ne semble toutefois pas être tou-
jours observé.
158 De plus, une attention spéciale doit être accordée aux éléments environnemen-
taux valorisés, peu importe les raisons de cette valorisation (scientifique, législative
ou populaire) ou leur provenance (type d’acteurs), ainsi qu’aux éléments particu-
lièrement sensibles de l’environnement. Cette opération est bien sûr en rapport direct
avec les enjeux environnementaux déterminés lors de l’étude préliminaire du contexte
général.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 4.9
Liste de contrôle d’éléments de l’environnement
Figure 4.10
Modèle simplifié de matrice des interactions potentielles
utilisant une cotation simple
CONSTRUCTION
Aménagement
des sites
Installation de chantiers
Légende
Impacts négatifs
Impacts positifs
1 2 3 4 5 6 7
ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX
Cours d’eau A
Eaux souterraines B
Qualité des eaux C
Régime hydrodynamique D
MILIEU BIOPHYSIQUE
Ruissellement/infiltration/bilan E
Forme et relief F
Nature des dépôts G
Qualité de l’air et odeurs H
Bruits/vibrations I
Faune terrestre, aquatique et avienne J
Flore terrestre et aquatique K
Écosystème L
sur les éléments de l’environnement peut seule déterminer avec précision les impacts
potentiels du projet en question. Il faut ainsi parcourir les diverses chaînes causales
menant des activités aux effets et inévitablement aux impacts. Cette opération intro-
162 duit bien entendu les deux paramètres suivants: l’identification des impacts indirects
et celle des impacts cumulatifs.
En ce qui a trait aux impacts environnementaux, on peut en distinguer plusieurs.
Cette typologie de l’impact est déterminée par le degré d’exactitude ou de certitude
avec lequel nous pouvons les apprécier. Cela repose bien sûr sur l’état de nos connais-
sances, mais aussi sur le moment auquel s’effectue l’examen. Le schéma de la
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
figure 4.11 expose les divers types d’impacts et leurs rapports à la phase d’étude ainsi
que le degré de précision ou de certitude de la connaissance de l’impact. En ordre
croissant d’exactitude, ce peut être des impacts appréhendés, des impacts potentiels,
des impacts résiduels ou des impacts réels. Au fur et à mesure que l’examen avance,
la mesure de l’impact se précise, passant de l’anticipation à la réalité.
Figure 4.11
Phases de l’examen, types d’impacts possibles
et degré de certitude des prédictions
Mesure
d’atténuation
Ce n’est toutefois qu’à la suite d’un examen de suivi postprojet, une opération
rarissime en ÉIE jusqu’à maintenant, que les impacts réels pourront être mesurés, vali-
dant ou non les évaluations antérieures.
La probabilité qu’un impact ou qu’un effet se produise tel que présenté dans l’étude
dépend fortement de la précision avec laquelle ces paramètres ont été évalués. On peut
délimiter quatre catégories pour décrire la probabilité d’une estimation: avec certi-
tude, forte probabilité, probabilité moyenne ou faible probabilité (Davies et Sadler,
1990). Bien entendu, pour un même impact la probabilité devrait être croissante dans
le temps, comme nous venons de le voir. Toutefois, l’un des plus grands défis métho-
dologiques de l’estimation avec certitude de l’impact réside dans l’impossibilité
163
d’établir des liens de cause à effet de manière rigoureuse dans la plupart des cas (idem).
Comme pour l’identification des interactions, celle des effets et des impacts envi-
ronnementaux peut se faire soit à l’aide de listes de contrôle des impacts environ-
nementaux appréhendés, préétablies ou non, soit avec l’emploi de matrice et de réseau,
ce qui est préférable, soit finalement à l’aide de toute autre méthode d’identification.
L’évaluation des impacts environnementaux
s’agir alors d’un effet synergique, l’ampleur de l’impact résultant étant alors bien plus
qu’une simple addition. De tels impacts pourraient être dénommés «impacts syner-
giques», et non plus «impacts cumulatifs». Habituellement, l’impact cumulatif fait
plutôt référence à l’accumulation d’impacts similaires sur un même élément de l’en-
vironnement, mais en provenance de différents projets. Dans ce cas, l’impact initial
se trouve amplifié en conséquence du nombre de projets affectant l’élément de l’en-
vironnement.
La prise en compte de l’aspect cumulatif des impacts signifie un examen plus com-
plet que la pratique usuelle le recommandait jusqu’à tout récemment. Elle représente
ainsi une charge plus lourde pour l’ÉIE, tant pour les promoteurs que pour les éva-
luateurs d’un projet. D’une part, l’étude des autres projets, ceux déjà réalisés ainsi que
ceux à venir, oblige un mandat d’étude plus étendu et un examen plus long et par-
fois indéfini. D’autre part, la connaissance plus poussée des interactions entre les acti-
vités d’un projet ainsi qu’entre les divers impacts et éléments environnementaux engage
des moyens et des ressources souvent considérables. Dans le cas de la présence d’autres
projets, les obligations et les responsabilités des promoteurs vont en s’accentuant dans
le temps. Voilà qui a pour première conséquence de diminuer d’autant la marge de
manœuvre du dernier arrivé. Les autorités de contrôle ne déterminent pas toujours
les limites à observer, d’autant plus que certains projets outrepassent leur propre juri-
diction.
La délimitation des nombreux domaines de référence possibles dans le cas de
l’examen des impacts cumulatifs pose de sérieux problèmes. Ainsi, la zone d’étude
s’agrandit selon les exigences du nouveau contexte d’examen. Des considérations simi-
laires s’appliquent aussi en ce qui concerne la délimitation de l’horizon et des états
de référence. Ces facteurs ont bien sûr une grande incidence sur l’ampleur même des
impacts. La figure 4.12 montre la variation type des états de référence possibles lorsqu’il
y a prise en compte de deux projets.
La mise en évidence de certains impacts significatifs, autrement occultés, est l’une
des propriétés essentielles d’une analyse de l’impact cumulatif. En effet, une activité
unique ou un impact isolé pourrait n’avoir qu’un impact négligeable sur l’environ-
nement, mais l’effet synergique ou d’accumulation, dans le cas d’un même projet ou
165
de plusieurs, pourrait alors constituer un impact significatif et important sur un ou
certains éléments de l’environnement.
Compte tenu de ce que nous venons de dire et de la situation actuelle des pro-
cédures d’ÉIE, seule la planification environnementale ou l’élargissement de la
démarche usuelle de l’ÉIE, par un examen stratégique, régional ou sectoriel, par exemple,
L’évaluation des impacts environnementaux
169
2. Nous verrons qu’il existe plusieurs autres critères employés, la plupart du temps, sans distinction
entre un effet ou un impact. De plus, des critères particuliers, comme la valeur intrinsèque des élé-
ments environnementaux, compliquent les modes d’agrégation des critères afin d’obtenir la valeur
globale d’un effet ou d’un impact.
L’évaluation des impacts environnementaux
Durée de l’effet
La durée de l’effet représente l’estimation du temps pendant lequel l’effet d’une acti-
vité du projet se fera sentir. Cette durée est plus ou moins longue selon qu’il s’agit
d’un effet permanent, intermittent ou occasionnel.
On subdivise généralement le critère de durée en:
170
• durée courte (court terme);
• durée moyenne (moyen terme);
• durée longue (long terme).
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Une durée courte est le résultat d’un effet occasionnel et bref ou d’un événement
ponctuel. La durée moyenne comprend les effets temporaires ou continus sur une
période de temps inférieure à la période de l’activité elle-même, ou lors d’une phase
temporaire de réalisation du projet – la période de construction, par exemple. Enfin,
une durée longue désigne habituellement un effet permanent.
Comme on peut le constater, la délimitation du critère de durée, comme pour
la plupart des autres critères, d’ailleurs, repose en partie sur la subjectivité des éva-
luations et, conséquemment, des évaluateurs. La responsabilité de ce dernier est donc
très grande, puisque les autres acteurs du processus n’examinent que très rarement
en profondeur ces critères d’évaluation, pourtant déterminants pour l’estimation des
véritables conséquences anticipées.
Étendue
L’étendue représente l’espace affecté par un effet donné. Cette zone couverte par l’effet
représente en fait la superficie de territoire ou le volume d’espace. L’expansion de l’effet
par rapport au lieu d’origine de l’événement dépend de la nature même de l’effet; il
peut donc varier considérablement. Par exemple, le bruit et les odeurs ne se dispersent
pas autant que peuvent le faire des émissions atmosphériques et des rejets dans l’eau.
L’étendue peut aussi varier de manière significative en fonction du temps; le moment
de sa mesure est donc important.
Le critère de l’étendue peut lui aussi être subdivisé de la manière suivante:
• étendue locale (faible étendue);
• étendue régionale (moyenne importance);
• étendue générale ou globale (étendue maximale).
Comme pour les valeurs possibles du critère de durée, celles de l’étendue reposent
en partie sur des aspects subjectifs; ainsi, il n’est pas toujours facile de séparer une étendue
locale d’une étendue régionale.
Intensité
L’intensité de l’effet représente l’ampleur ou la puissance d’un effet. La détermina- 171
tion de l’intensité est souvent mesurée par rapport à une valeur de référence – une
situation idéale ou une norme établie, par exemple. Au-delà d’un certain seuil, l’in-
tensité peut être considérée comme inadmissible. Il s’agit aussi d’une valeur bien rela-
tive, dont le cheminement dans l’atteinte des résultats est difficilement reproductible
L’évaluation des impacts environnementaux
avec précision, car trop souvent échafaudée sur des jugements subjectifs sous-jacents
aux explications fournies. Cette subjectivité demeure valable même dans le cas
d’une norme environnementale reconnue, notamment parce que cette dernière
varie dans l’espace et le temps.
Le critère de l’intensité varie donc sensiblement selon les méthodes employées
et les experts consultés, ainsi que par rapport à la perception des autres acteurs impli-
qués dans le processus d’examen. En effet, l’émission d’une certaine dose de radio-
activité est habituellement considérée d’une intensité plus faible par les experts du
domaine nucléaire que par tous les autres acteurs, notamment par la population proche
d’un site nucléaire.
L’intensité est généralement représentée sous la forme d’une échelle graduée d’in-
tensité. Les valeurs possibles, sans trop d’explications quant aux limites respectives,
sont habituellement réparties selon qu’il s’agit:
• d’intensité faible;
• d’intensité moyenne;
• d’intensité forte.
L’évaluation de l’impact est habituellement une opération plus complexe que celle
de l’évaluation d’un effet. Ainsi, il est beaucoup plus complexe d’estimer l’impact de
précipitations acides sur un ensemble d’éléments de l’environnement, comme la santé
des gens, la détérioration des bâtiments, l’acidification des cours d’eau et des sols, que
de déterminer simplement les quantités d’émissions de soufre d’une entreprise, tel
que le dicte l’évaluation de l’effet.
Les critères spécifiques retenus pour l’évaluation des impacts sont habituellement
multiples. De plus, ils sont souvent confondus avec ceux que nous venons de décrire
comme étant des critères d’évaluation des effets. Chacun des impacts est évalué de
façon globale en fonction des différents critères retenus et selon la méthode parti-
culière de cotation. La prise en compte de l’ensemble des critères d’évaluation repré-
sente alors l’importance globale d’un impact sur l’environnement.
Les critères d’évaluation des impacts que nous proposons sont:
• la réversibilité ;
• la portée;
• l’ampleur.
Réversibilité/irréversibilité
La réversibilité ou au contraire l’irréversibilité d’un impact représente un aspect impor-
tant de l’évaluation de l’impact environnemental, au même titre que la durée en ce
qui concerne les effets. Ce critère d’évaluation est toutefois rarement pris en compte
de manière explicite en ÉIE, malgré son importance cruciale en plusieurs domaines,
notamment en ce qui concerne la biodiversité3. Ce critère difficile à manipuler cor-
respond à la rétroaction dans le temps d’un élément de l’environnement par rapport
à une agression quelconque. La sensibilité des éléments de l’environnement aux agres-
sions prend ici une large place dans la réversibilité ou non de l’impact. Ainsi, ce n’est
pas parce qu’un effet a une durée permanente qu’un élément de l’environnement est
irrémédiablement perdu, et à l’inverse, un effet ponctuel pourrait très bien entraîner
la disparition de l’élément.
173
3. Le critère de réversibilité, comme certains autres critères d’évaluation, n’est parfois qu’une des com-
posantes d’un autre critère. Le résultat de telles opérations est une confusion par rapport à la métho-
dologie employée et le manque de rigueur de la démarche. Ainsi, il n’est pas rare de constater la
surestimation d’un paramètre d’étude par la simple prise en compte multiple d’une même
influence.
L’évaluation des impacts environnementaux
Portée de l’impact
La portée de l’impact représente le nombre d’individus ou d’éléments spécifiques affectés
par un effet environnemental donné. Il s’agit d’un critère d’évaluation de l’impact
semblable à celui de l’étendue en ce qui concerne l’effet. Contrairement à ce dernier,
cependant, il ne repose pas exclusivement sur un espace géographique bien déterminé –
ne pensons dans ce cas qu’aux impacts socio-économiques, par exemple. Le critère
de portée vise plutôt à mesurer l’abondance relative (quantité) d’un élément de l’en-
vironnement.
Le critère d’estimation de la portée peut être subdivisé en:
• portée faible (nombre restreint) ;
• portée moyenne (nombre moyen) ;
• portée forte (nombre élevé).
La variable temporelle modifie la portée d’un impact, notamment pour des éva-
luations à long terme, comme c’est le cas avec la prise en compte des générations futures.
La modification entraînée par le temps peut soit amplifier, soit réduire la portée d’un
impact. D’autre part, le critère de la portée de l’impact, comme d’ailleurs celui de
174 l’étendue pour l’effet, est une appréciation quantitative, contrairement aux opérations
plutôt qualitatives de l’intensité de l’effet et de l’ampleur de l’impact.
Ampleur de l’impact
L’ampleur de l’impact constitue la puissance (grandeur) des modifications engendrées
à un élément de l’environnement. Le critère de l’ampleur de l’impact fait référence
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
du projet. L’impact ou l’effet inadmissible est aussi nommé indicateur d’alerte ou dra-
peau rouge (red flag).
Un impact peut être considéré comme inadmissible lorsqu’il est non conforme
à une norme réglementaire, par exemple. Il peut alors s’agir d’une toute nouvelle norme
ou d’une norme qui n’est pas prise en compte initialement lors de l’étude des
contraintes administratives du contexte général. Le dépassement d’un tel seuil d’ad-
missibilité ne peut rendre conforme et admissible un projet, sauf si la mise en place
de mesures d’atténuation en réduit suffisamment le surpassement. Un impact très
important pourrait lui aussi être classé parmi les impacts inadmissibles, notamment
lorsqu’il met en péril une espèce rare ou lorsqu’un élément de l’environnement est
fortement valorisé par la population – un monument patrimonial ou religieux, par
exemple. Cette classe inclut aussi certains impacts ou effets qui pourraient être consi-
dérés comme des enjeux importants par quelques acteurs impliqués dans la démarche
ainsi que dans les cas litigieux – la revendication contestée d’un territoire, par
exemple.
Dans tous les cas, l’impact inadmissible devra apparaître clairement dans le rap-
port d’évaluation4. Lorsqu’il y a utilisation de matrices ou de réseaux, on lui attri-
buera une indication ou un signe particulier bien distinctif et facilement repérable.
Dans les autres cas, il s’agira de le désigner clairement.
176 4. Cette question de l’impact inadmissible pose de nombreux problèmes puisqu’elle repose sur une
grande part de jugement de valeur et les divergences de vue n’apparaissent habituellement que tar-
divement dans l’examen. En effet, un impact peut paraître important aux yeux de l’évaluateur, sans
pour autant être perçu comme inadmissible. Par contre, pour des citoyens concernés par une nou-
velle norme environnementale en cours d’élaboration ou un objectif de développement durable,
par exemple, l’impact peut apparaître comme inadmissible. En conséquence, le rapport d’ÉIE peut
très bien ne pas en faire mention, alors qu’une consultation publique ultérieure le rappellera avec
insistance.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Des dix ou cent impacts spécifiques de départ, on en arrive ainsi à un nombre très
réduit, voire ici à un seul impact, l’impact sur la flore.
L’ultime stade d’agrégation en évaluation des impacts environnementaux est l’at-
teinte d’un seul impact global, il s’agit alors de l’évaluation globale du projet. C’est
ainsi qu’une unique valeur ou une seule affirmation constitue en fait la conclusion
générale de l’étude. Même s’il en est rarement fait explicitement mention, une telle
perception générale d’un projet est implicite dans les pensées de beaucoup d’acteurs.
Concrètement, il s’agit alors de déterminer un indice unique à la totalité des impacts
environnementaux du projet. En pratique, cependant, il est quasi impossible de ras-
sembler les différents impacts afin qu’ils puissent ne représenter qu’un seul impact
global. Compte tenu de la nature et de l’importance variable des différents impacts,
cela n’est d’ailleurs pas souhaitable, sauf bien sûr dans les cas de projets à incidences
environnementales négligeables ou restreints à quelques activités ou éléments envi-
ronnementaux.
L’agrégation d’impacts s’obtient habituellement par le regroupement successif d’im-
pacts similaires, comme dans notre exemple précédent sur la flore. Dans ce cas, il s’agit
d’agrégation sectorielle, c’est-à-dire de regroupement d’impacts affiliés. Par contre,
des difficultés surviennent lorsque le regroupement d’impacts ne peut plus être réa-
lisé simplement, étant donné la nature dissemblable ou divergente de ceux-ci. En effet,
il n’est pas aisé de réunir des impacts physiques ou biologiques avec des impacts sociaux
ou économiques, ni même d’incorporer sous un indice unique la valeur d’un impact
sur la forêt et un autre sur les mammifères qui l’habitent. Les limites du regroupe-
ment vers une valeur globale, c’est-à-dire vers l’agrégation globale, sont alors atteintes
et ne devraient jamais être surpassées. La désagrégation, beaucoup moins employée,
est bien entendu l’opération inverse. La figure 4.13 montre une démarche de désa-
grégation et d’agrégation successive d’éléments environnementaux, en prenant
l’exemple de la flore.
L’agrégation pose donc le problème insoluble de l’addition de différents para-
mètres afin d’en arriver à une mesure unique ou, à tout le moins, à un regroupement
plus global. Cet exercice, souvent périlleux en raison de la spécificité propre à chaque
paramètre et de l’importance respective très variable, présente plusieurs contraintes
177
et limites importantes. Ainsi, de quelle façon et sur quelle base théorique peut-on réunir
et attribuer une valeur unique à des impacts très différents et présentant en plus des
valeurs d’importance variables ou incompatibles? De plus, il faut aussi pouvoir tenir
compte des écarts de pondération entre les divers éléments de l’environnement.
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 4.13
Désagrégation et agrégation successives dans l’examen du milieu
Peupliers
Arbres Bouleaux Érablière Érablière
Érables
Aulnes
Arbustes Arbustes
Sumac
Flore
Graminées
Herbes Fleurs Herbacées
Asclépiade
Canards
Oiseaux
Perdrix
Gibiers Chevreuils Faune
Lièvres Mammifères
Belettes
L’agrégation sert aussi pour la comparaison entre diverses options au projet d’étude
et en guise de rapprochement entre différents projets similaires. Dans ces cas,
d’ailleurs, il y a une importante agrégation des impacts sur la base de critères géné-
raux (agrégation globale ou quasi globale), sauf lorsqu’il y a comparaison à l’aide de
méthodes multicritères employant de nombreux critères (agrégation fragmentaire ou
quasi absente).
L’agrégation repose toujours sur une certaine forme de pondération. Mais le véri-
table exercice de pondération intervient seulement lorsque les regroupements par affi-
nités (regroupements d’impacts similaires) ne peuvent plus se poursuivre sans qu’in-
tervienne ce nouvel outil d’évaluation.
La pondération permet aussi une agrégation plus complète des impacts environ-
nementaux que ne le permet la simple opération d’agrégation. En effet, l’estimation
du poids respectif de chacun des différents paramètres environnementaux permet d’éta-
blir une valeur globale à l’ensemble ou, à tout le moins, une base utile de comparaison.
L’évaluation des impacts environnementaux
Toute comparaison rigoureuse doit nécessairement reposer sur une agrégation et une
pondération préliminaires.
Il existe différentes méthodes ou techniques de pondération. L’indice ou coeffi-
cient d’importance servant à la pondération, comme les techniques servant à l’éta-
blir, diffère grandement d’une démarche à l’autre. Parmi les techniques courantes de
pondération, les quatre suivantes sont fréquemment employées :
• hiérarchisation: classement par catégories d’importance (1re, 2e, 3e catégorie),
chacun des paramètres d’une même catégorie (classe) étant considéré comme
équivalent en importance ;
• classement par importance: rang du plus important au moins important de
chacun des paramètres (1, 2, 3, 4, etc.) ;
• notation: répartition sur une échelle graduée, de 0 à 10, par exemple, de chacun
des paramètres;
• distribution des poids: distribution des poids respectifs de chacun des para-
mètres à partir d’un quota (x = 10%, y = 8%, z = 6%, etc.).
Nous examinerons en détail ces quatre techniques particulières de pondération
au cours du prochain chapitre, consacré à l’examen des diverses méthodes. Mentionnons
seulement que trois types bien distincts se dégagent des démarches que nous verrons,
soit la démarche numérique de Battelle (notation et distribution des poids), la
démarche ordinale de Holmes (hiérarchisation) et les techniques de consultation Delphi
(variables, selon le cas).
Évaluation de la cotation
La cotation représente l’utilisation d’indices numériques ou de symboles afin d’in-
diquer la valeur accordée aux effets et aux impacts environnementaux. La valeur de
l’importance globale des effets et des impacts est ainsi traduite sous la forme d’une
cotation particulière, qui peut être plus ou moins complexe, selon le cas. En effet, la
valeur globale est presque toujours le résultat de plusieurs critères sous-jacents qu’il
faut conjuguer en une seule valeur moyenne. La valeur globale est presque toujours
180 un indice composé; parfois, cependant, chaque critère sous-jacent peut être indiqué
séparément. Selon le cas, la cotation emploiera donc un ou plusieurs symboles dis-
tinctifs ainsi qu’une démarche d’association et de regroupement des critères d’éva-
luation. En pratique, cette méthode se traduit par l’emploi normalisé d’une symbo-
lique particulière, habituellement standardisée pour tout le rapport. Cette symbolique
est utilisée pour l’examen des différents critères et sous-critères d’évaluation des effets
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 4.14
Modèle de matrice avec symbolique de cotation variée
Bâtiments et équipements
Acquisition des emprises
Installation de chantiers
Légende Transport et circulation
Représentation variée
de la cotation des impacts
1 2 3 4 5 6 7 8
ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX
Cours d’eau A 1
Eaux souterraines B 2
*
Qualité des eaux C 3
*
Régime hydrodynamique
Ruissellement et infiltration
D
E *
Forme et relief F
Nature des dépôts G
Qualité de l’air et odeurs H
Bruits/vibrations I
Faune terrestre et aquatique J
Flore terrestre et aquatique K
Écosystème L 181
La cotation est généralement présentée sous la forme d’une échelle plus ou moins
étendue. La cotation la plus rudimentaire est celle qui utilise la simple mention de
positive ou de négative pour la valeur des impacts. Habituellement, une échelle plus
L’évaluation des impacts environnementaux
ou moins étendue répartit les valeurs possibles de la cotation de zéro à dix (0 à 10),
par exemple. Une gradation très étendue de la cotation requiert généralement une
quantification importante et adéquate des différents critères d’évaluation. Une
échelle réduite de un à trois (1 à 3) est plus maniable et plus commode à employer
dans la plupart des cas. En effet, il n’est pas toujours facile, particulièrement pour cer-
tains types d’impacts, d’étaler les données sur une échelle étendue comportant plus
de trois échelons. L’échelle à triples entrées (1 à 3) permet plus facilement de disposer
simplement les valeurs obtenues de part et d’autre d’une mesure moyenne, les
valeurs extrêmes (forte et faible) étant dans ce cas plus faciles à déterminer.
Les méthodes ou modes de cotation varient sensiblement selon les études. Le mode
d’agrégation des paramètres ou critères de cotation peut être plus ou moins com-
plexe et logiquement fondé, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Bien
souvent, il s’agit d’additionner simplement la valeur accordée aux différents critères
d’évaluation et d’en faire la simple moyenne afin d’obtenir la valeur globale. Dans
ce cas, on utilise généralement une matrice, appelée «tableau de corrélations». La
figure 4.15 présente un exemple d’une telle grille de corrélations. Dans cet exemple,
trois critères d’évaluation permettent d’obtenir une valeur globale («importance»)
de l’impact. Quelquefois, cependant, le mode d’agrégation des critères est plus com-
plexe. Ainsi, certains critères peuvent être considérés plus importants que les autres;
la simple opération arithmétique ne s’applique donc plus dans ce cas. Une manipu-
lation particulière des valeurs des différents critères est alors employée. Cette dernière
façon de faire est souvent plus satisfaisante que la simple addition des critères ou sous-
critères d’évaluation, comme c’est le cas avec les grilles de corrélations. En conséquence,
ces dernières ne devraient être employées qu’avec précaution et exclusivement à titre
indicatif de la valeur hypothétique éventuelle.
Le rapport d’ÉIE devrait donc contenir une explication détaillée de la démarche
et de la symbolique employées pour la cotation. Nous verrons au cours de l’examen
des diverses méthodes, lors du prochain chapitre, quelques exemples de méthodes
de cotation.
Figure 4.15
Grille de détermination de l’importance globale de l’impact à partir
de trois critères d’évaluation et selon deux méthodes de compilation
* Si chaque critère a une valeur égale de 1 à 3 points (de mineure à majeure), l’écart possible de la valeur globale
de l’importance varie donc de 3 à 9 (addition simple).
