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Michel Raymond

Gaétan A. Leduc
B onne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales en langue française !
Il faut se réjouir à la sortie de chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la
Francophonie, l’utiliser et le recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’in-
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
fluence, peuvent en tirer profit.
Les auteurs nous font profiter de plusieurs années de travail et d’enseignement universitaire,
au Canada et à l’étranger, ce qui leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils
ENVIRONNEMENTAUX
savent, d’expérience, quels sont les concepts plus difficiles à saisir et peuvent ainsi mettre plus
l’accent, à l’aide d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés
Un outil d’aide à la décision
très actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les asso-
ciations et les ONG œuvrant dans le domaine des évaluations des impacts environnementaux
(ÉIE), ce qui confère un caractère actuel et pratique à leur ouvrage.

L’ÉVALUATION DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX


Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes, ingénieurs,
politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire un tel ouvrage.
(Extraits de la préface de Normand Trempe, Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts)
L’évaluation des impacts environnementaux, un outil d’aide à la décision présente un tour
d’horizon complet des notions à assimiler. Il permet un apprentissage progressif des méthodes et
des procédures reconnues en matière d’ÉIE et comporte des exemples en provenance de la Fran-
cophonie tirés de l’expérience internationale des auteurs.
• Le contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux.
• Le processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux.
• La procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux.
• Les éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux.
• Les méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux.
• La collecte de l’information et la présentation des résultats.
• Le contexte de la négociation environnementale.
• La modification du projet et les mesures d’atténuation des impacts.
• La critique, la validité et l’efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux.
Gaétan A. Leduc
LES AUTEURS
Gaétan A. Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environ- Michel Raymond
nement de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et candidat au
doctorat en aménagement de l’Université de Montréal. Il est professeur
chargé de cours au Département de physique et de géographie ainsi qu’en
maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM. Il participe aussi comme Préface de
chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement (ISE) de la même univer- Normand Trempe
sité. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation environnementale
stratégique et la gestion de l’environnement. Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale
Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université pour l’évaluation d’impacts
de Sherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques
de l’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences
de l’environnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles
portent sur l’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide
à la décision. De 1997 à 2000, le professeur Raymond a dirigé le Département
de gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).

ISBN 2-921146-98-3

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L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
Un outil d’aide à la décision
L’ÉVALUATION DES IMPACTS
ENVIRONNEMENTAUX
Un outil d’aide à la décision

Gaétan A. Leduc
Michel Raymond
Préface de
Normand Trempe
Directeur du Secrétariat francophone
de l’Association internationale
pour l’évaluation d’impacts
Données de catalogage avant publication (Canada)
Leduc, Gaétan A.
L’évaluation des impacts environnementaux
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 2-921146-98-3
1. Environnement – Études d’impacts. 2. Environnement – Évaluation du risque. 3. Environnement
– Études d’impacts – Méthodologie. I. Raymond, Michel. II. Titre.
TD194.6.L42 2000 333.7'14 C00-940878-7

Révision linguistique: Steve Laflamme


Design de la couverture: Gérard Beaudry

ISBN 2-921146-98-3
Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2000
Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Canada, 2000

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tél.: 010/ 42 03 44; téléc.: 010/ 42 03 52

Les Éditions MultiMondes reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entre-
mise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités
d’édition. Elles remercient la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC)
pour son aide à l’édition et à la promotion.
Les Éditions MultiMondes remercient également les ministères de l'Environnement et des Relations
internationales du Québec pour le soutien particulier qu’ils ont accordé à cet ouvrage.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC

Imprimé au Québec sur du papier recyclé et exempt d’acide


Avant-propos

Les auteurs du présent document sont Gaétan A. Leduc et Michel Raymond, res-
pectivement professeur chargé de cours et professeur titulaire de l’Université du Québec
à Montréal (UQAM).
• Gaétan A. Leduc est détenteur d’une maîtrise en sciences de l’environnement
de l’UQAM et candidat au doctorat en aménagement de l’Université de
Montréal. Il est professeur chargé de cours au Département de physique et de
géographie, ainsi qu’en maîtrise en sciences de l’environnement de l’UQAM.
Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’environnement
(ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur l’évaluation
environnementale stratégique et la gestion de l’environnement.
• Michel Raymond est détenteur d’un doctorat en biologie de l’Université de
Sherbrooke. Il est professeur au Département des sciences biologiques de
l’UQAM. Il participe aussi comme chercheur à l’Institut des sciences de l’en-
vironnement (ISE) de la même université. Ses recherches actuelles portent sur
l’évaluation des impacts environnementaux et les outils d’aide à la décision.
Le professeur Raymond est actuellement (1997-2000) directeur du Département
de gestion de l’environnement de l’Université Senghor à Alexandrie (Égypte).
L’évaluation des impacts environnementaux

Les auteurs tiennent à remercier tous les étudiants de l’UQAM et de l’extérieur


du pays qui ont suivi et inspiré le développement de ce document au cours des der-
nières années, ainsi que tout particulièrement Isabelle Laporte (biologiste-géographe)
et Sophie Corriveau (biochimiste) pour leur précieuse participation à la rédaction
et à l’illustration du propos ainsi que Jean-Noël Vigneault (auparavant Chef de ser-
vice au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement et maintenant Directeur
adjoint à la Direction générale de la formation professionnelle du ministère de l’Édu-
cation du Québec) qui a conçu et piloté le projet de publication, pour son appui
indéfectible.
Nous remercions chaleureusement les collaborateurs suivants pour leurs précieux
conseils et leurs judicieux commentaires lors de la révision finale du texte :
Yves Comtois (Directeur de projets chez SNC-Lavalin Environnement inc.);
Michel Gariépy (Doyen de la Faculté de l’Aménagement de l’Université de
Montréal);
Luc Valiquette (Professionnel du ministère de l’Environnement du Québec);
Normand Trempe (Directeur du Secrétariat francophone de l’Association inter-
nationale d’évaluation d’impacts) qui a par ailleurs aussi rédigé la préface.

Université du Québec à Montréal


Institut des sciences de l’environnement
Case postale 8888, succursale Centre-ville
Montréal (Québec)
H3C 3P8
Courriel : leduc.gaetan@uqam.ca
Courriel: raymond.michel@uqam.ca

VIII
Préface

Bonne nouvelle: un nouvel ouvrage sur les évaluations environnementales vient d’être
publié en français! Par sa vocation, le Secrétariat francophone de l’Association inter-
nationale pour l’évaluation d’impacts favorise la publication et la diffusion de docu-
mentation sur les évaluations d’impacts environnementaux (ÉIE), le développement
durable et la participation publique. C’est pourquoi il faut se réjouir à la sortie de
chaque nouveau titre, le faire connaître à l’ensemble de la Francophonie, l’utiliser et
le recommander à ses collègues et à tous ceux qui, dans leur cercle d’influence, peuvent
en tirer profit.
Dans le cas du présent ouvrage, les auteurs nous font profiter de plusieurs
années de travail et d’enseignement universitaire, au Canada et à l’étranger, ce qui
leur permet d’offrir une approche pédagogique efficace. Ils savent, d’expérience, quels
sont les concepts plus difficiles à saisir, et peuvent ainsi mettre plus l’accent, à l’aide
d’exemples ou d’explications, sur ces notions. De plus, les auteurs sont demeurés très
actifs dans leur milieu professionnel, les institutions auxquelles ils sont rattachés, les
associations et les ONG œuvrant dans le domaine des ÉIE, ce qui confère un carac-
tère actuel et pratique à leur ouvrage.
Tous les acteurs du développement – planificateurs, gestionnaires, économistes,
ingénieurs, politiciens, entrepreneurs, industriels – ont intérêt à lire, ne serait-ce qu’à
parcourir, un tel ouvrage, et cela pour cinq bonnes raisons.
L’évaluation des impacts environnementaux

La première est qu’il faut briser le mythe qui veut que les ÉIE constituent un ob-
stacle au développement économique. Certaines personnes croient sincèrement que
ce processus a été inventé délibérément par des écologistes radicaux pour empêcher
tout développement. La lecture de ce volume, en particulier le chapitre 1, démontre
au contraire que son objectif est d’assurer la continuité du développement et que la
réalisation de projets est à la base même des ÉIE. En effet, sans projet, il n’y a pas d’ÉIE.
Comme la planification, les montages financiers, les plans et devis et les appels
d’offre, les ÉIE font partie du processus de développement, permettant de voir où l’on
va, quelles sont les conséquences d’un projet, comment l’insérer dans le milieu, ainsi
que de prévoir et surtout de corriger le tir pour éviter des erreurs coûteuses. Quel
industriel refuserait d’entendre un ingénieur le mettant en garde contre tel équipe-
ment ou tel procédé qui a déjà donné de mauvais résultats et risque de paralyser son
entreprise? Pourquoi alors refuser ou tenter d’éviter une étude sérieuse et méthodique
qui pourrait mettre en lumière les problèmes environnementaux ou sociaux pouvant
résulter d’un projet et dont le promoteur risque d’être tenu responsable et d’en payer
les frais?
Certains évoquent les fameux délais occasionnés par ce processus d’ÉIE, surtout
lorsqu’il y a audiences publiques. À cela, il y a trois réponses: la première, c’est qu’il
y a moyen d’intégrer l’évaluation environnementale à l’ensemble du processus de pla-
nification, plutôt que d’attendre à la toute fin pour réaliser cette étape comme un appen-
dice coûteux et inutile. La seconde, c’est que la plupart des réglementations régissant
les ÉIE prévoient des délais maximums limitant le processus à des durées très rai-
sonnables: ces délais sont d’ailleurs bien modestes par rapport à l’ensemble de la pla-
nification d’un projet, qui s’étale souvent sur des années. Enfin, la troisième réponse
tient au fait que les promoteurs eux-mêmes sont souvent responsables de longs délais
lorsqu’ils tardent à fournir des informations requises.
Il importe de briser ce mythe, donc, qui, heureusement, tient de moins en
moins. À preuve, ne remarque-t-on pas que les pays les plus développés, ceux qui ont
connu la plus forte croissance ces dernières années, sont ceux qui ont appliqué le plus
rigoureusement des processus d’évaluation environnementale ? A contrario, les pays
les moins développés n’ont généralement pas de réglementation applicable à cet effet.
X
Le phénomène se vérifie même dans les variations des taux de développement éco-
nomique : lorsque le corpus réglementaire n’est pas renouvelé, mis à jour, resserré,
l’économie prend généralement du retard dans son développement par rapport à celle
des compétiteurs. La réglementation environnementale comme moteur de dévelop-
pement économique ? Pourquoi pas ! Plusieurs pays n’auraient rien à perdre à l’es-
sayer.
Préface

Une fois ce mythe enrayé, la seconde raison de lire cet ouvrage est de comprendre
comment fonctionne le processus des ÉIE. C’est l’objectif premier de ce livre et il y
arrive très bien, car non seulement expose-t-il la mécanique des évaluations, mais il
fait comprendre le rôle et la raison d’être des diverses étapes. En abordant l’ouvrage
avec ouverture et intérêt, on peut alors découvrir tout le potentiel que recèle le pro-
cessus d’évaluation d’impacts.
Ceci nous amène à une troisième raison pour laquelle je souhaite voir les déci-
deurs lire ce volume : ils seront maintenant en mesure de s’approprier le processus,
de s’associer à la démarche et de participer activement et positivement à toutes les
étapes, y compris aux audiences publiques.
En effet, on a trop longtemps fait de ce processus un domaine réservé aux éco-
logistes, alors qu’en réalité il s’agit d’abord et avant tout d’un outil de planification
à l’usage des développeurs. C’est la raison pour laquelle le promoteur est lui-même
responsable de réaliser l’ÉIE, et il doit voir cette obligation non pas comme un pensum
mais comme une occasion de s’assurer de l’acceptation sociale de son projet, de l’amé-
liorer et parfois même d’en faire la promotion. C’est une piste d’essai qui lui est offerte
pour vérifier le comportement du projet et faire des ajustements à peu de frais plutôt
que d’agir après coup, lorsque les travaux sont réalisés ou, pire, lorsque d’importants
dommages environnementaux sont survenus.
Les administrateurs responsables de l’application des processus d’ÉIE peuvent
fournir de nombreux exemples des sommes considérables qui ont été épargnées par
les promoteurs en suggérant des modifications, des améliorations ou des modes de
fonctionnement différents, parfois simplement en posant les bonnes questions.
Aussi voit-on de plus en plus de grandes entreprises intégrer volontairement les ÉIE
dans leurs opérations de planification et participer volontiers à toutes les étapes, y
compris aux audiences publiques, qui en somme leur offrent une excellente occasion
de valoriser leur projet. Voilà une attitude à encourager.
La quatrième raison de lire ce livre, c’est l’élargissement de l’application du pro-
cessus d’évaluation d’impacts. En effet, ce processus a d’abord été développé pour déter-
miner (et prévenir ou atténuer) les conséquences environnementales appréhendées
d’un projet. Mais la notion d’impacts environnementaux a été progressivement XI
élargie aux impacts sociaux, culturels, économiques; le processus est maintenant uti-
lisé pour évaluer les programmes, politiques, plans, réglementations… dans un
esprit de prévoyance, de saine gestion et, somme toute, d’économie à moyen et à long
terme. La tendance d’ailleurs incite à évaluer les impacts le plus en amont possible
des stades de planification des projets.
L’évaluation des impacts environnementaux

Cette évolution des pratiques d’ÉIE n’est sûrement pas terminée et l’intérêt de
nouveaux décideurs pourra permettre de découvrir de nouvelles applications au pro-
cessus d’évaluation, à l’intérieur du cycle général de planification et de gestion du déve-
loppement.
Enfin, le cinquième avantage que les acteurs du développement peuvent décou-
vrir dans ce volume est le fait d’avoir l’occasion de participer à l’évolution du pro-
cessus d’ÉIE lui-même. Maintenant qu’ils en connaissent les objectifs, la raison
d’être, le fonctionnement et la portée, peut-être peuvent-ils proposer des ajustements,
des variantes, des améliorations qui permettraient d’en augmenter l’efficacité, de favo-
riser l’adhésion des développeurs ou d’améliorer la participation des personnes
concernées par les projets.
Les modifications réglementaires sont souvent longues et ardues, car le pouvoir
politique recherche généralement un «juste milieu», un consensus pour ne pas dire
un compromis entre diverses tendances dans la société. Après avoir parcouru cet ouvrage,
les milieux du développement économique devraient être plus à même d’accepter les
améliorations proposées au processus d’évaluation d’impacts, sinon de se l’approprier
et de s’en faire eux-mêmes les promoteurs et les défenseurs.

Normand Trempe, M. Ing.


Directeur du Secrétariat francophone de l’Association internationale
pour l’évaluation d’impact

XII
Table des matières

Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

CHAPITRE 1 Contexte global de l’évaluation des impacts


environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Activité humaine, impact environnemental et viabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
Genèse, historique et prospectives de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Genèse de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Évolution historique de la démarche d’ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Prospectives internationales en ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Concepts, définitions et objectifs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Concepts majeurs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Définition de l’environnement et de l’ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Objectifs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Rôle, sphère d’influence et mise en œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
L’évaluation des impacts environnementaux

CHAPITRE 2 Processus général d’étude de l’évaluation


des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Typologie des relations activités/effets/impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Interaction activités-effets-impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
Estimation de l’ampleur de l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
L’interaction effet-impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Types d’évaluations et d’évaluateurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Étapes usuelles du processus d’étude en évaluation des impacts
environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Processus simplifié d’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Processus général de l’ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Durée du processus de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

CHAPITRE 3 Procédure particulière d’examen de l’évaluation


des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Genèse et historique de la législation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Cadre législatif, réglementaire et corporatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Études de cas: Canada, Québec et Guinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Législation fédérale du Canada. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
Législation provinciale du Québec. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Législation nationale en Guinée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
Mondialisation et harmonisation de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Procédures d’ÉIE des grands bailleurs de fonds . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
Procédure de la Banque mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
Procédure d’ÉIE de la Banque africaine de développement. . . . . . . . . . . . . 102
Convention sur l’ÉIE dans un contexte transfrontière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Préoccupations environnementales de la Convention . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
XIV Contenu du rapport d’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
Convention sur la diversité biologique et ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
Table des matières

CHAPITRE 4 Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation


des impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
Éléments taxinomiques de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Processus d’examen de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
Éléments méthodologiques du niveau politique d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
Le contexte de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Le contexte général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
La participation du public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
L’audience publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
La médiation environnementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
Les mesures de compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
La présentation des résultats. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
Les recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
La décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
L’inspection et le suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Éléments méthodologiques du niveau technique d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . 136
La modification du projet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Les correctifs au projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
La sélection et le choix de solutions de rechange ou de variantes . . . . . . . . 139
L’ordonnancement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141
Les mesures d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Les mesures de compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
La surveillance des travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Éléments méthodologiques du niveau scientifique d’étude . . . . . . . . . . . . . . . 145
Quantification versus qualification des informations. . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
Aspects spatio-temporels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Domaines de référence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151 XV
Identification des activités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156
Identification des éléments de l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
Interaction activités/éléments environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
Identification des effets/impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161
L’évaluation des impacts environnementaux

Relevé des impacts indirects et secondaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164


Relevé des impacts cumulatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
Descripteurs d’impacts (indicateurs). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Estimation des modifications résultantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Évaluation de l’impact environnemental. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Évaluation de l’importance des effets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Évaluation de l’importance des impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
Impact et effet inadmissible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175
Agrégation des impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176
Pondération des impacts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Évaluation de la cotation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Éléments litigieux ou contestés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182
Suivi d’exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
Suivi postprojet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

Chapitre 5 Méthodes et outils de l’évaluation des impacts


environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
Méthodes d’expertise en ÉIE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Liste de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192
Fiche d’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196
L’enquête Delphi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
Méthodes ad hoc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202
Modèles et systèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
Matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210
Réseau. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216
Emploi de modèles et modélisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
Représentation spatiale et cartographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 226
XVI
Superposition cartographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
L’emploi de photos, de vidéos et d’illustrations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 233
Systèmes d’information géographique (SIG) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
Méthodes comparatives unicritères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
Table des matières

Méthodes numériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243


Méthodes économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 250
Méthodes comparatives multicritères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255
Technique ordinale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
Les modèles multicritères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

CHAPITRE 6 Collecte de l’information et présentation des résultats. . . . . . . . . 265


Collecte des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267
Descripteurs d’impacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 272
Présentation du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277
Contenu du rapport . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278
Recommandations et aide à la décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
Le pouvoir de recommandation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284
La prise de décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287

CHAPITRE 7 Contexte de la négociation environnementale . . . . . . . . . . . . . . . . 291


Négociation environnementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 292
Stratégies de négociation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
Types d’acteurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 298
Participation du public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 302
Les avantages et les inconvénients de la participation publique . . . . . . . . . 303
Les règles et principes de la participation publique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 307
La portée de la participation publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309
L’audience publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 312
La participation du citoyen et la consultation publique. . . . . . . . . . . . . . . . 313
Les comités de suivi et le citoyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 316
Techniques de communications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 318
Typologie de résolution des problèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323 XVII
La médiation environnementale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 327

CHAPITRE 8 Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts . . . 331


Modification du projet initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 333
L’évaluation des impacts environnementaux

Correctifs aux composantes du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 334


Sélection de solutions de rechange et de variantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335
La sélection de solutions de rechange et de variantes. . . . . . . . . . . . . . . . . . 336
L’ordonnancement de solutions de rechange ou des variantes . . . . . . . . . . 339
Mesures d’atténuation des impacts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 340
Mesures de compensation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 347
Inspection et suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 349
La surveillance des travaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 352
Suivi d’exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 355
Suivi postprojet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 358

CHAPITRE 9 Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts


environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361
Contraintes méthodologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361
Limites des méthodes et des outils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 364
Validité des évaluations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 366
Efficacité du processus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369
Critique générale de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377

Liste des figures et des tableaux


Figure 1.1 Deux approches de développement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Figure 1.2 Évolution de la population mondiale: 1400-2000 . . . . . . . . . . . . . . . 13
Figure 1.3 Les trois niveaux d’examen de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Figure 1.4 Place et portée de l’ÉIE dans les processus de planification . . . . . . . 30
Figure 1.5 L’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE)
et diverses évaluations similaires et apparentées . . . . . . . . . . . . . . . . 32
XVIII Figure 1.6 Divers niveaux d’évaluation d’impacts: du général (ÉSI)
au particulier (ÉIP ou ÉIE) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Figure 1.7 L’intégration du projet dans l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Figure 2.1 Typologie « activités-effets-impacts » et multiples possibilités
d’interactions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
Table des matières

Figure 2.2 Représentation de l’amplitude de l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42


Figure 2.3 Variation d’amplitude de l’impact et de la dynamique possible
des états de référence d’un élément de l’environnement. . . . . . . . . . 43
Figure 2.4 Formes typiques de fonctions de la relation de l’effet
et de l’impact. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Figure 2.5 Interactions entre une activité, ses effets, un élément
et ses impacts environnementaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
Figure 2.6 Interactions d’une activité et ses effets et impacts
sur un élément commun . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Figure 2.7 Schéma simplifié du processus d’ensemble de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . 50
Figure 2.8 Schéma général du processus d’ÉIE aux États-Unis. . . . . . . . . . . . . . 55
Figure 2.9 Déroulement possible d’une étude, de l’élaboration initiale
au suivi postprojet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
Figure 2.10 Étapes et délais du processus fédéral américain du NEPA . . . . . . . . 57
Figure 3.1 Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental . . . . . 73
Figure 3.2 Procédure québécoise d’évaluation et d’examen
environnemental. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Figure 3.3 Cheminement d’un projet en audiences publiques au BAPE . . . . . . 83
Figure 3.4 Carte du monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
Figure 4.1 Deux types de processus d’examen possibles impliquant
les trois objectifs de l’ÉIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Figure 4.2 Divers types de processus d’étude: séquentiel, parallèle
et intégré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
Figure 4.3 Schéma d’organisation des éléments méthodologiques
du niveau politique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Figure 4.4 Les deux types de démarches méthodologiques:
linéaire et itérative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
Figure 4.5 Schéma d’organisation des éléments méthodologiques
du niveau technique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 XIX
Figure 4.6 Liste de mesures particulières d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Figure 4.7 Schéma d’organisation des éléments méthodologiques
du niveau scientifique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.8 Liste de sources d’impacts potentiels, selon les phases


d’un projet. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158
Figure 4.9 Liste de contrôle d’éléments de l’environnement. . . . . . . . . . . . . . . 160
Figure 4.10 Modèle simplifié de matrice des interactions potentielles
utilisant une cotation simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
Figure 4.11 Phases de l’examen, types d’impacts possibles et degré
de certitude des prédictions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Figure 4.12 États de référence, impacts environnementaux et impacts
cumulatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Figure 4.13 Désagrégation et agrégation successives dans l’examen
du milieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178
Figure 4.14 Modèle de matrice avec symbolique de cotation variée . . . . . . . . . 181
Figure 4.15 Grille de détermination de l’importance globale de l’impact
à partir de trois critères d’évaluation et selon deux méthodes
de compilation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Figure 5.1 Liste de contrôle des activités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Figure 5.2 Liste indicative des éléments d’inventaire de corridors . . . . . . . . . . 196
Figure 5.3 Fiche d’analyse d’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198
Figure 5.4 Présentation finale des résultats d’une approche ad hoc . . . . . . . . . 204
Figure 5.5 Matrice comparative des filières énergétiques: disposition
par rang . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207
Figure 5.6 Matrice des impacts environnementaux potentiels
de diverses filières énergétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208
Figure 5.7 Section de la matrice de Léopold (partie supérieure) . . . . . . . . . . . 213
Figure 5.8 Matrice type d’interactions potentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
Figure 5.9 Réseau représentant les interactions d’un écosystème pastoral . . . 218
Figure 5.10 Représentation du réseau de Sorensen selon Rau . . . . . . . . . . . . . . 221
Figure 5.11 Méthode de calcul des index selon Rau
XX
(Brand and Grand Index) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
Figure 5.12 Schéma des différentes étapes d’une modélisation
mathématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225
Figure 5.13 Démarche type de la méthode de la superposition
cartographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228
Table des matières

Figure 5.14 Exemple de superposition cartographique à la McHarg . . . . . . . . . 230


Figure 5.15 Superposition photographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235
Figure 5.16 Superposition du tracé probable de l’emprise d’une conduite
souterraine d’eau potable. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 236
Figure 5.17 Évolution temporelle par superposition cartographique.
Développement urbain de Conakry (Guinée): 1900-2020 . . . . . . . 239
Figure 5.18 Deux exemples de courbes de «fonctions de valeur»
dans la méthode de Batelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245
Figure 5.19 Évaluation de l’importance de l’impact selon Batelle . . . . . . . . . . . 246
Figure 5.20 Méthodes économiques de fixation de la valeur . . . . . . . . . . . . . . . 252
Figure 5.21 Matrice désagrégée de Holmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Figure 5.22 Matrice détaillée de hiérarchisation (inspirée de Holmes) . . . . . . . 262
Figure 5.23 Tableau du classement final des alternatives (Holmes) . . . . . . . . . . 263
Figure 6.1 Série d’indicateurs selon les éléments et les impacts choisis . . . . . . 275
Figure 6.2 Présentation comparative d’une même matrice. . . . . . . . . . . . . . . . 282
Figure 7.1 Modèle de l’échelle de participation des citoyens d’Arnstein . . . . . 310
Figure 8.1 Représentation schématique des divers moyens
de réduire l’impact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 332
Figure 8.2 Matrice comparative de deux tracés possibles,
selon de multiples critères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339
Figure 8.3 Liste de mesures générales d’atténuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 342
Figure 8.4 Liste de mesures courantes d’atténuation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 343
Figure 8.5 Liste de mesures d’atténuation particulières . . . . . . . . . . . . . . . . . . 345
Figure 8.6 Deux exemples de mesures courantes d’atténuation
et une mesure particulière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 346

Tableau 7.1 Typologie simplifiée de la négociation environnementale


et exemple d’accords entre les parties . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293
XXI
Tableau 7.2 Techniques de communication avec le public . . . . . . . . . . . . . . . . . 320
Tableau 7.3 Typologie de résolution de conflits en environnement . . . . . . . . . . 325
Introduction

L a prise en compte de l’environnement dans la gestion des affaires humaines est


une activité relativement nouvelle. Jusqu’à tout récemment, seules les contraintes
techniques et les possibilités financières déterminaient les composantes d’un projet.
Les rares préoccupations environnementales ne concernaient qu’un nombre très res-
treint de problèmes particuliers. Le développement de nos sociétés s’est ainsi réalisé
sans qu’interviennent activement les questions environnementales dans les processus
de prise de décision.
Au cours des années 1960, l’environnement est apparu comme une question de
plus en plus préoccupante. Les milieux naturels reculaient rapidement devant les avan-
cées de la «civilisation» et les milieux bâtis devenaient à leur tour un enjeu de qua-
lité de vie. L’environnement, qu’il soit naturel ou aménagé, s’érigeait graduellement
comme un obstacle au développement sans bornes. Cela semblait encore plus évi-
dent pour ceux qui envisageaient un développement qui soit viable à long terme.
La réduction des conséquences négatives des activités humaines sur l’environne-
ment nécessite donc une démarche de prévention qui favorise des choix plus judicieux
que ceux du passé. En conséquence, le développement futur de nos sociétés ne pou-
vait s’accomplir que par l’utilisation de processus et d’outils d’évaluation environne-
mentale. Parmi les options offertes à cet effet, l’évaluation des impacts environnementaux
L’évaluation des impacts environnementaux

(ÉIE) représentait un tel outil de planification et de gestion des activités humaines.


En émergence à l’époque, l’évaluation des impacts environnementaux se présentait
comme un outil idéal de prise en compte, de protection et de mise en valeur de l’en-
vironnement, et ce, avant qu’une décision irrémédiable ne soit prise. Depuis, la pra-
tique de l’ÉIE est devenue l’outil principal de prise en compte de l’environnement dans
la planification des activités de développement. Compte tenu de la place qu’elle
occupe désormais dans nos sociétés, et malgré les limites et les oppositions exposées
par trente ans de mise en œuvre, l’ÉIE s’avère l’un des instruments clés de la réalisa-
tion du développement durable.
Dans plusieurs pays, ce n’est que tout récemment que l’évaluation des impacts envi-
ronnementaux est apparue, sans nécessairement devenir une pratique courante.
D’abord employée dans les pays industrialisés, et pour un certain nombre de projets
seulement, l’ÉIE se propage peu à peu à l’ensemble des pays et pour un éventail plus
étendu de projets. L’actuel engouement pour l’utilisation des ÉIE, particulièrement dans
les pays dits «en voie de développement», relève en grande partie de la mondialisa-
tion des préoccupations environnementales. La mise en place de procédures d’ÉIE par
les grands bailleurs de fonds internationaux, notamment de la part de la Banque mon-
diale, en est un exemple patent. Dans la poursuite de cette volonté internationale d’in-
sérer l’ÉIE comme mécanisme usuel des administrations publiques et privées, les entre-
prises se dirigent elles aussi vers l’élaboration de «politiques environnementales
corporatives» comprenant habituellement des procédures d’évaluation d’impacts.
L’influence des pressions publiques en faveur du développement durable et la conser-
vation de l’environnement, ainsi que le respect de la réglementation, incitent de plus
en plus d’entreprises publiques et privées à adopter de tels outils de gestion.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de démarche complète et universelle de prise en
compte des impacts environnementaux, trop d’aspects étant spécifiques à des par-
ticularités locales ou nationales, comme nous le verrons au cours des trois premiers
chapitres. Il n’existe pas non plus de méthode d’évaluation applicable partout et, dans
tous les cas, aucune de celles proposées jusqu’ici n’est assez complète pour prétendre
le contraire. Une panoplie de méthodes et d’approches méthodologiques (démarche
et procédure) furent donc proposées depuis le début des années 1970, sans toutefois
2 qu’aucune ne suscite encore l’unanimité ni ne prétende sérieusement à l’universa-
lité. Les nombreux échanges entre chercheurs et praticiens de l’évaluation d’impacts
ont cependant permis l’émergence d’un consensus relatif autour d’un certain nombre
d’éléments méthodologiques minimums et de pratiques usuelles reconnues. En ce
sens, l’International Association for Impact Assessment (IAIA) joue un rôle essen-
tiel de promotion et de formation à travers la planète, mais aussi de coordination et
Introduction

de concertation des diverses interventions en vue d’une cohésion éventuelle des pro-
cédures et des pratiques.
Les composantes techniques et les éléments de l’environnement d’accueil, ainsi
que les exigences administratives et réglementaires, sont spécifiques à chacun des pro-
jets. Il est donc hors de question de reprendre intégralement les données et les méthodes
employées par des études antérieures. Toutefois, les méthodes employées et les résul-
tats obtenus peuvent fréquemment être transposés aux fins d’études ultérieures, en
particulier si ceux-ci sont clairement exposés et reproductibles. La nature même du
projet, autant que la compétence et les moyens dont dispose l’équipe d’évaluateurs,
détermine grandement l’approche méthodologique retenue et ultimement la ou les
méthodes d’examen employées. Le contexte législatif et réglementaire délimite lui aussi
le choix des approches utilisées, sans pour autant être dirigiste ni impératif, sauf par-
fois en ce qui concerne le contenu du rapport à être présenté aux autorités.
L’évaluation des impacts environnementaux implique la mise en commun, par-
fois même la confrontation, d’aspects multidisciplinaires de la connaissance. L’étude
ne peut se construire qu’en faisant appel à l’expertise de diverses disciplines, étant donné
la nature multidimensionnelle de l’environnement et de la plupart des projets. C’est
ainsi que les notions techniques et de génie se combinent à celles des sciences phy-
siques, chimiques et biologiques, aussi bien qu’à celles des sciences sociales, géogra-
phiques, politiques, économiques et de la santé. En conséquence, l’ÉIE doit s’exécuter
dans un contexte d’interdisciplinarité ou, à tout le moins, de multidisciplinarité.
Nous pouvons définir de façon préliminaire l’évaluation des impacts environ-
nementaux comme étant l’ensemble des études plus ou moins systématiques sur les
impacts prévisibles, tant directs qu’indirects, qui résultent d’une intervention projetée
(projet, politique, programme) sur un environnement donné. Selon nous, le processus
d’ÉIE renferme trois objectifs distincts mais convergents. Il aspire d’abord à connaître
avec le plus de justesse possible l’importance de l’impact environnemental d’un projet.
Il s’agit donc d’évaluer l’ampleur des modifications qui affecteront l’environnement.
L’ÉIE vise ensuite à réduire les conséquences environnementales néfastes de l’inter-
vention, notamment par l’amélioration du projet initial et la mise en place de
mesures d’atténuation. Enfin, l’ÉIE constitue une composante importante du processus
3
même de décision, notamment pour l’acceptation sociale d’un projet. En effet, cet examen
participe au processus démocratique préalable à une prise de décision avisée visant
une meilleure intégration du développement dans son milieu d’accueil.
Contrairement à la manière habituelle de la concevoir, l’ÉIE définie selon ces trois
objectifs peut devenir une réelle démarche de prise en compte de l’environnement
L’évaluation des impacts environnementaux

dans l’examen d’un projet. L’ÉIE ne résout pas tous les problèmes environnemen-
taux et surtout pas ceux résultant d’erreurs passées. L’ÉIE n’est pas la panacée à tous
les maux qui affectent notre environnement planétaire. L’ÉIE aspire cependant à pré-
voir, à réduire et à légitimer l’impact environnemental du développement à venir.
Le présent document vise l’acquisition des multiples compétences nécessaires afin
de comprendre, d’analyser ou de rédiger un rapport d’évaluation ainsi que d’inter-
préter, de participer ou d’organiser un processus d’examen. La démarche poursuivie
vise donc l’apprentissage des composantes méthodologiques essentielles, la com-
préhension d’un processus type d’étude et la connaissance des plus usuelles méthodes
d’évaluation. Cette démarche s’inscrit dans le contexte de l’incorporation de l’éva-
luation des impacts environnementaux, couramment nommée «étude d’impacts sur
l’environnement», dans les processus décisionnels des diverses autorités, tant du domaine
public que privé. D’autre part, ce livre s’adresse autant aux planificateurs, aux ges-
tionnaires, aux décideurs, aux formateurs et aux évaluateurs qu’aux divers spécialistes
chargés de la prise en compte de l’environnement. Il s’adresse aussi à tous ceux qui
sont intéressés par ce domaine de la connaissance et tout particulièrement aux étu-
diants en environnement ainsi que des disciplines connexes.
L’apport principal de notre ouvrage à l’avancement des connaissances et des pra-
tiques en ÉIE est triple. Notre contribution se retrouve d’abord dans la présentation
systématique des multiples éléments méthodologiques à prendre en compte pour un
examen complet (chapitre 4). Elle se situe ensuite dans la manière originale de dis-
poser ces différents éléments méthodologiques selon les trois niveaux d’examen de
l’ÉIE: scientifique, technique et politique (chapitres 4 et 6 à 8). Enfin, nous propo-
sons une typologie originale des multiples méthodes d’examen des impacts selon cinq
axes d’étude: expertise; modèles et systèmes; représentation spatiale et cartographique;
méthodes comparatives unicritères; et méthodes comparatives multicritères (chapitre 5).
Mais avant d’aborder de plain-pied les fondements méthodologiques de notre tra-
vail, il nous faut survoler le contexte global dans lequel se meut l’ÉIE (chapitre 1) et
délimiter son cadre habituel d’intervention, c’est-à-dire son processus général d’étude
(chapitre 2). Nous porterons ensuite notre attention sur diverses procédures parti-
culières d’examen (chapitre 3), afin de constater l’étendue des possibilités d’intervention
4 mises en œuvre un peu partout à travers le monde ainsi que par les diverses organi-
sations appelées à intervenir dans la pratique de l’ÉIE.
Nous croyons que, telle que présentée ici, l’ÉIE deviendra un meilleur outil d’aide
à la décision. En conséquence, le processus d’examen des projets de développement
n’en sera que plus efficace et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs impliqués par
Introduction

l’avenir de nos sociétés. En définitive, l’objectif de notre travail rejoint le souhait exprimé
par plusieurs à l’effet que l’évaluation des impacts environnementaux puisse devenir
une démarche reconnue et efficace de prise en compte des préoccupations environ-
nementales, au même titre que les aspects techniques et économiques, afin de «cesser
d’être une justification a posteriori d’une décision prise a priori pour devenir le sup-
port d’une véritable négociation environnementale» (Gouguet, 1992).

5
Chapitre

1
Contexte global de l’évaluation
des impacts environnementaux

L’ évaluation environnementale s’inscrit dans des contextes divers et apparemment


paradoxaux. Selon le point de vue et les intérêts de chacun, la perception de l’éva-
luation d’impacts, et tout particulièrement son utilité même, varie considérablement.
Il est fréquent de constater que l’évaluation environnementale est perçue comme un
objet de controverse. Selon le point de vue de l’observateur, le jugement porté sur le
rôle, la place et l’utilité de l’ÉIE diffère considérablement, passant de la panacée de
tous les problèmes environnementaux à l’inutile contrainte, avec bien sûr toutes les
appréciations intermédiaires possibles.
Pour plusieurs, l’évaluation d’impacts n’est qu’un obstacle au progrès. Elle appa-
raît alors comme une rigide et coûteuse procédure imposée aux «développeurs».
Plusieurs promoteurs1 perçoivent l’ÉIE comme une contrainte supplémentaire dont
ils se passeraient volontiers, notamment à cause de l’allongement des délais d’exé-
cution et des coûts supplémentaires de préparation. Pour certains d’entre eux, cette
contrainte ne représente alors qu’une pénible, voire inutile, dépense de temps,
d’énergie et d’argent. Par contre, pour certains opposants au développement sans bornes,

1. Nous employons le terme « promoteur » dans le sens large d’instigateur et de responsable du projet,
et non pas simplement dans celui de soutien financier à la construction des installations. Ce terme
est équivalent à «maître d’ouvrage» ou «maître d’œuvre».
L’évaluation des impacts environnementaux

les procédures actuelles d’ÉIE sont trop favorables aux «développeurs», l’environ-
nement n’étant pas adéquatement pris en compte face aux aspects techniques et finan-
ciers omniprésents. Pour d’autres, enfin, l’ÉIE peut devenir un mécanisme efficace
de conciliation entre les actions des entrepreneurs et la conservation de l’environ-
nement, et ce, même si l’ÉIE n’est pas un processus neutre d’examen. L’ÉIE consti-
tuerait dans ce cas, malgré ses limites encore trop évidentes, un véritable outil de pla-
nification environnementale, notamment par son indispensable valeur préventive.
Le développement ne représenterait plus alors une longue suite de contraintes
néfastes sur l’environnement, sans possibilités d’atténuation, d’apprentissage et de
recherche de compromis.
L’ÉIE peut être perçue comme une activité se situant dans un cadre général de ratio-
nalisation des activités humaines. Il s’agit alors de l’intégrer dans les processus de ges-
tion et de planification des diverses administrations et autorités impliquées. Son action
s’effectue aussi par l’«internalisation» du coût des dommages environnementaux. Cela
signifie que les dommages environnementaux, notamment les «coûts sociaux», sont
pris en compte dans la comptabilité usuelle des projets, ce qui n’est habituellement

Deux églises, deux approches de développement


En plein centre-ville, sur la principale artère commerciale de Montréal, deux petites églises
distantes d’à peine 300 mètres exposent deux stratégies divergentes de développement.
À des époques différentes et dans des contextes distincts de gestion, chacune des deux
administrations religieuses a opté pour une stratégie particulière de mise en valeur de
son terrain afin de faire face à des problèmes financiers similaires.
Au cours des années 1930, la première institution laissa le secteur commercial imposer
son type de développement. Ainsi, les nouveaux commerces implantés en façade du ter-
rain obstruent complètement la vue sur le bâtiment, de telle sorte qu’il faut être très attentif
pour ne pas rater l’entrée de l’église. Le développement commercial n’est aucunement
intégré à son milieu d’accueil.
À l’opposé, la deuxième institution approuva au cours des années 1980 un développe-
ment commercial de plus grande ampleur mais qui ne perturbait aucunement l’esthé-
tisme du bâtiment ancien. Le nouveau centre commercial a en effet été construit sous
l’église et les terrains adjacents, tout en respectant l’architecture et l’esthétisme des bâti-
8 ments anciens, de sorte qu’actuellement, le bâtiment patrimonial en surface, ainsi que
les commerces en-dessous, représente l’un des endroits de la ville les plus fréquentés et
photographiés par les touristes.
Les deux photos juxtaposées de la figure 1.1 exposent clairement les résultats de ces deux
approches différentes de prise en compte de l’environnement dans le développement.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 1.1
Deux approches de développement

Interzone photographie

pas le cas. Sans l’internalisation des conséquences environnementales et sans l’insti-


tutionnalisation réelle de l’ÉIE, le rôle probable de l’ÉIE dans la voie du développe-
ment durable pourrait n’être qu’illusoire, ou à tout le moins subordonné aux impé-
ratifs économiques et techniques. L’ÉIE peut alors devenir un excellent outil de
planification dans le sens du développement durable. Le rapport de la Commission
mondiale sur l’environnement et le développement, le rapport Brundtland (CMED,
1988), recommandait d’ailleurs formellement la tenue d’évaluations environnemen-
tales.
Toutefois, afin d’accéder à un rôle de véritable support du développement
durable, l’ÉIE se doit d’influencer la prise de décision. En l’absence d’une véritable 9
influence sur la prise de décision, l’ÉIE ne pourrait demeurer que justification a pos-
teriori. L’harmonisation des activités de développement avec leurs environnements
d’accueil devra être aussi impérieuse que les considérations actuelles de rentabilité
financière. De plus, l’ÉIE peut représenter un outil fort utile d’aide à la décision, par-
ticulièrement s’il s’inscrit dans un processus de consultation publique.
L’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation des impacts environnementaux peut concerner tout autant l’étude


d’une politique ou d’un programme qu’un projet bien précis de nouvelles installa-
tions. La plupart des spécialistes actuels accordent une large place à l’ÉIE, ne la can-
tonnant pas uniquement dans le cadre restreint des projets. D’ailleurs, dans le texte
fondateur de l’ÉIE, le «National Environmental Policy Act (NEPA)», l’examen com-
prenait les projets, les politiques et les programmes. La pratique a trop souvent réduit
l’ÉIE au seul examen de projets. Elle fut donc rarement utilisée pour l’examen de poli-
tique ou de programme. Par ailleurs, l’ÉIE diffère de l’audit environnemental sous
plusieurs aspects, notamment parce que ce dernier s’intéresse à des activités ou à des
installations déjà existantes, ce qui limite bien entendu les possibilités d’intervention.
Afin de pouvoir mieux comprendre le contexte global dans lequel elle s’exprime,
il faut envisager que l’évaluation des impacts environnementaux renferme un triple
objectif. L’ÉIE n’est donc pas unidimensionnelle, comme trop d’acteurs impliqués le
supposent habituellement. Selon les attentes propres à chacun des acteurs, ceux-ci
seront conduits à prévilégier l’un ou l’autre des objectifs, négligeant un peu les deux
autres. En conséquence, les efforts de chacun s’orienteront plus ou moins vers l’at-
teinte de leur objectif majeur. C’est ainsi que, trop souvent, le travail de l’ingénieur
à la solde du promoteur convergera vers l’atténuation des impacts prévisibles afin de
permettre l’acceptation du projet. De son côté, le biologiste de l’organisme de con-
trôle cherchera à connaître avec précision tous les éléments environnementaux du
milieu d’accueil, sans porter trop d’attention à leur pertinence véritable par rapport
aux enjeux du projet en cause, ni tenir compte des ressources et des moyens dispo-
nibles. Enfin, le porte-parole d’un groupe de pression opposé au projet concentrera
ses efforts et son action sur la remise en question de la justification du projet, et il
tentera désespérément de prolonger et de multiplier les lieux de manifestation des
oppositions au projet. En fait, tous ces acteurs manifestent des préoccupations légi-
times et utiles à l’ÉIE. Cependant, ils oublient parfois que les autres participent aussi
utilement qu’eux au processus complet et multidimensionnel d’évaluation d’impacts.
Le processus d’ÉIE vise d’abord à connaître, le plus justement possible, l’impact
véritable des activités envisagées dans le cadre du projet, que cet impact soit positif
ou négatif. Il s’agit donc de répondre à la question suivante: quelle sera l’importance
10 des modifications environnementales occasionnées par les diverses activités propo-
sées? L’ÉIE aspire ensuite à minimiser l’impact environnemental des diverses acti-
vités projetées sur le milieu. Cela s’effectue notamment par la prise en compte des
éléments environnementaux dès les premières étapes d’élaboration d’un projet, en
évaluant le plus tôt possible les divers moyens de réduire les impacts anticipés et en
proposant des mesures d’atténuation plus adéquates lors de l’évaluation détaillée de
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

celui-ci. Par ailleurs, il s’agit aussi de maximiser les impacts positifs, notamment les
impacts socio-économiques, afin de réduire l’impact environnemental global du projet.
Enfin, le dernier objectif, que certains oublient trop souvent, est que l’ÉIE permet la
validation du projet. Cela implique que les conditions requises tant du point de vue
légal, financier que social, et ce, pour les différents acteurs sociaux concernés par le
développement, ont été examinées convenablement. En fin de compte, l’ÉIE agit sur-
tout comme un outil scientifique de planification par sa première orientation, alors
que dans la seconde il s’agit plutôt d’une intervention technique corrective et, dans
la troisième, d’une saine stratégie de gestion (administrative et socio-économique).

ACTIVITÉ HUMAINE, IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET VIABILITÉ


La plupart des activités humaines modifient plus ou moins profondément le fonc-
tionnement des écosystèmes ou l’état de certains éléments de l’environnement, dont
bien entendu les êtres humains. Plusieurs des modifications environnementales
apparemment très éloignées du bien-être des humains affectent en retour l’en-
semble des conditions de vie de ces derniers. Il existe donc une grande interdépen-
dance entre les êtres humains et leur environnement. Trop longtemps négligée, cette
prise de conscience de l’intimité de l’«homme et de la nature» ne peut plus être négligée
aujourd’hui. Mais au-delà de la simple formulation de vœux pieux, la prise en
compte de l’impact environnemental des activités humaines requiert une compré-
hension des éléments et des problèmes impliqués, ainsi que l’emploi judicieux d’ou-
tils d’analyse et de gestion.
Depuis que l’être humain est devenu «la mesure de toutes choses», un vieux pos-
tulat philosophique de la Grèce antique, la dominance de l’homme sur les êtres et
les choses n’a fait que s’accentuer. Les progrès de la science au cours de la Renaissance
ont permis de croire qu’une transformation de l’environnement à «l’image de la volonté
de l’homme» (Dron, 1995) est un mode de gestion souhaitable et sans conséquence
grave.
Avec l’avènement de l’ère industrielle puis l’expansion de l’industrialisation, on
assiste à une hausse importante des pressions des activités humaines sur l’environnement.
Les deux derniers siècles ont abondamment, profondément et violemment modifié 11
le milieu, sans commune mesure avec la situation antérieure. La montée fulgurante
des exigences pour l’amélioration ou le simple maintien des conditions de vie de notre
«société de consommation» entraîne une pression grandissante sur l’environne-
ment. La croissance des impacts environnementaux est donc intimement liée au déve-
loppement récent des sociétés industrialisées et les effets se généralisent désormais à
L’évaluation des impacts environnementaux

l’ensemble de la planète. De prime abord, on associe la détérioration de l’environne-


ment à une augmentation quantitative des impacts. À titre d’exemple de la quantité
croissante des impacts, mentionnons l’accumulation des déchets, l’accroissement des
rejets d’eaux usées, l’augmentation des gaz à effet de serre, le nombre impressionnant
de véhicules motorisés et l’ampleur nouvelle des infrastructures modernes.
Cependant, on mésestime parfois la croissance «qualitative» de l’impact envi-
ronnemental des nouvelles activités humaines. En effet, l’accroissement des agressions
des activités humaines sur l’environnement s’articule plutôt autour d’un double phé-
nomène, comme l’a si bien montré Commoner (1972). L’escalade des impacts envi-
ronnementaux s’effectue donc par deux voies bien différentes. La première est bien
sûr quantitative, la somme des impacts s’accroissant sans cesse2. L’autre, moins pres-
sentie, est de nature qualitative: on assiste à l’apparition d’impacts nouveaux. Le nombre
et l’ampleur des agressions sur l’environnement sont les paramètres déterminants du
premier phénomène, alors que pour le second, il s’agirait plutôt de la nature même
des agressions qui est en cause. Cette croissance qualitative de l’impact environne-
mental s’accompagne parfois d’impacts inconnus des mécanismes de régulation de
la nature ou difficilement assimilables par ceux-ci. Ne pensons ici qu’à la dispersion
des éléments radioactifs et aux nombreux produits de synthèse tels que les DDT, les
BPC et les CFC. Ce nouveau péril menace directement la santé de l’homme par son
contact ou indirectement par l’entremise de la chaîne alimentaire, en plus de ses consé-
quences globales et universelles sur les grands cycles de la nature.
La montée de l’industrialisation n’est toutefois pas l’unique modification affec-
tant le nouvel « équilibre» des humains avec leur environnement. Dans bien des cas,
cependant, ces autres altérations de l’environnement en sont le corollaire ou un pro-
longement presque inévitable. C’est ainsi que l’environnement est fortement perturbé
par l’introduction de nouveaux modes de transport, notamment par les chemins de
fer au XIXe siècle et les véhicules routiers au XXe, par les métamorphoses et l’exten-
sion de l’agriculture depuis une cinquantaine d’années et tout particulièrement au
cours des trente dernières années par l’urbanisation croissante et l’étalement urbain.
Plus récemment, le déploiement des espaces et des infrastructures nécessaires aux acti-
vités sportives et de loisirs ainsi que le tourisme vinrent stimuler les premiers éléments
12
2. Bien entendu, depuis l’état de la situation des années 1950 et 1960 évoquée par Commoner, plu-
sieurs progrès en sens inverse modifient la problématique environnementale. Ainsi, les progrès des
techniques de fabrication apportèrent des améliorations sensibles aux industries les plus polluantes,
des usines de traitement des effluents industriels et urbains furent construites un peu partout ou
sont en voie de l’être, et l’influence des procédures d’ÉIE mises en place depuis ce temps diminuent
la tendance inexorablement à la hausse observée par Commoner.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

perturbateurs et multiplier les lieux d’intervention, notamment en milieu naturel. Il


ne faudrait surtout pas oublier non plus la fulgurante augmentation des besoins éner-
gétiques et l’exploitation immodérée des ressources naturelles, les deux supports indis-
pensables de l’industrialisation. Ces derniers impliquent bien sûr les activités d’ex-
traction, de transformation et de production, mais aussi les encombrantes infrastructures
de transport et de distribution, sans oublier les conséquences ultimes de leur utili-
sation et de leur rejet.
Les besoins sans cesse grandissants des sociétés humaines provoquent donc la fré-
nétique activité de développement englobant désormais la planète entière. Les deux
grands facteurs contribuant à l’accentuation des besoins sont l’amélioration des niveaux
de vie, but ultime et justification de l’industrialisation, et la pression démographique.
Cette dernière est en augmentation continue, notamment depuis un siècle, comme
l’illustre la courbe de la figure 1.2.
Ces besoins accrus des sociétés humaines augmentent les demandes en matières
premières et en produits manufacturés, mais aussi en espaces et en énergie. Ils contri-
buent ainsi à l’extension des activités humaines ayant des incidences néfastes sur l’en-
vironnement. Conséquemment, une pression accrue est exercée sur l’environnement;
ne pensons qu’aux cas d’industrialisation anarchique et d’exploitation intensive et «irres-
ponsable» des ressources naturelles. Cette aggravation de la domination des sociétés
humaines sur l’environnement met en péril certains «équilibres fondamentaux de la
nature» et par le fait même constitue une menace pour la qualité de vie des humains
et de la biosphère. Malgré l’actuelle prise de conscience environnementale, plusieurs
pensent que «la santé de la
planète s’est détériorée à un Figure 1.2
rythme sans précédent» au Évolution de la population mondiale : 1400-2000
cours des dernières années
(Brown, 1992). Quoi qu’il en
6
soit, cette tendance ne
5
semble pas prête à s’essouf-
Milliards d’habitants

fler vis-à-vis de l’éventuelle 4

et inévitable amélioration 3

des conditions d’existence 2 13


dans les pays en voie de 1
développement, ce qui ne
peut qu’augmenter l’impact 1400 1500 1600 1700 1800 1900 2000

global sur l’environnement


du globe.
L’évaluation des impacts environnementaux

Les diverses activités humaines susceptibles d’être néfastes pour l’environnement


ne présentent pas toutes la même intensité. Leurs incidences sur le milieu sont d’une
plus ou moins grande ampleur. L’impact environnemental de projets différents n’est
donc nullement comparable: l’installation d’une conduite d’adduction d’eau potable
à partir d’un réservoir existant n’affecte habituellement pas autant l’environnement
que de nouvelles exploitations minières, par exemple. Comme toutes les activités
humaines ont des conséquences variables, les procédures d’ÉIE ne concernent que
certaines d’entre elles, idéalement celles qui sont les plus dommageables ou à plus
hauts risques. L’assujettissement d’un projet au processus d’ÉIE est la plupart du temps
déterminé à partir d’une liste des projets soumis à la procédure. Parfois, cette liste
d’inclusion est remplacée et/ou complétée par une liste d’exclusion. Ces deux listes
possibles sont quelquefois assorties de seuils d’assujettissement. Ces seuils correspondent
à la puissance au-delà de laquelle une centrale électrique sera soumise à la procédure,
par exemple, ou à la longueur minimale d’une ligne électrique ou d’une infrastruc-
ture routière. Nous verrons aussi que les projets sont souvent classés en diverses caté-
gories selon l’importance des impacts appréhendés. Ces diverses catégories de pro-
jets se voient ainsi attribuées des processus d’examen distincts, plus ou moins
minutieux et complets.

GENÈSE, HISTORIQUE ET PROSPECTIVES DE L’ÉIE


La pratique courante de l’évaluation des impacts environnementaux, comme outil
familier de gestion de l’environnement, nous fait parfois oublier que la prise en compte
de l’impact environnemental des activités humaines est une pratique relativement nou-
velle. Même si, de tout temps, des limites furent imposées aux débordements exces-
sifs du développement, elles étaient toutefois bien timides. L’on peut penser ici à cer-
taines coutumes traditionnelles des peuples autochtones et aux croyances populaires
des sociétés agricoles, ainsi qu’à un certain nombre de législations sectorielles en réponse
aux premières alertes résultant de l’industrialisation et de l’urbanisation. Ces limites
se sont toutefois avérées insuffisantes par rapport au développement fulgurant des
techniques et de leurs multiples applications. Les modifications importantes des modes
de vie, particulièrement au vingtième siècle, minaient ces frêles barrières de protec-
14 tion de l’environnement. D’un côté, les humains sont désormais trop omniprésents
sur la surface de la terre pour pouvoir se déplacer constamment vers des lieux non
perturbés par leurs activités antérieures et, de l’autre, plusieurs activités nouvelles sont
souvent beaucoup plus néfastes que ne l’étaient les précédentes.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Genèse de l’ÉIE
Dès les années 1950, l’impact néfaste de certaines activités humaines sur les écosys-
tèmes était dénoncé par plusieurs scientifiques et pionniers de la conservation de l’en-
vironnement. L’érosion des prairies du Middle West nord-américain et les conséquences
de plus en plus perceptibles des rejets d’eaux usées sur la qualité des cours d’eau ont
favorisé l’émergence de cette prise de conscience. Mais jusqu’à la fin des années 1960,
bien peu de contrôle des activités humaines sur l’environnement existait, comme si
cela n’avait alors que peu de conséquences. À l’époque, l’ÉIE ne trouvait des appli-
cations que de manière fragmentaire et indirecte, notamment par les rares «codes
de bonne pratique» et les quelques projets exceptionnellement envisagés sous l’op-
tique de l’aménagement du territoire. C’est ainsi, par exemple, qu’un ancien décret
de Napoléon, le Décret sur les établissements classés de 1810, proposait une série de
mesures représentant une saine façon de faire; un code de bonne pratique environ-
nementale avant la lettre.
L’évaluation d’impacts est bien sûr tributaire de la perception globale de la société
concernant l’environnement en général. La mise en place de l’ÉIE s’inscrit ainsi dans
la suite des pressions publiques en faveur de la protection de l’environnement. Les
prémisses des interventions législatives américaines en environnement, et dans une
moindre mesure dans l’ensemble des autres pays industrialisés, sont liées entre
autres aux problèmes du phosphate dans les eaux usées, aux inquiétudes concernant
les approvisionnements en eau potable et à l’opposition aux essais nucléaires, des pro-
blèmes très populaires au cours des années 1950 et 1960.
Vers la fin des années 1960, les questions de sûreté des centrales nucléaires vinrent
augmenter considérablement les craintes du public et de certains scientifiques. De plus,
les nombreuses catastrophes environnementales au cours de ces années, notamment
aux États-Unis et au Japon, provoquèrent une intensification des pressions publiques
en faveur de la prise en compte des conséquences des activités humaines sur l’envi-
ronnement. La montée de la conscience environnementale américaine, et dans une
certaine mesure mondiale, faisait donc écho à une série de grandes catastrophes éco-
logiques réelles ou appréhendées. Parmi celles-ci, mentionnons les déversements acci-
dentels de pétrole sur les côtes de Californie et de Bretagne, mais aussi l’affaire de
15
Minamata au Japon et de Séveso en Italie, ainsi que les cris d’alarme lancés par un
certain nombre d’écologistes au cours de la même décennie, notamment Rachel Carson
aux États-Unis (Carson, 1962) et Jean Dorst en France (Dorst, 1966).
Tout cela entraîna la création d’organismes responsables des questions envi-
ronnementales et la mise en place de législations en ce sens. Un peu partout, il se
L’évaluation des impacts environnementaux

produisit alors une réaction institutionnelle aux pressions publiques en faveur de


la protection de l’environnement ; « la demande sociale crée les institutions » (Dron,
1995). C’est ainsi qu’en réponse aux revendications publiques apparaissent gra-
duellement discours, lois, règlements, directives, politiques et organismes de contrôle.
Ce virage idéologique de la société vis-à-vis de l’environnement est bien sûr stimulé
par les craintes et préoccupations des acteurs économiques eux-mêmes, notamment
en ce qui concerne les « multiples procès en responsabilité et les énormes dépenses
auxquelles ceux-ci peuvent conduire » (ibid.).
Le «National Environmental Policy Act (NEPA)» de 1969, en vigueur le premier
janvier 1970, origine avant tout du compromis politique intervenu à la suite des nom-
breuses manifestations d’appui à la protection de l’environnement au cours des années
1950-1960. Avant cette date, l’évaluation des projets, tout comme la prise en compte
de l’environnement en général, était fort rudimentaire et ne s’adressait qu’à certaines
questions de planification du territoire ou au respect des quelques normes environ-
nementales alors en vigueur. Le NEPA représente bien sûr une réponse bureaucra-
tique du gouvernement central américain aux pressions publiques. La réglementa-
tion américaine ne s’adressait qu’à un certain nombre de projets de développement.
Elle ne concernait que les projets ayant un lien direct ou indirect, sous la forme du
financement des projets, par exemple, avec les autorités fédérales américaines.
L’acte législatif américain requiert l’incorporation des préoccupations environ-
nementales dans les administrations fédérales et, conséquemment, la préparation
d’études d’impacts pour tous les projets ou programmes «significatifs pour l’envi-
ronnement» issus de l’administration fédérale. L’obligation de réaliser une évalua-
tion des impacts environnementaux (Environmental Impact Assessment (EIA)) fait
partie intégrante de la procédure américaine. La législation fédérale poursuivait aussi
un autre but, plus implicite celui-là, à savoir la prise en charge de l’environnement
de la part des administrations «locales», les États américains. Le NEPA devant ainsi
servir d’exemple et d’incitatif en la matière, le gouvernement fédéral canadien suivra
dans la même voie quelques années plus tard en 1973.
La démarche entreprise par le NEPA focalisait l’attention sur le forum public et
les procédures d’application étaient laissées au libre arbitre des intéressés. En accord
16
avec la pratique du pouvoir aux États-Unis, l’approche retenue n’était pas rigide, ni
dirigiste à outrance. Elle ne s’appuyait pas nécessairement sur des bases scientifiques
solides. De toute façon, celles-ci n’étaient pas très élaborées à l’époque. Dans un tel
contexte général, il y eut donc un grand foisonnement d’approches méthodologiques
en réponse aux nouvelles exigences du NEPA (Beanlands, 1985). Le développement
de méthodologies prit alors une très grande importance et les premières années de
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

mise en place du processus américain virent l’émergence de nombreuses approches


d’ÉIE. Le début des années 1970 représente l’époque pionnière de l’ÉIE; c’est à cette
époque que fut développée la plus grande partie des grandes méthodes «reconnues»:
McHarg (1969), Léopold (1971), Sorensen (1971), Battelle (1972) et Holmes (1972).
L’acte pionnier des États-Unis représentait la réponse politique et législative de
l’administration fédérale à certaines des préoccupations croissantes de la population
américaine. Cependant, cette première législation a eu une influence déterminante
sur l’ensemble des procédures instaurées un peu partout à travers le monde. Les orien-
tations ultérieures prises ailleurs en faveur de l’ÉIE sont en grande partie tributaires
des approches et des réponses particulières développées en fonction des exigences amé-
ricaines. Le modèle et les exigences américaines influencèrent grandement les inter-
ventions en ce sens dans les autres pays. Cette influence américaine se poursuit encore,
notamment du simple fait de la puissance économique et idéologique des États-Unis
en cette ère de mondialisation des marchés.
Après la mise en place du NEPA, plusieurs pays emboîtèrent le pas. Le gouver-
nement fédéral du Canada se dota d’une procédure d’évaluation dès 1973. Il ne s’agis-
sait alors que d’un simple décret gouvernemental grandement influencé par la pro-
cédure américaine. L’Australie fit de même l’année suivante. Le premier pays
d’Amérique latine à se prononcer en faveur de l’ÉIE fut la Colombie dès 1974. Certains
États furent beaucoup plus lents à réagir. C’est ainsi que les Pays-Bas n’instituèrent
chez eux la pratique de l’ÉIE qu’en 1981, le Japon, en 1984, la Communauté Écono-
mique Européenne (CÉE), en juillet 1985, après une décennie de tergiversations, et
enfin, la Suisse, en 1989. En Afrique, le Gabon se dota d’une procédure d’ÉIE dès 1976,
la Guinée, en 1987, mais le Maroc n’a toujours pas mis en œuvre la législation attendue
depuis près de dix ans.
Nous verrons, lors de la présentation des aspects législatifs de l’ÉIE, que plusieurs
législations antérieures au NEPA concernaient certains aspects bien précis de l’envi-
ronnement. C’est le cas notamment de la qualité de l’air en milieu urbain, une très
ancienne préoccupation en Europe, ainsi que de la protection de sites naturels
exceptionnels, comme aux États-Unis et au Canada. Toutefois, il ne s’agissait alors
que de législations sectorielles, sans aucune conception d’ensemble face à la problé-
17
matique environnementale. Ce type de législation ne dictait que la formulation de
normes particulières et partielles. Avec l’arrivée du NEPA, on privilégiait désormais
une vision d’ensemble de l’environnement, tout en rendant obligatoire la tenue d’éva-
luation des impacts environnementaux pour certains projets parmi les plus suscep-
tibles d’atteintes à l’environnement.
L’évaluation des impacts environnementaux

Évolution historique de la démarche d’ÉIE


Au cours des ans, le contexte de l’ÉIE s’est élargi aux multiples facettes de l’étude d’im-
pacts telles que nous les connaissons aujourd’hui. C’est ainsi que le concept d’envi-
ronnement s’est étendu à un plus grand domaine, que les projets soumis couvrent
un plus vaste éventail et que la participation publique est de plus en plus présente.
Cette évolution n’est pas complétée. Dans beaucoup d’endroits et en plusieurs
domaines, il reste encore beaucoup à faire. Ces exemples illustrent toutefois les ten-
dances en cours. Même si une partie importante des projets est encore soustraite à
l’examen d’impacts, par exemple, des progrès sont réalisés dans ce domaine. C’est ainsi
que près de vingt ans après sa promulgation, les dispositions du règlement québé-
cois relatif à la procédure d’ÉIE et qui concernent une fraction importante des grands
projets industriels ont finalement été mises en œuvre (1997).
L’évolution de l’ÉIE est grandement tributaire de l’étendue accordée au concept
même d’environnement. C’est ainsi que l’extension du concept d’environnement, vers
les dimensions sociales, culturelles et économiques, accroissent les possibilités d’in-
tervention de l’ÉIE. En pratique, même si le concept d’environnement n’est pas tou-
jours, ni partout, perçu de la même façon, il tend de plus en plus à représenter l’en-
semble des composantes biophysiques et socioculturelles du milieu, en interaction
avec un organisme ou un ensemble d’organismes vivants. Le développement progressif
de cette conception large de l’environnement au cours des trente dernières années a
favorisé l’extension du mandat et de la portée de l’ÉIE, ainsi que son domaine d’étude.
Les «règles de l’art» en ÉIE, telles que reconnues par les experts internationaux,
ont évolué sensiblement sur certains aspects, même si plusieurs de ceux-ci sont à peu
près fixés depuis les débuts. C’est surtout du point de vue des pratiques que les choses
ont évolué et tout particulièrement vers un élargissement des domaines d’interven-
tion. C’est avant tout dans la mise en œuvre concrète des principes et des théories
de l’ÉIE que l’évolution fut la plus remarquable. Dans la société réelle, des contraintes
de toutes sortes viennent freiner la mise en pratique des meilleurs principes. C’est
ainsi que plusieurs éléments importants de l’ÉIE, même parmi les plus rationnels et
les plus sages, prennent beaucoup de temps avant d’être officiellement mis en œuvre.
18 Plusieurs épisodes jalonnent le développement des procédures, des méthodes et
des pratiques. L’évolution historique de l’ÉIE est couramment caractérisée par l’exis-
tence de trois grandes périodes ou phases de développement. La première période
dite «classique» débute en 1969 avec la promulgation de la politique nationale amé-
ricaine (NEPA). Vient ensuite la période dite «moderne», au cours des années 1980,
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

et, enfin, une troisième période dite « contemporaine » se poursuit aujourdhui


(Lévesque, 1994).
La période classique marque les efforts pionniers en ÉIE. Elle s’épanouit de la fin
des années 1960 à la fin de la décennie suivante. Elle est caractérisée par la mise au
point d’une série d’outils visant à accorder une valeur mesurable, le plus souvent quan-
titative, à l’ensemble des impacts. La rationnalité déterministe de cette période devait
servir à la comparaison de solutions de rechange ou de variantes. Le but ultime sem-
blait être d’attribuer une valeur unicritère à chacun des impacts environnementaux.
Plusieurs font remarquer qu’il s’agit d’une approche réductionniste et mécaniste,
concernée avant tout par l’examen de certaines nuisances, notamment dans l’eau, le
sol et l’air (Sadar et coll., 1994), ainsi que caractérisée par l’accent sur la prévision,
selon le modèle technique, et l’emploi de la participation uniquement à des fins de
validation (Sadler, 1986 et Gariépy, 1995).
La seconde période, dite moderne, s’installe au cours des années 1980. Elle est
caractérisée par un oubli marqué des aspects méthodologiques et par une caractéri-
sation excessive des éléments du milieu, ce dernier aspect devenant même omniprésent
au détriment de l’évaluation des impacts. L’objectif de cette période semblait être une
appréciation globale et complète des éléments du milieu (Lévesque, 1994). Elle s’ac-
compagnait bien sûr d’une préoccupation de plus en plus grande du public pour la
question de l’évaluation des impacts des projets soumis. Deux grandes questions pre-
naient ainsi de plus en plus d’importance, sans toutefois recevoir des réponses
encore bien satisfaisantes : celle des impacts sociaux et celle des impacts cumulatifs,
deux questions d’ailleurs intimement liées. Certains y décèlent déjà un élargissement
de la portée de l’examen (milieu urbain, impacts cumulatifs ainsi qu’évaluation des
politiques et programmes) ainsi qu’une participation du public dans l’optique de la
négociation environnementale (Sadler, 1986 et Gariépy, 1995).
La dernière période, l’époque contemporaine, semble se diriger, depuis le début
des années 1990, vers une recherche d’intégration de l’ensemble des éléments de l’en-
vironnement avec ceux du développement. C’est bien sûr la conciliation souhaitée
dans le cadre du développement durable. Elle se caractérise par une recherche inter-
disciplinaire d’analyse environnementale intégrée comprenant les composantes du
19
projet et les éléments du milieu. Elle vise avant tout à minimiser l’impact environ-
nemental du développement par une plus grande intégration des composantes du
projet dans le milieu d’insertion. Les impacts cumulatifs et sociaux prennent alors
de plus en plus de place dans les préoccupations des différents acteurs, sans néces-
sairement entraîner de consensus sur les démarches et les méthodes d’évaluation. C’est
L’évaluation des impacts environnementaux

aussi l’époque de l’émergence des outils de prise de décisions et de l’extension du maté-


riel informatisé en ÉIE. Enfin, la participation publique et l’évaluation des risques
font de plus en plus partie désormais des «règles de l’art» (Sadar et coll., 1994).
Montrant une vision similaire, mais sans pour autant reprendre la même
approche, Sadler et Jacobs (1991) subdivisaient l’évolution de l’ÉIE, jusqu’en 1990,
en six périodes particulières, marquées avant tout par l’innovation des techniques ou
des méthodes. Ces six périodes sont:
• Avant 1970: techniques analytiques, surtout études de la faisabilité économique
et technique;
• 1970: analyses coûts-avantages, comptabilisation des gains et des pertes ;
• 1970-1975: description et prédiction des changements écologiques;
• 1975-1980: évaluation pluridimensionnelle, incluant le social et la participa-
tion publique, ainsi que la justification et l’évaluation des risques;
• 1980-1986: liens plus étroits entre les impacts et les étapes de planification et
de mise en œuvre;
• Depuis 1986: remise en question à la suite du développement durable, impacts
cumulatifs, aide internationale et évaluation régionale.
Depuis quelques années, la mondialisation entraîne un certain degré d’«har-
monisation» des pratiques et des législations de l’ÉIE. Dans ce domaine, l’International
Association for Impact Assessment (IAIA) joue un rôle essentiel de promotion et de
formation en ÉIE partout sur la planète3. L’IAIA favorise aussi la coordination et la
concertation des diverses interventions en vue d’une éventuelle codification des «règles
de l’art» en ÉIE. Il n’existe toutefois pas encore de démarche complète et universelle
de prise en compte des impacts environnementaux. Une panoplie de méthodes et d’ap-
proches méthodologiques (démarche et procédure) furent donc développées et pro-
posées, sans toutefois qu’aucune n’engendre encore l’unanimité. Les nombreux
échanges entre chercheurs et praticiens de l’évaluation d’impacts ont cependant permis
l’émergence d’un relatif consensus autour d’un nombre minimum d’éléments
méthodologiques communs.
20 Jusqu’à un certain point et sans trop caricaturer l’évolution des pratiques et des
procédures en ÉIE, on peut avancer que chacune des trois périodes que nous venons
d’examiner correspond grosso modo à la dominance de l’un des trois objectifs de l’ÉIE.

3. Depuis 1997, il existe une contrepartie francophone à l’association internationale, le Secrétariat fran-
cophone de l’Association internationale d’évaluation d’impacts (Interface, 1999).
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Nous verrons en détail dans la section «Concepts, définitions et objectifs de l’ÉIE» que
ces trois objectifs correspondent aussi à trois niveaux d’études de l’ÉIE: politique, tech-
nique et scientifique. Ainsi, au cours de la période classique, le niveau technique semble
avoir orienté les efforts de développement et de mise en œuvre. La période moderne
semble quant à elle se préoccuper avant tout du niveau scientifique. Enfin, la période
contemporaine paraît mettre de l’avant les aspects politiques du processus d’ÉIE.

Prospectives internationales en ÉIE


L’emploi de l’ÉIE, d’abord limité à certains pays industrialisés, s’est lentement
répandu à la majorité des pays de la planète. Le récent enthousiasme en faveur de la
mise en place de procédures d’ÉIE, par la plupart des divers gouvernements et
administrations, tant publiques que privées, est sans doute grandement tributaire de
l’adoption de procédure de la part des grands bailleurs de fonds internationaux, notam-
ment par la Banque mondiale. D’ici quelques années, la plupart des pays disposeront
d’une politique environnementale et d’une procédure d’ÉIE; il ne restera plus alors
qu’à les mettre en œuvre.
Les grandes rencontres internationales en environnement participent activement
à la diffusion et à l’influence grandissante de la pratique de l’ÉIE. La première ini-
tiative en ce sens émergea peu après la première conférence des Nations Unies sur
l’environnement tenue à Stockholm en 1972. Dès 1974, l’Organisation de Coopération
et de Développement Économique (OCDE), organisme regroupant la plupart des grands
pays industrialisés, recommanda à ses membres l’adoption de procédures particu-
lières d’ÉIE. En 1979, une nouvelle série de recommandations venait réitérer cette
demande initiale de l’OCDE, puis en 1985 l’organisme proposa des procédures bien
spécifiques pour les projets d’aide au développement. D’autre part, lors de la tenue
de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement (CMED) au
milieu des années 1980, et en particulier à la suite de la publication de son rapport
(rapport Brundtland) en 1987, la plupart des pays indifférents jusque-là à la prise en
compte de l’environnement dans leurs processus de décision prirent conscience de
la pertinence des procédures d’ÉIE. Le rapport de la Commission Brundtland
(CMED, 1988) proposait la prise en compte de l’environnement au même titre que
le développement économique et il recommandait formellement la tenue d’ÉIE pour 21
tous les projets significatifs pour l’environnement.
L’ascendant des conférences internationales jumelé aux pressions publiques, notam-
ment par de nombreux groupes environnementaux, favorisa une plus grande prise
en compte de l’environnement et de l’ÉIE par diverses instances internationales et
nationales. Ce fut le cas de la Banque mondiale à la fin des années 1980, même si depuis
L’évaluation des impacts environnementaux

le début des années 1970 celle-ci se préoccupait déjà des aspects environnementaux
des projets de développement, comme en fait foi la directive environnementale de
1984 (World Bank, 1984). La Banque fut amenée à replacer les considérations envi-
ronnementales par rapport aux considérations économiques et financières dans l’aide
au développement international. C’est ainsi qu’elle se dota de pratiques concernant
la prise en compte de la conservation de l’environnement dans l’élaboration des pro-
jets. Elle se dota en particulier de mesures bien définies concernant l’ÉIE et de nom-
breuses directives furent émises en ce sens.
Comme nous venons de le voir, parmi les plus récents et influents incitatifs en
faveur de la diffusion et de la généralisation de l’ÉIE, on retrouve l’acceptabilité envi-
ronnementale des projets de développement par les grands bailleurs de fonds inter-
nationaux. C’est ainsi que des directives en faveur de l’évaluation environnementale
préalable au financement des projets furent émises, notamment, par la Banque
mondiale (World Bank, 1991), la Banque africaine de développement (African
Development Bank, 1992), la Banque asiatique de développement (Asian Development
Bank, 1993) et la Banque interaméricaine de développement (Inter-American
Development Bank, 1994). La «Déclaration des Banques sur l’environnement et le
développement durable», entente intervenue en 1992 entre 29 grandes banques impli-
quant 23 pays, abondait elle aussi dans le même sens (London, 1993). Cet engage-
ment fut réitéré lors de la conférence internationale des banques à Genève en 1994,
notamment par une meilleure intégration de l’environnement parmi les paramètres
de décision (Dron, 1995). Les récents accords du commerce international, ancien-
nement les « accords du Gatt », viennent eux aussi entériner la pratique de l’ÉIE.
La conférence des Nations Unies, à Rio de Janeiro au Brésil en juin 1992, ren-
força les engagements pris antérieurement en faveur de l’ÉIE et incita une fois de plus
les pays encore récalcitrants à agir en ce sens. Parmi les engagements de
l’Agenda 21(Action 21, 1993) figure l’évaluation de l’impact des projets. De plus, la
Convention sur la biodiversité ratifiée en 1992 (PNUE, 1996) s’ajoutait aux autres
incitations en faveur de la généralisation des pratiques d’ÉIE issues de la rencontre
de Rio. Cette importante et complexe convention présente de nombreuses possibi-
lités pour l’avancement de l’ÉIE (Krattiger et coll., 1994). Le Programme des Nations
22 Unies pour l’environnement (PNUE) s’implique activement dans la promotion de
l’ÉIE par l’organisation d’ateliers de formation et par la diffusion de son manuel du
formateur en ÉIE (PNUE, 1996).
Enfin, on pourrait ajouter, comme encouragement à l’ÉIE, les réactions positives
des autres organismes gouvernementaux et organisations non gouvernementales (ONG),
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

de même que l’influence des médias d’information et certaines conventions ou traités


internationaux. Ainsi, les agences gouvernementales d’aide internationale au déve-
loppement, telle que l’Agence canadienne de développement international (ACDI),
emboîtent le pas afin de faire la promotion de l’ÉIE. Plus spécifiquement, l’enseignement
ou le transfert des connaissances entre les pays industrialisés et ceux en voie de déve-
loppement constitue l’un des mandats prioritaires de tels organismes. Par exemple,
l’ACDI parraine un programme de renforcement institutionnel et universitaire en
Afrique francophone (ACDI, 1994). Un organisme international comme l’Organisation
mondiale de la santé (World Health Organization (WHO)) diffuse lui aussi un guide
pratique d’évaluation fort apprécié (Turnbull, 1992). Finalement, certaines conven-
tions ou traités internationaux imposent ou recommandent fortement l’évaluation
environnementale des projets de développement. C’est le cas notamment de la
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte trans-
frontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991) mais entrée en vigueur en 1998.

CONCEPTS, DÉFINITIONS ET OBJECTIFS DE L’ÉIE


La première apparition officielle de l’expression «évaluation des impacts environ-
nementaux», tout comme celle de «rapport d’évaluation d’impacts» (Environmental
Impact Statement (EIS)), survient avec le NEPA. Pourtant, près de trente ans plus tard,
il n’existe pas encore de consensus sur l’étendue des paramètres compris par l’ÉIE.
Ainsi, il est courant d’entendre les expressions d’impacts sociaux et d’évaluation des
impacts sociaux de manière dissociée des impacts environnementaux et de l’ÉIE.
Plusieurs auteurs étudient d’ailleurs les aspects sociaux de façon distincte de l’ensemble
de l’ÉIE (Burdge, 1994; Taylor et coll., 1990). Ces auteurs ne considèrent pas que l’ÉIE,
telle qu’elle est pratiquée jusqu’à maintenant, accorde une réelle prise en compte des
multiples aspects sociaux. Il est donc essentiel, avant de poursuivre les nombreuses
définitions conférées à l’ÉIE, de nous attarder tout d’abord au concept même de l’ex-
pression «évaluation des impacts environnementaux», puis au concept «environ-
nement », étant donné qu’il s’agit souvent dans ce dernier cas de la source du désac-
cord concernant la définition de l’ÉIE.

Concepts majeurs de l’ÉIE 23


L’expression «évaluation des impacts environnementaux» renferme trois termes dis-
tincts qui englobent assez bien son domaine d’investigation. Ces trois concepts
majeurs, évaluation, impact et environnement, déterminent trois ensembles, qui, inté-
grés dans un tout, représentent l’ÉIE.
L’évaluation des impacts environnementaux

Le concept «évaluation» fait référence à l’étude plus ou moins systématique, selon


les besoins de la procédure en cause et les possibilités concrètes d’examen, d’une ques-
tion ou d’un problème. Cette étude est le plus souvent une somme d’études parti-
culières sur des sujets spécifiques. De plus, comme il s’agit d’un exercice de planifi-
cation, l’évaluation en question est plutôt une estimation, c’est-à-dire une approximation
des modifications anticipées. Compte tenu des multiples procédures possibles en ÉIE
et de l’ampleur variable des projets en cause, ainsi que des différents acteurs impli-
qués (internes et externes), il existe plusieurs types d’évaluations, de la plus simple
à la plus complète. Il ne s’agit pas cependant d’une évaluation du type de la recherche
théorique fondamentale sur un sujet «socialement neutre », mais plutôt d’une pra-
tique prospective et opérationnelle sur une question confrontant divers points de vue
et de multiples intérêts. Enfin, mieux qu’une simple étude suivie de la rédaction d’un
rapport, l’«évaluation» dans le contexte de l’ÉIE est en réalité un processus d’examen.
Ce processus implique aussi des discussions, des pourparlers, des tractations. L’ÉIE
s’inscrit en somme dans la mouvance de la négociation environnementale et de la
recherche de compromis au développement, voire de consensus.
Le concept « impact» détermine quant à lui l’orientation même de l’évaluation
à effectuer. Dans le contexte de l’ÉIE, il ne s’agit pas de réaliser l’examen d’un objet
d’étude selon l’approche scientifique conventionnelle. Comme nous le verrons en détail
plus loin, un impact mesure les conséquences, à plus ou moins long terme et avec
plus ou moins d’ampleur, d’une action habituellement bien déterminée, sur l’état dyna-
mique d’un élément précis de l’environnement. En plus de bien connaître l’élément
environnemental en cause, ce qui ne représente que la phase préliminaire de l’éva-
luation, il faut estimer l’ampleur des modifications anticipées dans le futur. Cela implique
au moins la caractérisation de deux états de la situation, celui de la situation présente
et celui anticipé. Comme les éléments d’étude sont par essence dans une dynamique
d’évolution qui nous est souvent peu connue, voire impénétrable, l’évaluation de l’im-
pact est souvent incertaine et parfois même aléatoire.
Finalement, le concept «environnement» délimite les impacts à considérer dans
l’évaluation. Comme nous le verrons dans la prochaine section, le terme «environ-
nement» n’a cependant pas partout ni toujours la même signification, il n’englobe
24 pas toujours les mêmes réalités. Comme la définition conférée à l’environnement varie
considérablement, elle est plus ou moins large et englobante, l’évaluation en ques-
tion s’intéressera donc à un nombre plus ou moins considérable d’éléments. Trop sou-
vent, seuls les éléments biophysiques de l’environnement font l’objet d’étude, alors
que ceux concernant le social, le culturel et la santé humaine sont exclus ou examinés
rapidement.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Définition de l’environnement et de l’ÉIE


Le concept même d’«environnement» n’est pas toujours, ni partout, perçu de la même
façon. L’environnement fut défini de manière globale lors du Congrès de l’UNESCO
à Tbilissi (URSS) en 1977 (UNESCO, 1977). Les aspects sociaux étaient intégrés aux
aspects plus strictement naturels de l’environnement. La Commission mondiale sur
l’environnement et le développement (CMED) reprendra cette définition en l’enri-
chissant des réflexions issues du concept de développement durable (CMED, 1988).
Depuis, l’environnement est souvent perçu en ÉIE comme représentant un
concept général englobant l’ensemble des composantes biophysiques et socioculturelles
du milieu, en interaction avec un organisme ou un ensemble d’organismes vivants. La
Loi québécoise sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., Q-2,) adopte elle-aussi cette
acception large du concept d’environnement4. Il ne saurait donc exister ici de distinction
entre les aspects sociaux et l’ensemble des autres aspects de l’environnement. La nou-
velle loi canadienne sur l’ÉIE (1995) n’est pas bien explicite sur le contenu même du
concept; néanmoins, les aspects socio-économique sanitaire et culturel sont concernés
par la procédure d’ÉIE. Cependant, il n’en va pas ainsi partout. La législation Suisse,
par exemple, ne considère le terme «environnement» que dans son sens stricto sensu
(Simos, 1990). Par contre, en France, l’examen comprendrait aussi bien les composantes
démographiques et d’emploi que celles dites «naturelles» (Guigo et coll., 1991).
Par ailleurs, il ne saurait non plus exister de frontière précise et absolue entre les
environnements dits naturels et les environnements humains, sauf peut être de très
rares exceptions. En effet, il n’existe pratiquement plus d’environnement que nous
pourrions qualifier de «milieu naturel» au sens strict du terme, les activités humaines
affectant désormais même les «macroclimats» (Dubos, 1980). D’autre part, l’orien-
tation de la gestion environnementale «qui était axée au cours des années 1970 sur
des questions ponctuelles, se situe de plus en plus dans un contexte global, à mesure
qu’on se rend compte que les activités humaines ont un impact sur l’environnement»
(Holtz, 1992).
C’est donc à partir d’une définition large et globale de l’environnement que l’ÉIE
peut prétendre représenter et contenir l’ensemble des éléments à prendre en compte
dans l’examen d’un projet. La pratique au cours des trente dernières années n’a sans 25

4. Le texte même de la Loi québécoise est peu explicite sur les aspects sociaux du concept «environ-
nement ». La pratique a cependant clairement établi une conception large de l’environnement au
Québec. Une mise en garde placée au début de tous les rapports du Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement (BAPE) depuis quelques années spécifie d’ailleurs clairement la portée élargie
du concept «environnement» en ce qui concerne les impacts sociaux.
L’évaluation des impacts environnementaux

doute pas toujours bien intégré cette conception exhaustive de l’environnement. Elle
semble toutefois recevoir désormais l’acquiescement d’une majorité d’évaluateurs d’im-
pacts. Néanmoins, il n’existe pas encore de définition univoque et universelle de l’en-
vironnement et de ses multiples implications en ÉIE. Celles-ci se différencient donc
d’une procédure d’ÉIE à l’autre.
De son côté, l’«évaluation des impacts environnementaux» peut être définie sim-
plement comme étant «l’identification, l’organisation et l’évaluation des effets phy-
siques, écologiques, esthétiques, sociaux et culturels d’un équipement ou d’une
décision (technique, économique ou politique)» (Poutrel, 1977). En pratique, l’ÉIE
comprend donc « l’ensemble des procédés destinés à déterminer et à prévoir l’effet
que peuvent avoir, sur la santé et le bien-être de l’homme, les projets de loi, les poli-
tiques, les programmes et les projets divers ainsi qu’à interpréter et à communiquer
les résultats obtenus» (Munn, 1975). En conséquence, ils sont de plus en plus nom-
breux à croire que les impacts biophysiques sont inextricablement liés aux impacts
sociaux, et vice versa (Sadar et coll., 1994).
De manière moins traditionnelle, notamment par l’intégration de l’ÉIE dans le
contexte plus global du développement durable, les experts internationaux propo-
saient récemment la définition suivante:

L’évaluation environnementale est un processus systématique qui consiste à évaluer


et à documenter les possibilités, les capacités et les fonctions des ressources et des
systèmes naturels, afin de faciliter la planification du développement durable et la
prise de décision en général ainsi qu’à prévoir et à gérer les impacts négatifs et les
conséquences de propositions d’aménagement en particulier (Sadler, 1996).