** Option A: Majeure = 7-9 (10 possibilités), Moyenne = 5 (7) et Mineure = 3-5 (10)
*** Option B: Majeure = 8-9 (10 possibilités), Moyenne = 5-7 (13) et Mineure = 3-4 (4).
de manière moins apparente, les impacts majeurs et les principaux enjeux environ-
nementaux. On utilise des « analyses de sensibilité » ou des analyses de risques afin
183
de mieux cerner les conséquences possibles de tels éléments litigieux ou éventuelle-
ment contestables pour des raisons de manque de connaissances.
L’indication distinctive et facilement repérable d’éléments litigieux ou contestés
évite certaines difficultés de compréhension et de contestation. Elle affirme d’abord
la crédibilité des évaluateurs ainsi que la transparence du rapport lui-même. Elle permet
L’évaluation des impacts environnementaux
Suivi d’exploitation
Le suivi d’exploitation, couramment nommé monitoring, vise un objectif principal :
la vérification de l’ampleur des impacts prévus (impacts potentiels/impacts réels) ou
de certains éléments environnementaux particulièrement sensibles. En outre, deux
objectifs secondaires se joignent parfois à cet objectif du suivi d’exploitation. Il s’agit
de vérifier l’efficacité à long terme des mesures d’atténuation mises en place ainsi que
d’acquérir des informations, pour l’amélioration éventuelle des méthodes de prévi-
sion des impacts et de mise en place de mesures d’atténuation adéquates pour les pro-
jets futurs.
L’exécution du travail relatif au suivi d’exploitation est généralement confiée à
des spécialistes des différents domaines impliqués ou à des membres qualifiés du per-
sonnel de l’entreprise. L’inspection périodique des différents paramètres s’effectue à
l’aide d’indicateurs choisis généralement dès l’élaboration du programme de suivi.
L’élaboration d’un programme de suivi d’exploitation et sa mise en œuvre seront étu-
diés au cours du chapitre huit (section « Inspection et suivi ») de manière détaillée
et complète.
L’apport d’enseignements et d’expériences que le suivi environnemental fournit
devrait servir, d’une part, à valider l’évaluation de certains paramètres du projet, les
plus significatifs au moment du dépôt du rapport, et, d’autre part, la pertinence des
mesures d’atténuation mises en place dans le cadre du projet. Ces précieuses infor-
mations serviront ensuite à mieux prévoir les impacts et les mesures d’atténuation
lors de l’examen de futurs projets.
Suivi postprojet
Le suivi postprojet représente beaucoup plus qu’un simple suivi d’exploitation, car
184 il vise à effectuer une évaluation complète du projet. La vérification de l’ensemble
des aspects significatifs du projet après quelques années d’exploitation permet une
réévaluation de l’examen initial et l’amélioration des pratiques en ÉIE.
Bien entendu, le suivi postprojet n’est pas un examen d’une ampleur égale à l’examen
initial, mais se révèle tout de même aussi complet, sauf pour les aspects devenus caducs
en raison de la mise en place des composantes et des activités prévues, notamment la
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux
5
Méthodes et outils de l’évaluation
des impacts environnementaux
1. Selon Watzlawick (1975), cité par Simos (1990), une méthode «désigne une démarche scientifique;
c’est l’énoncé des étapes à suivre, dans un certain ordre, pour atteindre un but donné». Il s’agit donc
d’un ensemble de principes, de règles, de techniques et d’étapes permettant l’atteinte de résultats
particuliers dans le cadre d’une démarche bien spécifique. L’outil d’examen, par contre, est d’une
nature plus restreinte; il s’agit, par exemple, d’un moyen particulier de présentation des données
ou d’une activité plus spécifique, telle que l’emploi de la photographie.
L’évaluation des impacts environnementaux
Encadré 1
Encadré 2
Identification Évaluation
Ad hoc Ad hoc
Liste de contrôle Delphi
Réseau Fiche d’impact
Superposition Matrice
Modélisation Technique numérique
Technique ordinale
Méthode économique
Méthode d’inspection
Nous constatons qu’il n’y a donc pas non plus, à l’instar des méthodes d’évaluation,
de typologie universelle et unique des méthodes d’ÉIE. Selon les auteurs consultés,
les diverses méthodes peuvent être classées selon des regroupements particuliers et
à partir de modalités parfois bien distinctes les unes des autres. Pour notre part, la
manière la plus valable, sans être totalement dénuée de failles, consiste à classer les
diverses méthodes d’ÉIE selon cinq grands axes ou domaines d’étude. Ces grands axes
d’étude regroupent sous une même dénomination diverses méthodes similaires et
apparentées. Le principe du regroupement repose ainsi sur leur démarche d’examen,
chaque groupe de méthodes ayant par conséquent des objectifs ultimes communs.
La typologie en cinq grands axes, pratiquement ordonnés du plus général au plus spé-
cifique, est illustrée dans l’encadré 3.
Encadré 3
Chacun des axes d’étude présente des avantages et des inconvénients, la plupart
des méthodes étant souvent la réponse à des besoins particuliers. En ce sens, les diverses
méthodes regroupées sous ces cinq axes ne sont pas des méthodes complètes et glo-
bales destinées à mener un examen complet; elles n’en ont pas, pour la plupart, la
prétention. Elles sont par contre complémentaires les unes aux autres et très souvent
plus d’une est employée afin de réaliser l’étude complète d’un projet. C’est ainsi que
la phase préliminaire d’examen repose très souvent sur des méthodes d’expertise, par-
ticulièrement les listes de contrôle, alors que les phases subséquentes d’examen
seront réalisées grâce à d’autres méthodes, notamment les approches de modèles et
systèmes, de représentation spatiale et cartographique. De leur côté, les méthodes com-
paratives unicritère et multicritères sont employées lors de comparaison de variantes
ou de solutions de rechange.
Pour chacun des axes d’étude, nous allons examiner de manière systématique diverses
méthodes employées depuis les débuts de l’ÉIE. Nous insisterons sur le modèle type
pour chacun des axes. Il s’agit souvent du modèle le plus familier. C’est ainsi que nous
examinerons d’abord les méthodes pionnières de chaque axe; elles représentent bien
souvent le modèle type. Nous examinerons ensuite un certain nombre de méthodes
plus récentes ou d’applications contemporaines des plus anciennes.
Quoique rarement employées de manière intégrale par d’autres évaluateurs, les
méthodes dites classiques ou pionnières (McHarg (1968 et 1969), Léopold (1971),
Sorensen (1971), Holmes (1972) et Battelle (1972)) influencèrent grandement la plu-
part des études réalisées à ce jour. En fait, ces méthodes abordaient déjà les grands
axes possibles d’examen de l’ÉIE. Depuis, peu de méthodes ont acquis une renommée
équivalente à celles des pionnières.
Liste de contrôle
La «liste de contrôle» est souvent la plus rudimentaire des méthodes. Il serait généra-
lement plus juste dans son cas de parler d’outils de l’ÉIE. Il faut entendre «liste de contrôle»
dans le sens de «liste de référence (check list)». La plupart du temps, les listes de contrôle
ne permettent qu’une identification des différents paramètres à considérer pour
l’étude d’un projet. Elles proposent rarement une appréciation des paramètres listés
et elles ne fournissent à peu près jamais une valeur quantifiable. En règle générale, elles
192 sont donc essentiellement des outils indicatifs. En fait, elles sont bien souvent limitées
à des mesures qualitatives et parfois même fort subjectives, du fait de leur ambition
universelle ou généraliste. Conséquemment, elles ne représentent souvent qu’un
examen préliminaire ou initial d’une étude plus complète. La simplicité de la liste de
contrôle en fait toutefois un outil largement utilisé. Les listes constituent ainsi un élé-
ment essentiel de presque toutes les autres méthodes d’identification de relevé et d’éva-
luation des impacts environnementaux; elles en sont bien souvent une étape initiale.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Les listes de contrôle ont pour objectif de permettre une vue d’ensemble des impacts
environnementaux probables d’activités humaines, une première approximation de
l’impact. La liste est couramment présentée sous la forme de tableaux énumérant les
différents paramètres. Chaque liste est plus ou moins spécifique à un type de projet
ou à un milieu déterminé. Certaines ne concernent que des projets de transport rou-
tier, par exemple ; d’autres, par contre, peuvent être appliquées à tout type de déve-
loppement. Il n’y a généralement pas de relevé des relations de cause à effet, chaque
série de paramètres étant présentée séparément.
On retrouve au moins cinq types de liste de contrôle, selon la nature des divers
paramètres exposés. Ces listes comprennent les paramètres suivants:
• activités et composantes de projet;
• éléments de l’environnement ;
• effets et impacts environnementaux;
• indicateurs et descripteurs de l’environnement ;
• mesures correctives et d’atténuation.
Le premier type de paramètre comprend les listes d’activités humaines ou de com-
posantes de projet. Celles-ci énumèrent un certain nombre d’activités ou de compo-
santes communes à tout projet, ou à un genre particulier, et qui pourraient être sources
d’impacts. Il y a bien entendu une multitude de listes énumérant les différents éléments
de l’environnement. Ces listes énumèrent les éléments environnementaux présents dans
des milieux plus ou moins particuliers, comme elles peuvent souligner ceux qui sont
considérés comme sensibles ou valorisés d’une façon ou d’une autre par les différents
acteurs (législateurs, scientifiques et population). Tout comme la plupart des autres
types de listes, elles sont plus ou moins exhaustives. En complément à ces deux pre-
miers types, on rencontre des listes d’effets ou d’impacts appréhendés, impacts cou-
ramment rattachés à des projets ou à des milieux plus ou moins précis. Viennent ensuite
des listes d’indicateurs ou de descripteurs permettant de sélectionner différents outils
de mesure des éléments, des effets et des impacts environnementaux. Enfin, le der-
nier type de listes comprend celles faisant l’énumération de mesures d’atténuation ou
de modifications à effectuer. Ces mesures et modifications peuvent être à caractère général
193
et universel, ou plutôt spécifique à un seul type de projet ou de milieu.
Bien entendu, il existe aussi un certain nombre de listes hybrides ; il s’agit alors
de listes mixtes impliquant plusieurs des paramètres déjà mentionnés. Il y a donc des
listes de contrôle des impacts versus les mesures d’atténuation ou une liste d’éléments
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.1
Liste de contrôle des activités
moyenne ou faible. Les éléments d’inventaire à prendre en compte dans l’analyse des
corridors qui est présentée ici (le même projet de conduites d’adduction d’eau
potable) sont regroupés en six grands groupes d’éléments apparentés.
Le grand avantage de l’emploi de listes de contrôle, outre leur relative simplicité
d’utilisation et de représentation, est le rapide survol qu’elles permettent. Leur
approche structurée permet une rapide identification des paramètres devant être pris
en compte. Ces listes de contrôle expriment souvent la synthèse des nombreux tra-
vaux effectués antérieurement en ÉIE; elles représentent ainsi un ensemble cohérent
des multiples connaissances et des jugements de leurs auteurs. En ce sens, l’utilisa-
tion d’une liste reconnue ne requiert pas le relevé explicite des liens de cause à effet
d’une activité déterminée, par exemple, ces liens étant implicitement légitimés par
les auteurs de la liste. Cet outil d’analyse préliminaire met donc grandement à
contribution l’expertise même des évaluateurs, ceux de l’étude en cours autant que
ceux des études antérieures ayant permis la réalisation des listes de contrôle.
Parmi les inconvénients des listes de contrôle en tant qu’outil d’identification, 195
on retrouve avant tout la méconnaissance des interactions entre les activités du projet
et les éléments de l’environnement, comme entre les impacts eux-mêmes, d’ailleurs.
Sauf exception, cet outil n’est nullement approprié à la mise en évidence des inter-
actions; il n’est d’ailleurs pas destiné à cette fin. De plus, la liste de contrôle, quoique
constituant un indispensable aide-mémoire, risque par le fait même de faire oublier
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.2
Liste indicative des éléments d’inventaire de corridors
des paramètres absents de celle-ci; on pourrait ainsi omettre d’en tenir compte dans
l’étude en cours. Enfin, les listes ne permettent pas la prise en compte des variations
des conditions du milieu dans le temps, ni, habituellement, de l’estimation et de l’éva-
luation véritable des impacts.
196
Fiche d’impact
L’emploi de «fiches d’impact» est une pratique courante en évaluation d’impacts. La
fiche d’impact est un des outils employés comme support de l’information de plu-
sieurs méthodes d’évaluation. Toutefois, son emploi fort répandu et l’étendue de son
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.3
Fiche d’analyse d’impact
FICHE D’IMPACT
Activité:
Élément:
Description de l’impact
Importance de
l’impact potentiel
Mesures d’atténuation
198 Importance de
l’impact résiduel
Mesures de compensation
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
auprès d’experts sur un sujet donné de recherche. Nous n’entrerons pas ici dans les
éléments détaillés de cette technique; toutefois, au cours de l’examen des méthodes
d’ÉIE, nous verrons des applications concrètes issues de cette technique de résolu-
tion de problèmes, notamment lors de l’examen des méthodes numériques (Batelle).
Dans sa forme classique, cette méthode vise à confronter les opinions d’un groupe
d’évaluateurs (experts du domaine) à l’aide de questionnaires successifs. L’objectif est
d’accéder à une réponse commune et satisfaisante sur un sujet pour lequel il n’en existe
habituellement pas, et ce, par consensus progressif de l’opinion des experts. L’enquête
Delphi est donc une approche basée avant tout sur les techniques et les stratégies de
communication. En ce sens et comme l’affirmaient Linstone et Turoff (1975), la
démarche de quête de l’opinion d’experts s’apparente plus au domaine des arts qu’aux
sciences. En pratique, cette méthode est utilisée « pour l’appréhension de questions
où les données sont insuffisamment structurées et où, en conséquence, une bonne
part de jugement et d’intuition entre en jeu» (Prades, 1993). Il s’agit là d’une situa-
tion très fréquente en évaluation environnementale et, conséquemment, l’enquête Delphi
est souvent employée de manière intégrale ou le plus souvent de façon abrégée.
La démarche générale de l’enquête se base sur le principe de rétroactions suc-
cessives. Un questionnaire de départ est envoyé à une série d’experts. Les réponses
sont par la suite analysées par le comité d’organisation de l’expérience. Les résultats
sont renvoyés aux mêmes experts afin qu’ils réévaluent leur propre position à l’aide
des réponses fournies par les autres. L’éventail des réponses possibles se précise et se
dirige ainsi peu à peu vers un certain consensus. Bien qu’il existe une foule de variantes
à cette méthode, la démarche comporte généralement plusieurs étapes. Le ques-
tionnement de départ auquel on veut répondre grâce à cette technique de consulta-
tion doit être formulé de façon souple, mais de manière tout de même assez précise
afin de délimiter clairement le domaine d’investigation. Les répondants, quant à eux,
doivent être choisis d’après des critères de sélection rigoureux et selon leurs connais-
sances ou leurs expériences. Cette opération de choix des experts est cruciale et déter-
minante pour la réussite de la démarche.
Plus précisément, le «questionnaire 1» est élaboré en fonction des interrogations
de départ et envoyé aux répondants (experts) retenus. L’étape suivante est l’analyse
199
des réponses obtenues afin de dégager et de regrouper les réponses similaires. Un deuxième
questionnaire, pouvant contenir des questions plus précises, est alors conçu et envoyé
de nouveau aux experts en compagnie des réponses fournies par les autres répondants.
Les répondants doivent, à cette étape cruciale, préciser, choisir et/ou commenter leur
position «finale». L’analyse des résultats de ce deuxième questionnaire permet de faire
ressortir les consensus et les opinions majoritaires afin de diffuser les résultats finaux.
L’évaluation des impacts environnementaux
Mentionnons, de plus, que, selon le type d’enquête Delphi employé, souvent déter-
miné par le temps, les moyens et les ressources disponibles, d’autres questionnaires
peuvent être élaborés, envoyés et commentés de nouveau avant la diffusion finale des
résultats, mais il s’agit habituellement d’une étape facultative.
Les sept étapes générales du processus type peuvent se résumer ainsi:
• formulation des questions ;
• choix des répondants;
• élaboration et envoi du questionnaire 1;
• analyse des résultats du questionnaire 1 ;
• conception et envoi du questionnaire 2 (rétroaction);
• analyse des résultats du questionnaire 2 ;
• (facultatif: conception, envoi et analyse d’autres questionnaires);
• diffusion des résultats.
Dans la mise en place d’une expérience de Delphi, deux aspects importants doivent
être considérés avec beaucoup d’attention et de précaution. Il s’agit d’abord du choix
des participants (répondants) et, ensuite, de l’élaboration même des questions
posées. Le choix des experts est important, car c’est à partir de leur propre opinion
qu’une réponse finale sera éventuellement formulée. En ÉIE, l’enquête Delphi est
employée lorsque l’on dispose de peu d’information sur un élément de l’environne-
ment, sur son importance ou sur un impact particulier. Dans de tels cas, cependant,
il est assez difficile de sélectionner les «experts». En effet, lesquels choisir et en vertu
de quels critères d’expertise? De plus, comment aborder des problèmes qui, pour une
grande part, nous échappent? En conséquence, les résultats obtenus sont toujours
incertains, souvent contestés, parfois contradictoires et quelquefois irréconciliables,
voire inacceptables. De son côté, l’élaboration des questions n’est pas toujours plus
facile. Il s’agit pourtant d’un aspect déterminant pour l’atteinte de résultats valables
et utiles. Ainsi, des questions ambiguës ou mal posées, ce qui est fréquent dans un
contexte de faible information, peuvent amener les experts à des interprétations dif-
férentes de celles souhaitées par les organisateurs de l’enquête.
200
L’une des particularités fort intéressantes de l’enquête Delphi est la confidentia-
lité des répondants. En effet, ces derniers ne communiquent jamais les uns avec les
autres, les seuls contacts passant par l’entremise des organisateurs par le biais du cour-
rier. L’anonymat ainsi obtenu réduit l’influence que certains experts, du fait de leur
autorité, de leur attitude ou de leur prestance, exerceraient sur les autres, ce qui pour-
rait modifier les résultats de l’enquête.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Bref, bien que les résultats reposent sur la seule opinion d’experts, la démarche
systématique de recherche de réponses par l’enquête Delphi tend à minimiser les élé-
ments subjectifs. De plus, le fait que les participants s’ignorent entre eux permet d’éli-
miner l’influence que certains experts à caractère dominant pourraient avoir sur les
réponses d’autres experts (un avantage éliminé, comme nous le verrons dans le cas
de la variante «mini-Delphi», où les experts sont réunis). Le processus de question-
nement se dirige donc vers un jugement final par l’emploi de rétroaction contrôlée,
c’est-à-dire par la révision du jugement des évaluateurs grâce à la confrontation des
opinions des divers participants.
peut n’apporter que de légères précisions aux résultats et s’avérer à toute fin pratique
inutile, compte tenu des exigences de temps et de moyens.
Parmi les variantes, celle appelée «mini-Delphi» ou «Delphi en temps réel»
(Linstone et Turoff, 1975) est sans doute la mieux connue et la plus souvent employée.
Dans cette variante, au lieu d’envoyer les questionnaires par la poste, les experts sont
plutôt réunis dans un même lieu (Ducos, 1983). Le grand avantage de cette variante
est l’élimination des délais d’envoi; les résultats peuvent être obtenus en quelques heures,
sinon en quelques minutes. Les résultats sont souvent automatiquement traités par
ordinateur. Toutefois, la démarche ne peut s’effectuer convenablement que si les opi-
nions des experts sont relativement près les unes des autres, ce qui n’est pas toujours
possible, surtout concernant certaines questions (impacts sociaux, culturels et éco-
nomiques). De plus, la confidentialité des répondants, caractéristique essentielle de
l’intégrité de l’enquête Delphi, et conséquemment la non-ingérence qui en est la résul-
tante, ne sont plus ici respectées.
Méthodes ad hoc
Les multiples méthodes ad hoc sont expressément destinées à un emploi bien parti-
culier, d’où leur dénomination. En réalité, on pourrait regrouper sous cette appella-
tion toutes les méthodes inclassables sous un autre nom. Bien souvent, il s’agit d’une
démarche méthodologique s’appuyant sur plusieurs méthodes consacrées, mais
appliquées d’une façon originale à l’objet d’étude. En ce sens, les méthodes regrou-
pées sous ce titre sont très diversifiées; elles peuvent être plus ou moins complètes
et complexes selon le cas. Conséquemment, on retrouve sous cette appellation une
grande variété d’études, des plus rudimentaires, comme un court texte descriptif des
grands enjeux environnementaux, aux plus complexes, certaines parmi les meilleures
études réalisées à ce jour.
Les méthodes ad hoc furent développées à partir de l’expérience et du jugement
des évaluateurs et elles ne sont habituellement applicables qu’à un seul cas. La base
méthodologique de l’approche ad hoc est donc l’expérience et l’intuition des spécia-
listes (évaluateurs d’impacts) qui fournissent des lignes générales sur le type et la nature
des impacts anticipés d’un projet précis.
202
À l’origine, les méthodes ad hoc constituaient souvent une première ébauche métho-
dologique de l’évaluation environnementale. En ce sens, certaines pourraient consti-
tuer aujourd’hui une étude préliminaire d’ÉIE. Elles ne constituaient alors qu’une pre-
mière approximation de l’impact environnemental par le simple relevé des impacts
en cause. Depuis quelques années, certaines études ad hoc montrent un degré de
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
sophistication qui va bien au-delà d’une première approximation. Les auteurs de ces
études emploient alors une méthodologie bien particulière faisant appel, dans la plu-
part des cas, à une panoplie de techniques et de résultats en provenance des autres
méthodes. Ces études relèvent alors des méthodes d’évaluation, ayant dépassé et de
loin l’élémentaire identification.
Outre la monotone énumération textuelle des différents éléments de l’environ-
nement et des impacts appréhendés, il existe bien peu de méthodes ad hoc d’identi-
fication. En ce qui concerne l’identification, les listes de contrôle et les réseaux, ainsi
que la superposition, occupent pratiquement tout le champ des possibilités.
Comme sa dénomination le prescrit, la locution ad hoc signifiant «pour cela»,
il ne peut exister de modèle type de méthode ad hoc. Nous ne pouvons donc que pré-
senter des exemples précis parmi tant d’autres. Dans le même ordre d’idées, il ne peut
y avoir vraiment de méthode pionnière ; nous présentons par conséquent deux
approches originales. La première est une approche simple applicable à l’examen d’un
projet précis; la seconde est beaucoup plus complexe et concerne une évaluation stra-
tégique d’impact, c’est-à-dire un examen plus global à propos d’une éventuelle poli-
tique énergétique.
Figure 5.4
Présentation finale des résultats d’une approche ad hoc
Évaluation
Dommageable
de l’impact
Effet négatif
Indéterminé
Court terme
Effet positif
Long terme
Irréversible
Pas d’effet
Réversible
Bénéfique
Éléments de
l’environnement
Faune x x x
Espèces menacées x
Végétation naturelle x x x
Végétation introduite x
Nivellement du sol x x x x
Caractéristiques du sol x
Drainage naturel x
Eau souterraine x x
Nuisances sonores x x
Pavage x
Activités récréatives x
Qualité de l’air x x x x
Esthétique du paysage x
Espace ouvert x x x x
Santé et sécurité x
Valeurs économiques x x x
Édifices publics x x x
Services publics x
Conformité/ plans régionaux x x x
des critères d’évaluation. Enfin, les impacts indéterminés étaient clairement soulignés
comme tels par les évaluateurs, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas encore
aujourd’hui, malgré la présence constante de ceux-ci dans la plupart des cas à
l’étude.
Par ailleurs, les éléments biophysiques de l’environnement sont grandement agrégés
(regroupés) sous quelques ensembles très étendus, notamment en ce qui concerne
la faune et la qualité de l’air. La répartition entre les éléments biophysiques et les élé-
ments humains ou socio-économiques est relativement bien équilibrée pour l’époque.
204
Finalement, la prise en compte d’éléments comme les espèces menacées, les activités
récréatives et l’esthétique du paysage constitue une contribution intéressante à
l’étendue et à la globalité de l’ÉIE.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
(bois)
Du premier au dernier
fermé
Hélio-
Circuit
Déchets
Centrale
Centrale
Électricité
Classique
Électricité
Électricité
Électricité
Électricité
Centralisé
Chauffage
Chauffage
Chauffage
thermique
et transport
et transport
Décentralisé
Combustible
Marémoteur
(incinérateur)
avec réservoir
au fil de l’eau
et métallurgie
de substitution
Photovoltaïque
(centrale nucléaire)
Électricité (centrale
(centrale thermique)
(centrale thermique)
(centrale thermique)
Chauffage domestique
thermique bois et tourbe)
Qualité de la ressource E E E E E E E R R R R D D D D D D R R D
Modification d’écosystème 18 18 12 12 10 10 17 15 16 2 14 20 3 9 8 7 1 5 5 4
Modification de l’aménagement 18 18 16 16 8 8 20 10 5 4 10 15 3 12 12 12 1 6 6 2
Modification du paysage 18 18 15 16 10 9 17 13 12 14 11 20 3 4 4 6 1 7 7 2
Modification du mode de vie 17 17 15 12 15 12 20 10 1 9 8 19 11 3 3 3 1 6 6 14
207
L’évaluation des impacts environnementaux
de données qualitatives. Toutefois, dans une telle comparaison les écarts possibles entre
deux rangs ne sont pas mesurés, ce qui peut induire à des estimations erronées dans
une évaluation globale.
La figure 5.6 présente par contre une matrice comparative plus complète d’éva-
luation puisqu’elle possède une cotation absolue de l’ampleur des impacts anticipés.