En introduction, quant à nous, nous avions défini l’ÉIE de manière préliminaire


comme étant l’ensemble des études plus ou moins systématiques sur les impacts pré-
visibles, tant directs qu’indirects, qui résultent d’une intervention projetée (projet,
politique, programme) et impliquant l’environnement. À la suite de la présentation
des trois concepts contenus dans l’expression «ÉIE» et des éclaircissements que nous
apporterons dans la prochaine section traitant des objectifs de l’ÉIE, nous devons appro-
fondir et bonifier notre définition préliminaire.
26
L’ÉIE peut être définie comme étant un processus d’examen et de négociation5
de l’ensemble des conséquences d’un projet, incluant les politiques, programmes et

5. Nous définissons le concept de «négociation» dans son sens large. En conséquence, la «négocia-
tion environnementale» regroupe l’ensemble des pourparlers, des réunions (formelles et informelles)
et des tractations (publiques et privées) entre les différentes parties impliquées par la mise en œuvre
d’un projet, en vue d’en arriver à une entente ou à un accord quelconque.
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

plans sur les multiples éléments (naturels et humains) de son milieu d’insertion. Ce
processus vise à connaître et à réduire l’impact du projet ainsi qu’à valider son inté-
gration dans le milieu. Il aspire donc à estimer le plus précisément possible l’importance
future de l’impact environnemental, c’est-à-dire prévoir l’ampleur anticipée des modi-
fications résultant des activités humaines projetées. De plus, l’ÉIE espère réduire les
conséquences néfastes de l’intervention, en proposant des améliorations et des cor-
rectifs au projet initial ainsi qu’en suggérant la mise en place de mesures d’atténua-
tion et ultimement de compensation. Finalement, en tant que processus participatif
de négociation environnementale, l’ÉIE constitue une partie importante du processus
même de décision menant à la validation ou non d’un projet de développement dans
son milieu. En conséquence, l’ÉIE est bien plus qu’un simple outil venant éclairer un
processus de négociation et de décision qui lui est extérieur et transcendant.

Objectifs de l’ÉIE
L’ÉIE est habituellement conçue comme ayant deux objectifs, à savoir: «évaluer l’im-
portance des impacts biophysiques et sociaux d’un projet, […] en apprécier l’opportunité
de réalisation compte tenu de ses avantages et de ses impacts environnementaux et,
le cas échéant, […] mettre au point une solution de moindre impact pour sa réali-
sation» (Lacoste et coll., 1988). De manière plus normative, certains conçoivent que
les deux objectifs de l’ÉIE sont: «de faciliter la prise de décisions optimales et inté-
grée» et de favoriser «l’atteinte ou le soutien des objectifs fondamentaux que sont
la protection de l’environnement et le développement durable» (Sadler, 1996).
Mais comme nous le disions précédemment, la démarche d’ÉIE renferme plutôt
un triple objectif, à savoir: la connaissance la plus exacte possible de l’impact envi-
ronnemental des projets, la réduction éventuelle de celui-ci et la compréhension et l’ap-
probation par le milieu des conséquences du projet. En fait, il s’agit d’abord de con-
naître le plus précisément possible toutes les conséquences environnementales que les
diverses activités du projet à l’étude auront sur les différents éléments du milieu d’im-
plantation concerné. Par la suite, l’étude visera à incorporer des mesures cherchant à
atténuer la plupart des impacts néfastes à l’environnement, et accessoirement à opti-
miser (maximiser) au contraire les impacts positifs. Enfin, le processus même de l’ÉIE
est une démarche d’approbation du projet total par les différents acteurs sociaux impli- 27
qués.
De manière plus systématique, les trois objectifs de l’ÉIE sont donc de:
• connaître les conséquences environnementales du projet à l’étude ;
L’évaluation des impacts environnementaux

• réduire les séquelles négatives sur l’environnement et optimiser les impacts


positifs ;
• permettre l’approbation du projet par les acteurs impliqués.
Chacun des objectifs de l’ÉIE peut être rattaché à un niveau particulier d’examen.
Ainsi, le premier objectif, la connaissance, se rattache avant tout au niveau scienti-
fique d’examen. Ce niveau d’examen repose sur l’apport des sciences biophysiques
tout autant que des sciences sociales et de gestion. Le deuxième objectif, celui de réduire
(minimiser) l’impact, est plus près du niveau technique d’examen, l’application des
sciences et des techniques en est l’élément moteur. Finalement, l’objectif d’approbation
fait référence au niveau politique, c’est-à-dire aux multiples préoccupations sociales,
économiques, culturelles et plus proprement politiques6. Ces trois niveaux distincts
d’examen sont illustrés à la figure 1.3. Comme l’illustre la figure, chacun des niveaux
est en partie imbriqué dans les deux autres, certains aspects de l’ÉIE faisant donc partie
de plus d’un niveau d’examen.
Ces trois niveaux dis-
Figure 1.3
tincts d’examen nous per-
Les trois niveaux d’examen de l’ÉIE mettront au cours du cha-
pitre quatre d’exposer plus
systématiquement les mul-
Scientifique tiples éléments méthodolo-
giques. Auparavant, nous
verrons aussi plus en détail,
lors de l’analyse de procé-
dures particulières d’éva-
luation au chapitre trois,
l’étendue et les diverses
implications du concept de
Technique Politique l’ÉIE. L’examen de législa-
tions et de pratiques bien
spécifiques permet de

28
6. Faute d’un terme sans doute plus adéquat et moins sujet à caution, nous employons le terme «poli-
tique»pour l’ensemble des paramètres et des aspects à prendre en compte à ce niveau d’examen.
D’autre part, il s’agit du concept de politique étendu à l’ensemble des relations de pouvoir dans la
société et qui bien souvent recouvrent ou recoupent les dimensions sociales, culturelles, économiques,
administratives et proprement politiques de tous les acteurs d’une société ainsi que les rapports qu’ils
entretiennent dans la gestion des affaires publiques. Il ne s’agit donc pas du concept de «la poli-
tique», définie dans le sens plus restreint des pratiques et des institutions du gouvernement d’un
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

mesurer l’importance des différences et des divergences qui existent un peu partout
à ce sujet.

RÔLE, SPHÈRE D’INFLUENCE ET MISE EN ŒUVRE


En règle générale, le but immédiat de l’évaluation des impacts environnementaux est
de s’assurer que les conséquences environnementales soient examinées avant l’ap-
probation définitive d’un projet. Cela implique que l’ÉIE est à tout le moins une acti-
vité préliminaire à toute prise de décision concernant les futurs développements.
Ultimement, il faudrait que ces conséquences reçoivent la même attention que les fac-
teurs économiques et techniques dans l’élaboration et la réalisation d’un projet. La
place de l’environnement dans la prise de décision est très variable, mais comme son
influence n’est pas toujours très grande relativement aux impératifs techniques et finan-
ciers, elle est habituellement réduite et secondaire. Le balancier de la décision n’est
pas souvent en faveur de l’environnement, surtout lorsque le rôle de l’ÉIE n’est que
justification ultérieure d’un projet déjà échafaudé, comme c’est trop souvent le cas.
Néanmoins, certains projets parmi les plus néfastes pour l’environnement n’ont pas
été mis en place, car leurs implications étaient trop grandes.
Le rôle réservé à l’évaluation des impacts environnementaux parmi l’éventail des
interventions possibles en environnement peut être plus ou moins ambitieux.
L’absence d’autres moyens d’intervention rend cependant l’ÉIE encore plus essentielle
dans la planification du développement. L’existence d’autres pratiques de planifica-
tion réduit le rôle de l’ÉIE comme mécanisme principal de gestion environnemen-
tale, mais permet par contre une mise en œuvre plus facile et un examen plus com-
plet et mieux documenté. Habituellement, l’ÉIE est un processus compris dans des
processus plus généraux comme la «planification environnementale» et l’«évalua-
tion environnementale», le tout étant compris à l’intérieur de la planification d’en-
semble des activités d’une société. Le schéma de la figure 1.4 montre la place et consé-
quemment la portée de l’ÉIE par rapport à ces autres pratiques plus globales de
planification. L’ÉIE ne représente donc qu’une partie des questions comprises par l’éva-
luation environnementale7, qui elle même n’aborde qu’une partie de l’ensemble de
la planification environnementale. Bien entendu, les questions environnementales ne
sont qu’une infime section de la planification d’ensemble des activités humaines. 29

7. Parmi les réalisations de l’évaluation environnementale, notons les rapports nationaux sur l’état de
l’environnement, l’audit environnemental, le suivi environnemental de la réglementation et
l’examen particulier d’un élément de l’environnement.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 1.4 L’ÉIE ne doit pas être


Place et portée de l’ÉIE dans les processus confondue ni se substituer
de planification aux autres outils de gestion
de l’environnement, notam-
ment ceux d’évaluation envi-
PLANIFICATION D’ENSEMBLE
ronnementale. Parmi ceux-
ci, notons l’«éco-label», ou
étiquetage écologique, un
PLANIFICATION
ENVIRONNEMENTALE outil de contrôle et d’éva-
luation des produits manu-
facturés destinés à la con-
ÉVALUATION
ENVIRONNEMENTALE sommation, mais sans autre
lien avec l’ÉIE. L’on retrouve
aussi les rapports sur l’état de
É.I.E. l’environnement (OCDE,
1991c ; gouvernement du
Canada, 1991 et 1996; gou-
Source: Adapté de Munn, 1977. vernement du Québec, 1989
et 1994). Ces rapports regroupent les diverses études (recueil de données) sur la situa-
tion environnementale d’un état ou de la planète. Ces rapports apportent bien sou-
vent des données de base à l’ÉIE et inversement l’ÉIE les enrichit et en constitue par-
fois la réalisation première.
Dans un domaine similaire, celui des indicateurs environnementaux (OCDE, 1994a),
les liens sont semblables à ceux des rapports sur l’environnement. Ici, on ne doit pas
confondre les descripteurs d’impacts, dénommés souvent «indicateurs», servant à réa-
liser l’inventaire du milieu et l’inspection du suivi environnemental, avec les indica-
teurs environnementaux. Ces derniers représentent d’ailleurs habituellement des indices
agrégés beaucoup plus généraux que ceux employés en études d’impacts.
En outre, d’autres outils sont plus spécifiques aux politiques et aux directives envi-
ronnementales corporatives, tel l’audit. L’audit ou vérification environnementale désigne
une évaluation environnementale, plus ou moins complète et étendue, selon le cas,
30 d’installations ou d’équipements déjà existants. Bien souvent, l’audit ne concerne que
la conformité des installations ou du procédé par rapport à la réglementation en vigueur.
Il ne s’agit donc pas d’un exercice de planification du développement futur. Cette der-
nière distinction est sans doute la plus claire, car l’audit peut parfois représenter un
examen complet très similaire à celui de l’ÉIE. Pour l’audit, il peut s’agir d’une simple
inspection de conformité à la réglementation environnementale en vigueur, telle que
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

la vérification du respect des normes de pollution aquatique d’une industrie quel-


conque, mais l’inspection pourrait aussi s’étendre à l’ensemble des implications d’une
entreprise dans son milieu, compte tenu des risques pour la population et des exi-
gences des bailleurs de fonds, par exemple.
Enfin, mentionnons deux derniers outils de gestion de l’environnement fort appa-
rentés à l’ÉIE. Il s’agit d’abord de l’évaluation des risques ou de l’évaluation envi-
ronnementale des risques (Gélinas, 1992), qui se préoccupe tout autant des installa-
tions existantes que de celles du futur. Finalement, l’évaluation environnementale des
technologies ou analyse des risques technologiques (Boivin et El-Sabh, 1992) élargit
encore plus le champ possible des investigations des conséquences des activités
humaines, et un prolongement récent en est constitué par l’évaluation des biotech-
nologies (Thomas et Myers, 1993).
La figure 1.5 montre un éventail de ces évaluations similaires et apparentées à
l’ÉIE que nous venons d’énumérer ainsi que d’un certain nombre d’autres processus,
dont la participation publique et l’évaluation des impacts du développement. D’autre
part, on retrouve aussi des évaluations habituellement comprises dans l’ÉIE de pro-
jets, comme l’évaluation des impacts sociaux et celle des impacts cumulatifs, ainsi que
celles sur les impacts écologiques, les impacts climatiques et les impacts économiques.
Certains experts préfèrent spécifier ainsi certains aspects de l’évaluation afin d’en ren-
forcer la présence et le rôle. Toutefois, il ne s’agit en fait que de sous-composantes de
toute étude rigoureuse d’ÉIE. Enfin, on retrouve l’évaluation stratégique des impacts
(ÉSI), qui se distingue par son niveau d’analyse par rapport à l’habituelle évaluation
de projets. L’ÉSI se caractérise par l’examen des niveaux globaux de gestion, ceux des
politiques, programmes et plans.
L’évaluation des impacts environnementaux peut se subdiviser en niveaux de ges-
tion distincts, comme nous venons de le voir pour l’évaluation stratégique, mais aussi
selon d’autres typologies. C’est ainsi qu’on peut retrouver des évaluations de niveau
régional, l’évaluation d’impacts régionale (ÉIR), et des évaluations selon les secteurs
d’activités économiques, comme l’évaluation d’impacts sectorielle (ÉIS). Dans le pre-
mier cas, il s’agira d’étudier les conséquences régionales des multiples projets pré-
sents ou à venir, alors que dans le second, l’examen se concentrera sur les impacts
31
d’un seul secteur d’activité, le secteur énergétique, par exemple. La figure 1.6 montre
ces différentes extensions possibles de l’évaluation d’impacts.
La place qu’occupe communément l’étude d’impacts dans les processus de déci-
sion n’est sans doute pas très bien définie ni toujours équivalente d’un endroit à un
autre. Les mécanismes décisionnels actuels la relèguent souvent à l’arrière-plan ou
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 1.5
L’évaluation des impacts environnementaux (ÉIE)
et diverses évaluations similaires et apparentées

Évaluation des impacts cumulatifs Évaluation stratégique des impacts

Cumulative Impact Assessment Strategic Impact Assessment

Évaluation des impacts sociaux Évaluation des impacts économiques

Social Impact Assessment Economic Impact Assessment

Participation publique Évaluation de projets

Public Participation Project Evaluation

ÉIE
Évaluation des technologies Audit environnemental

Technology Assessment Environmental Audit

Évaluation des impacts écologiques Évaluation des impacts climatiques

Ecological Impact Assessment Climate Impact Assessment

Évaluation environnementale des risques Évaluation des impacts du développement

Environmental Risk Assessment Development Impact Assessment

dans un rôle plus ou moins


Figure 1.6 accessoire, car, comme l’af-
Divers niveaux d’évaluation d’impacts : firmait Munn (1975): «les
du général (ÉSI) au particulier (ÉIP ou ÉIE) plans de gestion de l’envi-
ronnement qui prévoient
Évaluation stratégique une évaluation des impacts
des impacts
(ÉSI)
à longue échéance boule-
versent sans aucun doute les
mécanismes traditionnels de
Évaluation d’impacts Évaluation d’impacts
régionale sectorielle décision». C’est aussi l’opi-
(ÉIR) (ÉIS) nion des rédacteurs du rap-
32 port Brundtland quant aux
barrières institutionnelles
Évaluation d’impacts
de projet actuelles, notamment celles
(ÉIP ou ÉIE)
des règles du marché
(CMED, 1988).
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

Le défi de l’évaluation environnementale stratégique


Pour faire face aux critiques et afin de relever le défi de l’évaluation des impacts envi-
ronnementaux au cours du XXIe siècle, l’ÉIE doit notamment accéder à un niveau supé-
rieur d’intégration de ses différents processus et outils. Comme l’ont montré plusieurs
études récentes (Buckley, 1998 ; Falque, 1995 ; Partidàrio, 1996 ; Sadler, 1996 et 1998 ;
Therivel et Partidario, 1996; World Bank, 1996), une meilleure intégration des diverses
évaluations (stratégique, régionale, sectorielle et de projet) est nécessaire afin d’améliorer
le processus d’ensemble de l’évaluation d’impacts dans le contexte du développement
durable.
Sans nécessairement alourdir les processus traditionnels de planification, une plus
grande intégration des différents «outils» de l’évaluation d’impacts permettrait de répondre
plus adéquatement aux futurs défis de l’évaluation environnementale, et ce, dans le contexte
général des processus actuels de décision.
En conséquence, l’amélioration de la planification environnementale passe notamment
par l’intensification des liens entre l’évaluation stratégique et l’usuelle évaluation de projet.
Cela ne fait d’ailleurs que s’inscrire dans l’évolution de l’ÉIE constatée au cours des vingt
dernières années, vers un élargissement de la portée et du mandat de l’étude d’impacts
(Jacobs et Sadler, 1991; Lévesque, 1994; Gariépy, 1995). Les législations canadienne
(Environnement Canada, 1995) et québécoise (gouvernement du Québec, 1992; MEF,
1995), à l’instar de la législation américaine qui l’emploie depuis longtemps, favorisent
désormais l’utilisation de l’évaluation stratégique dans les procédures officielles.
De plus, comme le montre un récent document du ministère de l’Environnement du Québec
faisant état de la situation de l’évaluation stratégique au Québec et dans le monde (Risse,
1998), on retrouve un intérêt manifeste des gouvernements en faveur de la mise en place
de l’évaluation stratégique, tant au Canada (ACÉE, 1998) qu’un peu partout à travers
le monde (AQÉI, 1996b ; Porter et Fitipaldi, 1998).

Dans le cadre du développement durable, la prise en compte de l’environnement


devrait être intégrée le plus tôt possible au processus décisionnel. En outre, l’examen
des activités d’un projet ne doit pas se limiter aux seules périodes de construction et
d’exploitation. Elle doit se préoccuper de l’ensemble de ce que l’on nomme le « cycle
de vie» d’un projet. Il s’agit donc de tenir compte de toutes les activités comprises
depuis les premières étapes de la planification et de la conception du projet jusqu’à 33
sa fin ultime, à savoir soit la désaffectation ou réaffectation des installations, soit
l’abandon ou le démantèlement des composantes du projet, soit l’arrêt de l’exploi-
tation de la ressource ou la disparition de l’objectif poursuivi.
L’ÉIE se propose d’intervenir au début de tout processus de planification d’un projet,
car comme l’affirment Jain et coll. (1993): «Environmental impact assessments are
L’évaluation des impacts environnementaux

a logical first step in this process [create the viability of earth], because they repre-
sent the opportunity for man to consider, in his decision making, the effects of actions
that are not accounted for in the normal market exchange of goods and services.»
La mise en œuvre d’un processus d’évaluation environnementale devrait donc inter-
venir le plus tôt possible, car «le moment idéal pour étudier en détail les aspects envi-
ronnementaux, sociaux et autres des nouveaux projets se situe très tôt, dès le stade
de la formulation du projet; l’évaluation des impacts doit se faire parallèlement aux
évaluations économiques et techniques, l’étude des premières devant être intégrée à
celle des secondes» (Munn, 1975).
L’ÉIE est plus efficace lorsque son intervention survient promptement dans le pro-
cessus d’élaboration d’un projet, soit dès le stade de la planification. En effet, le coût
des mesures correctives est d’autant plus onéreux que la réalisation du projet est avancée.
Toutefois, il reste que: «environmental action has traditionnally been poorly co-
ordinated, and planners may usefully bring their skills of mediation and negociation
to bear in the wider task of achieving integrated use of natural resources» (Selman,
1992). Il est à tout le moins essentiel que l’examen des impacts se réalise avant que
des décisions irrévocables ne soient prises (Sadar et coll., 1994). Autrement, le coût
des correctifs éventuels, des dommages environnementaux considérables et de fortes
oppositions pourraient compromettre le projet et sa transformation.
Dans un contexte d’intervention non limité, l’évaluation environnementale peut
être perçue comme un mécanisme essentiel et utile d’aide à la décision. L’amélioration
des projets, consécutive à l’élaboration d’un rapport d’études environnementales, repré-
sente une contribution importante à la gestion de l’environnement. De plus, l’inté-
gration en amont (dès les premières étapes de planification) de la prise en compte
de l’impact environnemental représente souvent une économie appréciable, notam-
ment en ce qui concerne la mise en place de mesures correctrices, d’atténuation ou
de compensation.
L’ÉIE devient aussi un instrument efficace d’aide à la décision dans la mesure ou
elle permet une participation accrue du public dans les processus de décision. Le pro-
cessus d’évaluation peut ne représenter que la recherche d’un compromis acceptable
entre diverses parties, mais il devrait peut-être aussi proposer la recherche d’un consensus
34
minimal. Cette quête, en vue de trouver un consensus ou à tout le moins un large
compromis, repose bien entendu sur une stratégie de négociation. Cela suppose consé-
quemment un minimum d’échange de connaissances, donc un processus d’acquisi-
tion de connaissances et de transfert d’informations, mais aussi une ouverture d’es-
prit relativement aux intérêts et points de vue des autres intervenants. Ces deux aspects
Contexte global de l’évaluation des impacts environnementaux

indispensables à toute réelle négociation devraient être inséparables eux aussi du pro-
cessus d’évaluation des impacts sur l’environnement.
Dans le contexte général de la démocratie, l’ÉIE suppose une certaine forme de
planification et de participation accrue du public au processus habituel de décision.
L’évaluation permet une ouverture démocratique par la participation des citoyens ainsi
que par la défense des intérêts publics et de ceux de la nature. Elle renforce donc les
idéologies favorables à une démocratie participative, mieux que certains autres
moyens, comme la réglementation environnementale, par exemple, trop souvent écha-
faudée entre experts sans autre consultation (Guigo et coll., 1991). Toutefois, la rela-
tive jeunesse du procédé dans la plupart des pays ne se concrétise, lorsque c’est pos-

Figure 1.7
L’intégration du projet dans l’environnement

Les composantes d’un projet ne s’insèrent pas toujours harmonieusement dans leur milieu d’insertion.
35
Cette autoroute surélevée en milieu urbain (Montréal) redécoupe les anciennes limites territoriales parois-
siales et ce, juste devant le parvis de l’église.
Interzone photographie, 1998.
L’évaluation des impacts environnementaux

sible, qu’avec la participation active d’un petit nombre d’individus autour des
groupes de pressions, notamment les mouvements écologistes et humanitaires.
L’ÉIE peut aussi être considérée comme un instrument efficace de propositions
nouvelles au développement, tout en apportant souvent des améliorations fondamentales
à un projet. Toutefois, les résultats de l’évaluation doivent être présentés de manière
à pouvoir être utilisés efficacement dans les processus de décision (Jain et coll., 1993).
Sans cela, l’ÉIE pourrait de nouveau être perçue uniquement comme un «outil
contraignant qui vise à interdire toute forme de développement» (Guigo et coll., 1991).
En fait, le rôle des chercheurs en évaluation environnementale ne consisterait-il pas
pour le moins, selon la formule de Simos (1990), à «trouver une solution satisfaisante
pour les acteurs en présence»?
Enfin, il existe souvent un fossé important entre les volontés exprimées dans la
législation et les actions concrètes mises en œuvre. En pratique, la procédure d’ÉIE
ne joue pas toujours le rôle qu’elle devrait tenir. Elle est alors restreinte à une simple
obligation réglementaire ne remettant nullement en cause les anciennes façons de faire.
Ultimement par contre, l’évaluation des impacts environnementaux, telle que conçue
dans un cadre élargi et non restrictif, c’est-à-dire en intégrant la planification à long
terme, la réduction des impacts environnementaux et l’implication des divers inter-
venants, pourrait devenir un outil important et essentiel du développement durable.

36
Chapitre

2
Processus général d’étude
de l’évaluation des impacts
environnementaux

L e concept de l’ÉIE varie d’un endroit à l’autre et il évolue dans le temps. Chaque
procédure est donc spécifique à son pays ou État d’adoption à un moment donné.
L’application même de la réglementation varie selon l’état d’avancement de la prise
en compte de l’environnement et de la participation publique dans les processus de
gestion des affaires publiques de chacune des parties en cause. Il n’existe pas de défi-
nition univoque et unanimement acceptée de l’ÉIE, il ne peut donc y avoir de
démarche méthodologique générale et universelle. Toutefois, le contexte global dans
lequel s’insère l’ÉIE est fondamentalement similaire d’un endroit à un autre et
conséquemment les diverses procédures sont en grande partie semblables. À partir
des « règles de l’art» en ÉIE, il est possible, au moins en théorie, de proposer un pro-
cessus type, qui grosso modo s’apparente à un processus général d’étude applicable
un peu partout, avec tout de même quelques précautions.
Ainsi, et malgré l’évolution temporelle des concepts et des procédures, il est pos-
sible, voire même souhaitable, à des fins pédagogiques, de délimiter un «processus géné-
rique» d’ÉIE. Ce processus théorique type, que nous proposerons sous la forme d’une
«procédure simplifiée» d’ÉIE, comprend les principales étapes usuelles minimales d’un
processus d’évaluation d’impacts convenable. Nous illustrerons ensuite à l’aide d’un
processus général plus détaillé l’ensemble des opérations successives de l’étude d’un
L’évaluation des impacts environnementaux

projet. Il s’agira en l’occurrence de la procédure américaine d’ÉIE, le plus ancien pro-


cessus d’évaluation.
Toutefois, avant d’examiner le processus même d’évaluation, il faut se pencher
sur les intéressantes relations entre les activités humaines, les effets de ces activités
et les impacts sur l’environnement. Cela permettra de préciser la nature exacte d’un
impact environnemental et par le fait même de mesurer plus justement les consé-
quences des activités de développement sur l’environnement. Comme ils influencent
grandement la portée de l’évaluation, il faut aussi passer en revue les types d’évaluations
et d’évaluateurs possibles.

TYPOLOGIE DES RELATIONS ACTIVITÉS/EFFETS/IMPACTS


L’environnement, même en l’absence d’activités humaines perturbatrices, subit de
perpétuels changements. Le «milieu naturel», de moins en moins discernable du «milieu
aménagé» par l’homme, évolue et se modifie sans cesse. Les modifications de l’en-
vironnement causées par les activités humaines s’ajoutent aux changements naturels.
L’environnement, tant naturel que perturbé ou créé par les humains, est un milieu
dynamique et non pas statique. Afin de rendre compte de la dynamique de l’envi-
ronnement, il est donc insuffisant de ne prendre qu’un instantané du milieu, c’est-
à-dire l’état de la situation à un moment bien précis. Il est préférable de connaître
les tendances et les transformations en cours afin de restituer cette dynamique. Un
milieu donné ne peut donc être représenté ou caractérisé convenablement que par
la connaissance de l’évolution des éléments de l’environnement.
Les changements naturels sont généralement étalés sur des temps longs ou régis
par des rétroactions (feed-back) négatives qui en contrôlent les débordements.
Toutefois, les modifications anthropiques, en plus d’être souvent brusques, sont par-
fois d’une ampleur et d’une intensité supérieures aux mécanismes de régulation natu-
relle. Ce constat a comme conséquence une domination croissante de l’homme sur
l’environnement et l’augmentation des conflits entre les activités humaines et les pro-
cessus naturels de plus en plus fréquemment et gravement perturbés.

38 Interaction activités-effets-impacts
Le terme «impact environnemental» n’a pas partout ni toujours la même définition,
ni la même dénomination, d’ailleurs. Il existe ainsi plusieurs appellations pour des
concepts plus ou moins apparentés de l’«impact». Certains auteurs emploient l’ex-
pression « répercussion environnementale », alors que d’autres préfèrent « incidence
environnementale ». Depuis quelques années, cependant, les termes « effet » et
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

«impact» bénéficient de la faveur de la plupart des experts. Pour la plupart des auteurs,
aucune distinction n’est faite entre ces deux résultats d’une activité, les deux étant
confondus sous une même appellation, variable selon l’auteur choisi. Généralement,
les effets et les impacts ne font pas l’objet d’une distinction bien nette, ni d’un trai-
tement distinct. Ces deux notions sont donc la plupart du temps confondues. Dans
le texte du NEPA, par exemple, ces termes sont synonymes, mais les auteurs semblent
préférer l’emploi d’effets (effects).
Par contre, pour plus de rigueur et afin d’éviter une certaine confusion, il est pré-
férable de différencier les termes «impact» et «effet». Bien qu’elle ne soit pas retenue
actuellement par la majorité des experts, cette distinction entre les effets et les
impacts, introduite par Sorensen (1971) dès les débuts de l’ÉIE, a été reprise et jus-
tifiée peu après par Munn (1977), puis entérinée de nouveau par Simos (1990).
L’interface entre la société et l’environnement est habituellement subdivisée en
deux opérations seulement : les actions humaines et les impacts environnementaux.
Cependant, il est plus adéquat de retenir une typologie composée de trois constituantes:
les «activités humaines», les «effets» des actions et les «impacts sur l’environnement».
Cette distinction en trois temps bien distincts est capitale afin d’estimer correctement
toutes les conséquences environnementales des activités humaines dans leur milieu
d’insertion. En effet, ne considérer que les émissions polluantes d’une installation donnée,
ce qui représente un effet environnemental, sans se préoccuper de l’impact même de
cet effet sur de multiples éléments de l’environnement serait préjudiciable à l’examen
complet des incidences environnementales d’une activité humaine. Dans ce cas bien
précis, les impacts, probablement nombreux, affecteraient les humains, les bâtiments,
la faune, la flore, la qualité de l’eau, etc. Bien sûr, il est souvent plus facile de n’es-
timer que les effets, mais la prise en compte complète et globale de l’impact envi-
ronnemental d’un projet s’en trouve ainsi amoindrie.
Nous croyons donc qu’il est essentiel de séparer l’évaluation des effets de celle
des impacts, et ce, tant d’un point de vue pédagogique que pour la rigueur métho-
dologique même de l’ÉIE. C’est ainsi que nous considérons que les actions humaines
ont, dans un premier temps, des effets sur l’environnement, puis que, dans un
deuxième temps, ces effets engendrent à leur tour des impacts sur l’environnement.
39
Le schéma de la figure 2.1 illustre cette typologie à trois constituants de l’impact envi-
ronnemental. Chacune des activités du projet peut donc avoir un ou plusieurs effets,
et à son tour chacun des effets peut causer un ou plusieurs impacts. Les possibilités
d’effets causés par d’autres effets, ainsi que d’impacts produits par d’autres impacts,
n’ont pas été illustrées ici afin de ne pas alourdir la représentation.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.1
Typologie « activités-effets-impacts » et multiples possibilités d’interactions

Activité
du projet

Impacts
environnementaux
Effets
environnementaux

Activité du
projet
Impacts
environnementaux
Effets
environnementaux

Les activités du projet, ou actions humaines, englobent autant les projets soumis
à l’étude que les projets de loi, les politiques et les programmes. Afin de déceler cor-
rectement et complètement les diverses activités éventuellement perturbatrices, il est
nécessaire de connaître les moindres détails du projet proposé ainsi que tout ce qu’ils
impliquent (Jain et coll., 1993). Une connaissance insuffisante du projet ne permettra
qu’une estimation incomplète ou approximative des activités perturbatrices et consé-
quemment des impacts possibles. La subdivision et le niveau de détails pour les diverses
activités dépendent de l’importance relative de chacune d’elles, mais aussi de l’am-
pleur des effets appréhendés pour chacune. Ainsi, on regroupera les activités simi-
laires et ces regroupements seront d’autant plus vastes que les effets ou impacts anti-
cipés seront mineurs. Par contre, les effets ou les impacts importants d’activités
particulières recommanderont un traitement non regroupé de ces activités.
40
L’effet sur l’environnement peut se définir de façon très générale en tant que pro-
cessus mis en branle ou accéléré par une intervention humaine (Munn, 1975). Selon
Veuve (1988), l’effet environnemental représente la description d’un événement qui
est la conséquence objective de l’action envisagée (l’activité), le déboisement d’une
surface de territoire, par exemple. L’effet représente l’incidence directe d’une activité
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

donnée, il est intimement et uniquement relié à l’activité perturbatrice. L’effet n’est


donc pas lié à un environnement d’accueil. En ce sens et contrairement à la situa-
tion de l’impact, l’effet environnemental peut être totalement indépendant du milieu
environnant dans lequel il se produit. L’émission de 50 mg/m3 de SO2 en provenance
d’une chaudière au charbon, par exemple, constitue un effet environnemental et non
pas un impact. Cet effet reste le même peu importe où il se trouve sur la planète, ce
qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’un impact véritable, ne pensons qu’à l’ampleur
très variable de l’impact des précipitations acides compte tenu de l’inégale sensibi-
lité des sols. Chacun des effets peut aussi provoquer un ou quelques impacts sur l’en-
vironnement, voire des effets secondaires.
L’impact environnemental, quant à lui, représente l’aboutissement de l’incidence
environnementale d’une activité. L’impact sur l’environnement est alors particula-
risé comme étant une modification appréciable (bonne ou mauvaise) de la santé et
du bien-être de l’homme (y compris du bien-être des écosystèmes dont dépend la
survie humaine), qui résulte d’un effet sur l’environnement et qui est lié à la diffé-
rence entre la qualité de l’environnement tel qu’il existerait «avec» et «sans» la même
intervention (Munn, 1975). Contrairement à l’effet, l’impact est donc intimement lié
à son environnement. Il ne peut y avoir d’impact sans la présence d’élément perturbé
de l’environnement. Veuve (1988) précise que l’impact est la transposition subjec-
tive d’effet environnemental sur une échelle de valeurs; il est donc le résultat d’une
comparaison entre deux états: un état qui résulte de l’action envisagée et un état de
référence. L’impact résultant d’émissions de SO2 (un effet, en l’occurrence) corres-
pond à la défoliation des érables, à la détérioration de la pierre de maçonnerie ou aux
problèmes pulmonaires chez les personnes âgées. L’impact environnemental peut être
le résultat direct d’un effet environnemental ou d’une activité, mais il peut aussi résulter
indirectement d’un autre impact environnemental ou d’effets multiples. Nous revien-
drons plus loin sur ces particularités de causalité de l’impact environnemental.
En somme, ce qui différencie l’impact de l’effet, outre sa position dans le temps,
c’est la modification qualitative (positive ou négative) qu’il introduit dans l’envi-
ronnement. L’un des plus grands défis de l’ÉIE est précisément de « mesurer» cette
modification. Cette mesure de l’impact s’estime, se juge et s’apprécie à partir de la
comparaison d’au moins deux états de référence de l’environnement. L’effet envi- 41
ronnemental, par contre, n’est ni bon ni mauvais en soi, il est simplement présent,
en plus ou moins grande quantité.
L’évaluation des impacts environnementaux

Estimation de l’ampleur de l’impact


En ÉIE, il est important de quantifier ou, à tout le moins, de qualifier le changement
induit sur l’environnement par la réalisation des actions projetées. La simple description
indicative des impacts ou des éléments perturbés, voire simplement présents, ne suffit
pas. La caractérisation du milieu n’est nullement l’objectif de l’évaluation des
impacts; elle n’en constitue que l’une des étapes préliminaires.
Compte tenu de la dynamique des éléments de l’environnement, l’ampleur du
changement est dépendante de l’évolution dans le temps. Elle est donc plus ou moins
variable et significative selon le moment choisi. La figure 2.2 montre cette variabi-
lité de l’amplitude de l’impact dans le temps. D’autre part, l’estimation de l’ampleur
s’effectue par comparaison de deux états de l’environnement, un état de référence (évo-
lution sans projet) et l’état anticipé à la suite des modifications (évolution après projet).
Ces deux états sont des situations dynamiques; n’oublions pas que même les roches
évoluent à la longue. Sur ce schéma de l’évolution possible d’un impact, l’évolution
régulière et simplifiée des courbes minimise les variations possibles de ces deux états
de référence. Il s’agit ici d’un exemple type simplifié, la situation d’un élément de l’en-
vironnement est habituellement plus complexe dans la réalité. Le schéma montre tou-
tefois la variation probable de l’ampleur de l’impact dans le temps, une variation crois-
sante (négative), dans le cas présent.
Nous constatons aussi
Figure 2.2 que l’état du milieu varie
Représentation de l’amplitude de l’impact dans le temps, même en l’ab-
sence de projet. Cette varia-
tion présente elle-aussi une
certaine amplitude. La varia-
tion de la qualité de l’envi-
Qualité de l’environnement

P ronnement est donc affectée


Évaluation sans projet par les modifications natu-
A relles ainsi que par celles
Amplitude induites par la mise en place
de l’impact
d’un projet. Il est donc
42 B important de bien déter-
Évaluation avec projet
miner l’état de référence du
milieu de départ et notam-
ment la tendance de l’évo-
Évaluation temporelle de l’écosystème
lution afin de pouvoir mieux
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

estimer les modifications Figure 2.3


induites par le projet. Variation d’amplitude de l’impact
L’évaluation de l’impact vise et de la dynamique possible des états
à mesurer l’importance (ou de référence d’un élément de l’environnement
l’ampleur) de l’impact net,
c’est-à-dire l’écart précis Évolution sans projet
+
entre les deux états consi-
A
dérés, et ce, pour un temps

Qualité de l’environnement
déterminé ou à un moment
bien précis.
Amplitude
La figure 2.3 reprend la de l’impact

présentation de la variabilité
de l’amplitude de l’impact B
environnemental dans le
Évolution avec projet
temps, à partir de la com-
paraison de deux états de –
Évolution temporelle de l’écosystème
référence du milieu. Cette
nouvelle représentation cor-
respond mieux à la complexité réelle de l’évolution d’un élément de l’environnement
dans le temps.

L’interaction effet-impact
La relation entre un effet et un impact varie. Elle est plus ou moins complexe selon
le cas. La variation de l’intensité d’un effet n’entraîne pas nécessairement une varia-
tion proportionnelle de l’intensité de l’impact. Il existe des relations proportionnelles,
ou fonction linéaire, mais aussi des effets d’amplification et des réactions de seuil, toutes
deux propices à des fonctions non linéaires plus ou moins complexes. Schématiquement,
ces diverses fonctions entre l’effet et l’impact peuvent être représentées comme à la
figure 2.4. La figure présente l’évolution temporelle de ces trois différentes fonctions.
La prise en compte de ces relations successives se complique grandement lorsqu’on
ajoute une perspective temporelle. C’est ainsi que l’impact sur un élément de l’envi-
ronnement d’un effet environnemental induit par une activité peut varier selon une 43
fonction linéaire, mais il peut aussi varier selon une fonction non linéaire, voire selon
une fonction non linéaire complexe, ce qui est encore plus difficile à anticiper.
Plusieurs impacts évoluent dans le temps selon des fonctions non linéaires complexes;
c’est notamment le cas lors de rejets polluants dans l’eau ou lors de modifications affec-
tant la distribution et la répartition d’espèces. Bien souvent, l’évaluation d’un élément
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.4 est peu perceptible et peu


Formes typiques de fonctions de la relation significative au départ et
de l’effet et de l’impact jusqu’à un temps donné,
puis peu après, une évolu-
tion considérable se produit.
Ces derniers phénomènes
sont nommés « impacts
IMPACT

Fonction
non linéaire catastrophiques» ou «effets
Fonction
de seuil».
linéaire
Les multiples interac-
Fonction
tions possibles entre les acti-
non linéaire vités, les effets et les impacts
complexe
peuvent être représentées
EFFET comme dans le schéma de la
figure 2.5. Ce schéma montre
qu’à partir de chacune des activités du projet plusieurs éléments environnementaux
peuvent être affectés1. Dans le cas présent, seulement trois éléments sont affectés par
l’une des activités, celle de la construction de la route d’accès. Les effets interviennent
ensuite, au nombre de deux ou trois seulement par élément de l’environnement dans
cet exemple. Puis apparaissent les impacts environnementaux en plus grand nombre;
ils sont eux-mêmes issus des effets.
Dans cette figure la représentation ne respecte pas la succession que nous avions
présentée auparavant vis-à-vis de l’effet qui résulte directement d’une activité avant
de produire un impact, en passant par l’environnement. Toutefois, ces figures per-
mettent d’anticiper l’abondance et la diversité des aspects à traiter ainsi que la com-
plexité du traitement des données, pour des projets d’une certaine envergure. Cela
est d’autant plus vrai que les effets et les impacts indirects, secondaires et cumulatifs
n’y sont pas indiqués.
Le schéma présenté à la figure 2.6 montre par contre la séquence d’interactions
que nous proposons. Cet exemple ne fait intervenir qu’un seul élément de l’envi-
ronnement; il s’agit ici de la forêt, et ce, à partir d’une seule activité perturbatrice.
44
Dans ce cas, trois effets environnementaux seulement ont été identifiés. Puis une série

1. Les éléments de l’environnement englobent toutes les composantes biophysiques et socioéconomiques


comprises par le concept «environnement». Comme cette conception varie d’un endroit à un autre,
la plus ou moins grande portée des aspects humains en cause diffère sensiblement.
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.5
Interactions entre activités, éléments, effets et impacts environnementaux

Activités et Éléments de
Effets Impacts
composantes l’environnement

......
.........
......
.....
......
Arpentage .........
..... ......

Consommation Destruction faune


de territoire Déplacement population
AF F E C TAT I O N
D U SOL Nouvelles Perte d’habitat
affectations Baisse de valeur
Route Perte de valeur
d’accès Éléments
artificiels ******
PAY S A G E
Meilleure vue
Réaménagement
******

Modification bilan hydrique


Déboisement
Perte qualité visuelle
FO R Ê T
Perte biodiversité
Compaction du sol
Diminution densité végétation

Perte fertilité du sol


Chantier ..... Érosion du sol
Engorgement retenues

Source: Adapté de Veuve, 1988.

d’impacts, neuf dans le cas présent, viennent compléter l’identification des incidences
environnementales de l’activité du projet. Une telle présentation peut être fort utile
pour un élément significatif dans l’analyse d’un projet. Le niveau de détails peut en
être amélioré en conséquence de son importance. Certains impacts auraient très bien
pu, par exemple, être indiqués comme étant le résultat d’effets croisés.
L’évaluation environnementale permet donc de connaître, de comprendre et de 45
mieux évaluer et plus complètement toutes les conséquences possibles sur l’envi-
ronnement de la mise en œuvre des activités et des composantes d’un projet. Une
analyse rigoureuse déterminera et évaluera, de façon explicite et détaillée, toutes les
conséquences d’un projet, aussi bien les effets que les impacts, et ce, que ces consé-
quences soient directes, indirectes ou cumulatives.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.6
Interactions d’une activité et ses effets et impacts
sur un élément commun

Activité Effets Éléments Impacts

Modification du bilan hydrique


FO R Ê T
Déboisement Modification des espèces animales
.....
Perte de qualité visuelle

..... Perte de biodiversité

Route Diminution de la densité


Compaction du sol FO R Ê T
d’accès de la végétation
..... Diminution de la nappe phréatique

Perte de fertilité du sol


FO R Ê T
Érosion du sol Engorgement des retenues
.....
Modification de la qualité de l’eau

TYPES D’ÉVALUATIONS ET D’ÉVALUATEURS


Toutes les études d’impacts n’ont pas la même ampleur ni le même objectif précis. La
variété d’évaluations possibles est très grande. Il existe des études globales, comme
lorsqu’il s’agit d’évaluation stratégique d’une politique ou d’un secteur d’activité. Il
existe aussi des études simples et peu élaborées, dans le cas de projets non assujettis à
la procédure complète d’ÉIE, par exemple. Certaines études ont pour objectif priori-
taire d’examiner la validité non pas du projet lui-même mais plutôt celle du rapport
d’examen qui en a résulté. Dans ce cas, il s’agit très souvent d’examen externe, comme
dans le cas d’examens effectués par les organismes de contrôle de la procédure.
Outre la distinction essentielle entre l’évaluation de projet (l’ÉIE) et l’évaluation
stratégique (l’ÉIS) que nous venons de mentionner, ces deux types d’examen diffèrent
aussi en ce qui concerne la profondeur de l’examen de détails. L’ÉIS, étant plus glo-
46 bale que l’ÉIE, est par conséquent habituellement plus générale et moins précise. Il
ne peut en être autrement étant donné l’imprécision concernant les activités appré-
hendées ainsi que la nature précise du milieu d’insertion de celles-ci.
Plusieurs procédures législatives ou administratives font nettement la distinction
entre diverses catégories d’études. Tous les projets ne sont pas assujettis aux mêmes
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

exigences. Il y a couramment des évaluations initiales ou préliminaires comme préa-


lables ou non à l’examen complet et détaillé. Ces évaluations préliminaires sont néces-
sairement plus rudimentaires qu’une étude complète. D’autre part, même pour les études
complètes, il existe diverses catégories d’évaluation. C’est le cas dans la procédure qué-
bécoise d’évaluation et c’est aussi le cas de la procédure appliquée par la Banque mon-
diale. C’est ainsi que cette dernière détermine trois catégories d’évaluations selon le type
de projet. Les projets à plus grands risques de conséquences importantes sur l’envi-
ronnement devant seuls suivre la procédure complète et détaillée, l’évaluation interne
que devra observer le promoteur d’un tel projet sera donc plus rigoureuse et exigeante.

Évaluations environnementales internes


Dans le cadre de sa politique environnementale corporative, l’entreprise Hydro-Québec
entreprit conjointement avec l’entreprise Bell Canada l’élaboration d’une procédure interne
d’évaluation pour le positionnement final et ponctuel d’une partie de ses activités (Bell
et Hydro-Québec, 1994).
Ces évaluations internes sont spécifiques à la construction des réseaux de distribution
des deux entreprises. Ces réseaux sont bien souvent conjoints dans les secteurs résiden-
tiel et commercial. Les composantes directement concernées sont la localisation des poteaux
et des lignes de transmission. La procédure d’évaluation comprend des étapes d’évaluation,
d’intégration des équipements, de consultation et de communication. Ce «code de bonne
pratique» vise à intégrer de manière harmonieuse les équipements dans le milieu bien
précis d’insertion.
La démarche permet de tenir compte des impacts visuels (intégration au paysage), des
impacts fonctionnels (gêne pour d’autres activités) et des impacts sur les éléments sen-
sibles de l’environnement (les éléments habituels tels que décrits dans la méthode d’éva-
luation environnementale pour la construction des lignes et des postes d’Hydro-Québec
(1993a)).

Dans le cas des évaluations externes, plusieurs types sont aussi possibles. Les orga-
nismes de contrôle de la procédure réalisent des évaluations souvent très complètes.
Dans ces cas, il s’agit de vérifier tout d’abord la conformité de l’examen effectué par
les évaluateurs avec les directives exigées (termes de référence), mais aussi afin de fournir
un éclairage complémentaire aux décideurs. Certains groupes d’intervenants et 47
même de simples citoyens réalisent des évaluations de plus en plus complètes afin de
participer avec plus de discernement et de connaissances à l’examen d’un projet et
de tenter d’influencer la prise de décision. Les groupes environnementaux, du local
à l’international, préparent de mieux en mieux leurs interventions. Enfin, les firmes
L’évaluation des impacts environnementaux

ou les promoteurs concurrents peuvent eux aussi participer directement ou par l’en-
tremise d’intermédiaires à la réalisation d’évaluations plus ou moins complètes du projet.
Tous les types d’évaluations que nous venons d’examiner font bien sûr appel à
des évaluateurs. Il existe par conséquent plusieurs types d’évaluateurs possibles. Tous
n’ont pas nécessairement les mêmes objectifs et ils ne défendent pas toujours les mêmes
intérêts. L’évaluateur d’impacts est lui-même l’un des acteurs impliqués dans le pro-
cessus d’évaluation. Chacun occupe une place déterminée dans le processus d’examen.
Certains des évaluateurs sont des agents du promoteur ou d’une firme privée engagée
expressément pour réaliser l’évaluation. D’autres sont les agents du gouvernement,
de l’organisme de contrôle ou d’autres organismes gouvernementaux. À l’opposé,
d’autres sont les agents d’une firme de contre-expertise, de représentants de groupes
de riverains ou d’organismes environnementaux. Enfin, on retrouve le citoyen vigi-
lant et réfléchi ou celui qui se trouve à subir malgré lui les conséquences négatives
de la mise en place du projet.
L’évaluateur, quel qu’il soit, est un acteur important du processus d’évaluation.
Qu’il s’implique de lui-même ou qu’il le soit par l’entremise de son travail, il ne peut
nier complètement ses propres intérêts, ses opinions et ses jugements de valeur. Il ne
faudrait surtout pas sous-estimer l’importance du rôle des humains dans les orga-
nisations. Les lois, les techniques, les normes et la science ne s’expriment que par l’ac-
tion d’humains dans la réalité, même dans les plus sophistiqués des systèmes infor-
matisés. Leur rôle dans la mise en œuvre et le déroulement des affaires publiques est
donc crucial; il ne devrait surtout pas être négligé. De plus, le processus d’évaluation
s’inscrit dans une négociation environnementale qui déborde facilement les consi-
dérations techniques et scientifiques. La nature humaine ne s’agite pas uniquement
de manière objective et rationnelle, et comme jusqu’à maintenant l’évaluateur d’im-
pacts est de cette nature, tout concourt à voir en lui l’un des acteurs majeurs du pro-
cessus d’ÉIE et non un simple exécutant impartial.
Les responsabilités de l’évaluateur d’impacts sont considérables, et ce, d’autant
plus qu’elles sont multiples et parfois contradictoires. En effet, l’évaluateur a d’abord
des obligations envers ceux qui l’emploient : le promoteur, l’organisme de contrôle
ou le groupe d’intervenants. Il a cependant d’autres obligations, tout aussi impor-
48
tantes, vis-à-vis de ses pairs (corporation professionnelle et experts de l’évaluation
d’impacts) et par rapport à la connaissance (scientifique et technique). Finalement,
dans la plupart des cas, il est assujetti, de manière formelle ou informelle, à certaines
règles d’éthique et de respect des sujets mêmes d’études (population actuelle et future).
En conséquence, sa mission est complexe et parfois fort délicate. Son bien-être et sa
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

sérénité seront mieux servis s’il fait preuve d’un esprit critique en toutes choses et
s’il est en mesure d’éviter les situations de dépendance de toutes sortes.

ÉTAPES USUELLES DU PROCESSUS D’ÉTUDE EN ÉVALUATION


DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX
Les procédures d’évaluation des impacts environnementaux sont différentes les unes
des autres, il n’y a pas d’uniformisation comme s’il s’agissait d’une simple pratique
de normalisation du genre ISO (International Standards Organization). Chacune pro-
pose une démarche qui lui est propre, les étapes d’étude ne sont pas partout les mêmes
et la séquence de celles-ci diffère parfois légèrement. Toutefois, chacune des procé-
dures mises en œuvre contient plus ou moins les étapes et la séquence principale du
processus type que nous allons décrire ci-dessous.
Nous examinerons d’abord un exemple simplifié du processus type d’ÉIE.
Comme nous le disions en introduction à ce chapitre, celui-ci comprend néanmoins
les étapes communes et dans un sens minimales à tout processus convenable d’ÉIE.
Nous examinerons ensuite un processus général plus détaillé et plus complet, illus-
trant plus particulièrement les différentes étapes possibles d’examen ainsi que la séquence
probable de celles-ci.

Processus simplifié d’ÉIE


Toute évaluation commence par la planification initiale d’un projet, d’une politique
ou d’un programme. Elle s’achève ensuite par la mise en place des composantes et
des activités prévues, avant de se terminer par la mise en œuvre du suivi. Nous disions
précédemment qu’il est primordial que l’ÉIE débute le plus tôt possible dans le pro-
cessus. Ce peut être dès la planification générale des projets, sans qu’un ou des pro-
jets précis soient alors bien déterminés, comme dans le cas de l’élaboration d’une poli-
tique gouvernementale sectorielle, par exemple. Il s’agira alors d’une évaluation plus
générale et moins détaillée que dans le cas d’un projet bien précis, mais elle pourrait
permettre de contourner certains écueils préjudiciables et parfois fort onéreux si uni-
quement pris en compte à l’étape ultérieure de l’évaluation de projet.
À partir de l’étude d’un schéma simplifié du processus type d’évaluation, nous 49
examinerons les sept étapes communes et, dans un certain sens, minimales à tout pro-
cessus d’ÉIE, tel que suggéré à l’heure actuelle par la plupart des experts. Le schéma
de la figure 2.7 présente de façon simplifiée ces sept grandes étapes éventuellement
incontournables de l’ÉIE.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.7 La première étape


Schéma simplifié du processus d’ensemble représente l’examen du
de l’ÉIE projet à l’étude. Il s’agit d’ef-
fectuer une analyse préli-
minaire mais suffisante du
Projet à l’étude
projet proposé afin d’en
connaître les diverses com-
posantes. Cette compréhen-
Évaluation initiale
sion des différentes activités
afférentes à la réalisation du
Cadrage projet permet d’anticiper ses
multiples implications envi-
ronnementales. Par ailleurs,
Identification la pratique actuelle de l’ÉIE
tend à favoriser une prise
Prédiction en compte précoce des
diverses contraintes admi-
Évaluation
nistratives et environne-
mentales relatives à la réali-
sation même du projet.
Suivi Ainsi, plusieurs procédures
d’évaluation corporatives
intègrent dès le départ ces
préoccupations environnementales en même temps que les questions techniques et
financières, ce qui diminue d’autant les modifications subséquentes du projet.
D’autre part, l’assujettissement du projet et les formalités d’autorisation sont sou-
vent déterminés dès cette étape première du processus.
La deuxième étape, qui est parfois confondue avec la première, représente l’éva-
luation initiale ou préliminaire des impacts environnementaux du projet proposé.
Elle succède habituellement à l’«avis de projet» déposé par le promoteur à l’orga-
nisme de contrôle. En pratique, l’évaluation initiale représente souvent la première
étape du processus d’évaluation, car malheureusement l’état d’élaboration des pro-
50
jets à l’étude est souvent si avancé que la première étape s’avère un peu superflue. Cette
évaluation initiale consiste à analyser les composantes du projet, et ce, de manière
préliminaire afin de déterminer, de prédire et d’évaluer l’impact environnemental du
projet présenté. Les résultats de l’évaluation initiale, couramment nommée screening
(évaluation préliminaire rapide) (Sadar et coll., 1994), permettent, d’une part,
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

d’orienter l’évaluation détaillée qui sera éventuellement réalisée et, d’autre part, de
proposer immédiatement des correctifs au projet.
Les conclusions de cette étape renvoient donc à l’examen du projet et elles en modi-
fient en conséquence l’élaboration initiale. Selon les résultats de l’évaluation initiale,
et selon la procédure en vigueur, plusieurs solutions s’offrent alors pour la poursuite
du cheminement de l’étude. Le projet pourrait être accepté immédiatement, soit tel
que proposé, soit avec des modifications mineures. Dans ce cas, cette évaluation ini-
tiale représente en fait une évaluation «finale et complète» du projet. Par contre, le
promoteur pourrait être dans l’obligation de revoir l’élaboration du projet présenté
et on retournerait alors à la case de départ. Enfin, l’étude du projet initial pourrait
se poursuivre et on passerait alors aux diverses étapes de la phase d’évaluation
détaillée du projet. À l’occasion, le projet est tout simplement abandonné dès cette
étape.
La phase proprement dite de l’évaluation des impacts ou d’examen détaillé com-
prend les quatre étapes suivantes: le cadrage, l’identification, la prédiction et l’éva-
luation. Ces étapes représentent généralement le cœur de l’ÉIE et bien sûr la partie
qui nécessitera le plus d’efforts, de temps et de moyens.

Code de l’environnement corporatif


L’entreprise Hydro-Québec, l’un des dix plus grands producteurs d’électricité de la pla-
nète, a adopté une politique environnementale complète à la fin des années 1980 (Hydro-
Québec, 1987). À partir des objectifs de cette politique et afin de devenir une corpora-
tion plus soucieuse de l’environnement dans ses multiples activités, l’entreprise adopta
un code de l’environnement au début de la décennie suivante (Hydro-Québec, 1991).
Ce code de bonne pratique énumère une série de moyens à mettre en œuvre lors des acti-
vités de planification, de construction et d’exploitation de l’entreprise. Sans aucunement
faire fi des règlements en vigueur, le code de l’environnement propose une démarche et
des mesures à prendre, afin de tenir compte de l’impact éventuel des infrastructures et
des activités de l’entreprise sur l’environnement.
Dans le prolongement de cette prise de conscience corporative, l’entreprise élabora aussi
une série de guides d’évaluation en ÉIE, comme une méthode d’évaluation environne-
mentale pour la construction des lignes et des postes (Hydro-Québec, 1993a).
51

Cet examen détaillé du projet débute de plus en plus par une procédure dite de
«cadrage» (scoping), aussi nommée «détermination du champ» de l’examen (Sadar
et coll., 1994). Il s’agit plus précisément d’un processus de hiérarchisation des enjeux
L’évaluation des impacts environnementaux

mis en cause par le projet à l’étude. Cet exercice de hiérarchisation vise à déterminer
les aspects les plus significatifs à étudier. Il a donc pour objectif d’orienter le plus effi-
cacement possible les efforts de l’examen détaillé complet qui doit suivre. Habituellement,
cet exercice de planification et de hiérarchisation des enjeux de l’examen détaillé à
effectuer est la conséquence directe de l’interprétation des résultats de l’évaluation
initiale (screening) à partir de l’expertise même des évaluateurs. En ce sens, cette étape
est parfois confondue et intégrée à la précédente.
L’identification consiste à parfaire l’analyse préliminaire de l’évaluation initiale.
Elle vise une compréhension complète et détaillée du projet et de l’environnement
à l’étude. Il s’agit d’abord de relever précisément les diverses composantes du projet,
c’est-à-dire les diverses activités, les procédés de fabrication et les émissions probables
ainsi que les composantes reliées à l’élaboration et à la réalisation complète. Cela com-
prend les activités de toutes les phases de réalisation du projet. Il s’agit ensuite d’iden-
tifier et de décrire les divers éléments de l’environnement, à savoir les éléments bio-
physiques tout autant qu’humains, pouvant être affectés par la mise en œuvre du projet.
Cette dernière opération est communément nommée «caractérisation du milieu».
On fait ici appel aux connaissances des diverses disciplines engagées dans l’étude, bio-
logie, chimie, physique, géologie, sociologie, géographie, histoire, économie, anthro-
pologie, archéologie, etc., afin de dresser l’inventaire des divers éléments. Il s’agira ensuite
de relier ces deux premières études afin de déterminer les interactions entre les acti-
vités du projet et les éléments de l’environnement. Le résultat constitue l’identifica-
tion des impacts potentiels.
L’étape de la prédiction, nommée aussi «estimation», consiste à caractériser l’im-
pact des activités ou des effets environnementaux prévus sur les diverses composantes
de l’environnement. Il s’agit d’estimer l’ampleur appréhendée des modifications que
subiront les éléments de l’environnement à la suite de la réalisation du projet. Les impacts
identifiés lors de l’étape précédente sont alors réexaminés de manière à en connaître
l’évolution prévisible dans le temps, c’est-à-dire pour la durée de vie du projet.
L’estimation des modifications anticipées se fait à partir d’indicateurs (descrip-
teurs/critères) spécifiques à chacun des objets d’étude. Ces indicateurs sont déterminés
lors de la réalisation des inventaires de l’étape précédente. Le résultat de cette étape
52
représente la somme des études particulières exécutées pour chacun des impacts appré-
hendés. L’étape de la prédiction peut aussi permettre l’émergence d’impacts non prévus
lors de l’identification préliminaire. Cela entraînera nécessairement de nouvelles études
ou, à tout le moins, une nouvelle formulation des résultats de l’identification.
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

L’étape de l’évaluation proprement dite est sans contredit l’étape déterminante


pour la prise de décision, qui n’interviendra bien entendu qu’à la fin de l’examen.
Elle est aussi celle qui repose le plus sur des données subjectives ou incomplètes. Le
jugement et les valeurs des évaluateurs sont ici prédominants, malgré le recours à des
méthodes «rigoureuses». Il s’agit d’évaluer l’importance des impacts et, éventuelle-
ment, de présenter ces résultats sous une forme plus ou moins uniforme afin de servir
la prise de décision finale. L’étape de l’évaluation attribue une valeur positive ou néga-
tive aux impacts et introduit habituellement une cotation explicite, ou à tout le moins
implicite, de l’importance ou de la valeur des impacts potentiels. Le terme «évalua-
tion » fait référence au jugement qui est porté quant à l’importance, plus ou moins
grande, de chacun des impacts identifiés et ultimement à l’impact global du projet.
L’évaluation est aussi l’étape de recommandation des mesures d’atténuation afin
de minimiser les impacts incontournables, ainsi que des mesures de compensation
pour les impacts résiduels, c’est-à-dire non atténuables. Cette étape permet ainsi une
rétroaction sur le projet à l’étude. La reformulation du projet initial pourrait alors
être recommandée afin de tenir compte des résultats obtenus lors de l’évaluation. Lors
de l’évaluation, il est possible de revenir sur les étapes antérieures et, plus particu-
lièrement, sur l’identification des impacts non prévus initialement. La prise de déci-
sion quant à la réalisation ou non du projet repose en grande partie sur le jugement
porté sur l’importance des impacts anticipés. Cette étape est donc cruciale pour l’avenir
du projet, tout comme pour celui de l’environnement en cause.
Finalement, la dernière étape du processus, celle du suivi, représente en fait une
étape qui ne sera mise en œuvre qu’à la suite de la réalisation du projet. Elle est sub-
divisée en au moins deux, sinon trois sous-étapes. Le rapport d’évaluation des
impacts environnementaux doit habituellement contenir un programme de suivi.
Idéalement, cette étape du suivi se poursuit tout au long de la durée d’exploitation
du projet jusqu’à son stade ultime, à moins que le retour à l’« équilibre du milieu»
rende obsolète l’opération. Le rapport d’ÉIE comprend généralement un programme
de surveillance des travaux et un programme de suivi des activités d’exploitation. Une
troisième sous-étape souhaitable dans la majorité des cas, celle de l’évaluation post-
projet, est rarement présente dans le rapport final et presque jamais réalisée.
53
Les résultats de cette ultime étape, qui seront plus ou moins significatifs selon
l’ampleur et le sérieux du programme de suivi, permettent un dernier retour sur le
projet. En effet, l’amélioration de la performance des mesures d’atténuation et l’ajus-
tement de certaines composantes du projet sont toujours possibles en cours d’ex-
ploitation. Le meilleur avenir pour les résultats des programmes de suivi reste tou-
tefois de pouvoir servir à améliorer l’évaluation et l’élaboration des projets futurs.
L’évaluation des impacts environnementaux

En ce sens, trois aspects de l’ÉIE profiteraient amplement des enseignements du suivi.


Il s’agit d’abord de la vérification des évaluations et des prédictions concernant les
impacts anticipés par rapport aux impacts qui se produisent réellement à la suite de
la mise en place du projet. Il s’agit ensuite de la validation des modèles et des théo-
ries employés dans l’étude, une question intimement liée à la précédente. Enfin, la
confirmation ou non du bien-fondé des mesures d’atténuation mises en place peut
être vérifiée. Des études d’impacts sont réalisées depuis une trentaine d’années; pour-
tant, nous sommes encore sans trop de réponses complètes et indubitables concer-
nant chacun de ces trois aspects essentiels de l’ÉIE.

Processus général de l’ÉIE


Le processus pionnier du NEPA peut être présenté comme un processus type large-
ment suivi par une grande partie des procédures d’évaluation des impacts environ-
nementaux. Le schéma présenté à la figure 2.8 montre les grandes étapes de ce pro-
cessus typique d’ÉIE. Le cheminement complet et les diverses interactions (rétroactions)
possibles de l’étude d’un projet sont clairement exposés ici. La présentation est plus
détaillée que sur la figure précédente, notamment en ce qui concerne les diverses prises
de décision possibles.
Dans la situation présente, l’examen débute avec la présentation du projet pro-
posé. Quoique la procédure américaine englobe depuis longtemps l’évaluation des
politiques et des programmes, il s’agit d’un processus d’ÉIE un peu plus restreint que
celui qui présenterait aussi l’évaluation stratégique, puisqu’il débute par l’examen d’un
projet précis. Cette représentation schématique générale du processus d’ÉIE met par-
ticulièrement en évidence les étapes successives d’examen. Au centre de la figure, on
retrouve les principales étapes d’ÉIE: l’identification, la prédiction, l’évaluation et le
suivi. Elles font suite aux étapes d’«évaluation environnementale initiale» (screening)
et de cadrage (scoping). Le cheminement possible de l’examen, entre le moment de
dépôt du projet et celui de sa réalisation en passant par l’évaluation détaillée, est ici
très bien illustré. Les diverses prises de décision concernant la marche à suivre pour
chaque projet particulier sont clairement indiquées. Il en est de même des différentes
rétroactions possibles sur les étapes ultérieures de l’examen, ainsi que pour les rac-
54 courcis éventuels.
D’un autre point de vue, le déroulement possible de l’examen d’un projet est
présenté au schéma de la figure 2.9. Ce schéma présente de manière circulaire le pro-
cessus complet, de son élaboration première jusqu’à son exploitation (opération),
sans oublier l’ultime mais rare suivi postprojet. Chacune des onze étapes possibles
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.8
Schéma général du processus d’ÉIE aux États-Unis

Pas d’ÉIE
exigée
Projet
proposé

Évaluation
Indéterminé
environnementale

ÉIE
exigée

Cadrage

Identifier les impacts

Prédire les impacts

Évaluer les impacts

Suivi et mesures
d’atténuation

Révision Rapport préliminaire


d’évaluation

Rapport final
Approuvé d’évaluation Modification

Projet
rejeté

Réalisation du projet

Suivi
55
Source: Traduit et adapté de Wathem, 1992.

du processus d’examen fait habituellement l’objet d’un document officiel particu-


lier, soit de la part du promoteur, soit des autorités et des organisations de contrôle.
L’utilité finale d’un tel processus itératif est très bien exposée ici, à savoir l’amélio-
ration continue des évaluations.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.9
Déroulement possible d’une étude,
de l’élaboration initiale au suivi postprojet

oui
Assujettissement

Avis
de projet non Directive

Élaboration Études d’impacts


du projet

Contrôle
Suivi postprojet

Commission
Autorisation d’étude
Exploitation
Mise en œuvre oui
non

Durée du processus de l’ÉIE


La durée du processus d’ÉIE varie sensiblement d’une procédure à une autre. Elle varie
bien sûr en fonction de l’ampleur et du type de projet, ainsi que par rapport à la com-
plexité du milieu affecté. La durée s’allonge donc substantiellement lorsqu’il s’agit d’un
projet d’envergure, soit en raison de la taille des activités ou des composantes, soit
en vertu de ces multiples implications. De plus, le genre d’assujettissement du projet
(étude préliminaire, examen détaillé, audience publique, etc.) affectera la durée
d’examen.
La figure 2.10 montre l’étalement temporel du processus américain d’ÉIE. La durée
minimale de l’ensemble du processus complet est fixée à sept mois. Certaines étapes
du processus peuvent varier de façon importante à partir d’une période minimale,
56 alors que d’autres sont d’une durée fixe. L’ampleur du projet à l’étude et l’importance
des implications de celui-ci, notamment de certains enjeux et de la participation
publique, déterminent habituellement la durée même du processus qui sera néces-
saire à un examen complet et satisfaisant. L’examen d’un modeste agrandissement
d’une marina existante est habituellement d’une durée plus courte que celui d’une
nouvelle centrale nucléaire ou d’une autoroute en plein centre-ville.
Processus général d’étude de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 2.10
Étapes et délais du processus fédéral américain du NEPA

Planification des possibilités, avis Audiences Révision

Résoudre et résumer
les commentaires
de projet et étude sommaire publiques du rapport
d’étude
Min. 15 j.
Enseignement
dans l’agence
Commentaires
d’autres agences
et du public

Rapport d’étude d’impacts

rapport d’étude d’impacts


Rapport d’étude d’impacts

Rapport de la décision
Présentation finale du
+ commentaires reçus
Rapport d’étude
d’impacts public

par les agences


intra-agence

3 mois ou + selon la taille du projet 30 jours ou + Minimum de 45 jours 15 j. ou + Période d’attente


de 30 jours

Minimum de 90 jours

7 mois ou +

Source : Traduit et adapté de Jain et coll., 1993.

Dans ce schéma temporel, les diverses prises de décision inhérentes à tout pro-
cessus d’ÉIE ainsi que les différents acteurs impliqués sont clairement identifiés. L’on
constate que le processus d’ÉIE est beaucoup plus étendu que la rédaction même du
rapport d’évaluation. Il s’étend des premières étapes d’évaluation jusqu’à la décision
en faveur ou non de la réalisation du projet, en passant par la remise finale du rap-
port d’évaluation. La décision finale de réaliser ou non le projet est en fait extérieure
à l’évaluation elle-même. Rappelons que le rapport d’évaluation n’est habituellement
qu’une des composantes essentielles contribuant à la décision.
L’ÉIE oriente bien sûr cette prise de décision, mais la décision elle-même n’est
pas une étape à proprement parler de l’évaluation accomplie par les évaluateurs. Comme 57
nous l’avons mentionné précédemment, les évaluateurs ne peuvent que présenter les
meilleurs arguments en faveur ou à l’encontre de la réalisation du projet, ainsi que
des recommandations à cet effet. La prise de décision est exécutée par d’autres, soit
par les autorités compétentes mandatées à cet effet, soit en bout de ligne par le pro-
moteur qui décide lui-même de retirer, de modifier ou de réaliser son projet.
Chapitre

3
Procédure particulière d’examen
de l’évaluation des impacts
environnementaux

L a valeur de la procédure d’évaluation des impacts environnementaux est subor-


donnée à l’importance de la conscience environnementale. Plus grande sera la valeur
attribuée à l’environnement et plus importante sera l’acceptabilité sociale de l’ÉIE.
La place accordée à l’ÉIE dans l’ensemble de la gestion des affaires humaines varie
aussi en fonction de l’importance des opérations de planification et de l’état de démo-
cratisation de chaque société. Bien entendu, la mise en place de procédures d’ÉIE n’est
que le premier jalon d’une prise en compte véritable de l’environnement dans les pra-
tiques de développement. L’application des dites procédures demeure ensuite un défi
parfois difficile à gérer.
Chaque procédure d’ÉIE se particularise par rapport aux autres, notamment en
ce qui concerne l’étendue des domaines d’intervention, le type de projets soumis, l’en-
vergure et la portée de la procédure elle-même ainsi que la place de la participation
publique dans le processus. En conséquence, le cadre législatif, réglementaire ou admi-
nistratif diffère sensiblement d’un endroit à un autre. Nous examinerons donc un
certain nombre de procédures particulières d’examen, et ce, afin de parcourir autant
que possible l’ensemble des possibilités offertes.
Certains pays disposent de plus d’une procédure d’évaluation. Le partage du pou-
voir entre plusieurs paliers de gouvernement, autorités locales, régionales et nationales,
L’évaluation des impacts environnementaux

en est la source. Au Canada, ainsi que pour la plupart des pays fédératifs ou confé-
dératifs comme les États-Unis, l’Australie, l’Allemagne ou la Suisse, il existe une pro-
cédure fédérale applicable à l’ensemble du pays, ainsi qu’une douzaine de procédures
régionales (provinces et territoires) et plusieurs procédures locales ou spécifiques (muni-
cipalités et régions autochtones). De plus, des procédures administratives (ministères
et organismes gouvernementaux) et corporatives (grandes entreprises et associations)
apparaissent aussi en grand nombre depuis quelques années. À côté de la législation
officielle, il existe donc un ensemble de procédures administratives qui déterminent
ou imposent une démarche complète ou partielle d’ÉIE, tant dans le domaine public
que dans le secteur privé. Du côté de l’État, il peut s’agir de normes ou de pratiques
issues d’une politique gouvernementale, d’une procédure administrative de l’État ou
du respect d’une convention internationale. Dans le secteur privé, cela concerne avant
tout l’autorégulation des grandes entreprises privées en matière d’environnement (poli-
tique environnementale corporative, code de bonne pratique environnementale et guide
de procédure d’ÉIE).
En plus de cette variété de procédures, l’examen d’un projet varie aussi selon les
conditions particulières d’assujettissement d’un projet. L’examen exigé varie aussi en
fonction du type et de l’ampleur du projet en question. Pour une même procédure,
tous les projets ne sont pas obligatoirement soumis aux mêmes exigences, celles-ci
peuvent être plus ou moins sévères. Le déploiement de l’étude à l’ensemble des phases
de préparation et de réalisation du projet est lui aussi très variable selon les cas. Il
n’est pas rare de constater que les phases de planification et de conception des pro-
jets, ainsi que celle de la fermeture des installations, ne laissent que très peu de place
à l’évaluation des impacts environnementaux, sinon aucune. Ces phases importantes
de la planification d’un projet ne font alors pas partie de l’examen de l’ÉIE. Cette situa-
tion déplorable de la portée de l’ÉIE dans une optique de développement durable l’em-
porte néanmoins à l’heure actuelle.
Depuis quelques années, nous assistons à une véritable extension et à une rela-
tive uniformisation des procédures d’évaluation des impacts environnementaux. Cela
est grandement attribuable à la mondialisation des marchés, là comme ailleurs, mais
surtout à l’influence des organismes internationaux et à la montée universelle des pré-
60 occupations concernant le développement durable. Originellement employée dans
certains pays occidentaux, l’ÉIE se répand peu à peu à l’ensemble des pays. L’engoue-
ment récent de son utilisation n’est sans doute pas étranger à la mise en place de pro-
cédures bien définies d’ÉIE de la part des grands bailleurs de fonds internationaux,
notamment par la Banque mondiale. Cette dernière initiative entraîna, et incite encore
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

aujourd’hui, les pays retardataires à mettre en place des procédures d’évaluation des
impacts environnementaux.
Enfin, le temps apporte parfois des modifications substantielles. L’évolution des
idées et des pratiques poursuit son œuvre. C’est ainsi que les pratiques actuelles sont
habituellement plus complètes que celles d’il y a vingt ans. Souhaitons seulement qu’on
pourra réitérer cette affirmation en 2020.

GENÈSE ET HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION


La législation environnementale est parfois ancienne. Les autorités de la Rome
antique s’occupaient fort bien de certains problèmes environnementaux en milieu
urbain, comme l’approvisionnement en eau potable et les rejets d’eaux usées.
Toutefois, cette législation pionnière ne concernait alors que certains des aspects par-
ticuliers et limités de l’environnement. Au Moyen Âge, les fumées de la combustion
du charbon préoccupaient les autorités et le législateur avait à plusieurs endroits, notam-
ment à Paris et à Londres, émis des directives préventives à leur endroit. Certaines
autorités municipales réglementèrent ensuite les domaines de la santé et de la salu-
brité publique. Il existe donc depuis très longtemps parfois des normes et des pra-
tiques concernant les déchets et l’eau potable. Déjà dans l’Antiquité, comme nous venons
de le dire, Rome avait dû réagir avec vigueur vis-à-vis de ces deux questions essen-
tielles dans les milieux intensément urbanisés. D’autre part, la première réserve natu-
relle était inaugurée en Allemagne dès 1836, puis les États-Unis instaurèrent leur pro-
gramme de parcs nationaux à la fin du XIXe siècle, s’affirmant ainsi comme l’un des
pionniers de la conservation de l’environnement. Puis, au XXe siècle, d’autres légis-
lations particulières apparurent progressivement. Elles s’adressent à des domaines anciens
ou nouveaux de l’environnement. Parmi les nouveaux domaines d’intervention, on
retrouve ceux reliés aux problèmes de pollution de l’air et de l’eau qui se générali-
sent, ainsi qu’à la gestion des déchets, des richesses naturelles et des ressources de la
faune et de la flore.
La prise en compte de l’environnement est donc ancienne, mais il s’agissait à ses
débuts de législations partielles fort incomplètes. Ce droit fragmentaire ne s’appli-
quait que de manière spécifique à une ou à quelques-unes des composantes de l’en- 61
vironnement ou des problèmes environnementaux alors admis. La prise en compte
globale et complète de l’environnement n’existait nulle part. Comme nous l’avons
vu précédemment, la prise en compte globale de l’environnement est une orienta-
tion plutôt récente. En fait, ce n’est qu’avec la mise en place du «National Environmental
Policy Act» (NEPA), aux États-Unis à la fin des années 1960, que les préoccupations
L’évaluation des impacts environnementaux

environnementales furent envisagées pour la première fois de manière globale. Le NEPA


fut adopté par le gouvernement fédéral américain à la fin de l’année 1969. La politique
environnementale américaine, entrée en vigueur le premier janvier 1970, ne fut rema-
niée qu’à quelques reprises depuis, sans toutefois remettre en cause ses fondements.
Pour sa part, l’évaluation des impacts environnementaux ne fait officiellement
son apparition, elle aussi, qu’avec la promulgation du NEPA. Antérieurement, ce concept
inconnu ne trouvait des applications que de manière fragmentaire et indirecte,
notamment par les «codes de bonne pratique». C’est ainsi qu’un ancien décret de
Napoléon, le Décret sur les établissements classés de 1810, proposait une série de mesures
représentant une saine façon de faire, en somme un code de bonne pratique envi-
ronnementale avant la lettre.
La première législation environnementale complète, celle qui par ailleurs instaurait
la procédure de l’évaluation des impacts environnementaux, fut donc celle mise en
place aux États-Unis en 1970 par le NEPA. Plusieurs des législations sectorielles anté-
rieures, telles celles concernant la qualité de l’air et de l’eau, fournissent alors les bases
de la nouvelle réglementation globale mise en vigueur. Toutefois, les autorités japo-
naises avaient promulgé en 1967 une loi nationale sur le contrôle de la pollution de
l’environnement.
L’acte législatif américain requiert l’incorporation des préoccupations environ-
nementales dans les administrations fédérales, et conséquemment la préparation d’études
d’impacts pour tout projet ou programme importants issus de l’administration fédé-
rale. La législation fédérale américaine poursuivait aussi un autre but, plus implicite
celui-là. L’administration fédérale espérait que son initiative allait inspirer une
pareille prise en charge de l’environnement par les administrations régionales (États),
le NEPA devant servir d’exemple et d’incitatif en la matière. Le gouvernement
fédéral canadien reprendra à son compte cet objectif d’exemplarité, sans pour autant
légiférer en ce sens avant 1995.
Les trois grands éléments contenus dans le NEPA sont:
• l’introduction d’une politique nationale de l’environnement;
62 • l’élaboration de procédures afin de réaliser les objectifs;
• la création du US Council on Environmental Quality (CEQ).
L’obligation de réaliser une évaluation des impacts environnementaux (Environmental
Impact Assessment (EIA)) est une partie intégrante de la procédure. L’étude est
requise pour certains types de projets seulement. L’évaluation américaine, ou plus
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

précisément le rapport d’évaluation d’impacts (Environmental Impact Statement


(EIS)) devait comprendre les éléments suivants:
• la description des impacts des activités projetées ;
• le relevé des impacts inadmissibles;
• la description des solutions de rechange proposées ;
• le relevé des effets à court terme et leur relation avec le développement de la
productivité à long terme;
• les conséquences irréversibles et irréparables sur les ressources.
Nous n’examinerons pas plus en détail la procédure fédérale américaine mise en
place par le NEPA1, car, d’une part, les deux schémas présentés aux figures 2.8 et 2.10
du chapitre précédent décrivaient fort bien le processus américain et, d’autre part,
les procédures canadienne et québécoise d’ÉIE, et dans une certaine mesure la pro-
cédure guinéenne, des démarches semblables à la procédure américaine, seront
exposées au cours du présent chapitre2.

CADRE LÉGISLATIF, RÉGLEMENTAIRE ET CORPORATIF


Le droit est un domaine en soi conservateur, c’est-à-dire que la législation représente
un compromis, exceptionnellement un consensus, intervenu à un moment donné du
processus politique au sein de l’ensemble d’une société. Le droit représente donc un
accord de principe intervenu à un moment bien précis dans le temps, mais qui peut
se perpétuer sur de longues périodes, alors que les réalités qu’il espère cerner se modi-
fient sans cesse. Le droit environnemental, malgré la juvénilité de la majeure partie
de ses éléments, ne fait pas exception à cette règle; il n’est par conséquent que le reflet
d’un « compromis » intervenu à un moment donné.
Le droit est ainsi un instrument de stabilité, en ce sens qu’il ne varie que très len-
tement, les changements dans la société n’apportant que plus tard des modifications
législatives et réglementaires. La mise en place de procédures, de normes et d’exigences

1. Le conseil américain sur la qualité de l’environnement (Council on Environmental Quality (CEQ)) 63


publiait récemment un bilan des vingt-cinq premières années de mise en œuvre du NEPA: CEQ,
1997. «The National Environmental Policy Act : A Study of Its Effectiveness After Twenty-Five Years».
2. En ce qui concerne les multiples législations qu’on retrouve sur l’ensemble de la planète ou pour
se renseigner sur une procédure particulière qui nous intéresse, nous conseillons la consultation
d’ouvrages de référence comme l’«International Environmental Law Digest» (Adede, 1993) ou
l’«International Environmental Law Special Report» (Government Institute, 1992).
L’évaluation des impacts environnementaux

particulières est l’un des aspects les plus importants de cette stabilité résultante du
droit. Lorsqu’il est clairement exprimé et largement diffusé, le droit constitue alors
une rassurante orientation des pratiques. Cela oblige tous les intervenants à agir dans
un cadre bien déterminé, mais celui-ci est connu de tous et présumé stable, au moins
jusqu’à une éventuelle réforme.
La législation, comme la réglementation qui en est issue, demeure toutefois en
vigueur au-delà des réalités qu’elle croit encore représenter. Pour les progressistes, notam-
ment la plupart des groupes de citoyens, le droit est souvent perçu comme un domaine
d’intervention publique constamment en retard sur les préoccupations du moment;
alors qu’au contraire, pour les traditionnels, et tout particulièrement pour plusieurs
promoteurs, la législation devancerait plutôt les possibilités d’intervention. Le droit
environnemental, malgré l’importante évolution des dernières années, n’échappe pas
à cette réalité, bien au contraire. Ainsi, le récent débat au sujet de la nouvelle législa-
tion québécoise en évaluation d’impacts présente très bien en son sein l’opposition
entre les divers tenants du développement durable et les défenseurs du développe-
ment économique libéralisé des interventions de l’État. Le droit environnemental ali-
mente en somme l’inépuisable controverse entre les intérêts privés et l’intérêt public.
L’introduction du droit environnemental dans un nouveau pays, tout particu-
lièrement dans les «pays en voie de développement», apporte ou implique parfois
de sérieux remaniements dans les façons de faire. Cela est particulièrement vrai en
ce qui concerne l’ÉIE, tant pour les pays qui ne disposent que de faibles assises démo-
cratiques que là où les impératifs du développement escamotent encore les considé-
rations environnementales. Les impératifs du développement, tout comme les struc-
tures traditionnelles de pouvoir, s’opposent encore plus fortement au plein et complet
épanouissement de l’évaluation intégrale des impacts des projets de développe-
ment. L’absence presque totale de groupes de pression voués tant à la défense des droits
de l’environnement que des citoyens limite grandement toute prise en compte véri-
table de l’ÉIE. Lorsque le pouvoir est fortement hiérarchisé et concentré entre peu
d’acteurs, la portée de l’ÉIE est plutôt limitée comme processus de planification et
de participation publique.
Le droit environnemental, toujours en cours de formulation, est fragmenté en
64
champs d’application et en domaines de compétence à l’intérieur même de l’ensemble
du droit. Différents domaines environnementaux recoupent divers domaines du droit
classique et cela pose souvent des problèmes et des contraintes de juridiction. C’est
ainsi que l’instauration d’une législation globale sur l’environnement, par exemple
la mise en place d’une loi nationale sur la protection de l’environnement, devra recouper
et regrouper diverses législations antérieurement régies sous des domaines et des
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

responsabilités très diversifiés. Cette situation pose déjà et posera sans doute encore
longtemps des limites et des contraintes à une pleine responsabilité du droit envi-
ronnemental. Toutefois, la mise en place d’une politique globale de l’environnement
atténue l’importante fragmentation de son champ d’application. La mise en place d’une
législation en ÉIE exige précisément une grande intégration d’ensemble. Cette inté-
gration concerne d’abord les multiples administrations impliquées par le processus
d’examen. D’autre part, elle implique un regroupement des multiples législations et
réglementations sectorielles qui régissent les éléments de l’environnement et les acti-
vités génératrices d’impacts.
L’éparpillement du droit environnemental est parfois accentué par le partage des
compétences entre divers paliers de gouvernement. Nous avons mentionné que c’est
le cas au Canada et au Québec avec une répartition des responsabilités entre les divers
organismes du pouvoir fédéral et ceux des autorités provinciales et municipales. C’est
aussi le cas de la plupart des pays où plusieurs niveaux de gouvernement se partagent
là aussi les responsabilités. Dans la plupart des «pays en voie de développement», la
situation est parfois compliquée par la présence de pouvoir traditionnel en parallèle
aux institutions modernes officielles.

De petits impacts qui deviendront grands


L’on croit à tort que seuls les grands projets de développement affectent sérieusement
l’environnement. L’accumulation de petits travaux, en apparence anodins pris séparé-
ment, peut parfois avoir des impacts plus considérables que de vastes projets. D’autant
plus que la plupart des travaux mineurs, en vertu du seuil d’assujettissement, notam-
ment, ne sont pas soumis à la procédure détaillée d’évaluation d’impacts.
C’est ainsi que la plupart des travaux mineurs d’aménagement de la grande majorité
des petits cours d’eau (petites rivières et ruisseaux) des régions agricoles de la vallée du
Saint-Laurent n’ont pas fait l’objet d’une grande attention de la part des autorités, notam-
ment en ce qui concerne la procédure québécoise d’évaluation d’impacts. Les travaux
en question comprennent le creusage, la déviation, l’élargissement, le redressement et
la transformation en fossés. Pourtant, au cours des cinquante dernières années, plus de
17000 cours d’eau, qui bout à bout s’allongeraient sur plus de 50000 kilomètres, auraient
été ainsi touchés d’une manière quelconque.
Source: Bisson, B., La Presse, 12 mai 1999: A-21. 65

La réalisation d’une étude d’ÉIE doit tenir compte d’une multitude de lois et de
règlements autres que ceux spécifiquement dédiés à cet effet. Au Québec, par
exemple, le recueil de lois et de règlements sur l’environnement comprend quatre lois,
L’évaluation des impacts environnementaux

dont celles sur les pesticides et la conservation de la faune, ainsi que vingt-quatre règle-
ments d’application. Il faudrait aussi y ajouter les 130 lois et règlements sur la faune
et les parcs, comprenant des sujets comme les oiseaux migrateurs, les parcs, les pêche-
ries et les droits de chasse. En outre, certains aspects de l’examen concernent d’autres
domaines d’application, comme la Loi sur les biens culturels, celle sur la protection
du territoire agricole ainsi que celles sur l’expropriation et la protection des personnes
et biens en cas de sinistre. De plus, 63 lois et règlements du gouvernement du Canada
concernent en tout ou en partie le domaine fédéral d’intervention environnemen-
tale, dont la Loi sur les produits dangereux, celle sur les ressources en eau et celle sur
la protection des eaux navigables. Bien sûr, un certain nombre de directives minis-
térielles et gouvernementales ainsi que des politiques et programmes gouvernementaux
viennent ajouter à la complexité de la législation québécoise. Enfin, la juridiction muni-
cipale et celle des Municipalités régionales de comté (MRC) viennent à leur tour aug-
menter le nombre de dispositions et de contraintes législatives et réglementaires. Parmi
celles-ci, mentionnons la réalisation de schémas d’aménagement, de plans d’urba-
nisme ainsi que des codes et règlements de construction et de lotissement.
La nature même de la législation soulève aussi d’autres questions. Ainsi, les inten-
tions et les objectifs du législateur en faveur d’une réglementation donnée peuvent
nous fournir de précieuses informations sur le contexte légal global. S’agit-il d’inciter
la société à agir selon certains comportements jugés socialement convenables? Ou
s’agit-il, au contraire, de punir et de restreindre des attitudes et des conduites jugées
répréhensibles pour le mieux-être de la société ou de l’environnement? Cette double
nature de l’intervention du droit, traduisant et traduite par le jeu des pressions poli-
tiques, vacille donc entre une indulgente attitude incitative et la forte manière coer-
citive. Cette dernière situation se retrouve fréquemment en droit environnemental,
particulièrement par le grand nombre de normes environnementales concernant les
rejets. En ce qui concerne l’ensemble de l’évaluation des impacts environnementaux,
la législation serait plutôt d’une nature incitative. Cette attitude incitative laisse une
marge de manœuvre assez importante aux responsables de la réalisation de l’étude
d’impacts, notamment en ce qui concerne la démarche méthodologique et le choix
des méthodes utilisées.
66
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation environnementale au Bénin


Le parlement du Bénin promulgua une «loi-cadre sur l’environnement» en février 1999,
mais déjà depuis 1995 l’Agence béninoise pour l’environnement (ABE) avait pour mandat
de mettre en œuvre une politique nationale en matière d’environnement (ABE INFO,
1999).
Le processus béninois d’évaluation des projets comprend trois procédures. La première
est constituée de l’« étude d’impacts sur l’environnement », qui doit être réalisée par tout
promoteur dont le projet est assujetti à la réglementation. C’est l’Agence béninoise pour
l’environnement qui agit à titre d’organisme de contrôle pour l’État. Selon la nature
du projet, la procédure prévoit une étude approfondie ou simplifiée. La deuxième pro-
cédure applicable est celle de l’« Audience publique ». Elle vise à assurer la participation
des différents acteurs aux processus de prise de décision. Enfin, la procédure de l’« Audit
environmental » vient boucler le processus béninois en assurant un contrôle de la
conformité du projet (ABE, 1998).
Source: Le bulletin d’information de l’Agence béninoise pour l’environnement, ABE INFO,
no 0, 1999 et ABE, 1998.

Par ailleurs, de nouveaux incitatifs en faveur de l’ÉIE sont récemment apparus.


Parmi ceux-ci notons l’élargissement des obligations contractuelles ainsi que des res-
ponsabilités qui en résultent pour les promoteurs et les propriétaires de sites et d’ins-
tallations. Ces obligations nouvelles sont issues des firmes d’assurances et des orga-
nismes prêteurs. Les principes de la responsabilité, en cas de dommages et de
réparations à l’environnement, s’étendent maintenant aux divers intervenants impli-
qués dans un projet, et non plus seulement au propriétaire ou à l’exploitant direct.
Il en découle que les institutions bancaires, par exemple, effectuent désormais un contrôle
quant à la l’acceptabilité environnementale des demandes de financement qui leur
sont soumises. Cela affecte autant les institutions nationales qu’internationales.
Nous verrons comment ces dernières participent à la généralisation de l’évaluation
des impacts environnementaux à travers le monde.
Enfin, comme l’affirmaient pertinemment plusieurs, il y a quelques années
encore, l’évaluation des impacts environnementaux est encore trop souvent perçue,
comme d’ailleurs l’ensemble du droit environnemental, comme un obstacle majeur 67
au progrès (Guigo et coll., 1991). Toutefois, le relatif consensus en voie de création
autour de la mise en place du développement durable pourrait, s’il se maintient, adopter
l’ÉIE comme l’un de ses instruments clés d’intervention.
L’évaluation des impacts environnementaux

ÉTUDES DE CAS: CANADA, QUÉBEC ET GUINÉE


L’examen des trois cas que nous allons maintenant examiner nous permettra d’en-
trevoir l’ensemble des plus importantes considérations législatives concernant l’ÉIE.
Nous examinerons ces procédures distinctes à travers une analyse comparative de leur
évolution respective, notamment des deux premières législations, et ce, afin de faire
ressortir les multiples possibilités législatives et réglementaires. Nous n’étudierons pas
de manière détaillée et complète chacune des procédures en question, nous conten-
tant plutôt de porter notre attention sur les caractéristiques significatives et déter-
minantes de chacune. Notre objectif ici consiste à fournir une illustration de l’évo-
lution possible du cadre législatif ainsi que des principaux éléments du contexte
réglementaire et normatif en évaluation des impacts environnementaux.

Législation fédérale du Canada


Au Canada, l’évaluation des impacts environnementaux s’inscrit dans un contexte
de double juridiction entre l’instance fédérale et les diverses instances provinciales
ou étatiques. Le partage des compétences législatives entre les autorités fédérales et
provinciales est relativement complexe. Sans trop simplifier, disons seulement que
certains éléments de l’environnement, ainsi que plusieurs activités de développement,
sont attribués à l’une ou l’autre des instances, mais pas toujours de manière très expli-
cite ni définitive. Les domaines de juridiction sont donc, selon le cas ou l’époque consi-
dérée, de compétence exclusive, commune ou disputée.

État de la procédure canadienne de 1973 à 1994


Jusqu’à la fin de l’année 1994, il n’existait pas à proprement parler de loi canadienne
sur l’évaluation environnementale, aucun fondement législatif ne supportait la pro-
cédure employée jusqu’à cette époque. Pourtant, à l’exemple du NEPA américain, un
processus d’examen assez complet régissait le champ de juridiction fédéral en ÉIE.
Jusqu’en 1994, la procédure fédérale canadienne ne reposait que sur un arrêté
ministériel. En effet, le premier programme canadien d’évaluation environnemen-
tale, nommé Processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement
68 (PÉEE), fut établi en 1973 par un décret du Conseil des ministres. Le décret fut par
la suite modifié en 1977, mais sans modifications majeures. En 1984, un décret gou-
vernemental, cette fois, formalise la procédure fédérale lors de l’émission du «Décret
sur les lignes directrices d’ÉIE». Plusieurs jugements de cour vinrent par la suite appuyer
et renforcer le statut plutôt précaire du décret gouvernemental, notamment les cas
des projets «Oldman» (BFEÉE, 1992) et «Rafferty-Alameda» (BFEÉE, 1991) dans
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

l’ouest du pays à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le champ d’ap-
plication de l’autorité fédérale ne concernait alors que les activités des organismes
du gouvernement fédéral canadien lui-même ainsi que quelques domaines de com-
pétence bien particuliers, notamment les pêcheries et les oiseaux migrateurs.
En 1987, le ministre de l’Environnement annonçait une consultation nationale
concernant la réforme du processus canadien d’évaluation. En juin 1990, le gouver-
nement canadien présentait un premier projet de loi, le projet C-78, ainsi qu’un ensemble
de réformes aux façons de faire en vigueur jusqu’alors. Le projet sera éventuellement
modifié en projet de loi C-13, pour finalement être sanctionné en juin 1992 par le
Parlement canadien. La première loi fédérale en ÉIE modifiait légèrement la procé-
dure canadienne d’évaluation adoptée jusque-là. La Loi canadienne n’est entrée en
vigueur qu’en janvier 1995.
Jusqu’à la fin de l’année 1994, toutefois, le PÉEE, couramment nommé PFÉEE
(Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental), s’appliquait sur les
territoires et les domaines de compétences fédérales. La procédure canadienne d’éva-
luation s’appliquait exclusivement aux projets visés suivants :
• ceux sous l’autorité fédérale, comme promoteur d’un projet;
• ceux en tout ou en partie financés par une autorité fédérale;
• ceux d’une autorité fédérale administrant le territoire en question;
• et ceux pour lesquels le fédéral doit délivrer un permis pour la mise en œuvre
du projet (ces projets comprenant des éléments sous juridiction fédérale).
Notons que la Loi canadienne sur l’ÉIE ne viendra aucunement modifier ce champ
d’application du pouvoir décisionnel du gouvernement fédéral. Les autres projets que
ceux visés directement par règlement ne feront toujours pas l’objet d’une interven-
tion fédérale.
Il existe aussi une possibilité d’exclusion à la procédure d’évaluation pour certains
projets, soit en raison de leur présence sur une des listes d’exclusion, soit lors de situa-
tions de crise nationale (d’après la Loi sur les mesures d’urgence), ou soit pour un projet
en réaction à une situation de crise. Ces situations exceptionnelles dépendent du pou-
voir discrétionnaire du ministre de l’Environnement. 69
La procédure canadienne d’évaluation comprend, entre autres choses, la délivrance
d’un certificat d’évaluation environnementale et la formation d’organismes consul-
tatifs et de recherche. L’organisme du gouvernement canadien chargé du contrôle et
du développement de la recherche était jusqu’en 1994 le Bureau fédéral d’examen des
évaluations environnementales (BFEÉE).
L’évaluation des impacts environnementaux

La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (1995)


Le projet de loi C-13, ou Loi de mise en œuvre du processus fédéral d’évaluation envi-
ronnementale, fut sanctionné le 23 juin 1992, par la Chambre des communes du Canada.
La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCÉE), son appellation cou-
rante, n’est toutefois entrée en vigueur que le 1er janvier 1995.
La Loi énonce quatre objectifs qui ne modifient aucunement la situation anté-
rieure. Seul l’ajout de l’expression « développement durable» ainsi que de la préoc-
cupation transfrontière des impacts sont des nouveautés significatives. Les quatre objec-
tifs poursuivis par la Loi sont les suivants:
• s’assurer que les effets environnementaux des projets soient examinés soi-
gneusement avant que les autorités responsables prennent des décisions à leur
sujet;
• inciter les autorités responsables à prendre des mesures qui favorisent le
développement durable et, de ce fait, à réaliser ou maintenir un environne-
ment sain et une économie florissante;
• faire en sorte que des projets à réaliser dans les limites du Canada ou du ter-
ritoire domanial ne causent pas d’effets environnementaux négatifs importants
en dehors de ces limites ;
• veiller à ce que le public ait la possibilité de participer au processus d’évalua-
tion environnementale.
La Loi apporte néanmoins un certain nombre de modifications mineures à la situa-
tion antérieure. Parmi les nouveautés de la nouvelle procédure, on retrouve:
• deux types d’évaluation: soit un examen préalable, soit une étude approfondie
(liste d’étude approfondie) ;
• soit la possibilité de médiation environnementale et la nomination d’un
médiateur, soit l’examen en commission, dans le processus concernant les études
approfondies ;
• des possibilités nouvelles pour le public de participer à la démarche;
70 • la prise en charge de l’évaluation environnementale le plus tôt possible, soit
dès le stade de la planification du projet («avant la prise d’une décision irré-
vocable»);
• l’inadmissibilité de projets entraînant des «effets environnementaux négatifs
importants» (art. 23), mais non déterminés dans la Loi cependant.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La nouvelle loi maintient toutefois en vigueur le «Décret sur les lignes directrices
visant le processus d’évaluation et d’examen en matière d’environnement», approuvé
par le gouvernement en 1984. C’est ainsi que les règles d’assujettissement des pro-
jets demeurent les mêmes. Seule vient s’ajouter la possibilité d’intervention «trans-
frontière», en vertu de la Convention sur l’ÉIE dans un contexte transfrontière que
le Canada vient récemment de ratifier. Par ailleurs, la nouvelle procédure précise qu’en
vertu de la Loi, un «projet» désigne aussi bien la réalisation d’un ouvrage qu’une acti-
vité concrète non liée à un ouvrage.
Une autre des principales modifications concerne la possibilité de renvoyer, devant
une commission d’étude ou devant un médiateur, l’examen des impacts interpro-
vinciaux, à défaut d’une entente interprovinciale préalable. De façon similaire, les «effets
internationaux» peuvent être mis en évidence par une évaluation de même type. De
plus, la Loi propose de nouvelles dispositions en ce qui concerne les « Terres sur les-
quelles les Indiens ont des droits », améliorant ainsi un des problèmes épineux
actuellement au Canada.
Finalement, la nouvelle loi crée l’Agence canadienne d’évaluation environnementale,
un nouvel organisme du conseil du ministre canadien de l’Environnement. L’Agence
remplace l’ancien Bureau fédéral d’examen des évaluations environnementales
(BFEÉE). Les objectifs de la nouvelle agence d’évaluation sont:
• de gérer le processus d’évaluation environnementale ;
• de promouvoir l’uniformisation des procédures au Canada ;
• de promouvoir et de mener des recherches ;
• de promouvoir l’évaluation environnementale ;
• et de veiller à la participation du public.
On prévoit qu’une douzaine de règlements seront ou sont déjà adoptés afin de
rendre opérationnelle la Loi. Parmi ceux-ci, les quatre règlements suivants sont essen-
tiels à son bon fonctionnement:
• la Liste des dispositions législatives et réglementaires;
• la Liste d’exclusion ; 71
• la Liste d’inclusion ;
• la Liste d’études approfondies.
L’évaluation des impacts environnementaux

Liste de lois canadiennes couvrant certains domaines de l’ÉIE


• Loi canadienne sur la protection de l’environnement (L.R.C. 1985, c.16,4);
• Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (L.R.C. 1992, c.37) ;
• Loi sur les pêches (L.R.C. 1985, c. F-14) ;
• Loi sur la marine marchande du Canada (L.R.C. 1985, c. S-9) ;
• Loi sur les ressources en eau du Canada (L.R.C., c-11) ;
• Loi sur la protection des eaux navigables (L.R.C. 1985, c. N-22) ;
• Loi sur les forces hydrauliques du Canada (L.R.C., c. W-4) ;
• Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques (L.R.C., c. A-12) ;
• Loi du traité des eaux limitrophes internationales (L.R.C., c. I-17).

La procédure canadienne d’évaluation


Le schéma présenté à la figure 3.1 montre l’ensemble de la procédure canadienne d’éva-
luation3. Les diverses étapes de réalisation d’une évaluation y sont clairement pré-
sentées, tout comme d’ailleurs la participation du public dans les diverses étapes de
l’étude. La procédure se divise en trois grandes étapes: d’abord, celle de l’autoéva-
luation, puis celle de l’examen indépendant en commission ad hoc, et finalement celle
de la « décision-exécution».
La première étape d’autoévaluation du processus d’examen débute avec le pas-
sage obligé par la Liste d’exclusion. Celle-ci détermine si un projet donné doit être
soumis ou non à la procédure d’évaluation. L’organisme responsable de cette première
phase d’examen est nul autre que le promoteur ou «supporteur» du projet, à savoir
le ministère responsable. Si le projet n’est pas exclus de la procédure, il devra ensuite
être soumis à l’examen préalable.
L’examen préalable vise à déterminer dans laquelle des quatre catégories prédé-
terminées le projet doit poursuivre son examen. Dans la première catégorie, le projet
72 doit se soumettre à une évaluation environnementale initiale, car ses impacts ou leurs

3. Pour en savoir plus long sur le processus canadien d’évaluation environnementale, nous conseillons
la lecture du Guide du citoyen publié par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE)
(ACÉE, 1994) ainsi qu’un document très intéressant du Service de la protection de l’environnement
d’Environnement Canada intitulé « Mesures législatives sur la protection de l’environnement
conçues pour l’avenir – Une LCPE renouvelée» (Environnement Canada, 1995).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 3.1
Processus fédéral d’évaluation et d’examen environnemental

Oui
Liste
Projet d’exclusion
Non Examen préalable

Impacts Impacts Impacts Impacts


inconnus importants inacceptables insignifiants

Évaluation initiale

Modification
Impacts Impacts Impacts
importants insignifiants inacceptables
Abandon

Autoévaluation

Examen indépendant
Commission ad hoc

Directive

Étude d’impacts

Audiences
publiques

Rapport de
la commission

Décision Décision/exécution
ministérielle

Réalisation du projet

73
Suivi

Source: Adapté de BFEÉE, 1988 et ACÉE, 1994.


L’évaluation des impacts environnementaux

atténuations sont inconnus. Dans ce cas, l’évaluation environnementale initiale déter-


minera, par la suite, la poursuite des procédures. Dans la seconde, le projet est envoyé
au ministère de l’Environnement pour un examen public, car les impacts éventuels
sont considérés comme importants. Dans les deux autres cas, soit que les impacts sont
considérés comme insignifiants ou «atténuables», et alors la poursuite de l’exécution
du projet se continue sans étude d’impacts, soit que les impacts sont jugés inaccep-
tables et alors le promoteur doit l’abandonner ou le modifier de manière significative,
et ensuite, le soumettre à un nouvel examen préalable. Il y a ainsi des projets qui che-
minent directement vers l’exécution et la réalisation des travaux, sans ÉIE, alors que
d’autres sont plutôt dirigés directement vers l’ÉIE, en passant ou non par une évaluation
initiale. Enfin, certains autres projets doivent être carrément abandonnés ou reformulés.

Des centaines de projets passés au peigne fin


Le gouvernement fédéral canadien, par l’entremise de ses différents ministères, a réa-
lisé 99 pour cent de toutes les évaluations environnementales en vertu de la Loi fédé-
rale canadienne sur l’évaluation environnementale, entrée en vigueur en janvier 1995.
En conséquence, seul le un pour cent restant a permis un examen indépendant des pro-
jets. Le ministre de l’Environnement a alors recours à une commission indépendante.
En vertu du mode d’assujettissement particulier de la procédure canadienne, les éva-
luations dites « autogérées » ne peuvent que constituer la grande majorité des évalua-
tions exigées au niveau fédéral du Canada.
Ainsi, lors du premier trimestre de mise en œuvre de la Loi, du 19 janvier au 31 mars
1995, 944 dossiers ont fait l’objet d’une évaluation environnementale de la part de 19 minis-
tères ou agences fédérales (ACÉE, 1995). De ce nombre, un seul examen approfondi (projet
d’aménagement d’un centre de ski dans le parc national de Banf en Alberta) devait être
réalisé, tous les autres projets ne faisant l’objet que d’un « examen préalable ». Ce projet
devait éventuellement être soumis à un examen public sous les auspices d’une commission.
Lors de la parution du premier bilan de l’Agence canadienne d’évaluation environne-
mentale (ACÉE) en 1995, 729 des projets soumis avaient été approuvés par les auto-
rités à la suite de l’examen préalable. Les 215 autres étaient toujours en cours d’examen.
Les institutions responsables de la majorité des projets étaient le ministère des Affaires
indiennes et du Nord avec 201 projets, le Bureau fédéral de développement régional
(Québec) avec 145 projets et l’agence de Diversification de l’économie de l’ouest Canada
avec 113 dossiers. Les grands ministères entrepreneurs tels que Pêches et océans (53),
74 Transports Canada (46), Agriculture et agroalimentaire (41), Ressources naturelles (6),
Défense nationale (6) et Travaux publics et services gouvernementaux (5) arrivaient
loin derrière.
Source : ACÉE, 1995.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Par ailleurs, le processus permet plusieurs interventions du public lors de la tenue


d’audiences publiques ou de séances d’information. À certains moments de la pro-
cédure, le public est consulté, alors qu’à d’autres il n’existe qu’une possibilité de le
faire. Ainsi, le public est occasionnellement consulté en audiences publiques lors de
la délivrance de la Directive (termes de référence), alors qu’il l’est presque tout le temps
après la publication de l’étude d’impacts dans le cas des grands projets.
La deuxième étape de la procédure, celle de l’examen indépendant, est réalisée
par une commission d’évaluation environnementale indépendante, nommée par le
ministre de l’Environnement. Après consultation, la Commission émet une directive
pour la réalisation de l’étude d’impacts. Le promoteur réalise l’étude en question selon
les termes de la directive et le ministère responsable la dépose devant la Commission.
À la suite des audiences publiques, la Commission rédige un rapport qui est transmis
au ministre de l’Environnement ainsi qu’au ministère responsable du projet.
Finalement, la décision ultime déterminera si le projet peut être poursuivi, avec
ou sans modification, ou plutôt abandonné ou reporté à plus tard. La décision finale
appartient au ministre responsable, et son ministère veillera à la poursuite des opé-
rations, notamment au suivi du projet.

Législation provinciale du Québec


Les autorités provinciales québécoises, dans le cadre du champ de juridiction qui leur
est propre, légiféraient de manière pleine et entière, dès 1978, grâce à la Loi sur la qua-
lité de l’environnement. La mise à jour de la procédure québécoise, à la lumière des
enseignements des dernières années, est toujours en pourparlers et en négociation
depuis plus d’une dizaine d’années déjà.

La législation québécoise actuellement en vigueur


Au Québec, l’évaluation des impacts environnementaux voit son avènement avec l’adop-
tion en 1978 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2). L’ÉIE y était
particulièrement traitée à la section IV.1 intitulée «Évaluation et examen des impacts
sur l’environnement de certains projets» (art. 31.1 à 31.41). Par la suite, le Parlement
québécois adopta la réglementation nécessaire à la mise en œuvre de la Loi lors de 75
l’acceptation du «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environ-
nement» (c. Q-2, r.9) et créa le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
(BAPE). Le règlement est entré en vigueur en 1980. La démarche québécoise, dans
le cas d’évaluations d’impacts complètes et détaillées, se trouve aussi régie par
d’autres dispositions législatives, notamment par le règlement sur les «Règles de pro-
cédure relatives au déroulement des audiences publiques» (c. Q-2, r.19).
L’évaluation des impacts environnementaux

Après une quinzaine d’années de pratique en ÉIE et à la suite de deux examens


de la procédure en cours, le Comité de révision de la procédure d’évaluation des impacts
environnementaux (Lacoste et coll., 1988) et la Commission parlementaire de l’amé-
nagement et des équipements (Gouvernement du Québec, 1992), le gouvernement
du Québec proposait à l’hiver 1992 le projet de loi 61. Ce projet de loi modifie la pra-
tique en vigueur et donne naissance à la Loi québécoise en évaluation environnementale.
Depuis, de nombreuses délibérations, parfois contradictoires et souvent antagonistes,
se poursuivent assidûment afin d’en arriver à un accord éventuel sur les termes et
les limites de la future législation québécoise en ÉIE.
Nous avons vu qu’au Québec, en tant qu’État provincial du Canada, l’ÉIE est par-
tagée entre les deux niveaux de juridiction (fédéral et provincial). Dans certains cas,
la situation est encore plus complexe, car d’autres paliers d’autorités se greffent au
contexte législatif général. C’est tout particulièrement le cas en régions périphériques
(zones autochtones). Dans le cas du projet hydroélectrique de la rivière Grande-Baleine,
par exemple, cinq comités et commissions détenaient une partie des responsabilités,
ce qui impliquait la possibilité de mise en place de procédures spécifiques pour cha-
cune des instances décisionnelles.
La législation québécoise actuellement en vigueur oblige tout promoteur d’un
projet pouvant avoir une incidence sur l’environnement à obtenir un certificat d’au-
torisation préalable. Contrairement à la procédure fédérale canadienne, le projet n’a
nullement besoin d’être relié d’une manière quelconque au gouvernement québécois.
Deux procédures bien différentes quant à leur ampleur s’appliquent à l’ensemble des
projets:
• l’obtention d’un certificat d’autorisation, pour les projets considérés à impacts
modérés (article 22 de la Loi);
• l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, pour les projets à
impacts appréhendés importants ou indéterminés (article 31.1 et suivants).
La première procédure d’examen ne nécessite pas, à proprement parler, une éva-
luation des impacts environnementaux. Le promoteur doit cependant fournir, avant
d’obtenir son certificat d’autorisation, une évaluation détaillée de la quantité de conta-
76 minants qui sera éventuellement émise par les activités afférentes au projet. Notons
que cette dernière obligation ne fait référence qu’aux effets environnementaux anti-
cipés, et non pas aux impacts potentiels. L’article 22 de la Loi, régissant cette situa-
tion, se lit comme suit:
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Nul ne peut ériger ou modifier une construction, entreprendre l’exploitation d’une


industrie quelconque, l’exercice d’une activité ou l’utilisation d’un procédé indus-
triel ni augmenter la production d’un bien ou d’un service s’il est susceptible d’en
résulter une émission, un dépôt, un dégagement ou un rejet de contaminants dans
l’environnement ou une modification de la qualité de l’environnement, à moins d’ob-
tenir du sous-ministre un certificat d’autorisation.

Cette opération de quantification des contaminants a pour objectif de vérifier


la conformité des opérations afférentes au projet, uniquement par rapport aux
normes environnementales existantes (article 24). Un certain nombre de projets sont
cependant soustraits à cette procédure conformément à une liste établie en vertu du
«Règlement relatif à l’administration de la Loi sur la qualité de l’environnement ».
La deuxième procédure nécessite, quant à elle, la tenue d’une ÉIE complète, et
ce, en vertu de l’article 31.1 de la Loi, qui se lit comme suit :

Nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploi-
tation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévus
par règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen
des impacts sur l’environnement prévue dans la présente section et obtenir un cer-
tificat d’autorisation du gouvernement.

Les projets à être soumis à cette procédure sont énumérés sur une liste fournie
dans le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement».
La procédure prévoit la possibilité de tenir une audience publique. Cette audience
est décrétée par le ministre de l’Environnement à la suite de demandes justifiées de
la part du public. Le ministre peut toutefois déclarer « frivole » toute demande en ce
sens; dans ce cas, il n’y aurait pas d’audience publique. Dans tous les cas, cependant,
l’étude d’impacts réalisée sera rendue publique par le Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement (BAPE) après l’examen interne du ministère de l’Environnement.
Le cheminement du dossier au BAPE débute donc par la période d’information
et de consultation publique. Puis, selon qu’il y a demande ou non du public à l’effet
de tenir des audiences, l’examen se poursuit ou le dossier chemine directement vers
la décision finale. Dans le cas d’audience décrétée par le ministre, une commission du
BAPE est formée afin de tenir la consultation publique et d’en faire rapport au 77
ministre de l’Environnement. Le rapport du BAPE comprend les observations, les com-
mentaires et les remarques, tant positifs que négatifs, exposés oralement ou par écrit
devant la Commission. De plus, il s’accompagne de recommandations générales
(acceptabilité du projet) et de recommandations particulières (modifications à
L’évaluation des impacts environnementaux

apporter) reflétant l’évaluation du projet par les membres de la Commission4. La déci-


sion finale appartient cependant au gouvernement du Québec, par la voie du ministre
de l’Environnement, mais le rapport du BAPE, tout comme les événements et les décla-
rations accompagnant la période d’audience (commentaires dans les médias et mani-
festations publiques en faveur ou non du projet examiné), influence la décision gou-
vernementale.

Liste de lois et de règlements québécois


couvrant certains domaines de l’ÉIE
• Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2);
• Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement (R.R.Q.,
1981, c. Q-2, r.9);
• Règles de procédures relatives au déroulement des audiences publiques (R.R.Q., 1981,
c. Q-2, r.19);
• Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement (D. 1529-
93 (1993) 125 G.O. II, 7766 [c. Q-2, r. 1.001);
• Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (L.R.Q., c. C-61.1);
• Loi sur les forêts (L.R.Q., c. F-4.1);
• Loi sur les mines (L.R.Q., c. M-13.1) ;
• Loi sur le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (L.R.Q.,
c. M-14);
• Loi sur la protection du territoire agricole (L.R.Q., c. P-41.1) ;
• Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments (L.R.Q., c. P-41.1);
• Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables (D. 103-96 (1996).

La procédure québécoise d’évaluation présente les principaux éléments suivants:


• une liste de projets devant être soumis au processus d’évaluation;
78 • l’émission de directives (contenu, portée et étendue) pour la réalisation de l’ÉIE;
• la présentation explicite du projet par le promoteur (avis de projet);
• l’information du public sur la directive émise;

4. Le premier rapport du BAPE fut déposé en 1979 et portait sur deux projets de gazoduc.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• la réalisation de l’étude d’impacts est à la charge du promoteur du projet; il


peut lui-même la réaliser ou en confier la tâche à une firme indépendante;
• la soumission de l’ÉIE en audience publique, à la discrétion du ministre et sur
demande du public;
• la consultation de la population par le BAPE lors d’audiences publiques ;
• la publication d’un rapport public du BAPE, comprenant les recommanda-
tions sur le projet;
• la délivrance d’un «certificat d’autorisation» à la fin de la procédure d’éva-
luation environnementale pour tous les projets soumis à la réglementation.

Liste des règlements québécois applicables spécifiquement


dans les régions nordiques
• Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2 chapitre II);
• Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement dans une
partie du Nord-Est québécois (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r.10) ;
• Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement et le milieu
social dans le territoire de la baie James et du Nord québécois (R.R.Q., 1981,
c. Q-2, r.11) ;
• Règlement sur certains organismes de protection de l’environnement et le milieu social
dans le territoire de la baie James et du Nord québécois (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r.16) ;
• Règles de régie interne du Comité consultatif de l’environnement Kativik, (R.R.Q.,
c. Q-2, r.20.1) ;
• Règles de régie interne du Comité consultatif de l’environnement de la baie James,
(R.R.Q., c. Q-2, r.21).

La procédure québécoise d’évaluation


L’ensemble de la procédure québécoise d’évaluation des impacts environnementaux
actuellement en vigueur est illustré au schéma de la figure 3.25. La démarche com-
plète est subdivisée en six grandes phases d’examen, chacune pouvant comporter plu- 79
sieurs étapes bien déterminées.

5. Afin de connaître plus en détail la procédure québécoise d’évaluation environnementale, nous


conseillons la lecture du document d’information rédigé par le ministère de l’Environnement et
de la Faune (MEF) du Québec (MEF, 1998b) ainsi que le volumineux ouvrage de Michel Yergeau
sur la Loi sur la qualité de l’environnement (Yergeau, 1988).
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 3.2
Procédure québécoise d’évaluation et d’examen environnemental

Dépôt de l’avis de projet

Assujettissement
Non
Oui

Phase I Élaboration de la directive

Phase II
Réalisation de l’étude Réalisation de l’analyse
d’impacts environnementale

Recevabilité de l’étude

Rapport de l’étude Rapport d’analyse


d’impacts environnementale

Non
Consultation publique

Oui

Audience publique

Rapport d’audience

Phase IV Phase III

Phase V Analyse ministérielle

Décision du
gouvernement

Réalisation du projet

Phase VI
Surveillance et suivi

80 Source : Adapté de Lacoste et coll., 1988.

Lors de la phase I, la première étape vise à déterminer si le projet présenté, lors du


dépot de l’«avis de projet» par le promoteur, doit être soumis ou non au processus d’ÉIE.
Cette étape d’évaluation initiale (screening) ou d’«assujettissement» repose au Québec
sur l’emploi de listes d’inclusion et d’exclusion. Le projet sera alors assujetti à la
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

procédure, soit en vertu de l’article 22 (évaluation sommaire), soit en vertu de l’article


31.1 (étude d’impacts complète). Dans le premier cas, le projet chemine vers sa réalisa-
tion sur la base d’une analyse sommaire, mais à tout le moins conforme aux normes d’émis-
sions en vigueur. Dans le second cas, le projet est assujetti à la procédure complète d’éva-
luation environnementale. Jusqu’à tout récemment débutait l’étape d’élaboration de la
«directive», alors qu’actuellement une «directive type» peut être émise immédiatement
par le ministère de l’Environnement pour la majorité des projets. Cette «directive» déter-
mine les grandes lignes de l’étude d’impacts à entreprendre. Dans la procédure québé-
coise, sauf rares exceptions (les projets conjoints fédéral-provincial, comme Grande-Baleine),
cette étape de cadrage est assez élémentaire par rapport aux «règles de l’art» en ce domaine,
notamment en ce qui concerne la prise en compte du milieu d’insertion du projet, la
hiérarchisation des enjeux impliqués et la participation publique.
La phase II est celle de la «réalisation de l’étude d’impacts» en tant que telle. Cette
étude, sous la responsabilité du promoteur, reprend les sujets abordés dans la directive,
en plus des aspects nouveaux qui peuvent intervenir en cours d’examen. Comme nous
l’avons indiqué auparavant (section 2.3), l’évaluation consiste à identifier, à prévoir et
à évaluer les impacts environnementaux ainsi qu’à élaborer un programme de suivi. Il
s’agit aussi d’inclure dans le «rapport d’étude d’impacts» qui est le résultat de cette étape
un certain nombre d’informations pertinentes à l’évaluation du projet et à la prise de
décision qui interviendra vers la fin de la procédure. Ces informations concernent le
projet lui-même (description et justification du projet), le milieu (caractérisation du
milieu naturel et humain), les options (solutions de rechange et variantes de procédés,
de lieux et de tracé) et les mesures d’atténuation. L’aboutissement de cette phase d’étude
d’impacts se termine par la «recevabilité de l’étude». Cela implique que le «rapport d’étude
d’impacts» déposé auprès des autorités de contrôle est jugé conforme à la directive émise
et conséquemment qu’il est recevable. Avant de donner son accord, cependant, il
arrive fréquemment que le Ministère demande au promoteur de fournir des études sup-
plémentaires ou de répondre à un certain nombre de questions laissées sans réponse
ou dont les réponses sont jugées insuffisantes dans l’étude déposée initialement. Ces
informations complémentaires sont le préalable à la poursuite de la démarche. La rece-
vabilité de l’étude fait le lien entre les phases II et III du processus.
La phase III est réalisée par l’organisme de contrôle (évaluation interne du minis- 81
tère de l’Environnement du Québec). Elle se déroule en parallèle avec la phase II (sous
la responsabilité du promoteur) et, s’il y a lieu, de la phase IV (sous la responsabilité
du BAPE). L’organisme de contrôle effectue un examen indépendant de celui réalisé
par le promoteur. Cette «analyse environnementale» du projet vise à fournir au Ministre
un éclairage complémentaire à celui de l’étude d’impacts. Le «rapport d’analyse envi-
L’évaluation des impacts environnementaux

ronnementale» était jusqu’à tout récemment un document interne au Ministère. Son


objectif n’était alors que d’édifier la prise de décision des autorités, notamment lors
de l’étape de l’«analyse ministérielle» de la phase V. Il sera dorénavant rendu public
le plus tôt possible, et ce, en vue d’être consulté par les citoyens lors de l’audience publique
ou de la médiation (phase IV).
Le rapport d’étude d’impacts est ensuite rendu public par le BAPE, ce qui
enclenche la phase IV de la procédure. Les citoyens ont alors la possibilité de
demander par écrit, auprès du ministre de l’Environnement, la tenue d’une audience
publique sur le projet. Le Ministre ne peut rejeter les demandes légitimes que s’il consi-
dère qu’elles sont «frivoles», ce qui se produit très rarement. Dans le cas contraire,
il mandate le BAPE de tenir une audience, tout comme il pourrait demander de tenir
une médiation, étant donné le nombre restreint de requérants d’audience et la pos-
sibilité d’arriver ainsi à une entente. Nous examinerons au cours du chapitre sept les
conditions et les possibilités mais aussi les limites d’une telle médiation. Le chemi-
nement détaillé d’un projet au cours de cette phase d’examen du BAPE est clairement
illustré à la figure 3.3. En plus de la démarche à suivre, la durée des diverses étapes
est mentionnée au bas de la figure. Certains délais sont fixes, notamment ceux concer-
nant le public, alors que d’autres sont d’une durée indéterminée, tout particulière-
ment ceux alloués aux autorités. L’ensemble des délais fixes est d’une durée de cinq
mois et demi, mais les délais indéterminés allongent parfois la durée totale de cette
phase de la procédure de plus d’une année, voire de plusieurs années.

Des centaines de projets passés au peigne fin


Depuis le 31 décembre 1980, début des activités du Bureau d’audiences publiques sur
l’environnement (BAPE), des centaines de projets de développement furent examinés
de manière complète et détaillée par la procédure québécoise d’évaluation. Plusieurs d’entre
eux firent l’objet d’un examen public lors d’audiences tenues sous les auspices du BAPE.
De décembre 1980 au 1er janvier 1996, 784 dossiers ont été ouverts, c’est-à-dire qu’un
avis de projet fut envoyé au ministère de l’Environnement. De ce nombre, 689 dossiers
ont cheminé vers l’émission d’une «directive» au promoteur, de la part du Ministère. Cela
représente une moyenne de plus de cinquante projets déposés par année et de quarante-
six directives émises.
82
Toutefois, en date du 1er janvier 1996, seulement 225 de ces projets avaient pu franchir
les cinq premières phases de la procédure et ainsi obtenir une décision gouvernemen-
tale, préalable à toute réalisation d’un projet. Il est à noter qu’à cette date, plusieurs dos-
siers étaient encore en suspens.
Source: MEF, 1998b.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 3.3
Cheminement d’un projet en audiences publiques au BAPE

ÉIE rendue publique


par le ministre
Commission d’enquête et
d’audiences publiques
Période
d’information et Période d’information
de consultation
publiques
Période de dépôt Décision
Pas de Demande des mémoires du conseil
demande d’audience des ministres
d’audience publique

Rapport de la Commission

Décision du Décision du
Ministre ministre

Durée maximale de l’étape du processus

45 jours 4 mois

Source: Adapté de BAPE, 1994.

La première étape du cheminement d’un dossier au BAPE est l’information du


public par un communiqué. Le BAPE met ensuite à la disposition du public, à plu-
sieurs endroits à la fois, toute l’information pertinente au dossier à l’étude: avis de
projet, directive, correspondance et rapport d’ÉIE (avec ou sans document complé-
mentaire). Cette pratique démarre la période dite «d’information et de consultation
publiques» de quarante cinq jours. Au cours de cette période, les citoyens et les orga-
nismes peuvent s’informer mais aussi demander au Ministre de tenir des audiences
publiques.
L’audience proprement dite, d’une durée fixe de quatre mois, est subdivisée en
trois étapes bien distinctes. La première étape d’audience est la «période d’informa-
tion». Les individus et les groupes viennent poser, devant les commissaires et les autres 83
membres du public, leurs questions, qui peuvent s’adresser aussi bien au promoteur
qu’aux organismes gouvernementaux impliqués. La Commission veille à ce que des
réponses appropriées soient fournies au public. Après un délai de réflexion, on passe
à la deuxième étape, celle de la « période de dépôt des mémoires » devant la
Commission. Lors de cette étape cruciale de la consultation publique, les individus
L’évaluation des impacts environnementaux

et les organismes intéressés viennent présenter, verbalement ou par écrit, leurs com-
mentaires sur le projet à l’étude et sur l’étude d’impacts présentés. Ces commentaires
peuvent être favorables ou défavorables, ils peuvent déboucher sur des propositions
ou des recommandations, tout comme il peut s’agir simplement de fournir de l’in-
formation ou une réflexion à propos du projet. De nouveau, la Commission assiste
les participants dans l’expression de leur point de vue. Il ne reste plus alors qu’à rédiger
le «rapport de la Commission». Ce dernier se doit d’être le reflet des opinions expri-
mées en cours d’audience, tout en apportant un nouvel éclairage sur l’ensemble de
l’examen réalisé. Le rapport se termine habituellement par les recommandations de
la Commission. Il est ensuite acheminé vers le ministre de l’Environnement, enta-
mant ainsi la cinquème phase du processus.
La phase V en est une de prise de décision. Elle débute par l’«analyse ministé-
rielle», qui n’est que le prélude à la «décision du gouvernement » et à l’émission du
décret gouvernemental. L’« analyse ministérielle » consiste à préparer la décision
gouvernementale qui va suivre. Le ministre de l’Environnement, en consultation avec
les autres ministères impliqués et sur la base des divers rapports d’examen possibles
(étude d’impacts, analyse environnementale et rapport d’audience ou de médiation),
justifie sa position quant à la possibilité de réaliser le projet. Des conditions de mise
en œuvre peuvent alors être ajoutées aux autres recommandations du Ministre afin
de rendre acceptable la réalisation du projet. La décision finale revient toutefois au
Conseil des ministres du gouvernement du Québec, après discussion à partir du rap-
port d’analyse ministérielle. La décision du gouvernement, favorable ou non, est publiée
sous la forme d’un décret gouvernemental.
La dernière étape de cette phase décisionnelle débute par la décision ultime du
promoteur lui-même. En effet, ce dernier doit décider de l’issue finale selon les pos-
sibilités qui lui sont offertes. Il peut soit réaliser, modifier ou retarder la mise en place
du projet prévu et accepté, soit, dans le cas d’un refus gouvernemental, reprendre
l’examen d’un nouveau projet ou abandonner toute visée en ce sens. Lors de cir-
constances exceptionnelles (de nombreuses craintes ou des oppositions manifestes
exprimées lors de l’examen), le promoteur pourait aussi décider, de sa propre initiative,
d’abandonner tout simplement la réalisation de son projet. Toutefois, cette phase se
84 termine habituellement par la «réalisation du projet».
La dernière phase de la procédure, la phase VI, concerne la surveillance, le contrôle
et le suivi du projet. Cette ultime étape peut s’étendre sur plusieurs années après la
mise en place des installations et le début des opérations relatives au projet.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La consultation publique au Québec


Depuis le début des activités du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE),
la population du Québec a été consultée au sujet de 183 projets. À la suite de la demande
de requérants auprès du ministre de l’Environnement, 97 de ces projets ont donné lieu
à des audiences publiques, alors que 27 cas faisaient plutôt l’objet d’une médiation.
Les types de projets les plus fréquents ayant fait l’objet de consultations publiques sont :
les routes et infrastructures routières (39), les lieux d’enfouissement sanitaire (27), les
centrales d’énergie électrique (13) et les lignes ou postes énergétiques (9).
Lors d’une des audiences, celle portant sur la «gestion des matières résiduelles au Québec»,
415 citoyens et organismes ont déposé un mémoire devant les commissaires du BAPE.
Source: Dugas, 1999.

La procédure que nous venons d’examiner ne s’applique que pour le Québec méri-
dional, d’autres régimes étant en vigueur dans les régions nordiques. Ils sont le résultat
d’ententes antérieures entre le gouvernement canadien, le gouvernement québécois
et les groupes autochtones habitant les vastes territoires du nord du Québec. Ces ententes
sont survenues dans le cadre des délibérations sur les projets hydroélectriques de la
baie James ayant abouti à l’accord contenu dans la Convention de la baie James et
du Nord québécois. Deux règlements particuliers régissent ainsi le nord du Québec;
ce sont le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement
et le milieu social dans le territoire de la baie James et du nord québécois» (c.Q-2,
r.11) et le «Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement
et le milieu social dans le Nord-Est québécois» (c.Q-2, r.10). Le projet hydroélectrique
Grande-Baleine précédemment mentionné se situe justement à l’intérieur de ces limites
du Québec nordique.

L’éventuelle révision de la procédure québécoise


La révision de la procédure québécoise est venue bien près d’être confirmée lors de
l’examen du projet de loi 61, intitulé Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’envi-
ronnement. Ce projet de loi comprend des modifications relativement mineures quant 85
à la tenue de l’évaluation d’impacts, mais néanmoins essentielles à la mise à jour du
Québec par rapport à l’évolution des pratiques au cours des dernières années.
Le projet de loi 61 fut présenté et sanctionné à l’Assemblée nationale du Québec
à l’hiver 1992. Il n’est toutefois pas encore en vigueur à l’heure actuelle (mai 2000).
En fait, seulement trois articles mineurs de la Loi furent mis en vigueur, dont deux
L’évaluation des impacts environnementaux

sont depuis suspendus. La mise en place de la nouvelle loi suppose aussi la présen-
tation et l’adoption d’un nouveau règlement général, le «Règlement sur l’évaluation
environnementale» (L.R.Q., c. Q-2, a. 31.9.20), encore en phase de consultation. Les
délibérations entre les différents acteurs sociaux et économiques se poursuivent en
fait depuis bientôt une dizaine d’années, et ce, uniquement afin de réviser légèrement
une loi existante. Ce long exercice de négociation expose clairement les difficiles com-
promis de la négociation environnementale entre les multiples intérêts.
Parmi les innovations espérées notons que tout programme ou toute politique
du gouvernement provincial pourra désormais être soumis à la procédure d’évalua-
tion d’impacts. Actuellement, seuls les projets sont assujettis. En outre, les autorités
municipales pourront elles aussi demander d’y être soumises. La nouvelle Loi qué-
bécoise sur l’évaluation prévoyait aussi les modifications substantielles suivantes :
• la tenue d’une audience publique ou d’une médiation, à la discrétion du Ministre;
• la détermination de deux types de projets, ceux à enjeux ou impacts majeurs
et ceux à enjeux ou impacts mineurs;
• de nouveaux pouvoirs discrétionnaires du ministre de l’Environnement et du
gouvernement du Québec, particulièrement en ce qui concerne le retrait de
certains projets à une partie (audience publique) ou à la totalité de la procé-
dure d’évaluation.
La détermination des projets selon qu’ils impliquent ou non des «enjeux ou impacts
majeurs » illustre clairement l’un des aspects subjectifs de l’ÉIE, laissant libre cours
au pouvoir discrétionnaire des autorités. La démarcation des projets entre ceux à enjeux
majeurs et ceux à enjeux mineurs est décidée par le ministre de l’Environnement, puis
approuvée par le gouvernement, à partir d’une liste de projets contenue dans l’éven-
tuel règlement. En fait, la deuxième liste peut contenir des projets à enjeux ou impacts
majeurs ou mineurs, le choix étant laissé de nouveau à la discrétion du Ministre et
du gouvernement. Il existe bien sûr un risque de confusion important entre les deux
types de projets, et il est bien possible que cette dichotomie ne soit pas retenue dans
le projet de loi qui sera effectivement mis en place. Cet aspect équivoque, source de
nombreuses discussions contradictoires entre les intervenants, ne sera probablement
86 pas retenu dans la nouvelle législation.
L’accroissement du pouvoir discrétionnaire du Conseil des ministres et du
ministre de l’Environnement, notamment en ce qui concerne le pouvoir de soustraire
un projet à la procédure, représente actuellement l’un des enjeux retardant la mise
en application de la Loi. Le pouvoir accru des autorités gouvernementales dans le pro-
cessus est un lieu propice de désaccord entre les divers intervenants.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La médiation, inscrite désormais dans la nouvelle loi fédérale canadienne,


deviendra dorénavant un mécanisme officiel de la procédure québécoise. Concrètement,
dans certains cas, on avait eu recours à la médiation depuis quelques années. Cela
était généralement effectué sous la responsabilité du BAPE, de par son pouvoir d’en-
quête.
Une autre nouveauté dans la procédure québécoise est qu’en principe, doréna-
vant, «toute politique et tout programme du gouvernement» seront assujettis à la
procédure d’évaluation environnementale. Cela signifie une plus grande prise en compte
des aspects environnementaux dans les «affaires et les pratiques» de l’État grâce à
l’«évaluation stratégique des impacts» (ÉIS). Il s’agirait là bien sûr d’un élargissement
de la portée actuelle de l’ÉIE.
Toutefois, il semble que la nouvelle loi permettrait une réduction de la notion
même d’environnement, par rapport à la définition plus étendue contenue dans la
législation antérieure de 1978. L’environnement se réduirait ainsi au seul «aspect bio-
physique en milieu ambiant». Cette inclination à vouloir réduire l’étendue de la notion
d’environnement n’est pas bien claire ni évidente, car les divers éléments de l’envi-
ronnement habituellement concernés sont pourtant inclus dans le texte du nouveau
règlement présenté.
Parmi les éléments nouveaux, modifiés ou précisés par la nouvelle législation, on
retrouve aussi:
• la présentation par le promoteur d’un « programme d’analyse environne-
mentale», programme à être approuvé par le Ministre;
• la consultation de la population dès la présentation initiale du projet, donc
bien avant l’évaluation des impacts, afin de permettre l’intégration des pré-
occupations du public dans la directive ;
• la présentation claire et détaillée de la description et de la justification du projet;
• la description précise des mesures d’atténuation et de compensation prévues;
• la description des variantes de réalisation du projet ou la présentation de la
présélection effectuée selon des critères clairement définis;
• l’élaboration d’«options de réalisation» ou d’«options de remplacement» au 87
projet, s’il y a lieu;
• l’analyse comparative des variantes et de la sélection effectuée;
• l’évaluation et la mesure des impacts positifs et négatifs, y compris les « effets
directs, indirects, cumulatifs, différés et irréversibles » ;
L’évaluation des impacts environnementaux

• la réalisation d’un résumé de l’étude d’impacts, à incorporer au rapport


d’ÉIE;
• la consultation de la population par le BAPE concernant l’étude d’impacts;
• la prise en compte des enjeux exprimés par la population;
• l’audience publique ou le processus de médiation sous les auspices du BAPE,
à la discrétion du Ministre, après demandes publiques.
Malgré la mise en veilleuse de la révision de la procédure, la pratique québécoise
en ÉIE évolue tout de même. C’est ainsi qu’au cours des dernières années, par une
simple modification de la procédure administrative du ministère de l’Environnement
et de la Faune (MEF) de l’époque, le processus d’émission de la directive a été modifié.
Alors que l’émission de la directive par le Ministère était du cas par cas jusqu’alors,
la nouvelle pratique dispose désormais d’une série de «directives types» pouvant être
émises dès réception du dossier d’avis de projet. Ces directives types, une quinzaine
actuellement (1999), devraient éventuellement inclure tous les grands secteurs
névralgiques d’activité.

Législation nationale en Guinée


La législation nationale guinéenne en ce qui a trait à l’évaluation d’impacts est une
illustration éloquente d’un assemblage législatif complet. En effet, à partir d’un point
de vue très général sur la protection de l’environnement (Code de l’environnement),
les autorités de Guinée élaborent peu à peu, à l’aide de textes successifs de plus en
plus précis (décret, ordonnance et arrêté), la procédure à suivre jusque dans les moindres
détails.
Les pièces maîtresses de cet assemblage législatif guinéen en ÉIE sont:
– Code sur la protection et la mise en valeur de l’environnement (1987);
– Décret codifiant les études d’impacts sur l’environnement (1989);
– «Arrêté 990» du ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement (1990).
La première pièce, le Code sur la protection et la mise en valeur de l’environ-
88 nement (Ordonnance 045/PRG/SGG/87) de mai 1987, est un texte législatif général
sur l’ensemble des questions environnementales. Ce code de l’environnement (114 ar-
ticles) est un peu l’équivalent de la Loi québécoise sur l’environnement. Il aborde donc
les thèmes généraux de protection des milieux récepteurs (sol, sous-sol, eaux conti-
nentales, eaux maritimes et ressources ainsi que l’air), de mise en valeur du milieu
naturel et humain (établissements humains, faune et flore) et de lutte aux nuisances
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

(déchets, substances nocives ou dangereuses ainsi que le bruit et les odeurs). Ce n’est
qu’aux articles 82 et 83 que le Code aborde le thème de la procédure d’étude d’im-
pacts. Le premier de ces articles soumet tout projet pouvant porter atteinte à l’envi-
ronnement à la procédure d’étude d’impacts. Le deuxième article (83) signale, d’une
part, qu’un décret d’application devra préciser la procédure globale à suivre ainsi que
les projets qui devront y être soumis (ce sera le décret de 1989), et que, d’autre part,
un arrêté de l’autorité ministérielle chargée de l’environnement (l’Arrêté 990 à
venir) devra réglementer le contenu, la méthodologie et la procédure à suivre.
Le Décret codifiant les études d’impacts sur l’environnement (Décret 199/PRG/
SGG/89) de novembre 1989 décrète obligatoire la réalisation d’une étude d’impacts
dans le cas des projets mentionnés sur une liste d’inclusion placée en annexe. Seuls
sont exclus les « travaux d’entretien et de grosse réparation» (article 2). Les types de
projets soumis à la procédure d’ÉIE selon les secteurs d’activité sont:
• aménagement rural: exploitation forestière;
• domaine public maritime et fluvial: endigage, ports, exploitation des ressources
minérales en zones maritimes, aquaculture, pêche industrielle, rejets de sub-
stances dans le milieu marin;
• secteur de l’énergie: barrages hydroélectriques et centrales thermiques, lignes
électriques et stockage souterrain d’hydrocarbures;
• extraction de matériaux: exploitation de carrières, concession et exploitation
minière, et stockage souterrain de déchets industriels;
• infrastructures de transport: aérodrome, voies ferrées et routes ainsi qu’oléo-
ducs et gazoducs;
• installations classées: usines et manufactures de première classe;
• tourisme et loisirs: camping, hôtels (plus de 50 lits) et établissements de loi-
sirs de nuit ;
• aménagements des eaux continentales: aménagement des cours d’eau, ouvrages
d’adduction d’eau et programme d’irrigation ;
• urbanisme: grands projets d’urbanisation, dont stations d’épuration et de trai-
tement. 89
Quant à lui, l’Arrêté 990 du ministre des Ressources naturelles et de l’Environnement
(Arrêté 990/MRNE/SGG/90) de mars 1990 énumère en détail les différents éléments
que devrait contenir le rapport de l’étude d’impacts. Une deuxième section, beau-
coup plus sommaire, détermine les grandes étapes de la procédure ainsi que les délais
L’évaluation des impacts environnementaux

et responsabilités de chacun (promoteur, nommé ici «pétitionnaire ou maître de l’ou-


vrage», ministre de l’Environnement, Direction Nationale de l’Environnement et Conseil
National de l’Environnement).
Tels que déterminés dans l’Arrêté ministériel, les cinq parties obligatoires d’une
étude d’impacts ainsi que les éléments à prendre en considération sont:
• description du projet: objet, localisation, coût de réalisation, date et échéancier;
• analyse de l’état initial du site et de son environnement (avec une attention
spéciale aux éléments susceptibles d’être perturbés:
• géologie et pédologie, dont gisements exploitables et sites fossilifères;
• hydrogéologie: caractérisation des eaux souterraines, sources et puits de cap-
tages avoisinants, qualité des eaux souterraines et leur vulnérabilité;
• milieu naturel, faune et flore: caractérisation des milieux et hiérarchisation
de leur valeur biologique ;
• paysages et sites: sites inscrits ou protégés, monuments classés, et photo-
graphies du site;
• bruits, odeurs, pollution atmosphérique : niveau de bruit ambiant, odeurs
possibles, direction des vents et sources éventuelles de pollution atmo-
sphérique ;
• circulation et infrastructures: accès au site, trafic et état du réseau;
• activités socio-économiques : analyser les effets socio-économiques et
sociaux sur la population (habitudes de vie, mœurs et comportements);
• effets du projet sur l’environnement: sur tous les éléments énumérés précé-
demment, mais notamment sur les cinq dernières catégories ;
• justification du projet du point de vue environnemental: choix du site (argu-
menter le choix sur tous les éléments) et technique d’exploitation appropriée;
• atténuation et réduction des impacts: mesures d’atténuation et de compen-
sation si envisagée ainsi que dépenses affectées à celles-ci.
D’autres outils législatifs complètent l’assemblage législatif guinéen en ÉIE. Il s’agit
90 de l’Ordonnance 022/PRG/89 de mars 1989 modifiant certains articles du Code de
l’environnement, notamment ceux concernant les amendes et les peines d’empri-
sonnement en cas de pénalités; du Décret 200/PRG/SGG/89 de novembre 1989 por-
tant sur le régime juridique des Installations classées pour la protection de
l’Environnement; et enfin du Décret 201/PRG/SGG/89 de novembre 1989 portant
sur la «Préservation du milieu marin contre toutes formes de pollution ».
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

MONDIALISATION ET HARMONISATION DE L’ÉIE


Le contexte général de la mondialisation de l’économie et des politiques, jumelé à la
prise en compte internationale de l’environnement, entraîne des engagements fermes
en faveur de l’ÉIE sur l’ensemble de la planète. Rappelons simplement que la
Conférence de Rio de Janeiro, au Brésil (1992), réunissait pour la première fois les
chefs d’État de toutes les nations au sujet des problèmes environnementaux. La confé-
rence reposait sur un esprit de solidarité mondiale et elle faisait appel à la reconnaissance
de la responsabilité de tous les pays concernant la conservation de l’environnement.
Plus concrètement, les pays participants devaient réaliser une évaluation globale de
la situation de l’environnement sur leur territoire. Pour certains, il s’agissait d’un pre-
mier «bilan» environnemental national et d’une première prise de conscience des pro-
blèmes concrets et des solutions possibles.
La reconnaissance mondiale du tandem «développement-environnement » se
retrouve notamment dans le «pacte» que constitue l’Agenda 21 (Action 21, 1993)
issu des discussions de Rio. Les plus récents accords de l’Organisation mondiale du
commerce (OMC), organisme régissant le commerce international (anciennement
les «accords du Gatt») abondent aussi dans le même sens.
Plusieurs conventions et traités internationaux ratifiés au cours de la dernière
décennie imposent ou recommandent fortement l’évaluation environnementale des
projets. C’est le cas notamment de la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’en-
vironnement dans un contexte transfrontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991),
tout comme de la Convention sur la biodiversité ratifiée en 1992 (PNUE, 1996 et
Krattiger et coll., 1994) et de la Convention sur le commerce international des
espèces menacées (Convention on International Trade of Endangered Species :
CITES) de 1994. L’internationalisation des interventions en environnement se pour-
suit aussi dans le récent (1992) règlement de la CEE concernant l’«écoaudit», ainsi
que par les efforts de normalisation dans le domaine de l’environnement, notamment
les normes ISO (ISO 14000) (Lamprecht, 1997), malgré l’échec en ce qui concerne
l’adoption d’une norme spécifique à l’ÉIE.
Par ailleurs, les agences gouvernementales d’aide internationale au développe-
ment, telles que l’Agence canadienne de développement international (ACDI), 91
emboîtent elles aussi le pas. Ainsi, à la suite de l’adoption en 1992 d’une politique
environnementale en accord avec les principes du développement durable, l’ACDI
mettait en œuvre un plan d’action afin d’intégrer les préoccupations environnementales
à son processus décisionnel, notamment par la promotion de l’ÉIE (ACDI, 1992). D’autre
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 3.4
Carte du monde

part, comme l’enseignement et le transfert des connaissances entre les pays indus-
trialisés et ceux en voie de développement constitue l’un des mandats prioritaires de
tels organismes, l’ACDI parraine désormais un programme de renforcement insti-
tutionnel et universitaire en Afrique francophone (ACDI, 1994). Les agences d’aide
internationale des autres pays ont elles aussi établi des politiques et des programmes
similaires.
Parmi les autres incitatifs influents en faveur de la diffusion et de la généralisa-
tion de l’ÉIE, on retrouve les grands bailleurs de fonds internationaux. Ces derniers,
grâce à de nouvelles exigences concernant l’acceptabilité environnementale des pro-
jets de développement, espèrent inciter tous les promoteurs, et par ricochet tous les
décideurs du monde entier, à prendre en compte l’environnement dans l’évaluation
d’un projet. L’initiative des grands bailleurs de fonds en faveur de l’évaluation envi-
ronnementale, préalable au financement des projets, s’accomplit grâce à l’émission
92 de lignes directrices et de politiques bien précises. C’est notamment le cas de la Banque
mondiale (World Bank, 1991) et de la Banque africaine de développement (African
Development Bank, 1992), que nous verrons en détail plus loin. Ce premier mou-
vement international en faveur de l’évaluation environnementale des projets est appuyé
par des traités ou des conventions internationales concernant l’environnement, et tout
particulièrement par la Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement
dans un contexte transfrontière ratifiée en 1991 (Nations Unies, 1991).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Ces deux mouvements internationaux de prise en compte de l’évaluation des


impacts environnementaux, que nous allons examiner plus loin, concourent vers des
objectifs communs. Tout d’abord, il s’agit d’une prise en compte planétaire de l’éva-
luation des impacts: bientôt, plus personne ne méconnaîtra l’évaluation environne-
mentale et la coopération internationale s’intensifiera dans ce domaine. D’ailleurs,
la diffusion des démarches et des méthodes propres à l’ÉIE a pris une nouvelle dimen-
sion: en moins de dix ans, l’ÉIE devenait institutionnalisée dans la plupart des pays.
De plus, les organismes internationaux participent de manière active en faveur de l’uti-
lisation de l’ÉIE; ici et là l’étude d’impacts devient une procédure normale et obli-
gatoire des processus de décision. Parmi les organismes internationaux, il ne faudrait
pas oublier l’International Association of Impact Assessment (IAIA), un organisme
professionnel regroupant les experts internationaux en évaluation d’impacts qui par-
court le monde depuis près de vingt ans avec son congrès annuel (IAIA Newsletter,
1999), ainsi que le regroupement récent de ses membres francophones autour du
Secrétariat francophone de l’Association internationale d’évaluation d’impacts
(Interface, 1999).
Depuis quelques années déjà, les institutions bancaires assumaient un rôle
concret et éminemment pragmatique dans le domaine de l’environnement. Le déve-
loppement de la «doctrine de la responsabilité» (Jonas, 1990) et la prise en compte
des risques écologiques ont obligé les établissements de crédit à examiner la pratique
et la politique environnementale de l’«entreprise» demanderesse, qu’elle soit publique
ou privée, avant d’octroyer un financement. Les banques exigent donc désormais cer-
taines garanties de «bonnes pratiques environnementales» avant de financer tout projet
de développement. La plupart des institutions financières ont ainsi développé leur
propre politique de l’environnement, soit en créant des fonds particuliers en faveur
de l’environnement, soit en exigeant des «demandeurs » qu’ils suivent certaines pro-
cédures avant l’obtention d’un prêt. Cette nouvelle pratique des banques comprend
notamment la tenue d’audit environnemental et d’évaluation d’impacts. Cette pra-
tique est justifiée par le fait que les atteintes à l’environnement peuvent affecter consi-
dérablement la valeur des biens en garantie. De plus, dans certains cas, notamment
aux États-Unis et au Canada, les prêteurs pourraient être tenus solidairement res-
ponsables de tout dommage à l’environnement, qu’il soit antérieur ou ultérieur à l’en-
93
tente financière. Il s’agit dans ce cas de «responsabilité objective», c’est-à-dire d’une
responsabilité considérée sans faute. Les institutions financières encourent donc cer-
tains risques du simple partage des responsabilités environnementales avec leurs clients.
Cette situation de risques partagés entre entrepreneurs et banquiers est particu-
lièrement importante dans le cas de terrains contaminés, dont les prêteurs héritent
L’évaluation des impacts environnementaux

parfois du seul fait de la non-solvabilité des derniers propriétaires en titre. Ainsi, aux
États-Unis, dans le cadre législatif du CERCLA (Comprehensive Environmental
Response, Compensation and Liability Act 1980), dénommé couramment «Superfund»
(Superfund Amendments and Reauthorization Act of 1986 (SARA)), la prise en charge
d’un site contaminé, même par la simple exécution d’une hypothèque, rend ipso facto
l’institution financière responsable. En avril 1992, une «circulaire» de l’EPA, EPA Final
Rule on Lender Liability, s’est efforcée de redresser quelque peu la situation en faveur
des banques, sans toutefois dénier toutes les responsabilités de celles-ci (London, 1993).
Il y est notamment question du droit de l’emprunteur d’exiger un audit environne-
mental ou une remise en état du site, ainsi que le respect de la réglementation envi-
ronnementale en vigueur. Cette nouvelle pratique signifie que non seulement le res-
ponsable d’une contamination du sol pourrait être contraint de réparer les dommages
causés, entre autres en décontaminant le terrain en question, mais l’acheteur ulté-
rieur du terrain aussi ou la banque ayant accordé un financement à la société
condamnable.
En mai 1992, à New York, les représentants de grandes banques commerciales
adoptaient la « Déclaration des Banques sur l’Environnement et le Développement
durable». La déclaration insistait sur les responsabilités collectives vis-à-vis de la conser-
vation de l’environnement et du rôle prioritaire de l’environnement parmi les acti-
vités des entreprises, y compris pour les banques. Les signataires (29 grandes banques
impliquant 23 pays) s’engageaient à faire respecter les « meilleures pratiques en
matière d’environnement», et ce, en tant que facteur clé pour une gestion efficace
de l’entreprise (London, 1993).
L’un des plus profonds encouragements en faveur de l’ÉIE découle sans doute
des nombreuses poursuites en dommages consécutives aux catastrophes environne-
mentales des dernières années. Parmi ces catastrophes, notons les poursuites des com-
munes françaises contre la Standard Oil, à la suite du déversement de pétrole de l’Amoco-
Cadiz (1978), celle de l’Exxon-Valdez sur les côtes de l’Alaska (1990) et tout
particulièrement les poursuites contre les dirigeants de l’entreprise responsable des
meurtrières vapeurs toxiques de Bhopal aux Indes (1985). Dans ce dernier cas très
révélateur et lourd de conséquences, plusieurs membres étrangers de la haute direc-
94 tion de l’entreprise furent traduits devant les tribunaux locaux pour négligence grave.
La France, tout comme la plupart des pays industrialisés, entreprit une réforme
du Code pénal en 1994. Cette réforme introduisait des modifications à la loi fran-
çaise, et particulièrement la responsabilité des personnes morales (entreprises, col-
lectivités locales) en cas de nuisance à l’environnement. Auparavant, seulement les
personnes physiques pouvaient en être tenues responsables (Dron, 1995).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Lors de la conférence de Rio, vingt ans après celle de Stockholm en 1972, les par-
ticipants réaffirmèrent donc le rôle essentiel de la planification environnementale dans
la gestion des affaires humaines. La Déclaration de Rio concrétisait aussi l’interdé-
pendance des États, et ce, quel que soit leur niveau de développement (Dron, 1995).
Toutefois, malgré les fortes pressions en sens inverse des organisations internationales
non gouvernementales et du droit international, les engagements issus de Rio réitèrent
la souveraineté des États. Cet état de fait expose clairement «l’impossibilité pour une
organisation supranationale d’exercer envers l’un d’eux une rétorsion quelconque,
hormis les embargos, plus ou moins respectés d’ailleurs » (idem). En conséquence,
l’incitation en faveur de la planification environnementale, et notamment de l’ÉIE,
doit passer avant tout par la mise en œuvre d’accords et de conventions internatio-
nales, ainsi que par la poursuite des exigences des grands bailleurs de fonds.
Le nouveau contexte mondial favorisé par les sociétés transnationales permet d’en-
trevoir cependant le dépassement des structures de régulation étatique nationale. Les
pratiques bancaires et les multiples échanges internationaux entraînent la mise en
évidence de la pluralité des ententes et des conflits possibles, mais surtout le dépas-
sement tous azimuts des structures étatiques (Lascoumes, 1986). La rationalité
propre des sociétés transnationales tendra ainsi à favoriser de nouveaux processus de
gestion et de décision libérés des cadres étatiques trop restrictifs.
La pratique internationale de l’ÉIE se dirige donc lentement vers une relative «har-
monisation» et une inévitable «recherche de cohérence» des politiques, des procé-
dures, des démarches méthodologiques et des méthodes employées dans le domaine
de l’évaluation des impacts environnementaux, sans toutefois nier les particularités
propres à chacun et parfois fort utiles à la gestion de l’environnement. Néanmoins,
afin que les outils de l’ÉIE puissent agir concrètement, la pression des organisations
non gouvernementales et des experts en études d’impacts devra se poursuivre. Ce n’est
qu’ainsi qu’on pourra contrebalancer les tendances inverses issues de la déréglementation
et de l’insidieuse «loi du marché» toute puissante.

PROCÉDURES D’ÉIE DES GRANDS BAILLEURS DE FONDS


Au début des années 1990, des procédures («directives») d’évaluation environnementale 95
préalables au financement des projets furent successivement émises par la Banque mon-
diale (World Bank, 1991), la Banque africaine de développement (African Development
Bank, 1992), la Banque asiatique de développement (Asian Development Bank, 1993)
et la Banque interaméricaine de développement (Inter-American Development
Bank, 1994). Rappelons que les nombreux échanges entre les grandes banques
L’évaluation des impacts environnementaux

internationales ont mené en 1992 à la «Déclaration des Banques sur l’environnement


et le développement durable».
Nous n’allons examiner ici que les exigences environnementales de deux des banques
les plus importantes au niveau international dans le contexte de l’ÉIE pour les pays
francophones. Nous avons précédemment abordé les questions relatives à l’influence
des organismes internationaux en ce qui concerne les exigences d’évaluation des impacts
ainsi que la tendance à la standardisation des études à l’échelle mondiale. Nous revien-
drons donc sur le rôle déterminant de la Banque mondiale dans ce domaine, et, par
ricochet, à celui de la Banque africaine de développement.

Procédure de la Banque mondiale


La Banque mondiale (World Bank) est née avec la formation du «Fonds monétaire
international» à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Son nom véritable est «Banque
internationale pour la reconstruction et le développement» (BIRD). Son occupation
principale demeure le financement de projets de développement, majoritairement dans
les « pays dits en voie de développement ». La procédure type d’évaluation des
impacts environnementaux, préalable à l’acceptation des projets de développement
devant être soumis aux organismes internationaux de financement, est en majeure
partie issue des exigences de la Banque mondiale, celle-ci étant sans contredit la pion-
nière en ce domaine.
L’importance d’une institution comme la Banque mondiale dans le domaine de
l’environnement est considérable. Son influence est déterminante en ÉIE, notamment
parce que, contrairement à d’autres organismes internationaux comme le Programme
des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Programme des Nations Unies
pour l’environnement (PNUE), la Banque «possède aussi les moyens de ses politiques»
(Le Prestre, 1997).
À la suite de nombreuses pressions en provenance d’organisations non gouver-
nementales (ONG) au début des années 1980, le Congrès américain imposa une vague
de réformes à la direction de la Banque. Ces réformes visaient l’amélioration de la
prise en compte des préoccupations environnementales dans les projets de dévelop-
96 pement. Un premier document de prise en compte de l’environnement (une direc-
tive environnementale) fut publié peu après (World Bank, 1984). Puis, vers la fin des
années 1980, les autorités de la Banque instituèrent une série de procédures parti-
culières concernant l’évaluation environnementale pour tout projet devant être
soumis à son autorité.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

La Banque mondiale fut aussi dotée d’un département de l’environnement en


1987, mais une «cellule environnementale» existait déjà depuis 1982 (World Bank,
1996a). Ce département comprenait à l’origine seulement 28 des 6 000 employés de
la Banque. C’est à cette époque qu’on décida aussi de financer des projets spécifiquement
dédiés à la conservation de l’environnement, le «plan d’action pour les forêts tropi-
cales», par exemple. La Banque favorisa aussi la participation des diverses ONG à la
réalisation des projets. Ce n’est finalement qu’en 1989 que la Banque institutionna-
lisa l’ÉIE préalable à l’acceptation des projets, par l’entremise d’une directive expli-
cite à ce sujet.
Selon une étude effectuée par la Banque au début des années 1990, seulement
22% des projets financés sous ses auspices étaient conformes aux récentes directives
environnementales de l’entreprise bancaire. Un total de 1300 projets, répartis dans
113 pays et représentant des investissements de 360 milliards de dollars, dont 133 mil-
liards à la charge même de la Banque, furent examinés pour cette étude (Ferrié, 1994).
Depuis l’instauration de la directive de 1989, et ce, jusqu’en 1995, plus d’un millier
de projets de développement de la Banque furent subordonnés à une analyse préli-
minaire afin qu’on en connaisse les éventuels impacts sur l’environnement (World
Bank, 1996a).
Par ailleurs, les responsabilités de la Banque mondiale en matière de conserva-
tion de l’environnement ont récemment été augmentées. Ainsi, à la suite de la
conférence de Rio sur le développement et l’environnement en 1992, la Banque mon-
diale s’est vu confier la gestion du Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Le
FEM est un mécanisme financier offrant dons et aides financières, destiné aux pro-
jets visant à protéger l’environnement mondial, notamment dans les pays en voie de
développement. Le programme pilote du FEM fut instauré en 1991, mais il est depuis
1994 sous l’égide de la Banque mondiale (Subiza, 1994).
Sous la sanction ultime de ne plus octroyer de crédits à l’avenir, la Banque peut
exiger des États récipiendaires certaines conditions parmi les suivantes (London, 1993):
• adopter une législation en matière d’environnement ou le renforcement de celle-ci;
• exécuter des études particulières en environnement ;
97
• mettre en place des procédures de contrôle environnemental ;
• assurer le respect de la législation existante et des conventions internationales;
• procéder à des audits environnementaux ;
• mettre en place des programmes particuliers de protection des ressources.
L’évaluation des impacts environnementaux

La procédure d’évaluation exigée par la Banque mondiale prévoit le classement


des projets dans l’une ou l’autre des catégories d’étude prévues à cet effet. La caté-
gorie est déterminée à partir de l’ampleur des impacts environnementaux anticipés
pour chaque type de projet. La procédure d’évaluation mise en place par la Banque
mondiale distingue désormais deux types de projets seulement (antérieurement, on
en distinguait trois) devant se soumettre à un examen d’études d’impacts. Il s’agit
de ceux nécessitant une évaluation détaillée des impacts (catégorie A) et de ceux ne
requérant qu’une analyse environnementale (catégorie B). Bien entendu, la réalisa-
tion d’une évaluation des impacts environnementaux est plus ou moins complète selon
la catégorie de projet. Les projets classés dans la catégorie A doivent suivre une pro-
cédure d’ÉIE exhaustive. Les deux autres catégories de projets (C et D) ne requièrent
habituellement aucune étude particulière, mais pourraient exceptionnellement être
assujetties à la procédure de catégorie A ou B.
La procédure détaillée de la Banque mondiale est inscrite dans une «directive opé-
rationnelle (Operational directive 4.00-Annex A)» publiée en 1989 (World Bank, 1991).
De légères modifications furent toutefois apportées en 1991 lors de l’émission de la
révision d’une partie de la directive. Cette nouvelle directive, la «directive 4.01», concerne
tout particulièrement l’influence et l’ampleur que devrait prendre la participation
publique. Plus récemment, de nouvelles orientations en faveur des évaluations stra-
tégiques furent publiées, notamment au sujet des évaluations régionales et sectorielles
(World Bank, 1993).
Actuellement, la séquence idéale du processus de gestion d’un projet pour la Banque
mondiale démarre avec une évaluation stratégique, se poursuit par l’évaluation des
projets et se boucle par un suivi postprojet (Environmental Post Audit) (Goodland
et Mercier, 1999). Quoique l’évaluation de projet soit devenue routinière, les auto-
rités de la Banque reconnaissent qu’en pratique les évaluations stratégiques sont plutôt
rares mais que les suivis postprojets sont en progression (idem).

Préoccupations environnementales de la Banque mondiale


Selon la directive de la Banque mondiale, la «directive opérationnelle DO 4.00» (World
Bank, 1991)6, une évaluation environnementale devrait inclure les aspects généraux
98 suivants :

6. Les trois volumes publiés en 1991 par la Banque mondiale, Environmental Assessment Sourcebook,
viennent tout juste d’être traduits en français, grâce à la collaboration du Secrétariat francophone
de l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts sous le titre de Manuel d’évaluation envi-
ronnementale (été 1999).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• des données de base du milieu ;


• les impacts directs et indirects prévus;
• une comparaison environnementale systématique des solutions de rechange,
des sites, des technologies et des designs;
• un plan d’action des mesures préventives, d’atténuation et de compensation;
• un plan de gestion de l’environnement et un plan de formation;
• un plan de suivi.
La directive opérationnelle exige que les solutions de rechange à un projet et les
enjeux globaux doivent être clairement traités lors de l’élaboration de l’évaluation envi-
ronnementale. La directive propose une liste des enjeux à considérer lors d’une telle
évaluation. Selon cette liste, une évaluation environnementale convenable devrait traiter
notamment des enjeux suivants :
• Agrochimie: favoriser une gestion intégrée de l’utilisation des pesticides et des
fertilisants ;
• Biodiversité: recommander la conservation des espèces en danger (animales
et végétales), des habitats critiques et des aires de protection;
• Patrimoine culturel : protection des sites archéologiques, des monuments et
des lieux historiques;
• Développement postprojet et autres aspects socioculturels : l’implantation
d’un projet entraîne souvent un développement postprojet (e.g. agrandisse-
ment d’une ville, exode rural), lequel peut provoquer des impacts majeurs indi-
rects souvent difficiles à gérer pour les gouvernements locaux;
• Risques technologiques: tous les projets énergétiques et industriels devraient
inclure un plan formel de prévention et de gestion des risques technologiques;
• Traités internationaux et accords sur l’environnement et les ressources
naturelles: incorporer ou réviser, dans le rapport d’évaluation, le statut et l’ap-
plication des traités et accords ainsi que la nécessité de leur ratification. Il s’agit
donc de connaître les traités internationaux et les lois appliquées dans les dif-
férents pays ;
99
• Utilisation du sol: la complexité des impacts physiques, biologiques, socio-
économiques et culturels concernant l’utilisation du sol recommande une atten-
tion bien particulière;
L’évaluation des impacts environnementaux

• Risques naturels : l’étude devrait examiner les risques que le projet soit
affecté par les catastrophes naturelles (tremblement de terre, inondation,
activité volcanique) et devrait, le cas échéant, proposer des mesures préven-
tives spécifiques;
• Santé et sécurité publique: les projets énergétiques et industriels devraient
inclure des plans formels pour promouvoir la santé et la sécurité publique;
• Bassins versants: promouvoir la gestion et la protection des bassins versants,
pour les opérations reliées aux barrages, aux réservoirs et aux systèmes d’ir-
rigation;
• Milieux humides: favoriser la conservation et la gestion des milieux humides
(estuaires, lacs, mangroves, marais et marécages);
• Milieux naturels: la Banque s’est engagée à protéger les milieux naturels en
incluant des mesures de compensation lorsque des impacts négatifs sont appré-
hendés.
En ce qui concerne la gestion des ressources marines et côtières ainsi que les bar-
rages et réservoirs, les produits dangereux, les voies navigables internationales, la relo-
calisation des populations, les autochtones et les forêts tropicales, la Banque mon-
diale se base aussi sur le respect des directives nationales et internationales existantes
dans ces domaines.
Plus récemment, les préoccupations de la Banque concernaient la nouvelle
orientation en faveur de l’évaluation environnementale régionale et sectorielle.
L’évaluation environnementale régionale doit être entreprise lorsque plusieurs pro-
jets de développement sont prévus dans une zone relativement bien localisée (World
Bank, 1993). Dans un tel cadre, il est nécessaire de considérer les impacts cumula-
tifs, d’explorer les différents scénarios de développement et d’envisager une gestion
à long terme. L’évaluation environnementale sectorielle, quant à elle, sera plutôt entre-
prise dans le cadre d’un changement dans les politiques locales et dans les petits pro-
jets locaux, de même que pour les grands secteurs d’activité comme les mines et les
ressources énergétiques, ainsi que les secteurs forestier et agricole (World Bank, 1996b).

100 Contenu du rapport d’évaluation


Un rapport d’évaluation environnementale complet doit être transmis aux autorités
de la Banque, comme préalable à l’acceptation du financement d’un projet ou d’un
programme de développement assujetti à la catégorie A. Ce rapport devrait être concis
et mettre l’accent sur les enjeux environnementaux significatifs. Le degré de détails
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

devrait être relatif à l’ampleur des impacts potentiels, un projet important exigeant
donc un rapport exhaustif. Le rapport soumis aux autorités de la Banque peut être
rédigé en anglais, en français ou en espagnol.
Selon la directive opérationnelle (DO 4.00), le rapport d’évaluation environne-
mentale devrait contenir plus précisément les dix aspects suivants:
• Résumé synthèse en anglais: revue concise des différents éléments significa-
tifs et des actions recommandées ;
• Contexte institutionnel, juridique, législatif et administratif: les différents
contextes dans lesquels l’évaluation environnementale a été préparée. Les exi-
gences des cofinanciers devraient aussi être exprimées ;
• Description du projet : compréhension du projet dans les contextes géogra-
phique, écologique, social, financier et temporel, ainsi que les projets connexes
requis par le projet (par exemple, conduites réservées, routes d’accès, héber-
gement, matériel brut et facilité de stockage);
• Données de base: évaluation des dimensions de la zone (espace de référence)
du projet et description des conditions physiques, biologiques et socio-
économiques les plus importantes, y compris les changements éventuels anti-
cipés avant le démarrage du projet. Les activités de développement, en cours
ou proposées, devraient également être intégrées;
• Impacts sur l’environnement : identification et évaluation des impacts posi-
tifs et négatifs résultant du projet proposé. Les mesures d’atténuation et les
impacts résiduels ne pouvant être minimisés devraient être définis clairement.
Les possibilités de mise en valeur de l’environnement devraient être aussi explo-
rées. L’ampleur et la qualité des données disponibles ainsi que les incertitudes
reliées aux prédictions et les données absentes devraient être clairement rele-
vées et estimées ;
• Analyse des solutions de rechange : comparaison systématique des solutions
proposées en termes de conception, de localisation, de technologie, d’inves-
tissements et de variantes d’exploitation. Pour chacune des solutions, les
avantages, coûts et bénéfices devraient être quantifiés. Les paramètres ayant
servi à la sélection de l’option proposée devraient être clairement exposés ; 101
• Plan d’atténuation: établissement de la faisabilité et de la relation coûts-
avantages des mesures d’atténuation pouvant réduire significativement et à un
niveau acceptable un impact négatif appréhendé. Les frais associés et les coûts
d’entretien des mesures devraient eux aussi être estimés. De plus, l’estimation
des besoins institutionnels de formation et, ultérieurement, ceux concernant
L’évaluation des impacts environnementaux

la surveillance et le suivi associés à ces mesures devraient être étudiés. Un plan


de gestion des mesures d’atténuation doit être présenté (plan d’action, détails
du programme proposé et échéanciers). Le plan devrait inclure des mesures de
compensation là où les mesures d’atténuation sont difficilement applicables ou
trop coûteuses;
• Gestion et formation environnementale : l’évaluation du personnel, du rôle
et du potentiel de l’unité environnementale en place ainsi que pour les autres
intervenants doit être indiqué. Des recommandations ainsi que les efforts déjà
entrepris afin d’améliorer cette situation, notamment par des programmes de
formation, devraient aussi y être précisés ;
• Plan de gestion environnementale: les spécifications du type de suivi, des inter-
venants impliqués ainsi que les coûts inhérents et autres ressources nécessaires
(formation) doivent être clairement indiqués ;
• Annexes: les annexes devraient contenir la liste des évaluateurs de l’étude (indi-
vidus et organisation) et les références utilisées dans sa préparation, ainsi que
les comptes-rendus des réunions entre les divers intervenants, incluant la liste
des invités et adjoints. Enfin, la liste des consultations pour l’obtention de l’in-
formation (divers points de vue), comprenant l’identification des populations
affectées et des décideurs locaux ainsi que les autres moyens d’information et
les acteurs consultés devraient compléter le rapport.

Procédure d’ÉIE de la Banque africaine de développement


La Banque africaine de développement (BAD) s’engagea elle aussi au début des années
1990 à prendre en compte les préoccupations environnementales dans l’acceptation
des projets de développement à être financés sous ses auspices. Créée en 1963, la même
année que l’Organisation de l’unité africaine (OUA), la Banque africaine débuta ses
opérations financières en 1966 (Kêdowidé, 1993).
La Banque africaine s’engageait, en 1987, sur la voie de la prise en compte de l’en-
vironnement, en créant une Division environnementale; un poste de coordonnateur
à l’environnement existait déjà depuis 1984. Ce n’est toutefois qu’en juin 1990 que
la Direction de la Banque adoptait une politique environnementale. Puis, en 1992,
102 la Banque émettait une «directive» concernant l’ÉIE mais pour son usage interne seu-
lement. La directive de la Banque précise clairement la démarche à suivre et les lignes
directrices à prendre en compte pour la réalisation du rapport nommé «évaluation
environnementale» (ÉE) (African Development Bank, 1992).
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

Dans l’ensemble, la politique environnementale de la Banque africaine de déve-


loppement, ainsi que les directives d’application de celle-ci, se situe bien dans la même
continuité que celle définie et précisée par la Banque mondiale, cette dernière ser-
vant ainsi de cadre de référence à la première, tout comme à l’ensemble des autres
grandes banques d’aide au développement à travers le monde.