La cotation se distribue sur une échelle de trois valeurs: forte, moyenne et faible. Cette
cotation nécessite une plus grande quantité de données, ou une meilleure apprécia-
tion qualitative, ou quantitative des impacts puisque la fixation précise de la valeur
désignée n’est pas relative comme dans le premier cas (figure 5.5) mais absolue. Cette
évaluation plus précise de l’importance des impacts est pour certains critères extrê-
mement incertaine, voire impossible à déterminer.
Figure 5.6
Matrice des impacts environnementaux potentiels
de diverses filières énergétiques
ÉNERGÉTIQUES
Importance de l’impact:
Hélio-thermique
Photovoltaïque
(de faible à fort)
Au fil de l’eau
Avec réservoir
✳ ✳ ✳
Décentralisé
Gaz naturel
Centralisé
Biomasse
Uranium
Pétrole
CRITÈRES
ENVIRONNEMENTAUX
MODÈLES ET SYSTÈMES
Sous cette dénomination, nous regroupons les méthodes qui utilisent une approche
systémique d’examen des divers paramètres: composantes du projet, éléments du milieu
et impacts environnementaux. Ces différentes méthodes sont avant tout orientées vers
la découverte des interactions entre les divers paramètres en cause (activités, éléments
et impacts). L’objectif principal est donc l’examen des relations de cause à effet de
l’ensemble de l’objet d’étude. Cette approche va donc plus loin que la simple iden-
tification des éléments et des impacts environnementaux, comme c’est généralement
le cas avec les listes de contrôle, par exemple.
Les diverses méthodes regroupées ici sont:
• les matrices;
• les réseaux;
• les modèles et la modélisation.
Sous ce deuxième axe d’étude, nous retrouvons généralement une démarche d’ana-
lyse, l’aspect synthèse n’intervenant qu’à la fin et souvent sans trop d’argumentation.
Dans certains cas, il s’agit d’un processus simple d’identification bien plus qu’un exer-
cice plus complet d’évaluation. Dans d’autres cas, toutefois, la démarche employée
implique une évaluation détaillée et complète des impacts, notamment lorsqu’il s’agit
de matrices. La démarche d’étude se veut générale, mais elle peut quelquefois être spé-
cifique à un problème particulier, comme c’est souvent le cas en modélisation.
Ces méthodes et outils sont fréquemment employés depuis le début de l’ÉIE. La 209
prise en compte des aspects temporels et spatiaux n’est pas nécessairement explicite
et exhaustive, mais l’aspect cumulatif des impacts peut être relativement bien mis en
évidence, notamment par les réseaux. Ces méthodes sont rarement employées pour
l’étude comparative de solutions de rechange ou de variantes de projet, car une seule
solution de rechange ou variante est habituellement examinée en détail.
L’évaluation des impacts environnementaux
Les moyens mis en œuvre paraissent simples et faciles d’accès au premier abord,
mais dans le cas de systèmes compliqués ou de grande portée, la prise en compte des
divers paramètres peut rapidement devenir d’une grande complexité. Conséquemment,
la lourdeur de la démarche peut devenir très exigeante en temps et en argent. La pré-
sentation des résultats demeure toutefois relativement simple, sauf peut-être dans le
cas de réseaux pour de vastes projets ou de milieux d’insertion compliqués. L’examen
des résultats est facile et ces derniers peuvent être reproductibles assez aisément. Par
contre, ceux-ci sont habituellement peu aptes à une prise de décision classique pour
les décideurs, étant donné le caractère plutôt scientifique et éclectique de la démarche
systémique.
Matrice
La matrice peut n’être qu’un simple outil de présentation des résultats de l’évalua-
tion; elle est d’ailleurs couramment utilisée en ce sens en ÉIE. Mais comme nous le
verrons ensuite pour le réseau, l’approche matricielle peut aussi constituer une enri-
chissante et expressive démarche d’examen.
Les matrices représentent habituellement des tableaux à double entrée. Les deux
axes composant la structure d’une matrice sont souvent la reproduction de listes de
contrôle reconnues ou, mieux, l’adaptation de telles listes au milieu d’insertion du
projet. La méthodologie employée est en règle générale plus complexe et plus com-
plète que dans le cas de la liste de contrôle. Les matrices permettent une améliora-
tion substantielle sur les listes de contrôle par la mise en évidence des interactions
(cause à effet) entre l’ensemble des activités humaines et des éléments du milieu.
L’évaluation des impacts peut être soit qualitative, au minimum par la simple men-
tion d’une interaction, soit quantitative, grâce à l’emploi d’un indice d’importance
de l’impact.
Concrètement, les matrices représentent souvent une visualisation synthèse des
résultats de l’examen d’un projet. Leur présentation est habituellement simple et rela-
tivement facile à comprendre par tous, même par des non-spécialistes de l’évalua-
tion. En ce sens, elles représentent une bonne façon de visualiser et de présenter l’en-
semble des impacts d’un projet, et plus particulièrement les interactions entre les activités
210 projetées et les éléments environnementaux. Par ailleurs, le relevé des impacts selon
les différentes phases des travaux peut facilement être montré. L’emploi de plusieurs
matrices simplifie parfois la représentation d’un projet complexe ou la comparaison
de solutions. Cependant, l’utilisation de matrices permet faiblement l’appréhension
des aspects spatiaux des impacts. De plus, elle ne permet pas en soi de prévoir les impacts
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Matrice de Léopold
Parmi les matrices d’évaluation, la plus connue est sans aucun doute la «matrice de
Léopold» (Léopold et coll., 1971). Il s’agit d’un des premiers efforts méthodologiques
complets dans le domaine de l’ÉIE. De plus, elle offre à la fois la possibilité d’iden-
tification et d’évaluation des impacts. La matrice fut développée pour le compte du
United States Geological Surveys afin d’analyser différents types de projets de
construction (Munn, 1977).
L’approche de Léopold est, par ailleurs, du point de vue pédagogique, un très bon
exemple de présentation de plusieurs des paramètres méthodologiques de l’évalua-
tion des impacts environnementaux. En ce sens, sa vétusté et sa faible utilisation depuis
de nombreuses années n’en font pas moins, encore aujourd’hui, un bon modèle de
présentation de plusieurs aspects de l’ÉIE. Son étude permet par-dessus tout d’exa-
miner les principaux avantages et inconvénients des méthodes d’ÉIE.
La matrice de Léopold peut aussi bien servir de double liste de contrôle, en uti-
lisant soit l’axe vertical (les actions projetées), soit l’axe horizontal (les éléments de
l’environnement), que de matrice d’identification et d’évaluation des impacts envi-
ronnementaux. La première utilisation des paramètres déterminés par Léopold
comme liste de contrôle est d’ailleurs la plus fréquente actuellement. Les listes d’élé-
ments et d’activités y sont assez exhaustives; elles représentent donc de précieux aide-
mémoire. Par contre, sa manipulation comme matrice, surtout pour de grands pro-
jets, s’avère assez complexe et imprécise.
La matrice complète est constituée d’une grille exhaustive à double entrée. L’une
regroupe les activités liées au projet et l’autre, les éléments du milieu. L’axe horizontal
présente une liste de 101 activités possibles ou «actions projetées» (diverses activités
humaines) et l’axe vertical regroupe 86 éléments de l’environnement ou «caracté-
ristiques et états de l’environnement ». Ces deux axes sont subdivisés en divers
groupes d’activités et catégories d’éléments. La matrice générée à partir des deux listes
de paramètres représente une immense grille offrant une possibilité de 8686 cases. 211
Chacune des cases représente une interaction possible entre une action du projet et
une caractéristique du milieu récepteur. Le mode d’emploi (instructions) proposé par
l’auteur est simple, mais plutôt sommaire et imprécis.
L’évaluation des impacts environnementaux
La figure 5.7 montre une petite section de la matrice de Léopold; la matrice totale
est bien sûr beaucoup plus imposante. Le mode d’emploi y est reproduit dans le coin
supérieur gauche. Compte tenu de la taille de la matrice complète, la manipulation
d’un tel support n’est pas toujours très commode. Par contre, lors de la présentation
finale des résultats, la plupart des évaluateurs adoptant la méthode de Léopold
réduisent le nombre de cases au strict nécessaire des interactions présentes.
Chacune des cases d’interaction de la matrice (impact potentiel) est divisée par
une ligne diagonale créant ainsi deux parties distinctes d’évaluation. La partie en haut
à gauche correspond à l’intensité ou ordre de grandeur de l’impact (l’importance
absolue), elle est considérée indépendamment de son contexte. L’autre partie sert par
contre à indiquer l’importance relative de l’impact, c’est-à-dire qu’elle tient compte
du contexte d’insertion de l’impact. L’importance relative de l’impact tient compte
explicitement de la capacité des milieux récepteurs et de la persistance de l’impact.
Une cotation sur une échelle de 1 à 10 (faible à fort) permet d’estimer plus pré-
cisément l’ampleur de l’impact, tant en ce qui concerne son importance absolue que
son importance relative. La notation tient aussi compte de la valeur positive (+) (favo-
rable) ou négative (–) (défavorable) accordée à l’impact. Le produit des deux cota-
tions donne l’estimation finale de l’impact global anticipé.
Les informations complémentaires, telles que la durée de l’impact, son étendue,
sa probabilité, les impacts secondaires appréhendés et les mesures d’atténuation envi-
sagées, ainsi que toutes informations supplémentaires sur la nature de l’impact ou
de l’environnement, se retrouvent en renvoi dans le texte d’accompagnement à la matrice
ou en notes de bas de page. Léopold ne proposait pas l’emploi d’une fiche d’impact
standardisée. L’évaluation globale des impacts, c’est-à-dire le produit des deux cota-
tions, pouvait être reportée sous la forme d’un tableau sommaire des impacts, d’un
court texte explicatif ou sur une nouvelle matrice finale.
La matrice de Léopold a l’avantage d’offrir une approche systématique de l’im-
pact environnemental d’activités humaines ou de projets complexes. En règle géné-
rale, la présentation des résultats sur la matrice est facilement représentable et com-
municable (Munn, 1977). Toutefois, contrairement aux matrices plus récentes, la
212 visualisation de la matrice de Léopold n’est pas souvent claire et efficace comme pré-
sentation synthèse et finale des impacts, notamment à cause de la représentation com-
pliquée de la double cotation. Depuis longtemps, elle sert surtout de base au relevé
des impacts en tant que double liste de contrôle, mais elle pourrait aussi servir, selon
certains, comme «première approximation de leur importance» (Renson-Boegaerts,
1982). La cotation relativement simple de l’importance des impacts offre de plus une
Figure 5.7
Section de la matrice de Léopold (partie supérieure)
INSTRUCTIONS A. Modifications de régime B. Transformation du sol et construction
1. Identifier toutes les actions proposées (celles
du haut de la matrice) qui font partie du
projet.
2. Inscrire une diagonale dans chacune des cases
où une action proposée peut avoir un impact
sur un élément du milieu.
3. Une fois la matrice complétée, dans le coin
gauche de chaque case, placer un chiffre
s’échelonnant de 1 à 10 qui indiquera
l’AMPLEUR de l’impact, c.à.d. son importance
absolue (le chiffre 10 représente la plus
grande ampleur tandis que le 1 représente la
plus faible; il n’y a pas de zéro). Devant
chaque chiffre placer un + si l’impact est
bénéfique. Dans le coin droit de chaque case,
placer un chiffre s’échelonnant de 1 à 10 qui
indiquera l’IMPORTANCE de l’impact, à savoir
son importance relative (p.ex., régional vs
local).
4. Le texte qui accompagne la matrice devrait
être une discussion des impacts les plus signi-
ficatifs (les rangées et les colonnes ayant le
plus grand nombre de cases marquées et les
cases individuelles contenant les chiffres les
plus élevés.
Actions proposées
a. Ressources minières
b. Matériaux de construction
c. Sols
d. Caractéristiques du paysage
1. TERRE
e. Champs de force/rad. de fond
f. Traits physiques exceptionnels
a. De surface
b. De mer
ET CHIMIQUES
c. Souterraine
d. Qualité
2. EAU
CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES
e. Température
f. Réapprovisionnement
g. Neige, glace, pergélisol
Source: Traduit et adapté de Wathern, 1992 et Munn, 1977.
213
L’évaluation des impacts environnementaux
c’est-à-dire sans tenir compte du milieu d’insertion, comme Léopold le proposait pour
l’importance absolue de l’impact.
Bref, la méthode des matrices est encore fort employée. Ses utilisations récentes
sont bien sûr redevables aux efforts pionniers, mais elles s’en distinguent habituel-
lement par une plus grande rigueur méthodologique et une présentation générale-
ment plus simple mais supérieure. Le guide méthodologique d’Hydro-Québec
(Hydro-Québec, 1990), par exemple, place la méthode des matrices en bonne posi-
tion dans sa démarche d’examen ; l’entreprise utilise généralement une matrice
comme sommaire de l’impact environnemental d’un projet.
Nous reproduisons à la figure 5.8 un exemple de matrice que nous avons
employé récemment (Raymond et Leduc, 1995). Cette matrice représente les inter-
actions potentielles entre des activités et des éléments de l’environnement dans le cas
de projets d’adduction en eau potable au Maroc. Afin de limiter l’étendue de la matrice,
seules les activités du projet et les éléments de l’environnement ayant une interac-
tion sont indiqués dans les colonnes et les rangées respectives. Les éléments de l’en-
vironnement sont regroupés sous deux grands ensembles, le milieu biophysique et
le milieu humain. À l’intérieur de chacun des ensembles, les divers éléments sont asso-
ciés et agrégés dans des sous-ensembles regroupant les éléments similaires – l’hydro-
logie, par exemple. En ce qui concerne les activités du projet, deux grandes phases
regroupent toutes les activités probables, soit la phase de construction et la phase d’ex-
ploitation et d’entretien. Dans l’étude en question, l’utilisation de matrices consti-
tuait autant un outil d’analyse et d’évaluation des impacts qu’un support convenable
à la présentation synthèse des résultats de l’examen du projet.
Réseau
La méthode dite en «réseau» a plusieurs appellations. La dénomination de réseau ori-
gine du mot anglais network, souvent traduit par le terme français «graphe». Elle est
aussi dénommée flow diagrams (Munn, 1979) et se traduit alors par «méthode en sys-
tèmes» (Munn, 1977). L’approche en réseau se présente généralement sous la forme
de diagrammes illustrant les interactions entre les activités du projet et les éléments
du milieu ainsi que les divers liens des éléments et des impacts entre eux. L’approche
216 en réseau a pour objectif principal, et parfois unique, la mise en évidence des inter-
actions qui existent entre les divers paramètres et, notamment, les impacts secondaires
et indirects, ainsi que, dans une certaine mesure, les impacts cumulatifs. Il ne s’agit
donc pas nécessairement d’évaluer l’importance des impacts d’un projet, mais plutôt
de connaître précisément et de manière complète les liens entre les différents para-
mètres impliqués. Ces liens s’établissent bien sûr entre les multiples éléments de
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.8
Matrice type d’interactions potentielles
CONSTRUCTION
EXPLOITATION
Aménagement Infrastructures ET ENTRETIEN
des sites et équipements
Installation de chantiers
Procédés et traitement
Pose des conduites
Légende
Impacts négatifs
Impacts positifs
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX
A
Eaux souterraines B
Hydrologie Qualité des eaux C
Régime hydrodynamique D
MILIEU BIOPHYSIQUE
Ruissellement/infiltration/bilan E
Géologie et Forme et relief F
dépôts de surface Nature des dépôts G
Climatologie Qualité de l’air et odeurs H
et air ambiant
Bruits/vibrations I
Faune terrestre, aquatique et avienne J
Biologie Flore terrestre et aquatique K
Écosystème L
Démographie/déplacement/migration M
Cadre socio- Coutumes/traductions N
économique Qualité de vie/santé/hygiène O
MILIEU HUMAIN
Activité économique P
Espace urbain et équipement Q
Espace agricole R
Utilisation Espace forestier S
du sol et paysage
Récréo-touristique/patrimoine T
Aire d’extraction et d’enfouissement U
Composition du champ visuel V
l’étape de la simple identification des interactions; elles offrent rarement une manière
d’évaluer l’importance de l’impact.
La figure 5.9 montre une représentation simple des résultats d’une telle approche
en réseau. Dans le cas présent, le schéma général présentant les résultats indique bien
l’enchevêtrement des diverses interactions présentes dans un écosystème pastoral. Cette
illustration permet de saisir facilement qu’un impact affectant les bourgeons de plante
aura de multiples incidences sur plusieurs éléments de l’environnement, donc de nom-
breux impacts secondaires. De plus, cette représentation démontre instantanément
la non-linéarité des enchaînements de cause à effet, donc la présence d’effets et d’im-
pacts indirects et cumulatifs.
Figure 5.9
Réseau représentant les interactions d’un écosystème pastoral
Bourgeons de Mouton
plante
Racines
Fumier
Résidus
végétaux
Invertébrés
détritivores
Litière
Limaces
Vers
Décomposeurs
218 (microbiens)
Sol
Méthode de Sorensen
La plus réputée des méthodes en réseau est sans contredit celle qui fut préconisée par
Sorensen au début des années 1970. L’approche de Sorensen (1971) préconisait à l’ori-
gine l’identification de l’ensemble des impacts de projets d’aménagement, particu-
lièrement en zones côtières. La méthode fut mise au point dans une optique d’amé-
nagement du territoire et de préservation des ressources. Ultérieurement, la méthode
fut adaptée par Sorensen et Moss (1973) afin de convenir à d’autres applications, tout
en explicitant le type de données relatives aux impacts. La méthode développée par
Sorensen est en fait une approche intermédiaire entre la matrice et le réseau de type
«écologique». Certains auteurs classent d’ailleurs cette méthode parmi les matrices.
Selon nous, il est plus judicieux de la classer parmi les réseaux, car son objectif est
de mettre en évidence les nombreux enchaînements de cause à effet.
La méthode de Sorensen suppose l’utilisation de plusieurs matrices interreliées;
il s’agit en fait d’un réseau de matrices. Une première matrice relève les interactions
entre les actions du projet et les effets anticipés. La seconde représente les liens entre,
d’une part, les effets anticipés et, d’autre part, les conditions initiales du milieu. Enfin,
une dernière matrice présente les interactions entre les conditions initiales et les condi-
tions finales (impacts indirects). Cette matrice ultime décèle aussi les effets multiples
et les mesures correctives. Le tout est organisé de façon à présenter les «arborescences
causales», c’est-à-dire les enchaînements d’effets. Ces enchaînements sont habituel- 219
lement illustrés grâce à des «représentations arborescentes» (impact tree), comme dans
la méthode de Sorensen (Sorensen 1971; Sorensen et Moss, 1973) ou plus récemment
dans son adaptation par Rau (1980).
La méthode de Sorensen ressemble en pratique à une modélisation du milieu réel
qui tiendrait compte des effets dynamiques (temps). Elle est, par le fait même, l’une
L’évaluation des impacts environnementaux
des meilleures approches en ce qui concerne le relevé des impacts indirects et secon-
daires. De plus, elle tient compte des mesures possibles d’atténuation des impacts,
notamment en préconisant des mesures correctrices et des mécanismes de contrôle.
Elle était d’ailleurs la première à prendre en compte de manière aussi explicite ces
aspects importants de l’ÉIE. Le nombre d’éléments et d’interactions possibles limite
bien sûr l’application de la méthode de Sorensen à des projets sans trop d’envergure
ou ne présentant qu’un nombre limité d’impacts. Par ailleurs, lors d’examen de cas
relativement complexes, l’emploi de l’informatique pourrait favoriser l’utilisation de
la méthode.
Toutefois, l’approche de Sorensen ne permet pas une véritable évaluation de l’im-
portance des impacts, il s’agit avant tout d’une analyse indicative des interactions entraî-
nant ces impacts. Les impacts directs et indirects sont habituellement bien soulignés,
mais la portée et la gravité des conséquences sur l’environnement de ces impacts nous
sont généralement inconnues. De plus, la représentation finale s’avère assez complexe
à comprendre pour les non-initiés, en particulier pour les non-biologistes, peu
familiers avec l’emploi de réseau. Enfin, elle est limitée par l’insuffisance des données
concernant la dynamique de la plupart des écosystèmes et plus précisément en ce qui
concerne les caractéristiques précises du milieu local d’insertion. Voilà qui affecte bien
sûr la plupart des autres méthodes, mais, compte tenu de la nature propre de l’ap-
proche en réseau, cette insuffisance entraîne des conséquences plus importantes
qu’ailleurs sur les résultats anticipés.
Figure 5.10
Représentation du réseau de Sorensen selon Rau
Major land use type: residential
Uses
High-density
apartments
Tree removal
Place
Excavation
Increased intermittent
Hard top
(a)
(C)
(b)
*Les lettres entre parenthèses de la partie (b) correspondent aux éléments de la partie (a)
bien exprimée, ainsi que la probabilité d’occurrence de l’impact. Les calculs de la cota-
tion ainsi que de l’indice général pour chacun des indices arborescents y sont clai-
rement indiqués.
La cotation des impacts se répartit sur une échelle d’importance et d’ampleur
221
variant de 1 à 10. La représentation arborescente des impacts est reprise dans un «indice
arborescent » (branch indexes) qui permet en outre une cotation des différents
impacts et ensuite la réalisation d’un «indice général» (grand index). Ce dernier pré-
sente les trois paramètres d’évaluation proposés par l’auteur.
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.11
Méthode de calcul des index selon Rau (Brand and Grand Index)
Index de l’impact environnemental
Évaluation de l’impact
Impacts (intervalle de 1 à 10)
Magnitude Importance Probabilité d’occurrence
E 5 3 B E (0,8); D E (0,7)
F 2 5 A F (0,5)
G 3 4 C G (0,3); D G (0,4)
H 4 5 E H (0,7)
I 2 9 F I (0,6)
J 2 5 G J (0,8)
K 3 7 H K (0,7)
L 2 10 I L (0,9)
M 1 6 J M (0,8)
Figure 5.12
Schéma des différentes étapes d’une modélisation mathématique
Objectifs de
Objet d’étude
modélisation
Interprétation
Analyse/hypothèses
d’un système/objet
Liste des
variables
Formalisation
Expérimentation
Qualitative Quantitative
des données
Validation
Utilisation
Superposition cartographique
La méthode de la «superposition cartographique», nommée parfois «superposition
géographique» et overlays en anglais, vise une représentation synthèse de l’impact envi-
ronnemental d’activités à forte connotation spatiale. La base de cette méthode est la
représentation cartographique des paramètres impliqués dans l’ÉIE. Les paramètres
d’étude (composantes du projet, éléments de l’environnement et impacts environne-
mentaux) sont transposés sur un support cartographique selon leur référence spatiale.
Conséquemment, les paramètres sans référence spatiale précise ne peuvent que très
difficilement être indiqués et traités à l’aide de cette seule méthode. L’approche de la
superposition cartographique est issue de techniques et de manipulations utilisées depuis 227
longtemps en aménagement et en planification du territoire. La méthode fut intro-
duite en évaluation environnementale par McHarg dès la fin des années 1960.
L’approche de la superposition cartographique constitue la base de plusieurs démarches
méthodologiques employées en évaluation des impacts environnementaux.
L’évaluation des impacts environnementaux
Superposition de McHarg
Le professeur McHarg, de l’Université de Pennsylvanie, présenta dès 1968 la méthode
de la superposition cartographique afin d’évaluer les impacts environnementaux de
projets routiers (McHarg, 1968 et 1969). Ces projets impliquaient une répartition spa-
tiale importante des composantes et des activités nécessaires à leur réalisation.
Provenant de l’architecture du paysage et de la planification urbaine, ces techniques
simples devinrent rapidement un outil important de «planification écologique» et
elles influencèrent profondément la méthodologie de l’ÉIE.
L’approche développée par McHarg dans l’ouvrage Design with Nature (McHarg,
1969 et 1992) est l’une des plus employées pour la planification environnementale
et elle est très souvent utilisée en évaluation des impacts environnementaux. Ses prin-
cipaux avantages sont sa simplicité ainsi que les possibilités d’économie de temps et
de moyens. De plus, elle convient bien aux nombreux projets d’aménagement de type
linéaire, une catégorie importante de projets assujettis à l’ÉIE.
La méthode consiste à indiquer sur divers supports transparents (acétates) les infor- 229
mations relatives à certaines contraintes (de sources naturelles ou anthropiques) et
les composantes environnementales pour un espace donné (une entité géogra-
phique). La superposition de plusieurs transparents, chacun composé d’une théma-
tique précise (social, tourisme, milieu naturel, etc.), permet d’envisager la variété des
éléments qu’il est possible de prendre en compte. Conséquemment, l’intégration ou,
L’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.15
Superposition photographique
235
Figure 5.16
Superposition du tracé probable de l’emprise
d’une conduite souterraine d’eau potable
Juxtaposition du tracé d’une conduite souterraine d’adduction d’eau potable sur support photographique
(Meknès au Maroc).
Dans un contexte d’étude limité en moyens et en ressources ainsi que par les infor-
mations disponibles, l’emploi d’outils tels que la photographie est grandement profitable
à l’équipe d’évaluation. Ainsi, l’emploi de la photographie permet de bonifier l’étude
en cours sans pour autant représenter une lourde charge de travail ni des efforts dis-
pendieux. Les résultats d’une telle opération peuvent servir non seulement comme
outil essentiel de présentation de l’examen mais aussi en tant qu’instruments d’ana-
lyse et de collecte d’informations. De plus, ces outils simples facilitent grandement
l’information et la participation de la population au processus d’examen d’un projet.
Afin de compléter ensuite les informations souvent sommaires recueillies sur le ter-
rain, une simple prise de multiples photos, avec annotations sur une carte thématique,
pourrait enrichir grandement la collecte de données. L’interprétation ultérieure de ces
photos apporte plus de précisions et d’informations que ne le permettent bien souvent
de courtes expéditions sur le terrain. En plus, l’exhibition ultérieure de ces photos constitue
une manière commode de présenter une grande partie des résultats de l’étude. L’emploi
de la photographie sur l’ensemble d’un tracé, par exemple, permet de réaliser une séquence
presque complète du territoire couvert par les composantes d’un projet. Plusieurs séries
de photos panoramiques juxtaposées les unes aux autres permettraient d’enrichir de nou-
veau l’information recueillie, particulièrement pour les portions de territoire faiblement
connues au préalable ou trop rapidement parcourues au cours de la visite de terrain, voire
inaccessibles autrement, comme sur la représentation de la planche couleurs 1.
Depuis peu, cette approche est souvent incluse dans la modélisation assistée par
ordinateur ; la reproduction (modèle) du site sert de fond visuel sur lequel on
viendra ajouter les éléments composant le projet futur. Grâce aux ordinateurs, les pos-
sibilités de modification des composantes et la variation de point de vue (point d’ob-
servation) deviennent désormais relativement simples et rapides. Plusieurs des plus
récents systèmes d’information géographique permettent cette utilisation très poly-
valente concernant les aspects visuels de l’évaluation d’un projet (Nutter et coll., 1996).
Elles servent donc généralement à hiérarchiser ou à pondérer (valeur relative des élé-
ments) différents paramètres dans le cadre d’un examen comparatif. Il s’agit donc
d’une recherche de l’optimum entre plusieurs choix possibles (solutions de rechange
et variantes), d’où l’importance de la pondération pour cette approche. Par l’agré-
gation et la pondération complète des valeurs attribuables aux différents impacts, par
exemple, l’option optimale devrait ressortir en première position. Les méthodes com-
paratives unicritères représentent un examen synthèse d’évaluation. Elles sont
employées elles aussi depuis longtemps dans presque tous les cas de comparaison d’op-
tions ou de variantes de projet, mais aussi, ce qui est cependant moins recomman-
dable pour l’évaluation globale d’un projet.
Les moyens à mettre en œuvre semblent relativement simples et rigoureux, aux
premiers abords. Cependant, en pratique, il s’avère très complexe, voire souvent impos-
sible, d’attribuer une valeur de référence unique à plusieurs des paramètres impli-
qués par l’examen; ne pensons qu’à la détermination de la valeur monétaire de la vie
humaine, par exemple. Par ailleurs, l’apparente complexité et la précision mathématique
de certaines opérations ne sont nullement le gage d’une rigueur scientifique à toute
épreuve. Néanmoins, la démarche unicritère s’avère une tentative d’élimination des
incertitudes et des impondérables, notamment par la réduction de la subjectivité inhé-
rente à beaucoup d’étapes de l’évaluation. Toutefois, il y a là une sous-estimation de
la globalité des enjeux en cause, notamment de la « valeur » des éléments de l’envi-
ronnement difficilement quantifiables.
La lourdeur dans l’obtention de certains résultats (évaluation de certains para-
mètres) peut entraîner des dépenses de temps et d’argent considérables, particuliè-
rement lorsqu’il s’agit d’enjeux ou de projets contestés. Le recours à l’expertise
d’études antérieures non contestées pourrait par contre rendre l’exercice d’une rela-
tive simplicité, et ce, avec assez de rapidité et peu de moyens. La prise en compte des
aspects temporel, spatial et cumulatif ne fait pas nécessairement partie de la démarche
d’étude. Par sa nature spécifique à la comparaison, elle représente cependant un com-
plément d’examen utile à d’autres méthodes d’ÉIE.
La présentation du résultat final est simple et facilement compréhensible.
Toutefois, le processus d’étude ayant mené à l’atteinte des résultats n’est pas toujours
242
d’une clarté et d’une simplicité facilement accessible à tous. De plus, la reproducti-
bilité des résultats s’avère difficile, car certains des résultats sont fréquemment le fruit
de jugements de valeur implicites ou fortement biaisés. Il n’est pas si simple d’éliminer
toute subjectivité en ce domaine. En fait, l’approche comparative unicritère s’avère
souvent un examen trop linéaire et superficiel des questions en jeu en ÉIE.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Ces méthodes sont généralement perçues comme une aide efficace et précieuse
à la prise de décision, particulièrement par les décideurs, en raison du choix unique
ultime, apparemment clair et net pour eux, notamment lorsque celui-ci s’exprime
en termes financiers. Pour le public, par contre, il est parfois difficile de comprendre
la démarche employée et la validité des résultats est souvent remise en question.
Méthodes numériques
L’objectif des méthodes dites «numériques » est d’obtenir une plus grande objecti-
vité dans l’évaluation globale d’un projet ou d’options. Il s’agit d’une tentative de nor-
malisation par l’agrégation des impacts afin d’obtenir la mesure de l’impact global.
Les techniques numériques servent donc à affiner l’évaluation des impacts, notam-
ment afin de normaliser sur une base comparable les différents impacts. L’objectif
principal est de pouvoir pondérer chacun des paramètres (éléments, effets et impacts)
les uns par rapport aux autres à l’aide d’un critère unique normalisé. L’obtention d’une
valeur « objective » de pondération permet notamment une meilleure comparaison
des différentes options d’un projet.
Le critère unique servant de base comparative à tous les critères distincts
employés dans l’étude peut prendre plusieurs formes. Sans réussir toujours à justi-
fier hors de tout doute la validité d’un unique critère de comparaison, les différentes
techniques numériques y aspirent. Il s’agit d’une approche souvent contestée en ÉIE,
car plusieurs pensent qu’il serait souhaitable de se tourner plutôt vers la recherche
de méthodes multicritères applicables à l’évaluation des impacts environnementaux.
Par ailleurs, les techniques numériques requièrent beaucoup de temps et de res-
sources étant donné les attentes, la complexité et la lourdeur de la démarche.
Conséquemment, elles sont rarement employées intégralement. Toutefois, leurs sys-
tèmes de pondération sont occasionnellement employés afin d’évaluer plus justement
les impacts identifiés à l’aide de matrices ou d’autres méthodes d’évaluation. En outre,
elles ont grandement inspiré les méthodes de traitement de l’information des SIG.
Globalement, les techniques numériques présentent certaines contraintes et
limites importantes dont nous ne mentionnerons que les principales. Il y a d’abord
l’éventualité de divergence et de polarisation des points de vue dans l’attribution des 243
valeurs pour certains éléments. Ces valeurs ne se construisent, la plupart du temps,
sur aucun fondement réel ou incontestable; en fait, elles sont empreintes de jugements
de valeur et d’incertitudes. Dans ce cas, ces méthodes ne sont pas vraiment d’une aide
bien précieuse pour la prise de décision. L’emploi de «spécialistes» pour l’attribu-
tion des valeurs, au détriment de l’opinion générale, peut entraîner une évaluation
L’évaluation des impacts environnementaux
Méthode de Batelle
La méthode de l’Institut Batelle fut présentée par Dee et ses collaborateurs au début
des années 1970 (Dee et coll., 1972 et 1973). Il s’agit essentiellement d’une méthode
de normalisation et de rationalisation conçue par les laboratoires Batelle de Columbus
aux États-Unis, et ce, pour le compte du Département américain de l’intérieur.
Initialement, il s’agissait d’évaluer les impacts de projets hydriques.
Le développement de la «méthode de Batelle» représente l’un des plus grands
efforts jusqu’à ce jour de sophistication et de formalisation des méthodes d’évalua-
tion. Cet effort est particulièrement manifeste dans les domaines de l’agrégation et
de la pondération d’impacts. Cette vaste tentative de réduire le plus possible les aspects
subjectifs en ÉIE, par l’élaboration d’une série d’outils rationnels d’évaluation,
permet aujourd’hui de mieux saisir l’étendue des limites de nos connaissances et l’am-
pleur de l’appréciation subjective en ÉIE. Également, comme pour la méthode de
Léopold, la compréhension de l’approche numérique de l’Institut Batelle représente
un excellent apprentissage à la méthodologie de l’ÉIE.
La méthode de Batelle comporte deux grandes opérations. Il faut d’abord déter-
miner l’importance des impacts et, ensuite, distribuer convenablement la valeur rela-
tive des divers éléments affectés par ces impacts. La première opération s’effectue grâce
à l’élaboration de diverses « fonctions de valeur environnementale » de la qualité de
l’environnement. La seconde est réalisée à l’aide d’une liste de pondération des élé-
ments de l’environnement. L’évaluation globale est alors possible, puisqu’il s’agit de
combiner ces deux opérations afin de déterminer la valeur finale de l’impact du projet
244 ou des options à l’étude.
Pour l’élaboration des diverses opérations nécessaires à la démarche complète,
l’Institut Batelle utilisa les techniques de l’enquête Delphi. L’enquête permit d’obtenir
les fonctions de valeur environnementale ainsi que la pondération entre les différents
éléments de l’environnement. La conjugaison de ces deux dernières opérations
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.18
Deux exemples de courbes de «fonctions de valeur»
dans la méthode de Batelle
Qualité de l’environnement
0,8 0,8
0,6 0,6
0,4 0,4
0,2 0,2
0 0
2 4 6 8 10 20 40 60 80 100
MG/L Rapport herbivores/ruminants
des éléments de l’environnement peut donc être évalué avec précision selon la for-
mule suivante:
EQI = EQ avec projet – EQ sans projet
Afin de pouvoir déterminer la courbe
Figure 5.19 de la fonction de valeur de chacun des
Évaluation de l’importance paramètres à examiner (indicateurs d’im-
de l’impact selon Batelle pacts) Dee et coll. (1972) recomman-
daient de suivre une approche en sept
1,0 étapes, grandement inspirée de l’enquête
A
Delphi. Munn (1977) présentait ainsi les
Qualité de l’environnement
0,8
diverses étapes de la démarche préconisée:
0,6
• recherche de l’information sur les
0,4 relations du paramètre avec l’envi-
B
ronnement ;
0,2
• graduer l’échelle en abscisses, de façon
0 à ce que la valeur minimale soit zéro;
2 4 6 8 10
Oxygène dissous (MG/L) • diviser l’échelle des ordonnées en
intervalles égaux de 0 à 1 et déterminer
Mode d’emploi la valeur du paramètre pour chacun
Si la valeur de l’oxygène dissous (axe des x) varie du des intervalles afin d’obtenir une
point A (7 mg/l) au point B (4,5 mg/l) à la suite d’une
activité quelconque, la valeur de la qualité de l’en- courbe ;
vironnement (axe des y) variera conséquemment de
la valeur 0,9 à 0,27. Dans ce cas, la valeur de l’im-
• ces trois premières étapes doivent être
pact est égale à – 0,63. effectuées indépendamment par dif-
férents spécialistes et faire la moyenne
des courbes ainsi obtenues;
• présenter aux évaluateurs (Delphi) les courbes obtenues et réclamer une
révision si des écarts sont significatifs et modifier la nouvelle courbe moyenne;
• reprendre les 5 premières étapes avec un autre groupe de spécialistes afin de
vérifier la reproductibilité de la courbe moyenne finale;
246 • reprendre les différentes étapes pour chacun des paramètres retenus.
Bien entendu, la validité des courbes ainsi formées est directement tributaire de
nos connaissances de l’ensemble des éléments en cause. Il est sûr que pour certains
éléments de l’environnement les connaissances actuelles sont nettement insuffisantes
à la réalisation de telles courbes.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Dans un autre ordre d’idées, afin qu’on puisse réaliser une comparaison entre
différentes options, cette première opération de délimitation de la fonction de valeur
ne suffit pas. En effet, il faut aussi déterminer une pondération entre les différents
éléments de l’environnement. L’approche développée par les laboratoires Batelle pro-
pose donc une méthode de pondération qui se veut rigoureuse, objective et complète.
Les éléments de l’environnement sont divisés en quatre catégories principales, elles-
mêmes subdivisées en composantes (20 au total), qui à leur tour se répartissent en
78 indicateurs d’impacts. Le groupe de l’Institut Batelle propose donc une série de
78 courbes de «fonctions de valeur».
Une démarche similaire à celle ayant mené à la réalisation des courbes de fonc-
tions de valeurs est employée pour la pondération entre les différents indicateurs et
groupes d’indicateurs. Munn (1977) décrivait ainsi les différentes étapes de sélection
des cotes de pondération auprès des experts consultés de nouveau dans une expé-
rience de Delphi :
• expliquer le principe et l’utilité de la pondération à un groupe d’évaluateurs;
• dresser la liste des catégories, des composants et des indicateurs d’impacts et
demander aux évaluateurs de les classer en ordre décroissant d’importance ;
• chacun attribue la valeur 1 à la première catégorie et positionne les autres sur
une échelle décimale de 0 à 1 ;
• comparer ainsi toutes les catégories d’impacts;
• reprendre les étapes 3 et 4 pour les composantes et les indicateurs ;
• établir les différentes moyennes des valeurs obtenues;
• communiquer aux participants les résultats collectifs ;
• reprendre l’expérience avec le même groupe de participants;
• reprendre l’expérience avec un autre groupe.
La pondération ainsi obtenue est supposée refléter l’importance relative de
chacun des indicateurs d’impacts. Dans la méthode, cette importance relative des para-
mètres constitue le «paramètre de pondération unitaire» (Parameter Importance Unit
(PIU)). Il est alors possible de déterminer l’importance relative (PIU) de chacun des
247
paramètres, du plus important à celui qui l’est moins. L’Institut Batelle proposait ainsi
une pondération complète pour soixante-dix-huit (78) paramètres ou indicateurs usuels
d’évaluation. Ces paramètres présentent une plus ou moins grande agrégation; cer-
tains sont très précis – l’oxygène dissous, par exemple. D’autres, par contre, sont assez
généraux; c’est le cas notamment de l’utilisation du territoire.
L’évaluation des impacts environnementaux
Afin de faciliter les opérations, la somme totale des divers indicateurs (78) est fixée
comme étant égale à 1000 unités d’impact environnemental (EIU). La répartition de
la somme des unités (EIU) est subjective et relative aux valeurs accordées par les experts
lors de l’évaluation par l’enquête Delphi. La répartition des unités s’effectue selon
l’examen successif, par consensus des experts, à partir des niveaux les plus généraux
vers les plus spécifiques. Les résultats obtenus sont pour les quatre grandes catégo-
ries de critères: écologie (240), pollution environnementale (physique/chimie) (402),
esthétique (153) et intérêts humains (205). La catégorie «pollution environnemen-
tale» obtient la plus grande part des 1000 unités d’impact possibles. Parmi cette caté-
gorie privilégiée, la pollution aquatique domine largement avec 318 unités, soit pra-
tiquement le tiers des unités, et l’indicateur «oxygène dissous» en représente 31. Ce
résultat est bien entendu largement attribuable à la nature hydrique initiale ayant pré-
valu au développement de la méthode de Batelle. Pour chacun des indicateurs par-
ticuliers, la valeur peut varier de 2 à 31 EIU.
L’«unité d’impact environnemental» (EIU), la valeur globale de chacun des impacts,
est alors obtenue en multipliant le premier indice, l’«indice de la qualité environne-
mentale» (EQI), par le second, le «paramètre de pondération unitaire» (PIU). La for-
mule complète de caractérisation de l’«unité d’impact environnemental» (EIU) est
donc:
EIU = EQI • PIU
ou EQI = EQI avec projet – EQI sans projet
L’impact global du projet, quant à lui, est obtenu en effectuant la sommation des
diverses unités d’impact environnemental (EIU) de chacun des éléments de l’envi-
ronnement (indicateurs) impliqués par le projet, soit:
Impact global = ∑ EIU
De plus, la méthode prévoit l’emploi d’un indicateur d’alerte, servant à souligner
une contrainte majeure inadmissible, communément appelé «drapeaux rouges» (red
flag). Cet indicateur particulier est employé lorsque la valeur d’un indicateur ne peut
être déterminée, lorsqu’une étude ultérieure à son sujet s’avère nécessaire ou lorsque
248 l’impact est jugé inacceptable. En pratique, toutefois, l’indicateur d’alerte n’est habi-
tuellement utilisé que dans le dernier cas.
La méthode de Batelle présente fort bien les inconvénients que nous présentions
pour l’ensemble des techniques numériques, à savoir le recours aux spécialistes et la
complexité de l’approche. De plus, elle requiert des ressources, du temps et des moyens
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Méthode d’Odum
De manière similaire à la méthode de Batelle, la méthode d’Odum ou «méthode de
l’Université de Georgie» (Odum, 1971) vise à favoriser une estimation globale de l’im-
pact à partir d’un critère unique d’évaluation. Antérieure à la précédente méthode,
elle comporte néanmoins deux innovations importantes. L’auteur introduit l’emploi
d’une double pondération, «actuelle» et «future», cette dernière étant jugée bien entendu
plus importante. Il propose ensuite l’introduction d’un facteur d’erreur (écart-
type), compte tenu de l’imprécision de la prévision en écologie. L’auteur admet que
la valeur des paramètres peut varier au hasard d’environ 50%.
Ces légères modifications apportées par Odum aux approches numériques amé-
liorent les résultats, mais elles compliquent de nouveau l’obtention de résultats pro-
bants. La principale amélioration est sans doute l’utilisation d’une pondération
temporelle différenciée et plus élevée pour les conséquences à long terme. Ce pro-
grès permet d’accorder une importance dix fois plus grande aux impacts à long terme,
une proposition peu souvent reprise par la suite par les autres méthodes. Dans l’en-
semble, par contre, les mêmes insuffisances que celles qui sont relevées pour la méthode
de Batelle se retrouvent ici. En ce qui concerne la prise en compte du facteur d’er-
reur, ces modifications améliorent sans aucun doute la validité des résultats, mais aug-
mentent aussi la manipulation des données et conséquemment la lourdeur et la com-
plexité de l’exercice.
Méthodes économiques
Les méthodes dites économiques visent elles aussi à obtenir une certaine pondéra-
tion pour les multiples impacts afin de pouvoir comparer diverses options ou le bien-
fondé d’un projet. Ces méthodes ambitionnent de traduire par un seul indice l’im-
portance des divers impacts environnementaux, en l’occurrence par le critère
250 monétaire. Elles servent ainsi à comparer divers projets, diverses variantes ou solu-
tions de rechange, sans autre lien de comparaison que leur valeur monétaire. Dans
le cas de l’analyse coûts-avantages, le but de l’approche consiste à comparer les avan-
tages (bénéfices) par rapport aux désavantages (coûts) du seul et même projet. Par
l’ambition de convertir tous les paramètres en fonction du seul critère monétaire, il
s’agit donc bien de l’archétype des méthodes d’évaluation unicritères.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
Figure 5.20
Méthodes économiques de fixation de la valeur
Dommages aux milieux
productifs
Coûts de remplacement
Coûts de déplacement
Fonction de prix
Indirectes
hédonique
Coût d’opportunité
Méthodes de fixation
de la valeur
Consentement à payer
Contingentes
Consentement
à recevoir
Approche du capital
humain
Cas particulier:
santé et vie Dépenses médicales
humaine
Valeur de la vie
252
Analyse coûts-avantages
Parmi les méthodes des sciences économiques, la mieux connue en évaluation des impacts
environnementaux est sans aucun doute la classique «analyse coûts-avantages»,
nommée trop souvent « analyse coûts-bénéfices » (OCDE, 1992 et 1994c). Cette
méthode, sans doute la plus discutée en ÉIE, ramène toute l’analyse au seul critère
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
monétaire des éléments en cause. L’analyse s’effectue sur la base des fameuses «lois
du marché», telles que définies par la théorie économique classique. C’est ainsi que
l’évaluation des impacts environnementaux d’un projet peut être totalement trans-
férée sous le regard de l’indice unique de sa valeur monétaire.
L’analyse coûts-avantages repose sur la «fonction du bien-être social» (Social Welfare
Function), une fonction déterminée par la quantité et la qualité de biens consommés
par chaque individu de la société pour une période donnée et à partir de l’impor-
tance relative de cette utilité. L’approche coûts-avantages présume que toutes les choses
possèdent une valeur monétaire. Elle soutient aussi qu’on peut estimer convenable-
ment ces diverses valeurs même si cela n’est pas toujours facile. Conséquemment, l’éva-
luation consiste à estimer le changement de bien-être que chaque impact environ-
nemental apporte, soit positivement, soit négativement, le résultat se traduisant sous
la forme d’une valeur monétaire commune.
Plusieurs rejettent les méthodes coûts-avantages comme outil principal d’éva-
luation environnementale (Revéret, 1984). McAllister (1980) signalait qu’il fallait faire
appel à une série de techniques complexes afin de « monétariser » les différents
impacts et que ces techniques n’étaient pas vraiment transparentes et hors de toute
critique. De plus, certains impacts ou éléments de l’environnement, virtuellement impos-
sibles à traduire sous forme d’une valeur monétaire, sont néanmoins estimés. Ces der-
nières valeurs sous-estiment habituellement la «valeur réelle» qui pourrait leur être
apposée et conséquemment biaisent les résultats globaux. Finalement, les aspects de
long terme, notamment les «valeurs» des générations futures, ne sont pas pris en compte
ou si peu, les considérations temporelles n’étant habituellement que de court terme
en sciences économiques. Ainsi, la prise en compte par l’analyse coûts-avantages reflète
généralement la seule «valeur attribuable» actuellement, une valeur bien relative, compte
tenu des importantes fluctuations du prix des ressources au fil du temps, particuliè-
rement en fonction de la plus ou moins grande rareté de l’élément.
Une autre faiblesse de ces méthodes d’analyse coûts-avantages est la sous-
estimation, voire l’absence totale d’estimation des coûts évités dans le calcul des avan-
tages (bénéfices). Pourtant, les coûts évités de dommages à l’environnement aug-
menteraient de manière significative les bénéfices obtenus d’une prise en charge de
253
l’élimination ou de l’atténuation des dommages à l’environnement. Ces coûts évités
non comptabilisés représentent la plupart du temps ce que l’on nomme les «exter-
nalités», à savoir les coûts afférents à un projet mais qui ne sont pas compris dans le
coût officiel estimé. Ces externalités, le coût des dommages environnementaux, par
exemple, devront cependant être assumées tôt ou tard par l’ensemble de la société.
La prise en compte des externalités peut se réaliser par l’internalisation, c’est-à-dire
L’évaluation des impacts environnementaux
l’incorporation des coûts extérieurs (non comptabilisés) aux coûts globaux. Il s’agit
d’une opération difficilement réalisable pour la plupart des éléments et impacts envi-
ronnementaux, étant donné l’insurmontable difficulté à les quantifier.
Les nombreux jugements de valeurs sous-jacents à l’évaluation, notamment la trans-
formation en valeur monétaire, ne sont pas explicitement exprimés et ne peuvent alors
que difficilement faire l’objet d’une discussion sociale. C’est ainsi que les «arguments
extra-économiques semblent peser d’un tel poids dans le processus de décision en
matière d’évaluation économique prévisionnelle» (Dron, 1995) qu’il devient hasar-
deux de réduire l’examen à la seule science économique. De plus, les grandes incer-
titudes qui entourent l’estimation monétaire de plusieurs des éléments et impacts envi-
ronnementaux représentent une marge d’erreurs, d’incertitudes et de subjectivité qui
limitent considérablement de telles évaluations. Ces derniers aspects sont pourtant
masqués par l’apparente rationalité de l’approche.
L’évaluation globale de chaque option s’obtient par l’agrégation des diverses actions
et selon l’indice unique de cotation à l’aide de la pondération accordée à chaque classe
ou pour chacune des actions. La méthode se présente sous la forme d’une matrice
dont l’un des axes regroupe les différentes actions du projet et l’autre, les différents
objectifs.
La méthode de la matrice d’obtention d’objectifs est plus flexible et plus com-
mode que l’analyse coûts-avantages, notamment à cause de la possibilité de divers
indices de valeur. En outre, cette possibilité de diverses manifestations de la valeur
des éléments présente de manière plus explicite les risques, les incertitudes et les désac-
cords possibles. C’est ainsi que les jugements de valeur sous-jacents à l’évaluation,
particulièrement ceux de la pondération, peuvent être pris en compte par l’ensemble
des intervenants et non plus demeurer dissimulés à leurs yeux. L’approche de la matrice
d’obtention d’objectifs ouvrait la voie en quelque sorte aux méthodes comparatives
multicritères et particulièrement aux modèles multicritères.
Par ailleurs, la modélisation a aussi fait son apparition dans le domaine des sciences
économiques. L’emploi de modèles dynamiques est notamment prisé dans l’évalua-
tion des considérations économiques au sujet de l’utilisation des ressources et de cer-
taines conséquences sur l’environnement (renouvelables et non renouvelables) (Ruth
et Hannon, 1997). Ces modèles fournissent avant tout des indications sur l’utilisa-
tion optimale des ressources à des fins économiques et des simulations dynamiques
de la plupart des paramètres économiques classiques.
utiles qu’à des fins d’examen bien spécifiques, celles de la comparaison d’options.
Conséquemment, elles ne peuvent elles aussi qu’être complémentaires à l’emploi d’autres
méthodes d’ÉIE. Dans le cadre presque exclusif d’un examen comparatif, elles servent
à hiérarchiser ou à pondérer différents paramètres. Il s’agit donc d’une recherche de
l’optimum entre plusieurs choix possibles. La comparaison minimale se réalise entre
le projet et l’option zéro, c’est-à-dire en l’absence du projet.
Les méthodes multicritères se distinguent d’une démarche similaire à celles des
méthodes unicritères par la prise en compte des incertitudes et des impondérables,
ainsi que par une plus grande polyvalence dans l’évaluation des paramètres d’étude.
De plus, avec les méthodes multicritères les valeurs qualitatives incomplètes ou
incertaines peuvent influencer aussi bien les résultats que les données quantitatives
complètes et certaines.