Préoccupations environnementales de la Banque africaine


Les principales préoccupations environnementales de la Banque africaine sont reliées
aux problèmes relatifs à la gestion des déchets et à la qualité de l’eau. Dans le
contexte de la plupart des pays africains, il n’est pas surprenant de constater que la
conservation et la protection des ressources en eau sont sans doute les plus impor-
tantes inquiétudes concernant l’impact des projets de développement. L’ampleur gran-
dissante de la gestion des déchets dans le milieu urbain en pleine expansion est aussi
une question de plus en plus préoccupante (Aw, 1996).
À l’instar de la Banque mondiale, la Banque africaine distingue diverses catégo-
ries de projets devant faire l’objet d’un «examen préliminaire d’incidences environ-
nementales ». C’est ainsi que la procédure environnementale de la Banque classe les
divers projets en trois catégories (catégories I à III) similaires à celles que nous avons
vues pour la Banque mondiale (Aw, 1994).
Parmi les aspects essentiels à prendre en considération pour la tenue des évaluations
environnementales, et qui devraient faire partie des «termes de référence» (directive)
orientant l’examen, la Banque insiste tout particulièrement sur les sept aspects sui-
vants (African Development Bank, 1992):
• la responsabilité des différents intervenants dans la préparation du rapport d’éva-
luation environnementale (ÉE) ;
• le respect de la procédure suggérée pour la réalisation de l’ÉE;
• l’identification des ouvrages de référence et des études disponibles utilisés;
• l’identification des autres études et projets similaires, reliés au projet examiné
ou au lieu d’implantation (impact cumulatif);
• la mise en évidence des principales composantes environnementales ainsi que 103
de leurs indicateurs (descripteurs) ;
• l’énumération des mesures d’atténuation pour chacun des impacts potentiels;
• la préparation d’un plan de suivi, autant pour les phases de construction que
d’exploitation.
L’évaluation des impacts environnementaux

La procédure de la Banque africaine recommande aussi de porter une attention


particulière aux «zones environnementales fragiles». Parmi ces zones fragiles, on retrouve
les récifs de corail, les mangroves et la forêt ombrophile tropicale.
Parmi les projets assujettis à la catégorie I, ceux «qui peuvent avoir des incidences
environnementales importantes nécessitant un examen approfondi sur le terrain et
une étude de l’impact sur l’environnement (EIE)» (Aw, 1994). On y retrouve:
• barrages et centrales hydroélectriques ;
• centrales thermiques ;
• électrification à grande échelle;
• mines (incluant hydrocarbures et gaz);
• oléoducs et gazoducs ;
• complexes industriels;
• manufactures et transports de matières dangeureuses;
• projets à risques d’accidents graves;
• approvisionnement en eau et installations sanitaires à l’échelle urbaine;
• routes et chemins de fer ;
• ports, ouvrages côtiers ;
• aéroports;
• développement touristique à grande échelle.

Contenu du rapport d’évaluation


Le rapport d’évaluation environnementale (ÉE) devant être présenté aux autorités
de la Banque pour l’acceptation d’un projet de financement devrait contenir plus pré-
cisément les aspects suivants :
• Résumé synthèse: résumé des aspects significatifs et importants ainsi que des
principales actions recommandées;
• Introduction : identification des promoteurs et des conditions d’amorce du
104 projet ainsi que des divers intervenants, tant pour le projet que pour l’ÉE. La
justification du projet et les ressources financières relatives au projet devraient
aussi être clairement présentées ;
• Description du projet: la description du projet devrait inclure, à titre non res-
trictif :
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• une description des matériaux bruts, des procédés, des équipements et des
produits utilisés;
• les cartes, diagrammes et photographies disponibles;
• un résumé des principales caractéristiques techniques, économiques et envi-
ronnementales du projet;
• Description de l’état de l’environnement actuel: la description devrait inclure:
• les conditions qualitatives et quantitatives actuelles de l’environnement phy-
sique, biologique et humain;
• les limites spatiales de l’environnement concernées par le projet;
• les éléments sensibles de l’environnement ;
• Options au projet: selon les contraintes, les objectifs et l’étendue des facteurs
économiques, techniques et environnementaux, plusieurs variantes ou solu-
tions de rechange au projet devraient être étudiées. Les principales caracté-
ristiques de chaque option devraient être présentées, ainsi que les principaux
avantages et désavantages qui devraient être discutés et évalués. Les options
non retenues devraient être également incluses dans la discussion;
• Impacts environnementaux : cette section devrait décrire comment les
impacts positifs et négatifs du projet sont déterminés et évalués. Les effets cumu-
latifs, synergiques ou antagonistes devraient aussi être présentés. La présen-
tation devrait inclure en outre:
• la source des impacts ;
• la nature des impacts ;
• la méthode d’évaluation des impacts;
• la détermination des impacts résiduels significatifs (donc après mesures d’at-
ténuation);
• Mesures d’atténuation: énumération des mesures d’atténuation proposées afin
de réduire ou d’éliminer les impacts potentiels du projet. L’évaluation éco-
nomique de ces mesures doit aussi faire l’objet de discussion;
• Conclusion : la conclusion devrait montrer clairement les principaux enjeux
105
du rapport;
• Références : les références scientifiques et techniques utilisées devraient être
énumérées.
L’évaluation des impacts environnementaux

CONVENTION SUR L’ÉIE DANS UN CONTEXTE TRANSFRONTIÈRE


Jusqu’en février 1991, l’ÉIE n’était quasiment envisagée qu’exclusivement dans les limites
territoriales nationales. Mais lors d’une réunion sous l’égide des Nations Unies
tenue à Espoo en Finlande, on ratifia la Convention sur l’évaluation de l’impact sur
l’environnement dans un contexte transfrontière (Nations Unies, 1991). L’entrée en
vigueur de la Convention n’intervint finalement qu’en 1998 et la première rencontre
des parties, en mai de la même année à Oslo, en Norvège. Les premiers signataires
furent les États membres de la Commission économique pour l’Europe (CEE) ainsi
que ceux du statut consultatif. Le Canada ratifia la convention en 1998 seulement,
alors que les États-Unis l’avaient fait en février 1992 (Canter, 1996).
La Convention vise essentiellement à poser des balises pour les projets de déve-
loppement ayant des impacts environnementaux au-delà du cadre national d’inter-
vention. Pour la première fois, une entente multipartite large permettait la mise en
place d’une procédure de planificaton des projets débordant les frontières nationales.
La Convention place bien sûr l’ÉIE comme l’outil privilégié de gestion de cette ques-
tion. Dans le passé, cet aspect de l’ÉIE relevait du cas par cas, la pratique s’appuyait
sur des «manières de faire» ad hoc. Plusieurs accords bipartites ou multipartites res-
treints existaient, comme l’entente canado-américaine de 1909 sur les eaux limitrophes
(Saint-Laurent/Grands Lacs) et les ententes portant sur des fleuves internationaux,
tels que le Niger et le Sénégal en Afrique, ainsi que le Rhin et le Danube en Europe.
Cette convention spécifique à l’ÉIE faisait suite à une première entente interna-
tionale, la Convention de Genève sur la pollution au-delà des frontières, signée en
1979, les deux conventions étant en grande partie issues de l’impact des précipita-
tions acides, une question grandement médiatisée au cours des années 1970 et 1980,
autant en Europe qu’en Amérique.
D’autres grandes conventions internationales abordent aussi la question de
l’évaluation des impacts environnementaux. Les accords sur les changements climatiques
et sur la protection de la couche d’ozone impliquent indirectement et implicitement
la prise en compte de l’ÉIE dans sa dimension transfrontière. Mais plus explicitement,
et de manière directe, c’est le cas de l’importante «Convention sur la diversité bio-
106 logique» (Convention on Biological Diversity) ratifiée en 1992. L’article 14 de cette
convention stipule clairement la nécessité de réaliser des ÉIE et de minimiser les impacts
significatifs, particulièrement sur les questions de biodiversité dans le contexte trans-
frontière. On y recommandait, notamment, l’introduction de procédures appropriées
d’ÉIE et l’encouragement à la participation du public (Krattiger et coll., 1994). Nous
examinerons plus en détail cette dernière convention dans la prochaine section.
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

D’autre part, la gestion des questions transfrontières, voire des différends entre
États voisins, est couverte de diverses façons sous l’égide des Nations Unies. C’est le
cas entre autres de la Charte des Nations Unies et de la Cour internationale de jus-
tice ainsi que des multiples accords, traités et ententes internationales. La Convention
transfrontière poursuit l’application du principe de règlement pacifique des différends
entre États tel qu’exprimé par les Nations Unies. L’organisme a d’ailleurs publié un
«manuel d’instruction» très détaillé sur cette question à la même époque que la rati-
fication de la Convention (Nations Unies, 1992).

Préoccupations environnementales de la Convention


Selon les termes de référence de la Convention, l’expression «impacts transfrontières»
s’adresse autant aux impacts de caractère mondial qu’à ceux n’affectant que deux États.
Le concept d’impact environnemental, quant à lui, comprend l’ensemble des impacts
biophysiques et humains; il est donc compris dans son acception globalisante, élar-
gissant ainsi la portée du concept d’environnement dans plusieurs pays. De plus, dans
la mesure du possible, l’examen devrait aussi s’étendre aux politiques, aux plans et
aux programmes (Nations Unies, 1991).
Cet accord international s’inscrit dans le cadre général d’un «développement éco-
logiquement rationnel et durable ». Bien sûr, chaque activité ou projet pouvant
affecter l’intégrité de l’environnement au-delà des frontières d’un État quelconque
devrait faire l’objet d’une étude d’ÉIE. Les aspects transfrontières de l’impact envi-
ronnemental des projets sont bien entendu au cœur des préoccupations des signa-
taires. L’entente souhaite poursuivre les efforts des organisations internationales dans
la promotion de l’évaluation des impacts sur l’environnement, notamment par
l’adoption des «Buts et principes de l’évaluation de l’impact sur l’environnement»
du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de la Déclaration
ministérielle sur le développement durable signée à Bergen (Norvège) en 1990.
Parmi les solutions de rechange étudiées lors de l’examen d’un projet, l’option
«zéro» devrait être examinée au même titre que les autres options. La participation
du public habitant les zones susceptibles d’être touchées doit aussi être incluse dans
les procédures d’ÉIE. La libre transmission des informations entre les divers inter-
venants, qu’ils soient locaux, nationaux ou transfrontières, doit être instituée. Les litiges
107
entre les parties (États) doivent se régler soit devant la Cour internationale de
Justice, soit en arbitrage, selon une procédure particulière déterminée dans la
Convention.
L’évaluation des impacts environnementaux

Une éventuelle entente transfrontière tripartite


Depuis juin 1997, le Conseil de la Commission de coopération environnementale, formé
par les ministres de l’Environnement du Canada, des États-Unis et du Mexique, discute
d’un éventuel accord sur l’évaluation des impacts transfrontaliers entre les trois parties.
Cet accord nord-américain de coopération internationale mena à une résolution
adoptée par les trois parties devant favoriser les négociations pour une entente de col-
laboration en ce sens, et ce, au même titre que l’étroite collaboration économique actuel-
lement en vigueur entre les trois pays.
La récente ratification de la Convention internationale sur l’évaluation des impacts trans-
frontières de la part du Canada (1998), le dernier signataire du présent triumvirat, a
accéléré les négociations.
Source : Interface, vol. 1, no 1, mai 1998. Bulletin du Secrétariat francophone de
l’Association internationale pour l’évaluation d’impacts, p. 4.

L’évaluation et l’inspection a posteriori des projets sont deux nécessités évidentes


pour le respect de la Convention. Il s’agira donc d’effectuer la surveillance et le suivi
des activités susceptibles d’impacts transfrontières. Les aspects de la recherche,
notamment la mise au point de méthodes d’application des principes d’ÉIE sur le
plan macroéconomique, doivent être privilégiés. L’amélioration des méthodes qua-
litatives et quantitatives d’ÉIE fait aussi l’objet des préoccupations. Finalement, la pré-
occupation globale des signataires de la Convention semble l’amélioration de la rigueur
méthodologique de l’ÉIE.
Selon les derniers pourparlers entre les parties (Interface, mai 1998), les signa-
taires réunis à Oslo, en Norvège, ont convenu:
• d’aviser les pays signataires susceptibles d’être touchés par ces projets;
• de veiller à ce que l’on en effectue une évaluation environnementale;
• et de faire en sorte que les résultats de l’évaluation environnementale soient
pris en compte au moment de la décision finale concernant le projet.

108 Contenu du rapport d’évaluation


Les éléments devant faire partie du dossier d’évaluation de l’impact sur l’environnement
font l’objet d’une énumération bien précise, incluse dans l’appendice II de la
Convention (Nations Unies, 1991). Conformément aux accords, les renseignements
minimums suivants devraient y figurer :
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• description de l’activité proposée et de son objet;


• description, s’il y a lieu, des solutions de remplacement (lieu et technologie),
incluant l’option « zéro »;
• description de l’environnement des milieux susceptibles d’être touchés;
• description de l’impact sur l’environnement et estimation de son importance,
tant pour l’activité proposée que pour les solutions de remplacement ;
• description des mesures correctives (mesures d’atténuation);
• indication précise des méthodes de prévision et des hypothèses de base rete-
nues ainsi que des données environnementales pertinentes utilisées ;
• inventaire des lacunes dans les connaissances et des incertitudes constatées en
rassemblant les données requises ;
• s’il y a lieu, aperçu des programmes de surveillance et de gestion ainsi que des
plans éventuels pour l’analyse a posteriori;
• résumé non technique avec, au besoin, une présentation visuelle (cartes, gra-
phiques, etc.).
Finalement, deux aspects de la procédure mise en place par la Convention
transfrontière sont particulièrement intéressants, à savoir l’inventaire des lacunes et
des incertitudes rencontrées dans l’étude ainsi que l’examen a posteriori de l’impact
environnemental du projet. En effet, ces deux aspects sont trop rarement pris en compte
ailleurs, ce qui restreint grandement l’efficacité de l’ensemble de l’évaluation des impacts
environnementaux.

CONVENTION SUR LA DIVERSITÉ BIOLOGIQUE ET ÉIE


L’élaboration d’une convention internationale concernant la divesité biologique fait
suite à une initiative des membres du Programme des Nations Unies pour l’envi-
ronnement (PNUE) en 1988. La Convention fut présentée pour approbation lors de
la Conférence des Nations Unies à Rio en 1992. Dès la première année, 168 pays accep-
tèrent de signer la Convention et d’en appliquer les prinicipes et les obligations; mais
sept ans après sa présentation à Rio, les États-Unis ne l’avaient toujours pas ratifiée.
La Convention est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Depuis lors, de nombreuses 109
Conférences des Parties vinrent préciser et compléter la mise en application de l’en-
tente, dont la rencontre de 1996 en Argentine qui élaborait le «programme d’action».
Au-delà du PNUE, l’initiateur principal de la Convention, l’Union mondiale pour
la nature (UICN), fut sans doute l’un des acteurs les plus influents et tenaces (Le Prestre,
L’évaluation des impacts environnementaux

1998). Dès 1980, l’UICN avait fixé les principes et les grandes lignes de la Convention
future, notamment lors de la publication de sa Stratégie mondiale de la conservation
(UICN/PNUE/WWF, 1980). En compagnie du Programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE) et du Fonds mondial pour la nature (WWF), l’UICN
poursuivit ses efforts de promotion du développement durable et de diffusion d’ou-
tils de gestion de l’environnement, comme l’ÉIE (UICN/PNUE/WWF, 1991).
La Convention comprend un long préambule sur la pertinence de conserver la
biodiversité et 42 articles traitant d’aspects plus particuliers, dont la plupart sont sub-
divisés en plusieurs points distincts. De plus, deux annexes imposantes, dont l’une
comprenant 23 articles traitant de l’arbitrage et de la conciliation, complètent ce docu-
ment essentiel de gestion d’une partie fondamentale de l’environnement (PNUE, 1996).
L’esprit de l’entente multilatérale se retrouve très clairement exprimé à travers
les trois objectifs de la Convention. Ces trois objectifs, qu’on retrouve à l’article 1 de
la Convention, sont les suivants:
• la conservation de la diversité biologique;
• l’utilisation durable de ses éléments;
• le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des res-
sources génétiques.
Dès le préambule, par contre, le contexte d’application dans lequel l’esprit de la
Convention se retrouve est quelque peu réducteur quant à l’importance qui sera accordée
aux deux premiers objectifs, notamment lors de l’inévitable conciliation entre les pré-
occupations environnementales et les impératifs du développement. En effet, au-delà
des préoccupations environnementales, le libellé du long préambule dresse au pre-
mier plan la primauté du développement économique et social ainsi que l’éradica-
tion de la pauvreté.
Plusieurs articles de la Convention concernent l’ÉIE, en tout ou en partie. On
retrouve notamment l’article 6, qui mentionne l’adoption de stratégies, de plans ou
de programmes nationaux visant la « conservation et l’utilisation durable de la
diversité biologique» ainsi que l’intégration de cet objectif de conservation dans l’en-
110 semble de ses «plans, programmes et politiques sectoriels ou intersectoriels pertinents».
La partie de la Convention la plus directement engageante pour l’ÉIE se retrouve
sous l’article 14, intitulé «études d’impacts et réduction des effets nocifs». Cet article
stipule que «dans la mesure du possible et selon qu’il conviendra», les signataires de
l’entente respecteront les cinq principes suivants:
Procédure particulière d’examen de l’évaluation des impacts environnementaux

• adopter des procédures d’évaluation des impacts environnementaux des pro-


jets gouvernementaux, et, s’il y a lieu, consulter le public ;
• tenir compte des effets sur l’environnement de ces programmes et politiques;
• encourager l’échange d’informations et la consultation avec les États voisins,
voire la conclusion d’accords bilatéraux, régionaux ou multilatéraux;
• informer immédiatement les États voisins en cas de danger ou de dommage
immédiat et prendre les moyens pour en atténuer les effets;
• faciliter les arrangements nationaux et internationaux en ce qui concerne l’adop-
tion de mesures d’urgence face à des événements d’origine naturelle ou autre.
Comme toute convention cadre, la Convention sur la biodiversité ne possède pas
d’obligations contraignantes; celles-ci sont minimes, voire inexistantes (Le Prestre,
1998). De plus, entre la ratification d’un accord international et la réalisation d’ac-
tions concrètes, un long cheminement reste à effectuer. En effet, entre la signature
de la Convention et les activités réelles sur le terrain, on retrouve un long processus
politique de négociation entre les parties. À l’image de l’ÉIE, la mise en œuvre d’une
entente comme la Convention est le résultat d’un long processus dynamique de négo-
ciation environnementale impliquant plusieurs acteurs aux intérêts diversifiés.
Le processus de négociation de la mise en œuvre de la Convention implique les
instances ainsi que les actions suivantes:
• la Conférence des Parties (COP), l’organe multiltéral de mise en œuvre;
• l’organisme subsidiaire, chargé de fournir les avis scientifiques à la COP;
• le secrétariat de la Convention, chargé des fonctions administratives et des rela-
tions avec les autres organismes internationaux;
• les «actions nationales», l’élaboration de stratégies nationales conformes à la
Convention ;
• la «mise en œuvre», l’application des stratégies nationales;
• la «capacité d’agir», mise en place des moyens et des ressources nécessaires.
Parmi les enjeux du développement durable, la conservation de la biodiversité est
sans doute à l’heure actuelle, l’un des plus importants, et ce, tant pour les pays en voie 111
de développement que pour les pays industrialisés. Pourtant, les processus et outils de
planification et d’aménagement actuels, notamment l’évaluation d’impacts, intègrent
encore trop peu les aspects relatifs à la biodiversité. Le respect des objectifs de la
Convention, pour chacun des trois niveaux de biodiversité (gênes, espèces et éco-
systèmes), nécessite une planification globale et systémique de l’environnement et non
L’évaluation des impacts environnementaux

pas seulement la prise en compte des espèces rares sur une portion de territoire. Par
rapport à cette situation, l’Union internationale pour la conservation de la Nature
(UICN) proposait récemment de développer de nouveaux outils de planification et
d’aménagement plus conformes aux objectifs de maintien de la biodiversité que ne
le sont actuellement ceux de l’ÉIE. Dans la poursuite des interventions du dernier
congrès de l’Association québécoise pour l’évaluation d’impacts (AQÉI) en novembre
1997 (AQÉI, 1998), il semble toutefois que l’évaluation d’impacts peut adéquatement
répondre à cette exigence.
Les discussions se poursuivent en vue de rapprocher les organismes liés à la sau-
vegarde de la biodiversité comme l’UICN et ceux de l’évaluation d’impacts. Ainsi, lors
de la quatrième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scienti-
fiques, techniques et technologiques (SBSTTA), à Montréal en juin 1999, l’un des docu-
ments préparatoires portait sur la « Synthèse des rapports et des études de cas
concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement » (Boivin, 1999).

112
Chapitre

4
Éléments méthodologiques
d’analyse de l’évaluation
des impacts environnementaux

L e cheminement de l’esprit dans sa découverte des choses suppose la connaissance


de règles, de notions de base et de principes afin de soutenir la marche ration-
nelle de la pensée. Avant d’examiner de quelle manière se réalise l’évaluation des impacts
environnementaux, et tout particulièrement l’étude même des méthodes d’examen
(le sujet du prochain chapitre), il convient d’aborder l’univers des éléments, des concepts
et des paramètres d’étude, ainsi que l’ordre régissant ce domaine de la connaissance.
Au-delà de la simple connaissance des divers éléments méthodologiques de l’ÉIE, il
faut aussi pouvoir en apprécier la valeur et la portée. Ce n’est qu’ainsi que les infor-
mations, les résultats et les jugements issus de l’analyse soutiendront le plus adéquatement
possible une prise de décision éclairée.
Les multiples éléments méthodologiques sont regroupés en trois grands ensembles,
correspondant à chacun des niveaux d’examen que nous avons énoncés à partir des
trois objectifs de l’ÉIE. Ce regroupement ne vise qu’à simplifier l’agencement d’un
nombre considérable de concepts et ainsi à faciliter la compréhension globale du pro-
cessus. À l’intérieur de chaque niveau de l’ÉIE (politique, technique et scientifique)
les éléments sont regroupés selon leur moment habituel d’apparition dans le processus
d’ensemble d’une étude d’impacts. Chacun des éléments n’est pas nécessairement exclusif
à un seul niveau d’examen, ce ne sont pas des blocs monolithiques fonctionnant en
vase clos. De nombreuses interactions interviennent donc entre les différents éléments
L’évaluation des impacts environnementaux

et niveaux. C’est ainsi que le spécialiste des oiseaux ne peut faire abstraction de la valeur
accordée par le public à certaines espèces particulières, l’aspect scientifique n’est pas
toujours isolé du politique.
Chaque politique ou législation en évaluation d’impacts, qu’elle soit étatique ou
corporative, est orientée vers une démarche ou un processus bien particulier d’éva-
luation. Chacune propose donc une démarche spécifique. Selon le cas, certains
aspects de l’évaluation d’impacts sont omniprésents ou au contraire sous-étudiés, voire
même absents. C’est ainsi que la participation publique ou les aspects sociaux, par
exemple, ne sont pas toujours présents. Même à l’intérieur d’un cadre théorique bien
défini, ce que n’exigent habituellement pas la législation et les directives corporatives,
l’arbitraire n’est pas nécessairement absent. Par ailleurs, le type même de projet ou
son contexte d’insertion feront varier l’examen, l’étude d’un projet d’implantation
d’un incinérateur de déchets, par exemple, ne mettra pas nécessairement l’accent sur
les mêmes aspects méthodologiques que l’examen d’une ligne électrique à haute ten-
sion. L’essentiel ici est que les informations nécessaires à une bonne compréhension
de l’impact du projet soient suffisantes et présentées de manière intelligible. Il n’est
pas rare de constater l’insuffisance des données justifiant les résultats énoncés, tout
comme apparaissent trop fréquemment des lacunes méthodologiques et des résul-
tats fragmentaires ou sans portée par rapport aux affirmations et jugements formulés.
Dans l’ensemble, toutefois, les diverses études d’ÉIE présentent au minimum un
certain nombre d’éléments méthodologiques communs. La diffusion des pratiques
et de l’information en études d’impacts, la généralisation de la législation en ce sens
et la mondialisation récente en ce domaine consolident la «recherche de cohérence»
et la réalisation de «bonnes pratiques» en ÉIE.

ÉLÉMENTS TAXINOMIQUES DE L’ÉIE


Une étude satisfaisante devrait permettre de comprendre les prémisses méthodolo-
giques qui ont contribué à la préparation des résultats. Sans nécessairement être repro-
ductible, dans le sens communément admis en science expérimentale, elle devrait au
moins permettre la compréhension complète des diverses étapes et opérations ayant
114 eu cours entre la collecte des données et les jugements formulés. L’évaluation devient
plus compréhensible et les résultats obtenus apparaissent plus crédibles lorsque la métho-
dologie est transparente et accessible. L’une des prémisses de l’ÉIE n’est-elle pas d’éla-
borer une méthodologie complète et satisfaite à tous les points de vue? Autrement,
l’aide à la prise de décision ainsi que la crédibilité même du rapport et celle des éva-
luateurs en souffriraient grandement.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

L’aspect méthodologique le plus global devrait pouvoir répondre à cette simple


question: «comment faire l’évaluation d’un projet»? Ou, plus précisément, de quelle
façon agencer, analyser et synthétiser les différents aspects et éléments à prendre en
compte dans l’examen ainsi que la «manière de faire» des évaluateurs eux-mêmes?
Un certain consensus semble émerger entre les experts de l’ÉIE (Duffy, 1975; Munn,
1977; Simos, 1990; Sadar et coll., 1994 et Canter, 1996) à l’effet qu’il y ait quelques
principes généraux de méthodologie à respecter pour toute bonne étude. Ces six grands
principes sont:
• une démarche itérative d’examen;
• l’examen complet et global du projet et de l’environnement;
• la comparaison de solutions de rechange ou de variantes du projet;
• le relevé et l’évaluation des impacts;
• la pertinence et la validité de l’information;
• l’aide utile à la prise de décision.
Une démarche itérative d’examen implique, comme nous le verrons en détail plus
loin, une continuelle remise en question des résultats des étapes antérieures. L’examen
complet et global du projet suppose que l’ensemble des activités et des composantes
de la réalisation du projet seront examinées lors de l’étude, de l’élaboration initiale
à la fermeture définitive. En ce qui concerne l’environnement, cela implique que les
éléments biophysiques aussi bien qu’humains soient pris en compte. Une analyse com-
parative des solutions de rechange ou variantes possibles au projet devrait faire l’objet
d’une partie importante de l’étude, sauf dans les cas ou seule demeure l’impossibi-
lité de réaliser le projet. L’évaluation des impacts est une étape d’examen supplémentaire
au simple relevé des impacts. Un examen complet suppose que non seulement les
effets directs seront examinés, mais aussi que les impacts indirects, secondaires et cumu-
latifs le seront. La pertinence de l’information suppose une rigueur méthodologique
et une compréhension du mandat de l’étude en cause, alors que la validité de l’in-
formation impose un questionnement sur la pertinence des résultats et l’identifica-
tion des éléments significatifs.
Les priorités de chacun des experts sont plus ou moins les mêmes, sans pour autant 115
être identiques. Ainsi, pour Simos (1990), «l’intégration dans un processus de négo-
ciation (regroupement de décideurs)» est l’un des aspects les plus important, alors
que pour Duffy (1975), une évaluation valable devrait favoriser l’intégration de l’in-
formation et de l’expertise. Pour sa part, Munn (1977) insiste sur l’évaluation de l’am-
pleur de l’impact, alors que Sadar et coll. (1994) soulignent l’importance d’une vision
L’évaluation des impacts environnementaux

sélective afin de déterminer rapidement les éléments les plus significatifs pour la prise
de décision. Par ailleurs, Canter (1996) fait ressortir l’intérêt de l’interdisciplinarité
et le choix d’indicateurs d’impacts judicieux.

PROCESSUS D’EXAMEN DE L’ÉIE


Les trois niveaux d’étude de l’ÉIE, et notamment leur intégration, doivent cependant
se fondre dans un processus d’examen global et intégrateur. La sélection du type de
processus même d’étude est l’un des éléments méthodologiques d’ordre général à choisir
dès le début du travail. Il existe deux ou trois types de processus possibles, selon la
typologie qu’on emploie.
On délimite habituellement deux types bien distincts de «processus», selon l’im-
brication des aspects techniques et politiques dans le processus général d’évaluation.
Ces derniers sont alors définis ainsi : les aspects techniques sont avant tout les don-
nées, les techniques et les outils, alors que les aspects politiques se concentrent
autour des prises de décision et de participation ainsi que des étapes de la procédure
d’ÉIE en vigueur (Simos, 1990). Même si nous divisons le domaine de l’ÉIE en trois
et non en deux niveaux seulement (politique, technique et scientifique), rien ne change
quant aux deux types de processus possibles.
Le premier processus est dit «réactif» parce qu’il est basé sur une planification
dite «réactive»; les aspects techniques, scientifiques et politiques sont séparés dans
le temps. Les deux premiers précèdent évidemment l’autre, ou vice versa, selon le cas.
Le processus réactif est celui qu’on rencontre le plus souvent en ÉIE, comme d’ailleurs
dans l’ensemble des activités de planification. La figure 4.1 expose clairement et côte
à côte les deux types de processus d’examen. En ce qui a trait à la deuxième possibi-
lité, le processus relève plutôt d’une planification dite «participative», si les aspects
techniques, scientifiques et politiques sont imbriqués dans un temps continu. Dans
ce cas, les différents aspects sont alors en interaction directe et continue. L’imbrication
temporelle des trois niveaux d’étude dans le processus participatif est évidente. Elle
signifie que les divers aspects ne sont pas examinés en vase clos, niveau par niveau.
Pour plus d’exactitude, on peut aussi présenter les divers processus possibles selon
116 une autre typologie comprenant trois possibilités : séquentielle, parallèle et intégrée.
Le processus séquentiel désigne la succession dans le temps de l’examen des aspects
techniques, économiques et environnementaux, ces derniers n’advenant habituelle-
ment qu’à la suite des deux premiers. Cette situation est jusqu’à un certain point la
seule envisageable malgré tout, puisque la faisabilité technique et financière détermine
l’existence même d’un projet; sans elle il n’y a précisément pas de projet. Le processus
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.1 parallèle suppose plutôt des


Deux types de processus d’examen possibles examens différents des divers
impliquant les trois objectifs de l’ÉIE aspects mais, par contre,
simultanés. Finalement, un
processus intégré permet-
SCIENTIFIQUE trait un examen simultané et
commun des divers aspects

SCIENTIFIQUE

TECHNIQUE

POLITIQUE
Temps d’étude. Chacun de ces trois
TECHNIQUE
processus distincts est pré-
senté à la figure 4.2.
POLITIQUE Notons que le processus
séquentiel ou réactif cons-
PLANIFICATION RÉACTIVE PLANIFICATION PARTICIPATIVE
titue actuellement l’usage le
Source: Présentation inspirée de Simos, 1990.
plus fréquent sinon l’unique
façon de faire dans bien des
endroits. Par contre, un examen global et intégrateur en ÉIE exige un processus intégré
ou participatif, même si c’est sans doute le plus difficile à réaliser.

Figure 4.2
Divers types de processus d’étude : séquentiel, parallèle et intégré

Processus séquentiel

Planification technique et économique

Évaluation des impacts environnementaux

Atténuation et projet

Processus parallèle

Planification technique et économique


Atténuation et projet
Évaluation des impacts environnementaux
117
Processus intégré

Planification technique / économique / environnementale Projet

Source: Adapté de Sadar et coll., 1994.


L’évaluation des impacts environnementaux

Les diverses étapes et la séquence de réalisation d’une ÉIE peuvent varier, cer-
taines étant interchangeables et d’autres, facultatives, mais dans l’ensemble, les élé-
ments présentés ci-dessus constituent les éléments méthodologiques essentiels d’une
évaluation. Toutefois, la subdivision couramment employée en trois grands domaines
(identification, évaluation et présentation des résultats) correspond avant tout à la
répartition temporelle des actions bien plus qu’à une justification méthodologique.
Nous préférons employer une classification qui regroupe les éléments méthodolo-
giques selon nos trois niveaux d’étude de l’ÉIE, à savoir:
• niveau politique d’étude;
• niveau technique d’étude;
• niveau scientifique d’étude.

ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES DU NIVEAU POLITIQUE D’ÉTUDE


Le niveau politique est sans doute le plus général et le plus global des niveaux d’étude
de l’ÉIE. Les éléments regroupés dans cette section représentent les constituants des
étapes reliées au processus sociopolitique et à la gestion de l’ÉIE1. Ils sont essentiels
et nécessaires à l’étude, mais ils ne sont pas nécessairement spécifiques à l’évaluation
des impacts environnementaux. Il s’agit dans la plupart des cas de règles normales
de fonctionnement de toute étude; les véritables particularités de l’évaluation des impacts
environnementaux sont placées dans les deux sections suivantes.
Ces éléments méthodologiques se retrouvent fréquemment dans l’évaluation ini-
tiale du projet, sinon dès les premières étapes d’élaboration, ce qui est une pratique
corporative souhaitable. La législation environnementale, tout comme la politique
environnementale corporative, propose habituellement une telle prise en compte dès
le stade de la planification générale, sans en prévoir nécessairement tous les aspects
ni les modalités d’application. D’autres, par contre, apparaissent beaucoup plus tard
dans le processus, notamment la participation publique, ou tout simplement à la fin,
comme c’est le cas de la prise de décision et du suivi.

118
1. Rappelons que nous entendons le concept politique ici utilisé dans un sens étendu à l’ensemble des
relations de pouvoir dans la société et qui bien souvent recouvrent ou recoupent les dimensions
sociales, culturelles, économiques, administratives et proprement politiques de tous les acteurs d’une
société et des rapports qu’ils entretiennent dans la gestion des affaires publiques. Bien entendu, ce
terme «politique» n’est pas de même nature que «technique» et «scientifique», mais il nous est
apparu comme le seul convenable, dans les circonstances.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Des liens intimes relient ces différentes composantes, le mandat de l’étude ne pou-
vant être indifférent du contexte général ni des moyens mis en œuvre, par exemple.
Quoique certaines composantes puissent être interchangeables, voire incluses dans
d’autres, celles-ci sont habituellement insérées dans ce que l’on nomme «les termes
de référence» de l’ÉIE, tel que le stipule en particulier la Banque mondiale (World
Bank, 1991).
Ces éléments méthodologiques du niveau politique, qui pourraient bien entendu
se retrouver dans un ordre différent de celui présenté ci-dessous, sont :
• le contexte de l’étude :
– l’objet d’étude;
– le mandat de l’étude;
– les moyens mis en œuvre;
– les ressources de l’équipe;
– le processus et la démarche d’étude.
• le contexte général:
– contraintes administratives ;
– enjeux environnementaux;
– types d’acteurs.
• la participation du public;
• l’audience publique ;
– la médiation environnementale ;
– les mesures de compensation;
– la présentation des résultats;
– les recommandations;
– la décision;
– l’inspection et le suivi.
Le schéma de la figure 4.3 illustre l’organisation des divers éléments du niveau 119
politique les uns par rapport aux autres, la disposition correspondant aux procédures
habituelles d’ÉIE. Certains des éléments méthodologiques de la présente section se
retrouveront aussi dans l’une ou l’autre, voire dans les deux autres sections, comme
c’est le cas des mesures de compensation et de la présentation des résultats ainsi que
de l’inspection et du suivi.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.3
Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau politique

L’objet d’étude

Moyens Mandat Ressources

Processus et démarche
Niveau politique d’examen

Contexte général
Enjeux Contraintes Acteurs

Audience Participation
publique publique Médiation

Mesures de compensation

Présentation Recommandation
des résultats

Prise
de décision

Inspection et suivi

Le contexte de l’étude
Le contexte de l’étude comprend les éléments méthodologiques spécifiques au projet
en examen. Ces aspects particuliers correspondent bien souvent au «mandat» de la
firme d’évaluation. Tous ces éléments sont donc établis à partir de contacts étroits
entre le promoteur et la firme d’évaluation. Il s’agit donc avant tout d’une série d’opé-
120 rations internes et initiales à l’examen qui va suivre.

L’objet d’étude
L’objet de ce premier élément consiste à déterminer la nature exacte du projet à
l’étude: s’agit-il d’un projet de construction d’un réseau d’adduction d’eau potable, d’une
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

nouvelle installation minière, du rééquipement d’une centrale hydroélectrique ou


d’installations de traitement de déchets radioactifs? L’ampleur ou la grandeur du projet
doit aussi être clairement exprimée: s’agit-il d’un modeste projet local, d’une voie de
communication nationale ou du «projet de développement du siècle»? L’intérêt même
du projet, tant pour le promoteur que pour la population en général, doit aussi être
évalué: s’agit-il d’un projet essentiel, unique et irremplaçable, ou plutôt d’un des nom-
breux projets anodins et de peu d’intérêt pour l’ensemble de la société ? Ce dernier
aspect concerne habituellement ce qu’on nomme à juste titre la «justification du projet».
Le promoteur, le constructeur et l’exploitant ainsi que les divers intervenants directs
doivent être clairement identifiés. Une connaissance globale, même superficielle, du
milieu d’insertion devrait être incluse, particulièrement s’il s’agit d’un milieu
«naturel» ou faiblement perturbé jusque-là par les activités humaines. Cette estimation
du milieu s’accompagnera d’une évaluation préliminaire des impacts environnementaux
anticipés par la mise en place des composantes du projet.
Concrètement, la délimitation de l’objet d’étude représente une première com-
préhension générale du projet, celle à partir de laquelle s’élaborera de manière plus
explicite l’examen subséquent du projet proposé. Il s’agit donc d’une ébauche d’éva-
luation préliminaire. Pour l’essentiel, l’exécution de cette première étape d’étude fait
appel à l’expérience des évaluateurs.

Le mandat de l’étude
L’entendement du mandat de l’étude consiste d’abord à déterminer dans quel cadre
l’étude sera effectuée: quelles sont les attentes par rapport à l’équipe d’évaluateurs
et à l’examen à entreprendre, par exemple ? La fixation des objectifs poursuivis
apportera un complément fort utile à la compréhension exhaustive du mandat.
La compréhension du mandat implique la détermination des contextes écono-
mique, politique, social et environnemental régissant l’entourage ou l’ambiance
générale dans laquelle s’effectuera l’étude. La délimitation du mandat implique
aussi que les attentes vis-à-vis du projet lui-même soient dévoilées. De plus, l’ap-
profondissement du mandat d’étude permet de mieux envisager la portée de l’étude
et du rapport final qui en résultera, en fonction des ambitions et de l’ampleur anti- 121
cipées. S’agit-il d’effectuer des recherches originales ou s’agit-il plutôt de reprendre
les résultats de nombreuses et solides études antérieures? Ce mandat dépend bien sûr
de l’objet d’étude, mais aussi des moyens et des ressources en présence. Généralement,
l’échéancier des travaux d’examen, la description et la répartition des tâches, ainsi
que le budget, font partie des résultats obtenus de la détermination du mandat. Bien
L’évaluation des impacts environnementaux

entendu, il s’agit alors d’estimations préliminaires, puisqu’elles ne peuvent être para-


chevées qu’à partir des résultats des trois points suivants.

Les moyens mis en œuvre


À partir de l’élaboration des deux aspects précédents, les moyens à mettre en œuvre
dans la réalisation de l’étude peuvent être précisés. Les moyens représentent avant
tout le budget dont on dispose afin de réaliser l’ÉIE. Habituellement, cette délimita-
tion des moyens s’effectue selon les modalités et pratiques mêmes de l’entreprise ou
selon l’importance du projet en cause.
Les montants d’argent affectés à la réalisation de l’étude représentent fréquem-
ment un pourcentage très faible du coût du projet lui-même. À ce sujet, il est de pra-
tique courante de considérer que le budget de l’étude d’impacts devrait être équiva-
lent à environ 1 % du budget total affecté au projet lui-même, mais il est trop
souvent inférieur à ce seuil critique. Bien entendu, plus le budget du projet est consi-
dérable, plus ce pourcentage sera en deçà de 1%. À l’inverse, plus le budget sera modeste,
plus le pourcentage du budget de l’ÉIE se situera au-dessus de cette moyenne cible.
Habituellement, parmi les moyens mis en œuvre, on implique aussi les ressources
en matériel et les équipements logistiques nécessaires au travail de l’équipe d’évaluation.
Par contre, on pourrait aussi inclure ces divers constituants parmi les ressources de
l’équipe.

Les ressources de l’équipe


Bien entendu, il faut déterminer les ressources humaines nécessaires à la réalisation
du mandat d’étude. Celles-ci prennent appui sur les ressources disponibles, tant dans
la firme d’évaluation et celles du promoteur que chez les consultants externes. Dans
le cas d’une politique corporative d’ÉIE, la firme d’évaluation peut très bien être le
promoteur même du projet. De toute façon, la responsabilité de réaliser l’ÉIE, tout
comme d’en financer les travaux, est généralement du ressort du promoteur.
Il faut veiller attentivement à la constitution de l’équipe de travail qui sera affectée
au projet d’étude. La taille de l’équipe est déterminée bien sûr par l’ampleur de l’étude
122 à entreprendre, donc à partir de l’objet et du mandat d’étude, mais elle est bien sou-
vent aussi tributaire des moyens financiers disponibles et de l’échéancier proposé.
Par surcroît, la coordination de l’équipe d’évaluation est une constituante impor-
tante de cette étape de planification, car une équipe complète regroupe habituellement
divers spécialistes œuvrant dans des domaines bien particuliers, la multidisciplinarité
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

étant une composante incontournable et essentielle de l’évaluation des impacts envi-


ronnementaux. De plus, il arrive souvent que l’équipe recrute ses membres parmi des
consultants externes aussi bien que parmi le personnel interne de la firme d’évalua-
tion. Le travail peut alors être divisé entre une ou plusieurs équipes différentes. C’est
ainsi qu’une firme externe embauchée par le promoteur effectue parfois la caracté-
risation du milieu ou n’importe quelle autre collecte de données, alors que le reste
des tâches est accompli à l’interne. La répartition des tâches entre les membres de l’équipe
devrait alors être déterminée avec clarté et précision. Enfin, compte tenu de la mul-
tidisciplinarité et de la répartition des tâches, une procédure interne d’uniformisa-
tion du travail encadre habituellement les membres de l’équipe.
Cette étape d’appréciation des ressources disponibles suppose donc un plan de
gestion du travail d’équipe. Ce plan, aussi complet et détaillé que nécessaire, permettra
de mener à terme l’ÉIE, et ce, en temps voulu et selon les moyens mis en œuvre, deux
facteurs limitants pour la plupart des projets.

Le processus et la démarche d’étude


Le processus et la démarche d’étude devraient plutôt être compatibles avec le mandat,
les moyens et les ressources en place. Trop souvent, certaines études ne peuvent être
complétées et demeurent inachevées en raison d’une mésestimation de cet aspect impor-
tant de l’ÉIE. Il est donc impératif d’élaborer une démarche et un processus d’examen
dès les étapes initiales d’étude. Il faut qu’ils soient compatibles avec les autres éléments
préliminaires d’examen. Nous avons relevé auparavant les types de processus pos-
sibles; la démarche devra en tenir compte puisqu’elle en découle.
L’élaboration de la démarche d’étude permet de déterminer la façon de faire qui
sera employée dans la réalisation de l’ÉIE. Cette étape comprend avant tout le plan
de gestion de l’étude, à savoir les échéanciers, les ressources, les tâches, les responsa-
bilités. Ces composantes ne sont pas à proprement parler spécifiques à l’ÉIE, elles sont
plutôt du ressort de la gestion de projet. Cette étape permet aussi de fixer la démarche
méthodologique ainsi que les différentes méthodes d’évaluation et de collecte des don-
nées qui devront être utilisées. Ces derniers choix sont, eux aussi, intimement liés aux
moyens et aux ressources affectés à l’étude, dans le cadre du mandat, ainsi qu’à la nature
du projet.
123

La sélection du type de processus même d’étude est l’un des éléments métho-
dologiques d’ordre général à choisir dès le début du travail. Comme nous l’avons vu
dans la section précédente, il y a deux ou trois types de processus possibles, selon la
typologie employée: réactif ou participatif, d’une part, ou séquentiel, parallèle et intégré,
L’évaluation des impacts environnementaux

d’autre part. Nous avions affirmé que le processus séquentiel ou réactif constituait
actuellement l’usage le plus fréquent sinon l’unique façon de faire en ÉIE. Toutefois,
nous pensons qu’il serait plus avantageux de réaliser l’ÉIE à partir d’un processus intégré
ou participatif, voire d’un processus parallèle.
La démarche méthodologique peut aussi être de deux types, selon l’orientation
que l’on donne à l’enchevêtrement des diverses étapes d’étude (Veuve, 1988). Le pre-
mier type de démarche est dénommé démarche linéaire (épistémologie positiviste).
Les diverses étapes d’examen se succèdent dans le temps et elles sont successives, c’est-
à-dire définitives. Le deuxième type est nommé démarche itérative (épistémologie empi-
riste). Cette démarche permet le retour sur les étapes antérieures, la succession des
étapes peut recommencer un certain nombre de fois. Le schéma de la figure 4.4 illustre
ces deux types de démarches de travail.

Figure 4.4
Les deux types de démarches méthodologiques : linéaire et itérative
Démarche linéaire

Définition du Recherche de Identification Évaluation


problème solutions des effets des impacts CHOIX

Démarche itérative
Définition du Définition du
problème problème

Recherche de Recherche de
solutions solutions

Identification Identification
des effets des effets

Évaluation Évaluation
des impacts des impacts

124
CHOIX CHOIX

Source: Adapté de Veuve, 1988.


Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La démarche itérative, plus rarement employée, est celle qui se rapproche le plus
d’une démarche systémique complète, comme cela se passe implicitement dans les
mécanismes de la pensée. En effet, elle seule donne la possibilité de rétroagir sur des
composantes premières initialement examinées, apportant ainsi une meilleure com-
préhension du problème. Bien entendu, ces gains en compréhensibilité et en rigueur
sont toutefois obtenus au détriment de la promptitude et de la simplicité de l’examen
en cours. D’un point de vue conceptuel, l’ÉIE est une démarche itérative, dans laquelle
les différentes phases de l’étude interagissent les unes avec les autres constamment,
les phases ultérieures imposant de nécessaires rajustements des phases précédentes
(Sadar et coll., 1994).
Malgré les contraintes d’application, une analyse selon une démarche itérative
se réalisant par un processus participatif ou intégré serait souhaitable. Les résultats
obtenus à une phase ultérieure de la démarche bonifient souvent ceux obtenus anté-
rieurement. Cela est d’autant plus important que l’étape d’évaluation des impacts rem-
plit habituellement trois grandes fonctions distinctes, à savoir: l’identification, la pré-
diction et finalement l’évaluation proprement dite des impacts. En pratique, ces trois
fonctions sont imbriquées les unes dans les autres et bien souvent de manière indis-
sociable et progressive.

Le contexte général
Nous regroupons sous l’expression «contexte général» trois ensembles bien distincts
de paramètres fort différents mais intimement liés. Ces ensembles de nature différente
sont: les contraintes administratives, les enjeux environnementaux et les types d’ac-
teurs. Bien entendu, ces divers constituants, que nous réunissons ici, pourraient très
bien faire l’objet d’étapes particulières et être présentés séparément. Le contexte
général se distingue de celui de l’étude en ce sens qu’il est tourné vers l’extérieur. Il pour-
suit, précise, actualise et corrige l’évaluation qui a été faite lors du contexte plus res-
treint de l’étude. Cette étape représente parfois une véritable évaluation préliminaire
de l’étude complète du projet. Dans ce cas, elle correspond à peu près à l’opération dite
du cadrage (scoping) (Sadar et coll., 1994). Elle représente parfois une étape formelle
de la procédure d’évaluation, mais dans tous les cas, elle en est au moins un épisode
informel fort important. 125
On pense souvent que l’étude d’un projet se réalise dans l’optique d’une optimi-
sation environnementale ou économique «répondant à des règles universelles», alors
qu’elle se réalise plutôt dans les «limites» des institutions et des cultures en présence
(Dron, 1995). Voilà qui implique que, confrontés au même problème, deux examens
L’évaluation des impacts environnementaux

réalisés dans des contextes différents n’aboutiront pas nécessairement aux mêmes résul-
tats et solutions, ni même à un processus d’examen similaire.

Contraintes administratives
À ce stade de l’étude, les exigences réglementaires et législatives doivent être claire-
ment établies. Il s’agit aussi de connaître les diverses contraintes administratives à res-
pecter, tant internes qu’externes à l’entreprise (promoteur). Les évaluateurs doivent
donc déterminer la réglementation en vigueur concernant le projet ainsi que les diverses
instances politiques et administratives concernées par l’une ou l’autre des compo-
santes du projet. Il faut aussi présenter la politique environnementale corporative et
les normes environnementales de l’entreprise, à savoir du promoteur, si c’est le cas.
De plus, il faudrait veiller à tenir compte de la présence possible de divers autres exé-
cutants pour les travaux et l’exploitation. Ces derniers peuvent jouer un rôle déter-
minant pour la qualité de l’environnement. La participation de ces tiers est trop sou-
vent négligée, sauf peut-être dans le cas des grandes entreprises responsables de
nombreux projets et qui possèdent une politique environnementale corporative incluant
les façons de faire employées pour les travaux.
Par ailleurs, la prise en compte des contraintes administratives suppose aussi la
connaissance et éventuellement la consultation des autres administrations pouvant
être impliquées ou intéressées par les composantes du projet. Dans la plupart des cas,
celles-là comprennent les ministères intéressés ainsi que les différents paliers de pou-
voir, les autorités nationale, régionale (provinciale) et locale, ainsi que, à l’occasion,
les pays voisins. On peut alors y trouver des normes, des traités, des conventions ou
des ententes internationales, des directives prescriptives d’autorités financières
(banques nationales ou internationales) ou de juridictions particulières, comme les
plans d’aménagement ou les normes municipales de construction.

Enjeux environnementaux
Le relevé des enjeux environnementaux dès les premières étapes d’étude est une pra-
tique de plus en plus courante. Les enjeux environnementaux sont habituellement
compris comme étant les impacts et les éléments environnementaux déterminants
126 pour l’acceptation du projet, en opposition aux autres qui n’interviendront que de
manière peu significative dans la prise de décision. Il faudrait donc distinguer avec
le plus grand soin les enjeux parmi les autres éléments et impacts du projet. Cette
distinction permet de cibler (scoping) les aspects importants à considérer dans le fatras
d’ensemble et ainsi d’améliorer l’efficacité de l’examen et ses chances de réussite
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

complète. Voilà qui est particulièrement avantageux dans le cas d’études à faible budget
ou qui doivent s’effectuer rapidement.
Parmi les enjeux environnementaux, certains acquièrent une connotation bien
particulière et au-dessus des autres, soit en raison de leur vaste portée du point de
vue environnemental, soit pour une autre raison remarquable. C’est notamment le
cas en ce qui concerne l’importance stratégique (une base militaire) ou la valeur intrin-
sèque rattachée à un élément de l’environnement (une espèce en voie de disparition),
qui par ailleurs ne pourrait être affecté que de manière faible par le projet.
En pratique, il faut relever le plus tôt possible les enjeux environnementaux déter-
minants pour le processus de décision ultérieur, sans toutefois le faire au détriment
complet des éléments moins significatifs. L’analyse devra ensuite se concentrer sur
les principaux éléments sensibles de l’environnement, sur les éléments environnementaux
à haut potentiel ou grandement appréciés par les acteurs impliqués ainsi que sur les
impacts inadmissibles à éviter à tout prix, ces derniers étant alors considérés comme
des contraintes environnementales absolues (drapeau rouge). Il s’agit, en somme, de
relever clairement les grands domaines possibles de contestation et de litige entraînés
par la réalisation du projet. Cet exercice inclut bien sûr les enjeux environnementaux
qui concernent l’acceptation du projet lui-même, par exemple, sa justification ou sa
raison d’être.
La connaissance préalable de ces enjeux permet de modifier certaines composantes
du projet et ainsi d’atténuer le plus tôt possible les impacts ou les problèmes majeurs
qui pourraient survenir après. L’objectif poursuivi ici consiste donc à orienter l’éla-
boration du projet afin d’éviter autant que possible la présence de tels aspects parmi
ceux provoqués par le projet et qui pourraient constituer des entraves et des contraintes
probablement importantes, voire infranchissables. L’insertion d’une telle préoccupa-
tion le plus tôt possible dans le processus de planification du projet représente sou-
vent un gain important de temps et d’argent et permet d’éviter des contrariétés.

Types d’acteurs
L’élaboration, l’examen, la mise en place et par la suite l’exploitation d’un projet mettent
en cause de nombreux intervenants.Afin de compléter adéquatement le contexte général, 127
il faut donc porter une attention bien particulière aux différents acteurs impliqués,
à quelque degré que ce soit, dans la réalisation du projet.
L’univers des acteurs possibles, entraînés à s’impliquer d’une façon ou d’une autre,
est souvent large et très diversifié. La prise en compte préliminaire des intérêts, par-
fois divergents et opposés, des divers acteurs permet parfois d’éviter l’émergence ou
L’évaluation des impacts environnementaux

De l’anonymat à la notoriété
Le projet de construction, en 1993, d’une petite centrale hydroélectrique sur
la rivière Richelieu, à la hauteur de Chambly, au sud-est de Montréal, a permis
à un illustre inconnu de nos eaux d’atteindre la célébrité en quelques mois.
En effet, le Suceur cuivré, un poisson de la famille des catostomidés, qui ne
vit qu’au Québec et dont l’unique frayère connue à l’époque se situe en plein
cœur de la zone des travaux de construction de la centrale, est passé rapide-
ment de l’anonymat, où il était depuis toujours, aux premières pages des quo-
tidiens lors de l’examen environnemental du projet. Le poisson au nom plutôt
péjoratif dans le langage populaire devint l’enjeu principal du projet. L’ardent
plaidoyer de certains biologistes, l’appui des médias et la sympathie d’une grande
partie du public pour cette espèce menacée provoqua l’abandon du projet.
Beaucoup de flots et quelques années plus tard, l’espèce fait encore des vagues
dans les journaux, grâce notamment à son changement de nom en février 1998,
puis à une polémique qui en résulte en janvier 1999. Le héros victorieux du
«développement sans bornes» s’enorgueillit désormais d’un nouveau nom, celui
plus prestigieux de Chevalier cuivré.
Il arrive parfois qu’un élément de l’environnement, comme ce fut le cas du poisson
cuivré, ne se présente comme un enjeu que lors des dernières phases du pro-
cessus d’ÉIE. Dans bien des cas, cet enjeu dévoilé tardivement remet fortement
en cause la réalisation du projet. La plupart du temps, toutefois, les enjeux sont
déterminés dès les premières étapes d’examen, ce qui permet une meilleure prise
en compte de cet aspect essentiel de l’ÉIE.

le renforcement de nombreux conflits. La consultation élargie à l’ensemble des


divers intervenants permet en outre une plus grande participation et une meilleure
acceptation du projet initial ainsi que des avantages et des conséquences de celui-ci.
Nous examinerons au cours du chapitre sept les différents acteurs possibles en
ÉIE. Nous verrons en particulier ceux qui s’impliquent de manière officielle dans les
consultations prévues, mais aussi ceux qui agissent de façon non officielle par l’ha-
bituel «jeu des pressions». Finalement, nous examinerons la localisation de ces dif-
128 férents acteurs par rapport au projet et leurs pouvoirs respectifs de négociation.

La participation du public
La participation du public peut se manifester en différents moments de la procédure
d’évaluation, même si c’est rarement le cas. Elle peut se retrouver dès les premières
étapes d’étude de l’ÉIE et s’échelonner jusqu’à la décision finale concernant
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

l’acceptation définitive du projet. Plus récemment, la participation du public s’est étendue


à la phase d’exploitation du projet, par l’entremise d’un comité de surveillance ou
de suivi.
Selon les procédures d’ÉIE en vigueur, la participation du public est plus ou moins
importante dans le processus d’évaluation. Ainsi, l’étendue, l’ampleur et les moda-
lités de la participation du public sont très variables. Elle est parfois réduite à sa plus
simple expression, à savoir l’élémentaire information a posteriori de la réalisation d’une
ÉIE. Par contre, le public a parfois l’occasion de participer à plusieurs étapes impor-
tantes de l’examen en cours et non seulement à une participation restreinte à la fin
de celui-ci, lors d’audiences publiques sur la base du rapport final d’ÉIE dans le meilleur
des cas. Par ailleurs, dans de nombreux pays, la participation du public est encore gran-
dement entravée par un contexte démocratique passablement précaire, sinon carré-
ment absent. Dans ce contexte restrictif, la participation publique constitue beaucoup
plus un vœu pieu qu’une réalité.
La pratique actuelle permet habituellement la participation du public dans le cadre
d’une courte et plutôt restreinte participation, et ce, durant l’ultime étape d’évalua-
tion. Le public est alors informé des résultats de l’étude lors de réunions publiques
plus ou moins formelles. Le pouvoir décisionnel de telles rencontres dépend du pou-
voir de l’organisme de consultation; il est rarement décisionnel. Le public peut ainsi
formuler ses craintes, ses doléances et ses recommandations, mais sans que celles-ci
n’affectent profondément les résultats de l’examen produit par les experts ni la réa-
lisation du projet lui-même. Dans l’optique du développement durable, plusieurs
réclament cependant une plus grande contribution du public au processus d’évaluation,
et ce, par une implication plus directe et plus décisive qu’actuellement.
La procédure de participation du public pourrait faire une place plus importante
à la contribution de ce dernier dans la prise de décision elle même, et ce, grâce à de
véritables responsabilités à toutes les phases d’examen. Ainsi, lors du récent examen
du projet Grande-Baleine (centrales d’Hydro-Québec à la baie d’Hudson), le public
fut impliqué, lors de la tenue d’audiences publiques préliminaires, dès l’étape de for-
mulation de la «directive». Par la suite, de nouvelles audiences permirent aux diffé-
rents acteurs de participer au processus d’acceptation de l’étude d’impacts elle-même,
129
lors de l’analyse de conformité à la directive. Cette double intervention du public, contrai-
rement à la procédure habituelle, permit une implication accrue des différents
acteurs, et ce, très en amont de la remise du rapport final. La poursuite de l’examen
du projet fut toutefois arrêtée à cette étape par le report du projet de la part du pro-
moteur.
L’évaluation des impacts environnementaux

Le public peut être constitué des différents acteurs que nous avons définis anté-
rieurement, notamment des deux derniers, à savoir ceux s’impliquant par eux-
mêmes, les écologistes et les riverains, ainsi que ceux amenés à s’impliquer, à savoir
les diverses administrations et experts-conseils. Dans le cas des projets internationaux,
il n’est pas rare de voir se manifester une «organisation non gouvernementale inter-
nationale» (ONGI) ou l’un des grands groupes écologistes.
La participation du public au processus d’évaluation implique une information
adéquate sur les éléments d’étude. Afin de permettre au public de porter un jugement
éclairé sur les implications du projet, cette information doit être disponible en
temps opportun. Elle doit aussi être suffisante, compréhensible et de qualité. Voilà
qui est encore plus impératif dans un contexte de participation active du public.
Toutefois, cet aspect de la participation du public soulève des questions concernant
l’accès à l’information (permission, horaires et lieux disponibles) et la confidentia-
lité de certaines données (sûreté nationale, secret de fabrication). La participation popu-
laire implique aussi son financement: il est parfois difficile de se déplacer vers les lieux
de consultation, d’avoir le temps d’examiner l’information convenablement et de pré-
parer des questions ou de formuler des recommandations.
La présentation finale des résultats de l’étude, c’est-à-dire le rapport final d’éva-
luation lui-même, devrait tenir compte de l’implication et des interventions du public.
Par ailleurs, l’audience publique pourrait s’insérer à l’intérieur du processus d’examen
du projet, comme nous l’avons vue esquissée dans le cas du projet Grande-Baleine.
Dans tous les cas, le rapport final devrait tenir compte des résultats de la consulta-
tion. Bien souvent, la consultation publique fait l’objet d’un rapport séparé du rap-
port principal d’ÉIE, comme cela se fait au Québec.
Nous reviendrons de manière plus détaillée sur l’ample question de la partici-
pation du public au cours du chapitre sept, qui traite de la négociation environne-
mentale. De plus, la présentation des techniques de communication et de résolution
des problèmes, ainsi que la description des techniques d’information concomitantes
à la présentation du rapport, supporteront ce sujet fort important de la participa-
tion publique.
130 L’audience publique
L’audience publique représente l’une des composantes essentielles de la participation
publique, sans pour autant représenter la seule forme possible de consultation de la
population. Nous la présentons séparément étant donné son importance de plus en
plus grande dans le processus d’examen de l’ÉIE. Dans plusieurs pays, elle fait partie
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

des procédures régulières d’ÉIE, les modalités particulières à ces dernières détermi-
nant parfois la façon de faire.
La plupart du temps, l’audience publique s’insère dans un formalisme bien par-
ticulier qui prend souvent la forme d’une commission ou d’un comité public doté
de pouvoirs quasi judiciaires. Selon la procédure, l’implication des participants tient
une plus ou moins grande place (rôle et importance), car les responsabilités qui leur
sont octroyées varient grandement selon la législation en cause. Il en est de même
des pouvoirs de recommandation ou de décision qui en sont issus. L’indépendance,
par rapport aux différents acteurs et à l’État impliqués dans le processus, ainsi que
le fonctionnement de l’organisation des audiences publiques sont tributaires des pra-
tiques démocratiques. Comme nous l’avons mentionné pour la participation publique,
le contexte démocratique influence énormément les façons de faire.
La tenue d’audience publique fait appel aux diverses techniques de participation
du public (voir la section «Participation du public») et de communication ainsi qu’à
celles, parfois nécessaires, de résolution des problèmes. Parmi ces dernières, on
retrouve bien entendu les techniques de négociation et de recherche de consensus.
La participation publique, ainsi que les techniques de communication et celles de réso-
lution des problèmes, fera l’objet d’une attention plus détaillée au cours du chapitre
sept, consacré au cadre de la négociation environnementale.

La médiation environnementale
La médiation environnementale est une des nouveautés en évaluation des impacts
environnementaux. La nouvelle Loi québécoise sur la procédure d’ÉIE, tout comme
c’est le cas pour ses homologues canadienne et américaine, en fait pour la première
fois explicitement mention. La médiation est un des mécanismes de participation du
public ; elle est en fait l’une des techniques de négociation et de recherche de
consensus. La médiation est l’une des procédures particulières de résolution des pro-
blèmes entre divers intervenants. Tel que prévu dans plusieurs législations, elle rem-
place ou complète l’audience publique dans les cas de litiges mineurs entre les
acteurs impliqués. Ces cas de litiges mineurs concernent des points bien particuliers
de l’étude ou du projet.
131
La médiation environnementale suppose bien sûr une participation active du public,
et ce, dans un contexte bien particulier de confiance et de vie démocratique. Les ques-
tions en litige ne devraient concerner ni la justification du projet ni la globalité de l’examen.
Dans de tels cas d’affrontements, elle ne semble constituer qu’un exercice impossible,
le désaccord étant trop grand ou trop complet. Concrètement, la médiation vise la
L’évaluation des impacts environnementaux

recherche de solutions dans la gestion de conflits mineurs, en faisant appel à la par-


ticipation active de certains des acteurs impliqués dans la recherche active d’un com-
promis. Elle représente une solution de rechange aux méthodes traditionnelles de réso-
lution de conflits, tels l’arbitrage judiciaire ou les autres recours aux tribunaux.
La médiation environnementale fera l’objet d’une présentation plus détaillée au
cours du chapitre sept, notamment dans la section portant sur la résolution des pro-
blèmes (« Typologie de résolution des problèmes»). Par ailleurs, la médiation envi-
ronnementale peut être intimement reliée à la mise en place de mesures de com-
pensation.

Les mesures de compensation


Les mesures de compensation représentent l’ultime moyen de réduire l’impact envi-
ronnemental d’un projet. L’opération consiste à offrir un avantage quelconque en contre-
partie de l’impact provoqué; c’est cet avantage qui compense. En fait, la compensa-
tion permet soit de remédier, globalement ou en partie, aux conséquences négatives
sur l’environnement, soit d’acquérir la faculté d’outrepasser le bien-être environne-
mental d’un milieu ou d’une population. Les mesures de compensation sont consti-
tuées de l’ensemble des différents moyens permettant, après l’introduction des
mesures d’atténuation, de compenser ou de faire accepter par l’ensemble des acteurs
les conséquences des impacts résiduels. Les mesures de compensation représentent
parfois une voie de solution acceptable aux oppositions, conflits et litiges générés par
la mise en place du projet. La compensation est donc fréquemment l’une des com-
posantes importantes de la médiation et de toute forme de négociation environne-
mentale formelle ou informelle.
À titre d’exemples de mesures de compensation, mentionnons des plantations
d’arbres en remplacement des coupes effectuées, une indemnité monétaire pour les
désagréments durant les travaux ou une somme financière versée collectivement à
une communauté éprouvée par la mise en place du projet. Nous reviendrons de manière
plus détaillée sur les mesures de compensation au cours du chapitre huit.

La présentation des résultats


132
La présentation adéquate des résultats de l’examen représente une partie importante
de la démarche générale de l’évaluation d’impacts. Elle est malheureusement trop sou-
vent mésestimée en tant que telle, et ce, malgré son importance pour la participa-
tion publique. Certaines procédures d’ÉIE en stipulent les grandes lignes directrices,
tant en ce qui concerne les possibilités de rapports d’étapes que pour le contenu détaillé
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

du rapport final. C’est ainsi que divers aspects de la présentation des résultats sont
parfois clairement et explicitement désignés.
Au point de vue politique, la présentation des résultats est une composante essen-
tielle de l’évaluation des impacts environnementaux en tant qu’élément central de
l’information. En effet, outre sa propre justification en tant que fondement de la prise
de décision, tant du point de vue scientifique que technique, elle est indispensable à
la bonne marche de plusieurs autres aspects politiques de l’ÉIE. Comme nous venons
de l’indiquer, la présentation des résultats est primordiale pour la participation du
public, mais aussi pour la compréhension et l’acceptabilité globale du projet. D’une
part, un projet mal compris par la population locale peut soulever des craintes et des
inquiétudes sans commune mesure avec l’impact réel du projet en cause. D’autre part,
les résultats fournis dans le rapport final doivent pouvoir répondre adéquatement aux
questions soulevées par les acteurs impliqués par la mise en œuvre du projet. Enfin,
tous les aspects significatifs pour une prise de décision éclairée doivent trouver une
réponse acceptable dans le rapport d’évaluation. Nous n’examinerons pas plus avant
les aspects précis de la présentation des résultats, car cette question fera l’objet d’une
partie importante du chapitre six.

Les recommandations
L’élaboration de recommandations, de conclusions ou de suggestions constitue par-
fois l’étape «ultime» du processus d’examen de l’ÉIE. On les retrouve soit dans le rap-
port final d’évaluation, ce qui n’est pas toujours le cas, soit dans d’autres rapports,
par exemple, ceux d’une commission d’enquête, d’une consultation publique ou d’un
rapport interne de l’organisme de contrôle. Les procédures particulières d’ÉIE déter-
minent souvent les formalités en ce sens, sans toutefois en préciser toujours l’étendue
et la portée. Là comme ailleurs, les spécificités socioculturelles propres à chaque cul-
ture et le contexte démocratique déterminent souvent la portée de cette étape.
Les recommandations peuvent se déployer des plus générales, celles qui représentent
en fait la conclusion même de l’étude, aux plus particulières, celles qui ne concernent
qu’un aspect précis de l’examen. Les recommandations générales (conclusions)
expriment l’estimation globale de l’impact du projet, notamment l’acceptation ou
non du projet, ou plus rigoureusement la recommandation en ce sens. Les recom-
133
mandations particulières, par contre, énoncent divers avis et propositions concernant
des points bien précis de l’étude ou du projet. Elles peuvent comprendre la présen-
tation des correctifs à apporter aux composantes du projet, des mesures d’atténua-
tion et de compensation proposées ainsi qu’une appréciation du choix de site, des
L’évaluation des impacts environnementaux

solutions de rechange et des variantes. La plupart de ces aspects seront examinés en


détail au chapitre huit.
Selon la réglementation en vigueur, plusieurs étapes de recommandation peuvent
prendre place dans le processus d’évaluation d’ensemble. C’est parfois le cas lors de
l’élaboration de la directive, par exemple. Selon le cas, il peut s’agir de recomman-
dations issues de la réflexion des évaluateurs, du public ou des organismes décisionnels.
Les recommandations, suggestions et propositions contenues dans le rapport final
de l’ÉIE ne représentent pas la prise de décision en tant que telle, mais peuvent gran-
dement l’inspirer, voire l’orienter. D’autres rapports et influences apportent un
complément sinon contrebalancent le rapport d’évaluation. L’objectif de l’ÉIE, en ce
sens, malgré sa proximité par rapport à la décision finale, demeure uniquement de
supporter et de favoriser la prise de décision optimale.

La décision
En règle générale, la prise de décision en ÉIE est unique, globale et sans recours, l’or-
ganisme responsable de donner son accord acceptant ou refusant le projet proposé.
En pratique, toutefois, cette affirmation doit être nuancée. En effet, il existe parfois
plusieurs organismes responsables d’une partie ou de la totalité de l’autorisation. Il
existe aussi des prises de décision partielles en cours de processus. De plus, l’accep-
tation «finale» d’un projet est souvent soumise à des conditions d’application, tout
comme elle est parfois sujette à des modifications ultérieures.
La prise de décision est pour une bonne part tributaire des valeurs et des procé-
dures de la société dans laquelle elle s’exerce, que celles-ci soient institutionnalisées ou
non. Dans ce contexte général, les rapports de force existant entre tous les groupes et
individus impliqués sont d’une importance déterminante. Dans le contexte plus par-
ticulier de l’ÉIE, la prise de décision soulève des questions d’ordre éthique et huma-
nitaire, en plus des aspects environnementaux en jeu. Cela concerne plus particuliè-
rement la répartition des bénéfices et des inconvénients des projets de développement
ainsi que le déplacement des populations, le dédommagement des expropriés et la
prise en compte des intérêts de tous, aussi bien que la sauvegarde et la conservation
134 des éléments de l’environnement, notamment les plus sensibles. De manière plus res-
treinte, la prise de décision englobe aussi les rapports qu’entretiennent les différents
évaluateurs entre eux ainsi qu’avec l’ensemble des autres acteurs impliqués dans le
processus. Les rapports de force souvent inégaux entre une petite firme d’évaluateurs
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

et une grande entreprise faisant régulièrement appel à ses services ne peuvent être
régis de manière convenable que par des mécanismes extérieurs de contrôle.
En pratique, l’ensemble du processus d’ÉIE offre plusieurs possibilités de prise
de décisions partielles, la plus importante demeurant cependant la décision finale et
globale concernant l’opportunité du projet. Les possibles prises de décision partielles
varient selon la procédure en cours. Ces prises de décision restreintes concernent cer-
tains aspects répartis tout au long de la démarche d’examen d’un projet. Parmi celles-
ci, notons l’opportunité même de tenir une ÉIE, c’est-à-dire le processus d’assujet-
tissement des projets, l’élaboration de la directive, les détails de la démarche à
entreprendre, notamment la diffusion de l’information et les modalités de la parti-
cipation publique. Concernant ces derniers aspects, il existe des relations étroites entre
les évaluateurs et les organismes de contrôle – les responsables de l’environnement,
en l’occurrence. Comme tout n’est pas nécessairement fixé, il existe une marge de
manœuvre propice à la négociation entre les parties impliquées.
Bien entendu, la décision finale est souvent un compromis entre les préoccupa-
tions environnementales et les «impératifs» économiques et techniques. Le réar-
rangement, même partiel, d’un projet compromettant pour l’environnement est sou-
vent un moindre mal par rapport à un développement sans bornes. Des enjeux
environnementaux modifient parfois, même de manière importante, un projet
pourtant jugé incontournable par ses promoteurs. Le défi de la prise de décision est
souvent la résolution du dilemme entre des enjeux, des objectifs et des intérêts dif-
férents, voire divergents.
Comme nous le disions à propos des recommandations du rapport final de l’ÉIE,
l’étude d’impacts elle-même ne représente pas une prise de décision en tant que telle.
Le rôle de l’évaluateur d’impacts n’est pas de se substituer à celui des décideurs. L’objectif
ultime de l’ÉIE demeure uniquement de supporter et de favoriser la prise de décision
optimale. L’ÉIE fournit ainsi l’éclairage essentiel et indispensable d’une décision ins-
truite et fondée. L’évaluateur doit transmettre toute l’information nécessaire et signi-
ficative à la prise de décision qui devra être accomplie par le ou les décideurs. Les res-
ponsabilités du premier sont souvent considérables, car les jugements fondant la décision
des derniers reposent en grande partie, mais pas uniquement, sur son travail. L’opinion
135
des experts, sans être toujours acceptée d’emblée ni la seule valable, comme nous le
verrons dans le chapitre sur la négociation environnementale, pèse donc lourd dans
les décisions des autorités.
L’évaluation des impacts environnementaux

L’inspection et le suivi
Dans le rapport final d’examen, l’inspection et le suivi représentent les engagements
futurs du promoteur. Le respect de ces engagements touche les correctifs apportés
au projet par l’examen d’impacts, la mise en place des mesures d’atténuation prévues,
la bonne pratique environnementale lors des travaux et le programme de contrôle
ultérieur à la mise en marche des installations projetées ainsi que de tout autre enga-
gement issu de l’ÉIE. Cette section du rapport final, la dernière habituellement, concerne
donc des activités à réaliser après l’acceptation du projet par les décideurs. C’est dans
ce sens que tous ces aspects ultimes de l’ÉIE relèvent de ce qu’on nomme couram-
ment le suivi environnemental.
En fait, le suivi environnemental comprend au moins trois grands types d’opé-
rations différentes. La première opération s’effectue au moment de l’exécution des
travaux de construction des installations, ce qui comprend aussi les étapes prélimi-
naires de mise en œuvre des travaux. La «surveillance des travaux» désigne cette pre-
mière étape de suivi. Puis, tout au long de la phase d’exploitation, les activités d’ins-
pection de certains paramètres environnementaux représentent le «suivi d’exploitation»
(monitoring). Enfin, lorsque c’est le cas, ce qui est plutôt exceptionnel dans la pra-
tique courante, une nouvelle étude des répercussions environnementales s’effectue
plusieurs années après la mise en place des installations, c’est ce qu’on nomme le suivi
« postprojet».
De façon plus concrète, les différents aspects de l’inspection et du suivi seront
examinés dans la section méthodologique du niveau technique de l’ÉIE, en ce qui
concerne la surveillance des travaux, et au niveau scientifique d’étude pour ce qui touche
le suivi d’exploitation et le suivi postprojet. Toutefois, ce n’est qu’au cours du cha-
pitre huit que nous étudierons en détail l’ensemble de ces questions, notamment par
un examen complet des exigences habituelles et de la mise en œuvre de programmes
de suivi.

ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES
DU NIVEAU TECHNIQUE D’ÉTUDE
136 Le niveau technique est sans doute le plus spécifique des niveaux d’étude de l’ÉIE.
En effet, il correspond grosso modo à une seule spécialité, celle du génie, l’univers de
l’ingénieur. En règle générale, les autres disciplines n’interviennent qu’en soutien aux
activités de génie. Rappelons que le niveau technique relève du second objectif de l’ÉIE,
à savoir la minimisation de l’impact environnemental du projet. Les éléments
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

regroupés dans cette section représentent les constituants des étapes reliées aux pro-
cessus techniques; ils sont habituellement spécifiques à l’évaluation des impacts envi-
ronnementaux.
La plupart des mesures mises sur pied en vue de réduire ou d’atténuer l’impact
du projet ont avantage à intervenir le plus tôt possible dans l’élaboration du projet.
L’ampleur des mesures correctrices et d’atténuation est très variable, selon les com-
posantes du projet. On constate fréquemment que le projet approuvé à la fin de l’examen
d’ÉIE est différent de celui présenté initialement par le promoteur.
Les éléments méthodologiques qui relèvent avant tout du niveau technique de
l’évaluation des impacts environnementaux sont les suivants:
• la modification du projet;
• les correctifs au projet;
• le choix de solutions de rechange ou de variantes ;
• l’ordonnancement;
• les mesures d’atténuation;
• les mesures de compensation;
• la surveillance des travaux.
Le schéma de la figure 4.5 montre la disposition probable de ces éléments tech-
niques dans le processus d’ÉIE. Nous examinerons de façon plus détaillée, au cours
du chapitre huit, la plupart des éléments de la présente section.

La modification du projet
Lorsque débute l’élaboration d’un projet, les préoccupations environnementales ne
se retrouvent généralement pas aux côtés des préoccupations techniques et financières.
Jusqu’à tout récemment, la conception des projets n’avait que très rarement intégré
l’environnement dans ses tâches initiales. La prise en compte des aspects environ-
nementaux ne survient donc habituellement qu’à la suite des premières étapes
d’élaboration du projet par les promoteurs. Conséquemment, leur intégration dans
le projet est perçue comme une étape supplémentaire de réalisation. Il devient donc 137
parfois difficile de s’arranger pour que leur intégration ne remette pas trop en cause
les aspects techniques et financiers. De plus en plus, par contre, le choix des techniques
employées (c’est-à-dire procédé de fabrication et emploi de ressources particulières)
résulte des normes d’émissions en vigueur, ce qui limite et oriente l’élaboration du
projet vers la voie d’une plus grande implication environnementale. Il est donc dans
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.5
Schéma d’organisation des éléments méthodologiques du niveau technique

Projet initial

Modification Correctifs

Sélection et choix
Alternatives Variantes
Niveau politique d’examen

Ordonnancement

Mesures d'atténuation

Mesures de compensation

Surveillance des travaux

l’intérêt même des préoccupations environnementales que leur intégration dans la


conception des projets s’effectue le plus tôt et le plus librement possible. Plus le projet
sera parachevé et plus seront élevées les barrières à leur sincère intégration. L’expérience
acquise depuis les débuts de l’ÉIE permet de connaître à l’avance plusieurs des com-
posantes et des activités susceptibles d’amélioration ou de correction.

Les correctifs au projet


L’apport de simples correctifs à un projet demeure l’ultime mesure en vue d’intégrer
l’environnement dans la conception détaillée d’un projet. Les modifications signifi-
138 catives étant évincées par l’état d’avancement de la conception même du projet, il ne
reste plus très souvent que la possibilité d’effectuer de légers correctifs.
Les correctifs apportés aux composantes et aux activités afférentes au projet peuvent
survenir tout au long du processus d’examen. Ils apparaissent souvent au cours de
l’évaluation des impacts et lors de l’élaboration des mesures d’atténuation.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Certains ajustements se manifestent toutefois dès la première analyse des activités rela-
tives au projet, alors que d’autres ne se présenteront qu’au moment de la prise de déci-
sion finale concernant l’acceptabilité du projet.
Les correctifs apportés à un projet en cours d’examen ne sont pas toujours très
distincts de certaines des mesures d’atténuation; ils sont parfois confondus, d’ailleurs.
Les deux concourent cependant à l’amélioration du projet ou à la minimisation de
ses répercussions sur l’environnement. De la même façon, certaines modifications
au projet initial et, dans une moindre mesure, certains des correctifs employés ne se
différencient pas vraiment du choix des solutions de rechange ou des variantes en
cours d’étude.

La sélection et le choix de solutions de rechange ou de variantes


L’examen de solutions de rechange et de variantes est l’une des meilleures façons de
minimiser l’impact d’un projet. Il permet de choisir les composantes et les activités
du projet ainsi que les sites d’implantation les plus susceptibles de produire le moindre
impact sur l’environnement. La marge de manœuvre dépend grandement du type de
projet puisque tous ne permettent pas les mêmes options. Ainsi, dans le cadre d’un
projet de gestion des déchets, plusieurs possibilités s’offrent (incinération, enfouisse-
ment, recyclage, etc.), alors que pour l’exploitation d’une mine, les options sont très
réduites. Dans ce dernier cas, il n’y a en fait qu’une solution de rechange à l’exploita-
tion, c’est celle de ne pas faire d’exploitation du gisement et d’ainsi renoncer au projet.
Par contre, il existe plusieurs variantes possibles d’exploitation, celles-ci diffèrant par
leur procédé d’extraction, l’aménagement des accès, la réduction des rejets, etc.
La distinction entre «solution de rechange» et «variante» n’est à peu près jamais
bien définie ni expliquée, laissant libre cours à toutes les interprétations possibles des
lois, des règlements ou des statuts en ce sens. Il faut bien admettre qu’il n’y a pas, entre
ces deux notions apparentées, une démarcation toujours bien franche ni bien com-
prise. Voilà qui laisse place à une certaine subjectivité dans l’appréciation et une grande
marge de manœuvre pour les évaluateurs et les promoteurs. Quant à nous, une solu-
tion de rechange représente, comme dans l’exemple de la gestion des déchets évoqué
précédemment, une notion plus complète et plus distincte que ne l’est une variante.
Jusqu’à un certain point, une solution de rechange est un ensemble de composantes
139
de projet d’une nature différente d’une option à une autre, et non pas simplement
une variation plus ou moins importante d’un même projet. Les différentes façons de
gérer les déchets domestiques, par exemple, ou les diverses options en vue de fournir
des services énergétiques (hydroélectrique, nucléaire, éolien, économies d’énergie, etc.)
permettent un choix entre diverses solutions de rechange. Par contre, le choix d’un
L’évaluation des impacts environnementaux

site ou d’un couloir d’implantation ainsi qu’une modification mineure dans le pro-
cédé de fabrication ou la durée d’exploitation du projet relèvent plutôt d’un choix
de variantes. Par ailleurs, les solutions de rechange autant que les variantes peuvent
impliquer l’ensemble des composantes du projet soumis ou une partie seulement de
celles-ci.
La réglementation en vigueur en ÉIE recommande presque toujours l’examen
de solutions de rechange ou de variantes à l’intérieur de l’étude d’un projet. Ces obli-
gations réglementaires sont inscrites dans plusieurs pays depuis les débuts de l’ÉIE,
notamment aux États-Unis et au Canada. Néanmoins, il est fréquent de ne retrouver
aucune solution de rechange sérieuse à un projet proposé. Par contre, on retrouve
plus fréquemment l’examen de diverses variantes du projet à l’étude, notamment pour
le choix de site ou du tracé des infrastructures.
La présence de solutions de rechange ou de variantes, et à plus forte raison
lorsqu’il s’agit de l’examen comparatif de différents projets, suppose bien sûr la sélec-
tion d’un choix optimal. L’examen des diverses options à un projet d’étude nécessite
donc l’emploi de techniques de comparaison en vue d’évaluer le meilleur choix pos-
sible. La méthodologie doit alors contenir une procédure particulière permettant la
sélection entre diverses options (solutions de rechange ou variantes) afin d’obtenir
le plus adéquatement possible un choix optimal. La sélection des options possibles
et l’analyse comparative de celles-ci (choix de critères et méthode de comparaison)
relèvent surtout du domaine technique de l’ÉIE. Cependant, les choix qui seront effec-
tués et les acteurs qui y participeront concernent le niveau politique de l’étude.
Bien souvent, les promoteurs omettent de proposer des solutions autres que leur
projet. Pour de multiples raisons, certains promoteurs sont dans la quasi impossibi-
lité de faire autrement, comme c’est le cas des projets miniers, par exemple. Il en va
souvent de même pour les entreprises dont les opérations ou le produit final sont
bien déterminés. Pour un promoteur, l’analyse exhaustive de solutions de rechange
qu’il ne compte pas réaliser est de peu d’intérêt, voire n’a aucun sens ni raison d’être.
L’examen à un niveau supérieur à celui de l’évaluation de projet, l’évaluation straté-
gique des politiques et des programmes, par exemple, permettrait de clarifier quelque
peu les choses, notamment en filtrant le type de projet par l’entremise d’une véri-
140
table comparaison de solutions de rechange. Les projets ainsi présélectionnés pour-
raient ensuite être examinés sous l’optique d’un choix de variantes dans le cadre d’une
évaluation du projet sélectionné. Les options fortement rejetées lors d’une telle éva-
luation, l’incinération en milieu urbain, par exemple, et les contraintes inadmissibles,
telles que l’exclusivité de la pêche sur un cours d’eau, permettraient de guider les futurs
promoteurs. Dans un tel contexte d’élargissement de la place de l’ÉIE dans nos
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

processus de décision, l’aléatoire, le subjectif et les jeux de pouvoir du niveau poli-


tique de l’évaluation seraient plus limités qu’ils ne le sont actuellement.
L’une des solutions de rechange qu’on devrait toujours rencontrer dans l’examen
d’un projet mais qui est peu souvent présentée est la non-réalisation du projet en ques-
tion, c’est-à-dire le statu quo ou l’option zéro. Cela permettrait d’évaluer plus adé-
quatement l’évolution du milieu sans l’intervention du projet et, conséquemment,
de prévoir en toute connaissance de cause l’évolution anticipée. Cette prise en
compte du statu quo permet aussi d’estimer plus complètement le bien-fondé de la
justification du projet.
En pratique, et à peu près uniformément, le choix entre diverses options fait appel
aux techniques d’agrégation et de pondération, ce qui est avant tout du ressort du
domaine scientifique de l’évaluation d’impacts. Par ailleurs, la méthode de compa-
raison utilise souvent les techniques d’ordonnancement que nous plaçons dans la pré-
sente section. Selon la méthode particulière employée par les évaluateurs, l’insistance
s’orientera en priorité vers l’une ou l’autre des techniques d’ordonnancement.