Les méthodes comparatives multicritères représentent avant tout un examen syn-
thèse comparatif et non une approche globale d’évaluation d’un projet. La prise en
compte des aspects temporel, spatial et cumulatif ne fait pas nécessairement partie
de la démarche d’étude; habituellement, ces aspects sont totalement ou partiellement
oubliés. La nature spécifique de la comparaison d’option devrait être comprise
comme un complément d’examen à d’autres méthodes d’ÉIE.
Les moyens mis en œuvre par l’approche multicritère peuvent être relativement
simples tout en étant rigoureux, ce qui n’est pas nécessairement le cas des versions
de modèles informatisés. Pour les non-initiés, ces derniers s’avèrent très complexes
à comprendre, quoique leur utilisation puisse être relativement simplifiée. La
démarche multicritère représente une tentative de prendre en compte les incertitudes
et l’impondérable ainsi que la globalité des paramètres et enjeux en cause, notam-
ment la valeur des éléments de l’environnement difficilement quantifiables.
Dans un autre ordre d’idées, l’assouplissement des règles de pondération et de
hiérarchisation, notamment dans la version classique de Holmes, entraîne des
dépenses de temps et d’argent moindres qu’avec les autres méthodes comparatives
unicritères et multicritères. Voilà qui est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit
d’enjeux ou de projets fortement contestés ou se situant dans un contexte financier
256 limité. Le recours à l’expertise d’études antérieures, bien entendu non contestées, pour-
rait rendre l’exercice d’une relative simplicité, et ce, avec une certaine rapidité d’exé-
cution.
De plus, la présentation des résultats est simple et facilement compréhensible,
même lorsqu’il s’agit de l’emploi de modèles informatiques élaborés. Dans ce
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux
dernier cas, toutefois, le processus d’étude ayant mené à l’atteinte des résultats n’est
pas toujours d’une clarté et d’une simplicité accessibles à tous. La reproductibilité des
résultats s’avère aussi difficile qu’avec les méthodes unicritères, sans entraîner cepen-
dant autant de remises en question, d’autant plus que les ajustements et les modifi-
cations possibles sont facilement et rapidement réalisables. De plus, les jugements de
valeur implicites ou explicites peuvent s’exprimer clairement et ainsi participer à l’éla-
boration du résultat final, ce qui est plutôt rare avec les autres méthodes.
Ces méthodes sont généralement perçues comme une aide assez efficace et pré-
cieuse à la prise de décision, particulièrement pour les récents modèles informatisés.
Il serait même possible d’envisager que la prise de décision soit elle-même directe-
ment issue de la démarche d’examen, notamment à partir de l’emploi des modèles
multicritères. Toutefois, les méthodes multicritères sont encore peu employées en ÉIE.
Dans tous les cas, cependant, l’emploi de telles méthodes se bute à des appréhensions,
sans doute fort légitimes, face à l’énigmatique «petite boîte noire» qui déciderait à
la place des humains.
Technique ordinale
Les «techniques ordinales» visent à évaluer l’importance respective des multiples élé-
ments et impacts environnementaux afin de pouvoir comparer des options sans l’em-
ploi de techniques numériques. La base de l’analyse comparative et l’agrégation des
paramètres d’étude ne reposent donc pas sur un critère unique de comparaison.
La méthode la plus connue des techniques ordinales est sans doute la «méthode
d’ordonnancement de Holmes». Cette technique d’ordonnancement n’est plus beau-
coup employée de manière intégrale, mais sa démarche générale inspire encore
grandement plusieurs adaptations contemporaines. L’ordonnancement propre à la
technique ordinale en fait une technique simple d’analyse multicritères. Les contraintes
et limites des approches unicritères trouvent ici une tentative de surpassement.
une autre colonne) la deuxième classe de critères par rapport à la première, et ainsi
de suite pour les classes subséquentes. Un exemple de la matrice employée par
Holmes est présenté à la figure 5.21. Par cette disposition particulière, Holmes fonde
une correspondance entre une deuxième place pour les critères de première classe
et une première place pour les critères de seconde classe, et ainsi de suite. La perfor-
mance des options par rapport à la hiérarchisation des critères selon les diverses classes
d’importance devient ainsi plus manifeste. Le positionnement consiste à déterminer
le rang (la position relative) des diverses options pour tous les critères de comparaison.
L’évaluation du positionnement se fait soit à partir de données quantitatives ou qua-
litatives plus ou moins complètes, soit à partir d’une évaluation issue d’une méthode
d’expertise – l’enquête Delphi, par exemple.
Figure 5.21
Matrice désagrégée de Holmes
1 2 3 4 5 6 7
I 4 A B C D
12 D C B A
17 A D C B
II 8 B D C A
13 A B D C
15 D A B C
9 A C D B
5 A D C B
III 18 C B D A
19 C A B D
14 A D B C
11 A C D B
7 D B C A
IV 1 B D A C
2 A B D C
6 D A B C
8 D B C A
10 C A D B
259
Gains de position A 2 3 3 2 3 3 1
des B 0 2 2 5 6 2 1
options C 0 1 5 4 3 2 3
D 1 2 3 7 3 3 0
Comme pour la plupart des autres méthodes d’évaluation, mais tout particuliè-
rement pour celles faisant appel à l’opinion d’experts, une forte proportion de l’éva-
luation comporte la prise en compte de plusieurs aspects subjectifs. Cependant, la
relative transparence de la démarche d’étude permet de connaître assez bien et de
manière explicite la part de subjectivité dans l’acquisition des résultats et ainsi de pou-
voir en tenir compte, notamment dans la sélection et la hiérarchisation des critères.
Enfin, il est relativement simple et rapide de modifier les paramètres (critères, hié-
rarchisation et performance relative des options) et en conséquence les résultats; cette
altération pourrait même se réaliser en direct durant une séance de consultation auprès
des divers acteurs.
comme le proposait Holmes, semble très limpide et pratique, notamment dans le cas
d’un projet présenté en audience publique, comme c’était effectivement le cas pour
ce projet.
Nous avons récemment employé des matrices et des tableaux de comparaison
de solutions de rechange et de variantes inspirés de l’approche de Holmes. La figure
5.22 montre un exemple de matrice détaillée de hiérarchisation utilisée pour la com-
paraison de cinq variantes de projet à partir de dix critères de comparaison distri-
bués en trois classes d’importance.
Figure 5.22
Matrice détaillée de hiérarchisation (inspirée de Holmes)
Critère 1 A C D B E
1e Critère 2 E C B A D
Critère 3 D B A E C
Critère 4 D A C E B
2e Critère 5 A C B D E
Critère 6 A D E C B
Critère 7 C D E A B
3e Critère 8 D B C E A
Critère 9 A D E B C
Critère 10 A E D B C
1 2 3 4 5
De son côté, la figure 5.23 montre un tableau général des résultats du classement
final des diverses options pour chacune des classes d’importance. Les résultats sont
ceux de la matrice détaillée précédente.
Figure 5.23
Tableau du classement final des alternatives (Holmes)
des options possibles pour les déchets urbains de Genève en Suisse2. Les modèles mul-
ticritères, comme nous le mentionnions récemment à propos des différents outils sophis-
tiqués employés en ÉIE (Leduc et Raymond, 1996), sont bien sûr des instruments d’ana-
lyse performants et ils pourraient fournir de grands services en ÉIE. Comme pour les
autres méthodes comparatives, ils ne représentent toutefois qu’une démarche partielle
et spécifique d’évaluation. Les modèles multicritères ne sont pas adaptés pour l’éva-
luation globale d’un projet. Ils permettent de comparer les avantages et les inconvé-
nients de diverses options à partir des différents critères de comparaison possibles. Ils
agissent en fait un peu comme l’approche d’ordonnancement de Holmes. Cependant,
l’emploi du support informatique implique une grande combinaison et manipulation
des données et en conséquence des résultats. L’organisation et le traitement des don-
nées s’effectuent à la collecte, au classement, à l’arrangement et, surtout, lors de l’opé-
ration de modélisation.
Par ailleurs, même lorsqu’ils sont compatibles avec l’ampleur des projets à
l’étude, ce qui n’est pas toujours le cas, ces outils souffrent de fréquentes déficiences
des ressources de support (matériel, temps et personnel) à leur bonne utilisation. De
plus, l’insuffisance sinon l’absence de données solides complique et restreint gran-
dement les avantages d’une telle approche. Comme c’est le cas également pour tout
modèle, il est habituellement difficile d’appréhender les limites de tels outils sans une
certaine connaissance intrinsèque du sujet. Dès lors, ils exigent un apprentissage long
et dispendieux, une laborieuse adaptation aux conditions locales et spécifiques ainsi
qu’une dépendance par rapport aux concepteurs ou spécialistes des modèles.
Nous pourrions très bien étendre aux modèles multicritères, et ce, pour l’ensemble
des pays à l’heure actuelle, les allégations de l’un de nos collègues qui remettait en
cause l’emploi des systèmes d’information géographique (SIG) en Afrique, sauf rares
exceptions. L’auteur soulignait que les données de base (c’est-à-dire cartographie récente,
recensements disponibles), ainsi que l’assistance technique minimale (c’est-à-dire res-
sources matérielles et humaines), étaient trop souvent défavorables à un apprentis-
sage et à une utilisation efficace de ces modèles comme outil efficace de gestion (Baudoin,
1995).
264
2. Pour en savoir plus sur les modèles multicritères et tout particulièrement sur le traitement des don-
nées et la présentation des résultats de tels outils, nous conseillons fortement la lecture du livre de
l’auteur (Simos, 1990).
Chapitre
6
Collecte de l’information
et présentation des résultats
1. Rappelons que telle que nous l’entendons, l’ÉIE est avant tout un processus d’examen et non pas
simplement un rapport d’évaluation. De plus, les aspects traités dans ce chapitre peuvent s’adresser
aussi bien au rapport final de l’ÉIE, c’est-à-dire à l’étude d’impacts, qu’aux autres rapports possibles
du processus: rapport de consultation, rapport interne de l’organisme de contrôle, etc., sauf dans
les cas où ils n’intéressent qu’un seul de ces rapports.
L’évaluation des impacts environnementaux
écosystèmes, et non seulement des fragments portant sur un élément ponctuel et exclusif.
Cela suppose sans doute des nouvelles manières de compiler, d’analyser et de pré-
senter l’information. Comme la qualité de l’information est souvent le préalable à une
décision judicieuse, l’ÉIE doit renfermer les données indispensables et significatives
pour le projet à l’étude. Il manque trop souvent d’informations pertinentes et
convaincantes pour la prise de décisions. Ces informations sont parfois non dispo-
nibles pour de multiples raisons, mais elles sont aussi quelquefois inexistantes. Dans
ces cas, assez fréquents en ÉIE, il faut donc agir au mieux des connaissances dispo-
nibles. Contrairement à certains rapports sur l’environnement, la rédaction d’un bilan
environnemental national, par exemple, le manque d’information ne peut être
invoqué ici comme facteur de remise de la prise de décision.
268
Nous affirmions que la gestion de l’environnement est souvent réactive et carac-
térisée par l’improvisation. La prise de décision ne vise alors qu’à régler au plus tôt
la crise du moment et à apaiser les craintes du public. En ÉIE, par contre, la néces-
sité de réagir immédiatement aux pressions des circonstances présentes est beaucoup
moindre. Le processus d’examen permet une quête de l’information et un temps de
Collecte de l’information et présentation des résultats
réflexion plus long, et offre dans le meilleur des cas le choix entre plusieurs solutions
de rechange. La planification des activités de développement devrait donc retenir que
«l’information est le préalable à toute décision» (Croze et Vandeweerd, 1992). Il faut
toutefois que cette information essentielle à la prise de décision puisse être présentée
«aux fins du processus décisionnel» (Holtz, 1992). En conséquence, le savoir scien-
tifique en soi, aussi limpide et solide qu’il puisse être, n’est pas un gage de réussite
d’une utilisation judicieuse de l’information dans la décision. Il existe des conditions
plus ou moins propices à son utilisation, comme il existe d’autres savoirs (traditionnel,
technique et politique) aussi essentiels.
Il manquera toujours des informations pertinentes pour la prise de décision dans
le domaine de l’environnement. Ce que l’ÉIE vise, cependant, c’est d’éviter autant que
possible «que le manque d’information puisse être invoqué comme facteur dans la
prise de décision» (Croze et Vandeweerd, 1992). Même si généralement «les déci-
deurs ont besoin de critères explicites pour prendre des décisions» (Potvin, 1991),
il restera presque toujours une zone d’incertitude dans les décisions prises en éva-
luation d’impacts. Comme pour l’information environnementale en général, le fossé
à combler entre les besoins d’information des décideurs et ceux satisfaits par l’ÉIE
ne peuvent être surmontés qu’en optimisant «l’utilisation des données et de l’infor-
mation existantes » (Environnement Canada, 1992). Cette mesure nécessite une
intégration et une utilisation appropriées des données disponibles en provenance des
différentes disciplines impliquées dans l’examen, notamment celles éloignées du lan-
gage courant de la plupart des gens.
Les différents acteurs impliqués dans le processus d’examen peuvent fournir une
somme importante d’informations judicieuses. Il faut cependant les consulter afin
de pouvoir en bénéficier. Ceux qui détiennent l’information ne sont pas toujours enclins
à la diffuser facilement et, par surcroît, le processus d’examen ne permet pas toujours
de consulter un large public (spécialistes, administrateurs et public). Ces contraintes
sont parfois de nature politique (insuffisance démocratique, hiérarchie décisionnelle
et tradition d’élitisme), mais elles sont aussi le résultat de moyens, de ressources et
de temps limités.
En règle générale et afin d’accroître son efficacité, la collecte des données devrait
269
se préoccuper des points suivants:
• un rapport direct entre les données recueillies et les besoins de l’étude;
• la crédibilité des résultats et l’acceptabilité des interprétations;
L’évaluation des impacts environnementaux
DESCRIPTEURS D’IMPACTS
Malgré les incertitudes scientifiques et le manque de connaissances de la dynamique
des systèmes complexes, l’examen d’un projet requiert des outils capables de déceler
les interactions, de prévoir les modifications et d’évaluer les impacts. Seuls des des-
cripteurs ou des indicateurs pertinents peuvent permettre de mesurer les para-
mètres des éléments significatifs pour l’étude du projet. Bien entendu, le niveau d’in-
certitude de l’information croît avec la complexité des questions abordées et
l’incompréhension des phénomènes en cause.
Il existe une multitude d’indicateurs employés en ÉIE. La plupart d’entre eux sont
issus des disciplines impliquées dans l’examen et ne sont pas nécessairement spéci-
fiques à la méthodologie de l’ÉIE. La littérature en ÉIE en fait une présentation large
272 et étendue à l’ensemble des domaines d’étude en évaluation d’impacts. À ce sujet nous
recommandons fortement la lecture des textes de Westman (1985), de Canter (1977;
1986 et 1996), de Best et Haeck (1983) et de Spellerberg (1991).
On peut présenter sommairement un descripteur ou un indicateur comme
étant un indice représentatif d’un impact ou d’un état de l’environnement résultant
Collecte de l’information et présentation des résultats
processus de décision. Dans ce cas, il semble prudent, mais tout de même parfois risqué,
d’attribuer un ordre de priorités aux éléments environnementaux en présence
(Environnement Canada, 1992).
Figure 6.1
Série d’indicateurs selon les éléments et les impacts choisis
Milieu biophysique
Cours d’eau Altération de la qualité des eaux Variation de DCO, pH, température,
de surface MES, oxygène dissous, matières
organiques, DBO et traces de
substances toxiques (Pb, Hg, etc.),
ainsi que bactéries et virus.
Modification de l’écoulement Variation dans l’écoulement, le débit,
des eaux de surface et souterraines la direction, la perméabilité et le bilan
hydrique.
Qualité de l’air Altération de la qualité de l’air Variation de l’émission de particules
(pollens, cendres, poussières, fibres, etc.).
Degré de perception olfactive.
Bruit Altération de l’ambiance sonore Variation de la fréquence ou de
l’intensité sonore (dB).
Faune terrestre Altération de la végétation Variation de la structure, de la densité
et aquatique et de son habitat et de la composition des populations
animales et végétales.
Flore terrestre Modification sur la faune Variation du taux de croissance et de
et aquatique et son habitat reproduction.
Variation de l’aire de reproduction.
Variation du taux de production
primaire ou de la biomasse.
Milieu humain
et pour divers projets. Toutefois, ce statut d’universalité peut représenter dans bien
des cas un critère discriminant à plus d’un titre; d’abord en invalidant des indica-
teurs autrement acceptables, ensuite en faussant la comparaison entre les divers pays,
notamment au désavantage de certains (Leduc et Pradès, 1993). C’est ainsi que les
objectifs qui sous-tendent la démarche d’universalité des indicateurs environnementaux
de l’OCDE (OCDE, 1991a et 1991b) ne font pas l’unanimité; ces indices sont donc
rarement employés.
L’universalité des descripteurs d’impacts et des indicateurs environnementaux est
donc une source d’interrogations. L’état de développement technique et scientifique
des différents pays ainsi que les traditions et les valeurs locales peuvent entraîner des
interprétations contradictoires, voire discutables. Ainsi, des indicateurs jugés appro-
priés pour les pays développés et élaborés par leurs propres experts ne le sont peut-
être pas pour les autres (Leduc et Pradès, 1993). Un indicateur simple, comme les émis-
sions de dioxyde de carbone (CO2) par habitant, par exemple, «désavantage les pays
utilisant des ressources énergétiques classiques (bois, charbon et pétrole) par rapport
à ceux qui emploient des ressources plus récentes ou plus exigeantes du point de vue
technique (hydroélectricité et nucléaire) » (idem).
Par ailleurs, et de manière comparable aux indicateurs environnementaux en général,
les descripteurs d’impacts «peuvent être bien ou mal utilisés par les politiciens» (Potvin,
1991). En conséquence, «chaque société doit établir sa propre échelle de valeurs » et
ensuite «faire des choix politiques fondés sur ces valeurs sociales» (idem). La ratio-
nalité scientifique peut parfois être utilisée pour masquer des objectifs et des inté-
rêts politiques ou autres que ceux qu’on prétend défendre.
PRÉSENTATION DU RAPPORT
La présentation des résultats peut différer dans les détails d’une étude à une autre,
mais dans l’ensemble elle contient sensiblement les mêmes éléments indispensables.
Les traditions et coutumes nationales et régionales interviennent bien sûr, et il en résulte
une disparité entre les différents rapports d’examen. Toutefois, cette disparité est sur-
tout tributaire des procédures particulières d’ÉIE en vigueur ainsi que des normes
corporatives spécifiques à l’entreprise lorsque c’est le cas, mais elle s’amenuise sous 277
la pression des tendances d’harmonisation et de mondialisation.
La plupart des procédures d’ÉIE recommandent ou exigent une présentation géné-
rale des résultats de l’étude. Les grands bailleurs de fonds internationaux ont eux aussi
leurs propres exigences; c’est notamment le cas de la Banque mondiale et de la Banque
L’évaluation des impacts environnementaux
Contenu du rapport
278 Sous la plupart des réglementations, il est exigé ou fortement recommandé d’inclure
les éléments suivants dans le rapport final d’évaluation:
• un résumé;
• le contexte institutionnel, législatif et administratif ;
• une description du projet;
Collecte de l’information et présentation des résultats
• la justification du projet;
• une analyse des solutions de rechange et des variantes au projet;
• une description du milieu;
• une évaluation des impacts sur l’environnement ;
• une description des mesures d’atténuation prévues;
• une description des programmes de gestion et de suivi;
• et, si nécessaire, une conclusion (recommandations, propositions).
Le résumé qui accompagne l’étude complète apporte une vision globale et
rapide des aspects essentiels de l’examen du projet. Celui-ci se doit d’être simple, com-
plet et compréhensible en soi, car il s’agit bien souvent du premier contact, sinon de
l’unique contact que les nombreux intervenants entretiennent avec l’évaluation des
impacts du projet. Le texte doit exposer les éléments les plus significatifs pour la com-
préhension du projet et les solutions proposées pour faire face aux éventuels problèmes.
Selon le type de lecteur éventuel, une attention toute particulière devrait être accordée
à son exécution. Nous verrons au cours du prochain chapitre que la diffusion de l’in-
formation aux différents acteurs impliqués dans le processus d’ÉIE nécessite un cer-
tain «savoir-faire», mais qu’elle suppose aussi une certaine «façon d’être». En effet,
la transmission de l’information a des exigences qui lui sont propres, notamment les
éléments de transmission de l’information (émetteur/récepteur) et les catégories de
communication (types de médium).
La présentation du contexte institutionnel, législatif et administratif doit
contenir une description des différentes conjonctures dans lesquelles l’évaluation envi-
ronnementale doit être réalisée, notamment les autorisations à obtenir et les normes
à respecter, comme nous l’avons mentionné au chapitre quatre.
La description du projet doit permettre une compréhension sommaire mais suf-
fisante du projet. Elle présente les aspects techniques et financiers, mais aussi les com-
posantes et les activités prévues, ce qui inclut les échéanciers, la localisation et les acti-
vités connexes au projet. La description devrait fournir une quantification des
émissions probables et des caractéristiques des procédés et ressources de toutes sortes
qui seront employés. 279
La section de la justification du projet doit permettre une compréhension des
raisons légitimant le bien-fondé du projet et sa réalisation éventuelle pour le promoteur,
d’une part, mais surtout pour l’ensemble de la société, d’autre part.
L’évaluation des impacts environnementaux
des programmes, coûts inhérents aux activités et autres ressources nécessaires à leur bon
fonctionnement, incluant des programmes de formation. Pour beaucoup de projets,
un plan d’intervention en cas d’urgence et, si nécessaire, une évaluation des risques
technologiques devraient s’ajouter.
En guise de conclusion, la dernière section d’un rapport d’évaluation reprend
les points forts de l’argumentation concernant le projet et porte un jugement global
et final sur l’évaluation réalisée. On peut en outre y retrouver une série de recom-
mandations, de commentaires et d’observations en vue de la prise de décision dans
le cas de rapports autres que celui de l’étude d’impacts proprement dit.
La prise en compte de ces différents aspects est de plus en plus courante en ÉIE.
Le soin apporté à la limpidité du rapport écrit pour le bénéfice de tous les types d’ac-
teurs qui interviennent dans le processus en est une manifestation. En outre, la tenue
de consultations publiques faisant preuve d’une plus grande ouverture d’esprit et favo-
risant la participation en est une autre. La compréhension du rapport final et des docu-
ments connexes ainsi que la participation aux consultations ne sont plus exclusive-
ment du ressort des spécialistes.
De manière plus concrète, l’apparence et la facilité de compréhension jouent des
rôles souvent déterminants parmi les aspects visuels de la présentation des résultats.
Les deux matrices présentées à la figure 6.2 et qui comprennent exactement les mêmes
résultats permettent la comparaison visuelle de présentation légèrement différente. La
matrice de gauche (6.2a) reproduit celle établie lors d’une étude effectuée en 1974. La
présentation des résultats est surchargée par de nombreux symboles plus ou moins signi-
ficatifs; son interprétation devient donc difficile. Nous avons repris dans la matrice de
droite (6.2b) les résultats de l’étude, mais de manière à en alléger les symboles.
L’interprétation est ainsi grandement facilitée. Ce changement est manifeste dans le cas
de la disparition de l’omniprésent symbole étoilé ( ), qui ici n’est pourtant qu’acces-
soire puisqu’il correspond aux impacts «non appréciables». Des remarques similaires
peuvent s’adresser aux autres modes de présentation des données, notamment en ce
qui concerne la clarté et la compréhension des tableaux, figures et cartes utilisées.
Une représentation graphique soignée, l’utilisation de la couleur, par exemple,
peut elle aussi améliorer la présentation des résultats, augmentant d’autant leur com- 281
préhension et leur apparence. La planche couleurs 8 montre les possibilités offertes
par la simple utilisation de la couleur dans l’emploi d’une matrice (la même que celles
de la figure 6.2). La nature positive ou négative des impacts peut ainsi être mieux mise
en évidence. Les possibilités d’utilisation de différents types et tailles de symboles peut
aussi grandement améliorer le résultat.
282
Figure 6.2
Présentation comparative d’une même matrice
ACTIVITÉS SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER DES IMPACTS ACTIVITÉS SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER DES IMPACTS
Période Effets des actions Période Effets des actions
d’activité complétées d’activité complétées
Légende Légende
Indique un impact mineur négatif Impact mineur négatif
Indique un impact majeur négatif Impact majeur négatif
Indique un impact mineur positif Impact mineur positif
Indique un impact majeur positif Impact majeur positif
Indique un impact non déterminé Impact non déterminé
L’évaluation des impacts environnementaux
Relocalisation résidentielle
Relocalisation des commerces
Démolition, nivellement, construction
Période transitoire (usage temporaire)
Nouveaux services
Nouveaux bâtiments résidentiels
Nouveaux bâtiments commerciaux
Stationnement
Parcs et espaces verts
Préservation historique
Modification des voies routières
Relocalisation résidentielle
Relocalisation des commerces
Démolition, nivellement, construction
Période transitoire (usage temporaire)
Nouveaux services
Nouveaux bâtiments résidentiels
Nouveaux bâtiments commerciaux
Stationnement
Parcs et espaces verts
Préservation historique
Modification des voies routières
ÉLÉMENTS PHYSIQUES
ÉLÉMENTS PHYSIQUES
Routier Routier
Public Public
Systèmes
Systèmes
de transport
de transport
Piéton Piéton
Terrains vacants Terrains vacants
Demande de services Demande de services
Taxe de base Taxe de base
Santé et sécurité Santé et sécurité
Vie de quartier Vie de quartier
Habitants Habitants
ÉLÉMENTS
ÉLÉMENTS
SOCIO-ÉCONOMIQUES
SOCIO-ÉCONOMIQUES
ÉLÉMENTS
ÉLÉMENTS
ESTHÉTIQUES
ESTHÉTIQUES
L’utilisation ultérieure des résultats d’une étude est un aspect essentiel à ne pas
sous-estimer ni négliger. En effet, l’information contenue dans une étude peut et devrait
presque toujours servir lors d’études ultérieures. Les données recueillies peuvent être
réutilisées dans le cas de projets de même type ou bien servir comme description du
milieu pour l’ensemble des autres projets, et ce, pour un espace de référence donné.