L’ordonnancement
L’ordonnancement représente un ensemble de techniques particulières de mise en
valeur et de comparaison de solutions de rechange ou de variantes. Il s’agit généra-
lement de classer les différentes options selon des critères d’évaluation relative, sans
pour autant faire appel aux techniques d’agrégation ni de stricte pondération, deux
notions complexes que nous examinerons au cours de la prochaine section. Au-delà
de ses aspects techniques, l’ordonnancement présente aussi plusieurs dimensions
politiques.
Bien souvent, en fait, l’ordonnancement correspond à la plus simple des tech-
niques de pondération (valeur relative des paramètres), celle de la hiérarchisation.
La hiérarchisation des paramètres (éléments, effets et impacts ainsi que critères de
comparaison) du plus important au plus banal, par exemple, est en fait une classifi-
cation relative assez vague plutôt qu’une véritable comparaison rigoureuse des divers
paramètres.
La hiérarchisation classe tous les paramètres dans une série limitée de classes d’im-
141
portance. Elle réduit les opérations de comparaison de tous les paramètres les uns
par rapport aux autres et simplifie d’autant le classement parfois très compliqué de
ceux-ci. Le nombre de classes est généralement réduit à deux ou trois possibilités seu-
lement, suivant un ordre décroissant d’importance. Comme dans toute réflexion com-
parative, les critères importants sont séparés des autres et placés au-dessus de ceux
L’évaluation des impacts environnementaux

qu’on considère moins importants. Il y a bien entendu de nombreux aspects subjectifs


qui se glissent dans une telle opération. Le choix des critères de comparaison et leur
classement ne sont pas aussi simples et objectifs qu’ils le paraissent. Habituellement,
aucune hiérarchie n’est présente à l’intérieur d’une même classe de critères, tous étant
considérés comme égaux.Voilà qui simplifie de nouveau l’opération, qui pourrait s’avérer
complexe.
L’utilisation de critères différents vise à contourner les inévitables et insurmon-
tables problèmes reliés à toute comparaison reposant sur un seul critère, notamment
la valeur monétaire de la plupart des méthodes unicritères. Parmi les techniques et
méthodes de comparaison utilisées en ÉIE, nous pouvons inclure l’analyse multi-
critères et la méthode de Holmes. Nous examinerons ces deux outils fort utiles
d’ordonnancement au cours du chapitre suivant.

Les mesures d’atténuation


L’application de mesures d’atténuation permet d’atténuer ou d’éliminer l’impact envi-
ronnemental d’une activité ou d’une composante du projet. Les mesures d’atténua-
tion représentent l’ensemble des moyens visant ces objectifs d’atténuation et d’éli-
mination des impacts. Concrètement, les mesures d’atténuation constituent des
correctifs apportés aux diverses composantes projetées afin de diminuer l’impact envi-
ronnemental.
En premier lieu, l’application des mesures d’atténuation peut neutraliser l’im-
pact, c’est-à-dire l’éliminer complètement. Il se peut, par contre, qu’elles n’atténuent
qu’en partie les conséquences néfastes, mais de manière notable; l’importance de l’im-
pact en est alors fortement diminuée, en conséquence. Enfin, la mise en œuvre de
mesures d’atténuation peut n’atténuer que très partiellement les conséquences néga-
tives; l’impact qui en résulte demeure alors similaire à son importance initiale. Dans
les deux derniers cas, le résultat après la mise en place des mesures d’atténuation repré-
sente ce qu’on nomme l’«impact résiduel». L’impact résiduel est donc l’impact anti-
cipé qui reste après l’atténuation par les mesures. C’est ainsi que, par l’entremise de
mesures d’atténuation, on passe d’un impact potentiel à un impact résiduel.

142 Nous examinerons, en ce qui a trait au niveau scientifique d’étude, une typologie
complète des impacts. Par ailleurs, en vertu du même objectif de réduction de l’im-
pact environnemental, des «mesures de bonification» pourraient être incorporées au
projet. Ces mesures de bonification permettent d’augmenter l’importance ou la valeur
des impacts positifs. En fait, ces mesures se situent bien souvent à la frontière entre
de véritables mesures d’«atténuation» et celles de compensation.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La figure 4.6 présente une liste de mesures d’atténuation. Ces mesures sont dites
particulières, simplement parce qu’il s’agit d’une série de mesures à appliquer à cer-
tains aspects particuliers des composantes ou des activités d’un projet. À l’inverse,
certaines mesures d’atténuation sont dites générales, parce qu’elles concernent l’en-
semble des activités ou des composantes du projet; elles sont donc d’une nature plus
générale que les mesures particulières. Nous reviendrons de manière plus détaillée
au cours du chapitre huit sur ces mesures générales et particulières d’atténuation.
En pratique, il n’y a que trois résultats possibles à la mise en place de mesures
d’atténuation. Il existe, tout d’abord, la possibilité d’élimination totale de l’impact,
une possibilité plutôt rare. Il existe aussi la situation la plus courante, soit l’élimina-
tion (atténuation) partielle de l’impact. Dans ce cas, la valeur de l’impact peut être
plus ou moins fortement diminuée. Finalement, il reste toujours la possibilité que la
mesure proposée n’ait éventuellement aucune influence sur l’impact lui-même.
Comme les enseignements des rares programmes de suivi sont faibles, cette troisième
possibilité est peut-être plus importante qu’on le croit.

Figure 4.6
Liste de mesures particulières d’atténuation

Impacts potentiels Mesures d’atténuation

Modification des eaux • Planifier les périodes d’intervention, dans les zones sujettes
de surface et souterraines, aux inondations ou présentant un fort ruissellement, en dehors
ainsi que des conditions des saisons de crues ou de fortes pluies.
de drainage. • Ne pas entraver le drainage des eaux de surface et prévoir des mesures
palliatives.
• Respecter le drainage superficiel en tout temps. Éviter d’obstruer
les cours d’eau, les fossés ou tout autre canal, notamment par les débris
qui entravent l’écoulement normal des eaux.

Érosion et déstabilisation • Stabiliser le sol mécaniquement pour réduire le potentiel d’érosion.


du sol. • Éviter la construction sur les sols de forte pente.
• Limiter les interventions sur les sols érodables. Choisir des véhicules
adaptés à la nature des terrains.
• Obtenir les autorisations nécessaires pour les travaux en zone humide.
• Prévoir le réaménagement du site après les travaux.
• À la fin des travaux, compacter les sols remaniés et favoriser
l’implantation d’une strate herbacée stabilisatrice.
143
Altération de la • Prévoir des aménagements pour la circulation des véhicules lorsqu’il y a
nature du sol. risque de compaction ou d’altération de la surface.
• Conserver la couche organique du sol pour la restauration ultérieure
du site.
• Réglementer de façon stricte la circulation de machinerie lourde.
Restreindre le nombre de voies de circulation et limiter les déplacements
aux aires de travail et aux accès balisés.
L’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation ultime de l’impact environnemental du projet dans le rapport final


peut être réalisée avec ou sans la prise en compte des mesures d’atténuation. Dans le
premier cas, les impacts représenteront alors des impacts potentiels, alors que dans le
second, il s’agira d’impacts résiduels. Il est recommandé de présenter ces deux types
de résultats dans le rapport final, afin d’assurer un meilleur contrôle et l’inspection
ultérieure des impacts environnementaux du projet réalisé, mais aussi afin de déceler
clairement les bénéfices environnementaux accomplis grâce à l’étude même du projet.

Les mesures de compensation


La plupart des aspects essentiels au sujet des mesures de compensation ont déjà été
examinés dans la section précédente portant sur le niveau politique de l’ÉIE. Il y a
donc peu à ajouter du point de vue technique, sauf en ce qui concerne les aspects
techniques de la mise en œuvre de mesures de compensation en remplacement d’élé-
ments environnementaux fortement perturbés.
Il existe bien entendu des limites à la mise en place de mesures de compensation
adéquates, tout ne pouvant être recréé ou rebâti selon le gré de l’ingénieur. De plus,
les ressources financières nécessaires à une juste compensation ne sont pas toujours
disponibles. Il est beaucoup plus difficile de recréer le milieu de vie d’une popula-
tion déplacée par la mise en place d’un projet que de reboiser une zone en friche. La
reconstruction d’un mode de vie similaire pour une grande communauté est sou-
vent limitée par la non-disponibilité de certains éléments, notamment la présence de
bonnes terres agricoles encore inoccupées. Mais ici, nous sommes renvoyés dans le
domaine des préoccupations politiques de l’ÉIE.

La surveillance des travaux


La surveillance des travaux représente l’opération du suivi la plus près d’un examen
purement technique, contrairement aux activités relatives au suivi d’exploitation et
au suivi postprojet. Voilà pourquoi nous plaçons la surveillance des travaux parmi
les aspects techniques d’étude.
La surveillance environnementale des travaux vise d’abord à s’assurer que les enga-
144 gements pris lors de l’évaluation environnementale soient respectés. Les engagements
réfèrent principalement aux mesures d’atténuation générales et particulières prévues
pour le projet, mais aussi au respect des lois, des règlements, des certificats et des décrets
délivrés par les autorités gouvernementales ainsi qu’à tout autre engagement envi-
ronnemental pris par l’entreprise à l’égard du projet. La surveillance des travaux vise
aussi le respect d’une saine pratique environnementale lors de l’exécution même des
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

travaux, que ces derniers soient du ressort du promoteur lui-même ou de l’un de ses
partenaires entrepreneurs.
La surveillance des travaux s’effectue durant toute la phase de mise en œuvre du
projet, c’est-à-dire de la conception des plans et devis jusqu’au début de l’exploita-
tion, en passant par la phase cruciale de construction des installations et de mise en
place des équipements. La surveillance des travaux peut se subdiviser en deux sous-
étapes: celle de l’élaboration du programme de surveillance et celle de la mise en œuvre
de ce programme. L’exécution de la surveillance des travaux peut être confiée à des
représentants du promoteur ou à ceux d’une firme ou d’un organisme externe en envi-
ronnement.

ÉLÉMENTS MÉTHODOLOGIQUES
DU NIVEAU SCIENTIFIQUE D’ÉTUDE
Le niveau scientifique d’étude est probablement le plus systématique des niveaux
d’examen de l’ÉIE. Les diverses opérations s’imbriquent les unes dans les autres de
manière ordonnée et passablement rationnelle. Il est donc celui qui paraît le plus objectif,
compte tenu de la nature ordonnée et méthodique des différents éléments. Tout comme
les autres niveaux d’examen, cependant, il n’est pas exempt de subjectivité.
Les éléments regroupés sous cette section font appel aux connaissances discipli-
naires des diverses sciences impliquées par l’identification, la prédiction et l’évalua-
tion de l’impact environnemental du projet à l’étude. Mais ils font aussi appel à l’ex-
pertise inter ou multidisciplinaire et ils sont pour la plupart spécifiques à l’ÉIE. C’est
encore plus vrai pour les aspects globaux, comme les domaines de référence, ainsi
que pour la cotation, l’agrégation et la pondération.
Les éléments méthodologiques du niveau scientifique comprennent les paramètres
suivants :
• quantification versus qualification;
• aspects spatio-temporels ;
• domaines de référence;
145
• identification des activités ;
• identification des éléments;
• interaction activités/éléments ;
• relevé des effets/impacts ;
L’évaluation des impacts environnementaux

• relevé des impacts indirects et secondaires ;


• relevé des impacts cumulatifs ;
• descripteurs d’impacts (indicateurs);
• estimation des modifications résultantes;
• évaluation de l’impact environnemental;
• évaluation de l’importance des effets;
• évaluation de l’importance des impacts;
• impact inadmissible ;
• agrégation des impacts ;
• pondération des impacts;
• évaluation de la cotation;
• aspects et éléments litigieux ;
• suivi d’exploitation;
• suivi postprojet.
Les deux premiers éléments recoupent des aspects globaux de l’examen. En ce
sens, ils sont impliqués dans l’étude de la plupart des autres éléments du domaine
scientifique. Tous les autres éléments sont ordonnés selon l’ordre habituel d’appari-
tion dans le processus d’examen comme à la figure 4.7.

Quantification versus qualification des informations


Les problèmes reliés à la quantification versus la qualification de l’information sont
avant tout du niveau scientifique; certains relèvent toutefois aussi du politique. C’est
particulièrement le cas de la validité et du mérite accordés respectivement à ces deux
types d’information par les différents acteurs.
Plusieurs informations objectives peuvent être obtenues avec une assez bonne exac-
titude, leur mesure précise ne posant pas de difficulté. Toutes les données souhaitées
ne sont toutefois pas toujours disponibles ni ne peuvent être mesurées facilement.
146 L’inventaire des éléments de l’environnement est facilement identifiable et quanti-
fiable. Cependant, il n’en va pas de même en ce qui concerne la prévision et l’éva-
luation d’impacts, ces derniers ne demeurant que des prévisions plus ou moins justes
et complètes. De plus, il n’est pas rare de rencontrer des études qui contiennent des
éléments de l’environnement pour lesquels les données ne peuvent être mesurées avec
précision, toute quantification s’avérant irréalisable.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.7
Schéma d’organisation des éléments méthodologiques
du niveau scientifique

Quantification/qualification

Aspects spatio-temporels

Domaines de référence

Identification Identification
des activités des éléments

Interaction activités/éléments
Niveau scientifique d’examen

Relevé des effets/impacts

Direct Indirect Secondaire Cumulatif

Descripteurs d’impacts

Estimation des modifications

Évaluation de l’impact

Effet Inadmissible Impacts

Agrégation Pondération

Cotation

Suivi d’exploitation Suivi postprojet

Les sciences biologiques et physiques apportent souvent une quantification pré-


cise de grande qualité. Néanmoins, elles sont parfois incomplètes et ne peuvent per-
mettre d’apprécier un phénomène énigmatique ou incompréhensible. C’est le cas pour 147
les phénomènes complexes ou inaccessibles avec nos connaissances actuelles. C’est
aussi le cas pour certains éléments environnementaux nouvellement ou peu étudiés.
Dans d’autres cas, la qualification même des phénomènes ne peut tout simplement
pas être estimée; le jugement est alors incomplet, subjectif et fort aléatoire. Les sciences
sociales nous fournissent plusieurs exemples de telles informations qui peuvent n’être
L’évaluation des impacts environnementaux

que qualifiées de façon très rudimentaire. L’information ne peut alors être quanti-
fiable, même approximativement. Quoi qu’on en pense généralement, les sciences bio-
physiques ne sont pas elles non plus à l’abri d’un tel jugement. Cet aspect non quan-
tifiable conféré généralement aux sciences sociales est souvent prétexte à leur
isolement par rapport aux sciences biologiques et physiques en ÉIE.
Dans la plupart des études, il existe ainsi un difficile arbitrage entre des données
objectives relativement précises et des données subjectives peu ou pas quantifiables.
Les effets et impacts environnementaux incommensurables entraînent parfois des biais
méthodologiques importants. Ces biais sont fréquemment à l’origine de litiges entre
les divers intervenants. Toutefois, la question de la quantification versus la qualifica-
tion ne doit pas être perçue de manière trop simpliste. Ainsi, il n’est pas certain que
des résultats quantifiés soient toujours meilleurs et plus utiles que d’autres qui ne sont
que qualifiés ou grossièrement quantifiés. Certains paramètres environnementaux ne
peuvent pas être traités de manière quantitative ou très difficilement; ne pensons qu’aux
difficultés rencontrées dans l’estimation de la plupart des impacts sociaux. L’enjeu
principal de cette question est de savoir si on peut vraiment estimer l’impact d’une
activité sur l’environnement afin de juger et d’intervenir convenablement, et ce, de
quelque façon que ce soit.
D’autre part, les évaluateurs devraient porter un soin particulier afin d’éliminer
le plus possible les aspects subjectifs, notamment les jugements de valeur. Les juge-
ments de valeur sont indéniables en évaluation d’impacts, on les retrouve un peu par-
tout. Cela est plus évident lorsqu’il s’agit de facteurs ou d’éléments sociaux ou
éthiques, mais ils sont présents aussi lorsqu’il s’agit de techniques, de sciences et d’éco-
nomie. L’aspect subjectif, difficilement extirpable de tout processus d’étude, n’est sur-
tout pas à négliger. Les éléments subjectifs présents tout au long de l’examen de l’ÉIE
sont multiples. Mostert (1996) a démontré qu’ils se retrouvent aussi bien dans le choix
des méthodes et la sélection des options que dans la représentation graphique des
données. Comme les éléments subjectifs doivent être pris en compte dans le processus
de prise de décision, qu’on le veuille ou non, l’évaluateur d’impacts devrait permettre
la mise en évidence de ces aspects subjectifs. C’est ainsi que les jugements de valeur,
parfois fort utiles et essentiels dans plusieurs cas, devraient faire l’objet d’une pré-
148 sentation explicite, et non pas être dissimulés. De toute façon, ils se retrouveront de
manière implicite dans les résultats ainsi que dans les jugements et les conclusions
qui en résulteront. Ce qui importe, avant tout, c’est de mesurer ou d’évaluer de la manière
la plus précise et complète possible le degré de certitude ou d’occurrence des événe-
ments et des impacts anticipés.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

« Faire mentir une carte »


On pense à tort que les supports de l’information, une carte géographique, par exemple,
sont porteurs d’un message neutre, qu’ils ne font que refléter fidèlement la réalité. En
fait, ces objets, en apparence désintéressés et objectifs, proposent toujours une interpré-
tation des réalités. Une carte, même dans sa simple dimension descriptive, est plutôt un
modèle de représentation de la réalité. Elle est construite à partir d’objectifs bien déter-
minés et pour des destinataires intéressés.
Comme une carte est «souvent construite dans le but avoué d’orienter la lecture du mes-
sage au-delà des normes de rigueur de la rédaction cartographique », il est donc facile
de «faire mentir une carte» (Carrière et coll., 1998). On se méfie rarement d’un tel outil
de travail et on se questionne encore moins sur la « sélection des données en fonction
du message à transmettre » (idem).
La pertinence et la validité des données fournies, indépendamment du support d’in-
formation employé, sont constamment entachées de subjectivité, de choix de valeurs et
de manipulations plus ou moins transparentes.

L’étude d’impacts devant être un outil d’aide à la décision, des problèmes appa-
raissent bien sûr lorsque les données fondamentales font l’objet de controverses, et
ce, d’autant plus que la méthodologie employée ne peut les expliquer ou les justifier.
De plus, comme la décision en est souvent une de groupe, la méthodologie employée
peut introduire des difficultés nouvelles «au niveau des données fondamentales en
vue de prendre une décision» (Simos, 1990), étant donné la capacité variable de chacun
à comprendre et à interpréter. La transparence, tout comme la vulgarisation de la
démarche méthodologique, est donc de mise; toute démarche scientifique devrait
d’ailleurs permettre sa «reproductibilité» ou à tout le moins sa compréhension inté-
grale. Une présentation claire et complète de la méthodologie employée s’avère
donc essentielle, plus particulièrement pour ces aspects qui opposent trop souvent
les experts aux autres acteurs.

Aspects spatio-temporels
Les aspects spatio-temporels ne sont pas exclusifs au domaine scientifique. Certains
d’entre eux relèvent aussi du niveau politique; c’est le cas notamment de la délimi- 149
tation de la zone d’étude et de l’horizon de référence.
Les aspects temporels à considérer dans l’évaluation environnementale diffèrent
parfois de ceux issus des disciplines à partir desquelles elle s’organise, des paramètres
économiques, par exemple. Ces derniers visent la maximisation à court terme, alors
L’évaluation des impacts environnementaux

que l’aspect temporel inhérent au fonctionnement des écosystèmes s’étale générale-


ment à long terme, présentant souvent des cycles à très long terme. L’approche à long
terme devrait être retenue pour les considérations d’évaluation environnementale.
Cela est d’autant plus important lorsqu’on désire prendre en compte les intérêts des
générations futures.
Par rapport au temps, il n’y a pas de concordance entre les impératifs de l’envi-
ronnement et ceux de l’économie. De la même façon, il n’y a pas toujours une adé-
quation parfaite entre les aspirations des générations présentes avec celles qui seront
possibles aux générations futures. Sur le plan social, le temps peut apporter de grandes
modifications dans les comportements et les valeurs des gens. Ainsi, un certain type
de développement peut être acceptable aujourd’hui, compte tenu de nos connaissances
techniques et environnementales actuelles, mais il pourrait s’avérer inadmissible dans
l’avenir.
Par ailleurs, des distinctions temporelles importantes apparaissent entre les
diverses «disciplines» d’étude impliquées dans l’évaluation environnementale. La durée
n’a pas nécessairement la même valeur pour tous. La géologie, par exemple, consi-
dère le temps sur des échelles de milliers, voire de millions ou de milliards d’années,
alors que pour plusieurs des acteurs impliqués par l’implantation d’un projet, un horizon
de dix ans est d’habitude une perception à long terme. Nous verrons plus loin com-
ment l’ÉIE prend effectivement en compte la notion du temps, notamment par la déli-
mitation de l’horizon de référence.
Nous retrouvons des distinctions du même ordre en ce qui concerne les aspects
spatiaux. Il existe ainsi de grandes distinctions entre ce que l’on entend par local, régional,
national, continental, international ou global. La taille des écosystèmes considérés,
tant par les écologistes que par les décideurs ou les économistes, varie énormément.
Les mêmes observations s’appliquent en ce qui concerne la variabilité de l’étendue
entre les effets et les impacts environnementaux. Les premiers ne pouvant être habi-
tuellement que locaux, alors que leurs impacts peuvent s’étendre à l’ensemble de la
planète, ne pensons ici qu’aux CFC ou aux gaz à effet de serre. Conséquemment, il
existe des notions d’espace qui diffèrent elles aussi selon les disciplines d’étude. Par
ailleurs, l’espace est aussi variable dans les trois dimensions, qu’il s’agissent des dif-
150
férentes couches géologiques, de celles de l’atmosphère ou de celles de l’hydrosphère.
Nous verrons plus loin comment l’ÉIE prend effectivement en compte la notion de
l’espace par la délimitation des espaces de référence.
De plus, la méconnaissance des aspects temporels et spatiaux divergents entraîne
parfois des distorsions entre les résultats des diverses disciplines impliquées, ainsi que
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

la persistance de mythes. C’est le cas notamment du mythe longtemps entretenu de


l’«inépuisabilité» des ressources énergétiques. C’est ainsi que plusieurs biens et res-
sources furent longtemps considérés comme inépuisables ou inaltérables; ce fut le
cas de l’énergie, des forêts et des ressources aquatiques jusqu’à tout récemment, et
c’est encore le cas actuellement de l’air ou de la plupart des espèces d’insectes. La consé-
quence immédiate de tels mythes consiste à utiliser les diverses ressources sans tenir
compte de leurs paramètres de «renouvellement» ou des processus sous-jacents à leur
emploi durable. Ce suremploi conduit à la dégradation des écosystèmes et à la déper-
dition des ressources. Cette vision obtuse va bien sûr à l’encontre d’une position de
développement durable et elle se retrouve à l’opposé de la direction insufflée géné-
ralement par les politiques environnementales corporatives en vigueur ou en voie de
l’être. L’évaluation d’impacts amorce ainsi un nouveau type de gestion en prévoyant
les incidences environnementales dans le temps et l’espace.

Domaines de référence
Les domaines de référence comprennent les aspects spatio-temporels délimitant le
champ d’investigation de l’étude ainsi que le contexte de référence du milieu d’ac-
cueil. Les aspects spatiaux sont bien sûr établis en grande partie dès les premières étapes
d’examen (éléments préliminaires de niveau politique). Toutefois, ils ne sont habi-
tuellement fixés de manière quasi définitive qu’à cette étape de l’étude.
Les domaines de référence de l’étude en cours doivent être choisis en fonction de
leur compatibilité avec les objectifs déterminés au préalable, mais aussi en rapport avec
les moyens financiers et temporels disponibles. Il est inutile d’embrasser trop grand
si les moyens ou le temps ne le permettent pas, d’autant plus s’il s’agit d’aspects non
significatifs pour l’examen en cours. La délimitation des domaines de référence,
particulièrement l’espace de référence, est aussi fixée par la nature et le type même des
impacts appréhendés, ainsi que par la répartition des acteurs en présence. Certains impacts
n’affectent que des zones restreintes, alors que d’autres englobent des entités territo-
riales immenses, souvent internationales.
Le choix de domaines de référence «complexes» ou trop ambitieux peut entraîner
une augmentation de la complexité de l’étude et parfois, comme corollaire, une dimi-
nution de la validité ou de la pertinence des résultats finalement obtenus. Dans de
151
tels cas, les résultats sont souvent incomplets, fragmentaires ou insuffisants aux yeux
de certains acteurs.
L’évaluation des impacts environnementaux

Il est usuel de distinguer trois domaines de référence:


• espace de référence;
• état de référence;
• horizon de référence.

Espace de référence
L’espace de référence représente l’étendue du territoire à considérer pour l’évalua-
tion des impacts. Il variera du plus global au seul périmètre du site d’implantation,
en passant par le niveau régional ou local. La zone d’étude varie selon l’ampleur des
incidences du projet et l’étendue des composantes de l’environnement. Conséquemment,
plusieurs échelles d’étendue doivent être employées afin de pouvoir couvrir tout le
spectre des espaces essentiels au relevé complet des éléments de l’environnement, puis
à l’évaluation des impacts, sans pour autant balayer tous les espaces à travers chacun
des effets.
L’espace de référence peut varier considérablement selon la nature même de chacun
des impacts. Cet espace, souvent tridimensionnel, est déterminé par l’étendue des consé-
quences d’une activité du projet. Effectivement, les effets peuvent parfois se disperser
fort loin de leur lieu d’origine et affecter des éléments environnementaux qui se situent
à de très grandes distances des installations responsables. La plupart des effets et impacts
des activités reliées directement aux opérations de construction sont concentrés dans
des zones restreintes autour de leur lieu d’origine. Par contre, certains effets et
impacts consécutifs à la phase d’exploitation, comme les précipitations acides ou l’effet
de serre, englobent de très vastes territoires.
Il existe aussi une concordance des espaces de référence avec les divers interve-
nants. Les différents types d’acteurs ne considèrent pas tous nécessairement le même
espace de référence et cela peut devenir une source de confusion, voire de confron-
tation entre eux. Cette question de la perception variable entre les divers acteurs concerne
d’ailleurs de façon similaire tous les domaines de référence (espace, état et horizon).
On délimite souvent cinq types possibles d’espaces de référence:
152 • celui du site d’implantation du projet;
• celui de l’ensemble des impacts environnementaux ;
• celui des impacts à longue portée;
• celui des bénéficiaires du projet (destinataires);
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

• celui des décideurs et de l’administration.


Ces espaces de référence se recoupent souvent, parfois certains sont absents ou
indéfinissables et, quelquefois, on les subdivise en zones plus spécifiques. Un exemple
simple servira à illustrer cette typologie des espaces de référence. Le réaménagement
d’une ancienne carrière désaffectée en site de dépôt de déchets domestiques représente
une localisation bien précise et locale de l’action. Les bénéficiaires du projet peuvent
très bien se situer loin de la carrière et, de ce fait, n’être nullement incommodés par
l’implantation des activités d’enfouissement sanitaire. La plupart des impacts envi-
ronnementaux (pollution de l’aquifère, bruits du transport et odeurs), ainsi que les
limites à l’utilisation du territoire, ne devraient se rencontrer qu’en périphérie du site
d’implantation. Certains impacts pourraient par contre intervenir dans des zones très
éloignées du site. Toutefois, l’espace de référence des décideurs et des administrations
impliqués pourrait se situer complètement à l’extérieur des lieux précédemment cités
et, à la limite, être complètement étranger ou inconnu d’eux.
En conséquence, on emploie généralement différents niveaux d’espace de réfé-
rence. Certaines études n’emploient qu’un seul espace de référence pour l’ensemble
de l’examen, le plus vaste, habituellement. D’autres, par contre, emploient des zones
multiples, trois ou quatre zones (du local au global) délimitant les divers aspects de
l’ÉIE. Afin de simplifier la compréhension, on utilise couramment la subdivision sui-
vante en trois zones:
• espace local (ou ponctuel) ;
• espace régional (ou moyen);
• espace global (national ou maximal).

État de référence
Il existe aussi plusieurs possibilités d’états de référence de l’environnement comme
objet d’étude. On distingue généralement trois types possibles d’états de référence:
• l’état originel de l’environnement avant l’action projetée;
• la projection de l’état originel dans l’avenir, en l’absence du projet;
• un état virtuel futur, défini par un but, des objectifs ou une cible à atteindre.
153

L’état le plus simple à décrire correctement est sans doute l’état originel avant
l’action projetée. Il est immédiatement disponible aux fins d’étude et peu ou pas de
projections s’avèrent nécessaires. Conséquemment, il est celui qui supporte la plu-
part des études d’ÉIE produites jusqu’à maintenant. Cependant, cet état originel est
L’évaluation des impacts environnementaux

insatisfaisant s’il n’intègre pas la dynamique des écosystèmes en présence. La connais-


sance des tendances évolutives des divers éléments de l’environnement est aussi essen-
tielle, sinon plus, qu’une compréhension statique et simpliste de l’état de l’environ-
nement à un moment donné. L’environnement évolue sans cesse, avec ou sans la présence
d’activités humaines perturbatrices, comme nous l’avons indiqué auparavant. Les ten-
dances de cette évolution pourraient faire varier considérablement les paramètres en
présence et modifier ainsi les prédictions et l’évaluation de l’ampleur des impacts.
C’est ainsi qu’une forêt en voie de disparition, selon son évolution «naturelle», ou à
tout le moins sans la pression supplémentaire du projet, ne peut être évaluée comme
s’il s’agissait d’une forêt en pleine expansion.
Le second état, quoique satisfaisant d’un point de vue méthodologique, serait déjà
moins accessible. Cela est d’autant plus vrai que le milieu originel varie avec le temps,
il est donc difficile de distinguer les changements «naturels» et ceux dus aux autres
activités humaines. La délimitation précise de cet état futur repose de plus sur une
grande part d’estimation et de projection. Compte tenu des nombreuses incertitudes
entourant l’évolution des tendances de l’environnement, il n’est pas aisé d’évaluer quelle
sera l’évolution de l’environnement sans le projet; cela pose des difficultés bien plus
considérables que d’évaluer avec exactitude les conditions présentes. Malgré ces dif-
ficultés, il est préférable de déterminer un tel état anticipé de l’environnement afin
d’évaluer l’ampleur de l’impact dans le temps avec plus de rigueur.
Dans le troisième cas, celui d’un état virtuel futur, défini par un but ou une cible
à atteindre, les obstacles à surmonter sont comparables à ceux du second état; en fait
ils reposent en partie sur les mêmes difficultés. De plus, la sélection et l’élaboration
de buts, d’objectifs ou de cibles à atteindre ne sont pas toujours aisées à déterminer,
et par ailleurs les choix initiaux pourraient être modifiés à plus ou moins long terme.
La sélection des buts et objectifs est souvent issue de la législation ou de la réglementation,
comme un schéma d’aménagement ou des seuils limites d’émission pour le futur, par
exemple. Ce pourrait être aussi le résultat de recommandations ou de propositions
issues de quelques instances décisionnelles ou des simples citoyens, comme l’atteinte
d’objectifs de développement durable ou encore d’une évaluation environnementale
stratégique.
154
Finalement, la délimitation de l’état de référence est intimement liée à celle de
la détermination de l’horizon de référence. Plus l’horizon de référence (la durée) est
repoussé dans le futur, plus grandes seront sans doute les modifications naturelles
de l’environnement et conséquemment les difficultés de prévoir et d’estimer les états
futurs de l’environnement.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Horizon de référence
L’horizon de référence représente la prise en compte temporelle de l’étude. Celle-ci
s’exprime par le temps compris dans l’estimation des conséquences futures du
projet. Cette durée peut être très variable selon la nature des impacts et des projets
concernés. Malgré la très grande variabilité entre les divers projets, les horizons de
référence employés en ÉIE sont bien souvent similaires.
Un examen complet et global d’ÉIE, notamment s’il tient compte du cycle de vie
du projet, devrait subdiviser le temps de référence en quatre grandes périodes :
• celle précédant le début des travaux d’implantation;
• celle de la construction des installations ;
• celle de la durée de l’exploitation de ces installations;
• celle de la disposition finale des installations.
Chacune des périodes nécessite une durée plus ou moins étendue. La période d’ex-
ploitation s’étend généralement sur des dizaines d’années; elle est donc beaucoup plus
longue que les trois autres. Il est fréquent de rencontrer des études qui ne distinguent
que deux grands ensembles d’horizons de référence, celui considéré pendant les tra-
vaux d’implantation et celui de l’exploitation. Afin de montrer les conséquences res-
pectives de ces deux phases, la période des travaux est fréquemment subdivisée en
phases de préconstruction et de construction. La prise en compte de la disposition
finale est rarement inscrite dans les études d’impacts, malgré son importance déter-
minante dans plusieurs cas – ne pensons qu’aux déchets, rejets, infrastructures et déna-
turations de toutes sortes laissés en place à la fin de l’exploitation. De plus, certains
effets et impacts se poursuivent longtemps après la phase d’exploitation – ne pen-
sons qu’aux sites d’enfouissement des déchets domestiques et aux centrales nucléaires.
La division en quatre périodes s’accommode bien des préoccupations relatives
à l’évaluation d’impacts de différentes durées. Chacun des impacts peut alors être évalué
en fonction de ces diverses périodes, ce qui permet de délimiter la durée de certains
impacts, compte tenu que certains d’entre eux ne sont reliés qu’à des activités bien
délimitées dans le temps, les activités de construction, par exemple. Dans beaucoup
d’études, il existe, explicitement ou de manière implicite, deux ensembles d’horizons 155
de référence. Le premier est d’ordre général ; c’est celui de l’ensemble des impacts. Il
correspond habituellement à la durée de vie des installations ou des composantes du
projet. L’autre ensemble regroupe l’un ou les horizons spécifiques aux impacts ou aux
activités traités selon des horizons particuliers différents de l’horizon d’ensemble.
L’évaluation des impacts environnementaux

Par ailleurs, il est courant de simplifier l’évaluation de la durée des perturbations


selon une subdivision de l’horizon de référence en durées à court, à moyen et à long
terme. L’évaluation même des impacts est souvent établie en fonction de ces trois valeurs
possibles de la durée. Compte tenu de l’importance des variations dans la mesure de
l’amplitude de l’impact environnemental dans le temps, la délimitation d’un horizon
judicieux est capitale. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, l’ampleur des
impacts peut varier dans le temps, et ce, de manière très importante dans certains
cas. Un impact pourrait n’avoir qu’une importance faible peu de temps après l’ac-
tion responsable, mais présenter par contre une ampleur considérable à plus long terme.
Par ailleurs, l’inverse est aussi envisageable.

Identification des activités


L’identification des activités représente un examen plus complet et détaillé que celui
réalisé au cours de l’examen de l’objet d’étude du niveau politique. Il s’agit ici de connaître
et de relever toutes les activités reliées de près ou de loin à la réalisation du projet et
qui peuvent avoir une incidence environnementale significative. La connaissance exacte
des diverses composantes du projet proposé permet d’identifier clairement les acti-
vités susceptibles d’atteintes à l’environnement. L’identification des activités corres-
pond à une analyse des caractéristiques techniques du projet; elle repose donc sur
une compréhension de ce dernier.
L’énumération des diverses activités peut être plus ou moins exhaustive; une cer-
taine forme de regroupement des activités similaires ou apparentées peut aussi être
envisagée. Toutefois, pour un premier relevé des activités d’un type de projet inusité,
ce qui ne serait pas le cas pour un type de projet bien connu des évaluateurs, l’étude
devrait veiller à couvrir l’ensemble des composantes directes et indirectes reliées à
toutes les opérations de mise en place du projet, ainsi que celles reliées à la phase d’ex-
ploitation, et ce, jusqu’à son terme final. Il s’agit donc d’examiner le cycle de vie (life
cycle) complet du projet, des premières étapes de la planification jusqu’à son terme
ultime. Une connaissance approfondie des diverses composantes du projet, notam-
ment celles concernant la période d’exploitation, est nécessaire afin de déceler toutes
les sources possibles d’impacts à long terme.
156 Comme en ce qui concerne la délimitation des horizons de référence, on subdi-
vise habituellement les activités selon les phases de la durée de vie du projet, à savoir
celle de la préconstruction, celle de la construction, celle de l’exploitation et, éven-
tuellement, celle de la fin ultime, la désaffection ou l’abandon du projet.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Le relevé des activités peut se faire à partir des connaissances d’un spécialiste du
projet – l’ingénieur chargé des travaux ou de l’exploitation, par exemple. Le relevé
peut aussi être réalisé ou complété à l’aide de listes de contrôle conçues à cet effet.
La figure 4.8 présente une telle liste de contrôle. Cette liste propose une douzaine de
sources potentielles d’impacts reliées à la réalisation de projets d’adduction d’eau potable.
Une description de l’activité permet de préciser la nature de chacune des sources d’im-
pacts. Les différentes activités responsables d’impacts sont regroupées suivant qu’il
s’agit des phases de préconstruction, de construction et d’exploitation. Ces listes énu-
mèrent les diverses activités potentiellement responsables d’effets sur l’environnement.
Les listes sont la plupart du temps thématiques, elles ne concernent alors qu’un seul
type de projet bien particulier. Nous verrons d’autres listes de contrôle des activités
au cours du prochain chapitre.

Identification des éléments de l’environnement


L’identification des éléments de l’environnement est une opération similaire à celle
que nous venons d’examiner concernant l’identification des activités du projet. En
pratique, elle en est l’indispensable complément. L’opération consiste à identifier clai-
rement les différents éléments du milieu (naturel et humain) pouvant être affectés
par une quelconque activité du projet. Il ne s’agit donc pas de dresser un portrait ency-
clopédique complet et exhaustif du milieu d’insertion, comme dans toute bonne
recherche de caractérisation disciplinaire. L’identification des éléments de l’envi-
ronnement ne peut s’effectuer de manière indépendante des composantes et des acti-
vités relatives au projet en cause.
L’identification des éléments de l’environnement est habituellement confondue
avec la caractérisation du milieu. Dans ce dernier cas, il s’agit d’une étude, plus ou
moins exhaustive, du milieu d’implantation du projet. Souvent, il ne s’agit que d’une
énumération des différentes espèces fauniques et floristiques ainsi que de la carac-
térisation géologique, climatique et hydrologique du lieu immédiat d’implantation.
Cette caractérisation du milieu est bien souvent indépendante du projet à l’étude. En
ce sens, les éléments notés au cours d’une telle caractérisation sont souvent distincts
de l’ensemble des éléments environnementaux qui seront effectivement touchés par
le projet. La phase d’identification des éléments consiste plutôt à ne connaître, de manière 157
approfondie, que les éléments de l’environnement qui seront éventuellement perturbés
par la mise en place du projet. Pour l’évaluation d’impacts, il ne sert à rien d’avoir
une connaissance complète et exhaustive de tous les éléments environnementaux d’une
zone d’étude. Mieux vaut concentrer les efforts vers ceux qui sont vraiment signifi-
catifs dans le cadre du projet. Ce conseil pratique, fort utile pour l’efficacité de l’ÉIE,
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.8
Liste de sources d’impacts potentiels, selon les phases d’un projet

Sources d’impacts Description de l’activité

Préconstruction
Études préliminaires Toutes études en vue de l’installation des campements de travail
et des équipements du projet. Ceci implique le déplacement
de la machinerie et la prise d’échantillons.
Arpentage Localiser les composantes et baliser la zone des travaux par la pose
d’une signalisation appropriée.
Acquisition des emprises Négociation pour acquérir l’emprise (achat) ou pour obtenir un droit
de passage (entente sur la valeur foncière).
Installation de chantier La localisation du matériel servant à la construction des installations doit
faire l’objet d’une attention particulière.

Construction
Transport et circulation Déplacement de la machinerie et des employés pour la construction
des équipements dans l’emprise et à proximité.
Excavation, forage Tout ce qui touche le creusage du sol et la pose des équipements.
et dynamitage Identification des façons de faire selon le type de fondation et de sols.
Bâtiments et équipements L’endroit où seront installés les bâtiments et l’entreposage des matériaux
durant les travaux de construction.
Réaménagement des aires Réaménagement des milieux ayant subi divers impacts liés aux activités
de travaux énumérées précédemment.

Exploitation
Transport et circulation La réparation des équipements et l’entretien impliquent une circulation
à proximité des installations.
Présence physique La présence des installations ainsi que leur fonctionnement engendrent
des installations une série d’impacts: nuisance visuelle, olfactive, etc.
Gestion des déchets Transport des déchets solides, liquides ou dangereux vers des lieux
et des eaux usées d’élimination prévus à cet effet. Les eaux usées doivent être envoyées
à une usine de traitement.
Sécurité et intervention Il faut prévoir des aires sécuritaires d’entreposage pour les produits
d’urgence contaminants ou dangereux provenant de l’exploitation ainsi que la mise
en place de plans d’urgence advenant le déversement de produits
dangereux. Ces plans doivent être connus des intervenants.

compte tenu des moyens et des ressources limités, ne semble toutefois pas être tou-
jours observé.

158 De plus, une attention spéciale doit être accordée aux éléments environnemen-
taux valorisés, peu importe les raisons de cette valorisation (scientifique, législative
ou populaire) ou leur provenance (type d’acteurs), ainsi qu’aux éléments particu-
lièrement sensibles de l’environnement. Cette opération est bien sûr en rapport direct
avec les enjeux environnementaux déterminés lors de l’étude préliminaire du contexte
général.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La première étape de l’identification des éléments consiste à décrire globalement


le milieu d’implantation. Après avoir délimité l’espace de référence, il s’agit d’effec-
tuer une rapide caractérisation du milieu ainsi délimité. Essentiellement, il s’agit de
souligner les éléments environnementaux valorisés ou de grande importance. Ensuite,
l’étude portera uniquement sur les éléments qui seront éventuellement touchés par
la réalisation du projet. Cette deuxième étape examinera alors de manière plus
attentive les éléments environnementaux ainsi sélectionnés. En ce qui concerne les
autres, notamment ceux valorisés, il s’agit de préciser qu’ils ne seront pas affectés par
le projet.
L’identification des divers éléments de l’environnement implique une subdivi-
sion ou, à l’inverse, un regroupement plus ou moins important des éléments sélec-
tionnés. Il existe toujours une certaine forme d’agrégation des éléments; il est inutile,
voire impossible, d’examiner chacune des espèces d’un écosystème complexe. La sélec-
tion s’intéresse autant aux éléments des milieux biophysiques qu’à ceux des milieux
humains de l’environnement, selon la portée accordée au concept d’environnement
par la législation en vigueur.
Comme pour la détermination des activités afférentes au projet, l’identification
des éléments de l’environnement peut s’effectuer à partir de l’expérience de spécia-
listes du milieu, ainsi qu’à l’aide de listes de contrôle réalisées à cet effet. Ces dernières
énumèrent souvent les divers éléments environnementaux potentiellement atteints
par la réalisation d’un type de projet ou pour un écosystème particulier. Un exemple
d’une telle liste est fourni à la figure 4.9. Dans l’exemple présenté ici, les 41 éléments
qui la composent touchent tous les domaines d’une conception large de l’environ-
nement.
Les listes disponibles, parfois à caractère très général, doivent être adaptées aux
composantes particulières du milieu concerné. Cependant, les grands groupes d’élé-
ments environnementaux demeurent presque partout semblables; seule la caracté-
risation du milieu pourra déterminer les éléments présents. Nous verrons plusieurs
de ces aide-mémoire au cours du chapitre suivant; ils constituent bien souvent l’un
des axes des matrices utilisées en ÉIE. Différentes listes des éléments peuvent être dres-
sées selon le contexte particulier d’implantation du projet à l’étude. Selon le cas, les
159
listes sont plus ou moins exhaustives et pertinentes pour l’objet d’étude. La célèbre
liste de Léopold, par exemple, que nous verrons au cours du prochain chapitre, est
un peu plus exhaustive; elle contient 86 éléments de l’environnement plus ou moins
amalgamés.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.9
Liste de contrôle d’éléments de l’environnement

Paramètres physicochimiques Biodiversité


Paramètres microbiologiques Agricole, forestier et pastorale
Ruissellement/Infiltration/Perméabilité X Zone touristique et de loisir X
Régime hydrodynamique X Site archéologique, historique ou rituel X
Régime morphosédimentologique Site à accès contrôlé
Qualité du sol/Pédologie Zone urbaine/préurbaine
Modelé du terrain/Géomorphologie X Migration/Nomadisme X
Caractéristiques d’ingénierie du sol X Coutumes/Traditions X
Physicochimique Démographie
Matières particulaires et en suspension X Potabilité/Disponibilité de l’eau X
Température/Ensoleillement Santé
Évapotranspiration/Évaporation/Humidité X Protection civile/Taux d’accidents X
Précipitations X Emploi/Revenus X
Vents X Circulation X
Odeurs X Équipements collectifs
Bruits/Vibrations X Coûts des services X
Structure/Densité/Composition Développement local
Productivité/Succession Caractéristique du paysage
Espèces rares ou menacées X Confort public et bien-être X
Habitat X Services collectifs
Ressources énergétiques et matérielles

Interaction activités/éléments environnementaux


À partir de l’identification des activités du projet et des éléments environnementaux,
il ne s’agit plus maintenant que de noter les possibles interactions entre eux. Cet exer-
cice permet de souligner les seuls effets ou impacts appréhendés du projet envisagé.
Il permet aussi de montrer les liens de cause à effet entre les activités du projet et les
éléments de l’environnement. En pratique, cette opération représente une première
approximation, mais tout de même assez juste, des impacts du projet.
Cette opération de mise en évidence des interactions ne peut se faire qu’en étroite
relation avec les deux opérations précédentes ; elle pourrait même se confondre avec
160 celle de l’identification des éléments de l’environnement. En effet, l’identification des
interactions s’effectue dans une démarche itérative avec l’identification des activités
et celle des éléments. On peut difficilement dissocier ces trois opérations distinctes
les unes des autres. Les choix effectués à partir de la définition ou de l’élaboration
des problèmes relatifs à chacune de ces trois opérations interagissent avec celles des
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

autres. Ainsi, le fait de déterminer une activité perturbatrice permet généralement


d’anticiper les éléments de l’environnement qui seront touchés.
L’identification des interactions est facilitée par l’utilisation de matrices ou de réseaux
d’interactions. Ces deux derniers outils d’analyse seront étudiés dans le prochain cha-
pitre. Toutefois, nous présentons, à la figure 4.10, une section d’une matrice des inter-
actions que nous avons employée récemment dans le cadre d’un projet d’adduction
d’eau potable au Maroc. Il s’agit d’un exemple d’interaction entre les activités et les
éléments de l’environnement, les interactions indiquées dans cet exemple étant
purement hypothétiques et ne servant qu’à illustrer le principe de fonctionnement.
L’exemple montre qu’il existe une interaction entre l’acquisition des emprises et l’hy-
drologie des cours d’eau, ainsi que les eaux souterraines qui seront affectées par trois
activités différentes reliées uniquement à l’aménagement des sites durant la phase de
construction. La présentation matricielle ne permet toutefois pas toujours de noter
toutes les interactions, notamment les interactions indirectes, secondaires et, surtout,
les actions cumulatives.

Identification des effets/impacts environnementaux


La distinction entre l’identification des effets et des impacts environnementaux et celle
des interactions est bien subtile, voire, dans certains cas, superflue. Cependant,
l’identification des effets/impacts permet bien souvent de réaliser une véritable énu-
mération des impacts significatifs et donc des interactions indispensables. La simple
analyse matricielle des interactions, par exemple, ne représente parfois qu’une pre-
mière approximation. Le relevé détaillé des effets/impacts permet par contre d’éli-
miner les interactions à incidences négligeables sur l’environnement ; une première
sélection est donc effectuée. Par ailleurs, les impacts secondaires, indirects et cumu-
latifs, que nous examinerons après, ne peuvent être soulignés par cette seule mise en
évidence des interactions ; il faut donc aller au-delà de cette opération.
Il n’est sans doute pas toujours nécessaire de pouvoir distinguer les effets des impacts
environnementaux. Dans certains cas, confondre les deux n’entraîne pas de consé-
quences importantes pour l’examen. Toutefois, cette distinction peut s’avérer fort utile
dans l’estimation des véritables conséquences environnementales d’un projet, bien
que son importance puisse paraître parfois négligeable, de prime abord. Ainsi, dans
161
le cas d’émissions atmosphériques nocives, il s’agit d’un effet; ce qui importe avant
tout, c’est de déterminer les conséquences sur les divers éléments de l’environnement,
c’est-à-dire les impacts mêmes des émissions. Dans ce cas, l’identification élémen-
taire des effets, à savoir les gaz émis, n’est pas suffisante afin de noter et par la suite
d’évaluer l’impact environnemental. L’identification des conséquences de ces effets
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.10
Modèle simplifié de matrice des interactions potentielles
utilisant une cotation simple

CONSTRUCTION
Aménagement
des sites

Études et aménagements préléminaires

Modification de tracés et de routes


Excavation, forage et creusage
Dragage et travaux maritimes
Déboisement et reboisement
ACTIVITÉS DU PROJET

Acquisition des emprises

Installation de chantiers
Légende
Impacts négatifs
Impacts positifs
1 2 3 4 5 6 7
ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX
Cours d’eau A
Eaux souterraines B
Qualité des eaux C
Régime hydrodynamique D
MILIEU BIOPHYSIQUE

Ruissellement/infiltration/bilan E
Forme et relief F
Nature des dépôts G
Qualité de l’air et odeurs H
Bruits/vibrations I
Faune terrestre, aquatique et avienne J
Flore terrestre et aquatique K
Écosystème L

sur les éléments de l’environnement peut seule déterminer avec précision les impacts
potentiels du projet en question. Il faut ainsi parcourir les diverses chaînes causales
menant des activités aux effets et inévitablement aux impacts. Cette opération intro-
162 duit bien entendu les deux paramètres suivants: l’identification des impacts indirects
et celle des impacts cumulatifs.
En ce qui a trait aux impacts environnementaux, on peut en distinguer plusieurs.
Cette typologie de l’impact est déterminée par le degré d’exactitude ou de certitude
avec lequel nous pouvons les apprécier. Cela repose bien sûr sur l’état de nos connais-
sances, mais aussi sur le moment auquel s’effectue l’examen. Le schéma de la
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

figure 4.11 expose les divers types d’impacts et leurs rapports à la phase d’étude ainsi
que le degré de précision ou de certitude de la connaissance de l’impact. En ordre
croissant d’exactitude, ce peut être des impacts appréhendés, des impacts potentiels,
des impacts résiduels ou des impacts réels. Au fur et à mesure que l’examen avance,
la mesure de l’impact se précise, passant de l’anticipation à la réalité.

Figure 4.11
Phases de l’examen, types d’impacts possibles
et degré de certitude des prédictions

Phase Phase Phase


D’IDENTIFICATION D’ÉVALUATION DE CONTRÔLE

Degré de certitude de l’estimation

IMPACT IMPACT IMPACT IMPACT


APPRÉHENDÉ POTENTIEL RÉSIDUEL RÉEL

Mesure
d’atténuation

Ce n’est toutefois qu’à la suite d’un examen de suivi postprojet, une opération
rarissime en ÉIE jusqu’à maintenant, que les impacts réels pourront être mesurés, vali-
dant ou non les évaluations antérieures.
La probabilité qu’un impact ou qu’un effet se produise tel que présenté dans l’étude
dépend fortement de la précision avec laquelle ces paramètres ont été évalués. On peut
délimiter quatre catégories pour décrire la probabilité d’une estimation: avec certi-
tude, forte probabilité, probabilité moyenne ou faible probabilité (Davies et Sadler,
1990). Bien entendu, pour un même impact la probabilité devrait être croissante dans
le temps, comme nous venons de le voir. Toutefois, l’un des plus grands défis métho-
dologiques de l’estimation avec certitude de l’impact réside dans l’impossibilité
163
d’établir des liens de cause à effet de manière rigoureuse dans la plupart des cas (idem).
Comme pour l’identification des interactions, celle des effets et des impacts envi-
ronnementaux peut se faire soit à l’aide de listes de contrôle des impacts environ-
nementaux appréhendés, préétablies ou non, soit avec l’emploi de matrice et de réseau,
ce qui est préférable, soit finalement à l’aide de toute autre méthode d’identification.
L’évaluation des impacts environnementaux

Relevé des impacts indirects et secondaires


Le relevé des impacts environnementaux signifie la prise en compte de toute la chaîne
d’interactions entre les activités du projet et les éléments du milieu. L’étude doit porter
sur l’enchaînement des incidences, de l’événement initial jusqu’à son terme ultime.
Toutes les modifications significatives d’un élément de l’environnement deviennent
dès lors objet d’étude. Il ne s’agit donc pas de limiter l’étude aux seuls impacts directs,
les plus facilement repérables, parce qu’étant initialement observables. Les impacts
indirects et secondaires doivent être pris en compte au même titre que les impacts
directs.
Il est parfois malaisé, et pas nécessairement utile, de distinguer les impacts indi-
rects des impacts secondaires. Cette distinction n’est d’ailleurs pas toujours observée.
Les impacts indirects seraient issus de l’interaction entre un premier impact et un
second élément de l’environnement. Nous avons ici affaire à une relation impact-
éléments. L’impact secondaire, quant à lui, serait plutôt le résultat de l’incidence d’un
premier élément affecté par une activité quelconque sur un second élément initia-
lement non perturbé par cette activité. Il s’agit donc là d’une interaction élément-
élément. On pourrait aussi faire intervenir des impacts tertiaires, et ainsi de suite.
Par ailleurs, les distinctions entre impacts directs et indirects sont parfois confon-
dues avec celles existant, comme nous l’avons vu précédemment, entre les effets et
les impacts environnementaux. Plus les efforts de l’examen porteront sur les impacts,
à l’encontre du seul relevé des effets, moins la nécessité d’étudier les impacts indi-
rects et secondaires se fera pressante. Parmi les méthodes employées en évaluation
environnementale, seules certaines permettent vraiment une prise en compte des impacts
indirects et secondaires; ce sont habituellement les approches dites en réseaux ou en
diagrammes, que nous verrons au chapitre suivant.

Relevé des impacts cumulatifs


Le relevé des impacts cumulatifs est une procédure plutôt exceptionnelle dans les éva-
luations couramment réalisées jusqu’ici. Toutefois, leur prise en compte dans la démarche
d’étude est une des grandes préoccupations actuelles et deviendra sans doute éven-
164 tuellement l’un des aspects primordiaux de tout examen d’évaluation d’impacts.
Il y a plusieurs définitions de ce que pourrait être un impact cumulatif; tous les
auteurs ne s’accordent pas et proposent des définitions souvent très distinctes. Ainsi,
l’impact cumulatif peut être le cumul de plusieurs impacts sur le même élément de
l’environnement, c’est-à-dire de la part de diverses activités d’un même projet. Il peut
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

s’agir alors d’un effet synergique, l’ampleur de l’impact résultant étant alors bien plus
qu’une simple addition. De tels impacts pourraient être dénommés «impacts syner-
giques», et non plus «impacts cumulatifs». Habituellement, l’impact cumulatif fait
plutôt référence à l’accumulation d’impacts similaires sur un même élément de l’en-
vironnement, mais en provenance de différents projets. Dans ce cas, l’impact initial
se trouve amplifié en conséquence du nombre de projets affectant l’élément de l’en-
vironnement.
La prise en compte de l’aspect cumulatif des impacts signifie un examen plus com-
plet que la pratique usuelle le recommandait jusqu’à tout récemment. Elle représente
ainsi une charge plus lourde pour l’ÉIE, tant pour les promoteurs que pour les éva-
luateurs d’un projet. D’une part, l’étude des autres projets, ceux déjà réalisés ainsi que
ceux à venir, oblige un mandat d’étude plus étendu et un examen plus long et par-
fois indéfini. D’autre part, la connaissance plus poussée des interactions entre les acti-
vités d’un projet ainsi qu’entre les divers impacts et éléments environnementaux engage
des moyens et des ressources souvent considérables. Dans le cas de la présence d’autres
projets, les obligations et les responsabilités des promoteurs vont en s’accentuant dans
le temps. Voilà qui a pour première conséquence de diminuer d’autant la marge de
manœuvre du dernier arrivé. Les autorités de contrôle ne déterminent pas toujours
les limites à observer, d’autant plus que certains projets outrepassent leur propre juri-
diction.
La délimitation des nombreux domaines de référence possibles dans le cas de
l’examen des impacts cumulatifs pose de sérieux problèmes. Ainsi, la zone d’étude
s’agrandit selon les exigences du nouveau contexte d’examen. Des considérations simi-
laires s’appliquent aussi en ce qui concerne la délimitation de l’horizon et des états
de référence. Ces facteurs ont bien sûr une grande incidence sur l’ampleur même des
impacts. La figure 4.12 montre la variation type des états de référence possibles lorsqu’il
y a prise en compte de deux projets.
La mise en évidence de certains impacts significatifs, autrement occultés, est l’une
des propriétés essentielles d’une analyse de l’impact cumulatif. En effet, une activité
unique ou un impact isolé pourrait n’avoir qu’un impact négligeable sur l’environ-
nement, mais l’effet synergique ou d’accumulation, dans le cas d’un même projet ou
165
de plusieurs, pourrait alors constituer un impact significatif et important sur un ou
certains éléments de l’environnement.
Compte tenu de ce que nous venons de dire et de la situation actuelle des pro-
cédures d’ÉIE, seule la planification environnementale ou l’élargissement de la
démarche usuelle de l’ÉIE, par un examen stratégique, régional ou sectoriel, par exemple,
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.12 pourrait systématiquement


États de référence, impacts environnementaux tenir compte de l’aspect
et impacts cumulatifs cumulatif de l’impact envi-
ronnemental. En effet, cet
+
État de référence sans projet
aspect important de l’éva-
luation d’impacts est rare-
Projet 1 ment pris en compte de
Qualité façon complète par les
du
système études actuelles d’ÉIE,
Projet 2 notamment parce que la
pratique courante ne repré-
État de référence avec le projet 3 sente presque toujours que

l’examen d’un seul projet à
Évolution temporelle du système
la fois. L’examen à un palier
supérieur à celui de projet,
l’évaluation stratégique, notamment, pourrait donc permettre une meilleure évaluation
des impacts cumulatifs.

Descripteurs d’impacts (indicateurs)


Les descripteurs ou indicateurs d’impacts représentent les outils de mesure des élé-
ments ou des paramètres environnementaux à partir de méthodes spécifiques. Ces
méthodes, non particulières à l’ÉIE, regroupent l’ensemble des méthodes standar-
disées des diverses disciplines scientifiques, tant en sciences physiques qu’en sciences
humaines. Ce sont, par exemple, l’évaluation (identification et quantification) des émis-
sions et de la dispersion du SO2 en ce qui concerne la qualité de l’air, des paramètres
physicochimiques de l’eau, ou la mesure des incidences sociales, psychologiques (qua-
lification) ou économiques sur une population donnée.
Les descripteurs d’impacts fournissent tout d’abord la mesure de l’état actuel des
éléments de l’environnement. Ils permettent ensuite l’estimation des agressions
résultant de la mise en place des diverses activités et composantes du projet sur les
éléments du milieu.
166 Les méthodes d’analyse des descripteurs font appel aux protocoles d’étude des
diverses disciplines scientifiques, mais plus particulièrement des sciences biophysiques.
Les sciences humaines étant moins explicites sur cet aspect, elles sont conséquem-
ment moins précises dans l’étude rigoureuse des impacts humains de l’ÉIE.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

La profondeur (degré de détails) et l’étendue du champ d’étude des descripteurs


doivent être conséquentes avec l’objet d’étude, les moyens et les ressources de
l’équipe, mais elles doivent permettre néanmoins une connaissance suffisante des phé-
nomènes en cause afin d’identifier et d’évaluer correctement les impacts environne-
mentaux potentiels.
Nous traiterons de manière beaucoup plus détaillée des descripteurs d’impacts
dans le chapitre six.

Estimation des modifications résultantes


L’estimation des modifications résultantes représente en fait une étape intermédiaire
et habituellement indissociable entre l’identification et l’évaluation de l’impact. Il s’agit
ici de prédire, avec le plus de justesse possible, la nature et l’ampleur des impacts appré-
hendés. En pratique, l’estimation consiste à prédire les modifications anticipées, à l’aide
des données fournies par les descripteurs et grâce à des projections dans l’avenir immé-
diat ou futur. L’estimation repose sur notre connaissance des tendances d’évolution
des éléments de l’environnement. La dynamique des éléments en cause est généra-
lement plus significative qu’une image statique de l’état de la situation présente. Elle
requiert toutefois une compréhension plus complète de l’environnement que celle
dont disposent ordinairement les évaluateurs en début d’étude. Il s’agit bien sûr d’une
opération qui ne s’appuie bien souvent que sur des données incomplètes, partielles
ou hautement hypothétiques.
Toute prédiction des modifications anticipées engendre son propre degré d’im-
précision. L’incertitude entourant les connaissances du milieu concerné, les risques
de variations imprévisibles et l’élaboration de prospectives à partir d’états initiaux
incertains ne permettent conséquemment qu’une estimation relative des modifica-
tions résultantes. L’estimation de l’impact environnemental demeure donc souvent
un exercice précaire mais néanmoins primordial. Son appréciation véritable ne
pourra toutefois se faire, dans la plupart des cas, que quelques années après la mise
en place du projet grâce au suivi postprojet. Le suivi postprojet permettra de véri-
fier la validité des estimations effectuées en cours d’examen.
Les changements anticipés sont habituellement estimés à partir de différents scé- 167
narios, que ce soit de manière explicite ou tout bonnement de façon implicite. Le ou
les scénarios élaborés à cet effet représentent une relative anticipation de l’avenir. Ils
peuvent être plus ou moins pessimistes ou optimistes, selon les prémisses de leurs
auteurs. Ils sont par contre appréciés ensuite par les différents acteurs, ce qui n’im-
plique pas nécessairement un accord parfait. À partir de l’état ou préférablement des
L’évaluation des impacts environnementaux

tendances de la situation actuelle de l’environnement, on estime les modifications


appréhendées, sans oublier de prendre en compte les modifications probables
(tendances d’évolution) de l’environnement sans l’intervention du projet, c’est-à-dire
ce qu’on nomme souvent, à tort, les modifications « naturelles » du milieu.
Cette estimation des impacts ne peut toutefois être obtenue qu’à l’aide d’infor-
mations supplémentaires à celles issues de la simple étude des descripteurs. De nou-
veaux outils doivent alors être employés, notamment ceux relatifs à la simulation, à
la modélisation ou tout simplement à l’emploi de données en provenance d’études
similaires. En effet, les résultats des estimations sont bien souvent obtenus à partir
de l’expérience acquise lors de l’étude d’autres projets ou de situations similaires anté-
rieures. Il s’agit alors de transférer et d’adapter les anciens résultats à l’examen du nou-
veau problème. D’autre part, l’estimation peut aussi s’obtenir grâce au recours à la
modélisation et à la simulation, plus ou moins complexes, des paramètres en présence,
ou par la simple prédiction des impacts potentiels. Nous examinerons quelques-uns
de ces outils au cours du prochain chapitre, consacré à l’étude des méthodes. Dans
le cas ou l’information s’avérerait toutefois encore insuffisante, il faudra alors y sup-
pléer en estimant le plus convenablement possible l’impact environnemental et les
modifications résultantes, à partir de méthodes faisant appel à l’expertise même des
évaluateurs. Dans ce cas, on utilisera des approches faisant «appel aux experts», comme
la technique Delphi. Nous examinerons aussi cette technique particulière de recherche
de la connaissance au cours du prochain chapitre.
Certains éléments de l’environnement et plusieurs impacts environnementaux
posent de réelles difficultés quant à l’estimation des modifications résultantes. C’est
le cas notamment des impacts sociaux. Ainsi, comment évaluer convenablement l’im-
pact d’un projet sur une population donnée lors d’un déplacement obligatoire, ou
bien dans le cas de l’intrusion d’un projet faisant appel à de la «haute technologie»
sur une population traditionnelle?
Des difficultés supplémentaires pour l’estimation des modifications environne-
mentales résultent aussi de la multiplicité des interactions et des effets de certains sys-
tèmes environnementaux. Le degré d’incertitude croît rapidement en présence de mul-
tiples impacts indirects ou secondaires, et encore plus lors de la prise en compte d’impacts
168
cumulatifs. En outre, la prédiction de l’impact sur un aspect complexe, comme la santé
humaine, n’est jamais une tâche facile, notamment en raison là aussi de l’implica-
tion de multiples aspects indirects, secondaires et cumulatifs, mais aussi en raison de
la présence d’éléments psychologiques et comportementaux encore plus imprévisibles.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Évaluation de l’impact environnemental


L’évaluation de l’impact environnemental désigne habituellement l’évaluation glo-
bale des diverses modifications de l’environnement engendrées par un projet.
L’évaluation globale de l’impact prend habituellement en compte de façon indistincte
les effets et les impacts environnementaux. L’évaluation vise avant tout à déterminer,
avec le plus de justesse possible, l’importance de l’impact environnemental des acti-
vités du projet à l’étude.
Cette importance ou signification globale des incidences environnementales est
obtenue à partir de la mesure d’un certain nombre de critères d’évaluation. La pré-
sentation dans le rapport final de l’approche méthodologique employée mentionne
habituellement les critères utilisés; mais même si ce n’est pas le cas, il n’en demeure
pas moins qu’implicitement, toute évaluation repose sur des critères sous-jacents.
Les critères d’évaluation sont variés, mais en règle générale, les critères retenus
sont la durée, l’étendue ou la portée et l’intensité ou l’ampleur des dommages ainsi
que la réversibilité ou non de l’impact2. L’indice global de l’évaluation (importance
globale) résulte alors de l’intégration, d’une manière quelconque, des divers critères
utilisés pour l’évaluation des impacts. Cette intégration se fait soit par la simple somme
des différents critères ou selon une formule particulière de cotation. Chaque méthode
d’évaluation possède sa propre opération de cotation de l’importance, tout comme
ses propres critères d’évaluation. La plus élémentaire cotation est bien sûr la simple
mention positive ou négative, sans plus d’explications.
Pour plus de précision et de rigueur, on devrait distinguer l’importance des effets
de celle des impacts. En effet, les critères d’évaluation diffèrent sensiblement selon qu’il
s’agit d’un effet ou d’un impact. Les aspects particuliers de chacun recommandent donc
des critères d’évaluation dissemblables. C’est ainsi que nous présentons de manière
séparée les critères d’évaluation des effets de ceux des impacts, quoique la pratique
courante en ÉIE n’en fasse généralement que peu de cas.

169

2. Nous verrons qu’il existe plusieurs autres critères employés, la plupart du temps, sans distinction
entre un effet ou un impact. De plus, des critères particuliers, comme la valeur intrinsèque des élé-
ments environnementaux, compliquent les modes d’agrégation des critères afin d’obtenir la valeur
globale d’un effet ou d’un impact.
L’évaluation des impacts environnementaux

Évaluation de l’importance des effets


L’évaluation de l’importance ou de la signification des différents effets environnementaux
repose sur une série de critères d’évaluation bien particuliers. Ces critères sont habi-
tuellement la durée de l’activité génératrice d’effet, l’étendue de la zone affectée et
l’intensité même de l’effet. Chacun des effets est ensuite évalué de façon globale en
fonction de ces différents critères, selon une méthode particulière de cotation inté-
grant la valeur de tous les critères, de la simple moyenne entre tous les critères à la
prise en compte d’une valorisation de certains d’entre eux. La prise en compte de l’en-
semble des critères d’évaluation représente alors l’importance globale de l’effet.
Les systèmes de cotation employés en ÉIE ne sont pas nécessairement systéma-
tiques et toujours très rigoureux. Bien souvent, ils ne sont présentés qu’à titre indi-
catif de la valeur globale, car leur emploi strict relève avant tout du jugement de l’éva-
luateur.
Il est important de rappeler que l’essentiel de la distinction entre les effets et les
impacts, par rapport à leur évaluation, provient du fait que les premiers sont indé-
pendants du milieu d’insertion dans lequel ils se produisent. Ils ne sont que la consé-
quence directe d’une activité – les émissions atmosphériques, par exemple.
Les critères d’évaluation de l’importance des effets environnementaux que nous
proposons ici sont :
• la durée;
• l’étendue ;
• l’intensité.

Durée de l’effet
La durée de l’effet représente l’estimation du temps pendant lequel l’effet d’une acti-
vité du projet se fera sentir. Cette durée est plus ou moins longue selon qu’il s’agit
d’un effet permanent, intermittent ou occasionnel.
On subdivise généralement le critère de durée en:
170
• durée courte (court terme);
• durée moyenne (moyen terme);
• durée longue (long terme).
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Une durée courte est le résultat d’un effet occasionnel et bref ou d’un événement
ponctuel. La durée moyenne comprend les effets temporaires ou continus sur une
période de temps inférieure à la période de l’activité elle-même, ou lors d’une phase
temporaire de réalisation du projet – la période de construction, par exemple. Enfin,
une durée longue désigne habituellement un effet permanent.
Comme on peut le constater, la délimitation du critère de durée, comme pour
la plupart des autres critères, d’ailleurs, repose en partie sur la subjectivité des éva-
luations et, conséquemment, des évaluateurs. La responsabilité de ce dernier est donc
très grande, puisque les autres acteurs du processus n’examinent que très rarement
en profondeur ces critères d’évaluation, pourtant déterminants pour l’estimation des
véritables conséquences anticipées.

Étendue
L’étendue représente l’espace affecté par un effet donné. Cette zone couverte par l’effet
représente en fait la superficie de territoire ou le volume d’espace. L’expansion de l’effet
par rapport au lieu d’origine de l’événement dépend de la nature même de l’effet; il
peut donc varier considérablement. Par exemple, le bruit et les odeurs ne se dispersent
pas autant que peuvent le faire des émissions atmosphériques et des rejets dans l’eau.
L’étendue peut aussi varier de manière significative en fonction du temps; le moment
de sa mesure est donc important.
Le critère de l’étendue peut lui aussi être subdivisé de la manière suivante:
• étendue locale (faible étendue);
• étendue régionale (moyenne importance);
• étendue générale ou globale (étendue maximale).
Comme pour les valeurs possibles du critère de durée, celles de l’étendue reposent
en partie sur des aspects subjectifs; ainsi, il n’est pas toujours facile de séparer une étendue
locale d’une étendue régionale.

Intensité
L’intensité de l’effet représente l’ampleur ou la puissance d’un effet. La détermina- 171
tion de l’intensité est souvent mesurée par rapport à une valeur de référence – une
situation idéale ou une norme établie, par exemple. Au-delà d’un certain seuil, l’in-
tensité peut être considérée comme inadmissible. Il s’agit aussi d’une valeur bien rela-
tive, dont le cheminement dans l’atteinte des résultats est difficilement reproductible
L’évaluation des impacts environnementaux

avec précision, car trop souvent échafaudée sur des jugements subjectifs sous-jacents
aux explications fournies. Cette subjectivité demeure valable même dans le cas
d’une norme environnementale reconnue, notamment parce que cette dernière
varie dans l’espace et le temps.
Le critère de l’intensité varie donc sensiblement selon les méthodes employées
et les experts consultés, ainsi que par rapport à la perception des autres acteurs impli-
qués dans le processus d’examen. En effet, l’émission d’une certaine dose de radio-
activité est habituellement considérée d’une intensité plus faible par les experts du
domaine nucléaire que par tous les autres acteurs, notamment par la population proche
d’un site nucléaire.
L’intensité est généralement représentée sous la forme d’une échelle graduée d’in-
tensité. Les valeurs possibles, sans trop d’explications quant aux limites respectives,
sont habituellement réparties selon qu’il s’agit:
• d’intensité faible;
• d’intensité moyenne;
• d’intensité forte.

Importance globale de l’effet


L’importance globale de l’effet constitue l’évaluation finale de l’effet environnemental.
Elle s’obtient à partir de la prise en compte des différents critères d’évaluation de l’effet,
de la simple somme des critères à une forme particulière plus ou moins complexe
de cotation. Occasionnellement, d’autres critères d’évaluation complètent ou rem-
placent l’estimation à partir de ceux que nous venons de présenter ici.

Évaluation de l’importance des impacts


L’évaluation de l’importance ou de la signification globale des différents impacts envi-
ronnementaux repose, elle-aussi, sur une série de critères d’évaluation. Ces critères
sont par contre légèrement différents de ceux de l’évaluation des effets. Afin de pou-
voir évaluer les impacts, il faut tenir compte de la réponse de l’environnement à l’ac-
172 tion des effets. La sensibilité même des éléments de l’environnement vis-à-vis des agres-
sions détermine bien souvent l’estimation des dommages qui en résulteront.
L’évaluation des impacts ne peut donc s’effectuer sans une connaissance satisfaisante
des éléments de l’environnement, contrairement à la situation des effets environne-
mentaux. En conséquence, l’évaluation des impacts ne peut être réalisée pleinement
dans le cadre d’un examen stratégique ou de celui d’un projet imprécis.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation de l’impact est habituellement une opération plus complexe que celle
de l’évaluation d’un effet. Ainsi, il est beaucoup plus complexe d’estimer l’impact de
précipitations acides sur un ensemble d’éléments de l’environnement, comme la santé
des gens, la détérioration des bâtiments, l’acidification des cours d’eau et des sols, que
de déterminer simplement les quantités d’émissions de soufre d’une entreprise, tel
que le dicte l’évaluation de l’effet.
Les critères spécifiques retenus pour l’évaluation des impacts sont habituellement
multiples. De plus, ils sont souvent confondus avec ceux que nous venons de décrire
comme étant des critères d’évaluation des effets. Chacun des impacts est évalué de
façon globale en fonction des différents critères retenus et selon la méthode parti-
culière de cotation. La prise en compte de l’ensemble des critères d’évaluation repré-
sente alors l’importance globale d’un impact sur l’environnement.
Les critères d’évaluation des impacts que nous proposons sont:
• la réversibilité ;
• la portée;
• l’ampleur.

Réversibilité/irréversibilité
La réversibilité ou au contraire l’irréversibilité d’un impact représente un aspect impor-
tant de l’évaluation de l’impact environnemental, au même titre que la durée en ce
qui concerne les effets. Ce critère d’évaluation est toutefois rarement pris en compte
de manière explicite en ÉIE, malgré son importance cruciale en plusieurs domaines,
notamment en ce qui concerne la biodiversité3. Ce critère difficile à manipuler cor-
respond à la rétroaction dans le temps d’un élément de l’environnement par rapport
à une agression quelconque. La sensibilité des éléments de l’environnement aux agres-
sions prend ici une large place dans la réversibilité ou non de l’impact. Ainsi, ce n’est
pas parce qu’un effet a une durée permanente qu’un élément de l’environnement est
irrémédiablement perdu, et à l’inverse, un effet ponctuel pourrait très bien entraîner
la disparition de l’élément.

173

3. Le critère de réversibilité, comme certains autres critères d’évaluation, n’est parfois qu’une des com-
posantes d’un autre critère. Le résultat de telles opérations est une confusion par rapport à la métho-
dologie employée et le manque de rigueur de la démarche. Ainsi, il n’est pas rare de constater la
surestimation d’un paramètre d’étude par la simple prise en compte multiple d’une même
influence.
L’évaluation des impacts environnementaux

Le caractère d’irréversibilité conféré à un impact est un critère parfois détermi-


nant dans la décision de réaliser un projet. De toute façon, il constitue presque tou-
jours un critère très important pour certains éléments fortement valorisés. En ce qui
concerne la biodiversité, et plus particulièrement dans le cas d’espèces en voie de dis-
parition, l’irréversibilité peut représenter l’élimination pure et simple d’une espèce.
Cette extinction est communément perçue comme étant un impact inadmissible et
ne peut être acceptable, dans la plupart des cas.
L’estimation de ce critère peut se subdiviser en:
• réversibilité (réversibilité totale) ;
• réversibilité/irréversibilité partielle ou temporaire;
• irréversibilité (irréversibilité totale).

Portée de l’impact
La portée de l’impact représente le nombre d’individus ou d’éléments spécifiques affectés
par un effet environnemental donné. Il s’agit d’un critère d’évaluation de l’impact
semblable à celui de l’étendue en ce qui concerne l’effet. Contrairement à ce dernier,
cependant, il ne repose pas exclusivement sur un espace géographique bien déterminé –
ne pensons dans ce cas qu’aux impacts socio-économiques, par exemple. Le critère
de portée vise plutôt à mesurer l’abondance relative (quantité) d’un élément de l’en-
vironnement.
Le critère d’estimation de la portée peut être subdivisé en:
• portée faible (nombre restreint) ;
• portée moyenne (nombre moyen) ;
• portée forte (nombre élevé).
La variable temporelle modifie la portée d’un impact, notamment pour des éva-
luations à long terme, comme c’est le cas avec la prise en compte des générations futures.
La modification entraînée par le temps peut soit amplifier, soit réduire la portée d’un
impact. D’autre part, le critère de la portée de l’impact, comme d’ailleurs celui de
174 l’étendue pour l’effet, est une appréciation quantitative, contrairement aux opérations
plutôt qualitatives de l’intensité de l’effet et de l’ampleur de l’impact.

Ampleur de l’impact
L’ampleur de l’impact constitue la puissance (grandeur) des modifications engendrées
à un élément de l’environnement. Le critère de l’ampleur de l’impact fait référence
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

à la relative fragilité ou sensibilité de l’élément environnemental considéré par rap-


port à l’effet perturbateur responsable. En ce sens, il existe des liens étroits entre l’am-
pleur et la réversibilité ou non de l’impact. Ce critère, parfois difficile à estimer, est
souvent lui-même subdivisé en critères plus spécifiques.
Comme pour la détermination de l’intensité de l’effet, l’évaluation de l’ampleur
de l’impact est habituellement une valeur bien relative et, en tant que telle, ne
devrait être employée qu’avec précaution. Ici aussi, la sensibilité des éléments de l’en-
vironnement exerce une grande influence sur l’évaluation qui est estimée.
Comme pour les autres critères, le critère d’estimation de l’ampleur peut être sub-
divisé en trois ordres de grandeur, à savoir :
• ampleur faible ;
• ampleur moyenne;
• ampleur forte.

Importance globale de l’impact environnemental


L’importance globale de l’impact constitue le critère général de l’évaluation finale de
l’importance de l’impact environnemental. La valeur globale de l’impact s’obtient aussi
à partir de la prise en compte des différents critères d’évaluation de l’impact, de la
simple somme des critères utilisés à une forme particulière plus ou moins complexe
de cotation.
Ici aussi, d’autres critères d’évaluation de l’importance de l’impact environne-
mental complètent ou remplacent l’estimation faite à partir de ceux que nous venons
de présenter. C’est notamment le cas de la valeur intrinsèque des éléments de l’en-
vironnement, un paramètre qui influence parfois de manière déterminante l’importance
accordée à l’impact.

Impact et effet inadmissible


Un impact ou un effet environnemental est considéré comme «inadmissible» si son
importance globale ou sa signification pour certains acteurs est d’une grandeur telle
qu’il est perçu et jugé comme inacceptable d’un simple point de vue environnemental. 175
À la limite, il peut devenir un frein à la réalisation même du projet initial. Un impact
inadmissible peut alors être considéré comme une contrainte environnementale absolue
ou infranchissable. En ce sens, il vaut mieux l’éviter à tout prix, soit en modifiant le
projet en conséquence, soit en mettant en œuvre une mesure d’atténuation le ren-
dant acceptable. Dans le cas contraire, sa présence peut signifier l’abandon ou le refus
L’évaluation des impacts environnementaux

du projet. L’impact ou l’effet inadmissible est aussi nommé indicateur d’alerte ou dra-
peau rouge (red flag).
Un impact peut être considéré comme inadmissible lorsqu’il est non conforme
à une norme réglementaire, par exemple. Il peut alors s’agir d’une toute nouvelle norme
ou d’une norme qui n’est pas prise en compte initialement lors de l’étude des
contraintes administratives du contexte général. Le dépassement d’un tel seuil d’ad-
missibilité ne peut rendre conforme et admissible un projet, sauf si la mise en place
de mesures d’atténuation en réduit suffisamment le surpassement. Un impact très
important pourrait lui aussi être classé parmi les impacts inadmissibles, notamment
lorsqu’il met en péril une espèce rare ou lorsqu’un élément de l’environnement est
fortement valorisé par la population – un monument patrimonial ou religieux, par
exemple. Cette classe inclut aussi certains impacts ou effets qui pourraient être consi-
dérés comme des enjeux importants par quelques acteurs impliqués dans la démarche
ainsi que dans les cas litigieux – la revendication contestée d’un territoire, par
exemple.
Dans tous les cas, l’impact inadmissible devra apparaître clairement dans le rap-
port d’évaluation4. Lorsqu’il y a utilisation de matrices ou de réseaux, on lui attri-
buera une indication ou un signe particulier bien distinctif et facilement repérable.
Dans les autres cas, il s’agira de le désigner clairement.

Agrégation des impacts


L’agrégation représente l’opération qui consiste à regrouper les différents para-
mètres (éléments, impacts ou effets) dans le but d’obtenir ainsi une évaluation plus
globale. Il s’agit d’associer différents paramètres afin de les réunir dans un ensemble
plus général. C’est ainsi que différents impacts affectant les fougères, les rosiers et les
graminées, par exemple, peuvent être agrégés sous l’ensemble plus global d’impact
sur les plantes terrestres. À son tour, cet ensemble peut être agrégé avec d’autres, tels
que les arbustes et les arbres, afin de représenter un impact plus général sur la flore.

176 4. Cette question de l’impact inadmissible pose de nombreux problèmes puisqu’elle repose sur une
grande part de jugement de valeur et les divergences de vue n’apparaissent habituellement que tar-
divement dans l’examen. En effet, un impact peut paraître important aux yeux de l’évaluateur, sans
pour autant être perçu comme inadmissible. Par contre, pour des citoyens concernés par une nou-
velle norme environnementale en cours d’élaboration ou un objectif de développement durable,
par exemple, l’impact peut apparaître comme inadmissible. En conséquence, le rapport d’ÉIE peut
très bien ne pas en faire mention, alors qu’une consultation publique ultérieure le rappellera avec
insistance.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Des dix ou cent impacts spécifiques de départ, on en arrive ainsi à un nombre très
réduit, voire ici à un seul impact, l’impact sur la flore.
L’ultime stade d’agrégation en évaluation des impacts environnementaux est l’at-
teinte d’un seul impact global, il s’agit alors de l’évaluation globale du projet. C’est
ainsi qu’une unique valeur ou une seule affirmation constitue en fait la conclusion
générale de l’étude. Même s’il en est rarement fait explicitement mention, une telle
perception générale d’un projet est implicite dans les pensées de beaucoup d’acteurs.
Concrètement, il s’agit alors de déterminer un indice unique à la totalité des impacts
environnementaux du projet. En pratique, cependant, il est quasi impossible de ras-
sembler les différents impacts afin qu’ils puissent ne représenter qu’un seul impact
global. Compte tenu de la nature et de l’importance variable des différents impacts,
cela n’est d’ailleurs pas souhaitable, sauf bien sûr dans les cas de projets à incidences
environnementales négligeables ou restreints à quelques activités ou éléments envi-
ronnementaux.
L’agrégation d’impacts s’obtient habituellement par le regroupement successif d’im-
pacts similaires, comme dans notre exemple précédent sur la flore. Dans ce cas, il s’agit
d’agrégation sectorielle, c’est-à-dire de regroupement d’impacts affiliés. Par contre,
des difficultés surviennent lorsque le regroupement d’impacts ne peut plus être réa-
lisé simplement, étant donné la nature dissemblable ou divergente de ceux-ci. En effet,
il n’est pas aisé de réunir des impacts physiques ou biologiques avec des impacts sociaux
ou économiques, ni même d’incorporer sous un indice unique la valeur d’un impact
sur la forêt et un autre sur les mammifères qui l’habitent. Les limites du regroupe-
ment vers une valeur globale, c’est-à-dire vers l’agrégation globale, sont alors atteintes
et ne devraient jamais être surpassées. La désagrégation, beaucoup moins employée,
est bien entendu l’opération inverse. La figure 4.13 montre une démarche de désa-
grégation et d’agrégation successive d’éléments environnementaux, en prenant
l’exemple de la flore.
L’agrégation pose donc le problème insoluble de l’addition de différents para-
mètres afin d’en arriver à une mesure unique ou, à tout le moins, à un regroupement
plus global. Cet exercice, souvent périlleux en raison de la spécificité propre à chaque
paramètre et de l’importance respective très variable, présente plusieurs contraintes
177
et limites importantes. Ainsi, de quelle façon et sur quelle base théorique peut-on réunir
et attribuer une valeur unique à des impacts très différents et présentant en plus des
valeurs d’importance variables ou incompatibles? De plus, il faut aussi pouvoir tenir
compte des écarts de pondération entre les divers éléments de l’environnement.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.13
Désagrégation et agrégation successives dans l’examen du milieu

Désagrégation Agrégation Agrégation


lors de l’analyse fragmentaire sectorielle

Peupliers
Arbres Bouleaux Érablière Érablière
Érables

Aulnes
Arbustes Arbustes
Sumac

Flore
Graminées
Herbes Fleurs Herbacées
Asclépiade

Canards
Oiseaux
Perdrix
Gibiers Chevreuils Faune

Lièvres Mammifères
Belettes

Dès les premières étapes de l’évaluation, il y a toujours une certaine prédisposi-


tion à l’agrégation, même si elle n’est alors qu’implicite. Les paramètres d’étude ini-
tialement fragmentés en leur plus petit constituant mesurable ou déterminable sont
ensuite habilement regroupés afin de ne plus représenter que des regroupements plus
significatifs et plus globaux. Analyse de détails au départ, l’étude devient ensuite une
analyse sectorielle et, assez rapidement, elle devient un examen synthèse plus général.
L’agrégation n’est souvent justifiée que pour faciliter la manipulation des données ou
la présentation des résultats. Lorsque l’agrégation survient au premier stade de
l’évaluation, à savoir l’identification des éléments du milieu, par exemple, il s’agit alors
d’agrégation préliminaire. Mais la stricte agrégation ou agrégation finale n’intervient
généralement qu’aux étapes finales de l’évaluation des impacts.
178 Par ailleurs, toute opération d’agrégation effectuée dans l’examen du projet devrait
être explicitement exposée dans le rapport, et non plus demeurer uniquement impli-
cite. Il faut pouvoir connaître comment les regroupements et les incorporations ont
été réalisés. Les processus d’agrégation reposent souvent sur des jugements de valeurs
ou, à tout le moins, ouvrent une large porte à l’aléatoire et au subjectif. Une grande
transparence serait alors de mise afin de justifier cet exercice délicat.
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

L’agrégation sert aussi pour la comparaison entre diverses options au projet d’étude
et en guise de rapprochement entre différents projets similaires. Dans ces cas,
d’ailleurs, il y a une importante agrégation des impacts sur la base de critères géné-
raux (agrégation globale ou quasi globale), sauf lorsqu’il y a comparaison à l’aide de
méthodes multicritères employant de nombreux critères (agrégation fragmentaire ou
quasi absente).
L’agrégation repose toujours sur une certaine forme de pondération. Mais le véri-
table exercice de pondération intervient seulement lorsque les regroupements par affi-
nités (regroupements d’impacts similaires) ne peuvent plus se poursuivre sans qu’in-
tervienne ce nouvel outil d’évaluation.

Pondération des impacts


La pondération représente l’estimation du poids relatif de chacun des paramètres de
l’évaluation, c’est-à-dire leur importance respective les uns par rapport aux autres.
La pondération concerne aussi bien les impacts et les effets que les éléments envi-
ronnementaux. La notion de pondérer désigne l’opération qui consiste à accorder une
valeur, un rang ou un degré proportionnel à l’importance respective de chaque para-
mètre. Ce classement en ordre d’importance représente en fait une technique de stan-
dardisation afin de pouvoir comparer mutuellement ces différents paramètres. Cet
exercice permet de comparer différentes options à un projet ou divers projets entre
eux. La pondération est une tentative, pas nécessairement toujours réussie, de
répondre au genre de questionnement suivant: un impact moyen sur le castor est-il
équivalent à un impact moyen sur les autochtones? On cherche à savoir si effective-
ment le déplacement d’un autochtone est perçu comme plus important que celui d’un
castor. Le paramètre variable est bien entendu ici la valeur respective d’un castor et
d’un autochtone.
Le plus souvent, il s’agit de déterminer la valeur respective des divers éléments
environnementaux et d’en déduire la signification (importance). Concrètement, la
pondération consiste à apposer un indice d’importance à chacun ou à un ensemble
de paramètres. Les différents paramètres peuvent alors être hiérarchisés ou classés les
uns par rapport aux autres. Cette opération effectuée, le choix entre diverses options
s’en trouve facilité.
179

La pondération permet aussi une agrégation plus complète des impacts environ-
nementaux que ne le permet la simple opération d’agrégation. En effet, l’estimation
du poids respectif de chacun des différents paramètres environnementaux permet d’éta-
blir une valeur globale à l’ensemble ou, à tout le moins, une base utile de comparaison.
L’évaluation des impacts environnementaux

Toute comparaison rigoureuse doit nécessairement reposer sur une agrégation et une
pondération préliminaires.
Il existe différentes méthodes ou techniques de pondération. L’indice ou coeffi-
cient d’importance servant à la pondération, comme les techniques servant à l’éta-
blir, diffère grandement d’une démarche à l’autre. Parmi les techniques courantes de
pondération, les quatre suivantes sont fréquemment employées :
• hiérarchisation: classement par catégories d’importance (1re, 2e, 3e catégorie),
chacun des paramètres d’une même catégorie (classe) étant considéré comme
équivalent en importance ;
• classement par importance: rang du plus important au moins important de
chacun des paramètres (1, 2, 3, 4, etc.) ;
• notation: répartition sur une échelle graduée, de 0 à 10, par exemple, de chacun
des paramètres;
• distribution des poids: distribution des poids respectifs de chacun des para-
mètres à partir d’un quota (x = 10%, y = 8%, z = 6%, etc.).
Nous examinerons en détail ces quatre techniques particulières de pondération
au cours du prochain chapitre, consacré à l’examen des diverses méthodes. Mentionnons
seulement que trois types bien distincts se dégagent des démarches que nous verrons,
soit la démarche numérique de Battelle (notation et distribution des poids), la
démarche ordinale de Holmes (hiérarchisation) et les techniques de consultation Delphi
(variables, selon le cas).

Évaluation de la cotation
La cotation représente l’utilisation d’indices numériques ou de symboles afin d’in-
diquer la valeur accordée aux effets et aux impacts environnementaux. La valeur de
l’importance globale des effets et des impacts est ainsi traduite sous la forme d’une
cotation particulière, qui peut être plus ou moins complexe, selon le cas. En effet, la
valeur globale est presque toujours le résultat de plusieurs critères sous-jacents qu’il
faut conjuguer en une seule valeur moyenne. La valeur globale est presque toujours
180 un indice composé; parfois, cependant, chaque critère sous-jacent peut être indiqué
séparément. Selon le cas, la cotation emploiera donc un ou plusieurs symboles dis-
tinctifs ainsi qu’une démarche d’association et de regroupement des critères d’éva-
luation. En pratique, cette méthode se traduit par l’emploi normalisé d’une symbo-
lique particulière, habituellement standardisée pour tout le rapport. Cette symbolique
est utilisée pour l’examen des différents critères et sous-critères d’évaluation des effets
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

et des impacts environnementaux. La cotation recourt habituellement à un système


d’agrégation des critères et sous-critères d’évaluation. Il s’agit alors d’un mode d’in-
corporation (addition, multiplication) des différents critères d’évaluation afin d’ob-
tenir une valeur moyenne pour l’importance globale. La figure 4.14 montre la
grande variété de la symbolique et des signes pouvant être employés pour exposer
la cotation de l’impact.

Figure 4.14
Modèle de matrice avec symbolique de cotation variée

Études et aménagements préléminaires

Excavation, forage et creusage


Dragage et travaux maritimes
Déboisement et reboisement
ACTIVITÉS DU PROJET

Bâtiments et équipements
Acquisition des emprises

Installation de chantiers
Légende Transport et circulation
Représentation variée
de la cotation des impacts

1 2 3 4 5 6 7 8
ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX
Cours d’eau A 1

Eaux souterraines B 2
*
Qualité des eaux C 3
*
Régime hydrodynamique
Ruissellement et infiltration
D
E *
Forme et relief F
Nature des dépôts G
Qualité de l’air et odeurs H
Bruits/vibrations I
Faune terrestre et aquatique J
Flore terrestre et aquatique K
Écosystème L 181

La cotation est généralement présentée sous la forme d’une échelle plus ou moins
étendue. La cotation la plus rudimentaire est celle qui utilise la simple mention de
positive ou de négative pour la valeur des impacts. Habituellement, une échelle plus
L’évaluation des impacts environnementaux

ou moins étendue répartit les valeurs possibles de la cotation de zéro à dix (0 à 10),
par exemple. Une gradation très étendue de la cotation requiert généralement une
quantification importante et adéquate des différents critères d’évaluation. Une
échelle réduite de un à trois (1 à 3) est plus maniable et plus commode à employer
dans la plupart des cas. En effet, il n’est pas toujours facile, particulièrement pour cer-
tains types d’impacts, d’étaler les données sur une échelle étendue comportant plus
de trois échelons. L’échelle à triples entrées (1 à 3) permet plus facilement de disposer
simplement les valeurs obtenues de part et d’autre d’une mesure moyenne, les
valeurs extrêmes (forte et faible) étant dans ce cas plus faciles à déterminer.
Les méthodes ou modes de cotation varient sensiblement selon les études. Le mode
d’agrégation des paramètres ou critères de cotation peut être plus ou moins com-
plexe et logiquement fondé, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas. Bien
souvent, il s’agit d’additionner simplement la valeur accordée aux différents critères
d’évaluation et d’en faire la simple moyenne afin d’obtenir la valeur globale. Dans
ce cas, on utilise généralement une matrice, appelée «tableau de corrélations». La
figure 4.15 présente un exemple d’une telle grille de corrélations. Dans cet exemple,
trois critères d’évaluation permettent d’obtenir une valeur globale («importance»)
de l’impact. Quelquefois, cependant, le mode d’agrégation des critères est plus com-
plexe. Ainsi, certains critères peuvent être considérés plus importants que les autres;
la simple opération arithmétique ne s’applique donc plus dans ce cas. Une manipu-
lation particulière des valeurs des différents critères est alors employée. Cette dernière
façon de faire est souvent plus satisfaisante que la simple addition des critères ou sous-
critères d’évaluation, comme c’est le cas avec les grilles de corrélations. En conséquence,
ces dernières ne devraient être employées qu’avec précaution et exclusivement à titre
indicatif de la valeur hypothétique éventuelle.
Le rapport d’ÉIE devrait donc contenir une explication détaillée de la démarche
et de la symbolique employées pour la cotation. Nous verrons au cours de l’examen
des diverses méthodes, lors du prochain chapitre, quelques exemples de méthodes
de cotation.

Éléments litigieux ou contestés


182 Il est fortement recommandé de mettre en évidence d’une manière quelconque les
éléments litigieux ou contestés issus de l’évaluation des impacts environnementaux
du projet. Ces cas sont le résultat d’un examen du projet qui n’a pas permis d’éva-
luer convenablement ou complètement l’élément, l’impact ou l’aspect en question,
et ce, à la satisfaction de tous. On pourrait aussi mettre en valeur dans le rapport final,
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 4.15
Grille de détermination de l’importance globale de l’impact à partir
de trois critères d’évaluation et selon deux méthodes de compilation

SENSIBILITÉ INTENSITÉ ÉTENDUE IMPORTANCE*


* Option A** Option B***

Nationale 9 Majeure Majeure


Forte Régionale 8 Majeure Majeure
Locale 7 Majeure Majeure
Nationale 8 Majeure Majeure
Forte Moyenne Régionale 7 Majeure Majeure
Locale 6 Moyenne Moyenne
Nationale 7 Majeure Majeure
Faible Régionale 6 Moyenne Moyenne
Locale 5 Mineure Moyenne

Nationale 8 Majeure Majeure


Forte Régionale 7 Majeure Majeure
Locale 6 Moyenne Moyenne
Nationale 7 Majeure Majeure
Moyenne Moyenne Régionale 6 Moyenne Moyenne
Locale 5 Mineure Moyenne
Nationale 6 Moyenne Moyenne
Faible Régionale 5 Mineure Moyenne
Locale 4 Mineure Mineure

Nationale 7 Majeure Majeure


Forte Régionale 6 Moyenne Moyenne
Locale 5 Mineure Moyenne
Nationale 6 Moyenne Moyenne
Faible Moyenne Régionale 5 Mineure Moyenne
Locale 4 Mineure Mineure
Nationale 5 Mineure Moyenne
Faible Régionale 4 Mineure Mineure
Locale 3 Mineure Mineure

* Si chaque critère a une valeur égale de 1 à 3 points (de mineure à majeure), l’écart possible de la valeur globale
de l’importance varie donc de 3 à 9 (addition simple).
** Option A: Majeure = 7-9 (10 possibilités), Moyenne = 5 (7) et Mineure = 3-5 (10)
*** Option B: Majeure = 8-9 (10 possibilités), Moyenne = 5-7 (13) et Mineure = 3-4 (4).

de manière moins apparente, les impacts majeurs et les principaux enjeux environ-
nementaux. On utilise des « analyses de sensibilité » ou des analyses de risques afin
183
de mieux cerner les conséquences possibles de tels éléments litigieux ou éventuelle-
ment contestables pour des raisons de manque de connaissances.
L’indication distinctive et facilement repérable d’éléments litigieux ou contestés
évite certaines difficultés de compréhension et de contestation. Elle affirme d’abord
la crédibilité des évaluateurs ainsi que la transparence du rapport lui-même. Elle permet
L’évaluation des impacts environnementaux

aussi de faciliter la recherche de consensus ou de compromis avec les éventuels oppo-


sants au projet. La transparence est de toute façon l’une des caractéristiques essen-
tielles de toute étude sérieuse d’ÉIE, tout comme le sont d’ailleurs la crédibilité des
évaluateurs et le rapport final d’évaluation.

Suivi d’exploitation
Le suivi d’exploitation, couramment nommé monitoring, vise un objectif principal :
la vérification de l’ampleur des impacts prévus (impacts potentiels/impacts réels) ou
de certains éléments environnementaux particulièrement sensibles. En outre, deux
objectifs secondaires se joignent parfois à cet objectif du suivi d’exploitation. Il s’agit
de vérifier l’efficacité à long terme des mesures d’atténuation mises en place ainsi que
d’acquérir des informations, pour l’amélioration éventuelle des méthodes de prévi-
sion des impacts et de mise en place de mesures d’atténuation adéquates pour les pro-
jets futurs.
L’exécution du travail relatif au suivi d’exploitation est généralement confiée à
des spécialistes des différents domaines impliqués ou à des membres qualifiés du per-
sonnel de l’entreprise. L’inspection périodique des différents paramètres s’effectue à
l’aide d’indicateurs choisis généralement dès l’élaboration du programme de suivi.
L’élaboration d’un programme de suivi d’exploitation et sa mise en œuvre seront étu-
diés au cours du chapitre huit (section « Inspection et suivi ») de manière détaillée
et complète.
L’apport d’enseignements et d’expériences que le suivi environnemental fournit
devrait servir, d’une part, à valider l’évaluation de certains paramètres du projet, les
plus significatifs au moment du dépôt du rapport, et, d’autre part, la pertinence des
mesures d’atténuation mises en place dans le cadre du projet. Ces précieuses infor-
mations serviront ensuite à mieux prévoir les impacts et les mesures d’atténuation
lors de l’examen de futurs projets.

Suivi postprojet
Le suivi postprojet représente beaucoup plus qu’un simple suivi d’exploitation, car
184 il vise à effectuer une évaluation complète du projet. La vérification de l’ensemble
des aspects significatifs du projet après quelques années d’exploitation permet une
réévaluation de l’examen initial et l’amélioration des pratiques en ÉIE.
Bien entendu, le suivi postprojet n’est pas un examen d’une ampleur égale à l’examen
initial, mais se révèle tout de même aussi complet, sauf pour les aspects devenus caducs
en raison de la mise en place des composantes et des activités prévues, notamment la
Éléments méthodologiques d’analyse de l’évaluation des impacts environnementaux

justification et la description des composantes du projet. Toutefois, l’examen complet


est encore pertinent pour tous les aspects encore utiles tels que l’évaluation des impacts
et les mesures d’atténuation, ainsi que pour les prédictions et les modèles employés.
À la suite d’un examen postprojet, l’évaluation des impacts réels peut enfin être
réalisée. Il serait fort utile de pouvoir bénéficier de plusieurs de ces études, afin de
vérifier la pertinence des évaluations réalisées depuis les débuts de l’ÉIE. Il en est de
même en ce qui concerne l’efficacité réelle des mesures d’atténuation et la fiabilité
des estimations et des modèles.

Les enseignements d’un programme de suivi


Depuis 1978, un «réseau de surveillance écologique» observe l’évolution des milieux natu-
rels, ainsi que ceux créés en grande partie par les humains au complexe La Grande, dans
le Moyen-Nord québécois. Le vaste complexe hydroélectrique La Grande, aménagé par
l’entreprise Hydro-Québec, regroupe onze centrales d’une puissance cumulée de
15600MW et il couvre une surface de près de 15 000 km2, soit environ la moitié de la
superficie de la Belgique.
Les études effectuées dans le cadre du programme de suivi englobent les répercussions
du méthylmercure ainsi que celles sur l’économie locale et les aspects sociaux des com-
munautés autochtones, en passant par les incidences sur les mammifères marins et les
grands cervidés (Chartrand et Thérien, 1992).
La pertinence des rares programmes de suivi est consolidée par les riches enseignements
que nous pouvons en obtenir. Comme l’affirmaient certains de ses témoins privilégiés :
« N’est-il pas plus pertinent, par exemple, de s’assurer que l’aménagement hydroélec-
trique d’un territoire contribuera à une meilleure protection et exploitation du caribou
plutôt que de savoir si la perte d’habitat sera de 0,5 % ou de 5 % ? » (Hayeur et Doucet,
1992).

De telles informations, en provenance d’une des opérations essentielles d’un point


de vue scientifique, permettraient d’en tirer des enseignements inestimables pour l’avan-
cement des connaissances, comme pour le perfectionnement des pratiques d’évaluation.
L’élaboration d’un programme particulier de suivi postprojet, ainsi que sa mise en
œuvre seront examinées en détail au cours du chapitre huit (section « Inspection et 185
suivi »).
Chapitre

5
Méthodes et outils de l’évaluation
des impacts environnementaux

L a sélection d’une méthode particulière d’étude représente le choix du meilleur outil


d’examen disponible1. Ce choix équivaut à sélectionner la méthode ou, le plus
souvent, les méthodes devant servir à l’étude du projet. La sélection d’une méthode
particulière dépend de plusieurs facteurs dont la nature du projet à l’étude, les besoins
particuliers des évaluateurs et/ou des utilisateurs, les usages possibles de chacune d’elles
ainsi que du temps et du budget (contraintes administratives) disponibles. En pra-
tique, toutefois, la sélection repose grandement sur l’expérience acquise par les éva-
luateurs eux-mêmes des différentes méthodes d’ÉIE.
La jeunesse de cette sphère de la connaissance n’explique pas totalement les aspects
approximatifs, incomplets et confus souvent rencontrés dans les méthodes employées.
La faible importance attribuée à l’ÉIE par certains acteurs ainsi que la place réduite
occupée par celle-ci dans le processus de décision expliquent aussi les insuffisances

1. Selon Watzlawick (1975), cité par Simos (1990), une méthode «désigne une démarche scientifique;
c’est l’énoncé des étapes à suivre, dans un certain ordre, pour atteindre un but donné». Il s’agit donc
d’un ensemble de principes, de règles, de techniques et d’étapes permettant l’atteinte de résultats
particuliers dans le cadre d’une démarche bien spécifique. L’outil d’examen, par contre, est d’une
nature plus restreinte; il s’agit, par exemple, d’un moyen particulier de présentation des données
ou d’une activité plus spécifique, telle que l’emploi de la photographie.
L’évaluation des impacts environnementaux

des méthodes utilisées. Conséquemment, les méthodes d’évaluation des impacts ne


s’appuient pas toujours sur un cadre méthodologique rigoureux et complet, ni sur
des méthodes scientifiques toujours bien établies.
Historiquement, la plupart des méthodes furent élaborées à des fins bien spéci-
fiques. La discipline d’origine de ses auteurs, comme le type de projet à l’étude, ont
déterminé très souvent l’approche théorique sous-jacente et les techniques employées.
À la limite, on peut affirmer que la plupart des études emploient des méthodes ad hoc;
rarement utilisera-t-on intégralement une méthode antérieure mise au point par
d’autres. Il y a donc une infinité de méthodes diverses plus ou moins apparentées. À
l’heure actuelle, il n’existe pas une méthode d’évaluation des impacts qui soit com-
plète et universelle pour l’examen de tous les projets. Par conséquent, la plupart des
évaluateurs utilisent un certain nombre de méthodes lors de l’étude d’un projet. Bien
souvent, une méthode plus ou moins générale oriente l’ensemble de l’examen et une
ou quelques autres méthodes, plus spécifiques à certains aspects particuliers de
l’étude, la complètent.
Le choix d’une méthode particulière d’ÉIE est bien sûr déterminé par l’expérience
des évaluateurs par rapport aux diverses méthodes, mais il est aussi dépendant de la
nature particulière des activités envisagées. En ce sens, certains types de projets s’ac-
cordent mieux avec l’utilisation de certaines méthodes; c’est le cas de l’approche car-
tographique pour des projets linéaires importants, par exemple. Enfin, les ressources,
c’est-à-dire le temps et les moyens disponibles aux fins de l’étude, orientent grande-
ment elles aussi les choix effectués.
Le classement des diverses méthodes et outils de l’ÉIE varie selon les auteurs
consultés. Certains classent les méthodes selon leur forme (le « comment »), c’est-
à-dire à partir de leur fonctionnement propre – la présentation finale des résultats,
par exemple (Jain et coll., 1993; Warner et Preston, 1974). La colonne de gauche de
l’encadré 1 montre bien cette classification selon la «forme». On regroupe alors les
méthodes en matrices, en listes de contrôle, en réseaux ou en superposition carto-
graphique. Une nouvelle subdivision entre les outils simples (les plus anciens dans
l’ensemble) et ceux considérés comme plus avancés est parfois proposée (Sadar et coll.,
1994).
188
D’autres, par contre, répartissent les méthodes selon leur raison d’être (le «pour-
quoi»), c’est-à-dire à partir de leur objet d’étude particulier ou leur fonction première.
Les méthodes sont alors répertoriées selon qu’il s’agit de méthodes d’identification,
d’évaluation ou de pondération, par exemple. Ainsi, à partir de critères de percep-
tion de l’essence même des diverses méthodes, Munn (1975) préférait diviser les
méthodes selon les étapes de réalisation d’une étude d’impacts. Dans ce cas, cela
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Encadré 1

Forme Raison d’être


Ad hoc Identification
Liste de contrôle Évaluation
Matrice Pondération
Réseau Ordonnancement
Superposition Inspection
Modélisation

permettait des regroupements selon l’identification, la prévision, l’interprétation, la


communication et les procédés d’inspection, comme dans la colonne de droite de l’en-
cadré 1.
D’autres typologies similaires utilisent les trois grands types suivants: l’identifi-
cation des impacts, la génération de stratégies et l’évaluation des variantes (Simos,
1990). Cette classification peut recouper les deux grandes catégories que sont les
méthodes d’identification et les méthodes d’évaluation. Il faut préciser qu’il y a une
grande distinction entre, d’une part, les méthodes spécifiques à l’identification des
impacts et, d’autre part, les méthodes d’évaluation spécialement conçues pour déter-
miner l’importance ou la signification de ces impacts, et non pas restreintes simple-
ment à la reconnaissance ou à la délimitation des impacts.
La typologie fondée sur cette distinction entre l’identification et l’évaluation est
fréquemment employée. Cette approche, préconisée par Westman (1985) et reprise
par Simos (1990), est illustrée dans l’encadré 2. Une sous-division en regroupements
plus spécifiques, par exemple en listes de contrôle ou en matrices, complète la typo-
logie globale. Cette distinction entre l’identification et l’évaluation n’est pas toujours
très nette, quoiqu’elle reflète assez bien leur utilisation principale en tant qu’outil d’ana-
lyse. Cette typologie n’est toutefois pas entièrement satisfaisante, car une méthode
relève souvent aussi bien de l’une que de l’autre de ces deux catégories.
Devant les nombreuses difficultés à regrouper et à classer les différentes méthodes, 189
plusieurs n’adoptent aucune typologie particulière, préférant plutôt présenter les
méthodes les unes à la suite des autres; c’est notamment le cas de Nichols et Hyman
(1980). Il s’agit assurément de la présentation la plus simple, bien qu’il ne s’agisse pas
de la plus appropriée.
L’évaluation des impacts environnementaux

Encadré 2

Identification Évaluation
Ad hoc Ad hoc
Liste de contrôle Delphi
Réseau Fiche d’impact
Superposition Matrice
Modélisation Technique numérique
Technique ordinale
Méthode économique
Méthode d’inspection

Nous constatons qu’il n’y a donc pas non plus, à l’instar des méthodes d’évaluation,
de typologie universelle et unique des méthodes d’ÉIE. Selon les auteurs consultés,
les diverses méthodes peuvent être classées selon des regroupements particuliers et
à partir de modalités parfois bien distinctes les unes des autres. Pour notre part, la
manière la plus valable, sans être totalement dénuée de failles, consiste à classer les
diverses méthodes d’ÉIE selon cinq grands axes ou domaines d’étude. Ces grands axes
d’étude regroupent sous une même dénomination diverses méthodes similaires et
apparentées. Le principe du regroupement repose ainsi sur leur démarche d’examen,
chaque groupe de méthodes ayant par conséquent des objectifs ultimes communs.
La typologie en cinq grands axes, pratiquement ordonnés du plus général au plus spé-
cifique, est illustrée dans l’encadré 3.

Encadré 3

Typologie des méthodes d’ÉIE


Les méthodes d’expertise
Les modèles et systèmes
La représentation spatiale et cartographique
190
Les méthodes comparatives unicritères
Les méthodes comparatives multicritères
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Chacun des axes d’étude présente des avantages et des inconvénients, la plupart
des méthodes étant souvent la réponse à des besoins particuliers. En ce sens, les diverses
méthodes regroupées sous ces cinq axes ne sont pas des méthodes complètes et glo-
bales destinées à mener un examen complet; elles n’en ont pas, pour la plupart, la
prétention. Elles sont par contre complémentaires les unes aux autres et très souvent
plus d’une est employée afin de réaliser l’étude complète d’un projet. C’est ainsi que
la phase préliminaire d’examen repose très souvent sur des méthodes d’expertise, par-
ticulièrement les listes de contrôle, alors que les phases subséquentes d’examen
seront réalisées grâce à d’autres méthodes, notamment les approches de modèles et
systèmes, de représentation spatiale et cartographique. De leur côté, les méthodes com-
paratives unicritère et multicritères sont employées lors de comparaison de variantes
ou de solutions de rechange.
Pour chacun des axes d’étude, nous allons examiner de manière systématique diverses
méthodes employées depuis les débuts de l’ÉIE. Nous insisterons sur le modèle type
pour chacun des axes. Il s’agit souvent du modèle le plus familier. C’est ainsi que nous
examinerons d’abord les méthodes pionnières de chaque axe; elles représentent bien
souvent le modèle type. Nous examinerons ensuite un certain nombre de méthodes
plus récentes ou d’applications contemporaines des plus anciennes.
Quoique rarement employées de manière intégrale par d’autres évaluateurs, les
méthodes dites classiques ou pionnières (McHarg (1968 et 1969), Léopold (1971),
Sorensen (1971), Holmes (1972) et Battelle (1972)) influencèrent grandement la plu-
part des études réalisées à ce jour. En fait, ces méthodes abordaient déjà les grands
axes possibles d’examen de l’ÉIE. Depuis, peu de méthodes ont acquis une renommée
équivalente à celles des pionnières.

MÉTHODES D’EXPERTISE EN ÉIE


Les méthodes et outils regroupés sous ce titre sont ceux qui reposent avant tout sur
une opinion d’expert. La plupart du temps les méthodes d’expertise reflètent une exper-
tise antérieure. C’est le cas notamment des listes de contrôle, mais quelquefois il s’agit
plutôt d’une expertise actuelle ou en devenir, comme dans l’emploi de l’enquête Delphi,
par exemple. Cette expertise se retrouve donc sous diverses configurations. Ces 191
méthodes sont employées fréquemment et depuis fort longtemps en ÉIE, et on peut
prétendre sans exagérer qu’il est très rare de retrouver une étude n’ayant aucunement
fait appel à une forme ou une autre d’expertise.
L’évaluation des impacts environnementaux

Les diverses méthodes et outils d’expertise en ÉIE sont:


• les listes de contrôle;
• la fiche d’impact;
• l’enquête Delphi;
• les méthodes ad hoc.
En ÉIE, l’objectif principal des approches faisant appel à l’expertise est habi-
tuellement d’effectuer un examen rudimentaire ou initial du projet ainsi qu’une cer-
taine forme de contrôle ou de codification. Exceptionnellement, l’emploi de ces méthodes
vise un examen plus approfondi, comme c’est parfois le cas avec l’enquête Delphi.
L’emploi de l’expertise est autant une démarche de synthèse qu’un processus d’ana-
lyse. Par ailleurs, l’aspect évaluateur de l’importance des impacts est généralement
supplanté par la simple identification des impacts.
Habituellement, la prise en compte des aspects temporel, spatial et cumulatif, tant
des éléments que des impacts environnementaux, est plutôt rudimentaire. Cependant,
les moyens mis en œuvre sont élémentaires et relativement faciles d’accès. La
démarche est par conséquent commode, d’ordinaire rapide et généralement peu coû-
teuse. De plus, la présentation des résultats est simple et facilement compréhensible.
Par contre, les résultats sont difficilement reproductibles, sauf en ce qui concerne les
listes de contrôle, car ils reposent grandement sur des opinions et des jugements de
valeurs. Compte tenu des circonstances entourant le projet à l’étude, l’emploi de telles
méthodes peut faciliter ou au contraire entraver le processus de décision.

Liste de contrôle
La «liste de contrôle» est souvent la plus rudimentaire des méthodes. Il serait généra-
lement plus juste dans son cas de parler d’outils de l’ÉIE. Il faut entendre «liste de contrôle»
dans le sens de «liste de référence (check list)». La plupart du temps, les listes de contrôle
ne permettent qu’une identification des différents paramètres à considérer pour
l’étude d’un projet. Elles proposent rarement une appréciation des paramètres listés
et elles ne fournissent à peu près jamais une valeur quantifiable. En règle générale, elles
192 sont donc essentiellement des outils indicatifs. En fait, elles sont bien souvent limitées
à des mesures qualitatives et parfois même fort subjectives, du fait de leur ambition
universelle ou généraliste. Conséquemment, elles ne représentent souvent qu’un
examen préliminaire ou initial d’une étude plus complète. La simplicité de la liste de
contrôle en fait toutefois un outil largement utilisé. Les listes constituent ainsi un élé-
ment essentiel de presque toutes les autres méthodes d’identification de relevé et d’éva-
luation des impacts environnementaux; elles en sont bien souvent une étape initiale.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Les listes de contrôle ont pour objectif de permettre une vue d’ensemble des impacts
environnementaux probables d’activités humaines, une première approximation de
l’impact. La liste est couramment présentée sous la forme de tableaux énumérant les
différents paramètres. Chaque liste est plus ou moins spécifique à un type de projet
ou à un milieu déterminé. Certaines ne concernent que des projets de transport rou-
tier, par exemple ; d’autres, par contre, peuvent être appliquées à tout type de déve-
loppement. Il n’y a généralement pas de relevé des relations de cause à effet, chaque
série de paramètres étant présentée séparément.
On retrouve au moins cinq types de liste de contrôle, selon la nature des divers
paramètres exposés. Ces listes comprennent les paramètres suivants:
• activités et composantes de projet;
• éléments de l’environnement ;
• effets et impacts environnementaux;
• indicateurs et descripteurs de l’environnement ;
• mesures correctives et d’atténuation.
Le premier type de paramètre comprend les listes d’activités humaines ou de com-
posantes de projet. Celles-ci énumèrent un certain nombre d’activités ou de compo-
santes communes à tout projet, ou à un genre particulier, et qui pourraient être sources
d’impacts. Il y a bien entendu une multitude de listes énumérant les différents éléments
de l’environnement. Ces listes énumèrent les éléments environnementaux présents dans
des milieux plus ou moins particuliers, comme elles peuvent souligner ceux qui sont
considérés comme sensibles ou valorisés d’une façon ou d’une autre par les différents
acteurs (législateurs, scientifiques et population). Tout comme la plupart des autres
types de listes, elles sont plus ou moins exhaustives. En complément à ces deux pre-
miers types, on rencontre des listes d’effets ou d’impacts appréhendés, impacts cou-
ramment rattachés à des projets ou à des milieux plus ou moins précis. Viennent ensuite
des listes d’indicateurs ou de descripteurs permettant de sélectionner différents outils
de mesure des éléments, des effets et des impacts environnementaux. Enfin, le der-
nier type de listes comprend celles faisant l’énumération de mesures d’atténuation ou
de modifications à effectuer. Ces mesures et modifications peuvent être à caractère général
193
et universel, ou plutôt spécifique à un seul type de projet ou de milieu.
Bien entendu, il existe aussi un certain nombre de listes hybrides ; il s’agit alors
de listes mixtes impliquant plusieurs des paramètres déjà mentionnés. Il y a donc des
listes de contrôle des impacts versus les mesures d’atténuation ou une liste d’éléments
L’évaluation des impacts environnementaux

de l’environnement comportant aussi une énumération des indicateurs de ces dif-


férents éléments.
Depuis l’avènement de l’ÉIE, un nombre imposant de listes de contrôle ont été
proposées comme référence utile dans l’examen de projet. L’une des listes parmi les
plus complètes à l’époque était celle publiée par la Commission de l’énergie atomique
des États-Unis (Atomic Energy Commission, 1973). Une autre liste pionnière, mais
néanmoins peu traditionnelle quant à son contenu, est celle de l’Université de
Géorgie (Institute of Ecology, 1971). Elle fut mise au point afin de mesurer l’impact
environnemental des plans d’aménagement routier. Elle comporte 56 éléments sen-
sibles de l’environnement que toute étude sur ce sujet devrait prendre en compte.
Innovations intéressantes, chacun des éléments de l’environnement possède son propre
indicateur mesurable ainsi qu’une pondération appropriée et spécifique. Les consé-
quences (effets et impacts) à long terme, notamment, héritaient d’un facteur multi-
plicatif de dix par rapport aux autres pour leur cote de pondération. Cette pondé-
ration était cependant établie de manière trop subjective et pouvait difficilement être
reproductible (Munn, 1977). Cela serait encore plus vrai selon les critères et les juge-
ments actuellement utilisés pour la pondération. De plus, l’approche prenait en compte
un facteur de génération d’erreur au hasard. Elle était cependant très exigeante sur
le plan des ressources et conséquemment fut, semble-t-il, fort peu employée dans son
intégralité.
La liste des activités présentée à la figure 5.1 montre par contre une liste de contrôle
simple. Elle est classique dans sa forme et pratique à utiliser en tant qu’aide-mémoire.
Elle ne propose aucune forme d’évaluation; sa seule fonction est strictement indi-
cative. La présentation graphique est nette et ordonnée, ce qui permet une visuali-
sation rapide des résultats. Elle permet d’identifier (cocher les cases appropriées) les
paramètres présents dans le projet à l’étude de façon active et simple. Une autre liste,
répertoriant cette fois les éléments de l’environnement, viendrait s’adjoindre et
compléter celle-ci. Ces deux listes peuvent servir éventuellement à construire une matrice
des interactions (activités du projet versus éléments de l’environnement), comme nous
l’avons fait au Maroc en 1994 pour l’implantation de conduites d’adduction d’eau
potable et de stations de pompage.
194
La liste de contrôle représentée à la figure 5.2 montre une liste un peu plus com-
plexe que la précédente; elle propose notamment une certaine forme d’évaluation
des éléments de l’environnement. En effet, elle contient une qualification de la sen-
sibilité des divers éléments du milieu. La sensibilité de chacun des éléments d’inventaire
est évaluée à l’aide d’une cotation élémentaire à trois valeurs possibles : forte,
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.1
Liste de contrôle des activités

Études techniques Lignes électriques, téléphone, etc.


Arpentage et signalisation Entreposage de matériaux
Acquisition des emprises Disposition des déchets
Déboisement et reboisement Présence des ouvrages
Installation de chantiers Réseau AEP
Signalisation Réseau d’assainissement
Excavation, forage et creusage Matériel et équipement
Dragage et travaux maritimes Systèmes de traitement E.P.
Passage des cours d’eau Système de traitement d’eaux usées
Modification de tracés Transport/gestion de produits chimiques
Infrastructures routières Gestion de la production d’eau
Transport et circulation Gestion des déchets solides, liquides (boues)
Érection de bâtiments Contrôle et suivi de la qualité
Installation des équipements Disposition et réutilisation
Pose des conduites Sécurité et intervention d’urgence

moyenne ou faible. Les éléments d’inventaire à prendre en compte dans l’analyse des
corridors qui est présentée ici (le même projet de conduites d’adduction d’eau
potable) sont regroupés en six grands groupes d’éléments apparentés.
Le grand avantage de l’emploi de listes de contrôle, outre leur relative simplicité
d’utilisation et de représentation, est le rapide survol qu’elles permettent. Leur
approche structurée permet une rapide identification des paramètres devant être pris
en compte. Ces listes de contrôle expriment souvent la synthèse des nombreux tra-
vaux effectués antérieurement en ÉIE; elles représentent ainsi un ensemble cohérent
des multiples connaissances et des jugements de leurs auteurs. En ce sens, l’utilisa-
tion d’une liste reconnue ne requiert pas le relevé explicite des liens de cause à effet
d’une activité déterminée, par exemple, ces liens étant implicitement légitimés par
les auteurs de la liste. Cet outil d’analyse préliminaire met donc grandement à
contribution l’expertise même des évaluateurs, ceux de l’étude en cours autant que
ceux des études antérieures ayant permis la réalisation des listes de contrôle.
Parmi les inconvénients des listes de contrôle en tant qu’outil d’identification, 195
on retrouve avant tout la méconnaissance des interactions entre les activités du projet
et les éléments de l’environnement, comme entre les impacts eux-mêmes, d’ailleurs.
Sauf exception, cet outil n’est nullement approprié à la mise en évidence des inter-
actions; il n’est d’ailleurs pas destiné à cette fin. De plus, la liste de contrôle, quoique
constituant un indispensable aide-mémoire, risque par le fait même de faire oublier
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.2
Liste indicative des éléments d’inventaire de corridors

ÉLÉMENTS SENSIBLES À L’IMPLANTATION DE CONDUITES ET DE STATIONS DE POMPAGE

Sensibilité: forte (F), moyenne (M) et faible (f)

1. ESPACE FORESTIER 4. ESPACE TERRESTRE PARTICULIER


– Boisé rare (F) – Réserve écologique (F)
– Secteur forestier d’intérêt (verger à graines, forêt – Site historique (F)
d’expérimentation, arboretum) (F) – Site archéologique (F)
– Forêt d’enseignement et de recherche (F) – Zone humide d’importance nationale (F)
– Pépinière (f) – Zone inondable (F)
– Massif boisé d’intérêt (M) – Zone à risque d’érosion (F)
– Zone d’aménagement forestier (M) – Zone de ravinement ou de glissement (F)
– Grande zone de perturbations récentes (brûlis, – Réservoir projeté (F)
chablis, etc.) (f) – Zone d’escarpement (M)
– Tourbière (F)
5. ESPACE AFFECTÉ À L’EXTRACTION
2. ESPACE FAUNIQUE
– Mine (F)
– Réserve faunique (M) – Carrière ou sablière (F)
– Aire de concentration d’oiseaux migrateurs
ou aquatiques (F) 6. ESPACE POUR LA VILLÉGIATURE,
– Colonie d’oiseaux (F) LES LOISIRS OU LE TOURISME
– Aire de repos et de reproduction
de la sauvagine (M) – Parc national de conservation (F)
– Réserve de poissons (F) – Site touristique ou récréatif d’intérêt ou zone
– Frayère (F) de villégiature (f)
– Habitat faunique d’intérêt (M) – Équipements touristiques ou récréatifs
d’importance (F):
– Aire de répartition d’espèces menacées (F)
• terrain de golf (F)
3. ESPACE AGRICOLE • base de plein air ou colonie de vacances, centre
de ski alpin(F)
– Horticulture, culture spécialisée ou zone • jardin zoologique (F)
de verger (F) • terrain de camping (F)
– Grande culture, aire de pâturage ou friche – Projet d’aménagement ou de développement
herbacée (M) d’importance (M)
– Site exceptionnel (M)
– Lieu d’intérêt visuel (M)
– Zone d’observation stratégique (M)
– Route panoramique (M)

des paramètres absents de celle-ci; on pourrait ainsi omettre d’en tenir compte dans
l’étude en cours. Enfin, les listes ne permettent pas la prise en compte des variations
des conditions du milieu dans le temps, ni, habituellement, de l’estimation et de l’éva-
luation véritable des impacts.
196
Fiche d’impact
L’emploi de «fiches d’impact» est une pratique courante en évaluation d’impacts. La
fiche d’impact est un des outils employés comme support de l’information de plu-
sieurs méthodes d’évaluation. Toutefois, son emploi fort répandu et l’étendue de son
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

application (somme de données possibles), en tant qu’instrument d’identification et


de support à l’information, en font au même titre que la liste de contrôle un outil
bien particulier de l’ÉIE.
Nous ne présentons qu’un seul exemple de la grande variété de modèles possibles,
le principe général pouvant en être aisément suivi et développé selon les besoins par-
ticuliers de chaque projet. La somme des informations qui s’y retrouvent peut par-
fois être très importante. La figure 5.3 montre un modèle récent de fiche d’impact,
mais la plupart des fiches sont souvent plus simples. L’information concerne habi-
tuellement un certain nombre des caractéristiques de l’identification et de l’évalua-
tion de l’impact. Dans l’exemple présenté ici, nous trouvons de manière assez éla-
borée un grand nombre des sujets courants, à savoir l’identification et la description
de l’impact, l’évaluation de l’impact potentiel, l’évaluation finale de l’impact, c’est-
à-dire l’impact résiduel, ainsi que l’ajout de mesures d’atténuation et l’élaboration
de mesures de compensation. La manière d’évaluer en deux phases complètes les impacts
(impact potentiel et impact résiduel) est plutôt rare, mais elle s’avère fort utile pour
le contrôle et le suivi.
Étant donné la diversité de langage et de style des résultats obtenus en provenance
des diverses disciplines impliquées en ÉIE, la fiche d’impact s’avère un outil fort com-
mode de compilation des données. La standardisation permise grâce à ce support uni-
forme permet une codification efficace de l’information et par la suite un moyen rapide
de recherche de renseignements. Cette efficacité est importante en raison de la
nature disciplinaire de la caractérisation du milieu et de la prédiction des impacts,
ce qui engendre une très grande variabilité dans la description et la présentation des
résultats. Par l’emploi de fiches standardisées, il est plus facile de repérer ensuite l’in-
formation complète au sujet d’un impact donné. Le contrôle et l’accès aux données
en sont considérablement facilités.
La fiche d’impact offre une vue incomplète de l’évaluation de l’impact d’un projet,
elle ne peut contenir tous les paramètres et les aspects nécessaires à un examen entier.
Toutefois, elle expose adéquatement les différents impacts environnementaux et elle
représente un complément opportun, voire indispensable, des autres méthodes
d’ÉIE et tout particulièrement des approches matricielle et cartographique.
197
L’enquête Delphi
L’enquête Delphi n’est pas à proprement parler une approche spécifique d’évalua-
tion des impacts environnementaux; il s’agit plutôt d’une technique générale d’ac-
quisition des connaissances. L’enquête Delphi est un procédé d’obtention de consensus
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.3
Fiche d’analyse d’impact

FICHE D’IMPACT

Activité:
Élément:

Description de l’impact

Évaluation de l’impact potentiel

FORTE MOYENNE FAIBLE


Durée
Intensité
Étendue

Importance de
l’impact potentiel

Mesures d’atténuation

Les mesures d’atténuation peuvent:


* neutraliser complètement l’impact * atténuer en majeure partie l’impact * atténuer partiellement l’impact

Évaluation de l’impact résiduel

FORTE MOYENNE FAIBLE NULLE


Durée
Intensité
Étendue

198 Importance de
l’impact résiduel

Mesures de compensation
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

auprès d’experts sur un sujet donné de recherche. Nous n’entrerons pas ici dans les
éléments détaillés de cette technique; toutefois, au cours de l’examen des méthodes
d’ÉIE, nous verrons des applications concrètes issues de cette technique de résolu-
tion de problèmes, notamment lors de l’examen des méthodes numériques (Batelle).
Dans sa forme classique, cette méthode vise à confronter les opinions d’un groupe
d’évaluateurs (experts du domaine) à l’aide de questionnaires successifs. L’objectif est
d’accéder à une réponse commune et satisfaisante sur un sujet pour lequel il n’en existe
habituellement pas, et ce, par consensus progressif de l’opinion des experts. L’enquête
Delphi est donc une approche basée avant tout sur les techniques et les stratégies de
communication. En ce sens et comme l’affirmaient Linstone et Turoff (1975), la
démarche de quête de l’opinion d’experts s’apparente plus au domaine des arts qu’aux
sciences. En pratique, cette méthode est utilisée « pour l’appréhension de questions
où les données sont insuffisamment structurées et où, en conséquence, une bonne
part de jugement et d’intuition entre en jeu» (Prades, 1993). Il s’agit là d’une situa-
tion très fréquente en évaluation environnementale et, conséquemment, l’enquête Delphi
est souvent employée de manière intégrale ou le plus souvent de façon abrégée.
La démarche générale de l’enquête se base sur le principe de rétroactions suc-
cessives. Un questionnaire de départ est envoyé à une série d’experts. Les réponses
sont par la suite analysées par le comité d’organisation de l’expérience. Les résultats
sont renvoyés aux mêmes experts afin qu’ils réévaluent leur propre position à l’aide
des réponses fournies par les autres. L’éventail des réponses possibles se précise et se
dirige ainsi peu à peu vers un certain consensus. Bien qu’il existe une foule de variantes
à cette méthode, la démarche comporte généralement plusieurs étapes. Le ques-
tionnement de départ auquel on veut répondre grâce à cette technique de consulta-
tion doit être formulé de façon souple, mais de manière tout de même assez précise
afin de délimiter clairement le domaine d’investigation. Les répondants, quant à eux,
doivent être choisis d’après des critères de sélection rigoureux et selon leurs connais-
sances ou leurs expériences. Cette opération de choix des experts est cruciale et déter-
minante pour la réussite de la démarche.
Plus précisément, le «questionnaire 1» est élaboré en fonction des interrogations
de départ et envoyé aux répondants (experts) retenus. L’étape suivante est l’analyse
199
des réponses obtenues afin de dégager et de regrouper les réponses similaires. Un deuxième
questionnaire, pouvant contenir des questions plus précises, est alors conçu et envoyé
de nouveau aux experts en compagnie des réponses fournies par les autres répondants.
Les répondants doivent, à cette étape cruciale, préciser, choisir et/ou commenter leur
position «finale». L’analyse des résultats de ce deuxième questionnaire permet de faire
ressortir les consensus et les opinions majoritaires afin de diffuser les résultats finaux.
L’évaluation des impacts environnementaux

Mentionnons, de plus, que, selon le type d’enquête Delphi employé, souvent déter-
miné par le temps, les moyens et les ressources disponibles, d’autres questionnaires
peuvent être élaborés, envoyés et commentés de nouveau avant la diffusion finale des
résultats, mais il s’agit habituellement d’une étape facultative.
Les sept étapes générales du processus type peuvent se résumer ainsi:
• formulation des questions ;
• choix des répondants;
• élaboration et envoi du questionnaire 1;
• analyse des résultats du questionnaire 1 ;
• conception et envoi du questionnaire 2 (rétroaction);
• analyse des résultats du questionnaire 2 ;
• (facultatif: conception, envoi et analyse d’autres questionnaires);
• diffusion des résultats.
Dans la mise en place d’une expérience de Delphi, deux aspects importants doivent
être considérés avec beaucoup d’attention et de précaution. Il s’agit d’abord du choix
des participants (répondants) et, ensuite, de l’élaboration même des questions
posées. Le choix des experts est important, car c’est à partir de leur propre opinion
qu’une réponse finale sera éventuellement formulée. En ÉIE, l’enquête Delphi est
employée lorsque l’on dispose de peu d’information sur un élément de l’environne-
ment, sur son importance ou sur un impact particulier. Dans de tels cas, cependant,
il est assez difficile de sélectionner les «experts». En effet, lesquels choisir et en vertu
de quels critères d’expertise? De plus, comment aborder des problèmes qui, pour une
grande part, nous échappent? En conséquence, les résultats obtenus sont toujours
incertains, souvent contestés, parfois contradictoires et quelquefois irréconciliables,
voire inacceptables. De son côté, l’élaboration des questions n’est pas toujours plus
facile. Il s’agit pourtant d’un aspect déterminant pour l’atteinte de résultats valables
et utiles. Ainsi, des questions ambiguës ou mal posées, ce qui est fréquent dans un
contexte de faible information, peuvent amener les experts à des interprétations dif-
férentes de celles souhaitées par les organisateurs de l’enquête.
200
L’une des particularités fort intéressantes de l’enquête Delphi est la confidentia-
lité des répondants. En effet, ces derniers ne communiquent jamais les uns avec les
autres, les seuls contacts passant par l’entremise des organisateurs par le biais du cour-
rier. L’anonymat ainsi obtenu réduit l’influence que certains experts, du fait de leur
autorité, de leur attitude ou de leur prestance, exerceraient sur les autres, ce qui pour-
rait modifier les résultats de l’enquête.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Une vaste enquête Delphi sur les modes de transport


Plusieurs mois d’enquête Delphi sont à la base d’une récente étude québécoise traitant
des relations entre les modes de transport urbains et le développement durable, tout par-
ticulièrement par rapport à l’effet de serre. L’équipe chargée de la recherche utilisa dix
questionnaires successifs auprès d’une soixantaine d’acteurs concernés par cette ques-
tion, et ce, afin d’orienter la définition des problèmes et la recherche de solutions.
L’enquête était divisée en trois phases successives: la phase «enjeux» (perceptions et atti-
tudes vis-à-vis des problèmes) nécessita l’envoi puis la compilation de quatre questionnaires;
la phase «principes» (valeurs guidant les choix des acteurs) fut organisée autour de deux
questionnaires ; enfin, la phase « stratégies » (vérification de la faisabilité et de l’accep-
tabilité sociales des solutions proposées) nécessita quatre autres questionnaires.
Les acteurs impliqués dans l’enquête étaient de quatre catégories : des membres des dif-
férents paliers de gouvernement du secteur public, des représentants du secteur privé,
des membres d’organisations non gouvernementales (ONG) et des représentants du milieu
de la recherche et de l’université. Seize participants pour chacune des catégories com-
posaient l’échantillonnage des « experts » consultés.
Source : Pradès et coll., 1998

Bref, bien que les résultats reposent sur la seule opinion d’experts, la démarche
systématique de recherche de réponses par l’enquête Delphi tend à minimiser les élé-
ments subjectifs. De plus, le fait que les participants s’ignorent entre eux permet d’éli-
miner l’influence que certains experts à caractère dominant pourraient avoir sur les
réponses d’autres experts (un avantage éliminé, comme nous le verrons dans le cas
de la variante «mini-Delphi», où les experts sont réunis). Le processus de question-
nement se dirige donc vers un jugement final par l’emploi de rétroaction contrôlée,
c’est-à-dire par la révision du jugement des évaluateurs grâce à la confrontation des
opinions des divers participants.

Variante de l’enquête Delphi


Il existe pour l’enquête Delphi une foule de variantes pour lesquelles plusieurs
201
variables peuvent changer: le type et le nombre de répondants, le type et le nombre
de questionnaires, le domaine d’application, le jumelage avec d’autres méthodes, etc.
Il faut donc adapter la démarche aux buts recherchés et à l’ampleur de l’examen. Ainsi,
selon le type de questionnaire, plus le nombre de répondants est élevé, plus le traite-
ment des résultats peut être ardu. Dans d’autres cas, l’envoi de plus de deux questionnaires
L’évaluation des impacts environnementaux

peut n’apporter que de légères précisions aux résultats et s’avérer à toute fin pratique
inutile, compte tenu des exigences de temps et de moyens.
Parmi les variantes, celle appelée «mini-Delphi» ou «Delphi en temps réel»
(Linstone et Turoff, 1975) est sans doute la mieux connue et la plus souvent employée.
Dans cette variante, au lieu d’envoyer les questionnaires par la poste, les experts sont
plutôt réunis dans un même lieu (Ducos, 1983). Le grand avantage de cette variante
est l’élimination des délais d’envoi; les résultats peuvent être obtenus en quelques heures,
sinon en quelques minutes. Les résultats sont souvent automatiquement traités par
ordinateur. Toutefois, la démarche ne peut s’effectuer convenablement que si les opi-
nions des experts sont relativement près les unes des autres, ce qui n’est pas toujours
possible, surtout concernant certaines questions (impacts sociaux, culturels et éco-
nomiques). De plus, la confidentialité des répondants, caractéristique essentielle de
l’intégrité de l’enquête Delphi, et conséquemment la non-ingérence qui en est la résul-
tante, ne sont plus ici respectées.

Méthodes ad hoc
Les multiples méthodes ad hoc sont expressément destinées à un emploi bien parti-
culier, d’où leur dénomination. En réalité, on pourrait regrouper sous cette appella-
tion toutes les méthodes inclassables sous un autre nom. Bien souvent, il s’agit d’une
démarche méthodologique s’appuyant sur plusieurs méthodes consacrées, mais
appliquées d’une façon originale à l’objet d’étude. En ce sens, les méthodes regrou-
pées sous ce titre sont très diversifiées; elles peuvent être plus ou moins complètes
et complexes selon le cas. Conséquemment, on retrouve sous cette appellation une
grande variété d’études, des plus rudimentaires, comme un court texte descriptif des
grands enjeux environnementaux, aux plus complexes, certaines parmi les meilleures
études réalisées à ce jour.
Les méthodes ad hoc furent développées à partir de l’expérience et du jugement
des évaluateurs et elles ne sont habituellement applicables qu’à un seul cas. La base
méthodologique de l’approche ad hoc est donc l’expérience et l’intuition des spécia-
listes (évaluateurs d’impacts) qui fournissent des lignes générales sur le type et la nature
des impacts anticipés d’un projet précis.
202
À l’origine, les méthodes ad hoc constituaient souvent une première ébauche métho-
dologique de l’évaluation environnementale. En ce sens, certaines pourraient consti-
tuer aujourd’hui une étude préliminaire d’ÉIE. Elles ne constituaient alors qu’une pre-
mière approximation de l’impact environnemental par le simple relevé des impacts
en cause. Depuis quelques années, certaines études ad hoc montrent un degré de
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

sophistication qui va bien au-delà d’une première approximation. Les auteurs de ces
études emploient alors une méthodologie bien particulière faisant appel, dans la plu-
part des cas, à une panoplie de techniques et de résultats en provenance des autres
méthodes. Ces études relèvent alors des méthodes d’évaluation, ayant dépassé et de
loin l’élémentaire identification.
Outre la monotone énumération textuelle des différents éléments de l’environ-
nement et des impacts appréhendés, il existe bien peu de méthodes ad hoc d’identi-
fication. En ce qui concerne l’identification, les listes de contrôle et les réseaux, ainsi
que la superposition, occupent pratiquement tout le champ des possibilités.
Comme sa dénomination le prescrit, la locution ad hoc signifiant «pour cela»,
il ne peut exister de modèle type de méthode ad hoc. Nous ne pouvons donc que pré-
senter des exemples précis parmi tant d’autres. Dans le même ordre d’idées, il ne peut
y avoir vraiment de méthode pionnière ; nous présentons par conséquent deux
approches originales. La première est une approche simple applicable à l’examen d’un
projet précis; la seconde est beaucoup plus complexe et concerne une évaluation stra-
tégique d’impact, c’est-à-dire un examen plus global à propos d’une éventuelle poli-
tique énergétique.

Méthode ad hoc d’évaluation de projet


La méthode ad hoc que nous présentons ici est une démarche simple d’évaluation
de projet employée aux États-Unis au début des années 1970. Les évaluateurs d’un
projet précis transmettaient ainsi une réponse originale et provisoire à la Loi amé-
ricaine de protection de l’environnement (NEPA), qui imposait l’ÉIE dans le processus
d’acceptation des projets de développement.
La figure 5.4 montre le tableau synthèse des résultats obtenus ainsi que les para-
mètres employés par cette méthode particulière. Les éléments habituels de l’envi-
ronnement, tels que la faune, les espèces menacées et la conformité aux plans régio-
naux, sont passés en revue selon un nombre restreint de critères d’évaluation, tels que
l’absence d’effet, les impacts à long terme et l’irréversibilité de l’impact. Il n’y a pas
de cotation pour la grandeur ou l’importance de l’impact; une simple mention (x)
détermine la présence du paramètre pour chacun des éléments de l’environnement. 203
Il est intéressant de noter que le premier paramètre, «pas d’effet», est d’un grand
intérêt malgré son apparente inutilité. En effet, il permet d’indiquer clairement que
l’élément de l’environnement en question a bel et bien été examiné et qu’aucun impact
n’a pu être identifié, évitant ainsi tout questionnement ultérieur à cet effet. Il est aussi
étonnant de remarquer que les propriétés à long terme des impacts faisaient déjà partie
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.4
Présentation finale des résultats d’une approche ad hoc

Évaluation

Dommageable
de l’impact

Effet négatif

Indéterminé

Court terme
Effet positif

Long terme

Irréversible
Pas d’effet

Réversible
Bénéfique
Éléments de
l’environnement

Faune x x x
Espèces menacées x
Végétation naturelle x x x
Végétation introduite x
Nivellement du sol x x x x
Caractéristiques du sol x
Drainage naturel x
Eau souterraine x x
Nuisances sonores x x
Pavage x
Activités récréatives x
Qualité de l’air x x x x
Esthétique du paysage x
Espace ouvert x x x x
Santé et sécurité x
Valeurs économiques x x x
Édifices publics x x x
Services publics x
Conformité/ plans régionaux x x x

Source: Traduit et adapté de Rau, 1980.

des critères d’évaluation. Enfin, les impacts indéterminés étaient clairement soulignés
comme tels par les évaluateurs, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas encore
aujourd’hui, malgré la présence constante de ceux-ci dans la plupart des cas à
l’étude.
Par ailleurs, les éléments biophysiques de l’environnement sont grandement agrégés
(regroupés) sous quelques ensembles très étendus, notamment en ce qui concerne
la faune et la qualité de l’air. La répartition entre les éléments biophysiques et les élé-
ments humains ou socio-économiques est relativement bien équilibrée pour l’époque.
204
Finalement, la prise en compte d’éléments comme les espèces menacées, les activités
récréatives et l’esthétique du paysage constitue une contribution intéressante à
l’étendue et à la globalité de l’ÉIE.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Méthode ad hoc d’évaluation générique


À titre d’exemple d’une méthode ad hoc plus complexe, nous présentons une étude
réalisée par notre équipe au cours des dernières années (Raymond et coll., 1994). Il
s’agissait d’une étude générique d’évaluation des impacts environnementaux, c’est-
à-dire que l’objet d’étude n’était pas un projet de développement bien précis mais
plutôt une analyse comparative prospective des diverses filières énergétiques dans le
contexte d’une éventuelle politique québécoise de l’énergie.
L’objet d’étude consistait à évaluer, à partir de critères environnementaux com-
parables, les diverses filières énergétiques potentielles; donc une multitude de pro-
jets indéfinis et incommensurables avec précision. Il s’agissait donc d’une «évalua-
tion stratégique d’impact» (ÉSI) et non d’une véritable ÉIE de projet. De plus, cet
exercice constituait en quelque sorte un examen initial d’une future politique pre-
nant en compte l’environnement.
Il serait trop long et sans trop d’intérêt ici de présenter en détail l’approche métho-
dologique retenue pour cet examen. Toutefois, les schémas exposés aux figures 5.5
et 5.6 montrent les résultats de l’étude. Cette illustration des résultats complets révèle
par contre une vaste part des paramètres et des critères de l’approche utilisée par les
auteurs de la méthode.
La démarche suivie dans cette étude fait appel à plusieurs méthodes, en parti-
culier l’emploi de matrices et de fiches d’impact ainsi que l’utilisation de l’enquête
Delphi, notamment pour la pondération et l’évaluation globale des impacts.
L’approche méthodologique est divisée en trois étapes ou phases principales: l’iden-
tification des actions possibles, la prévision des effets de chaque action et l’évalua-
tion synthétique de ces effets. Bien entendu, ces trois phases étaient subdivisées en
plusieurs sous-étapes d’étude.
La première étape, celle de l’identification des actions possibles, est essentielle-
ment fonction de la liste des diverses filières énergétiques qui peuvent être considé-
rées comme variantes ou solutions de rechange possibles pour l’établissement d’une
politique de gestion des ressources énergétiques au Québec. Le relevé des filières permet
par la suite d’inventorier les activités qui sont générées par chacune d’elles tout au
205
long du cycle de production des diverses ressources impliquées. Étant donné le très
grand nombre d’activités notées, celles-ci ont été agrégées (regroupées) en trois prin-
cipales phases de production pour en faciliter la présentation et la compréhension,
à savoir la construction, l’exploitation et le rejet final.
L’évaluation des impacts environnementaux

La seconde étape, celle de la prévision des conséquences (effets et impacts) de


chaque action, doit permettre de déceler les interactions entre les activités considé-
rées et les «critères environnementaux» et, ensuite, d’en évaluer l’impact sur l’envi-
ronnement. Une fois encore, le très grand nombre d’interactions possibles conduit
à un regroupement en 16 critères. Ces critères de comparaison ont été déterminés à
la suite de l’analyse des critères retenus dans plusieurs travaux similaires. L’évaluation
des impacts environnementaux se fait alors pour chacun de ces 16 critères, à partir
d’une série d’indicateurs applicables à l’ensemble des filières énergétiques, ce qui faci-
lite la comparaison entre les filières quant à leurs impacts respectifs.
L’évaluation se base sur un état de référence qui est l’état actuel de l’environnement
ainsi que sur des normes de référence: techniques disponibles, processus ou façons de
faire pour l’instant utilisés. Des fiches d’impact et des tableaux comparatifs résument
et codifient les éléments utilisés afin d’en arriver à attribuer une cote d’impact pour
chacune des phases de production des diverses filières énergétiques, et ce, pour chacun
des critères retenus. Cette cotation est attribuée soit en fonction de données quan-
titatives précises, soit à partir de mesures qualitatives déterminées par consensus à
l’intérieur de l’équipe de recherche. La cotation est ensuite inscrite à la matrice des
impacts potentiels, qui présente alors l’ensemble des impacts des diverses filières.
L’évaluation synthétique s’effectue dans une troisième étape d’examen. Les 16 cri-
tères environnementaux sont d’abord regroupés sous quatre thèmes d’analyse,
définis en fonction de principes qui se dégagent du concept de développement durable
et qui serviront à établir la comparaison finale entre les filières énergétiques. Par la
suite, un rang est attribué à chacune des filières pour chacun des critères environ-
nementaux. Ce rang est attribué en tenant compte des cotes précédemment établies
ainsi que des renseignements contenus dans les fiches d’impact, les tableaux com-
paratifs et l’évaluation qualitative. Ce premier classement permet d’intégrer les cotes
émises pour les trois phases de production de chacune des filières en une seule esti-
mation, et ce, de façon relative entre les filières. Le rang obtenu est alors indiqué à la
matrice comparative des diverses filières énergétiques, tel qu’illustré à la figure 5.5.
La figure 5.5 présente le classement relatif (rang respectif) des vingt (20) filières
énergétiques par rapport à chacun des seize (16) critères environnementaux de com-
206
paraison. Les rangs obtenus par les différentes filières pour chacun des critères à l’in-
térieur d’un thème d’analyse sont ensuite utilisés pour déterminer l’impact relatif de
la filière à l’intérieur du thème d’analyse. Il est assez simple de déterminer le classe-
ment relatif des diverses filières; de simples données incomplètes ou qualitatives suf-
fisent la plupart du temps. Par ailleurs, il est possible de comparer les résultats en pro-
venance de données quantitatives pour un critère donné avec ceux d’un autre issus
Figure 5.5
Matrice comparative des filières énergétiques: disposition par rang
Charbon Pétrole Gaz naturel Uranium Biomasse Hydraulique Solaire Éolien Géothermique

Rang comparatif de 1 à 20:

(bois)
Du premier au dernier
fermé

Hélio-
Circuit

Déchets
Centrale
Centrale
Électricité

Classique

Électricité
Électricité
Électricité

Électricité
Centralisé

Chauffage
Chauffage
Chauffage
thermique

et transport
et transport
Décentralisé

Combustible
Marémoteur

(incinérateur)
avec réservoir
au fil de l’eau

et métallurgie
de substitution
Photovoltaïque

(centrale nucléaire)
Électricité (centrale

(centrale thermique)
(centrale thermique)

(centrale thermique)
Chauffage domestique
thermique bois et tourbe)
Qualité de la ressource E E E E E E E R R R R D D D D D D R R D

Changement climatique global 20 19 16 15 11 12 1 18 17 14 13 10 1 1 1 1 1 1 1 1


Déperdition de la couche d’ozone 18 19 17 20 13 14 1 15 16 11 11 1 1 1 1 1 1 1 1 1
Précipitation acide 20 19 18 17 15 16 11 14 12 13 9 1 1 1 1 1 1 9 1 1
Risque de catastrophe 15 14 15 19 15 14 20 12 1 11 10 18 7 1 1 1 1 9 8 6

Modification d’écosystème 18 18 12 12 10 10 17 15 16 2 14 20 3 9 8 7 1 5 5 4
Modification de l’aménagement 18 18 16 16 8 8 20 10 5 4 10 15 3 12 12 12 1 6 6 2
Modification du paysage 18 18 15 16 10 9 17 13 12 14 11 20 3 4 4 6 1 7 7 2
Modification du mode de vie 17 17 15 12 15 12 20 10 1 9 8 19 11 3 3 3 1 6 6 14

Pollution de l’air ambiant 17 18 15 20 11 12 1 16 19 14 12 1 1 1 1 1 1 10 9 1


Pollution des eaux 19 20 15 18 15 9 14 15 10 11 11 13 5 1 4 1 1 7 7 5
Pollution du sol 18 18 17 20 13 13 16 12 10 15 10 7 6 1 9 8 1 1 1 1
Pollution thermique 11 10 11 16 11 8 17 11 7 11 8 6 1 18 5 1 1 20 19 1
Pollution radioactive 18 18 14 14 14 14 20 10 1 10 10 1 1 1 1 1 1 13 9 1
Pollution sonore et olfactive 17 17 17 20 11 11 16 11 9 11 11 10 5 1 1 4 1 7 7 5
Santé et sécurité 20 19 16 16 14 14 16 13 2 6 6 10 3 6 6 5 1 11 11 3

Source : Adapté de Raymond et coll., 1994.


Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

207
L’évaluation des impacts environnementaux

de données qualitatives. Toutefois, dans une telle comparaison les écarts possibles entre
deux rangs ne sont pas mesurés, ce qui peut induire à des estimations erronées dans
une évaluation globale.
La figure 5.6 présente par contre une matrice comparative plus complète d’éva-
luation puisqu’elle possède une cotation absolue de l’ampleur des impacts anticipés.
La cotation se distribue sur une échelle de trois valeurs: forte, moyenne et faible. Cette
cotation nécessite une plus grande quantité de données, ou une meilleure apprécia-
tion qualitative, ou quantitative des impacts puisque la fixation précise de la valeur
désignée n’est pas relative comme dans le premier cas (figure 5.5) mais absolue. Cette
évaluation plus précise de l’importance des impacts est pour certains critères extrê-
mement incertaine, voire impossible à déterminer.

Figure 5.6
Matrice des impacts environnementaux potentiels
de diverses filières énergétiques
ÉNERGÉTIQUES

Hydraulique Solaire Éolien


FILIÈRES

Importance de l’impact:

Hélio-thermique

Photovoltaïque
(de faible à fort)
Au fil de l’eau
Avec réservoir

✳ ✳ ✳

Décentralisé
Gaz naturel

Centralisé
Biomasse
Uranium
Pétrole

CRITÈRES
ENVIRONNEMENTAUX

Changement climatique global ✳ ✳ ✳ ✳ - - - - -


Impacts Déperdition de la couche d’ozone ✳ ✳ - ✳ - - - - - -
globaux Précipitation acide ✳ ✳ ✳ ✳ - - - - - -
Risque de catastrophe ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - - - -

Impacts Modification d’écosystème ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ -


sur le Modification de l’aménagement ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ -
patrimoine Modification du paysage ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳
mondial
Modification du mode de vie ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳

Pollution de l’air ambiant ✳ ✳ - ✳ - - - - - -


Pollution des eaux ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - ✳ - -
Pollution du sol ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - ✳ ✳ -
Impacts Pollution thermique ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ - ✳ ✳ - -
spécifiques
208 Pollution radioactive ✳ ✳ ✳ ✳ - - - - ✳ -
Pollution sonore et olfactive ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳
Santé et sécurité ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ ✳ -

Source Adapté de Raymond et coll., 1994.


Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

La présentation de la démarche méthodologique de cette méthode ad hoc illustre


très bien les principaux enjeux de l’utilisation d’une méthode en ÉIE: tout d’abord,
le relevé et l’évaluation des activités afférentes au projet ainsi que des impacts appré-
hendés et la codification de l’information; ensuite, la pondération (importance rela-
tive) des divers éléments environnementaux impliqués et l’agrégation (regroupement/
addition d’impacts) des divers impacts particuliers; enfin, la comparaison de diverses
options (solutions de rechange ou variantes) à partir de tous les paramètres ou critères
environnementaux ainsi que de tout autre critère possible (technique, financier, etc.).

MODÈLES ET SYSTÈMES
Sous cette dénomination, nous regroupons les méthodes qui utilisent une approche
systémique d’examen des divers paramètres: composantes du projet, éléments du milieu
et impacts environnementaux. Ces différentes méthodes sont avant tout orientées vers
la découverte des interactions entre les divers paramètres en cause (activités, éléments
et impacts). L’objectif principal est donc l’examen des relations de cause à effet de
l’ensemble de l’objet d’étude. Cette approche va donc plus loin que la simple iden-
tification des éléments et des impacts environnementaux, comme c’est généralement
le cas avec les listes de contrôle, par exemple.
Les diverses méthodes regroupées ici sont:
• les matrices;
• les réseaux;
• les modèles et la modélisation.
Sous ce deuxième axe d’étude, nous retrouvons généralement une démarche d’ana-
lyse, l’aspect synthèse n’intervenant qu’à la fin et souvent sans trop d’argumentation.
Dans certains cas, il s’agit d’un processus simple d’identification bien plus qu’un exer-
cice plus complet d’évaluation. Dans d’autres cas, toutefois, la démarche employée
implique une évaluation détaillée et complète des impacts, notamment lorsqu’il s’agit
de matrices. La démarche d’étude se veut générale, mais elle peut quelquefois être spé-
cifique à un problème particulier, comme c’est souvent le cas en modélisation.
Ces méthodes et outils sont fréquemment employés depuis le début de l’ÉIE. La 209
prise en compte des aspects temporels et spatiaux n’est pas nécessairement explicite
et exhaustive, mais l’aspect cumulatif des impacts peut être relativement bien mis en
évidence, notamment par les réseaux. Ces méthodes sont rarement employées pour
l’étude comparative de solutions de rechange ou de variantes de projet, car une seule
solution de rechange ou variante est habituellement examinée en détail.
L’évaluation des impacts environnementaux

Les moyens mis en œuvre paraissent simples et faciles d’accès au premier abord,
mais dans le cas de systèmes compliqués ou de grande portée, la prise en compte des
divers paramètres peut rapidement devenir d’une grande complexité. Conséquemment,
la lourdeur de la démarche peut devenir très exigeante en temps et en argent. La pré-
sentation des résultats demeure toutefois relativement simple, sauf peut-être dans le
cas de réseaux pour de vastes projets ou de milieux d’insertion compliqués. L’examen
des résultats est facile et ces derniers peuvent être reproductibles assez aisément. Par
contre, ceux-ci sont habituellement peu aptes à une prise de décision classique pour
les décideurs, étant donné le caractère plutôt scientifique et éclectique de la démarche
systémique.

Matrice
La matrice peut n’être qu’un simple outil de présentation des résultats de l’évalua-
tion; elle est d’ailleurs couramment utilisée en ce sens en ÉIE. Mais comme nous le
verrons ensuite pour le réseau, l’approche matricielle peut aussi constituer une enri-
chissante et expressive démarche d’examen.
Les matrices représentent habituellement des tableaux à double entrée. Les deux
axes composant la structure d’une matrice sont souvent la reproduction de listes de
contrôle reconnues ou, mieux, l’adaptation de telles listes au milieu d’insertion du
projet. La méthodologie employée est en règle générale plus complexe et plus com-
plète que dans le cas de la liste de contrôle. Les matrices permettent une améliora-
tion substantielle sur les listes de contrôle par la mise en évidence des interactions
(cause à effet) entre l’ensemble des activités humaines et des éléments du milieu.
L’évaluation des impacts peut être soit qualitative, au minimum par la simple men-
tion d’une interaction, soit quantitative, grâce à l’emploi d’un indice d’importance
de l’impact.
Concrètement, les matrices représentent souvent une visualisation synthèse des
résultats de l’examen d’un projet. Leur présentation est habituellement simple et rela-
tivement facile à comprendre par tous, même par des non-spécialistes de l’évalua-
tion. En ce sens, elles représentent une bonne façon de visualiser et de présenter l’en-
semble des impacts d’un projet, et plus particulièrement les interactions entre les activités
210 projetées et les éléments environnementaux. Par ailleurs, le relevé des impacts selon
les différentes phases des travaux peut facilement être montré. L’emploi de plusieurs
matrices simplifie parfois la représentation d’un projet complexe ou la comparaison
de solutions. Cependant, l’utilisation de matrices permet faiblement l’appréhension
des aspects spatiaux des impacts. De plus, elle ne permet pas en soi de prévoir les impacts
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

secondaires et indirects. Une deuxième matrice «dérivée» de la première pourrait alors


être utilisée.

Matrice de Léopold
Parmi les matrices d’évaluation, la plus connue est sans aucun doute la «matrice de
Léopold» (Léopold et coll., 1971). Il s’agit d’un des premiers efforts méthodologiques
complets dans le domaine de l’ÉIE. De plus, elle offre à la fois la possibilité d’iden-
tification et d’évaluation des impacts. La matrice fut développée pour le compte du
United States Geological Surveys afin d’analyser différents types de projets de
construction (Munn, 1977).
L’approche de Léopold est, par ailleurs, du point de vue pédagogique, un très bon
exemple de présentation de plusieurs des paramètres méthodologiques de l’évalua-
tion des impacts environnementaux. En ce sens, sa vétusté et sa faible utilisation depuis
de nombreuses années n’en font pas moins, encore aujourd’hui, un bon modèle de
présentation de plusieurs aspects de l’ÉIE. Son étude permet par-dessus tout d’exa-
miner les principaux avantages et inconvénients des méthodes d’ÉIE.
La matrice de Léopold peut aussi bien servir de double liste de contrôle, en uti-
lisant soit l’axe vertical (les actions projetées), soit l’axe horizontal (les éléments de
l’environnement), que de matrice d’identification et d’évaluation des impacts envi-
ronnementaux. La première utilisation des paramètres déterminés par Léopold
comme liste de contrôle est d’ailleurs la plus fréquente actuellement. Les listes d’élé-
ments et d’activités y sont assez exhaustives; elles représentent donc de précieux aide-
mémoire. Par contre, sa manipulation comme matrice, surtout pour de grands pro-
jets, s’avère assez complexe et imprécise.
La matrice complète est constituée d’une grille exhaustive à double entrée. L’une
regroupe les activités liées au projet et l’autre, les éléments du milieu. L’axe horizontal
présente une liste de 101 activités possibles ou «actions projetées» (diverses activités
humaines) et l’axe vertical regroupe 86 éléments de l’environnement ou «caracté-
ristiques et états de l’environnement ». Ces deux axes sont subdivisés en divers
groupes d’activités et catégories d’éléments. La matrice générée à partir des deux listes
de paramètres représente une immense grille offrant une possibilité de 8686 cases. 211
Chacune des cases représente une interaction possible entre une action du projet et
une caractéristique du milieu récepteur. Le mode d’emploi (instructions) proposé par
l’auteur est simple, mais plutôt sommaire et imprécis.
L’évaluation des impacts environnementaux

La figure 5.7 montre une petite section de la matrice de Léopold; la matrice totale
est bien sûr beaucoup plus imposante. Le mode d’emploi y est reproduit dans le coin
supérieur gauche. Compte tenu de la taille de la matrice complète, la manipulation
d’un tel support n’est pas toujours très commode. Par contre, lors de la présentation
finale des résultats, la plupart des évaluateurs adoptant la méthode de Léopold
réduisent le nombre de cases au strict nécessaire des interactions présentes.
Chacune des cases d’interaction de la matrice (impact potentiel) est divisée par
une ligne diagonale créant ainsi deux parties distinctes d’évaluation. La partie en haut
à gauche correspond à l’intensité ou ordre de grandeur de l’impact (l’importance
absolue), elle est considérée indépendamment de son contexte. L’autre partie sert par
contre à indiquer l’importance relative de l’impact, c’est-à-dire qu’elle tient compte
du contexte d’insertion de l’impact. L’importance relative de l’impact tient compte
explicitement de la capacité des milieux récepteurs et de la persistance de l’impact.
Une cotation sur une échelle de 1 à 10 (faible à fort) permet d’estimer plus pré-
cisément l’ampleur de l’impact, tant en ce qui concerne son importance absolue que
son importance relative. La notation tient aussi compte de la valeur positive (+) (favo-
rable) ou négative (–) (défavorable) accordée à l’impact. Le produit des deux cota-
tions donne l’estimation finale de l’impact global anticipé.
Les informations complémentaires, telles que la durée de l’impact, son étendue,
sa probabilité, les impacts secondaires appréhendés et les mesures d’atténuation envi-
sagées, ainsi que toutes informations supplémentaires sur la nature de l’impact ou
de l’environnement, se retrouvent en renvoi dans le texte d’accompagnement à la matrice
ou en notes de bas de page. Léopold ne proposait pas l’emploi d’une fiche d’impact
standardisée. L’évaluation globale des impacts, c’est-à-dire le produit des deux cota-
tions, pouvait être reportée sous la forme d’un tableau sommaire des impacts, d’un
court texte explicatif ou sur une nouvelle matrice finale.
La matrice de Léopold a l’avantage d’offrir une approche systématique de l’im-
pact environnemental d’activités humaines ou de projets complexes. En règle géné-
rale, la présentation des résultats sur la matrice est facilement représentable et com-
municable (Munn, 1977). Toutefois, contrairement aux matrices plus récentes, la
212 visualisation de la matrice de Léopold n’est pas souvent claire et efficace comme pré-
sentation synthèse et finale des impacts, notamment à cause de la représentation com-
pliquée de la double cotation. Depuis longtemps, elle sert surtout de base au relevé
des impacts en tant que double liste de contrôle, mais elle pourrait aussi servir, selon
certains, comme «première approximation de leur importance» (Renson-Boegaerts,
1982). La cotation relativement simple de l’importance des impacts offre de plus une
Figure 5.7
Section de la matrice de Léopold (partie supérieure)
INSTRUCTIONS A. Modifications de régime B. Transformation du sol et construction
1. Identifier toutes les actions proposées (celles
du haut de la matrice) qui font partie du
projet.
2. Inscrire une diagonale dans chacune des cases
où une action proposée peut avoir un impact
sur un élément du milieu.
3. Une fois la matrice complétée, dans le coin
gauche de chaque case, placer un chiffre
s’échelonnant de 1 à 10 qui indiquera
l’AMPLEUR de l’impact, c.à.d. son importance
absolue (le chiffre 10 représente la plus
grande ampleur tandis que le 1 représente la
plus faible; il n’y a pas de zéro). Devant
chaque chiffre placer un + si l’impact est
bénéfique. Dans le coin droit de chaque case,
placer un chiffre s’échelonnant de 1 à 10 qui
indiquera l’IMPORTANCE de l’impact, à savoir
son importance relative (p.ex., régional vs
local).
4. Le texte qui accompagne la matrice devrait
être une discussion des impacts les plus signi-
ficatifs (les rangées et les colonnes ayant le
plus grand nombre de cases marquées et les
cases individuelles contenant les chiffres les

a. Introduction de flore ou de faune exotiques


b. Contrôles biologiques
c. Modifications d’habitat
d. Modifications du couvert du sol
e. Modifications de l’hydrologie des eaux de surface
f. Modifications du système d’écoulement des eaux
g. Contrôle des cours d’eau/modification du débit
h. Canalisation
i. Irrigation
j. Modifications du climat
k. Brûlage
l. Pavage
m. Bruit et vibrations
a. Urbanisation
b. Aires industrielles et constructions
c. Aéroports
d. Autoroutes et ponts
e. Routes et sentiers
f. Chemins de fer
g. Câbles et monte-charges
h. Lignes de transmission, pipelines et couloirs
i. Barrières, y compris les clôtures
j. Dragage et redressement des chenaux
k. Revêtement des chenaux
l. Canaux
m. Barrages et digues
n. Jetées, brise-lames, ports de plaisance...
o. Installations en mer
p. Équipements récréatifs
q. Dynamitage et forage
r. Déblai et remblai
s. Tunnels et constructions souterraines

plus élevés.

Actions proposées
a. Ressources minières
b. Matériaux de construction
c. Sols
d. Caractéristiques du paysage

1. TERRE
e. Champs de force/rad. de fond
f. Traits physiques exceptionnels
a. De surface
b. De mer

ET CHIMIQUES
c. Souterraine
d. Qualité

2. EAU

CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES
e. Température
f. Réapprovisionnement
g. Neige, glace, pergélisol
Source: Traduit et adapté de Wathern, 1992 et Munn, 1977.

213
L’évaluation des impacts environnementaux

certaine réduction de la subjectivité afférente à tout jugement. La souplesse d’utili-


sation de la matrice permet l’adaptation par l’utilisateur et ne nécessite pas d’importantes
ressources en temps et en moyens.
Les désavantages de la démarche de Léopold sont nombreux mais néanmoins très
instructifs. Parmi les plus manifestes, nous avons retenu les suivants. Les exigences
de son échelle de cotation (sur 10) requièrent une bonne mais difficile quantifica-
tion des différents impacts; une échelle moins étendue, ne comportant que trois valeurs,
par exemple, exigerait moins d’exactitude et de détails. La méthode ne permet pas
non plus de mettre en évidence le réseau des relations intermédiaires (interactions),
notamment pour les systèmes complexes; les impacts secondaires peuvent ainsi être
escamotés. Elle ne mesure pas ni ne détermine clairement la nature précise de l’im-
pact, les sous-critères d’évaluation n’étant pas précisés. Les deux listes de paramètres
ne présentent pas d’exclusion mutuelle, ce qui entraîne donc un risque élevé de double
emploi ou de confusion quant à la sélection d’un impact ou d’une activité. La liste
des éléments biophysiques est exhaustive et assez complète; par contre, celle des élé-
ments humains est plutôt restreinte et imprécise, particulièrement en ce qui concerne
les considérations actuelles.
De plus, la méthode de Léopold ne permet pas de distinguer les impacts à long
terme, ni d’attirer l’attention sur les domaines les plus critiques, à savoir les impacts
et enjeux importants ou litigieux, et ce, même si Renson-Boegaerts (1982) affirmait
que les concepteurs de la matrice recommandaient d’évaluer l’impact dans une «pers-
pective des intérêts à long terme de la société ». Elle ne permet pas de distinguer les
évaluations quantitatives de celles qui sont qualitatives, ni d’ailleurs des incertitudes
(Munn, 1977). L’évaluation des impacts ainsi obtenue est hautement subjective; idéa-
lement, elle devrait toutefois représenter un consensus des opinions d’experts de diverses
disciplines (Sadar et coll., 1994). La méthode n’est pas conçue pour comparer
diverses options au projet; chaque option devrait faire l’objet d’une évaluation sur
une matrice séparée. Il n’y a pas non plus de critères bien définis pour élaborer les
cotes de pondération, donc aucune possibilité d’agrégation explicite. De plus, la com-
paraison de l’importance absolue avec l’importance relative confère à la méthodo-
logie un biais subjectif important et des difficultés supplémentaires de manipulation.
214 D’ailleurs, la matrice de Léopold n’est pas particulièrement objective ni explicite, ce
qui permet aux différents utilisateurs d’appliquer librement leur propre système de
classification à l’échelle de cotation (Munn, 1977). Enfin, comme les autres matrices,
elle ne tient pas vraiment compte des implications temporelles (Simos, 1990), ni spa-
tiales, ni d’ailleurs des impacts cumulatifs.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

L’analyse matricielle depuis Léopold


La méthode du Central New York Regional Planning and Development Board
(1972) est semblable à celle de Léopold, mais elle utilise deux matrices. La première
relève les relations entre les éléments du milieu et les activités anticipées ; elle déter-
mine ainsi les impacts directs ou primaires, comme dans la démarche de Léopold.
La deuxième matrice reprend les impacts notés par la première et les croise de nou-
veau avec les éléments de l’environnement. Elle souligne donc les impacts indirects
et secondaires, moins facilement perceptibles au premier coup d’œil. De plus, un sys-
tème de classement des impacts directs et indirects permet une certaine pondération
entre les deux types d’impacts. Il s’agit donc d’une méthode plus complète que celle
de Léopold en ce qui concerne les interactions indirectes. Toutefois, elle ne permet
pas non plus de tenir compte du facteur de temps, ni de la comparaison entre diverses
variantes. Également, le type d’activités, de projets et d’éléments de l’environnement
ne concerne que les projets des ressources en eau, leur application originelle, sans néces-
sairement permettre leur utilisation dans d’autres contextes d’étude.
Par ailleurs, afin de pouvoir déterminer une valeur globale aux divers impacts,
tout en favorisant une approche multidisciplinaire, la «matrice de Peterson» (Peterson
et coll., 1974) proposait quant à elle la fixation d’une importance globale de l’impact
du projet. Cette valeur globale était obtenue par l’agrégation des différents impacts,
compte tenu du poids respectif de chacun (pondération). Les impacts biophysiques
étaient analysés séparément des impacts humains et faisaient l’objet de deux matrices
différentes. Cette séparation permettait, selon les auteurs, de mieux évaluer ces deux
types d’impacts, dans un premier temps, pour ensuite en combiner les résultats par
la réalisation d’une troisième matrice pondérée. Cette dernière opération accorde une
pondération à chacun des impacts, en fonction de leur signification pour les humains.
L’agrégation de ces derniers permet ainsi la détermination de l’importance globale
des impacts (Sadar et coll., 1994).
Afin de limiter certaines lacunes de la matrice de Léopold, Loran (1975) proposa
une adaptation de la démarche matricielle avec pour objectif de mieux discerner les
secteurs critiques et les impacts similaires. Il s’agissait aussi d’une des premières uti-
lisations d’ordinateur en ÉIE. Les éléments de la matrice sont transférés sur fichier infor-
215
matique afin d’en faciliter la manipulation. L’innovation la plus importante de Loran,
outre le fait d’avoir proposé une échelle de cotation réduite à 6 échelons (0 à 5), est
d’avoir préféré déterminer l’importance des impacts à partir du seul indice de l’im-
portance relative. Pour Loran, comme pour plusieurs depuis, l’évaluation de l’impact
ne peut être perçue de manière indépendante des éléments de l’environnement,
L’évaluation des impacts environnementaux

c’est-à-dire sans tenir compte du milieu d’insertion, comme Léopold le proposait pour
l’importance absolue de l’impact.
Bref, la méthode des matrices est encore fort employée. Ses utilisations récentes
sont bien sûr redevables aux efforts pionniers, mais elles s’en distinguent habituel-
lement par une plus grande rigueur méthodologique et une présentation générale-
ment plus simple mais supérieure. Le guide méthodologique d’Hydro-Québec
(Hydro-Québec, 1990), par exemple, place la méthode des matrices en bonne posi-
tion dans sa démarche d’examen ; l’entreprise utilise généralement une matrice
comme sommaire de l’impact environnemental d’un projet.
Nous reproduisons à la figure 5.8 un exemple de matrice que nous avons
employé récemment (Raymond et Leduc, 1995). Cette matrice représente les inter-
actions potentielles entre des activités et des éléments de l’environnement dans le cas
de projets d’adduction en eau potable au Maroc. Afin de limiter l’étendue de la matrice,
seules les activités du projet et les éléments de l’environnement ayant une interac-
tion sont indiqués dans les colonnes et les rangées respectives. Les éléments de l’en-
vironnement sont regroupés sous deux grands ensembles, le milieu biophysique et
le milieu humain. À l’intérieur de chacun des ensembles, les divers éléments sont asso-
ciés et agrégés dans des sous-ensembles regroupant les éléments similaires – l’hydro-
logie, par exemple. En ce qui concerne les activités du projet, deux grandes phases
regroupent toutes les activités probables, soit la phase de construction et la phase d’ex-
ploitation et d’entretien. Dans l’étude en question, l’utilisation de matrices consti-
tuait autant un outil d’analyse et d’évaluation des impacts qu’un support convenable
à la présentation synthèse des résultats de l’examen du projet.