L’information sert aussi à d’autres fins qu’à l’évaluation ultérieure d’autres projets.
Elle sert d’abord à l’avancement des connaissances générales sur les sujets étudiés,
mais elle pourrait très bien servir à toute autre compilation des données. Ce dernier
cas est très bien illustré par la recommandation de la Banque africaine de dévelop-
pement à l’effet que l’information recueillie lors des évaluations de projet puisse servir
à dresser le bilan environnemental de chacun des pays concernés, notamment pour
la réalisation de rapports nationaux sur l’environnement.
Enfin, la présentation des résultats participe activement à la sensibilisation de l’en-
semble de la société aux questions environnementales. Dans certains cas, elle assume
une mission de formation ou d’éducation des acteurs impliqués de près dans le pro-
cessus d’examen, même si, pour plusieurs raisons, les résultats ne sont pas toujours
aussi riches que ceux espérés.
Le pouvoir de recommandation
Selon la réglementation en vigueur, plusieurs étapes de recommandation peuvent
prendre place tout au long du processus d’évaluation. Ainsi, dès l’élaboration de la
284 directive, l’organisme de contrôle, lorsque c’est de son ressort, détermine les grandes
lignes de l’évaluation à réaliser. Les évaluateurs s’assureront ensuite de produire une
étude la plus conforme possible par rapport aux directives émises. Selon le cas, des
recommandations peuvent apparaître lors des diverses consultations avec le public
ou auprès des autres organismes publics ou privés concernés. Finalement, la dernière
section du rapport final d’évaluation, ainsi que celles des autres rapports d’examen
Collecte de l’information et présentation des résultats
Comme le rapport final de l’ÉIE ne représente pas la prise de décision en tant que
telle, les recommandations, suggestions et propositions contenues dans ce dernier ne
peuvent que l’inspirer, voire l’orienter plus ou moins profondément. C’est d’autant
plus vrai que d’autres rapports et sources d’influences diverses apportent souvent un
complément sinon contrebalancent le rapport d’évaluation. Rappelons finalement que
l’objectif de l’ÉIE, malgré sa proximité par rapport à la décision finale, reste de sup-
porter et de favoriser la prise de décision optimale d’un point de vue environnemental.
La prise de décision
La prise de décision en ÉIE est habituellement unique, globale et sans recours.
L’organisme responsable de l’autorisation accepte ou refuse le projet proposé. En pra-
tique, toutefois, cette affirmation doit être nuancée. En effet, il existe parfois plusieurs
organismes responsables des autorisations. C’est le cas des projets soumis à l’appro-
bation de plus d’un organisme réglementaire de l’ÉIE (national, régional, local, voire
international). C’est aussi le cas lorsque plusieurs législations s’appliquent à un même
projet et que cela nécessite des autorisations particulières. Il est rare qu’un projet n’im-
plique pas au moins une autre loi que celle régissant l’ÉIE (mines, forêts, agriculture,
aménagement, biens culturels, énergie, etc.). De plus, il existe parfois des prises de déci-
sion partielles en cours de processus. Par ailleurs, l’acceptation «finale» d’un projet
est de temps à autre sujette à une modification ultérieure plus ou moins substantielle.
La prise de décision en ÉIE soulève des questions d’ordre éthique et humanitaire,
en plus des aspects environnementaux en présence. En effet, elle est pour une bonne
part tributaire des valeurs et des procédures de la société dans laquelle elle s’exerce,
que celles-ci soient institutionnalisées ou non. Dans ce contexte général de la gestion
des affaires humaines, les rapports de force existant entre tous les groupes et indi-
vidus impliqués sont d’une importance déterminante et ils influencent grandement
les «façons de faire». À titre d’exemple, mentionnons la répartition des bénéfices et
des inconvénients des projets de développement ainsi que le déplacement des popu-
lations et le dédommagement des expropriés. Ces aspects sont presque toujours pré-
sents lors de la mise en œuvre d’infrastructures linéaires importantes. L’intérêt
général et la sauvegarde des éléments sensibles de l’environnement occupent aussi
une place cruciale dans la validation du projet. D’autant plus lorsqu’ils font face à 287
des intérêts privés ou à des exigences techniques et financières.
Comme pour les recommandations, l’ensemble du processus d’ÉIE offre plusieurs
possibilités de prises de décision partielles. La plus importante demeure cependant
la décision finale et globale concernant l’opportunité du projet. Les occasions de prises
de décision partielles varient bien entendu selon la procédure en cours. Ces prises
L’évaluation des impacts environnementaux
7
Contexte de la négociation
environnementale
NÉGOCIATION ENVIRONNEMENTALE
Le terme «négociation» est habituellement défini comme représentant une «série d’en-
tretiens, d’échanges de vues, de démarches qu’on entreprend pour parvenir à un accord,
pour conclure une affaire» (Robert, 1986). Le terme «négocier», non limité au domaine
économique, est souvent opposé à l’affrontement et en conséquence il désigne la négo-
ciation comme «l’ensemble des démarches entreprises pour conclure un accord, un
traité, rechercher une solution à un problème social ou politique, son résultat» (Hachette,
1989). Dans le cadre d’une société de plus en plus tournée vers le négoce et l’intérêt
personnel, n’est-il pas normal de placer la «négociation» comme processus majeur
d’interactions entre les membres d’une même société ainsi qu’entre cette dernière et
ses voisines?
Faute d’un terme général plus adéquat, nous employons l’expression «négocia-
tion environnementale» pour rassembler l’ensemble des interactions entre les divers
acteurs impliqués dans un processus d’évaluation environnementale. Cet ensemble
regroupe des activités et des démarches aussi disparates que l’information du public,
la consultation, la concertation et la participation publique, ainsi que la médiation,
l’arbitrage, les recours judiciaires, les ententes de compensation, les jeux d’influence,
le lobbying, l’utilisation des médias et toute autre forme de négociation formelle et
informelle, de nature privée ou publique. Le schéma du tableau 7.1 présente suc-
cinctement une typologie simple d’exemples de négociation environnementale,
selon qu’il s’agit d’une démarche privée ou publique, dans un cadre formel ou informel.
Les flèches à droite et en bas du tableau donnent une appréciation générale du nombre
de participants au processus et de la volonté manifestée par ces derniers de négocier.
Il est de plus en plus fréquent en ÉIE de concevoir le processus d’évaluation comme
292 un processus négocié (Simos, 1990). Pour Barouch (1989), la négociation se définit
objectivement et par opposition aux conflits, comme une «procédure plus ou moins
codifiée socialement en vue de la résolution de problèmes communs à plusieurs per-
sonnes». Elle se définit toutefois de manière plus objective et en rapport au processus
de décision en cours comme «un cadre relationnel subjectif qui conditionne la com-
munication entre individus» (idem). De plus, plusieurs praticiens de l’environnement
Contexte de la négociation environnementale
Tableau 7.1
Typologie simplifiée de la négociation environnementale
et exemple d’accords entre les parties
PRIVÉE PUBLIQUE
Volonté de négocier
INFORMELLE Entente privée avec l’industrie Débat dans les médias
Nombre de participants
Stratégies de négociation
Confronté aux nombreux problèmes environnementaux, tout observateur attentif est
partagé entre une vision pessimiste ou optimiste par rapport à l’avenir. Dans une optique
stratégique de gestion de l’environnement, Mermet (1992) constate un paradoxe vis-
à-vis des diverses positions possibles. D’une part, l’impression de gâchis peut être tel-
lement considérable, la dégradation de l’environnement étant constante et infinie, 293
que le seul constat possible est alors celui du «laisser-faire» et de la «non-gestion».
Le pessimisme est alors à son comble. D’autre part, pour celui qui possède une foi
tenace dans les possibilités de la raison humaine, il y a encore lieu d’être optimiste.
Cet optimisme autorise l’élaboration de stratégies de gestion de l’environnement dans
le sens d’une longue marche de l’humanité vers une gestion responsable.
L’évaluation des impacts environnementaux
• l’inventaire: évaluer les forces et les faiblesses de chacun ainsi que les alliances
potentielles et élaborer trois scénarios possibles :
– le meilleur résultat possible;
– le pire résultat possible;
– le meilleur résultat espéré;
• l’organisation : établir un plan et la préparation de l’équipe, dont:
– mobiliser et former l’équipe;
– faire des approches auprès de ceux ayant des intérêts communs;
– mobiliser et former les alliés retenus;
– déterminer des objectifs réalistes pour la négociation ;
– déterminer un plan d’action et un échéancier à court et à long terme;
– déléguer et répartir les tâches;
• l’action: choisir le moment propice pour agir, ni trop tôt ni trop tard, mais
agir, déterminer les règles du jeu ou connaître celles qui s’appliquent, sans
compter qu’elles peuvent varier en cours de négociation;
• la réaction: ne pas croire que la partie est gagnée d’avance et se méfier des réac-
tions de la partie adverse;
– il y a sept réactions possibles, mais la plus plausible est celle du compromis;
dans ce cas, il s’agit de pouvoir obtenir une partie de ce qu’on veut, mais à
la condition de concéder à l’autre partie une partie de ce qu’elle veut.
Une telle stratégie de négociation répond avant tout à une démarche de confron-
tation entre deux parties en opposition puisque l’écoute, l’analyse des arguments des
autres parties et la recherche de solutions communes prend peu de place ici.
En ce qui concerne les tactiques d’intervention possibles, l’auteur (idem) présente
neuf tactiques souvent rencontrées au cours de ses années d’expériences en tant que
négociateur environnemental. Il serait trop fastidieux ici d’en donner les caractéris-
tiques principales. Retenons cependant les conseils et les observations qui suivent:
• selon les circonstances, il est préférable d’employer l’une ou l’autre des tac- 297
tiques, ce qui n’exclut aucunement l’emploi successif de tactiques différentes,
voire opposées;
• la tactique la plus commune est celle qui passe par un échange indirect par le
biais des médias; la confrontation publique qui en résulte influencera les posi-
tions de départ des parties;
L’évaluation des impacts environnementaux
• la tactique préférée des experts, ingénieurs et autres scientifiques passe par l’in-
timidation de la partie opposée, en tirant profit de la confiance naïve de ces
derniers en leur expertise, et le rejet systématique de toute autre solution que
celle qu’ils proposent ;
• les «lobbyistes» baseront leur tactique de négociation sur la séduction des
membres de la partie adverse, notamment en les considérant comme des «amis»;
• l’arrogance, l’insulte, la contestation et la destruction des arguments de la partie
adverse est une tactique souvent employée par les avocats ; elle peut parfois
mener à des attaques personnelles d’adversaire à adversaire;
• enfin, lorsque l’issue de la négociation est connue, l’auteur propose un cer-
tain nombre de comportements pour les vainqueurs et les vaincus, afin de main-
tenir viables de futures négociations.
Types d’acteurs
L’univers des acteurs possibles est considérable et très diversifié. Que ceux-ci soient
entraînés à s’impliquer d’une façon ou d’une autre ne modifie en rien la légitimité de
leur participation. La prise en compte des multiples intérêts, parfois divergents et opposés,
lors d’un projet significatif pour la population, émergera tôt ou tard. Dans certains
cas, comme nous le verrons plus loin («Typologie de résolution des problèmes»), l’émer-
gence d’intérêts divergents dès les premières étapes d’examen du projet permet d’at-
ténuer, voire d’éliminer les éventuels et inévitables conflits. La consultation élargie à
l’ensemble des intervenants permet une meilleure acceptation du projet, une bonifi-
cation des avantages et une atténuation des conséquences négatives de celui-ci.
Nous avions précédemment relevé trois grandes classes d’acteurs (Simos, 1990):
• ceux impliqués d’office (requérants, évaluateurs et autorités responsables);
• ceux s’impliquant d’eux-mêmes (écologistes et populations concernées);
• ceux amenés à s’impliquer (diverses administrations et experts-conseils).
Tous ces acteurs sont entraînés à s’impliquer dans le processus d’examen du projet,
soit de manière officielle dans les consultations prévues, soit de façon non officielle
298 par l’habituel «jeu des pressions» ou soit par la manifestation publique des opposi-
tions.
Pour l’évaluateur d’impact, comme pour l’organisme de contrôle de la procédure,
l’identification de tous les acteurs potentiels et des relations qui les animent devrait
figurer parmi les premières tâches d’examen du projet. L’apport des différents acteurs
Contexte de la négociation environnementale
sera en effet utile dès les premières phases d’étude, ne serait-ce que pour transmettre
des données indispensables à l’évaluation en cours.
La Loi canadienne d’ÉIE détermine neuf catégories d’acteurs aux intérêts variés
qui s’impliquent habituellement dans l’examen des projets au Canada (ACÉE, 1994).
Ces catégories sont:
• les habitants locaux;
• les autochtones;
• les représentants des gouvernements municipaux et régionaux ;
• les organisations communautaires comme les groupes de propriétaires domi-
ciliaires, les organisations de personnes âgées, les clubs de service et les
groupes de conservation;
• les associations professionnelles et commerciales;
• les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME);
• les établissements d’enseignement ;
• les groupes intéressés du public;
• les médias.
Le U.S. Army Corps of Engineers relève quant à lui une quinzaine de catégories
d’intervenants possibles (Canter, 1996). Même s’il s’agit d’intervenants dans le
domaine de l’eau, les différentes catégories ne sont pas foncièrement différentes de
celles que nous venons de décrire. Elles répartissent simplement les acteurs d’une manière
plus exhaustive, en faisant par exemple des groupes sportifs et des organisations de
fermiers des catégories à part.
De façon plus stratégique, Gorczynski (1991) classe les différents acteurs (players
of the game) en neuf catégories aux intérêts, stratégies et tactiques bien définis:
• les ingénieurs et autres scientifiques « objectifs »;
• les politiciens et les élus ou ceux qui espèrent l’être;
• les bureaucrates;
299
• les industriels et les promoteurs ;
• les activistes environnementalistes;
• les citoyens;
• les médias;
L’évaluation des impacts environnementaux
environnementale. De plus, l’examen d’un projet est souvent le prétexte pour eux de
négocier d’autres sujets en rapport avec leurs intérêts propres, notamment l’autonomie
politique et les revendications territoriales.
PARTICIPATION DU PUBLIC
La démarche de «participation du public» laisse libre cours à de multiples interpré-
tations. En effet, l’expression est utilisée pour recouvrir des situations tout à fait dif-
férentes selon les procédures en vigueur. Le type d’intervention qu’elle recouvre est
vaste et diversifié. En pratique, la participation publique est soit cantonnée dans une
relative passivité, soit promue à une contribution active dans le processus de déci-
sion. Le rôle de la participation du public dans les processus de décision est donc très
variable. En conséquence, son influence sur les décisions est elle aussi très variable.
Elle est parfois réduite à sa plus simple expression, à savoir l’élémentaire informa-
tion a posteriori de la réalisation d’une ÉIE; le public est alors strictement informé.
À l’opposé, le public a quelquefois la possibilité de participer à plusieurs étapes impor-
tantes de l’examen en cours et ainsi de pouvoir participer activement à l’étude.
Habituellement, le public n’est consulté qu’au sujet du rapport final d’ÉIE, lors d’au-
diences publiques, par exemple, et non pas en cours d’examen. Sans pouvoir modi-
fier l’étude d’impacts, il peut au moins faire entendre sa voix avant la prise de déci-
sion finale, ce qui change quelquefois les évaluations et les orientations prises
précédemment.
Une participation pleine et entière devrait débuter dès la phase initiale d’élabo-
ration du projet et s’échelonner jusqu’à la décision finale de l’acceptation définitive
du projet. Récemment, la participation du public s’est étendue à la plupart des pro-
cédures d’ÉIE et elle tend à prendre encore plus de place là où elle se trouvait déjà.
Autrement, l’influence de la participation publique se réduit trop aux ultimes cor-
rectifs acceptables des points de vue technique et financier, lors de la présentation du
rapport final d’ÉIE au cours d’une étape plus ou moins active de consultation
publique. Or, à cette étape, l’état d’élaboration du projet est tellement avancé que les
correctifs encore possibles ne concernent que des aspects mineurs et accessoires.
Dans les limites actuelles de l’examen a posteriori, la participation publique
entraîne aussi certaines altérations de la procédure. Se sentant exclu de la démarche
d’évaluation, le public ne collabore qu’avec réticence et son évaluation du projet en
cause est alors méfiante, rapide et très émotive. De plus, il se produit une polarisation
302 des points de vue, sinon une opposition manifeste par rapport au projet, au promo-
teur et à l’équipe d’évaluateurs. La justification même du projet est alors perçue de
façon plus négative et les résultats présentés apparaissent moins convaincants. De plus,
comme la faible diffusion de l’information et le peu de résultats compréhensibles ainsi
que les moyens dérisoires dont le public dispose habituellement n’ont rien pour relever
le niveau de participation (Dron, 1995), plusieurs acteurs deviennent perplexes
Contexte de la négociation environnementale
accordé à la population. Il n’est pas rare de constater l’extrême méfiance des déci-
deurs vis-à-vis de la perte probable de contrôle des organismes actuels de prise de
décision. Les élus, notamment, hésitent à partager le pouvoir de prendre des déci-
sions avec de simples citoyens. Même des partis politiques pourtant très favorables
à une large participation du public avant leur prise du pouvoir, comme le Rassemblement
des citoyens de Montréal (RCM), avaient pris peur par rapport à l’ingérence possible
des citoyens et conséquemment avaient révisé complètement leur ancien point de vue
(Vézina, 1996). Selon l’opinion de chacun au sujet des résultats anticipés de la par-
ticipation publique, il pourrait en sortir le meilleur comme le pire. L’intensification
de la participation du public est vue comme une nécessité ou comme la pire des menaces.
Figure 7.1
Modèle de l’échelle de participation des citoyens d’Arnstein
Contrôle des
citoyens
Pouvoir des citoyens Pouvoir
délégué
Partenariat
Conciliation
Thérapie
Non-participation
Manipulation
Selon Arnstein, citée par Vézina (1996), les huit échelons du modèle s’étendent
de la simple manipulation des citoyens par les décideurs au contrôle par les citoyens
du processus de décision. Les deux premières marches, la manipulation et la «thé-
rapie», représentent plutôt une non-participation des citoyens. Les trois suivantes,
l’information, la consultation et la conciliation, représenteraient un pouvoir avant
tout symbolique. En fait, ce n’est qu’aux trois échelons les plus élevés, partenariat,
pouvoir délégué et contrôle par les citoyens, que l’auteur attribue un réel pouvoir à
ces derniers. Dans une telle approche, les citoyens ne participent réellement que
lorsqu’ils possèdent un véritable pouvoir de décision (idem).
Outre les diverses catégories de participation possibles du public que nous
venons de voir, on peut classer le degré de pouvoir réel des participants dans la prise
310 de décision selon le genre de réunions formelles dans lesquelles la participation du
public s’insère. Ainsi, lors d’un affichage d’information (annonce dans les journaux),
le pouvoir réel du public est fort limité comparativement à ce qu’il peut être lors d’au-
diences publiques ou de comités de médiation, par exemple. Les techniques de com-
munication avec le public, que nous aborderons dans la prochaine section, nous per-
mettront de mieux comprendre cet aspect.
Contexte de la négociation environnementale
L’audience publique
L’audience publique représente l’une des composantes essentielles de la participation
publique, sans pour autant représenter la seule forme possible de consultation de la
population. Nous la présentons séparément, étant donné son importance de plus en
plus grande et fréquente dans les processus d’ÉIE, quoique récemment sa «lourdeur»
ait été de plus en plus contestée par les entrepreneurs (promoteurs). Dans plusieurs
pays, elle fait partie des procédures régulières d’ÉIE, mais n’est utilisée qu’à titre excep-
tionnel. Comme nous l’avons vu au chapitre trois, au Québec, l’audience publique
est la forme officielle de consultation de la population régissant la procédure d’ÉIE.
La plupart du temps, l’audience publique s’insère dans un formalisme bien par-
ticulier qui prend la forme d’une commission ou d’un comité public doté de pou-
voirs quasi judiciaires. Les modalités déterminent la façon de faire selon les traditions
locales de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Selon la pro-
cédure en cause, l’implication des participants tient une plus ou moins grande place
et les «responsabilités» qui leur sont octroyées varient grandement d’un endroit à
un autre. Le rôle du public, et dans une certaine mesure aussi de tous les intervenants
indirectement impliqués dans la promotion du projet (autorités locales et autres admi-
nistrations), est souvent limité pour plusieurs raisons. Parmi les raisons les plus cou-
rantes, notons l’état d’avancement du projet qui ne permet que peu de changements,
le rôle passif du public dans la gestion des affaires publiques ainsi que la complexité
du projet en cause ou celle de l’information disponible, lorsqu’il y a vraiment diffu-
sion de l’information.
L’influence d’une audience publique dépend grandement du réel pouvoir de recom-
mandation ou de décision qui lui est dévolu. Malgré l’importance et la crédibilité des
audiences publiques au Québec, par exemple, plusieurs décisions gouvernementales
allaient à l’encontre des conclusions de ces dernières. Mais comme nous le précisions
en ce qui concerne le rapport final d’ÉIE, le rapport d’audience publique n’est pas le
seul document sur lequel s’appuie la décision ultime des autorités. De plus, dans la
plupart des procédures actuelles, l’audience publique ne détient qu’un pouvoir
consultatif de recommandation et non décisionnel.
312 L’indépendance d’une commission publique par rapport aux différents acteurs
et à l’État impliqués dans le processus, comme le mode de fonctionnement des audiences
elles-mêmes, est tributaire des pratiques démocratiques. Comme nous l’avons men-
tionné au sujet de la participation publique, le contexte démocratique influence énor-
mément les façons de faire.
Contexte de la négociation environnementale
316 On peut définir un comité de suivi, aussi nommé comité de surveillance ou de vigi-
lance, comme étant un comité multipartite regroupant les différents acteurs impliqués
par un projet et assurant généralement diverses fonctions de surveillance et de suivi
(Leduc et André, 1999). Le rôle d’un tel comité est de faire participer activement tous
les acteurs intéressés au suivi d’un projet, notamment la population concernée. En fait,
cette démarche vise à trouver une «solution à la permanence des consultations
Contexte de la négociation environnementale
difficilement perceptible dans le fatras des intérêts privés. De plus, l’intérêt collectif,
particulièrement dans une vision à long terme, repose rarement sur la simple somme
des intérêts de chacun. Ici aussi le tout est plus grand que la somme des parties. La
participation du public n’est nullement indépendante du contexte sociopolitique d’une
société. Par ailleurs, la participation des simples citoyens aux processus de consulta-
tion semble souvent déboucher sur le recours aux experts et autres «détenteurs véri-
tables d’un éco-pouvoir montant» (Lascoumes, 1994), notamment chez certains
représentants écologistes. Ce contexte n’étant pas toujours très favorable à la partici-
pation publique, le public s’exprime donc de manière très variable, subordonné au
contexte démocratique local. C’est ainsi que la démarche de participation du public
est inégale, passant de la plus élémentaire participation, telle une simple séance d’in-
formation, à la véritable consultation des citoyens, notamment à travers une audience
participative. Pourtant, la prise en compte de la participation publique est une
demande expresse du rapport Brundtland (CMED, 1988) et de la plupart des législa-
tions actuellement en vigueur ainsi que des directives récentes des grands bailleurs de
fonds internationaux.
La participation active de la population à la vie politique, tout particulièrement
dans le domaine de l’évaluation d’impacts, devra déborder quelque peu les possibi-
lités actuellement offertes dans nos sociétés, afin de ne plus demeurer, comme c’est
trop souvent le cas actuellement, qu’une suite de complaisants «vœux pieux». En consé-
quence, il faudra donc étendre et assouplir les pratiques de la «vie démocratique»
de la plupart sinon de la totalité des États de la planète. Éventuellement, sans doute,
une véritable participation des citoyens s’élèvera au-dessus de la simple consultation
de certains.
TECHNIQUES DE COMMUNICATION
La participation du public, comme la présentation du rapport final d’ailleurs, fait appel
aux diverses techniques de communication. Parmi l’ensemble de ces techniques, ce
sont surtout celles de consultation et de participation avec le public qui nous inté-
ressent en évaluation des impacts environnementaux.
318 L’un des grands problèmes de communication en ÉIE, c’est la grande diversité
des acteurs en présence et toutes les conséquences qui en découlent. En effet, comme
l’affirmait Dron (1995): «en général, les acteurs en présence n’ont pas appris le lan-
gage de leurs interlocuteurs et ne reconnaissent pas la légitimité de leurs représen-
tations: c’est ce que certains ont appelé la nécessité du zéro mépris.»
Contexte de la négociation environnementale
Tableau 7.2
Techniques de communication avec le public
Caractéristiques de Objectifs de la planification
la communication
Information/éducation
d’intérêts spécifiques
Résolution de diffé-
Niveau de dialogue
Capacité de traiter
problèmes/valeurs
Niveau de contact
rends/unanimité
Idées/solutions
Identification:
Participation du public/
avec le public
Techniques de communication
Évaluation
Réactions
2 1 1 Audiences publiques X X
2 1 2 Séances publiques X X X
1 2 3 Réunions non officielles de petits groupes X X X X X X
2 1 2 Réunions d’information du public X
1 2 2 Exposés à l’organisation communautaire X X X
1 3 3 Colloques de coordination de l’information X X
1 2 1 Bureaux sur le champ d’opérations X X X X
1 3 3 Visites de planification locale X X X
1 3 1 Recours collectif en justice X X X X
2 2 1 Brochures et dépliants publicitaires X
1 3 3 Excursions sur le terrain et visites de sites X X
3 1 2 Expositions destinées au public X X X
2 1 2 Démonstrations de modèles X X X X
3 1 1 Documents destinés aux mass media X
1 3 2 Réponse aux demandes du public X
3 1 1 Communiqués de presse suscitant commentaires X X
1 3 1 Lettres de demande de commentaires X X
1 3 3 Groupes de travail X X X X X
1 3 3 Comités consultatifs X X X X
1 3 3 Groupes spéciaux de travail X X X
1 3 3 Embauche de la population locale X X X
1 3 3 Défenseurs des intérêts communautaires X X X
1 3 3 Ombudsman ou son délégué X X X X X
2 3 1 Révision par le public du rapport d’évaluation
des impacts sur l’environnement X X X X X X
320
1 = FAIBLE 2 = MOYEN 3 = ÉLEVÉ X = CAPACITÉ
Source : Traduit et adapté de Sadar et coll., 1994
Contexte de la négociation environnementale
Tableau 7.3
Typologie de résolution de conflits en environnement
Anticipation Un tiers relève les litiges potentiels Les processus d’examen préalable
du conflit avant que les positions adverses ne soient des études d’impacts décèlent les
entièrement déterminées. problèmes possibles et les groupes
affectés.
Approche Les rencontres de groupe clarifient et Ateliers structurés; comités consultatifs
résolutive peuvent résoudre les problèmes et les de citoyens sur la planification
conjointe différends. Les ententes sont informelles. environnementale; évaluation
environnementale souple.
Médiation Négociations formelles entre les Rencontres techniques afin de rechercher
représentants. Le médiateur facilite mais une solution au conflit; le médiateur
n’impose pas le règlement du conflit. utilise une variété de techniques de
négociation et de médiation.
Développement Rencontres pour discuter et résoudre les Comités consultatifs intersectoriels;
de politiques différends entre les agences en conflit; rencontres ad hoc entre les membres des
les résultats sont à titre consultatif pour différentes agences gouvernementales.
les services officiels qui préparent
les politiques.
Arbitrage Les arguments formels sont présentés Contrat d’arbitrage sur la gestion du
par les parties adverses; l’arbitre impose travail; audiences dans un tribunal
le règlement auquel les parties avaient d’arbitrage.
préalablement convenu de se conformer.
La médiation environnementale
La médiation est l’une des techniques particulières de résolution des problèmes. Elle
est employée lorsqu’il existe un nombre relativement restreint d’intervenants. Elle repré-
sente actuellement l’une des nouveautés en évaluation des impacts environnemen-
taux. La future Loi québécoise sur la procédure d’ÉIE, comme ses homologues cana-
dienne et américaine, devrait en faire explicitement mention.
La médiation environnementale est l’un des mécanismes de participation du public
en plein développement un peu partout dans les pays industrialisés. Il s’agit plus pré-
cisément d’une des techniques de négociation et de recherche de consensus. Telle qu’em-
ployée actuellement ou en voie de l’être, la médiation remplace ou complète les grands
forums de consultation publique telle que l’audience publique. La médiation est
employée lorsqu’il existe des litiges entre certains acteurs impliqués dans le processus
327
d’ÉIE. Certains auteurs s’opposent cependant au pragmatisme américain en cours
dans la négociation environnementale et, en conséquence, ne conçoivent pas la
médiation comme l’un des mécanismes de résolution des conflits (Six, 1995).
L’évaluation des impacts environnementaux
330
Chapitre
8
Modification du projet
et mesures d’atténuation
des impacts
appréhendés d’un projet. À l’inverse, plus tôt seront intégrés les aspects environne-
mentaux dans l’élaboration d’un projet, par des modifications et des correctifs ainsi
qu’un choix judicieux d’options, moins deviendront nécessaires les choix de variantes,
les mesures d’atténuation et de compensation.
La figure 8.1 montre la place et les liens entre les six moyens de réduire l’impact
environnemental d’un projet. Les mesures de modification et les correctifs concernent
le projet, c’est-à-dire l’activité humaine perturbatrice. Par contre, les mesures de com-
pensation, ainsi qu’une bonne part des mesures d’atténuation et de suivi, ne s’appliquent
qu’aux éléments de l’environnement. Finalement, la sélection des solutions de
rechange et des variantes ainsi que l’autre partie des mesures d’atténuation et de suivi
se retrouvent à l’interface des deux «mondes», à savoir autant du côté du projet que
de celui de l’environnement1.
Figure 8.1
Représentation schématique des divers moyens de réduire l’impact
Projet
Sélection d’options
1. L’organisation des différentes actions présentées dans la figure 8.1 pourrait être modifiée en dépla-
çant certaines d’entre elles vers le haut ou le bas du schéma. Nous croyons cependant que l’agen-
cement présenté ici correspond à l’ordre probable d’application des actions dans la plupart des cas
à l’heure actuelle.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts
334 Les modifications significatives étant évincées par l’état d’avancement de la concep-
tion même du projet, il ne reste plus très souvent que la possibilité d’intervenir par
le moyen de correctifs. L’apport de correctifs à un projet demeure souvent l’ultime
et unique mesure en vue d’intégrer l’environnement dans la conception détaillée d’un
projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts
Il est possible d’apporter des correctifs aux composantes et aux activités afférentes
au projet tout au long du processus d’examen. L’apport de correctifs apparaît habi-
tuellement au cours de l’étape d’évaluation des impacts. Certains ajustements s’avèrent
toutefois nécessaires dès la première analyse des activités relatives au projet, alors qu’à
l’opposé, d’autres ne se présenteront qu’au moment, ou peu avant, de la prise de déci-
sion finale concernant l’acceptabilité du projet. À l’occasion, certains correctifs ne seront
apportés qu’à la suite de la surveillance des travaux ou au cours du suivi d’exploita-
tion. Ultimement, il pourrait s’avérer nécessaire d’effectuer des correctifs à certaines
composantes du projet, et ce, après un suivi postprojet.
Les correctifs apportés s’appliquent souvent à une seule composante ou activité
du projet, sans remettre en cause l’ensemble des composantes ou des activités. Quel-
quefois, il s’agit de certains des aspects déjà touchés par une modification importante,
mais avec une ampleur beaucoup moindre. Dans ce cas, les correctifs concernent sou-
vent les délais, la durée ou l’horaire (jour/nuit, intermittence) des opérations, notam-
ment pour la phase de construction, ainsi que la gestion des rejets et des dispositifs
antipollution.
Par ailleurs, les correctifs apportés à un projet en cours d’examen ne sont pas tou-
jours très distincts de certaines des mesures d’atténuation; ils sont parfois, d’ailleurs,
confondus. Les deux concourent cependant à l’amélioration du projet ou à la mini-
misation de ses répercussions sur l’environnement. Cette remarque est aussi valable
par rapport aux modifications et à la sélection de solutions de rechange et de
variantes. Ainsi, certaines modifications au projet initial et, dans une moindre
mesure, certains des correctifs employés, ne se différencient pas vraiment du choix
des solutions de rechange ou des variantes en cours d’étude.
autre. Il ne s’agit donc pas simplement d’une variation plus ou moins substantielle
d’un même projet, comme dans le cas d’une variante. De la même manière que les
différentes façons de gérer les déchets domestiques, le choix de solutions de rechange
à un projet de centrale thermique au gaz naturel, par exemple, devrait inclure les diverses
options en vue de fournir des services énergétiques (hydroélectrique, nucléaire,
éolien, économies d’énergie, etc.). Par contre, la sélection entre divers sites ou cou-
loirs d’implantation, comme une modification mineure dans le procédé de fabrica-
tion ou la durée d’exploitation du projet, relève plutôt d’un choix de variantes. Le projet
initial reste le même; seules des variantes de mise en œuvre sont offertes, dans ce der-
nier cas. Par ailleurs, les solutions de rechange autant que les variantes peuvent impli-
quer l’ensemble des composantes du projet ou une partie seulement de celles-ci.
L’examen d’options lors de l’étude d’un projet est presque toujours une exigence
réglementaire. Toutefois, malgré l’ancienneté et la reconnaissance de cette pratique
en ÉIE, il est rare de retrouver de véritables solutions de rechange dans les rapports
d’évaluation que nous avons consultés. En fait, compte tenu de l’imprécision des concepts
et de la libre interprétation qui en est faite, l’examen se limite habituellement à un
choix de variantes. On retrouve alors une analyse comparative, plus ou moins rigou-
reuse et complète, de variantes de sites ou de tracés pour les infrastructures.
Dans le cadre étroit de l’évaluation de projet, contrairement à l’évaluation stra-
tégique, il est souvent impensable pour le promoteur d’envisager la possibilité d’une
solution de rechange. Ainsi, une entreprise spécialisée dans la production d’un bien
particulier se retrouve souvent devant l’impossibilité de proposer la fourniture d’un
bien d’une tout autre nature. Dans le cas de certains types de projets, les projets miniers,
par exemple, le promoteur n’a aucune autre option que celle de ne pas réaliser l’ex-
ploitation proposée. Les promoteurs omettent alors de proposer des solutions autres
que leur propre projet. Pour les autres acteurs non liés au promoteur, le choix de solu-
tions de rechange demeure toujours présent, ne s’agirait-il que de la possibilité de rejeter
le projet proposé.
En ce qui concerne l’évaluation stratégique, par contre, il n’y a habituellement
pas qu’un seul projet ni un seul promoteur potentiel en lice. Les possibilités envisa-
geables sont alors multiples, comme dans le cas précédent des déchets ou de la four-
337
niture des services électriques, par exemple. En conséquence, la portée de l’évalua-
tion environnementale est fortement diminuée quant à la sélection de la meilleure
option, si elle est cantonnée uniquement dans la sphère de l’examen de projet.
L’évaluation stratégique des politiques et des programmes permettrait donc de cla-
rifier les choses, notamment en filtrant le type de projet admissible par l’entremise
d’une véritable comparaison d’options. Les projets ainsi présélectionnés pourraient
L’évaluation des impacts environnementaux
ensuite être examinés sous l’optique d’un choix de variantes dans le cadre d’une éva-
luation de projet. Grâce à un tel élargissement de la place de l’ÉIE dans nos processus
de décision, l’aléatoire, le subjectif et les jeux de pouvoir du niveau politique de l’éva-
luation seraient plus restreints qu’ils ne le sont actuellement.
L’objectif de sélection de solutions de rechange ou de variantes, et à plus forte raison
lorsqu’il s’agit de l’examen comparatif de différents projets, est bien sûr l’arrêté d’un
choix optimal. L’examen nécessite donc l’emploi de techniques de comparaison en vue
d’évaluer le meilleur choix possible. En fait, il est de plus en plus courant de consi-
dérer le «choix optimal» non pas comme une seule possibilité mais bien comme un
éventail, plus ou moins étendu, des meilleurs choix possibles. Comme nous l’avons
indiqué au cours de l’étude des modèles multicritères, la possibilité de plusieurs «choix
optimaux» dépend du nombre de scénarios anticipés afin d’estimer l’évolution future
de la conjoncture actuelle. Plus la variété des scénarios est grande et plus les possibi-
lités de choix optimaux se multiplient, mais plus différée sera la prise de décision.
La méthodologie d’évaluation des options doit comprendre une procédure par-
ticulière permettant l’exercice de sélection du choix optimal. La sélection des options
possibles et l’analyse comparative de celles-ci à partir de critères et d’une méthode
de comparaison relèvent surtout du domaine technique de l’ÉIE. Les critères seront
généralement examinés à l’aide des connaissances et de l’expertise de la science. Toutefois,
les choix qui seront effectués, grâce à des valeurs de pondération, et les acteurs qui
participeront à l’exercice concernent plutôt le niveau politique de l’étude. La sélec-
tion du choix optimal s’exprime donc à travers l’intégration des trois niveaux
d’examen de l’ÉIE.
En pratique, la sélection de solutions de rechange et de variantes fait appel aux
techniques d’agrégation et de pondération ; ce qui est avant tout du ressort du
domaine scientifique de l’évaluation d’impacts, sans dénier toute responsabilité de niveau
politique à ces deux opérations. De plus, les méthodes de comparaison préconisent
souvent les techniques d’ordonnancement. Selon la méthode employée par les éva-
luateurs, l’insistance portera vers l’une ou l’autre des techniques d’ordonnancement.
Enfin, l’une des options qu’on devrait toujours rencontrer dans l’examen d’un
338 projet, mais qui est souvent passée sous silence, est la non-réalisation du projet en
question, c’est-à-dire le maintien du statu quo. En plus d’offrir une solution valable
à envisager, la prise en compte du statu quo permettrait d’estimer et d’évaluer plus
adéquatement l’évolution anticipée du milieu d’insertion sans l’intervention du
projet. De plus, la prise en compte du statu quo permet d’évaluer plus complètement
le bien-fondé de la justification même du projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts
Figure 8.2
Matrice comparative de deux tracés possibles, selon de multiples critères
En règle générale, la hiérarchisation classe tous les paramètres dans une série limitée
de classes d’importance. L’avantage de la hiérarchisation par rapport aux autres tech-
niques de classement ou de pondération réside dans la simplification du rangement
des paramètres étudiés. Ailleurs, le classement est parfois très compliqué à réaliser.
La hiérarchisation réduit les opérations de comparaison de tous les paramètres les
uns par rapport aux autres. Elle emploie un nombre réduit de classes de paramètres
à considérer. Leur nombre est généralement limité à deux ou trois possibilités de classes
seulement. La valeur relative des classes suit un ordre décroissant d’importance. Les
paramètres ou critères les plus importants sont séparés des autres et placés dans la
classe de première importance. Comme pour tout exercice de pondération, il existe
bien entendu de nombreux aspects subjectifs qui se glissent dans une telle opération.
Le choix des critères de comparaison, par exemple, n’est pas aussi simple et objectif
qu’il paraît, et leur classement n’est pas non plus dénué d’embûches et de surprises.
En effet, les valeurs changent selon l’endroit et le temps considéré; ce qui nous appa-
raît aujourd’hui comme essentiel pourrait très bien apparaître comme accessoire pour
les gens de demain ou pour la population actuelle d’un autre pays. Finalement, la hié-
rarchisation en classes restreintes ne détermine aucune hiérarchie entre les différents
paramètres ou critères de comparaison à l’intérieur d’une même classe. Tous ces élé-
ments (paramètres et critères) sont considérés égaux entre eux, ce qui simplifie de
beaucoup l’opération, qui pourrait s’avérer complexe autrement.
Parmi les méthodes de comparaison utilisées en ÉIE, nous pouvons ranger
l’analyse multicritères et la méthode de Holmes comme les plus grands utilisateurs
de la hiérarchisation. L’utilisation de critères multiples vise à contourner les inéluc-
tables problèmes reliés à toute comparaison reposant sur un seul critère, comme la
valeur monétaire de la plupart des méthodes unicritères. La hiérarchisation permet
cependant de simplifier, sans trop compromettre la validité des résultats obtenus, la
prise en compte de critères multiples lors de la comparaison rigoureuse de diverses
options.
Figure 8.3
Liste de mesures générales d’atténuation
Figure 8.4
Liste de mesures courantes d’atténuation
Modification • Planifier les périodes d’intervention dans les zones sujettes aux inonda-
de l’écoulement tions ou présentant un fort ruissellement en dehors des saisons de crues
des eaux de surface ou de fortes pluies.
et souterraines ainsi • Ne pas entraver le drainage des eaux de surface et prévoir des mesures
que des conditions de rétablissement.
de drainage
• Respecter le drainage superficiel en tout temps. Éviter d’obstruer les
cours d’eau, les fossés ou tout autre canal. Enlever tout débris qui
entrave l’écoulement normal des eaux de surface.
• Orienter les eaux de ruissellement et de drainage de façon à ce qu’elles
contournent le site des travaux et les diriger vers les zones de végétation.
Altération de • Prévoir des aménagements pour la circulation des véhicules chaque fois 343
la nature du sol qu’il y a risque de compaction ou d’altération de la surface.
• Conserver le sol organique pour la restauration du site.
• Réglementer de façon stricte la circulation de machinerie lourde.
Restreindre le nombre de voies de circulation et limiter le déplacement
de la machinerie aux aires de travail et aux accès balisés.
La figure 8.5 présente une dernière liste de mesures d’atténuation. Dans ce cas,
il s’agit d’une série de mesures particulières reliées aussi à des impacts potentiels bien
définis, comme pour la figure précédente. La liste est tout simplement plus exhaus-
tive quant aux mesures et au nombre d’impacts potentiels.
Toutefois, la mise en place de mesures d’atténuation des impacts potentiels peut
entraîner à son tour des impacts environnementaux. Ces derniers doivent eux aussi
être pris en compte dans l’examen ainsi qu’au cours du suivi. Bien entendu, l’inter-
vention de telles mesures d’atténuation ne devrait jamais entraîner d’impacts envi-
ronnementaux plus importants ou plus néfastes que ceux initialement prévus et qu’on
tentait au contraire de minimiser.
L’inspection durant la phase de construction (surveillance des travaux), et par
la suite le suivi d’exploitation, devraient garantir la conformité des mesures d’atté-
nuation mises en place avec celles proposées dans l’ÉIE. De plus, l’inspection permet
de vérifier la validité et l’efficacité des mesures, tout en confirmant ou non l’oppor-
tunité d’apporter de nouveaux correctifs. Les photos de la figure 8.6 montre deux
exemples de mesures courantes d’atténuation et une mesure particulière.
Les coûts d’implantation des mesures d’atténuation sont évalués entre 3 et 5%
du coût total du projet par les experts de la Banque mondiale (World Bank, 1991).
En pratique, ces coûts peuvent toutefois varier de 0 à 10% des coûts totaux du projet.
Ces montants sont cependant considérés comme minimes par rapport aux sommes
344 qu’il faudrait autrement engager sans leur mise en place. À titre d’exemple, mentionnons
les dépenses souvent très élevées occasionnées par une épidémie de malaria consé-
cutive à la réalisation d’un projet hydrique, ou à l’inévitable modification d’une com-
posante essentielle qui s’avérerait ensuite inacceptable mais fort dispendieuse après
la mise en place du projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts
Figure 8.5
Liste de mesures d’atténuation particulières
Perturbation des activités • Éviter d’obstruer les sentiers de randonnée pédestres et nettoyer
récréo-touristiques l’accès aux sentiers.
Perturbation des activités • Utiliser les carrières commerciales existantes. Respecter les normes
aux aires d’extraction d’exploitation des carrières et des sablières et réduire au minimum
le nombre d’emprunts.
• Signaler les dommages causés aux ouvrages et les réparer rapide-
ment.
• Préparer un plan de réaménagement des emprunts conforme aux
normes et procéder à leur restauration.
Perturbation des sites • Avant le début des travaux, procéder aux fouilles archéologiques
archéologiques des sites potentiels identifiés et favoriser l’analyse et la mise en
valeur des vestiges.
• Pendant les travaux, assurer une surveillance des aires de travail et
suspendre toute activité lors de découvertes.
Impacts visuels et • Choisir les équipements qui altèrent le moins possible le patrimoine
monuments historiques architectural.
reconnus • Ne pas localiser les équipements en façade de ces sites.
Sécurité publique • Renforcer la sécurité des travailleurs par l’établissement d’un plan
d’intervention d’urgence.
• Informer les conducteurs et les opérateurs de machines des normes
de sécurité à respecter en tout temps.
Nuisances causées par • Prévoir la réutilisation des eaux et des boues à des fins agricoles ou
les rejets autres.
• Mettre en place un site d’enfouissement adéquat.
• Prévoir un réseau d’assainissement approprié pour les eaux usées.
les deux types de résultats dans le rapport final. On assurerait ainsi un meilleur contrôle
lors de l’inspection ultérieure des impacts environnementaux. De plus, cette pratique
permet de noter clairement les bénéfices environnementaux obtenus grâce à l’examen
environnemental.
Figure 8.6
Deux exemples de mesures courantes d’atténuation
et une mesure particulière
MESURES DE COMPENSATION
Les mesures de compensation représentent l’ultime moyen de réduire l’impact envi-
ronnemental lors du processus d’ÉIE menant à l’autorisation d’un projet. En pratique,
la compensation permet de remédier aux conséquences négatives sur l’environnement.
Les mesures de compensation sont constituées de l’ensemble des différents moyens
permettant, après l’introduction des mesures d’atténuation, de faire contrepoids aux
conséquences négatives des impacts résiduels.
La compensation des impacts peut être globale ou partielle. Une compensation
globale vise à faire face à la mauvaise perception globale ou à la désapprobation géné-
rale du projet. La perception du projet par le milieu émane généralement des acteurs
directement affectés par le projet ou par certains autres acteurs impliqués (par
exemple, les groupes environnementaux nationaux). Une compensation partielle
vise plutôt à contrebalancer l’impact du projet sur un ou sur quelques-uns des élé-
ments de l’environnement. Elle implique les mêmes acteurs que lors de la situation
précédente.
De façon similaire aux mesures d’atténuation, la perception négative des impacts
résiduels peut être amoindrie, diminuée, repoussée ou exclue par l’introduction de
mesures de compensation. Ces mesures peuvent être de nature financière ou plutôt
de nature environnementale. Dans le premier cas, il peut s’agir de la compensation
monétaire des personnes touchées directement par les impacts ou les inconvénients
du projet. Dans le second, il s’agira du remplacement pur et simple d’éléments envi-
ronnementaux, perturbés par l’implantation du projet, par des éléments similaires.
Une communauté pourrait ainsi se voir compenser des inconvénients du projet par
la voie d’une contribution financière à des installations communautaires, à l’amé-
lioration d’un parc ou du centre communautaire, ou au financement d’un groupe
de sauvegarde du patrimoine. La compensation d’un élément environnemental, par
contre, pourrait signifier la relocalisation ou l’installation d’éléments similaires sur
un autre site, comme de nouvelles plantations d’arbres en marge des installations,
en remplacement des arbres abattus.
Comme pour la mise en œuvre des mesures d’atténuation, certaines mesures de
compensation font appel aux techniques de l’ingénieur, de l’aménagiste ou du tech- 347
nicien de la faune. Les dimensions techniques de la compensation sont parfois simi-
laires à celles concernant les mesures d’atténuation. C’est ainsi que le remplacement
d’un marais détruit par la mise en place d’un projet peut se concrétiser par l’amé-
nagement d’un nouveau marais, comme nous l’avons mentionné auparavant. On com-
pense alors la perte d’un élément de l’environnement par la création d’un élément
L’évaluation des impacts environnementaux
INSPECTION ET SUIVI
L’inspection en vigueur en ÉIE couvre plusieurs facettes. Dans un premier temps, elle
concerne les activités de vérification du bon déroulement de l’étude, de la part de l’or-
ganisme de contrôle. Ce dernier s’assure du respect de l’assujettissement, du contenu
de la directive, de la conformité de l’étude d’impacts à la directive, de l’emploi justifié
des méthodes ainsi que de la collecte des données et de la bonne marche des diverses
étapes de la procédure, dont la consultation publique. Toutes ces activités d’inspec-
tion concernent avant tout l’organisme de contrôle, bien plus que l’évaluateur d’im-
pacts. Nous concentrerons donc notre attention sur les activités d’inspection qui font
suite à l’acceptation du projet et qu’on regroupe habituellement sous le terme «suivi».
Dans le rapport final, le suivi représente les engagements futurs du promoteur.
Le respect de ces engagements concerne les correctifs apportés au projet par l’examen
d’impacts, la mise en place des mesures d’atténuation prévues et le programme de
contrôle ultérieur à la mise en marche des installations projetées. Parfois, ces enga-
gements sont prolongés par la promesse d’une bonne pratique environnementale lors
des travaux ou par tout autre engagement des promoteurs et des exploitants issus de
l’examen d’ÉIE. Cette avant-dernière section du rapport final concerne donc des acti-
vités à réaliser après l’acceptation du projet par les décideurs. En ce sens, tous ces aspects
ultimes de l’ÉIE, parce qu’ils ont lieu après la décision et la mise en œuvre, relèvent
de ce qu’on nomme couramment le «suivi environnemental».
Rappelons que le suivi environnemental comprend au moins trois grands types
d’opérations bien distinctes. La première opération se préoccupe de l’exécution des
travaux de construction des installations, mais elle débute un peu avant lors des étapes
préliminaires de mise en œuvre des travaux. Cette première étape de suivi se nomme
la «surveillance des travaux». Ensuite, la vérification de certains paramètres envi-
ronnementaux représente le «suivi d’exploitation» (monitoring), et ce, tout au long
de la phase d’exploitation du projet. Lorsque c’est le cas, enfin, ce qui est plutôt excep- 349
tionnel dans la pratique courante, une nouvelle étude des répercussions environne-
mentales s’effectue plusieurs années après la mise en place des installations. Cette ultime
inspection se nomme le «suivi postprojet».
L’évaluation des impacts environnementaux
Ces trois types de suivi font tour à tour appel aux trois niveaux d’étude de l’ÉIE.
Toutefois, chacun relève avant tout d’un des trois niveaux. Seul le suivi d’exploita-
tion appartient vraiment au niveau politique de l’examen, et encore, plusieurs pré-
fèrent le situer au niveau scientifique. Pour sa part, la surveillance des travaux a plutôt
rapport au niveau technique. Le suivi postprojet, quant à lui, touche beaucoup plus
aux aspects scientifiques de l’ÉIE, quoique, comme l’ensemble de l’ÉIE, il intègre les
trois niveaux.