Réseau
La méthode dite en «réseau» a plusieurs appellations. La dénomination de réseau ori-
gine du mot anglais network, souvent traduit par le terme français «graphe». Elle est
aussi dénommée flow diagrams (Munn, 1979) et se traduit alors par «méthode en sys-
tèmes» (Munn, 1977). L’approche en réseau se présente généralement sous la forme
de diagrammes illustrant les interactions entre les activités du projet et les éléments
du milieu ainsi que les divers liens des éléments et des impacts entre eux. L’approche
216 en réseau a pour objectif principal, et parfois unique, la mise en évidence des inter-
actions qui existent entre les divers paramètres et, notamment, les impacts secondaires
et indirects, ainsi que, dans une certaine mesure, les impacts cumulatifs. Il ne s’agit
donc pas nécessairement d’évaluer l’importance des impacts d’un projet, mais plutôt
de connaître précisément et de manière complète les liens entre les différents para-
mètres impliqués. Ces liens s’établissent bien sûr entre les multiples éléments de
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.8
Matrice type d’interactions potentielles

CONSTRUCTION
EXPLOITATION
Aménagement Infrastructures ET ENTRETIEN
des sites et équipements

Études et aménagements préliminaires

Modification de tracés et de routes

Gestion des déchets et eaux usées


Sécurité/intervention d’urgence
Excavation, forage et creusage
Dragage et travaux maritimes
Déboisement et reboisement
ACTIVITÉS DU PROJET

Réfection des équipements


Entreposage de matériaux
Bâtiments et équipements

Présence des installations


Acquisition des emprises

Installation de chantiers

Disposition des déchets


Transport et circulation

Procédés et traitement
Pose des conduites
Légende
Impacts négatifs
Impacts positifs
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
ÉLÉMENTS ENVIRONNEMENTAUX
A
Eaux souterraines B
Hydrologie Qualité des eaux C
Régime hydrodynamique D
MILIEU BIOPHYSIQUE

Ruissellement/infiltration/bilan E
Géologie et Forme et relief F
dépôts de surface Nature des dépôts G
Climatologie Qualité de l’air et odeurs H
et air ambiant
Bruits/vibrations I
Faune terrestre, aquatique et avienne J
Biologie Flore terrestre et aquatique K
Écosystème L
Démographie/déplacement/migration M
Cadre socio- Coutumes/traductions N
économique Qualité de vie/santé/hygiène O
MILIEU HUMAIN

Activité économique P
Espace urbain et équipement Q
Espace agricole R
Utilisation Espace forestier S
du sol et paysage
Récréo-touristique/patrimoine T
Aire d’extraction et d’enfouissement U
Composition du champ visuel V

l’environnement, mais aussi entre les différentes composantes du projet et l’envi-


ronnement, ainsi qu’entre les différents effets et impacts (effets/impacts indirects, secon-
daires et cumulatifs). 217
De plus, la méthode en réseau constitue parfois une relative sophistication de la
méthode en matrice, afin de montrer les impacts secondaires et tertiaires. L’originalité
du réseau sur la matrice est qu’il présente les multiples enchaînements de relations
entre les activités et les différents éléments ainsi que les interactions entre ces derniers
et les divers impacts. Par contre, les approches en réseau demeurent trop souvent à
L’évaluation des impacts environnementaux

l’étape de la simple identification des interactions; elles offrent rarement une manière
d’évaluer l’importance de l’impact.
La figure 5.9 montre une représentation simple des résultats d’une telle approche
en réseau. Dans le cas présent, le schéma général présentant les résultats indique bien
l’enchevêtrement des diverses interactions présentes dans un écosystème pastoral. Cette
illustration permet de saisir facilement qu’un impact affectant les bourgeons de plante
aura de multiples incidences sur plusieurs éléments de l’environnement, donc de nom-
breux impacts secondaires. De plus, cette représentation démontre instantanément
la non-linéarité des enchaînements de cause à effet, donc la présence d’effets et d’im-
pacts indirects et cumulatifs.

Figure 5.9
Réseau représentant les interactions d’un écosystème pastoral

Bourgeons de Mouton
plante

Racines
Fumier

Résidus
végétaux
Invertébrés
détritivores

Litière
Limaces

Vers

Décomposeurs
218 (microbiens)

Sol

Source: Traduit et adapté de Wathern et coll., 1987, dans Wathern, 1992.


Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

La représentation en réseau s’avère souvent fort complexe et parfois même pra-


tiquement irréalisable, notamment dans le cas de projets impliquant un très grand
nombre de composantes. L’approche en réseau aspire à construire un modèle com-
plet visant à reproduire la complexité et la multiplicité des éléments impliqués dans
un écosystème donné. Compte tenu des exigences d’une telle reproduction, les
résultats ne représentent trop souvent qu’une simplification injustifiée de la réalité
(Sadar et coll., 1994). Toutefois, comme pour la modélisation, nos connaissances sou-
vent incomplètes des multiples interactions impliquées dans plusieurs écosystèmes
amenuisent les résultats attendus d’une telle méthode d’analyse. C’est sans doute pour
ces raisons que la méthode en réseau est peu employée, notamment dans le cas d’un
grand projet ou lorsque le projet implique des écosystèmes complexes.

Méthode de Sorensen
La plus réputée des méthodes en réseau est sans contredit celle qui fut préconisée par
Sorensen au début des années 1970. L’approche de Sorensen (1971) préconisait à l’ori-
gine l’identification de l’ensemble des impacts de projets d’aménagement, particu-
lièrement en zones côtières. La méthode fut mise au point dans une optique d’amé-
nagement du territoire et de préservation des ressources. Ultérieurement, la méthode
fut adaptée par Sorensen et Moss (1973) afin de convenir à d’autres applications, tout
en explicitant le type de données relatives aux impacts. La méthode développée par
Sorensen est en fait une approche intermédiaire entre la matrice et le réseau de type
«écologique». Certains auteurs classent d’ailleurs cette méthode parmi les matrices.
Selon nous, il est plus judicieux de la classer parmi les réseaux, car son objectif est
de mettre en évidence les nombreux enchaînements de cause à effet.
La méthode de Sorensen suppose l’utilisation de plusieurs matrices interreliées;
il s’agit en fait d’un réseau de matrices. Une première matrice relève les interactions
entre les actions du projet et les effets anticipés. La seconde représente les liens entre,
d’une part, les effets anticipés et, d’autre part, les conditions initiales du milieu. Enfin,
une dernière matrice présente les interactions entre les conditions initiales et les condi-
tions finales (impacts indirects). Cette matrice ultime décèle aussi les effets multiples
et les mesures correctives. Le tout est organisé de façon à présenter les «arborescences
causales», c’est-à-dire les enchaînements d’effets. Ces enchaînements sont habituel- 219
lement illustrés grâce à des «représentations arborescentes» (impact tree), comme dans
la méthode de Sorensen (Sorensen 1971; Sorensen et Moss, 1973) ou plus récemment
dans son adaptation par Rau (1980).
La méthode de Sorensen ressemble en pratique à une modélisation du milieu réel
qui tiendrait compte des effets dynamiques (temps). Elle est, par le fait même, l’une
L’évaluation des impacts environnementaux

des meilleures approches en ce qui concerne le relevé des impacts indirects et secon-
daires. De plus, elle tient compte des mesures possibles d’atténuation des impacts,
notamment en préconisant des mesures correctrices et des mécanismes de contrôle.
Elle était d’ailleurs la première à prendre en compte de manière aussi explicite ces
aspects importants de l’ÉIE. Le nombre d’éléments et d’interactions possibles limite
bien sûr l’application de la méthode de Sorensen à des projets sans trop d’envergure
ou ne présentant qu’un nombre limité d’impacts. Par ailleurs, lors d’examen de cas
relativement complexes, l’emploi de l’informatique pourrait favoriser l’utilisation de
la méthode.
Toutefois, l’approche de Sorensen ne permet pas une véritable évaluation de l’im-
portance des impacts, il s’agit avant tout d’une analyse indicative des interactions entraî-
nant ces impacts. Les impacts directs et indirects sont habituellement bien soulignés,
mais la portée et la gravité des conséquences sur l’environnement de ces impacts nous
sont généralement inconnues. De plus, la représentation finale s’avère assez complexe
à comprendre pour les non-initiés, en particulier pour les non-biologistes, peu
familiers avec l’emploi de réseau. Enfin, elle est limitée par l’insuffisance des données
concernant la dynamique de la plupart des écosystèmes et plus précisément en ce qui
concerne les caractéristiques précises du milieu local d’insertion. Voilà qui affecte bien
sûr la plupart des autres méthodes, mais, compte tenu de la nature propre de l’ap-
proche en réseau, cette insuffisance entraîne des conséquences plus importantes
qu’ailleurs sur les résultats anticipés.

Évolution de l’approche en réseau


L’approche de Sorensen fut modifiée et améliorée à la fin des années 1970 afin de per-
mettre l’évaluation quantitative des impacts. En effet, Rau (1980) suggéra l’emploi
d’un «indice global» d’évaluation obtenu grâce à une cotation prenant en compte
l’ampleur et l’importance des impacts. Cette cotation est attribuée à la suite d’une
évaluation des impacts et elle s’accompagne d’une estimation de la probabilité de leur
occurrence. La méthode ainsi obtenue permet alors l’évaluation des impacts et non
plus seulement leur identification. La figure 5.10 montre de manière détaillée cette
représentation par Rau du modèle en réseau proposé par Sorensen. Elle montre les
220 différents paramètres employés par Rau dans son adaptation de l’approche en
réseau.
La cotation de l’indice global élaboré par Rau à partir des indices (index) arbo-
rescents de la méthode de Sorensen est présentée à la figure 5.11. Il s’agit des diffé-
rents «indices arborescents» (branch indexes) et de l’«indice général» (grand index).
La quantification de la magnitude et de l’ampleur de chacun des impacts notés y est
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.10
Représentation du réseau de Sorensen selon Rau
Major land use type: residential
Uses
High-density
apartments

Play areas Possible adverse Corrective Control


impacts actions mechanisms
Parking areas
Initial Consequent
conditions conditions Effects
Casual factors
Sewage system

Tree removal

Place
Excavation

Increased intermittent
Hard top

Flooding Gullying &


surface flower
(H) erosion (k)
runoff (E) beds

(A) (B) (C) (D) Pollution of Degradation Health Building


ground of water hazard code
water (F) supply (I) (L)

Removal of Decreased Death Plant


topsoil fertility of flora shrubs
(G) (J) (M)

(a)

Actions Impacts Branches


(A) (F) (I) (L) 1

(B) (E) (H) (K) 2

(C)

(D) (G) (J) (M) 2

(b)

*Les lettres entre parenthèses de la partie (b) correspondent aux éléments de la partie (a)

Source: Adapté de Rau, 1980, dans Westman, 1985.

bien exprimée, ainsi que la probabilité d’occurrence de l’impact. Les calculs de la cota-
tion ainsi que de l’indice général pour chacun des indices arborescents y sont clai-
rement indiqués.
La cotation des impacts se répartit sur une échelle d’importance et d’ampleur
221
variant de 1 à 10. La représentation arborescente des impacts est reprise dans un «indice
arborescent » (branch indexes) qui permet en outre une cotation des différents
impacts et ensuite la réalisation d’un «indice général» (grand index). Ce dernier pré-
sente les trois paramètres d’évaluation proposés par l’auteur.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.11
Méthode de calcul des index selon Rau (Brand and Grand Index)
Index de l’impact environnemental
Évaluation de l’impact
Impacts (intervalle de 1 à 10)
Magnitude Importance Probabilité d’occurrence

E 5 3 B E (0,8); D E (0,7)
F 2 5 A F (0,5)
G 3 4 C G (0,3); D G (0,4)
H 4 5 E H (0,7)
I 2 9 F I (0,6)
J 2 5 G J (0,8)
K 3 7 H K (0,7)
L 2 10 I L (0,9)
M 1 6 J M (0,8)

Grand index du réseau


Branche 1 (2) (5) (0,5) + (2) (9) (0,6) + (2) (10) (0,9) = 33,8
Branche 2 (5) (3) (0,8) + (5) (3) (0,7) + (4) (5) (0,7) + (3) (7) (0,7) = 51,2
Branche 3 (3) (4) (0,3) + (3) (4) (0,4) + (2) (5) (0,8) + (1) (6) (0,8) = 21,1

Total du Grand index du réseau 33,8 + 51,2 + 21,2 = 106,2

Source: Adapté et traduit de Rau, 1980, dans Westman, 1985.

Une autre méthode en réseau est celle dénommée «approche en diagramme»


(system diagrams). Elle fut initialement présentée par Odum (1971), puis reprise ensuite
et complétée par Odum et Odum (1976). L’approche en diagramme d’Odum s’ap-
parente à celle du réseau de Sorensen. Elle s’inscrit toutefois dans la poursuite des
travaux d’Odum sur les flux de matière et d’énergie dans les écosystèmes. En éva-
luation d’impacts, il s’agit de représenter les diverses interactions entre les activités
du projet et l’environnement sous la forme de diagrammes d’interactions, comme
on le faisait pour les flux de matière et d’énergie (Odum, 1972). La présentation des
divers liens entre les éléments du projet et ceux de l’environnement est claire; l’uti-
lisation d’une symbolique particulière facilite la représentation et ensuite la com-
222 préhension.
À partir de la symbolique et de la démarche en diagramme d’Odum, divers auteurs
examinèrent de façon détaillée certains projets importants de développement. C’est
ainsi que Gilliland et Risser (1977) utilisèrent l’approche en diagramme dans
l’examen de l’impact de la construction d’une base de missiles au Nouveau-Mexique.
Plus récemment, Bisset (1992) présentait une section de l’étude exposant de manière
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

simplifiée une partie seulement du diagramme des interactions utilisant la symbo-


lique développée par Odum. Ces études montrent clairement les limites de représentation
de cette méthode, plus particulièrement l’enchevêtrement souvent confus des inter-
actions entre les divers éléments impliqués ainsi que la compréhension parfois res-
treinte par l’utilisation d’une symbolique étrange.

Emploi de modèles et modélisation


L’emploi de modèles et la modélisation recouvrent l’ensemble des techniques faisant
appel à des modèles plus ou moins complexes, et ce, avec ou sans l’aide d’ordinateurs.
Dans son sens le plus restrictif, un modèle peut être un simple schéma représentant
les composantes ou le processus d’un système donné. De manière un peu plus exhaus-
tive, on peut penser à tout modèle simulant un phénomène naturel ou une activité
humaine quelconque. La modélisation est bien entendu la démarche d’élaboration com-
plète d’un modèle. Nous regroupons aussi sous le titre de modèles et modélisation l’in-
formatisation de listes de contrôle, de matrices et de certaines autres méthodes
d’identification et d’évaluation d’impacts. Bien entendu, nous incluons aussi toutes
les approches qui emploient les diverses techniques de modélisation en laboratoire (modé-
lisation de bassin hydrique, simulation de diffusion de panaches de fumée, dispersion
du bruit dans l’espace, etc.). Quoique fort utiles dans leur discipline d’origine, la plu-
part des utilisations en modélisation sont plutôt du domaine des études disciplinaires
employées pour la prédiction de certains impacts et, de ce fait, ne représente pas des
méthodes réellement spécifiques à l’ÉIE. Nous ne les examinerons donc pas en détail
ici. Elles font cependant l’objet de nombreux livres de base en ÉIE (Canter, 1977 et
1996; Jain et coll., 1993; Rau et Wooten, 1980; Westman, 1985).
L’utilisation d’ordinateurs dans le cas de matrices et de réseaux complexes pose
souvent des problèmes concrets très importants, mais permet cependant de multiples
combinaisons des données. L’emploi de modèles simulant les modifications de l’envi-
ronnement présente, quant à lui, de lourds handicaps en ÉIE, particulièrement la masse
imposante de données nécessaires à la modélisation d’un milieu concret complexe ou
de grande dimension. Ce handicap est réduit lorsqu’il s’agit d’analyses répétitives ou
de projets redondants ne nécessitant que de faibles modifications des données initiales.
Par ailleurs, il est presque toujours impossible d’inclure dans les modèles disponibles 223
tous les paramètres impliqués par l’examen d’un projet, notamment parce que la connais-
sance intime et complète de plusieurs des éléments de l’environnement nous échappe.
Il existe plusieurs catégories de modèles, selon la formalisation plus ou moins
poussée de la représentation symbolique d’un phénomène ou d’un système réel. Parmi
les principales catégories de modèles, mentionnons (Pavé, 1994):
L’évaluation des impacts environnementaux

• les modèles mathématiques;


• les modèles logiques;
• les modèles de simulation;
• les modèles géométriques;
• les modèles de structures de données;
• les modèles d’intelligence artificielle.
En ÉIE, la modélisation est généralement utilisée afin de fournir des informa-
tions sur une partie des paramètres impliqués par un projet. La modélisation vise à
intégrer le plus d’éléments possible afin d’obtenir une représentation du fonction-
nement global du système. Bien entendu, ces éléments de l’environnement doivent
préférablement être quantifiables. Les résultats sont ensuite intégrés à l’étude com-
plète, elle-même examinée sous la coupe d’autres méthodes.
Parmi les mieux connus des grands modèles prédictifs, on retrouve bien sûr celui
employé par le Club de Rome au début des années 1970, concernant l’épuisement des
ressources par rapport à la croissance de la population. Ces types de modèles sont géné-
ralement lourds et coûteux, donc ne sont pas toujours très abordables pour des pro-
jets d’ÉIE. De plus, ils sont bien peu compréhensibles et accessibles à la population.
Le schéma simplifié de la figure 5.12 montre les principales étapes de la modé-
lisation mathématique d’un système biologique (Pavé, 1994). Les possibilités de retour
sur des étapes antérieures sont toujours existantes; il s’agit donc d’une démarche ité-
rative. De la délimitation des objectifs et de l’objet d’étude à l’utilisation éventuelle
du modèle, plusieurs étapes de réalisation jalonnent l’élaboration de la modélisation
du système biologique en cause.
Plusieurs des modèles employés en évaluation d’impacts sont des modèles
mathématiques. Ces modèles, reposant sur une relation de cause à effet, permettent
de simuler la dynamique d’un système et de pouvoir simuler différentes stratégies (De
Broissia, 1987). Parmi les modèles les plus souvent employés en ÉIE, notons:
• les modèles de dispersion atmosphérique;
224 • la modélisation hydrologique et hydrodynamique;
• les modèles unidimensionnels, bidimensionnels ou tridimensionnels sur la qua-
lité de l’eau (souterraine ou de surface);
• les modèles d’érosion et de sédimentation;
• la modélisation des nappes d’hydrocarbures et de gaz naturel;
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

• les modèles d’analyse du risque;


• les modèles biologiques.

Figure 5.12
Schéma des différentes étapes d’une modélisation mathématique

Objectifs de
Objet d’étude
modélisation

Interprétation
Analyse/hypothèses
d’un système/objet

Liste des
variables

Formalisation

Traduction Schéma fonctionnel


Modèle mathématique

Expérimentation
Qualitative Quantitative
des données

Validation

Utilisation

Source: Adapté de Pavé, 1994.

À l’heure actuelle, la modélisation jouit néanmoins d’une grande faveur auprès


des décideurs dans plusieurs pays, dont le Canada, et ce, indépendamment des
indispensables moyens à mettre en œuvre et des ressources de moins en moins grandes.
Les modèles utilisés en évaluation, sauf en ce qui concerne les modèles de change- 225
ment climatique, rarement exploités en ÉIE, sont rarement employés pour des sys-
tèmes complexes et globaux. Le domaine d’expertise des modèles se limite le plus sou-
vent à des caractéristiques spécifiques à un ou à quelques éléments seulement de
l’environnement. Tel est le cas notamment des modèles de simulation de l’écoule-
ment de l’eau d’un bassin versant afin de mesurer les risques d’inondation.
L’évaluation des impacts environnementaux

REPRÉSENTATION SPATIALE ET CARTOGRAPHIQUE


Comme son titre l’indique, cet axe d’étude vise avant tout les aspects spatiaux de
l’examen. L’approche spatiale et cartographique peut servir autant à la présentation
qu’à l’analyse des résultats. Cet axe d’étude regroupe différentes approches de repré-
sentation visuelle des multiples paramètres à prendre en compte dans l’ÉIE. Jusqu’à
tout récemment, toutefois, il impliquait la représentation quasi exclusive des éléments
du milieu. Par ailleurs, il est évident que dans toute étude, des aspects cartographiques
et visuels sont présents, ne serait-ce que pour la localisation générale du site ou du
tracé des infrastructures, par exemple.
Les diverses méthodes et outils regroupés sous l’axe de la représentation spatiale
et cartographique sont:
• la superposition cartographique ;
• l’emploi de photos, de vidéos et d’illustrations;
• les systèmes d’information géographique (SIG).
Ces approches sont avant tout orientées vers l’aspect spatial de l’examen et consé-
quemment l’objectif ultime est de fournir la meilleure représentation visuelle pos-
sible. La démarche d’analyse vise à fournir une localisation claire et précise des para-
mètres d’étude. Par contre, la démarche ne comprend généralement qu’une évaluation
rudimentaire ou fort simplifiée des impacts eux-mêmes. Ces méthodes peuvent servir
à des fins générales d’examen du projet, mais comme dans le cas particulier de la pho-
tographie, par exemple, il s’agit souvent de fins spécifiques ou complémentaires à l’em-
ploi d’autres méthodes d’ÉIE.
Ces méthodes sont employées depuis longtemps et elles sont grandement utili-
sées dans les projets montrant une dimension spatiale importante, notamment les
projets de type linéaire, comme les autoroutes et les réseaux d’énergie. La prise en
compte des aspects temporels n’est pas explicitement incluse, mais elle peut être réa-
lisable assez simplement par des représentations successives de l’état de la situation.
Les aspects cumulatifs font difficilement partie de la logique et du raisonnement de
la démarche d’étude, sauf en ce qui concerne la superposition cartographique.
226
Les moyens mis en œuvre sont relativement simples et faciles d’accès lorsqu’il
s’agit de méthodes manuelles, mais ils peuvent devenir parfois très complexes et oné-
reux dans le cas des méthodes informatisées, quoique ces dernières tendent à devenir
plus abordables à tous les points de vue grâce à une plus grande utilisation.
Conséquemment, la rapidité d’exécution, la facilité ou la lourdeur de la démarche
ainsi que les coûts et les dépenses sont très variables, selon la méthode choisie.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

La présentation et la manipulation ultérieure des résultats ne sont pas très com-


plexes et ces derniers sont reproductibles assez facilement, compte tenu des paramètres
en cause. L’aide à la prise de décision n’est pas nécessairement plus facile ni mieux
réussie qu’avec les méthodes précédentes, mais la démarche permet une illustration
familière et indispensable de plusieurs des paramètres importants de l’ÉIE.
En parallèle aux études cartographiques, de nouvelles approches visuelles issues
des domaines de l’aménagement prennent de plus en plus de place dans la présen-
tation de certains impacts à forte connotation spatiale et visuelle. Les aspects esthé-
tiques et structuraux des paysages, ainsi que certains éléments visuels de l’environ-
nement, attirent l’attention. C’est ainsi qu’apparaissent des guides méthodologiques
d’analyse du paysage (Pelletier, 1981) et des ouvrages de conceptualisation et de repré-
sentation des paysages et des espaces (De Girardin, 1979). Au Québec, une partie des
recherches faites en ce sens l’ont été pour l’entreprise Hydro-Québec, ainsi que pour
le ministère des Transports, deux organisations aux nombreux projets linéaires. Le
ministère des Transports a mis en place une méthode d’analyse visuelle pour l’inté-
gration des infrastructures de transport dès le milieu des années 1980 (Ministère des
Transports, 1986). De son côté, Hydro-Québec élaborait une méthodologie complète
d’analyse du paysage et des aspects visuels de l’ÉIE au début de la décennie suivante
(Hydro-Québec, 1989 et 1993b). L’architecture de paysage participe aussi à l’élabo-
ration des études visuelles, notamment du point de vue de la conceptualisation et de
l’évaluation des expériences en ce domaine (Poullaouec-Gonidec et coll., 1991).

Superposition cartographique
La méthode de la «superposition cartographique», nommée parfois «superposition
géographique» et overlays en anglais, vise une représentation synthèse de l’impact envi-
ronnemental d’activités à forte connotation spatiale. La base de cette méthode est la
représentation cartographique des paramètres impliqués dans l’ÉIE. Les paramètres
d’étude (composantes du projet, éléments de l’environnement et impacts environne-
mentaux) sont transposés sur un support cartographique selon leur référence spatiale.
Conséquemment, les paramètres sans référence spatiale précise ne peuvent que très
difficilement être indiqués et traités à l’aide de cette seule méthode. L’approche de la
superposition cartographique est issue de techniques et de manipulations utilisées depuis 227
longtemps en aménagement et en planification du territoire. La méthode fut intro-
duite en évaluation environnementale par McHarg dès la fin des années 1960.
L’approche de la superposition cartographique constitue la base de plusieurs démarches
méthodologiques employées en évaluation des impacts environnementaux.
L’évaluation des impacts environnementaux

La superposition cartographique se veut avant tout une méthode d’identifica-


tion. L’évaluation des impacts est toutefois possible, mais souvent de façon sommaire.
La mesure de l’impact est rarement employée par cette méthode; d’ailleurs la déter-
mination des paramètres concerne rarement l’impact lui-même. Généralement, la
méthode vise plutôt le relevé d’une composante du projet, d’un élément environne-
mental, d’une contrainte à éviter ou au contraire d’une potentialité à prendre en compte
dans l’élaboration du projet. Le principe de la superposition repose sur le regroupement
par thèmes des paramètres. Chacune des thématiques est illustrée sur un transparent,
puis successivement superposée sur les autres.
La représentation simplifiée à la figure 5.13 montre la manière dont les diverses
informations thématiques peuvent être incorporées, c’est-à-dire superposées sur une
même trame spatiale. La présentation de l’information peut aussi s’effectuer à partir
de la simple superposition des informations thématiques sur une trame de référence.
Différents thèmes (géologie, végétation, démographie ou agriculture) peuvent suc-
cessivement être superposés sur une même trame de référence afin d’obtenir un résultat
cumulatif. Dans le cas présent il s’agit d’une «carte des potentialités» (possibilités
offertes). Le résultat final classique de la superposition cartographique à l’aide de sup-
ports transparents représente une carte composite comprenant les différentes cartes
thématiques.
Figure 5.13 Récemment, la modéli-
Démarche type de la méthode sation sur ordinateur a
de la superposition cartographique permis le transfert de cette
méthode manuelle vers le
Carte composite traitement informatique. Les
Cours d’eau
systèmes d’information géo-
graphique (SIG) devenaient
Relief
alors un outil important pour
Urbanisation
l’évaluation des impacts envi-
Cultures
ronnementaux. Comme
nous le verrons dans la suite
de cette section, les SIG repré-
228 sentent en fait une évolution
de la superposition cartographique traditionnelle par l’automatisation et l’amélio-
ration des performances de traitement et d’analyse des données de base.
Le principal avantage de la superposition cartographique est la vision globale qu’elle
propose, notamment pour la comparaison de corridors ou de tracés. L’approche car-
tographique offre aussi une représentation simple et facilement accessible des résultats
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

de l’étude. En outre, elle peut aussi permettre la visualisation de plusieurs paramètres


obscurs difficilement observables par d’autres méthodes, comme l’incompatibilité d’oc-
cupation du territoire entre des composantes du projet et des éléments de l’environne-
ment. Ces simples raisons militent fortement en faveur de sa très large utilisation
depuis plus de 25 ans en ÉIE.
Par contre, cette méthode est limitée par les possibilités de pouvoir représenter
convenablement les nombreux éléments, impacts et contraintes environnementales
(éléments faisant obstacle) impliqués dans les projets complexes. De plus, certains
de ces paramètres ne sont pas spatialement représentables (cartographiables). En effet,
les activités du projet et les éléments de l’environnement, ainsi que les impacts envi-
ronnementaux, doivent pouvoir être plus ou moins délimités sur un espace déter-
miné. Les études réalisées à partir de cette unique méthode de superposition carto-
graphique ne peuvent généralement être qu’incomplètes. L’examen complet ne
devrait donc s’effectuer qu’avec l’appui complémentaire d’une ou de plusieurs autres
méthodes d’étude.

Superposition de McHarg
Le professeur McHarg, de l’Université de Pennsylvanie, présenta dès 1968 la méthode
de la superposition cartographique afin d’évaluer les impacts environnementaux de
projets routiers (McHarg, 1968 et 1969). Ces projets impliquaient une répartition spa-
tiale importante des composantes et des activités nécessaires à leur réalisation.
Provenant de l’architecture du paysage et de la planification urbaine, ces techniques
simples devinrent rapidement un outil important de «planification écologique» et
elles influencèrent profondément la méthodologie de l’ÉIE.
L’approche développée par McHarg dans l’ouvrage Design with Nature (McHarg,
1969 et 1992) est l’une des plus employées pour la planification environnementale
et elle est très souvent utilisée en évaluation des impacts environnementaux. Ses prin-
cipaux avantages sont sa simplicité ainsi que les possibilités d’économie de temps et
de moyens. De plus, elle convient bien aux nombreux projets d’aménagement de type
linéaire, une catégorie importante de projets assujettis à l’ÉIE.
La méthode consiste à indiquer sur divers supports transparents (acétates) les infor- 229
mations relatives à certaines contraintes (de sources naturelles ou anthropiques) et
les composantes environnementales pour un espace donné (une entité géogra-
phique). La superposition de plusieurs transparents, chacun composé d’une théma-
tique précise (social, tourisme, milieu naturel, etc.), permet d’envisager la variété des
éléments qu’il est possible de prendre en compte. Conséquemment, l’intégration ou,
L’évaluation des impacts environnementaux

au contraire, l’inadéquation des composantes du projet dans le milieu permet d’ap-


préhender d’emblée l’impact global sur l’environnement. Les incompatibilités d’uti-
lisation du territoire ressortent ainsi plus nettement. La superposition cartographique
favorise donc l’analyse et la comparaison de solutions de rechange et de variantes d’amé-
nagement.
Les six schémas de la figure 5.14 montrent différentes cartes thématiques, pour
l’étude d’un projet d’aménagement d’une ligne de transport d’électricité, employées
comme le faisait McHarg.
Figure 5.14
Les cinq premières cartes thé-
Exemple de superposition cartographique matiques sont superposées
à la McHarg
sur une dernière carte syn-
thèse (d’autres pourraient
aussi s’y ajouter) afin d’ob-
tenir une carte composite
reflétant le recoupement des
paramètres pris en compte
dans l’étude. Les zones les
plus favorables pour l’im-
plantation des composantes
a) Carte de base à trame spatiale b) Régions montagneuses du projet (infrastructures
projetées) sont celles encore
«disponibles» ou faiblement
occupées par des éléments
du milieu. Certains para-
mètres se recoupent (se
superposent) sur une même
portion de territoire, d’autres
pas.
c) Zones récréatives d) Zones d’agriculture intensive

Dans le cas d’entité géo-


graphique importante, la
zone est subdivisée en unités
230 plus commodes à traiter.
Chaque carte thématique
réunit les renseignements sur
un ou plusieurs paramètres
environnementaux similaires.
e) Infrastructures projetées f) Carte synthèse du tracé
McHarg faisait figurer de
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

onze à seize caractéristiques de l’environnement et d’utilisation du sol sur différentes


cartes thématiques. Le nombre de cartes n’est limité que par la lisibilité de l’ensemble
lors de la superposition finale. L’utilisation ultérieure de l’ordinateur permit une plus
grande souplesse et un plus grand nombre de superpositions possibles. La lisibilité
et la clarté de la représentation finale demeurent toutefois l’ultime limite.
Pour les impacts à simple référence spatiale, la surface de zones fortement acci-
dentées, par exemple, l’importance de l’impact est relativement facile à estimer. Toutefois,
pour les autres impacts l’estimation devra reposer sur des critères subjectifs ou approxi-
matifs ainsi que, bien entendu, sur l’utilisation des résultats d’autres méthodes, notam-
ment en ce qui concerne les impacts indirects et secondaires ainsi que ceux sans réfé-
rence spatiale.
L’agrégation des impacts se réalise par simple superposition des cartes. La pon-
dération (les niveaux de compatibilité) d’une telle méthode repose sur l’utilisation
de cotes de pondération de l’importance relative ou sur l’emploi de seuils. Ces seuils
peuvent s’établir par rapport à une situation d’impact minimal ou en comparaison
à un impact jugé inacceptable. Il s’agit d’une pondération interne à chaque paramètre
(3 niveaux) mais nullement entre les différents paramètres.
La superposition de McHarg, en déterminant clairement les critères d’aptitude
d’une entité géographique, représente surtout un outil d’aménagement. En ce sens,
la superposition cartographique permet la mise en évidence de la compatibilité des
diverses options avec le milieu d’insertion. La méthode de la superposition carto-
graphique permet une présentation claire de résultats détaillés aussi bien que la syn-
thèse de ceux-ci. Cependant, la méthode de McHarg ne permet pas de relever ni sur-
tout d’évaluer clairement tous les types d’impacts. Elle ne permet pas non plus de
déterminer les interactions existantes; l’analyse thématique n’offre pas une telle inté-
gration. De plus, la pondération n’est pas vraiment explicite; en fait il n’y a aucune
pondération entre les différents paramètres, tous étant considérés comme égaux, ce
qui représente en fait la plus élémentaire des pondérations. La participation du public
n’est pas toujours aisée, surtout si les techniques employées sont peu ou pas claire-
ment expliquées. En fait, cette méthode est avant tout une méthode d’identification
d’un certain nombre d’impacts, uniquement ceux cartographiables, et, dans une plus
231
faible mesure, d’évaluation des contraintes, des potentialités et des sensibilités de l’en-
vironnement. Sans méthode complémentaire, elle ne saurait être elle non plus une
méthode complète d’évaluation de l’importance des impacts environnementaux.
L’évaluation des impacts environnementaux

La superposition cartographique depuis McHarg


La méthode de superposition cartographique développée par Krauskopf et Bunde (1972)
utilisait la méthode de McHarg mais à l’aide d’ordinateurs. Les éléments cartographiques
sont représentés sur des grilles de référence (cellule de 1 km2), puis ils sont superposés;
il s’agit d’une technique similaire à celle généralement employée avec les SIG. La méthode
est surtout adaptée au projet d’aménagement routier. L’évaluation des impacts uti-
lise une pondération qui facilite le choix entre les divers tracés possibles.
Les travaux de McHarg furent popularisés et poursuivis par plusieurs, notam-
ment en France par Falque (1972). Ce dernier a affiné l’analyse, notamment la méthode
d’agrégation (regroupement) des critères dits d’«aptitudes du milieu», afin d’en dresser
des cartes thématiques. L’auteur utilise aussi une matrice technique des facteurs éco-
logiques qui ne sont pas de nature spatiale afin de pouvoir ensuite les traduire de manière
cartographique (Falque, 1972 et Falque et coll., 1973). L’objectif poursuivi vise à dis-
socier et à mettre en valeur les aptitudes du milieu, mais aussi les considérations éco-
nomiques essentielles à la prise de décision.
Une approche apparentée à la superposition cartographique et très similaire à
la méthode de Falque est celle dite des «cartes de contraintes/potentialités». Les tra-
vaux de Tricart (1973) et de Tricart et Killian (1979) sur l’écogéographie proposaient
l’emploi de telles cartes de contraintes. Pour eux, il s’agit de cartographier scrupu-
leusement les éléments naturels pouvant limiter certains usages. La superposition des
cinq cartes de la figure précédente en une carte synthèse représente une telle carte
des «contraintes ou des potentialités». Cette technique de cartes de contraintes/poten-
tialités préfigure directement les techniques de maillage (trame de référence)
employées actuellement pour l’utilisation d’un SIG.
Cette approche de cartes de contraintes/potentialités fut aussi développée en France
sous l’appellation de « planification écologique » par Tarlet (1977 et 1985) et adaptée
depuis par plusieurs dans divers pays. La planification ou « cartographie écolo-
gique » est une approche ayant grandement inspiré les méthodes de planification éco-
logique employées dernièrement pour certains systèmes d’information géogra-
phique. Cette méthode fut largement utilisée au Canada pour la réalisation d’inventaire
232 durant les années 1970-1980 et notamment par l’écologiste québécois Michel Jurdant
sous l’appellation d’«inventaire du capital-nature» (Jurdant et coll., 1972 et Jurdant,
1977).
Récemment, une approche inspirée de la planification écologique vient d’être
promue comme outil principal de prise de décision en aménagement du territoire
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

au Québec. Il s’agit du «cadre écologique de référence». En plus d’une cartographie


complète de l’organisation du territoire, grâce à plusieurs niveaux de perception (dif-
férentes échelles du global au local et regroupement des informations), une typologie
des principaux facteurs écologiques complète les interprétations de la capacité de sup-
port, les potentiels de production et les risques de dégradation du milieu (MEF et
MAM, 1997).
Au Québec, l’entreprise Hydro-Québec (1990 et 1994) utilise abondamment l’ap-
proche de la superposition cartographique pour ses études sur les lignes de transport
d’électricité. Le résultat d’une telle démarche est la production de «cartes de sensi-
bilité » des milieux concernés. L’approche analytique des nombreux projets de l’en-
treprise est supportée en grande partie par la superposition cartographique selon
l’examen successif des corridors et des tracés. La démarche méthodologique et la
méthode cartographique employées par Hydro-Québec sont souvent reprises par de
nombreuses firmes de consultation en ÉIE. Plusieurs de ces démarches se dirigent
vers une automatisation des opérations manuelles de cartographie grâce à l’utilisa-
tion de plus en plus fréquente des systèmes d’information géographique, de l’ima-
gerie par satellite et de la cartographie numérique.

L’emploi de photos, de vidéos et d’illustrations


Pour répondre à des besoins spécifiques en ÉIE, certains outils et techniques ordi-
nairement utilisés dans d’autres domaines sont fréquemment employés en complé-
ment aux méthodes habituelles d’examen. Ainsi, la photographie est utilisée comme
simple complément dans la plupart des études. Son usage pourrait cependant être
rehaussé au titre de quasi-méthode dans certains cas bien précis. Nous avons récem-
ment montré que l’emploi de la photographie pour des expéditions de terrain de courte
durée peut suppléer aux limites habituelles des méthodes de caractérisation du
milieu en plus de servir à la présentation des résultats (Leduc, 1997). À cause des res-
trictions de temps, de financement et d’information concernant certains milieux, l’em-
ploi de la photographie dans de telles circonstances prend une dimension beaucoup
plus substantielle que celle d’un élémentaire outil de présentation de certains éléments
du projet, comme c’est habituellement le cas.
Bien entendu, l’emploi de photographies, d’images vidéo ou de tout autre sup-
233
port visuel, le dessin, par exemple, permet une représentation claire et précise de la
caractérisation du milieu; ils sont largement employés en ce sens, d’ailleurs. De plus,
de simples opérations sur ces différents supports visuels peuvent améliorer la pré-
sentation des impacts ou des composantes du projet. C’est le cas de la superposition
L’évaluation des impacts environnementaux

photographique, ou plus justement de la manipulation photographique, une tech-


nique un peu hybride entre la modélisation classique et la superposition cartogra-
phique. Les retouches effectuées sur une photographie représentent souvent l’ajout
d’une ou de plusieurs des composantes du projet futur sur la représentation du site
actuel.
Les deux photographies présentées à la figure 5.15 donnent un aperçu des résul-
tats d’une superposition photographique élémentaire. Ainsi, les composantes du pont
projeté sont reportées sur la photographie initiale du site, soit tel qu’il est avant la
mise en place du projet. Cette simple manipulation permet de pouvoir mieux
estimer l’impact visuel d’une telle composante dans son milieu d’insertion. Une série
de photos similaires pourrait aisément fournir une appréciation complète de l’im-
pact visuel du projet sous tous ses angles. Plusieurs photographies prises de différents
points de vue peuvent ainsi être utilisées afin de représenter les composantes du projet
sous plusieurs angles d’observation. De plus, une telle opération permet de mieux
faire connaître les composantes d’un projet et conséquemment d’en appréhender les
conséquences.
La figure 5.16, pour sa part, montre un exemple simple de superposition dans
le cas du tracé probable de l’emprise d’une conduite souterraine d’eau potable. Le
même principe pourrait être employé avec une série de photographies représentant
l’ensemble du milieu traversé par les infrastructures prévues. Les divers éléments de
l’environnement qui seront éventuellement touchés par la mise en place du projet
peuvent ainsi être clairement déterminés. L’emploi de telles photographies représente
un excellent outil de présentation de plusieurs éléments de l’ÉIE pour le public et pour
les décideurs.
Il est également possible de faire un montage panoramique en juxtaposant plu-
sieurs photographies les unes à côté des autres. L’ensemble des installations ou des
tracés peut alors être reporté sur ces photographies afin qu’on obtienne une vision
globale du projet et des éléments de l’environnement qui seront touchés.
La superposition photographique peut également être effectuée sur un support
vidéo. De la même façon que pour les photographies, les composantes du projet sont
234 ajoutées sur le film vidéo. Le dessin peut aussi servir à la représentation du site actuel
ainsi que des installations prévues dans le projet. Il s’agit alors de dessiner les com-
posantes du projet prévu sur une illustration préalable du site actuel.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.15
Superposition photographique

235

L’emploi de la superposition photographique pour la présentation publique de l’étude est fortement


recommandé, comme sur cette illustration de superposition d’un pont (Rivière des Prairies à Montréal).
Source: Montage photo de Interzone photographie.
L’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.16
Superposition du tracé probable de l’emprise
d’une conduite souterraine d’eau potable

Juxtaposition du tracé d’une conduite souterraine d’adduction d’eau potable sur support photographique
(Meknès au Maroc).

L’aide indispensable de l’objectif


En 1995, à Cuenca en Équateur, lors d’un projet pilote d’examen préliminaire à la construc-
tion d’une route dans les Andes, nous avons employé abondamment la photographie
afin de caractériser le milieu et d’examiner les avantages et les contraintes de diverses
variantes au tracé routier.
L’emploi de l’objectif photographique a ainsi permis une meilleure appréciation du projet,
compte tenu du temps et des ressources très limités, mais aussi de l’accès difficile de plu-
sieurs parties importantes du territoire de la zone d’étude. L’observation ultérieure des
photographies a permis de compléter la collecte des données et la connaissance du milieu.
Cet outil particulier et fort utile de l’ÉIE, que nous avions employé auparavant dans
des circonstances similaires (Leduc et Raymond, 1996; Leduc, 1997), peut servir autant
236 à la présentation des résultats qu’à l’analyse des éléments du milieu et des diverses variantes
proposées.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Dans un contexte d’étude limité en moyens et en ressources ainsi que par les infor-
mations disponibles, l’emploi d’outils tels que la photographie est grandement profitable
à l’équipe d’évaluation. Ainsi, l’emploi de la photographie permet de bonifier l’étude
en cours sans pour autant représenter une lourde charge de travail ni des efforts dis-
pendieux. Les résultats d’une telle opération peuvent servir non seulement comme
outil essentiel de présentation de l’examen mais aussi en tant qu’instruments d’ana-
lyse et de collecte d’informations. De plus, ces outils simples facilitent grandement
l’information et la participation de la population au processus d’examen d’un projet.
Afin de compléter ensuite les informations souvent sommaires recueillies sur le ter-
rain, une simple prise de multiples photos, avec annotations sur une carte thématique,
pourrait enrichir grandement la collecte de données. L’interprétation ultérieure de ces
photos apporte plus de précisions et d’informations que ne le permettent bien souvent
de courtes expéditions sur le terrain. En plus, l’exhibition ultérieure de ces photos constitue
une manière commode de présenter une grande partie des résultats de l’étude. L’emploi
de la photographie sur l’ensemble d’un tracé, par exemple, permet de réaliser une séquence
presque complète du territoire couvert par les composantes d’un projet. Plusieurs séries
de photos panoramiques juxtaposées les unes aux autres permettraient d’enrichir de nou-
veau l’information recueillie, particulièrement pour les portions de territoire faiblement
connues au préalable ou trop rapidement parcourues au cours de la visite de terrain, voire
inaccessibles autrement, comme sur la représentation de la planche couleurs 1.

L’étude visuelle du paysage


L’étude visuelle du paysage est l’une des approches de l’axe de représentation spatiale
et cartographique parmi les plus globales. Cette méthode particulière de représentation
utilise en fait l’ensemble des autres techniques et outils de l’axe visuel (la photographie
et la cartographie, mais aussi de plus en plus les outils de modélisation informatique,
comme le font les systèmes d’information géographique). Les derniers développements
des moyens employés en ce sens, notamment dans les disciplines reliées à l’aménage-
ment du territoire et à l’urbanisme, semblent d’ailleurs s’effectuer en ce sens (Poullaouec-
Gonidec, 1999).
Pour des projets s’étalant sur de grandes portions de territoire, les infrastructures de réseau
de transport, par exemple, l’évaluation des impacts esthétiques des composantes du projet
peut tout particulièrement être effectuée grâce à cette méthode d’étude du paysage (Hydro- 237
Québec, 1993b).
La conceptualisation et l’utilisation des études visuelles employées en évaluation envi-
ronnementale jusqu’ici ne présentent pas toujours toute la rigueur et les résultats
attendus d’une telle approche, mais le potentiel d’évaluation d’un tel outil en ÉIE reste
encore à exploiter (Poullaouec-Gonidec et coll., 1991).
L’évaluation des impacts environnementaux

Depuis peu, cette approche est souvent incluse dans la modélisation assistée par
ordinateur ; la reproduction (modèle) du site sert de fond visuel sur lequel on
viendra ajouter les éléments composant le projet futur. Grâce aux ordinateurs, les pos-
sibilités de modification des composantes et la variation de point de vue (point d’ob-
servation) deviennent désormais relativement simples et rapides. Plusieurs des plus
récents systèmes d’information géographique permettent cette utilisation très poly-
valente concernant les aspects visuels de l’évaluation d’un projet (Nutter et coll., 1996).

Systèmes d’information géographique (SIG)


La présentation des systèmes d’information géographique (SIG) devrait faire l’objet
d’un chapitre complet afin qu’on en comprenne un tant soit peu le fonctionnement.
Tel n’étant pas notre but ici, nous n’esquisserons donc qu’un court préambule à cette
méthode complexe. Pour nos besoins, il s’agit simplement de situer les SIG par rap-
port aux autres méthodes d’ÉIE et tout particulièrement en comparaison avec la super-
position cartographique que nous avons examinée plus en détail auparavant.
Comme pour les méthodes de superposition cartographique, dont elle n’est encore
souvent qu’un prolongement automatisé, l’approche des SIG est surtout employée
afin d’identifier les éléments de l’environnement et les contraintes environnemen-
tales à contourner. Conséquemment, elles n’offrent encore qu’une mince percée vers
l’évaluation véritable des impacts environnementaux. Toutefois, parmi les modèles
en voie de développement en évaluation environnementale, les systèmes d’informa-
tion géographique sont sans doute aujourd’hui parmi les plus prometteurs et beau-
coup d’efforts sont déployés en ce sens.
Les SIG sont souvent employés en évaluation d’impacts afin de délimiter les
contraintes ou, à l’inverse, les potentialités ainsi que les sensibilités du milieu et les
impacts potentiels sur l’environnement. Les avantages incontestables des SIG sont bien
entendu la capacité de stockage de données, le traitement flexible de celles-ci (c’est-
à-dire possibilité de cumuler et de pondérer des indices variés) ainsi que la rapidité
d’exécution des multiples manipulations possibles. Les informations à références spa-
tiales peuvent ainsi être emmagasinées dans d’importantes banques de données qui
seront ensuite traitées, un peu comme l’étaient celles de la superposition cartogra-
238 phique. Les données employées proviennent aussi bien de cartes, de photographies
aériennes et d’images satellites que des sources traditionnelles d’information.
Une donnée ou information géographique possède généralement deux caracté-
ristiques principales: la nature du phénomène (c’est-à-dire la variable, sa valeur, son
nom) et la position (dans l’espace géographique). À l’intérieur d’un SIG, il est
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

également possible d’intégrer une troisième caractéristique importante trop souvent


escamotée par les autres approches, à savoir le temps. Il est possible de faire défiler
dans le temps les modifications spatiales discontinues d’un phénomène ou d’un para-
mètre quelconque. La composante temporelle devient particulièrement intéressante
dans les cas de développement urbain versus les utilisations traditionnelles du sol, par
exemple. La comparaison entre deux temps peut servir à dégager certaines tendances
ou à prévoir les probables développements futurs.
Les quatre schémas représentés à la figure 5.17 montrent clairement l’évolution
intervenue au cours du siècle dans le cas de Conakry (Guinée), une ville africaine comme
bien d’autres en pleine expansion. La dernière carte, celle de la situation de 2020, pré-
sente la disposition du développement anticipé à partir des tendances du passé illus-
trées sur les trois premières cartes et des potentiels de développement sur le terrain
(contraintes physiques).
Toutefois, les SIG pré- Figure 5.17
sentent également certains Évolution temporelle par superposition
inconvénients, notamment cartographique. Développement urbain
en ce qui concerne l’inter- de Conakry (Guinée): 1900-2020
prétation des résultats. La
nature même du support
peut facilement entraîner des 1900 1940
biais difficilement décelables
par rapport à l’emploi de la
cartographie traditionnelle,
par exemple. Ainsi, il est sou-
vent difficile, voire impos-
sible, de connaître exacte-
ment la qualité et la précision
des données utilisées. Parmi
les multiples facteurs qui
interviennent quant à la fia- 1980 2020
bilité des résultats, on re-
trouve les multiples sources 239
de la documentation utilisée,
les différentes échelles de tra-
vail, les transformations signi-
ficatives qui ont dû être ap-
portées à certaines données,
L’évaluation des impacts environnementaux

les prétraitements et les autres manipulations de l’information. Il faut donc garder


en tête que l’erreur est toujours présente et tenter de mieux la cerner en se procu-
rant, si possible, de l’information sur les caractéristiques intrinsèques d’élaboration
et de fabrication du SIG utilisé (Baudoin et Inkel, 1994).
De plus, les systèmes actuels sont avant tout des outils de gestion de l’environ-
nement bien plus que de véritables instruments d’analyse (Aspinall, 1994). Le déve-
loppement d’interface entre les différentes bases de données et le perfectionnement
des outils d’interrogation, ainsi que la multiplication des liens avec les modèles de
simulation, devraient permettre éventuellement aux SIG de jouer un rôle de premier
plan en ÉIE. L’importance des changements temporels des écosystèmes et les mul-
tiples possibilités d’affectation du territoire peuvent cependant être déjà bien repré-
sentées grâce aux systèmes actuellement en usage, notamment en écologie (Johnston,
1998). L’emploi des modèles se multiplie et s’ajuste de plus en plus aux caractéristiques
des différents projets et non plus seulement aux divers milieux, comme le montrent
les récentes applications dans le domaine industriel (Douglas, 1995).
La complexité même de l’outil ainsi que la relative «distanciation» entre lui et
l’utilisateur ne doivent surtout pas être négligées. Malgré l’apparente simplicité des
SIG, leur construction et leur utilisation sont assez complexes. Il est nécessaire de bien
connaître le fonctionnement et les emplois possibles d’un SIG pour une utilisation
adéquate, ce qui demande dans bien des cas une longue période d’apprentissage. De
plus, l’emploi d’un SIG pour l’examen d’un projet suppose des moyens importants en
matériel, en données, en temps, en argent et en personnel. Toutes ces raisons limitent
encore souvent l’emploi des SIG en ÉIE, malgré le potentiel de cet outil (Baudoin,
1995 ; Nutter et coll., 1996).
Mentionnons en terminant que l’utilisation de SIG en ÉIE est surtout avantageuse
dans le cas de projets de grande ampleur ou de projets répétitifs (redondants pour une
même firme), étant donné les moyens importants (temps, argent et personnel) qui doi-
vent être mis en œuvre pour l’élaboration d’un projet à l’aide d’un tel outil. Sans la
présence d’un spécialiste de la manipulation des SIG dans l’équipe d’évaluateurs, il n’est
pas aussi facile d’utiliser un SIG que ce l’est avec les supports cartographiques tradi-
tionnels. Toutefois, l’intégration des multiples dimensions et paramètres de l’ÉIE, en
240
voie de réalisation pour les systèmes les mieux adaptés à l’ÉIE, constitue un avantage
précieux pour cette approche dans les examens de futurs projets.
Grâce à l’emploi d’outils d’analyse plus conséquents avec les besoins de l’ÉIE ainsi
qu’à l’élaboration de modèles et de méthodes d’optimisation des données plus faciles
à traiter et à interpréter, notamment pour l’examen comparatif de multiples tracés
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

d’infrastructures (Comtois, 1999), il devient de plus en plus opportun d’utiliser des


SIG en ÉIE. Cela est d’autant plus avantageux lorsqu’il s’agit de projets répétitifs, soit
par une même entreprise ou par une firme d’évaluation. Par cette intégration récente,
les SIG deviennent enfin des approches plus globales, plus complètes et plus utiles d’éva-
luation des projets de toutes sortes. La reproduction de la planche couleurs 6 montre
les résultats des modifications du tracé d’une route selon la pondération variable appli-
quée à la valeur des éléments environnementaux grâce à une méthode d’optimisation
supportée par un système d’information géographique (idem).

MÉTHODES COMPARATIVES UNICRITÈRES


Sous l’expression «méthodes comparatives unicritères», nous regroupons diverses
méthodes ayant en commun la détermination d’un critère unique de comparaison.
Ces méthodes sont avant tout orientées vers la transformation des diverses valeurs
des paramètres d’étude en une seule et unique valeur. L’approche vise à surmonter
les difficultés rencontrées lors de la comparaison d’options à partir de plusieurs para-
mètres différents et à l’aide d’unités de mesure diverses. Ces diverses unités de
mesure doivent être normalisées sous un seul critère comparatif.
L’objectif ultime de ces méthodes comparatives consiste donc à faire reposer le
jugement final sur un seul critère de comparaison, d’où l’expression «unicritère». Elles
servent avant tout des objectifs bien précis: la comparaison de solutions de rechange,
d’options, de variantes ou de projets divers. Dans ce contexte particulier, elles ne consti-
tuent habituellement que des approches partielles d’examen, car elles sont confinées
aux seuls aspects comparatifs de l’étude en cours. Toutefois, elles aspirent parfois à
représenter une méthode globale d’examen du projet. C’est le cas notamment de plu-
sieurs études employant la méthode de Batelle. C’est aussi le cas des méthodes éco-
nomiques lorsqu’elles sont employées, ce qui n’est pas souvent le cas pour l’évalua-
tion globale d’un seul projet, comme dans l’analyse coûts-avantages, par exemple.
Les deux ensembles de méthodes regroupées sous cet axe de méthodes compa-
ratives unicritères sont:
• les méthodes numériques;
241
• les méthodes économiques.
Les méthodes comparatives unicritères sont souvent utilisées à des fins d’examen
spécifique ou complémentaire à l’emploi d’autres méthodes d’ÉIE. Par elles-mêmes,
elles ne peuvent prétendre à l’étude globale du projet, même lorsqu’il s’agit de l’ap-
proche développée par l’Institut Batelle, que nous examinerons en détail plus loin.
L’évaluation des impacts environnementaux

Elles servent donc généralement à hiérarchiser ou à pondérer (valeur relative des élé-
ments) différents paramètres dans le cadre d’un examen comparatif. Il s’agit donc
d’une recherche de l’optimum entre plusieurs choix possibles (solutions de rechange
et variantes), d’où l’importance de la pondération pour cette approche. Par l’agré-
gation et la pondération complète des valeurs attribuables aux différents impacts, par
exemple, l’option optimale devrait ressortir en première position. Les méthodes com-
paratives unicritères représentent un examen synthèse d’évaluation. Elles sont
employées elles aussi depuis longtemps dans presque tous les cas de comparaison d’op-
tions ou de variantes de projet, mais aussi, ce qui est cependant moins recomman-
dable pour l’évaluation globale d’un projet.
Les moyens à mettre en œuvre semblent relativement simples et rigoureux, aux
premiers abords. Cependant, en pratique, il s’avère très complexe, voire souvent impos-
sible, d’attribuer une valeur de référence unique à plusieurs des paramètres impli-
qués par l’examen; ne pensons qu’à la détermination de la valeur monétaire de la vie
humaine, par exemple. Par ailleurs, l’apparente complexité et la précision mathématique
de certaines opérations ne sont nullement le gage d’une rigueur scientifique à toute
épreuve. Néanmoins, la démarche unicritère s’avère une tentative d’élimination des
incertitudes et des impondérables, notamment par la réduction de la subjectivité inhé-
rente à beaucoup d’étapes de l’évaluation. Toutefois, il y a là une sous-estimation de
la globalité des enjeux en cause, notamment de la « valeur » des éléments de l’envi-
ronnement difficilement quantifiables.
La lourdeur dans l’obtention de certains résultats (évaluation de certains para-
mètres) peut entraîner des dépenses de temps et d’argent considérables, particuliè-
rement lorsqu’il s’agit d’enjeux ou de projets contestés. Le recours à l’expertise
d’études antérieures non contestées pourrait par contre rendre l’exercice d’une rela-
tive simplicité, et ce, avec assez de rapidité et peu de moyens. La prise en compte des
aspects temporel, spatial et cumulatif ne fait pas nécessairement partie de la démarche
d’étude. Par sa nature spécifique à la comparaison, elle représente cependant un com-
plément d’examen utile à d’autres méthodes d’ÉIE.
La présentation du résultat final est simple et facilement compréhensible.
Toutefois, le processus d’étude ayant mené à l’atteinte des résultats n’est pas toujours
242
d’une clarté et d’une simplicité facilement accessible à tous. De plus, la reproducti-
bilité des résultats s’avère difficile, car certains des résultats sont fréquemment le fruit
de jugements de valeur implicites ou fortement biaisés. Il n’est pas si simple d’éliminer
toute subjectivité en ce domaine. En fait, l’approche comparative unicritère s’avère
souvent un examen trop linéaire et superficiel des questions en jeu en ÉIE.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Ces méthodes sont généralement perçues comme une aide efficace et précieuse
à la prise de décision, particulièrement par les décideurs, en raison du choix unique
ultime, apparemment clair et net pour eux, notamment lorsque celui-ci s’exprime
en termes financiers. Pour le public, par contre, il est parfois difficile de comprendre
la démarche employée et la validité des résultats est souvent remise en question.

Méthodes numériques
L’objectif des méthodes dites «numériques » est d’obtenir une plus grande objecti-
vité dans l’évaluation globale d’un projet ou d’options. Il s’agit d’une tentative de nor-
malisation par l’agrégation des impacts afin d’obtenir la mesure de l’impact global.
Les techniques numériques servent donc à affiner l’évaluation des impacts, notam-
ment afin de normaliser sur une base comparable les différents impacts. L’objectif
principal est de pouvoir pondérer chacun des paramètres (éléments, effets et impacts)
les uns par rapport aux autres à l’aide d’un critère unique normalisé. L’obtention d’une
valeur « objective » de pondération permet notamment une meilleure comparaison
des différentes options d’un projet.
Le critère unique servant de base comparative à tous les critères distincts
employés dans l’étude peut prendre plusieurs formes. Sans réussir toujours à justi-
fier hors de tout doute la validité d’un unique critère de comparaison, les différentes
techniques numériques y aspirent. Il s’agit d’une approche souvent contestée en ÉIE,
car plusieurs pensent qu’il serait souhaitable de se tourner plutôt vers la recherche
de méthodes multicritères applicables à l’évaluation des impacts environnementaux.
Par ailleurs, les techniques numériques requièrent beaucoup de temps et de res-
sources étant donné les attentes, la complexité et la lourdeur de la démarche.
Conséquemment, elles sont rarement employées intégralement. Toutefois, leurs sys-
tèmes de pondération sont occasionnellement employés afin d’évaluer plus justement
les impacts identifiés à l’aide de matrices ou d’autres méthodes d’évaluation. En outre,
elles ont grandement inspiré les méthodes de traitement de l’information des SIG.
Globalement, les techniques numériques présentent certaines contraintes et
limites importantes dont nous ne mentionnerons que les principales. Il y a d’abord
l’éventualité de divergence et de polarisation des points de vue dans l’attribution des 243
valeurs pour certains éléments. Ces valeurs ne se construisent, la plupart du temps,
sur aucun fondement réel ou incontestable; en fait, elles sont empreintes de jugements
de valeur et d’incertitudes. Dans ce cas, ces méthodes ne sont pas vraiment d’une aide
bien précieuse pour la prise de décision. L’emploi de «spécialistes» pour l’attribu-
tion des valeurs, au détriment de l’opinion générale, peut entraîner une évaluation
L’évaluation des impacts environnementaux

fort différente pour l’évaluation de plusieurs impacts déterminants dans l’apprécia-


tion globale du projet. De plus, la complexité des méthodes et conséquemment les
limitations afférentes aux ressources en temps et en argent peuvent s’avérer un han-
dicap sérieux pour leur emploi dans la plupart des projets. Finalement, les informa-
tions ne sont pas nécessairement toujours disponibles à tous; elles ne sont bien sou-
vent accessibles qu’aux seuls spécialistes. Toutes ces limites peuvent forcément biaiser
les résultats obtenus à partir de telles démarches ou à tout le moins réduire sensiblement
la validité du travail d’évaluation.

Méthode de Batelle
La méthode de l’Institut Batelle fut présentée par Dee et ses collaborateurs au début
des années 1970 (Dee et coll., 1972 et 1973). Il s’agit essentiellement d’une méthode
de normalisation et de rationalisation conçue par les laboratoires Batelle de Columbus
aux États-Unis, et ce, pour le compte du Département américain de l’intérieur.
Initialement, il s’agissait d’évaluer les impacts de projets hydriques.
Le développement de la «méthode de Batelle» représente l’un des plus grands
efforts jusqu’à ce jour de sophistication et de formalisation des méthodes d’évalua-
tion. Cet effort est particulièrement manifeste dans les domaines de l’agrégation et
de la pondération d’impacts. Cette vaste tentative de réduire le plus possible les aspects
subjectifs en ÉIE, par l’élaboration d’une série d’outils rationnels d’évaluation,
permet aujourd’hui de mieux saisir l’étendue des limites de nos connaissances et l’am-
pleur de l’appréciation subjective en ÉIE. Également, comme pour la méthode de
Léopold, la compréhension de l’approche numérique de l’Institut Batelle représente
un excellent apprentissage à la méthodologie de l’ÉIE.
La méthode de Batelle comporte deux grandes opérations. Il faut d’abord déter-
miner l’importance des impacts et, ensuite, distribuer convenablement la valeur rela-
tive des divers éléments affectés par ces impacts. La première opération s’effectue grâce
à l’élaboration de diverses « fonctions de valeur environnementale » de la qualité de
l’environnement. La seconde est réalisée à l’aide d’une liste de pondération des élé-
ments de l’environnement. L’évaluation globale est alors possible, puisqu’il s’agit de
combiner ces deux opérations afin de déterminer la valeur finale de l’impact du projet
244 ou des options à l’étude.
Pour l’élaboration des diverses opérations nécessaires à la démarche complète,
l’Institut Batelle utilisa les techniques de l’enquête Delphi. L’enquête permit d’obtenir
les fonctions de valeur environnementale ainsi que la pondération entre les différents
éléments de l’environnement. La conjugaison de ces deux dernières opérations
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

permit de déterminer un indice agrégé de comparaison. L’indice ainsi obtenu, une


unité de mesure standardisée se nomme l’« unité d’impact environnemental »
(Environmental Impact Unit (EIU)).
La valeur de l’impact ou «fonction de valeur environnementale» de la qualité
de l’environnement est déterminée grâce à la réalisation de courbe singulière de la
valeur environnementale. Les deux schémas de la figure 5.18 montrent des exemples
de courbes de fonctions de la valeur environnementale pour deux éléments. La qua-
lité de l’environnement est évaluée sur une échelle de 0 (médiocre) à 1 (très bonne),
cette échelle est graduée en sous-unités. Il s’agit d’exemples de courbes relativement
simples de valeurs environnementales telles que spécifiées par la méthode de Batelle.

Figure 5.18
Deux exemples de courbes de «fonctions de valeur»
dans la méthode de Batelle

Oxygène dissous Herbivores/ruminants


1 1
Qualité de l’environnement

Qualité de l’environnement

0,8 0,8

0,6 0,6

0,4 0,4

0,2 0,2

0 0
2 4 6 8 10 20 40 60 80 100
MG/L Rapport herbivores/ruminants

Source : Adapté de Munn, 1977.

La méthode vise à déterminer de manière précise la valeur des modifications résul-


tant de la qualité de l’environnement. Elle permet donc de mesurer de manière quan-
titative, pour chacun des paramètres possédant une courbe de valeur environnementale,
la différence entre l’état initial de l’environnement et l’état subséquent, c’est-à-dire 245
à la suite de l’intervention projetée. La façon détaillée de mesurer cette différence est
expliquée dans la légende de la figure 5.19. La valeur obtenue pour chacun des indi-
cateurs d’impact, exprimée en fractions de l’échelle de qualité de l’environnement
(0 à 1), représente alors l’indice de modification, soit l’«indice de la qualité de l’en-
vironnement» (Environmental Quality Index (EQI)). Ainsi, chacun des impacts ou
L’évaluation des impacts environnementaux

des éléments de l’environnement peut donc être évalué avec précision selon la for-
mule suivante:
EQI = EQ avec projet – EQ sans projet
Afin de pouvoir déterminer la courbe
Figure 5.19 de la fonction de valeur de chacun des
Évaluation de l’importance paramètres à examiner (indicateurs d’im-
de l’impact selon Batelle pacts) Dee et coll. (1972) recomman-
daient de suivre une approche en sept
1,0 étapes, grandement inspirée de l’enquête
A
Delphi. Munn (1977) présentait ainsi les
Qualité de l’environnement

0,8
diverses étapes de la démarche préconisée:
0,6
• recherche de l’information sur les
0,4 relations du paramètre avec l’envi-
B
ronnement ;
0,2
• graduer l’échelle en abscisses, de façon
0 à ce que la valeur minimale soit zéro;
2 4 6 8 10
Oxygène dissous (MG/L) • diviser l’échelle des ordonnées en
intervalles égaux de 0 à 1 et déterminer
Mode d’emploi la valeur du paramètre pour chacun
Si la valeur de l’oxygène dissous (axe des x) varie du des intervalles afin d’obtenir une
point A (7 mg/l) au point B (4,5 mg/l) à la suite d’une
activité quelconque, la valeur de la qualité de l’en- courbe ;
vironnement (axe des y) variera conséquemment de
la valeur 0,9 à 0,27. Dans ce cas, la valeur de l’im-
• ces trois premières étapes doivent être
pact est égale à – 0,63. effectuées indépendamment par dif-
férents spécialistes et faire la moyenne
des courbes ainsi obtenues;
• présenter aux évaluateurs (Delphi) les courbes obtenues et réclamer une
révision si des écarts sont significatifs et modifier la nouvelle courbe moyenne;
• reprendre les 5 premières étapes avec un autre groupe de spécialistes afin de
vérifier la reproductibilité de la courbe moyenne finale;
246 • reprendre les différentes étapes pour chacun des paramètres retenus.
Bien entendu, la validité des courbes ainsi formées est directement tributaire de
nos connaissances de l’ensemble des éléments en cause. Il est sûr que pour certains
éléments de l’environnement les connaissances actuelles sont nettement insuffisantes
à la réalisation de telles courbes.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Dans un autre ordre d’idées, afin qu’on puisse réaliser une comparaison entre
différentes options, cette première opération de délimitation de la fonction de valeur
ne suffit pas. En effet, il faut aussi déterminer une pondération entre les différents
éléments de l’environnement. L’approche développée par les laboratoires Batelle pro-
pose donc une méthode de pondération qui se veut rigoureuse, objective et complète.
Les éléments de l’environnement sont divisés en quatre catégories principales, elles-
mêmes subdivisées en composantes (20 au total), qui à leur tour se répartissent en
78 indicateurs d’impacts. Le groupe de l’Institut Batelle propose donc une série de
78 courbes de «fonctions de valeur».
Une démarche similaire à celle ayant mené à la réalisation des courbes de fonc-
tions de valeurs est employée pour la pondération entre les différents indicateurs et
groupes d’indicateurs. Munn (1977) décrivait ainsi les différentes étapes de sélection
des cotes de pondération auprès des experts consultés de nouveau dans une expé-
rience de Delphi :
• expliquer le principe et l’utilité de la pondération à un groupe d’évaluateurs;
• dresser la liste des catégories, des composants et des indicateurs d’impacts et
demander aux évaluateurs de les classer en ordre décroissant d’importance ;
• chacun attribue la valeur 1 à la première catégorie et positionne les autres sur
une échelle décimale de 0 à 1 ;
• comparer ainsi toutes les catégories d’impacts;
• reprendre les étapes 3 et 4 pour les composantes et les indicateurs ;
• établir les différentes moyennes des valeurs obtenues;
• communiquer aux participants les résultats collectifs ;
• reprendre l’expérience avec le même groupe de participants;
• reprendre l’expérience avec un autre groupe.
La pondération ainsi obtenue est supposée refléter l’importance relative de
chacun des indicateurs d’impacts. Dans la méthode, cette importance relative des para-
mètres constitue le «paramètre de pondération unitaire» (Parameter Importance Unit
(PIU)). Il est alors possible de déterminer l’importance relative (PIU) de chacun des
247
paramètres, du plus important à celui qui l’est moins. L’Institut Batelle proposait ainsi
une pondération complète pour soixante-dix-huit (78) paramètres ou indicateurs usuels
d’évaluation. Ces paramètres présentent une plus ou moins grande agrégation; cer-
tains sont très précis – l’oxygène dissous, par exemple. D’autres, par contre, sont assez
généraux; c’est le cas notamment de l’utilisation du territoire.
L’évaluation des impacts environnementaux

Afin de faciliter les opérations, la somme totale des divers indicateurs (78) est fixée
comme étant égale à 1000 unités d’impact environnemental (EIU). La répartition de
la somme des unités (EIU) est subjective et relative aux valeurs accordées par les experts
lors de l’évaluation par l’enquête Delphi. La répartition des unités s’effectue selon
l’examen successif, par consensus des experts, à partir des niveaux les plus généraux
vers les plus spécifiques. Les résultats obtenus sont pour les quatre grandes catégo-
ries de critères: écologie (240), pollution environnementale (physique/chimie) (402),
esthétique (153) et intérêts humains (205). La catégorie «pollution environnemen-
tale» obtient la plus grande part des 1000 unités d’impact possibles. Parmi cette caté-
gorie privilégiée, la pollution aquatique domine largement avec 318 unités, soit pra-
tiquement le tiers des unités, et l’indicateur «oxygène dissous» en représente 31. Ce
résultat est bien entendu largement attribuable à la nature hydrique initiale ayant pré-
valu au développement de la méthode de Batelle. Pour chacun des indicateurs par-
ticuliers, la valeur peut varier de 2 à 31 EIU.
L’«unité d’impact environnemental» (EIU), la valeur globale de chacun des impacts,
est alors obtenue en multipliant le premier indice, l’«indice de la qualité environne-
mentale» (EQI), par le second, le «paramètre de pondération unitaire» (PIU). La for-
mule complète de caractérisation de l’«unité d’impact environnemental» (EIU) est
donc:
EIU = EQI • PIU
ou EQI = EQI avec projet – EQI sans projet
L’impact global du projet, quant à lui, est obtenu en effectuant la sommation des
diverses unités d’impact environnemental (EIU) de chacun des éléments de l’envi-
ronnement (indicateurs) impliqués par le projet, soit:
Impact global = ∑ EIU
De plus, la méthode prévoit l’emploi d’un indicateur d’alerte, servant à souligner
une contrainte majeure inadmissible, communément appelé «drapeaux rouges» (red
flag). Cet indicateur particulier est employé lorsque la valeur d’un indicateur ne peut
être déterminée, lorsqu’une étude ultérieure à son sujet s’avère nécessaire ou lorsque
248 l’impact est jugé inacceptable. En pratique, toutefois, l’indicateur d’alerte n’est habi-
tuellement utilisé que dans le dernier cas.
La méthode de Batelle présente fort bien les inconvénients que nous présentions
pour l’ensemble des techniques numériques, à savoir le recours aux spécialistes et la
complexité de l’approche. De plus, elle requiert des ressources, du temps et des moyens
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

financiers souvent considérables afin de pouvoir adapter les courbes de valeurs et la


pondération au contexte particulier du projet à l’étude; à moins bien sûr de reprendre
aveuglément les résultats proposés par l’Institut Batelle ou ceux d’un autre projet. En
raison de toutes ces difficultés, la méthode de Batelle dans sa version intégrale fut peu
employée et elle ne l’est plus vraiment aujourd’hui, sauf dans de rares cas.
Par ailleurs, des objections survinrent dès le départ quant à l’agrégation inévi-
table pour la réalisation de la pondération. Ainsi, Sorensen et Moss (1973) s’oppo-
saient à l’agrégation des valeurs environnementales, sauf pour des catégories com-
munes et comparables. Selon eux, l’évaluation finale devrait permettre de juger les
impacts de manière individuelle, la prise de décision acquérant ainsi plus de souplesse
par les possibilités de modification et de mesures d’atténuation. De plus, l’agrégation
risque trop souvent de dissimuler la présence d’un impact majeur. En outre, la méthode
de Batelle n’est pas très explicite en ce qui a trait à la nature des impacts et les impacts
indirects ne sont pas considérés (Simos, 1990). Enfin, elle semble plutôt difficile à expli-
quer au grand public et cette imperfection pourrait représenter un obstacle majeur
à son application (Munn, 1977).
Par contre, la méthode présente peu d’ambiguïtés, l’ensemble de la démarche métho-
dologique est bien expliqué; par conséquent, elle peut être facilement reproductible.
Le processus d’étude est systématique et complet en ce qui a trait aux aspects cru-
ciaux de l’ÉIE. Malgré les écarts possibles de la pondération des paramètres, la
méthode permet une comparaison rigoureuse de diverses solutions de rechange ou
variantes à un même projet. Toutefois, les paramètres utilisés concernent plus spé-
cifiquement des projets hydriques et ils devraient être sérieusement remaniés afin de
convenir à d’autres types de projet.
La méthode de Batelle est un exemple éloquent de tentative de dépassement des
contraintes concernant l’évaluation précise des impacts. Les efforts en vue de déli-
miter l’ampleur des impacts, notamment la détermination précise des écarts entre
les deux états de référence de l’environnement (avec et sans le projet), ont permis une
grande amélioration des estimations. Cet exercice méthodologique, en apparence rigou-
reux, repose toutefois sur un effort irréaliste de quête de rationalité. Il est surtout mani-
feste en ce qui concerne la pondération des différents indicateurs de l’environnement
249
afin d’aboutir à un unique critère de comparaison. Ainsi, malgré son emballage de
rigueur scientifique (emploi abondant des mathématiques), cette pondération, le cœur
de la méthode, ne repose en fait que sur l’opinion des «experts consultés» et non sur
une série de mesures expérimentales fiables. Les risques d’incertitudes et de mauvaises
interprétations, sans pour autant être très visibles aux yeux des utilisateurs et des obser-
vateurs d’une telle méthode, n’en sont pas moins réels et sans doute fort nombreux.
L’évaluation des impacts environnementaux

L’apparente rationalité de l’approche de Batelle, en dissimulant notamment la sub-


jectivité sous-jacente à une grande partie de l’évaluation, est un biais méthodologique
très important, d’autant plus qu’il est caché à la plupart des utilisateurs et des inter-
venants.

Méthode d’Odum
De manière similaire à la méthode de Batelle, la méthode d’Odum ou «méthode de
l’Université de Georgie» (Odum, 1971) vise à favoriser une estimation globale de l’im-
pact à partir d’un critère unique d’évaluation. Antérieure à la précédente méthode,
elle comporte néanmoins deux innovations importantes. L’auteur introduit l’emploi
d’une double pondération, «actuelle» et «future», cette dernière étant jugée bien entendu
plus importante. Il propose ensuite l’introduction d’un facteur d’erreur (écart-
type), compte tenu de l’imprécision de la prévision en écologie. L’auteur admet que
la valeur des paramètres peut varier au hasard d’environ 50%.
Ces légères modifications apportées par Odum aux approches numériques amé-
liorent les résultats, mais elles compliquent de nouveau l’obtention de résultats pro-
bants. La principale amélioration est sans doute l’utilisation d’une pondération
temporelle différenciée et plus élevée pour les conséquences à long terme. Ce pro-
grès permet d’accorder une importance dix fois plus grande aux impacts à long terme,
une proposition peu souvent reprise par la suite par les autres méthodes. Dans l’en-
semble, par contre, les mêmes insuffisances que celles qui sont relevées pour la méthode
de Batelle se retrouvent ici. En ce qui concerne la prise en compte du facteur d’er-
reur, ces modifications améliorent sans aucun doute la validité des résultats, mais aug-
mentent aussi la manipulation des données et conséquemment la lourdeur et la com-
plexité de l’exercice.

Méthodes économiques
Les méthodes dites économiques visent elles aussi à obtenir une certaine pondéra-
tion pour les multiples impacts afin de pouvoir comparer diverses options ou le bien-
fondé d’un projet. Ces méthodes ambitionnent de traduire par un seul indice l’im-
portance des divers impacts environnementaux, en l’occurrence par le critère
250 monétaire. Elles servent ainsi à comparer divers projets, diverses variantes ou solu-
tions de rechange, sans autre lien de comparaison que leur valeur monétaire. Dans
le cas de l’analyse coûts-avantages, le but de l’approche consiste à comparer les avan-
tages (bénéfices) par rapport aux désavantages (coûts) du seul et même projet. Par
l’ambition de convertir tous les paramètres en fonction du seul critère monétaire, il
s’agit donc bien de l’archétype des méthodes d’évaluation unicritères.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Toutes ces méthodes posent le délicat problème de l’évaluation monétaire de valeurs


non marchandes, à savoir la fixation d’une valeur économique pour chacun des élé-
ments environnementaux. Règle générale, la plupart des éléments environnementaux
ne possèdent évidemment pas de valeur marchande ou monétaire. Conséquemment,
les méthodes économiques ont pour objectif paradoxal de mettre un prix sur ce qui
pour ainsi dire n’en a pas. Dans un tel contexte, l’intervention des sciences écono-
miques à l’évaluation des impacts environnementaux posera de grands problèmes
dont plusieurs sans doute insolubles, notamment la fixation d’une valeur monétaire
précise aux divers éléments, effets et impacts environnementaux.
Globalement, l’emploi de méthodes économiques est idéalement avantageux, car
comme l’affirme Dron (1995): «la traduction des biens et dommages environnementaux
dans le langage monétaire a en théorie l’avantage d’exprimer ceux-ci dans le langage
commun aujourd’hui dominant, celui de l’économie ». En ce qui concerne plus spé-
cifiquement l’ÉIE, toutefois, leur utilisation pose de sérieux problèmes de pertinence,
car comme le déclarait le même auteur: «le langage économique, pour simple qu’il
soit, intégrateur et universel qu’il paraisse, est un support trop pauvre pour pouvoir
transcrire dans ces codes ces savoirs biologiques, écologiques ou socioculturels» (ibid.).
Néanmoins, aussi pernicieux que peuvent l’être parfois les résultats des méthodes éco-
nomiques, ils permettent tout de même d’apporter un éclairage complémentaire à
celui des autres méthodes d’évaluation.
Il existe en sciences économiques plusieurs méthodes originales de fixation de
la valeur environnementale. Le schéma de la figure 5.20 montre une série de ces méthodes
de fixation de la valeur environnementale des dommages. On retrouve des méthodes
dites «directes» de fixation de la valeur – c’est le cas, par exemple, de l’évaluation du
coût des «dommages aux milieux productifs». Il existe par contre des méthodes «indi-
rectes» ou «contingentes», telles que la «fonction de prix hédonique» et le «consen-
tement à payer». Enfin, il existe des méthodes particulières d’évaluation pour des élé-
ments précis; c’est notamment le cas pour la «valeur de la vie». Bien entendu, les valeurs
obtenues à partir de différentes méthodes peuvent différer beaucoup pour un même
élément, comme elles varient selon les contextes socioculturels et à travers le temps.
Toutes ces techniques de fixation de la valeur environnementale sont largement
251
utilisées en ÉIE afin de mesurer la valeur relative des divers éléments et impacts envi-
ronnementaux. D’une part, elles sont utiles pour délimiter un ordre de grandeur (moné-
taire) à plusieurs des éléments et impacts environnementaux. En ce sens, les modèles
économiques jouent le même rôle que les outils similaires des autres disciplines impli-
quées dans l’examen d’un projet en ce qui concerne leurs champs respectifs de recherche.
D’autre part, cependant, elles imposent une appréciation de l’environnement presque
L’évaluation des impacts environnementaux

exclusivement en regard de sa transposition en termes monétaires, dans la mesure


ou elles débordent les limites de ses interventions possibles, ce qui est trop souvent
le cas. Toutefois, comme le déclarait Dron, en 1995, «tant que l’économie restera l’unique
référence des décideurs, il est vital pour l’environnement que le plus possible de ses
exigences puissent être ainsi traduites».

Figure 5.20
Méthodes économiques de fixation de la valeur
Dommages aux milieux
productifs

Directes Coûts d’entretien

Coûts de remplacement

Coûts de déplacement

Fonction de prix
Indirectes
hédonique

Coût d’opportunité
Méthodes de fixation
de la valeur

Consentement à payer
Contingentes
Consentement
à recevoir

Approche du capital
humain
Cas particulier:
santé et vie Dépenses médicales
humaine

Valeur de la vie

Source : Adapté de Revéret et coll., 1990.