Les trois types de suivi font appel à la volonté «politique» des divers acteurs de
vraiment prendre en compte l’environnement dans la gestion de l’ensemble des acti-
vités humaines. Sans la mise en place d’un véritable programme de suivi, l’ÉIE ne serait,
comme plusieurs le pensent, qu’un commode «cataplasme sur une jambe de bois»
(Jurdant, 1984). Trop souvent, cependant, «une fois le projet réalisé, aucun organisme
de contrôle n’ayant été mis en place, personne n’est chargé de façon bien définie de
vérifier la réalisation des mesures dont souvent seule l’application pleine et entière
a permis d’autoriser le projet» (Guigo, 1991).
La mise en place d’un programme de suivi démontre manifestement le rôle et
la place de l’ÉIE dans la gestion de la société. Quoique l’ÉIE soit un exercice prévi-
sionnel, il est assez paradoxal de constater qu’en pratique, on porte assez peu d’at-
tention aux répercussions réelles. En somme, sans suivi, «l’ÉIE peut devenir un pro-
cessus pour la forme, une chasse aux rapports pour garantir le permis du projet plutôt
qu’un exercice rationnel de gestion environnementale» (Davies et Sadler, 1990).
L’élaboration d’un plan de surveillance des travaux et de suivi d’exploitation ne relève
pas nécessairement d’une ferme volonté de prendre au sérieux l’ÉIE puisqu’elle répond
presque toujours à une obligation réglementaire concernant certains des éléments de
l’environnement ou des rejets de l’exploitation. Par contre, la réalisation d’un suivi
postprojet démontre un réel souci de faire de l’ÉIE un outil important de la gestion
du développement, et ce, de manière égale aux études financières et techniques.
Parmi les autres aspects politiques du suivi, une activité nouvelle est apparue récem-
ment, celle de la formation de comité de suivi ou de surveillance. Ces comités sont
formés des divers acteurs impliqués dans le processus global de la négociation envi-
ronnementale. Ce sont bien sûr les citoyens et les groupes d’intérêts, le promoteur et
350
ses conseillers (firme-conseil externe) et les organismes de contrôle ou apparentés.
Généralement, ces comités de suivi voient au respect des engagements du promoteur,
assumés lors de l’ÉIE ou de l’approbation du projet (conditions particulières d’ac-
ceptation), mais aussi au respect des normes en vigueur et des améliorations possibles
qui peuvent apparaître en cours d’exploitation. Ces comités s’occupent donc des aspects
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts
qui se retrouvent dans un premier temps sous l’étape de surveillance des travaux, puis
sous celle du suivi d’exploitation.
Le fonctionnement d’un tel comité de suivi est parfois régi par les conditions par-
351
ticulières déterminées lors de l’acceptation du projet (décret ou certificat d’autori-
sation). Il engage les parties prenantes à veiller au respect et à la conformité des condi-
tions prescrites dans l’ÉIE ainsi qu’éventuellement dans les autorisations subséquentes.
Il favorise donc une gestion respectueuse de l’environnement, notamment en formulant
L’évaluation des impacts environnementaux
connaissance suffisante des travaux à effectuer et des saines façons de faire. Le pro-
gramme de surveillance détaillé devrait contenir les éléments suivants:
• la détermination des lieux et des objets de l’inspection (la localisation des impacts,
des mesures d’atténuation et des points principaux d’intervention);
• l’échéancier précis des travaux qui seront réalisés;
• la fréquence d’intervention des inspections (quotidienne, hebdomadaire,
annuelle, etc.);
• les implications directes et indirectes des diverses mesures d’atténuation pré-
vues;
• les différents engagements environnementaux de l’entreprise, en ce qui
concerne l’exécution des travaux selon un code de bonne pratique, et, si c’est
le cas, des sous-contractants impliqués.
Conformément à la législation en vigueur (certificat d’autorisation, décret,
permis), certaines dispositions particulières peuvent intervenir de manière exceptionnelle,
notamment l’obligation de déterminer les circonstances d’un arrêt temporaire ou per-
manent des travaux, par exemple. C’est le cas de la plupart des législations concer-
nant la conservation du patrimoine humain, à savoir les monuments et sites histo-
riques ainsi que les objets d’art et d’archéologie. C’est aussi le cas en ce qui concerne
les accidents ou les déversements impliquant des produits nocifs pour l’environne-
ment et particulièrement pour la santé humaine.
En second lieu, c’est sur le terrain (chantier et sites des travaux) que la surveillance
s’effectue. Il faut d’abord s’assurer que les travaux sont effectués selon les considé-
rations environnementales prévues dans les plans et devis ainsi que dans les docu-
ments d’appels d’offres, et que, de plus, tous les travaux s’effectuent dans une optique
de protection de l’environnement. La vérification de l’application des mesures d’at-
ténuation doit également permettre d’évaluer l’efficacité de la mise en œuvre de ces
mesures. Bien que ces dernières soient prévues selon des connaissances acquises au
préalable, certains ajustements de dernière minute sont souvent nécessaires. En
effet, les mesures projetées peuvent s’avérer défaillantes à atténuer les impacts initialement
anticipés ou impossibles à mettre en place sur le site même d’implantation. Lorsque
la surveillance environnementale révèle une mesure d’atténuation défaillante, cette
dernière doit être modifiée de façon à renforcer son efficacité ou une nouvelle
mesure d’atténuation plus efficace doit alors être instaurée.
Lors de la surveillance sur le terrain, il faut aussi s’assurer que les travaux sont
effectués conformément aux lois et aux règlements en vigueur ainsi qu’aux condi-
tions émises par les autorités gouvernementales et selon le code corporatif environ-
nemental de l’entreprise, s’il y a lieu. Dans le cas contraire, il faut prendre des
mesures afin de les faire respecter dans l’exécution des travaux, particulièrement
lorsqu’il s’agit d’intervention d’urgence à effectuer. Le surveillant des travaux peut
aussi profiter des visites sur le terrain pour parfaire la sensibilisation et l’information
des divers exécutants quant à la «bonne pratique environnementale».
L’exécution du programme de surveillance environnementale peut également mettre
en évidence des impacts non prévus lors de l’étude d’impacts. Dans un tel cas, des
mesures d’atténuation de ces impacts imprévus devront être mises en œuvre rapi-
dement afin d’en minimiser l’ampleur. Certaines modifications ou correctifs aux com-
posantes du projet pourraient aussi être apportés afin de corriger une telle situation.
La surveillance environnementale est une étape importante de l’évaluation envi-
ronnementale, car elle permet de s’assurer que les différents aspects de l’environne-
ment considérés lors du processus d’évaluation sont réellement intégrés et respectés
lors de la réalisation du projet. Autrement, l’évaluation des impacts ne sera qu’une
futile et coûteuse opération de maquillage environnemental sans grande influence
355
sur les actions concrètes.
Suivi d’exploitation
Le suivi d’exploitation, couramment nommé monitoring, même en français, vise la
vérification de l’ampleur des impacts prévus (impacts potentiels/impacts résiduels)
L’évaluation des impacts environnementaux
d’atténuation mises en place dans le cadre du présent projet. En conséquence, ces pré-
cieuses informations ainsi recueillies permettront ensuite de mieux prévoir les
impacts et les mesures d’atténuation lors de l’examen des projets futurs. Mais encore
faudrait-il diffuser de telles informations.
Suivi postprojet
Le troisième type de suivi, le suivi postprojet, représente beaucoup plus qu’un simple
suivi d’exploitation, ce dernier étant généralement limité à certains paramètres seu-
lement. Le suivi postprojet vise au contraire à effectuer une évaluation complète du
projet, et ce, à partir de tous les paramètres examinés initialement dans l’ÉIE et qui
sont encore pertinents. La vérification de l’ensemble des aspects significatifs du projet
après quelques années d’exploitation permet une réévaluation de l’examen initial. Cette
ultime inspection permet, en outre, l’amélioration de l’ensemble des pratiques en éva-
luation environnementale.
Le suivi postprojet n’est généralement pas un examen d’une ampleur égale à
l’examen initial. Toutefois, il se doit d’être aussi complet, sauf pour les aspects
devenus caducs en raison de la mise en place du projet, notamment la justification
et la description des composantes du projet. Dans presque tous les cas, un examen
complet demeure pertinent pour tous les aspects encore utiles tels que l’évaluation
des impacts et les mesures d’atténuation ainsi que les prédictions et les modèles employés.
Précisons que l’évaluation des impacts réels ne peut être réalisée qu’à la suite d’un
examen postprojet. Pour l’avancement des connaissances en ÉIE, il serait utile de pou-
voir bénéficier de plusieurs de ces études, ne serait-ce qu’afin de vérifier la pertinence
des évaluations réalisées à ce jour. De plus, l’efficacité réelle des mesures d’atténua-
tion ainsi que la fiabilité des estimations et des modèles pourraient être mesurées.
Les enseignements obtenus d’une des opérations les plus essentielles, d’un point de
vue scientifique, permettraient une inestimable évaluation du processus même
d’ÉIE. Cela favoriserait l’avancement des connaissances, tout comme le perfection-
nement des pratiques d’évaluation.
9
Critique, validité
et efficacité de l’évaluation
des impacts environnementaux
N ous avons esquissé au cours des derniers chapitres les nombreuses contraintes et
les limites mais aussi la validité et l’efficacité même de l’évaluation des impacts
environnementaux. Le présent chapitre aspire donc à fournir une critique globale de
ces différents aspects de l’ÉIE. Il s’agit à présent de reprendre de façon plus systématique
certaines questions abordées partiellement et séparément auparavant.
Le texte qui suit tentera d’intégrer tous ces aspects critiques, sans trop de redites,
et dans une vision globale des éléments fondamentaux de l’ÉIE. Notre réflexion por-
tera plus particulièrement sur les aspects méthodologiques contraignants et sur les
paramètres limitatifs des méthodes en général ainsi que sur la critique complète des
processus et procédures d’ÉIE. Dans le contexte particulier de la promotion d’outils
efficaces de développement durable, nous aborderons aussi deux aspects indispen-
sables, à savoir la validité et l’efficacité des études réalisées jusqu’à maintenant.
CONTRAINTES MÉTHODOLOGIQUES
L’une des premières limites de notre connaissance de l’impact des activités humaines
sur l’environnement demeure sans doute notre connaissance insuffisante, voire
notre ignorance des mécanismes qui régissent la plupart des écosystèmes qui nous
englobent et des multiples êtres vivants qui les composent. Nous ne connaissons
L’évaluation des impacts environnementaux
souvent qu’une partie bien infime des informations qui nous seraient nécessaires à
une pleine intelligibilité des choses. Cette lacune est aussi valable pour le milieu naturel
que pour la nature humaine. Pensons seulement aux nombreuses incertitudes et hypo-
thèses contradictoires en ce qui concerne les précipitations acides ou les conséquences
de l’effet de serre, deux sujets pourtant abondamment étudiés au cours des dernières
années par de nombreuses équipes de recherche disposant de puissantes ressources.
Sur ces deux questions globales, nous ne pouvons actuellement qu’estimer grossiè-
rement les modifications biophysiques et les comportements humains. Que dire alors
de sujets peu observés ou qui nous étaient inconnus avant que l’étude d’un projet
ne les mette en évidence? À mesure que s’accroîtra la qualité de notre perception de
l’environnement, ces limites conceptuelles et scientifiques auront sans doute tendance
à diminuer. Toutefois, nous n’atteindrons sans doute jamais une connaissance com-
plète et sans faille des complexes réalités qui nous entourent. Le «principe de pré-
caution» nous enseigne cependant que nous n’avons pas toujours besoin d’une connais-
sance exhaustive des choses avant de pouvoir agir, même si en pratique l’objectif de
précaution ne fait pas toujours le poids devant les exigences et les prérogatives du
développement.
L’approche étroite et quelquefois bornée de la recherche est une deuxième
contrainte méthodologique importante de l’ÉIE, d’autant plus qu’elle amplifie notre
connaissance partielle de l’environnement. Il s’agit autant des contraintes de com-
préhension entre les diverses disciplines scientifiques que des démarches scientifiques
linéaires et étroites qui ne permettent que peu d’ouverture à la recherche des inter-
actions existant dans tout système. L’approche systémique offre une voie de solution
intéressante, mais certes pas la voie de la facilité. En effet, la mise en pratique des prin-
cipes de l’approche systémique n’est pas toujours commode à réaliser. Un autre aspect
de la linéarité de la recherche concerne le fossé parfois important entre la rigueur métho-
dologique des méthodes employées, lorsque c’est le cas, et l’insuffisance des données
nécessaires à leur plein emploi. Ces difficultés se rencontrent souvent lors de l’utili-
sation des méthodes numériques d’évaluation, voire de toute méthode quantitative
en ÉIE.
L’une des faiblesses des méthodologies employées et sur laquelle nous avons insisté
362 dans le passé est bien sûr l’insuffisante élaboration théorique sous-jacente à la pré-
paration de plusieurs des approches. L’absence de lignes directrices bien précises concer-
nant les aspects méthodologiques de l’ÉIE, dans la presque totalité des législations
et des réglementations en vigueur, entraîne souvent des approches du cas par cas sans
toujours beaucoup de rigueur. Cette liberté d’expression des évaluateurs ouvre par-
fois la voie à l’aléatoire et à l’incertitude.
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux
de controverse. Certains pensent que l’agrégation n’est admissible que pour certaines
catégories communes ou très similaires d’impacts et d’éléments, par exemple les dif-
férents paramètres de la qualité de l’air ou de l’eau; autrement, les impacts devraient
être jugés individuellement (Sorensen et Moss, 1973). L’agrégation sectorielle serait
ainsi tolérée mais pas l’agrégation globale. C’est d’autant plus vrai que le procédé de
l’agrégation globale risque de dissimuler un impact majeur (Simos, 1990). Pour d’autres,
l’agrégation ne peut être utilisée que dans un certain cadre méthodologique bien précis,
à savoir que «si la valeur de chacun des indicateurs est également donnée, la tech-
nique d’agrégation est clairement étayée et la technique comprend une disposition
prévoyant le rejet ou la mise en évidence d’un impact inacceptable» (Munn, 1977).
D’où la nécessité d’utiliser des «drapeaux rouges» (red flag), c’est-à-dire une indi-
cation clairement repérable pour des impacts inadmissibles.
Nous ne reviendrons pas sur la discussion concernant la valeur des méthodes uni-
critères d’évaluation versus les méthodes multicritères, particulièrement en ce qui
concerne les méthodes économiques; nous en avons abondamment discuté aupara-
vant. Ajoutons simplement qu’il est préjudiciable de tenter d’étendre et de généra-
liser à l’ensemble de l’étude des résultats spécifiques et l’interprétation souvent spé-
culative de ceux-ci.
Finalement, la limite suprême et ultime de plusieurs études est souvent la dis-
proportion entre, d’une part, les besoins nécessaires à l’étude des phénomènes en cause
et, d’autre part, les moyens réels dont disposent les évaluateurs. Les moyens mis à la
disposition des évaluateurs résultent des disponibilités financières relatives au projet.
La part attribuée à l’évaluation des impacts environnementaux est habituellement égale
à 1% du budget total du projet (World Bank, 1991), mais elle est en fait souvent infé-
rieure à ce seuil cible. Par ailleurs, la compréhension de certains phénomènes envi-
ronnementaux requiert de longues et coûteuses études qui souvent nécessiteraient
des sommes plus importantes, lorsqu’elles sont bien sûr au moins équivalentes à ce
1%. Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant de constater que le budget de cer-
tains projets d’ÉIE est outrepassé avant même la fin de l’étape de l’évaluation des impacts.
En plus des contraintes financières, les ressources limitées en personnel compé-
tent et disponible au moment voulu affectent parfois le plein emploi des méthodes
365
et des outils de l’ÉIE. Ne pensons qu’aux besoins en ressources pour l’utilisation conve-
nable des systèmes d’information géographique (SIG) ou aux inventaires exhaustifs
habituellement requis pour l’estimation de certains impacts pour les éléments
méconnus de l’environnement. L’emploi inconsidéré des SIG, notamment dans le
contexte de projet modeste et unique ainsi que dans plusieurs pays en voie de déve-
loppement, entraîne des conséquences multiples, dont l’examen insuffisant des
L’évaluation des impacts environnementaux
certains paramètres, notamment ceux concernant les mesures d’atténuation ainsi que
certains indicateurs hautement significatifs pour quelques-uns des éléments de l’en-
vironnement ou activités d’exploitation, peuvent être validés. La tenue d’évaluation
postprojet, dans les dix années suivant la mise en place d’un projet, par exemple, est
presque partout une pratique exceptionnelle, sauf pour certaines très grandes entre-
prises aux projets récurrents.
La mise en place d’un véritable programme de suivi, c’est-à-dire incluant une rééva-
luation complète du projet, est essentielle à l’avancement des connaissances en ÉIE.
Seule la tenue d’une telle inspection générale permettrait de connaître les impacts
réels et d’ainsi valider les évaluations initiales. De plus, la diffusion des résultats de
telles opérations permettrait une importante contribution à l’avancement des
connaissances en évaluation d’impacts. Une telle inspection ultérieure permettrait
une validation des examens réalisés et l’amélioration des prédictions et des évalua-
tions pour les futures études. Bien entendu, cette nécessité soulève la question sui-
vante : qui devrait être responsable de telles études ? Plusieurs pensent qu’elles
devraient être du ressort des autorités gouvernementales de contrôle, alors que cer-
tains croient plutôt qu’elles devraient demeurer l’entière responsabilité du promo-
teur, et ce, tant en ce qui concerne l’exécution que le financement et la diffusion.
Actuellement, l’inspection et le suivi sont souvent des tâches partagées entre les pro-
moteurs et les autorités gouvernementales.
Le septième Congrès annuel de l’Association québécoise pour l’évaluation d’im-
pacts (AQÉI), tenu à Montréal à l’automne 1998, portait sur la validité de l’ÉIE. Les
deux thèmes majeurs de discussion traitaient de la validité des prédictions effectuées
et des mesures d’atténuation mises en place au Québec depuis les vingt dernières années.
En conséquence, ces deux questions étaient examinées en parallèle aux enseignements
des rares programmes de suivi réalisés jusqu’à maintenant (AQÉI, 1999). Il ressort
des discussions qu’une masse considérable d’informations existe déjà mais que le bilan
de leur enseignement n’est pas près d’être publié.
Un dernier aspect de la validité des évaluations concerne l’équité et la transparence
du processus d’évaluation employé par rapport aux attentes de tous les acteurs. En effet,
les procédures d’ÉIE ne permettent pas toujours la satisfaction des besoins, des pré-
368
occupations et des valeurs parfois divergentes des divers acteurs impliqués par la réa-
lisation d’un projet. Sans reprendre l’argumentation développée au cours du premier
chapitre entre ceux qui croient que l’ÉIE est un nuisible obstacle au progrès et ceux
pour qui ce ne serait qu’un cataplasme sur un grand corps malade, nous pensons que
l’ÉIE, telle que nous l’avons présentée dans ce livre, est un processus valable parce qu’il
offre notamment l’occasion aux divers intérêts en présence de se manifester.
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux
EFFICACITÉ DU PROCESSUS
L’efficacité du processus et des procédures d’évaluation est une question qui soulève
plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Comme pour la vérification de
la validité des évaluations, cette opération pourtant essentielle à toute recherche scien-
tifique, voire à toute action humaine, est souvent oubliée rapidement à la suite de l’ap-
probation et de la mise en œuvre du projet. Les efforts méthodiques d’examen du
projet et de l’environnement s’interrompent souvent comme par enchantement lors
de la prise de décision. On justifie cette situation d’insouciance par des motifs de temps
et d’argent, et ce, tant de la part des promoteurs que de celle des autorités respon-
sables. En conséquence, les études sérieuses sur l’efficacité du processus d’ÉIE sont
très rares encore aujourd’hui et son efficacité véritable reste toujours à confirmer.
Un premier indice intéressant démontrant l’efficacité de l’évaluation des impacts
environnementaux, ou plus précisément qui témoigne de son utilité intrinsèque, nous
est fourni par la disparition d’un certain nombre de projets ayant des impacts envi-
ronnementaux très importants. C’est ainsi que, selon le Conseil de la qualité de l’en-
vironnement (Council of Environmental Quality) des États-Unis, certains projets, parmi
les plus néfastes pour l’environnement, seraient éliminés du seul fait de l’abandon
du projet par les promoteurs avant même la tenue de l’étude d’impacts (Sasseville
et coll., 1977). Les promoteurs deviennent alors plus conscients de l’impact du déve-
loppement sur l’environnement, tout simplement parce qu’ils doivent se soumettre
à la procédure d’ÉIE en vigueur. Ainsi, la présence de procédures d’ÉIE, conjuguée
aux préoccupations du public au sujet de l’environnement et sans doute appuyée par
le syndrome «pas dans ma cour» (NIMBY), élimineraient de fait les projets les plus
néfastes ou litigieux pour l’environnement. Par exemple, au cours de la dernière décennie,
plusieurs projets de centrales nucléaires, d’incinérateurs de déchets organiques
industriels, de centrales thermiques au charbon et d’enfouissement de déchets
domestiques en milieu urbain n’ont jamais cheminé jusqu’à l’envoi de l’avis de projet
par leurs promoteurs potentiels.
En pratique, le processus d’évaluation entraîne parfois des modifications majeures
par rapport au projet initial, comme ce fut le cas pour le projet de ligne à haute ten-
sion au-dessus du fleuve Saint-Laurent au début des années 1990. Toutefois, des
369
recherches récentes tendent à démontrer que la vaste majorité des modifications appor-
tées aux projets, à la suite d’un examen d’ÉIE, ne concerneraient que des aspects mineurs
ou modérés, mais nullement les composantes majeures (Lee, Walsh et Reeder, 1994).
Mais comme nous l’avons constaté au cours du dernier chapitre, plus tôt intervient
l’environnement dans l’élaboration d’un projet, moins les modifications en cours
d’examen deviennent nécessaires.
L’évaluation des impacts environnementaux
• la précarité des moyens mis à la disposition de l’ÉIE par rapport au projet même;
il faudrait dès lors une détermination plus précise des moyens disponibles aux
fins de l’ÉIE, particulièrement des coûts, et espérer réduire ainsi le nombre
d’études incomplètes ou abandonnées en cours de route à cause de cette situa-
tion.
La vaste étude internationale sur l’efficacité de l’évaluation environnementale sous
les auspices de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE) et de
l’International Association of Impact Assessment (IAIA) concluait son rapport par
les recommandations suivantes (Sadler, 1996):
• revenir à l’essentiel (processus reconnu), c’est-à-dire améliorer la mise en œuvre
du processus, éviter les chevauchements et préciser sa place dans le processus
décisionnel, ainsi que mettre en place un code international (IAIA ou ISO);
• améliorer les processus et les activités de l’ÉIE, à savoir consolider les méca-
nismes de contrôle de la qualité, renforcer la détermination du champ (sco-
ping), améliorer la prise en compte des impacts sociaux et ceux sur la santé
ainsi que la participation publique, la communication des résultats et l’éva-
luation des impacts cumulatifs et globaux ;
• promouvoir l’«évaluation environnementale stratégique» (ÉES) et favoriser
des approches souples et adaptatives, des méthodes et des procédures fiables
ainsi que les mêmes améliorations pour l’ÉES que pour l’ÉIE;
• favoriser l’ÉIE en tant qu’outil de développement durable, notamment pour
la prise en compte de la biodiversité, le développement d’indicateurs et de cri-
tères en ce sens, ainsi qu’afin de parvenir à la compensation des impacts rési-
duels ;
• faire face aux nouveaux défis de l’évaluation environnementale, à savoir:
• l’évaluation des impacts cumulatifs à grande échelle et la gestion des res-
sources, les deux dans un contexte transfrontière;
• la prise en compte du commerce et des programmes d’aide internationaux;
• l’analyse du cycle de vie, des plans d’aménagement et du renforcement des
372 capacités des PVD ainsi que la diversification et la polyvalence de l’ÉIE;
• diriger les efforts vers l’évaluation et la planification du développement
durable, notamment par des politiques intégrées et régionales.
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux
1. La nouvelle réglementation québécoise n’est toutefois pas encore en vigueur (hiver 2000).
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux
L’ÉIE est un processus d’examen en constante évolution. Depuis trente ans, son
emprise s’étend à de plus vastes domaines et à un plus grand nombre d’endroits. Cette
progression de l’influence de l’ÉIE dans les affaires humaines a encore besoin de nom-
breux appuis. Toutefois, cette évolution soutient fermement une meilleure prise en
compte de l’environnement dans la planification des activités futures. L’efficacité de
l’ÉIE en tant qu’outil essentiel du développement durable dépend avant tout de la
place et du rôle que nous voudrons bien lui accorder dans la gestion des affaires
humaines.
Nous souhaitons que notre travail favorisera le développement des méthodes et
des pratiques d’ÉIE. Ce développement de l’ÉIE doit se réaliser aux trois niveaux
d’examen du processus d’évaluation. Il ne s’agit donc pas seulement d’améliorer les
outils de prédiction des impacts, quoique cette tâche soit fort utile. Il s’agit aussi d’af-
finer nos démarches d’élaboration des projets en tenant mieux compte de l’envi-
ronnement. Finalement, il s’agit de perfectionner et d’humaniser nos outils de prise
de décision afin de les rendre plus compatibles avec un développement qui soit viable
à long terme. Le développement futur de nos sociétés ne pourra se réaliser sans qu’in-
terviennent activement les questions environnementales dans les processus de prise
de décision. À ce moment-là, l’ÉIE, aussi influente et respectable que le rapport tech-
nique et l’analyse financière, pourra tenir son rôle d’outil indispensable d’une prise
de décision éclairée.
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