252
Analyse coûts-avantages
Parmi les méthodes des sciences économiques, la mieux connue en évaluation des impacts
environnementaux est sans aucun doute la classique «analyse coûts-avantages»,
nommée trop souvent « analyse coûts-bénéfices » (OCDE, 1992 et 1994c). Cette
méthode, sans doute la plus discutée en ÉIE, ramène toute l’analyse au seul critère
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

monétaire des éléments en cause. L’analyse s’effectue sur la base des fameuses «lois
du marché», telles que définies par la théorie économique classique. C’est ainsi que
l’évaluation des impacts environnementaux d’un projet peut être totalement trans-
férée sous le regard de l’indice unique de sa valeur monétaire.
L’analyse coûts-avantages repose sur la «fonction du bien-être social» (Social Welfare
Function), une fonction déterminée par la quantité et la qualité de biens consommés
par chaque individu de la société pour une période donnée et à partir de l’impor-
tance relative de cette utilité. L’approche coûts-avantages présume que toutes les choses
possèdent une valeur monétaire. Elle soutient aussi qu’on peut estimer convenable-
ment ces diverses valeurs même si cela n’est pas toujours facile. Conséquemment, l’éva-
luation consiste à estimer le changement de bien-être que chaque impact environ-
nemental apporte, soit positivement, soit négativement, le résultat se traduisant sous
la forme d’une valeur monétaire commune.
Plusieurs rejettent les méthodes coûts-avantages comme outil principal d’éva-
luation environnementale (Revéret, 1984). McAllister (1980) signalait qu’il fallait faire
appel à une série de techniques complexes afin de « monétariser » les différents
impacts et que ces techniques n’étaient pas vraiment transparentes et hors de toute
critique. De plus, certains impacts ou éléments de l’environnement, virtuellement impos-
sibles à traduire sous forme d’une valeur monétaire, sont néanmoins estimés. Ces der-
nières valeurs sous-estiment habituellement la «valeur réelle» qui pourrait leur être
apposée et conséquemment biaisent les résultats globaux. Finalement, les aspects de
long terme, notamment les «valeurs» des générations futures, ne sont pas pris en compte
ou si peu, les considérations temporelles n’étant habituellement que de court terme
en sciences économiques. Ainsi, la prise en compte par l’analyse coûts-avantages reflète
généralement la seule «valeur attribuable» actuellement, une valeur bien relative, compte
tenu des importantes fluctuations du prix des ressources au fil du temps, particuliè-
rement en fonction de la plus ou moins grande rareté de l’élément.
Une autre faiblesse de ces méthodes d’analyse coûts-avantages est la sous-
estimation, voire l’absence totale d’estimation des coûts évités dans le calcul des avan-
tages (bénéfices). Pourtant, les coûts évités de dommages à l’environnement aug-
menteraient de manière significative les bénéfices obtenus d’une prise en charge de
253
l’élimination ou de l’atténuation des dommages à l’environnement. Ces coûts évités
non comptabilisés représentent la plupart du temps ce que l’on nomme les «exter-
nalités», à savoir les coûts afférents à un projet mais qui ne sont pas compris dans le
coût officiel estimé. Ces externalités, le coût des dommages environnementaux, par
exemple, devront cependant être assumées tôt ou tard par l’ensemble de la société.
La prise en compte des externalités peut se réaliser par l’internalisation, c’est-à-dire
L’évaluation des impacts environnementaux

l’incorporation des coûts extérieurs (non comptabilisés) aux coûts globaux. Il s’agit
d’une opération difficilement réalisable pour la plupart des éléments et impacts envi-
ronnementaux, étant donné l’insurmontable difficulté à les quantifier.
Les nombreux jugements de valeurs sous-jacents à l’évaluation, notamment la trans-
formation en valeur monétaire, ne sont pas explicitement exprimés et ne peuvent alors
que difficilement faire l’objet d’une discussion sociale. C’est ainsi que les «arguments
extra-économiques semblent peser d’un tel poids dans le processus de décision en
matière d’évaluation économique prévisionnelle» (Dron, 1995) qu’il devient hasar-
deux de réduire l’examen à la seule science économique. De plus, les grandes incer-
titudes qui entourent l’estimation monétaire de plusieurs des éléments et impacts envi-
ronnementaux représentent une marge d’erreurs, d’incertitudes et de subjectivité qui
limitent considérablement de telles évaluations. Ces derniers aspects sont pourtant
masqués par l’apparente rationalité de l’approche.

Matrice d’obtention d’objectifs


La « matrice d’obtention d’objectifs » (Goals-achievement matrix) présentée par Hill
(1968) vise à évaluer diverses issues par rapport à la réalisation des objectifs du projet.
Il s’agit en fait d’une adaptation, ou plus précisément d’une tentative de dépassement,
de l’analyse coûts-avantages aux fins de l’évaluation environnementale. Le critère ultime
de comparaison de la démarche est l’atteinte des objectifs initiaux du projet, la valeur
unique de référence pouvant ne pas être une valeur monétaire mais tout simplement
le degré d’atteinte des objectifs visés.
L’approche de Hill consiste à estimer l’atteinte ou le degré de réalisation des objec-
tifs du projet pour chacune des options proposées. Ces objectifs pourraient très bien
concerner des améliorations souhaitables à l’environnement ou tout autre objectif
social, politique ou économique. L’atteinte des objectifs peut s’exprimer de diverses
façons. Une hiérarchisation des différents objectifs possibles au projet permet la for-
mation de classes d’objectifs.
La cotation des actions, des activités particulières ou des options s’effectue en tenant
compte des coûts et des avantages qui y sont rattachés. Chaque classe d’objectifs peut
254 se voir attribuer une pondération différente. La pondération devrait tenir compte autant
que possible des préférences de la population. L’importance relative des préférences
est déterminée par les différents acteurs impliqués dans le processus de décision. La
cotation peut bien entendu s’exprimer en valeur monétaire, mais elle peut aussi tra-
duire toute autre valeur quantitative, comme ne faire l’objet que d’une appréciation
qualitative.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

L’évaluation globale de chaque option s’obtient par l’agrégation des diverses actions
et selon l’indice unique de cotation à l’aide de la pondération accordée à chaque classe
ou pour chacune des actions. La méthode se présente sous la forme d’une matrice
dont l’un des axes regroupe les différentes actions du projet et l’autre, les différents
objectifs.
La méthode de la matrice d’obtention d’objectifs est plus flexible et plus com-
mode que l’analyse coûts-avantages, notamment à cause de la possibilité de divers
indices de valeur. En outre, cette possibilité de diverses manifestations de la valeur
des éléments présente de manière plus explicite les risques, les incertitudes et les désac-
cords possibles. C’est ainsi que les jugements de valeur sous-jacents à l’évaluation,
particulièrement ceux de la pondération, peuvent être pris en compte par l’ensemble
des intervenants et non plus demeurer dissimulés à leurs yeux. L’approche de la matrice
d’obtention d’objectifs ouvrait la voie en quelque sorte aux méthodes comparatives
multicritères et particulièrement aux modèles multicritères.
Par ailleurs, la modélisation a aussi fait son apparition dans le domaine des sciences
économiques. L’emploi de modèles dynamiques est notamment prisé dans l’évalua-
tion des considérations économiques au sujet de l’utilisation des ressources et de cer-
taines conséquences sur l’environnement (renouvelables et non renouvelables) (Ruth
et Hannon, 1997). Ces modèles fournissent avant tout des indications sur l’utilisa-
tion optimale des ressources à des fins économiques et des simulations dynamiques
de la plupart des paramètres économiques classiques.

MÉTHODES COMPARATIVES MULTICRITÈRES


Sous l’expression «méthodes comparatives multicritères» sont regroupées diverses
méthodes ayant en commun l’utilisation de critères multiples de comparaison. Ces
méthodes sont avant tout orientées vers l’évaluation à partir des valeurs possibles de
chacun des différents paramètres d’étude. L’objectif ultime consiste à faire reposer
le jugement final entre solutions de rechange, variantes ou projets divers, sur les mul-
tiples critères significatifs de comparaison.
Les méthodes comparatives multicritères regroupées ici sont:
255
• les techniques ordinales;
• les modèles multicritères.
Encore plus que les méthodes unicritères, les méthodes comparatives multicritères
ne peuvent en elles-mêmes prétendre à l’étude globale du projet. En effet, elles ne sont
L’évaluation des impacts environnementaux

utiles qu’à des fins d’examen bien spécifiques, celles de la comparaison d’options.
Conséquemment, elles ne peuvent elles aussi qu’être complémentaires à l’emploi d’autres
méthodes d’ÉIE. Dans le cadre presque exclusif d’un examen comparatif, elles servent
à hiérarchiser ou à pondérer différents paramètres. Il s’agit donc d’une recherche de
l’optimum entre plusieurs choix possibles. La comparaison minimale se réalise entre
le projet et l’option zéro, c’est-à-dire en l’absence du projet.
Les méthodes multicritères se distinguent d’une démarche similaire à celles des
méthodes unicritères par la prise en compte des incertitudes et des impondérables,
ainsi que par une plus grande polyvalence dans l’évaluation des paramètres d’étude.
De plus, avec les méthodes multicritères les valeurs qualitatives incomplètes ou
incertaines peuvent influencer aussi bien les résultats que les données quantitatives
complètes et certaines.
Les méthodes comparatives multicritères représentent avant tout un examen syn-
thèse comparatif et non une approche globale d’évaluation d’un projet. La prise en
compte des aspects temporel, spatial et cumulatif ne fait pas nécessairement partie
de la démarche d’étude; habituellement, ces aspects sont totalement ou partiellement
oubliés. La nature spécifique de la comparaison d’option devrait être comprise
comme un complément d’examen à d’autres méthodes d’ÉIE.
Les moyens mis en œuvre par l’approche multicritère peuvent être relativement
simples tout en étant rigoureux, ce qui n’est pas nécessairement le cas des versions
de modèles informatisés. Pour les non-initiés, ces derniers s’avèrent très complexes
à comprendre, quoique leur utilisation puisse être relativement simplifiée. La
démarche multicritère représente une tentative de prendre en compte les incertitudes
et l’impondérable ainsi que la globalité des paramètres et enjeux en cause, notam-
ment la valeur des éléments de l’environnement difficilement quantifiables.
Dans un autre ordre d’idées, l’assouplissement des règles de pondération et de
hiérarchisation, notamment dans la version classique de Holmes, entraîne des
dépenses de temps et d’argent moindres qu’avec les autres méthodes comparatives
unicritères et multicritères. Voilà qui est particulièrement intéressant lorsqu’il s’agit
d’enjeux ou de projets fortement contestés ou se situant dans un contexte financier
256 limité. Le recours à l’expertise d’études antérieures, bien entendu non contestées, pour-
rait rendre l’exercice d’une relative simplicité, et ce, avec une certaine rapidité d’exé-
cution.
De plus, la présentation des résultats est simple et facilement compréhensible,
même lorsqu’il s’agit de l’emploi de modèles informatiques élaborés. Dans ce
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

dernier cas, toutefois, le processus d’étude ayant mené à l’atteinte des résultats n’est
pas toujours d’une clarté et d’une simplicité accessibles à tous. La reproductibilité des
résultats s’avère aussi difficile qu’avec les méthodes unicritères, sans entraîner cepen-
dant autant de remises en question, d’autant plus que les ajustements et les modifi-
cations possibles sont facilement et rapidement réalisables. De plus, les jugements de
valeur implicites ou explicites peuvent s’exprimer clairement et ainsi participer à l’éla-
boration du résultat final, ce qui est plutôt rare avec les autres méthodes.
Ces méthodes sont généralement perçues comme une aide assez efficace et pré-
cieuse à la prise de décision, particulièrement pour les récents modèles informatisés.
Il serait même possible d’envisager que la prise de décision soit elle-même directe-
ment issue de la démarche d’examen, notamment à partir de l’emploi des modèles
multicritères. Toutefois, les méthodes multicritères sont encore peu employées en ÉIE.
Dans tous les cas, cependant, l’emploi de telles méthodes se bute à des appréhensions,
sans doute fort légitimes, face à l’énigmatique «petite boîte noire» qui déciderait à
la place des humains.

Technique ordinale
Les «techniques ordinales» visent à évaluer l’importance respective des multiples élé-
ments et impacts environnementaux afin de pouvoir comparer des options sans l’em-
ploi de techniques numériques. La base de l’analyse comparative et l’agrégation des
paramètres d’étude ne reposent donc pas sur un critère unique de comparaison.
La méthode la plus connue des techniques ordinales est sans doute la «méthode
d’ordonnancement de Holmes». Cette technique d’ordonnancement n’est plus beau-
coup employée de manière intégrale, mais sa démarche générale inspire encore
grandement plusieurs adaptations contemporaines. L’ordonnancement propre à la
technique ordinale en fait une technique simple d’analyse multicritères. Les contraintes
et limites des approches unicritères trouvent ici une tentative de surpassement.

Méthode d’ordonnancement de Holmes


La «méthode ordinale» développée par Holmes (1972), aussi nommée «méthode d’or-
donnancement», cherche à simplifier la pondération entre différents impacts ou élé- 257
ments de l’environnement, grâce à l’utilisation d’une hiérarchisation comprenant un
nombre réduit de classes d’impacts ou d’éléments. L’objectif visé par cette méthode
est bien sûr de déterminer le choix optimal entre diverses options (solutions de rechange
ou variantes) d’un projet, ainsi que de comparer le projet à l’étude avec un autre projet
ou par rapport à l’état actuel de l’environnement (sans le projet).
L’évaluation des impacts environnementaux

Contrairement aux méthodes unicritères, l’approche de Holmes utilise tous les


critères possibles de comparaison. Le difficile exercice de transposition de divers fac-
teurs de comparaison en une valeur unique est ainsi contourné. La pondération des
différents paramètres (impacts et éléments environnementaux) est facilitée par la réduc-
tion des valeurs de la pondération à trois ou quatre valeurs possibles seulement. Ces
trois ou quatre classes d’importance de la pondération regroupent des paramètres
considérés d’égales valeurs. De plus, comme en ÉIE la sélection peut aussi tenir compte
du choix optimal du point de vue environnemental mais aussi des critères écono-
miques, techniques et sociaux, l’approche de Holmes permet aisément d’intégrer ces
derniers à l’examen.
De manière simplifiée, la méthode consiste à déterminer une hiérarchisation (ordre
d’importance) parmi les multiples paramètres ou critères de comparaison possibles.
La hiérarchisation conçue par Holmes consiste à regrouper les différents critères de
comparaison en un nombre restreint de classes d’importance. Holmes suggérait quatre
classes seulement ou un nombre égal ou inférieur au nombre d’options étudiées. Cette
façon de procéder facilite considérablement le difficile exercice de hiérarchisation de
tous les critères de comparaison; il est beaucoup plus facile de regrouper en quelques
classes d’importance que d’ordonner systématiquement tous les critères les uns par
rapport aux autres. Bien entendu, dans chacune des classes d’importance, les critères
de comparaison sont considérés comme possédant une importance égale. La démarche
complète est donc divisée en trois étapes: hiérarchisation des critères, positionnement
des options et classement global.
La première étape consiste d’abord à choisir les critères de comparaison à
employer. La sélection des critères est simple; il s’agit de ne retenir que les critères
non communs ou possédant une valeur (importance) différente selon les diverses
options. Il faut ensuite déterminer la hiérarchisation des critères, l’étape vraiment fon-
damentale de la méthode. Le classement ordinal des différents critères par ordre d’im-
portance détermine l’ordonnancement des différents critères sélectionnés de la pre-
mière à la quatrième classe, leur pondération, en quelque sorte. Après la hiérarchisation
des multiples critères sélectionnés, il ne reste donc plus que quatre types de critères
en importance, tous étant par ailleurs considérés équivalents à l’intérieur d’une même
258 classe.
La deuxième étape, le positionnement des options, consiste à déterminer la performance
ou la position relative de chacune des solutions proposées, et ce, par rapport à chacun
des critères sélectionnés dans les quatre classes d’importance. Afin de faciliter la com-
préhension de la hiérarchisation, Holmes propose une matrice spéciale servant de base
au positionnement des options. Cette matrice décale successivement vers la droite (dans
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

une autre colonne) la deuxième classe de critères par rapport à la première, et ainsi
de suite pour les classes subséquentes. Un exemple de la matrice employée par
Holmes est présenté à la figure 5.21. Par cette disposition particulière, Holmes fonde
une correspondance entre une deuxième place pour les critères de première classe
et une première place pour les critères de seconde classe, et ainsi de suite. La perfor-
mance des options par rapport à la hiérarchisation des critères selon les diverses classes
d’importance devient ainsi plus manifeste. Le positionnement consiste à déterminer
le rang (la position relative) des diverses options pour tous les critères de comparaison.
L’évaluation du positionnement se fait soit à partir de données quantitatives ou qua-
litatives plus ou moins complètes, soit à partir d’une évaluation issue d’une méthode
d’expertise – l’enquête Delphi, par exemple.

Figure 5.21
Matrice désagrégée de Holmes

Classe de critères # Positions correspondantes de l’option

1 2 3 4 5 6 7

I 4 A B C D
12 D C B A
17 A D C B

II 8 B D C A
13 A B D C
15 D A B C
9 A C D B
5 A D C B

III 18 C B D A
19 C A B D
14 A D B C
11 A C D B
7 D B C A

IV 1 B D A C
2 A B D C
6 D A B C
8 D B C A
10 C A D B

259
Gains de position A 2 3 3 2 3 3 1
des B 0 2 2 5 6 2 1
options C 0 1 5 4 3 2 3
D 1 2 3 7 3 3 0

Source: Traduit et adapté de Holmes, 1971.


L’évaluation des impacts environnementaux

La troisième étape détermine le classement final ou global des diverses options.


Holmes suggère alors de relever pour chacune d’elles la position au classement (rang
respectif) obtenue pour chacune des classes d’importance, indépendamment de la
position respective des critères à l’intérieur d’une même classe. Le classement relatif
de chacune des options pour les critères de première importance permet de hiérar-
chiser les options. Le choix optimal est alors obtenu si une option se démarque for-
tement des autres dès la comparaison des critères de première importance.
L’accumulation de bonnes performances pour les classes inférieures de critères ne
contribue donc pas à améliorer le rendement global d’une option. Dans les cas d’éga-
lité entre deux ou plusieurs options, on effectue la même opération pour la deuxième
classe d’importance, et ainsi de suite pour la troisième et la quatrième, si nécessaire.
Afin d’améliorer la validité des résultats obtenus, Holmes suggère de procéder à quelques
variations de la hiérarchisation et de la sélection des critères à l’intérieur d’une même
évaluation, afin de déterminer plus adéquatement le choix optimal.
La méthode ordinale de Holmes présente de façon simple et explicite les résul-
tats pour la comparaison de diverses options d’un projet ainsi que les critères de sélec-
tion et d’estimation sous-jacents à la méthode d’évaluation. La démarche et la pré-
sentation des résultats se prêtent donc bien à l’information et à l’intervention du public.
De plus, elle est utile et facilement accessible aux différents décideurs. Elle s’avère donc
fort utile quant au choix à faire entre diverses solutions de rechange ou variantes, et
ce, pour la plupart sinon la totalité des intervenants impliqués.
Par surcroît, la méthode de Holmes réduit certaines contraintes reliées habi-
tuellement à la pondération grâce à une hiérarchisation commode des critères de com-
paraison en un nombre restreint de classes d’importance. Il n’est donc plus néces-
saire de connaître la place respective de chacun des critères, une opération difficile
à réaliser dans la plupart des cas. Cette simplification de la pondération facilite la com-
paraison et, de plus, ce sont les critères les plus significatifs qui déterminent le clas-
sement respectif des options (solutions de rechange ou variantes).
Toutefois, la prise en compte des écarts possibles entre les différents critères ainsi
qu’entre le positionnement respectif des solutions de rechange et variantes est à peu
près absente, ce qui pourrait limiter parfois les résultats. En effet, une option se clas-
260
sant première mais tout juste devant les autres, en ce qui concerne certains critères,
et loin derrière du point de vue d’autres critères aussi importants serait tout de même
avantagée. L’écart entre les rangs ou les positions des différentes variantes est parfois
aussi important à considérer que la position des unes par rapport aux autres. Cette
opération, qui affine habituellement les résultats d’une analyse multicritère, n’est vrai-
ment possible qu’à l’aide des modèles multicritères informatisés.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Comme pour la plupart des autres méthodes d’évaluation, mais tout particuliè-
rement pour celles faisant appel à l’opinion d’experts, une forte proportion de l’éva-
luation comporte la prise en compte de plusieurs aspects subjectifs. Cependant, la
relative transparence de la démarche d’étude permet de connaître assez bien et de
manière explicite la part de subjectivité dans l’acquisition des résultats et ainsi de pou-
voir en tenir compte, notamment dans la sélection et la hiérarchisation des critères.
Enfin, il est relativement simple et rapide de modifier les paramètres (critères, hié-
rarchisation et performance relative des options) et en conséquence les résultats; cette
altération pourrait même se réaliser en direct durant une séance de consultation auprès
des divers acteurs.

Applications contemporaines de techniques ordinales


Plusieurs des projets comprenant des options clairement énoncées emploient une
démarche d’étude d’ordonnancement similaire à celle utilisée jadis par Holmes. Parmi
les plus récents exemples d’application, nous n’allons examiner qu’un seul cas, celui
de l’organisme fédéral Parcs Canada concernant la décontamination des sédiments
de fond du canal Lachine, projet étudié devant une commission mixte fédérale-
provinciale en 1996.
Le projet de décontamination du canal Lachine est un projet fort intéressant en
raison de la présence de six options de décontamination et de gestion des sédiments.
Toutefois, la solution zéro, c’est-à-dire le maintien du statu quo, n’a pas été retenue.
Les six possibilités retenues par le promoteur sont:
• le confinement en milieu terrestre des sédiments du canal ;
• le confinement in situ des sédiments au fond du canal (géomembrane) ;
• l’encapsulation des sédiments à l’intérieur du canal;
• la solidification/stabilisation ex situ;
• la solidification/stabilisation in situ ;
• l’extraction physicochimique.
L’approche de Holmes en matrices et tableaux n’a pas été conservée, mais le clas-
sement en trois groupes de critères de comparaison, considérés égaux à l’intérieur 261
d’une même classe, est intégralement repris. Les évaluateurs ont déterminé une cota-
tion comprenant deux ou trois rangs possibles pour chacun des critères de compa-
raison afin d’affiner l’évaluation. Ces rangs sont déterminés à partir d’objectifs de qua-
lité. La présentation des résultats est par contre plutôt inusitée, car le rapport d’ÉIE
n’offre qu’un simple texte continu. Pourtant, la représentation en tableaux et matrices,
L’évaluation des impacts environnementaux

comme le proposait Holmes, semble très limpide et pratique, notamment dans le cas
d’un projet présenté en audience publique, comme c’était effectivement le cas pour
ce projet.
Nous avons récemment employé des matrices et des tableaux de comparaison
de solutions de rechange et de variantes inspirés de l’approche de Holmes. La figure
5.22 montre un exemple de matrice détaillée de hiérarchisation utilisée pour la com-
paraison de cinq variantes de projet à partir de dix critères de comparaison distri-
bués en trois classes d’importance.

Figure 5.22
Matrice détaillée de hiérarchisation (inspirée de Holmes)

Positions respectives des options


Classes
et CRITÈRES 1 2 3 4 5

Critère 1 A C D B E
1e Critère 2 E C B A D
Critère 3 D B A E C

Critère 4 D A C E B
2e Critère 5 A C B D E
Critère 6 A D E C B

Critère 7 C D E A B
3e Critère 8 D B C E A
Critère 9 A D E B C
Critère 10 A E D B C

1 2 3 4 5

De son côté, la figure 5.23 montre un tableau général des résultats du classement
final des diverses options pour chacune des classes d’importance. Les résultats sont
ceux de la matrice détaillée précédente.

Les modèles multicritères


262 Nous n’aborderons pas en détail les modèles multicritères, car l’apprentissage de telles
techniques devrait faire l’objet d’un livre complet. De plus, ce ne sont pas des
méthodes spécifiques à l’ÉIE puisqu’il s’agit en fait d’un outil de recherche opérationnelle
utilisé dans diverses sphères de la société (Roy et Bouyssou, 1993). Il est toutefois impor-
tant de souligner les forces et les faiblesses de cette approche par rapport aux autres
méthodes employées en ÉIE.
Méthodes et outils de l’évaluation des impacts environnementaux

Figure 5.23
Tableau du classement final des alternatives (Holmes)

Options/ Première Deuxième Troisième


alternatives importance importance importance

A 143 211 4511


B 432 535 5244
C 225 324 1355
D 351 142 2123
E 514 453 3432

Les modèles multicritères tel que « Electre » ou « Promethé » impliquent une


approche visant la prise en compte de tous les éléments possibles d’un problème dans
le processus de décision (Maystre et coll., 1994). Ces modèles aspirent à éclairer et à
répondre aux questions dont la formulation peut être plus ou moins confuse, com-
plexe ou évolutive. Ils fonctionnent sensiblement de la même manière que les tech-
niques ordinales que nous venons de voir, avec en plus pour l’analyse des divers cri-
tères, quelques raffinements méthodologiques issus des possibilités offertes par
l’informatisation des opérations (Schärlig, 1985).
Dans une analyse multicritère, la démarche s’articule autour de quatre grandes
étapes qui sont selon Waaub (1995):
– la définition de l’ensemble des solutions potentielles (actions ou scénarios) et
la désignation de la problématique (choix, tri ou rangement);
– l’analyse des conséquences des actions, l’élaboration des critères et l’évalua-
tion de chaque action sur les critères (tableau des performances);
– la modélisation des préférences globales et des procédures d’agrégation des per-
formances (critères à retenir, agrégation des performances des actions sur ces
critères, importance relative des critères, etc.);
– la synthèse multicritère (analyse des résultats, sensibilité ou robustesse).
Depuis quelques années les modèles multicritères sont de plus en plus employés,
tant en enseignement qu’en recherche. Quoique bien considérés par plusieurs, ils sont 263
cependant encore très peu utilisés dans des projets concrets d’ÉIE, comme l’a montré
Simos (1990) pour l’un des rares cas bien documentés, celui de l’analyse comparative
L’évaluation des impacts environnementaux

des options possibles pour les déchets urbains de Genève en Suisse2. Les modèles mul-
ticritères, comme nous le mentionnions récemment à propos des différents outils sophis-
tiqués employés en ÉIE (Leduc et Raymond, 1996), sont bien sûr des instruments d’ana-
lyse performants et ils pourraient fournir de grands services en ÉIE. Comme pour les
autres méthodes comparatives, ils ne représentent toutefois qu’une démarche partielle
et spécifique d’évaluation. Les modèles multicritères ne sont pas adaptés pour l’éva-
luation globale d’un projet. Ils permettent de comparer les avantages et les inconvé-
nients de diverses options à partir des différents critères de comparaison possibles. Ils
agissent en fait un peu comme l’approche d’ordonnancement de Holmes. Cependant,
l’emploi du support informatique implique une grande combinaison et manipulation
des données et en conséquence des résultats. L’organisation et le traitement des don-
nées s’effectuent à la collecte, au classement, à l’arrangement et, surtout, lors de l’opé-
ration de modélisation.
Par ailleurs, même lorsqu’ils sont compatibles avec l’ampleur des projets à
l’étude, ce qui n’est pas toujours le cas, ces outils souffrent de fréquentes déficiences
des ressources de support (matériel, temps et personnel) à leur bonne utilisation. De
plus, l’insuffisance sinon l’absence de données solides complique et restreint gran-
dement les avantages d’une telle approche. Comme c’est le cas également pour tout
modèle, il est habituellement difficile d’appréhender les limites de tels outils sans une
certaine connaissance intrinsèque du sujet. Dès lors, ils exigent un apprentissage long
et dispendieux, une laborieuse adaptation aux conditions locales et spécifiques ainsi
qu’une dépendance par rapport aux concepteurs ou spécialistes des modèles.
Nous pourrions très bien étendre aux modèles multicritères, et ce, pour l’ensemble
des pays à l’heure actuelle, les allégations de l’un de nos collègues qui remettait en
cause l’emploi des systèmes d’information géographique (SIG) en Afrique, sauf rares
exceptions. L’auteur soulignait que les données de base (c’est-à-dire cartographie récente,
recensements disponibles), ainsi que l’assistance technique minimale (c’est-à-dire res-
sources matérielles et humaines), étaient trop souvent défavorables à un apprentis-
sage et à une utilisation efficace de ces modèles comme outil efficace de gestion (Baudoin,
1995).

264

2. Pour en savoir plus sur les modèles multicritères et tout particulièrement sur le traitement des don-
nées et la présentation des résultats de tels outils, nous conseillons fortement la lecture du livre de
l’auteur (Simos, 1990).
Chapitre

6
Collecte de l’information
et présentation des résultats

L a présentation des résultats de l’évaluation des impacts environnementaux revêt une


dimension particulièrement importante en raison de la présence de divers inter-
venants dans le déroulement du processus d’évaluation. En effet, les résultats doivent
être transmis à plusieurs acteurs distincts les uns des autres: scientifiques et techniciens
de diverses disciplines, mais aussi administrateurs et décideurs, ainsi que citoyens et groupes
de pression des populations impliquées. Ces différents intervenants se retrouvent un
peu partout, dans l’entreprise même (promoteur et évaluateur d’impact), dans la zone
d’implantation du projet, et dans certains cas ils se retrouvent même à l’extérieur du
pays. C’est le cas notamment des administrateurs et des analystes des bailleurs de fonds
internationaux. Dès lors, la manière de transmettre les résultats de l’étude doit rendre
compte d’un certain nombre d’aspects, dont la vulgarisation des jargons techniques et
scientifiques ainsi que l’illustration des propos et la somme des informations nécessaires
à une compréhension suffisante de l’étude1.

1. Rappelons que telle que nous l’entendons, l’ÉIE est avant tout un processus d’examen et non pas
simplement un rapport d’évaluation. De plus, les aspects traités dans ce chapitre peuvent s’adresser
aussi bien au rapport final de l’ÉIE, c’est-à-dire à l’étude d’impacts, qu’aux autres rapports possibles
du processus: rapport de consultation, rapport interne de l’organisme de contrôle, etc., sauf dans
les cas où ils n’intéressent qu’un seul de ces rapports.
L’évaluation des impacts environnementaux

La gestion de l’environnement est souvent caractérisée par une gestion réactive,


les décisions ne visant alors qu’à régler la crise du moment. En ÉIE, par contre, la néces-
sité de réagir est secondaire. La réflexion s’étale sur une plus longue durée et l’urgence
d’agir ne devrait pas être impérieuse dans un tel processus de planification. Toutefois,
l’information ne peut être présentée que dans les meilleures conditions possibles, autre-
ment elle ne sera que d’un faible recours pour la prise de décision. Malgré les zones
d’incertitude de la connaissance, l’information fournie doit être intégrée (multidis-
ciplinarité) et utilisée de manière appropriée afin de servir utilement dans le processus
d’examen.
En pratique, de simples questions comme la langue d’usage, la terminologie
employée ou le degré de vulgarisation du rapport final sont des aspects non négli-
geables. Ils sont particulièrement importants lorsqu’il s’agit de projets internationaux,
et encore plus dans le cas de populations peu scolarisées, voire analphabètes. En fait,
l’ÉIE est aussi bien un outil d’analyse et d’évaluation qu’un outil de communication.
En plus de la présentation finale des résultats sous la forme d’un rapport écrit
plus ou moins complet, le processus même d’évaluation requiert presque toujours
la transmission orale de l’information. Dans les deux cas, la présentation des résul-
tats se doit d’être rigoureuse et complète, sans nécessairement être exhaustive et détaillée
comme dans le rapport principal. Certains aspects de l’examen, la méthodologie détaillée
de collecte des données, par exemple, devraient plutôt faire l’objet de documents
connexes ou être placés en annexes. Dans le contexte du développement durable, la
mission principale de la présentation des résultats est de servir de base à une déci-
sion éclairée des interventions projetées, et ce, par et pour le plus grand nombre pos-
sible d’intervenants. En ce sens, l’information doit être significative, accessible, com-
préhensible et visuellement explicite.
Avant d’aborder la question des résultats, il faut tout d’abord recueillir l’infor-
mation existante, quitte à rechercher les données manquantes (nouvelles recherches)
par la suite. Dans la mesure où ces données s’avèrent significatives pour l’étude, dans
le cas de résultats inédits et essentiels, par exemple, leur pertinence ne se questionne
même pas. Ces recherches originales sont parfois difficiles à effectuer, compte tenu
des ressources, des moyens et du temps disponibles. La détermination des enjeux de
266
l’étape de «cadrage» (scoping) y trouve l’une de ses raisons d’être. Il serait malvenu
de recueillir des données qui s’avéreraient superflues ou d’employer des descripteurs
inappropriés alors que de l’information indispensable n’aurait pu être recueillie faute
de temps ou d’argent.
Collecte de l’information et présentation des résultats

La quête de résultats sigificatifs, vérifiables et suffisants pour un examen com-


plet repose aussi sur le choix de descripteurs ou d’indicateurs d’impacts. La pertinence
de l’information, l’exactitude des données fournies ainsi que l’intégrité des méthodes
employées et des résultats obtenus engagent la confiance du lecteur envers l’étude et
l’équipe d’évaluateurs. Dans le cas contraire, l’ÉIE peut difficilement tenir son rôle
d’éclairage convenable et approprié à la prise de décision.

COLLECTE DES DONNÉES


Il y a de multiples sources de collecte de l’information: les bilans environnementaux,
les rapports sur l’état de l’environnement, les compendiums de statistiques, les
recueils de données, les analyses coûts-avantages, les audits environnementaux dis-
ponibles et les nombreux rapports d’évaluation des impacts environnementaux déjà
produits. En outre, l’expertise même des évaluateurs et les visites sur le terrain ainsi
que la consultation des spécialistes et des citoyens viennent compléter les données
nécessaires à une bonne étude d’impacts. De plus, des recherches originales sur cer-
taines questions viennent achever, à l’aide de données inédites, la collecte des don-
nées indispensables à l’examen du projet.
Dans un autre ordre d’idées, certaines études errent par excès de «caractérisa-
tion du milieu». Elles offrent alors une intéressante vision encyclopédique du milieu
d’étude, certes favorable à l’avancement des connaissances académiques, mais trop
souvent accessoire et fort peu utile au cheminement de l’examen en cours. Au cours
des années 1980, la caractérisation du milieu avait pris une place disproportionnée
par rapport aux besoins réels de l’ÉIE. À l’époque, mais c’est encore parfois le cas aujour-
d’hui, plusieurs rapports d’ÉIE représentaient une masse importante de données à
caractère encyclopédique (inventaires exhaustifs), et conséquemment très souvent rébar-
batifs aux citoyens (Lacoste et coll., 1988). La connaissance complète des différentes
espèces d’arbres dans la zone d’étude n’est d’aucune utilité pour l’examen d’un projet
n’ayant aucune incidence sur la forêt. Au contraire, cette collecte désordonnée des don-
nées disperse les efforts de recherche. Il survient alors un risque que des informations
essentielles ne puissent bénéficier des ressources, des moyens et du temps qui leur
seraient accordés autrement. Un inventaire «sélectif» du milieu ne devrait s’effectuer
qu’à la suite du relevé des interactions entre les activités prévues et les éléments de 267
l’environnement. Ainsi, l’examen du projet profite de la concentration des efforts vers
les aspects significatifs à étudier pour le projet en question.
Par ailleurs, la complexité des problèmes environnementaux nécessite une quan-
tité importante d’information, notamment lorsqu’il s’agit d’appréhender la réalité des
L’évaluation des impacts environnementaux

écosystèmes, et non seulement des fragments portant sur un élément ponctuel et exclusif.
Cela suppose sans doute des nouvelles manières de compiler, d’analyser et de pré-
senter l’information. Comme la qualité de l’information est souvent le préalable à une
décision judicieuse, l’ÉIE doit renfermer les données indispensables et significatives
pour le projet à l’étude. Il manque trop souvent d’informations pertinentes et
convaincantes pour la prise de décisions. Ces informations sont parfois non dispo-
nibles pour de multiples raisons, mais elles sont aussi quelquefois inexistantes. Dans
ces cas, assez fréquents en ÉIE, il faut donc agir au mieux des connaissances dispo-
nibles. Contrairement à certains rapports sur l’environnement, la rédaction d’un bilan
environnemental national, par exemple, le manque d’information ne peut être
invoqué ici comme facteur de remise de la prise de décision.

Et pourtant, il y avait des experts dans la salle!


Au début des années 1980, au cours de l’examen d’un projet de construction d’un quai
dans l’est de Montréal pour le déversement de neige usée dans les eaux de fleuve Saint-
Laurent, les experts de l’étude d’impacts furent surpris d’apprendre que la faune ich-
tyologique n’était pas celle qu’ils avaient estimée dans l’étude rendue publique. Sur la
base d’une évaluation reposant sur le peu d’abondance, la faible diversité et le médiocre
potentiel des espèces de poissons du milieu d’insertion, ces experts estimaient que l’im-
pact du déversement de neige serait faible.
Lors des audiences publiques, toutefois, des pêcheurs fréquentant le site depuis longtemps
vinrent contredire les estimations présentées dans l’étude d’impacts. Selon eux, les espèces
présentes étaient abondantes, diversifiées et intéressantes pour la pêche sportive (doré
jaune, doré noir et esturgeon jaune, par exemple). Les commissaires chargés de l’enquête
accordèrent plus de crédibilité aux dires des pêcheurs, corroborés d’ailleurs par les res-
ponsables de ces questions (ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche), qu’à ceux
des évaluateurs du projet (BAPE, 1982).
La commission d’enquête chargée d’examiner le projet blâma les supposés experts de
l’étude d’impacts pour la pauvreté des résultats, les nombreuses omissions et le laxisme
général de l’examen. En conséquence, elle recommanda de ne pas autoriser le projet en
question. Certains experts (les pêcheurs), sous-estimés sans doute, n’avaient tout sim-
plement pas été consultés lors de l’examen.

268
Nous affirmions que la gestion de l’environnement est souvent réactive et carac-
térisée par l’improvisation. La prise de décision ne vise alors qu’à régler au plus tôt
la crise du moment et à apaiser les craintes du public. En ÉIE, par contre, la néces-
sité de réagir immédiatement aux pressions des circonstances présentes est beaucoup
moindre. Le processus d’examen permet une quête de l’information et un temps de
Collecte de l’information et présentation des résultats

réflexion plus long, et offre dans le meilleur des cas le choix entre plusieurs solutions
de rechange. La planification des activités de développement devrait donc retenir que
«l’information est le préalable à toute décision» (Croze et Vandeweerd, 1992). Il faut
toutefois que cette information essentielle à la prise de décision puisse être présentée
«aux fins du processus décisionnel» (Holtz, 1992). En conséquence, le savoir scien-
tifique en soi, aussi limpide et solide qu’il puisse être, n’est pas un gage de réussite
d’une utilisation judicieuse de l’information dans la décision. Il existe des conditions
plus ou moins propices à son utilisation, comme il existe d’autres savoirs (traditionnel,
technique et politique) aussi essentiels.
Il manquera toujours des informations pertinentes pour la prise de décision dans
le domaine de l’environnement. Ce que l’ÉIE vise, cependant, c’est d’éviter autant que
possible «que le manque d’information puisse être invoqué comme facteur dans la
prise de décision» (Croze et Vandeweerd, 1992). Même si généralement «les déci-
deurs ont besoin de critères explicites pour prendre des décisions» (Potvin, 1991),
il restera presque toujours une zone d’incertitude dans les décisions prises en éva-
luation d’impacts. Comme pour l’information environnementale en général, le fossé
à combler entre les besoins d’information des décideurs et ceux satisfaits par l’ÉIE
ne peuvent être surmontés qu’en optimisant «l’utilisation des données et de l’infor-
mation existantes » (Environnement Canada, 1992). Cette mesure nécessite une
intégration et une utilisation appropriées des données disponibles en provenance des
différentes disciplines impliquées dans l’examen, notamment celles éloignées du lan-
gage courant de la plupart des gens.
Les différents acteurs impliqués dans le processus d’examen peuvent fournir une
somme importante d’informations judicieuses. Il faut cependant les consulter afin
de pouvoir en bénéficier. Ceux qui détiennent l’information ne sont pas toujours enclins
à la diffuser facilement et, par surcroît, le processus d’examen ne permet pas toujours
de consulter un large public (spécialistes, administrateurs et public). Ces contraintes
sont parfois de nature politique (insuffisance démocratique, hiérarchie décisionnelle
et tradition d’élitisme), mais elles sont aussi le résultat de moyens, de ressources et
de temps limités.
En règle générale et afin d’accroître son efficacité, la collecte des données devrait
269
se préoccuper des points suivants:
• un rapport direct entre les données recueillies et les besoins de l’étude;
• la crédibilité des résultats et l’acceptabilité des interprétations;
L’évaluation des impacts environnementaux

• la mise en évidence des solutions apportées aux problèmes soulevés, notam-


ment aux enjeux ;
• des réponses satisfaisantes aux préoccupations publiques ainsi qu’à celles des
scientifiques.
Il existe de nombreuses banques de données, de plus en plus disponibles sous forme
informatique (sites Web), dans lesquelles il est possible de puiser lors de l’examen d’un
projet. Bien entendu, l’ampleur des recherches sera proportionnelle aux nécessités
du sujet d’étude, mais aussi aux ressources et aux moyens mis en œuvre. Parmi les
sources de données fréquemment employées au Québec, mais qu’on peut aussi trouver
habituellement un peu partout avec plus ou moins de facilité, notons les sources spé-
cifiques suivantes:
• principales statistiques relatives à la population et aux comportements démo-
graphiques;
• principales statistiques relatives à l’évolution des populations et des ménages;
• renseignements sur le cadre biophysique et l’environnement socio-économique:
traits du paysage, ressources économiques, services publics, ressources et
infrastructures de transport ainsi que des réserves indiennes et des territoires
non organisés;
• recueil d’information sur les municipalités et les régions: données sur la popu-
lation et la superficie des municipalités, renseignements sur les organismes supra-
municipaux;
• comptes économiques annuels des revenus et des dépenses, et les compilations
historiques;
• normes d’inventaire forestier en vigueur; description des différentes étapes,
cartographie, photointerprétation, sondage en forêt et compilation de don-
nées;
• renseignements sur la santé, les services sociaux et leurs variations géographiques
majeures ainsi que les disparités sanitaires et environnementales, les facteurs
de risque associés à l’eau potable, les statistiques de base et la comparaison his-
270 torique des paramètres du tourisme: envergure, importance, place, caracté-
ristiques et situation de l’emploi dans les secteurs touristiques;
• présentation des régions naturelles: territoires aménagés ou protégés et les diverses
activités possibles. Cartes de l’histoire naturelle et des sentiers de randonnée.
Collecte de l’information et présentation des résultats

Il existe, de plus, plusieurs autres sources de données plus générales, comme:


• le répertoire des bibliothèques gouvernementales et administratives ainsi que
des ministères: répertoire des ressources documentaires disponibles des divers
organismes et des services offerts par les bibliothèques et les centres de docu-
mentation;
• le répertoire des ensembles de données statistiques des organismes gouver-
nementaux ou non gouvernementaux ;
• la version informatisée des répertoires précédents : recherche multicritère
par catégorie de sujets et par auteurs ou mots-clés;
• le répertoire des informations et des services disponibles aux photocartothèques:
liste des différents documents, cartes et services disponibles: découpage car-
tographique, arpentage, cadastre, géodésie, photographie aérienne, télédétec-
tion, cartes thématiques et topographie ;
• le recueil comprenant l’ensemble des lois et des règlements relatifs à l’envi-
ronnement: qualité de l’environnement, pesticides, protection des arbres, pro-
tection des non-fumeurs, etc.;
• le recueil des lois et des règlements sur la faune et les parcs: lois et règlements
relatifs à la faune et les parcs du Québec (conservation et mise en valeur de
la faune, les oiseaux migrateurs, les pêcheries, les parcs, terres et forêts);
• la Gazette officielle du Québec Partie 2 (Gouvernement du Québec): recueil des
lois et règlements sanctionnés avant publication dans le recueil annuel ainsi
que décrets du gouvernement, décisions du Conseil du Trésor et arrêtés
ministériels ;
• le bulletin bibliographique mensuel de différents ministères, comme celui du
ministère de l’Environnement et de la Faune: Environnement et faune: Som-
maire de la documentation courante ;
• le recueil des sommaires de revues dans le domaine de l’environnement, les
nouvelles acquisitions des centres de documentation et des bibliothèques;
• les données statistiques et revues dans ce domaine: recueil de l’évolution des
principaux indicateurs socio-économiques et environnementaux ; 271
• les articles et reportages des médias de communication, écrits ou électroniques.
L’évaluation des impacts environnementaux

Et pourtant, l’expert ne savait pas lire!


Une étude récente (1998) traitant de l’ensemble des pressions humaines sur la forêt gui-
néenne ne pouvait atteindre des résultats satisfaisants sans l’apport inestimable des connais-
sances des chasseurs locaux. Quoique analphabètes et sans aucune connaissance scien-
tifique notable, ces guides de la forêt possèdent des connaissances détaillées et uniques
sur les espèces présentes sur le territoire, leur répartition, leur abondance relative et leur
mode de vie.
Les ressources et les moyens financiers disponibles pour effectuer la recherche étaient fort
modestes. De plus, il n’existait que très peu d’études antérieures, voire aucune, dans cer-
tains cas, à partir desquelles orienter l’examen. Le recours aux chasseurs locaux, véri-
tables experts de la faune, permit aux évaluateurs de dresser un portrait assez complet
de la situation, et même d’estimer des solutions possibles à la dégradation de la faune
et à une part importante des ressources du milieu.
De telles études ne pourraient être menées avec succès, dans la plupart des pays, et à
plus forte raison dans les pays en voie de développement, sans l’apport des populations
locales. Celles-ci possèdent en effet une connaissance globale et systémique de leur milieu.
La participation de tels acteurs au processus d’examen est d’autant plus essentielle que
les activités projetées se concrétiseront chez eux, si ce n’est pour eux.

DESCRIPTEURS D’IMPACTS
Malgré les incertitudes scientifiques et le manque de connaissances de la dynamique
des systèmes complexes, l’examen d’un projet requiert des outils capables de déceler
les interactions, de prévoir les modifications et d’évaluer les impacts. Seuls des des-
cripteurs ou des indicateurs pertinents peuvent permettre de mesurer les para-
mètres des éléments significatifs pour l’étude du projet. Bien entendu, le niveau d’in-
certitude de l’information croît avec la complexité des questions abordées et
l’incompréhension des phénomènes en cause.
Il existe une multitude d’indicateurs employés en ÉIE. La plupart d’entre eux sont
issus des disciplines impliquées dans l’examen et ne sont pas nécessairement spéci-
fiques à la méthodologie de l’ÉIE. La littérature en ÉIE en fait une présentation large
272 et étendue à l’ensemble des domaines d’étude en évaluation d’impacts. À ce sujet nous
recommandons fortement la lecture des textes de Westman (1985), de Canter (1977;
1986 et 1996), de Best et Haeck (1983) et de Spellerberg (1991).
On peut présenter sommairement un descripteur ou un indicateur comme
étant un indice représentatif d’un impact ou d’un état de l’environnement résultant
Collecte de l’information et présentation des résultats

soit d’une activité humaine, soit de l’évolution «naturelle» de l’environnement. La


teneur en SO2 de l’atmosphère urbaine ou celle du mercure dans la chair des pois-
sons des lacs du Nord québécois en sont de bons exemples. L’objectif de l’ÉIE est de
trouver puis d’utiliser «quelques indicateurs qui pourraient refléter suffisamment les
éléments essentiels pour servir à orienter les politiques globales» (Potvin, 1991) ou
l’évaluation du projet.
En ce qui concerne l’ensemble des indicateurs employés en environnement, et
non pas seulement ceux utilisés en ÉIE, Pearce et Freeman (1992) mentionnaient qu’ils
devaient s’appuyer sur plusieurs principes de base, dont :
• une compréhension claire de l’objectif du développement durable;
• une structure analytique basée sur le modèle «pression-état de l’environnement-
réaction» développé par l’OCDE;
• l’efficacité de l’information dans le processus de décision;
• la fiabilité de l’information (en tenant compte des limites actuelles);
• la mise en évidence des questions d’équité (répartition des gains et des pertes
de chacun dans le changement environnemental appréhendé).
La mise en évidence des questions d’équité fait référence au fait que l’impact envi-
ronnemental n’est pas subi de la même manière par tous. En effet, «comme c’est le
cas de toute politique publique, les politiques environnementales profitent davantage
à certains membres de la société qu’à d’autres» (idem). Les différents acteurs impli-
qués dans le processus d’ÉIE requièrent une somme d’informations judicieuses ser-
vant d’assise à leurs réflexions et à leurs décisions, mais elles doivent être adaptées à
leurs connaissances et à leur compréhension des choses. La plupart d’entre eux ne
peuvent véritablement apprécier les perturbations dans les écosystèmes, telles qu’ex-
primées par les scientifiques, par exemple. Ils doivent cependant recourir à des
informations qui permettent de fonder leurs jugements, et ce, de manière concrète
et utile au processus décisionnel (Leduc et Pradès, 1993). En conséquence, la manière
de dire est aussi capitale que le contenu même du message.
Le modèle de sélection des indicateurs de l’OCDE, de plus en plus accepté, repose
sur une analyse en trois temps: «pression-état de l’environnement-réaction» (OCDE, 273
1991a et 1991b) :
• « pression », c’est-à-dire détermination du problème environnemental ;
• «état de l’environnement», ce qui comprend en fait deux éléments: l’état pro-
prement dit de l’environnement et l’impact socio-économique qui en résulte;
L’évaluation des impacts environnementaux

• «réaction», c’est-à-dire déterminer dans quelle mesure la politique environ-


nementale mise en place est efficace.
L’environnement est d’une complexité telle qu’une somme considérable d’in-
formations est nécessaire afin d’appréhender chacun de ses problèmes. Plusieurs élé-
ments de base compliquent sensiblement les questions de l’évaluation de l’environ-
nement:
• la prise en compte des dimensions temporelles à court, moyen et long terme;
• les dimensions spatiales, du niveau local aux niveaux régional, continental et
mondial ;
• les aspects reliés à la réversibilité ou non des impacts ainsi qu’à leurs aspects
cumulatifs.
Les descripteurs d’impacts employés en ÉIE représentent habituellement les outils
de mesure des multiples paramètres environnementaux issus des méthodes spécifiques
à chacune des disciplines impliquées dans l’examen. Ces méthodes, non particulières
à l’ÉIE, regroupent l’ensemble des méthodes standardisées des diverses disciplines scien-
tifiques, tant en sciences physiques qu’en sciences humaines. Ce peut être, par
exemple, l’évaluation (relevé et quantification) des émissions de CO2 en ce qui concerne
la qualité de l’air, des paramètres physicochimiques de l’eau (DBO, pH, sels miné-
raux et turbidité), ou la mesure des incidences sociales (migration, patrimoine et cou-
tumes), psychologiques (qualification des craintes et des odeurs) ou économiques (créa-
tion d’emplois, investissements et retombées locales) sur une population ou un site
d’accueil.
La figure 6.1 présente une liste d’indicateurs couramment employés. La liste est
dressée en fonction de plusieurs éléments et impacts environnementaux potentiels.
Pour chacun de ces paramètres, un certain nombre d’indicateurs plus ou moins spé-
cifiques est mentionné. La liste présente en outre des paramètres (éléments, impacts
et indicateurs) tant pour le milieu biophysique que pour le milieu humain.
Les descripteurs d’impacts devraient pouvoir fournir, dans un premier temps,
la mesure de l’état actuel des éléments de l’environnement. Ils devraient ensuite per-
274 mettre l’estimation des agressions résultant de la mise en place des diverses activités
et des composantes du projet sur ces éléments du milieu. Un indicateur ne devient
un outil efficace que s’il traduit de manière concise, compréhensible et utilisable par
le plus grand nombre l’information pertinente à l’examen du projet. La très grande
quantité de données sur certains sujets et son abord, parfois difficile pour certains,
empêchent parfois l’intégration des préoccupations environnementales dans les
Collecte de l’information et présentation des résultats

processus de décision. Dans ce cas, il semble prudent, mais tout de même parfois risqué,
d’attribuer un ordre de priorités aux éléments environnementaux en présence
(Environnement Canada, 1992).

Figure 6.1
Série d’indicateurs selon les éléments et les impacts choisis

Éléments Impacts potentiels Indicateurs d’impacts

Milieu biophysique

Cours d’eau Altération de la qualité des eaux Variation de DCO, pH, température,
de surface MES, oxygène dissous, matières
organiques, DBO et traces de
substances toxiques (Pb, Hg, etc.),
ainsi que bactéries et virus.
Modification de l’écoulement Variation dans l’écoulement, le débit,
des eaux de surface et souterraines la direction, la perméabilité et le bilan
hydrique.
Qualité de l’air Altération de la qualité de l’air Variation de l’émission de particules
(pollens, cendres, poussières, fibres, etc.).
Degré de perception olfactive.
Bruit Altération de l’ambiance sonore Variation de la fréquence ou de
l’intensité sonore (dB).
Faune terrestre Altération de la végétation Variation de la structure, de la densité
et aquatique et de son habitat et de la composition des populations
animales et végétales.
Flore terrestre Modification sur la faune Variation du taux de croissance et de
et aquatique et son habitat reproduction.
Variation de l’aire de reproduction.
Variation du taux de production
primaire ou de la biomasse.

Milieu humain

Coutumes/ Perturbation des coutumes Changement des coutumes des


traditions et des traditions résidants.
Déplacement de la population Variation du coût des services
(eau, électricité, etc.).
Activité Modification de la santé Fluctuation des taxes et des impôts.
économique et des conditions de vie Présence de nouvelles entreprises.
Mise en chantier de logements.
Variation de la consommation.
Dommages causés aux routes Variation de l’achalandage.
et risques d’accidents

Source: Adapté de Raymond et Leduc, 1995.


275
En conséquence, un descripteur d’impact, à l’image de tout indicateur environ-
nemental (Environnement Canada, 1991), devrait posséder les caractéristiques suivantes:
• être scientifiquement valide, c’est-à-dire être fondé sur suffisamment de don-
nées pour traduire l’évolution dans le temps;
L’évaluation des impacts environnementaux

• pouvoir répondre aux changements se produisant dans l’environnement;


• être représentatif, compréhensible et pertinent, eu égard aux objectifs visés et
aux problèmes à résoudre;
• pouvoir être comparé (idéalement) à une concentration seuil ou cible.

La pertinence, la clarté et l’opportunité de l’information


L’information transmise par un indicateur se doit d’être pertinente, à savoir significa-
tive pour les éléments et le projet d’étude. Elle doit toutefois être recueillie en temps opportun,
afin de mieux prévoir et de résoudre ultérieurement les problèmes (Croze et Vandeweerd,
1992). Une information complète après le fait accompli est habituellemnt moins per-
tinente qu’une information partielle en temps opportun. Ainsi, la connaissance ultérieure,
celle issue du suivi, par exemple, est bien sûr valable, mais elle ne peut aucunement ou
si peu orienter les décisions concernant le projet en cours d’examen.
La tendance actuelle de remettre à la phase du suivi les réponses à certaines interroga-
tions (impacts potentiels de certaines activités, évolution probable de la situation, etc.)
n’est donc pas sans causer des difficultés nouvelles à une prise en compte réelle de l’en-
vironnement dans la planification des projets. Elle devrait se limiter aux impacts
mineurs ou non significatifs pour la prise de décision et l’intégrité de l’environnement.
De plus, afin que l’information communiquée aux décideurs ainsi qu’aux autres acteurs
impliqués supporte des «décisions rationnelles», il faut que les décideurs puissent «disposer
en temps opportun d’une information qui, sur les plans scientifique, technique et des poli-
tiques, soit à la fois exacte et compréhensible» (Environnement Canada, 1992). Autrement,
l’exercice ne serait qu’une opération aléatoire sans trop de prise sur les réalités.

Un descripteur doit donc faciliter la projection temporelle, c’est-à-dire permettre


de suivre son évolution dans le temps. De plus, il devrait permettre la prise en compte
des incertitudes inhérentes, tant en ce qui concerne les écosystèmes que les com-
portements humains (Ruitenbeek, 1991). Il existe des descripteurs simples, comme
le nombre d’individus d’une espèce donnée, et des descripteurs composés, obtenus
par agrégation d’indices simples – le produit national brut (PNB), par exemple. La
profondeur, c’est-à-dire le degré de détails, et l’étendue du champ d’étude des des-
cripteurs doivent être conséquents avec l’objet d’étude, les moyens et les ressources
276
de l’équipe. Les résultats obtenus doivent permettre néanmoins une connaissance suf-
fisante des phénomènes en cause, sans quoi il serait très difficile de souligner et d’éva-
luer correctement les impacts environnementaux potentiels.
Un descripteur d’impacts efficace devrait prétendre au statut d’un indice uni-
versellement valable, afin d’être employé, en guise de comparaison, un peu partout
Collecte de l’information et présentation des résultats

et pour divers projets. Toutefois, ce statut d’universalité peut représenter dans bien
des cas un critère discriminant à plus d’un titre; d’abord en invalidant des indica-
teurs autrement acceptables, ensuite en faussant la comparaison entre les divers pays,
notamment au désavantage de certains (Leduc et Pradès, 1993). C’est ainsi que les
objectifs qui sous-tendent la démarche d’universalité des indicateurs environnementaux
de l’OCDE (OCDE, 1991a et 1991b) ne font pas l’unanimité; ces indices sont donc
rarement employés.
L’universalité des descripteurs d’impacts et des indicateurs environnementaux est
donc une source d’interrogations. L’état de développement technique et scientifique
des différents pays ainsi que les traditions et les valeurs locales peuvent entraîner des
interprétations contradictoires, voire discutables. Ainsi, des indicateurs jugés appro-
priés pour les pays développés et élaborés par leurs propres experts ne le sont peut-
être pas pour les autres (Leduc et Pradès, 1993). Un indicateur simple, comme les émis-
sions de dioxyde de carbone (CO2) par habitant, par exemple, «désavantage les pays
utilisant des ressources énergétiques classiques (bois, charbon et pétrole) par rapport
à ceux qui emploient des ressources plus récentes ou plus exigeantes du point de vue
technique (hydroélectricité et nucléaire) » (idem).
Par ailleurs, et de manière comparable aux indicateurs environnementaux en général,
les descripteurs d’impacts «peuvent être bien ou mal utilisés par les politiciens» (Potvin,
1991). En conséquence, «chaque société doit établir sa propre échelle de valeurs » et
ensuite «faire des choix politiques fondés sur ces valeurs sociales» (idem). La ratio-
nalité scientifique peut parfois être utilisée pour masquer des objectifs et des inté-
rêts politiques ou autres que ceux qu’on prétend défendre.

PRÉSENTATION DU RAPPORT
La présentation des résultats peut différer dans les détails d’une étude à une autre,
mais dans l’ensemble elle contient sensiblement les mêmes éléments indispensables.
Les traditions et coutumes nationales et régionales interviennent bien sûr, et il en résulte
une disparité entre les différents rapports d’examen. Toutefois, cette disparité est sur-
tout tributaire des procédures particulières d’ÉIE en vigueur ainsi que des normes
corporatives spécifiques à l’entreprise lorsque c’est le cas, mais elle s’amenuise sous 277
la pression des tendances d’harmonisation et de mondialisation.
La plupart des procédures d’ÉIE recommandent ou exigent une présentation géné-
rale des résultats de l’étude. Les grands bailleurs de fonds internationaux ont eux aussi
leurs propres exigences; c’est notamment le cas de la Banque mondiale et de la Banque
L’évaluation des impacts environnementaux

africaine de développement. Ce dernier point faisait l’objet d’un traitement détaillé


au cours du chapitre trois.
La présentation du rapport final de l’étude peut aussi varier selon qu’il s’agit d’un
rapport interne à diffusion restreinte ou d’un rapport externe à large diffusion
publique. Bien entendu, l’ampleur du travail à accomplir et conséquemment le
résultat final diffèrent énormément lorsqu’il s’agit d’un examen préliminaire ou sim-
plifié, comparativement à une étude complète et détaillée.
Certains estiment qu’en pratique, «[trop peu] de connaissances techniques et scien-
tifiques sont effectivement diffusées avec le souci réel de leur compréhension »
(Dron, 1995). Conséquemment, plusieurs informations demeurent difficilement
accessibles au simple citoyen, voire à un plus large éventail d’intervenants, ce qui ne
favorise pas la participation pleine et entière de tous les intervenants possibles au pro-
cessus d’examen. Dans ce contexte restreint, l’ÉIE ne bénéficie pas de tous les avan-
tages potentiels d’une diffusion large de l’information et d’une collaboration efficace
de tous les intervenants.
Généralement, le rapport final est l’un des derniers éléments du processus d’éva-
luation, sauf dans les cas de la tenue subséquente d’audiences publiques. Il s’agit donc
le plus souvent d’y inscrire la synthèse des acquis et des connaissances issus des étapes
précédentes de l’évaluation. La rédaction devrait conséquemment refléter cet état de
fait, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi, en France, selon Simos (1990), 50% des
rapports faisaient preuve soit d’insuffisance ou d’absence de quantification satisfai-
sante des émissions et étaient par ailleurs difficilement compréhensibles par le grand
public. De tels rapports participent alors très peu à l’amélioration d’un projet, et, de
façon plus globale, ils favorisent bien peu l’implication des préoccupations environ-
nementales dans les projets de développement, désavantageant ainsi la mise en place
d’un développement viable. En définitive, le rapport final devrait démontrer l’amé-
lioration du projet en question ou, plus précisément, refléter au moins les bénéfices
qui en résultent.

Contenu du rapport

278 Sous la plupart des réglementations, il est exigé ou fortement recommandé d’inclure
les éléments suivants dans le rapport final d’évaluation:
• un résumé;
• le contexte institutionnel, législatif et administratif ;
• une description du projet;
Collecte de l’information et présentation des résultats

• la justification du projet;
• une analyse des solutions de rechange et des variantes au projet;
• une description du milieu;
• une évaluation des impacts sur l’environnement ;
• une description des mesures d’atténuation prévues;
• une description des programmes de gestion et de suivi;
• et, si nécessaire, une conclusion (recommandations, propositions).
Le résumé qui accompagne l’étude complète apporte une vision globale et
rapide des aspects essentiels de l’examen du projet. Celui-ci se doit d’être simple, com-
plet et compréhensible en soi, car il s’agit bien souvent du premier contact, sinon de
l’unique contact que les nombreux intervenants entretiennent avec l’évaluation des
impacts du projet. Le texte doit exposer les éléments les plus significatifs pour la com-
préhension du projet et les solutions proposées pour faire face aux éventuels problèmes.
Selon le type de lecteur éventuel, une attention toute particulière devrait être accordée
à son exécution. Nous verrons au cours du prochain chapitre que la diffusion de l’in-
formation aux différents acteurs impliqués dans le processus d’ÉIE nécessite un cer-
tain «savoir-faire», mais qu’elle suppose aussi une certaine «façon d’être». En effet,
la transmission de l’information a des exigences qui lui sont propres, notamment les
éléments de transmission de l’information (émetteur/récepteur) et les catégories de
communication (types de médium).
La présentation du contexte institutionnel, législatif et administratif doit
contenir une description des différentes conjonctures dans lesquelles l’évaluation envi-
ronnementale doit être réalisée, notamment les autorisations à obtenir et les normes
à respecter, comme nous l’avons mentionné au chapitre quatre.
La description du projet doit permettre une compréhension sommaire mais suf-
fisante du projet. Elle présente les aspects techniques et financiers, mais aussi les com-
posantes et les activités prévues, ce qui inclut les échéanciers, la localisation et les acti-
vités connexes au projet. La description devrait fournir une quantification des
émissions probables et des caractéristiques des procédés et ressources de toutes sortes
qui seront employés. 279
La section de la justification du projet doit permettre une compréhension des
raisons légitimant le bien-fondé du projet et sa réalisation éventuelle pour le promoteur,
d’une part, mais surtout pour l’ensemble de la société, d’autre part.
L’évaluation des impacts environnementaux

L’analyse des solutions de rechange et des variantes au projet proposées devrait


permettre leur comparaison systématique des options possibles et/ou proposées, et
ce, en termes de conception, de localisation et de technologie de construction et d’ex-
ploitation ainsi qu’en ce qui concerne les investissements et la durée respective. Les
avantages, les coûts, les bénéfices et les contraintes devraient être estimés de manière
à permettre leur appréciation. Bien entendu, les critères et les méthodes ayant servi
à la comparaison doivent être clairement exposés, et ce, de façon à autoriser une contre-
expertise des solutions choisies.
La description du milieu est complémentaire à la description du projet. En ce
sens, elle doit se consacrer en priorité aux éléments de l’environnement qui risquent
le plus d’être touchés par la mise en place du projet. Elle devrait contenir au préa-
lable la délimitation des trois domaines de référence: zone d’étude, état de référence
et horizon anticipé. Ensuite, cette section doit fournir une description générale des
conditions physiques, biologiques et socio-économiques du milieu d’insertion. De
plus, les autres projets de développement, en cours de réalisation ou proposés pour
l’avenir, devraient aussi être exposés.
L’évaluation des impacts sur l’environnement devrait être présentée en trois temps:
l’identification des interactions entre les activités du projet et les éléments de l’envi-
ronnement, l’estimation des modifications résultantes et finalement l’évaluation pro-
prement dite des impacts. La présentation de ces derniers peut incorporer les mesures
d’atténuation donnant lieu à des impacts résiduels. Cette section du rapport final devrait
permettre à l’éventuel lecteur d’apprécier l’ampleur et la qualité des données dispo-
nibles et des résultats obtenus ainsi que les informations absentes et les incertitudes
reliées aux prédictions. Pour des raisons similaires, la démarche méthodologique et
les méthodes employées devraient y être expliquées.
La description des mesures d’atténuation prévues devrait contenir le relevé et
la localisation des mesures ainsi qu’éventuellement leur faisabilité, la relation coûts-
avantages de l’ensemble de ces mesures et les frais associés à leur implantation et leurs
coûts d’entretien. De plus, l’estimation des besoins institutionnels de formation et,
ultérieurement, de ceux concernant la surveillance et le suivi associés à ces mesures,
devrait être incluse. Un plan de gestion des mesures d’atténuation doit être présenté
280
(plan d’action, détails du programme proposé et échéanciers). Le plan devrait inclure
des mesures de compensation là où les mesures d’atténuation sont difficilement appli-
cables ou trop coûteuses.
La description des programmes de gestion et de suivi doit contenir les spécifica-
tions au sujet des diverses activités relatives à ces questions: type de suivi, intervenants
Collecte de l’information et présentation des résultats

des programmes, coûts inhérents aux activités et autres ressources nécessaires à leur bon
fonctionnement, incluant des programmes de formation. Pour beaucoup de projets,
un plan d’intervention en cas d’urgence et, si nécessaire, une évaluation des risques
technologiques devraient s’ajouter.
En guise de conclusion, la dernière section d’un rapport d’évaluation reprend
les points forts de l’argumentation concernant le projet et porte un jugement global
et final sur l’évaluation réalisée. On peut en outre y retrouver une série de recom-
mandations, de commentaires et d’observations en vue de la prise de décision dans
le cas de rapports autres que celui de l’étude d’impacts proprement dit.
La prise en compte de ces différents aspects est de plus en plus courante en ÉIE.
Le soin apporté à la limpidité du rapport écrit pour le bénéfice de tous les types d’ac-
teurs qui interviennent dans le processus en est une manifestation. En outre, la tenue
de consultations publiques faisant preuve d’une plus grande ouverture d’esprit et favo-
risant la participation en est une autre. La compréhension du rapport final et des docu-
ments connexes ainsi que la participation aux consultations ne sont plus exclusive-
ment du ressort des spécialistes.
De manière plus concrète, l’apparence et la facilité de compréhension jouent des
rôles souvent déterminants parmi les aspects visuels de la présentation des résultats.
Les deux matrices présentées à la figure 6.2 et qui comprennent exactement les mêmes
résultats permettent la comparaison visuelle de présentation légèrement différente. La
matrice de gauche (6.2a) reproduit celle établie lors d’une étude effectuée en 1974. La
présentation des résultats est surchargée par de nombreux symboles plus ou moins signi-
ficatifs; son interprétation devient donc difficile. Nous avons repris dans la matrice de
droite (6.2b) les résultats de l’étude, mais de manière à en alléger les symboles.
L’interprétation est ainsi grandement facilitée. Ce changement est manifeste dans le cas
de la disparition de l’omniprésent symbole étoilé ( ), qui ici n’est pourtant qu’acces-
soire puisqu’il correspond aux impacts «non appréciables». Des remarques similaires
peuvent s’adresser aux autres modes de présentation des données, notamment en ce
qui concerne la clarté et la compréhension des tableaux, figures et cartes utilisées.
Une représentation graphique soignée, l’utilisation de la couleur, par exemple,
peut elle aussi améliorer la présentation des résultats, augmentant d’autant leur com- 281
préhension et leur apparence. La planche couleurs 8 montre les possibilités offertes
par la simple utilisation de la couleur dans l’emploi d’une matrice (la même que celles
de la figure 6.2). La nature positive ou négative des impacts peut ainsi être mieux mise
en évidence. Les possibilités d’utilisation de différents types et tailles de symboles peut
aussi grandement améliorer le résultat.
282
Figure 6.2
Présentation comparative d’une même matrice
ACTIVITÉS SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER DES IMPACTS ACTIVITÉS SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER DES IMPACTS
Période Effets des actions Période Effets des actions
d’activité complétées d’activité complétées

Légende Légende
Indique un impact mineur négatif Impact mineur négatif
Indique un impact majeur négatif Impact majeur négatif
Indique un impact mineur positif Impact mineur positif
Indique un impact majeur positif Impact majeur positif
Indique un impact non déterminé Impact non déterminé
L’évaluation des impacts environnementaux

Indique un impact non appréciable Impact non appréciable

Relocalisation résidentielle
Relocalisation des commerces
Démolition, nivellement, construction
Période transitoire (usage temporaire)
Nouveaux services
Nouveaux bâtiments résidentiels
Nouveaux bâtiments commerciaux
Stationnement
Parcs et espaces verts
Préservation historique
Modification des voies routières
Relocalisation résidentielle
Relocalisation des commerces
Démolition, nivellement, construction
Période transitoire (usage temporaire)
Nouveaux services
Nouveaux bâtiments résidentiels
Nouveaux bâtiments commerciaux
Stationnement
Parcs et espaces verts
Préservation historique
Modification des voies routières

Sol et géologie Sol et géologie


Réseau d’égouts Réseau d’égouts
Aqueduc Aqueduc
Végétation Végétation
Faune Faune
Qualité de l’air Qualité de l’air
Occupation voisine du sol Occupation voisine du sol
Évacuation eaux de pluies Évacuation eaux de pluies

ÉLÉMENTS PHYSIQUES
ÉLÉMENTS PHYSIQUES
Routier Routier
Public Public

Systèmes
Systèmes

de transport
de transport
Piéton Piéton
Terrains vacants Terrains vacants
Demande de services Demande de services
Taxe de base Taxe de base
Santé et sécurité Santé et sécurité
Vie de quartier Vie de quartier
Habitants Habitants

ÉLÉMENTS
ÉLÉMENTS

Écoles publiques Écoles publiques

SOCIO-ÉCONOMIQUES
SOCIO-ÉCONOMIQUES

Services de police Services de police


Services d’incendies Services d’incendies
Panorama Panorama
Structures historiques Structures historiques
Qualité du paysage Qualité du paysage

ÉLÉMENTS
ÉLÉMENTS

ESTHÉTIQUES
ESTHÉTIQUES

Caractéristiques du quartier Caractéristiques du quartier

Source: Adapté de U.S. Department of Housing and Urban Development, 1974.


Collecte de l’information et présentation des résultats

L’utilisation ultérieure des résultats d’une étude est un aspect essentiel à ne pas
sous-estimer ni négliger. En effet, l’information contenue dans une étude peut et devrait
presque toujours servir lors d’études ultérieures. Les données recueillies peuvent être
réutilisées dans le cas de projets de même type ou bien servir comme description du
milieu pour l’ensemble des autres projets, et ce, pour un espace de référence donné.
L’information sert aussi à d’autres fins qu’à l’évaluation ultérieure d’autres projets.
Elle sert d’abord à l’avancement des connaissances générales sur les sujets étudiés,
mais elle pourrait très bien servir à toute autre compilation des données. Ce dernier
cas est très bien illustré par la recommandation de la Banque africaine de dévelop-
pement à l’effet que l’information recueillie lors des évaluations de projet puisse servir
à dresser le bilan environnemental de chacun des pays concernés, notamment pour
la réalisation de rapports nationaux sur l’environnement.
Enfin, la présentation des résultats participe activement à la sensibilisation de l’en-
semble de la société aux questions environnementales. Dans certains cas, elle assume
une mission de formation ou d’éducation des acteurs impliqués de près dans le pro-
cessus d’examen, même si, pour plusieurs raisons, les résultats ne sont pas toujours
aussi riches que ceux espérés.

RECOMMANDATIONS ET AIDE À LA DÉCISION


Cette section du rapport d’évaluation est d’importance variable selon les exigences
de la réglementation en vigueur, mais surtout en vertu de la nature différente du rap-
port en question (rapport interne versus rapport externe). De surcroît, son influence
sur la décision est très inégale. L’influence se traduit par des recommandations, des
conseils, des suggestions, des avis, des propositions, des exigences ou des obligations.
La prise de décision qui interviendra par la suite pourra ou non entériner les
«conclusions» formulées dans le rapport d’ÉIE. La portée et la nature des recom-
mandations varient aussi selon le type de rapport à produire, qu’il s’agisse d’un rap-
port interne, externe ou de contrôle. L’étude effectuée pour le compte du promoteur
est très peu loquace à ce sujet, puisque la plupart des recommandations sont déjà incluses
dans les autres parties de l’étude (modification du projet, mesures d’atténuation, etc.).
Dans tous les cas, cependant, il s’agit bien ici d’un pouvoir de recommandation et
non pas d’une réelle prise de décision. 283

En apparence, la prise de décision est extérieure au processus d’évaluation; ce sont


des tiers qui effectuent le choix ultime à la lumière des informations fournies entre
autres par le processus d’ÉIE. En pratique, toutefois, l’organisme de contrôle, gou-
vernemental ou ministériel, est rarement indépendant et affranchi de toute attache
L’évaluation des impacts environnementaux

par rapport à la plupart des projets. L’assujettissement à la procédure d’ÉIE ne se fait


souvent qu’en vertu de l’existence d’un lien quelconque entre l’administration cen-
trale et l’intervention projetée; c’est la cas au Canada et aux États-Unis, par exemple.
Ces gouvernements sont impliqués directement ou indirectement par l’entremise de
leurs multiples activités, dans plus de la moitié des projets.
Afin de pouvoir mieux répondre aux attentes de ceux qui recoivent les conclu-
sions de l’examen et tout particulièrement pour ceux qui décideront des suites à donner,
il est important de bien identifier les décideurs. D’une part, cela permet de mieux déter-
miner leurs besoins ainsi que ceux de l’ensemble des intervenants au processus, et, d’autre
part, de connaître aussi les liens qu’ils entretiennent entre eux et avec l’ensemble de
la société. Ces liens de contrôle et de pouvoir devraient être représentés dans la pers-
pective du «système acteur» (Barouch, 1989), que nous verrons plus en détail au pro-
chain chapitre. Une meilleure connaissance de la dynamique qui anime les décideurs
permet de mieux répondre à leurs attentes, à leurs objectifs et à leur stratégie.
Selon Pearce et Freeman (1992), «si les besoins des divers décideurs se rejoignent
en bonne part quant au type d’information, ils diffèrent quant au mode de présen-
tation de l’information et à son actualité». Toujours selon les mêmes auteurs, on
dénombre plusieurs types de décideurs, mais ils peuvent se regrouper sous les trois
types généraux suivants:
• les fonctionnaires des différents paliers de gouvernement, c’est-à-dire «les res-
ponsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques»;
• les gestionnaires des diverses entreprises ou des organismes impliqués, à
savoir ceux chargés de l’élaboration et de l’administration des politiques
dans les secteurs privé ou public ainsi que du respect des lois et des règlements;
• les consommateurs/citoyens, soumis au respect des politiques, des droits, des
lois et des règlements.

Le pouvoir de recommandation
Selon la réglementation en vigueur, plusieurs étapes de recommandation peuvent
prendre place tout au long du processus d’évaluation. Ainsi, dès l’élaboration de la
284 directive, l’organisme de contrôle, lorsque c’est de son ressort, détermine les grandes
lignes de l’évaluation à réaliser. Les évaluateurs s’assureront ensuite de produire une
étude la plus conforme possible par rapport aux directives émises. Selon le cas, des
recommandations peuvent apparaître lors des diverses consultations avec le public
ou auprès des autres organismes publics ou privés concernés. Finalement, la dernière
section du rapport final d’évaluation, ainsi que celles des autres rapports d’examen
Collecte de l’information et présentation des résultats

possibles (commission d’enquête publique, évaluation interne de contrôle, etc.)


présente les réflexions, les suggestions de modification ou de correctifs à apporter et
les conclusions finales concernant l’opportunité de réalisation ou non du projet.
L’élaboration de recommandations, de modifications, de conclusions ou de sug-
gestions dans le rapport final constitue l’étape « ultime » du processus d’évaluation
des impacts environnementaux menant à la prise de décision. Les procédures par-
ticulières d’ÉIE déterminent peu les formalités à observer en ce sens (l’étendue et
la portée). Comme nous les avons abordés auparavant, les spécificités sociocultu-
relles propres à chaque culture et le contexte démocratique du moment et du lieu
en question influencent la portée de cette étape. Le pouvoir de recommandation
n’est parfois qu’une simple formalité réglementaire, voire administrative, sans
grande importance ni signification tangible par rapport à l’issue du développement
proposé. Toutefois, il arrive aussi qu’il s’agisse là d’un exercice marquant pour la
validité socio-économique et environnementale du projet, reflétant ainsi l’in-
fluence substantielle de la dimension politique du processus d’ÉIE.

Conclusion et propositions d’une commission d’étude


Lors de l’examen en audience publique d’un projet de construction d’une usine d’élec-
trolyse (Alcan à Alma), la commission chargée de l’examen proposa une série de
recommandations pour l’approbation du projet par le gouvernement du Québec (BAPE,
1997). Ces recommandations étaient de divers types et ne concernaient pas uniquement
le promoteur.
D’une part, la commission concluait son rapport en estimant que le projet présenté par
le promoteur était « acceptable dans son ensemble, tout en proposant certaines mesures
supplémentaires afin d’assurer une protection accrue du milieu». Les commissaires esti-
maient notamment que l’entreprise « devrait favoriser l’utilisation de combustibles et
de coke de pétrole à basse teneur en soufre, de façon à réduire davantage ses émissions
de gaz contribuant aux précipitations acides » (idem).
La commission proposait d’autre part que l’organisme de contrôle (le ministère de
l’Environnement du Québec), en collaboration avec les autorités municipales (Alma),
développe une « procédure de transmission des données relatives à la qualité de l’envi-
ronnement qu’il recueille sur le territoire municipal » (idem).
Enfin, parmi une série de mesures proposées, la commission proposait «qu’un plan détaillé 285
de maximisation des retombées économiques soit élaboré par Alcan en concertation avec
le milieu » (idem).
Source : Rapport d’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
(BAPE), 1997.
L’évaluation des impacts environnementaux

Le type et la portée des recommandations varient sensiblement. Plusieurs des recom-


mandations concernent avant tout la dimension technique de l’étude. On suggère alors
des correctifs particuliers à une composante du projet, des mesures d’atténuation perti-
nentes ou des éléments spécifiques à prendre en compte dans le programme de suivi.D’autres
recommandations par contre sont du domaine politique.C’est le cas notamment des conclu-
sions à tirer des craintes exprimées par les citoyens ou du bien-fondé de la justification
même du projet. Enfin, au point de vue scientifique, les commentaires ou les recom-
mandations concernent la validité des résultats obtenus et des méthodes employées ainsi
que des objets spécifiques d’étude, comme la répartition d’une espèce sur le territoire.
La portée des recommandations peut se déployer de la plus générale, celle qui repré-
sente en fait la conclusion même de l’étude, aux plus particulières, celles qui ne concer-
nent qu’un aspect précis de l’examen. Les recommandations générales expriment l’es-
timation globale de l’impact du projet sur l’environnement. Les recommandations
particulières, par contre, énoncent divers avis et propositions concernant des points
bien précis de l’étude ou du projet. Dans ce cas, il peut s’agir de la présentation des
correctifs à apporter à certaines composantes du projet, d’une liste de mesures d’at-
ténuation appropriées et quelquefois même de mesures de compensation. Dans d’autres
cas, il s’agira plutôt d’une appréciation du choix de site, des possibilités de solutions
de rechange ou de variantes. Nous reviendrons plus en détail sur ces derniers aspects
au cours du chapitre huit.

Deux coalitions face à face dans un même projet


Dès les premières phases d’évaluation du projet Grande-Baleine au début des années
1990, le promoteur du projet, Hydro-Québec, ainsi que les deux gouvernements responsables
des autorisations, le Québec et le Canada, durent tenir compte de deux puissants regrou-
pements d’acteurs voués à la défense d’intérêts divergents.
Le premier groupe, la Coalition en faveur du projet Grande-Baleine, regroupe des repré-
sentants du Conseil du patronat, de l’Association des manufacturiers du Québec, de la
Chambre de commerce de Montréal et de celle du Québec ainsi que ceux de la
Fédération des travailleurs du Québec. À plusieurs reprises, le groupe a exprimé son impa-
tience de voir démarrer le projet au plus tôt, tout en manifestant très peu d’inquiétudes
quant aux éventuels impacts sur l’environnement.
286 À l’opposé, le Forum québécois pour l’examen public du complexe Grande-Baleine appré-
hende les nombreux impacts potentiels et il espère un « débat rigoureux et scientifique
sur les retombées environnementales du projet ». Le Forum est constitué de représen-
tants des milieux écologistes et universitaires (Presse Canadienne, 20 avril 1991).
Ces deux coalitions se joindront aux autres acteurs impliqués dans le processus d’examen
du projet, notamment aux organismes autochtones (Cris et Inuits) grandement intéressés.
Collecte de l’information et présentation des résultats

Comme le rapport final de l’ÉIE ne représente pas la prise de décision en tant que
telle, les recommandations, suggestions et propositions contenues dans ce dernier ne
peuvent que l’inspirer, voire l’orienter plus ou moins profondément. C’est d’autant
plus vrai que d’autres rapports et sources d’influences diverses apportent souvent un
complément sinon contrebalancent le rapport d’évaluation. Rappelons finalement que
l’objectif de l’ÉIE, malgré sa proximité par rapport à la décision finale, reste de sup-
porter et de favoriser la prise de décision optimale d’un point de vue environnemental.

La prise de décision
La prise de décision en ÉIE est habituellement unique, globale et sans recours.
L’organisme responsable de l’autorisation accepte ou refuse le projet proposé. En pra-
tique, toutefois, cette affirmation doit être nuancée. En effet, il existe parfois plusieurs
organismes responsables des autorisations. C’est le cas des projets soumis à l’appro-
bation de plus d’un organisme réglementaire de l’ÉIE (national, régional, local, voire
international). C’est aussi le cas lorsque plusieurs législations s’appliquent à un même
projet et que cela nécessite des autorisations particulières. Il est rare qu’un projet n’im-
plique pas au moins une autre loi que celle régissant l’ÉIE (mines, forêts, agriculture,
aménagement, biens culturels, énergie, etc.). De plus, il existe parfois des prises de déci-
sion partielles en cours de processus. Par ailleurs, l’acceptation «finale» d’un projet
est de temps à autre sujette à une modification ultérieure plus ou moins substantielle.
La prise de décision en ÉIE soulève des questions d’ordre éthique et humanitaire,
en plus des aspects environnementaux en présence. En effet, elle est pour une bonne
part tributaire des valeurs et des procédures de la société dans laquelle elle s’exerce,
que celles-ci soient institutionnalisées ou non. Dans ce contexte général de la gestion
des affaires humaines, les rapports de force existant entre tous les groupes et indi-
vidus impliqués sont d’une importance déterminante et ils influencent grandement
les «façons de faire». À titre d’exemple, mentionnons la répartition des bénéfices et
des inconvénients des projets de développement ainsi que le déplacement des popu-
lations et le dédommagement des expropriés. Ces aspects sont presque toujours pré-
sents lors de la mise en œuvre d’infrastructures linéaires importantes. L’intérêt
général et la sauvegarde des éléments sensibles de l’environnement occupent aussi
une place cruciale dans la validation du projet. D’autant plus lorsqu’ils font face à 287
des intérêts privés ou à des exigences techniques et financières.
Comme pour les recommandations, l’ensemble du processus d’ÉIE offre plusieurs
possibilités de prises de décision partielles. La plus importante demeure cependant
la décision finale et globale concernant l’opportunité du projet. Les occasions de prises
de décision partielles varient bien entendu selon la procédure en cours. Ces prises
L’évaluation des impacts environnementaux

de décision restreintes concernent certains aspects répartis tout au long de la


démarche d’examen. C’est souvent le cas de l’assujettissement des projets. De plus,
même s’il est généralement le résultat d’une décision prédéterminée par les critères
d’assujettissement (liste d’inclusion ou d’exclusion), il peut aussi relever du pouvoir
discrétionnaire des organismes de contrôle.
Lors du déroulement du processus, d’autres décisions partielles peuvent intervenir.
Cela peut se produire avec l’élaboration de la directive, l’analyse de conformité, le mode
de diffusion de l’information ou certaines modalités de la participation publique. Pour
ces derniers aspects, les évaluateurs du projet collaborent fréquemment avec les orga-
nismes de contrôle de l’environnement. Comme tout n’est pas nécessairement fixé dans
la réglementation, il existe une marge de manœuvre propice à la négociation entre les
principales parties impliquées dans la préparation et la validation du rapport final.
La décision finale est la plupart du temps un compromis entre les préoccupa-
tions environnementales et les «impératifs» économiques et techniques. C’est ainsi
qu’un projet pourtant dommageable à l’environnement biophysique peut être accepté
d’emblée à cause des importants investissements qu’il représente ou parce qu’il
implique la création de nombreux emplois. Par contre, des correctifs avantageux pour
le projet ne pourront être apportés à cause de contraintes techniques jugées insur-
montables ou de pertes de bénéfices financiers. Néanmoins, le réarrangement, même
très partiel, d’un projet compromettant pour l’environnement est un moindre mal
par rapport à un développement sans bornes. De plus, à l’occasion, des enjeux envi-
ronnementaux modifient de manière importante un projet pourtant jugé initialement
incontournable et non modifiable par ses promoteurs. C’est ainsi qu’un projet de ligne
à haute tension (750 kW) au-dessus du fleuve Saint-Laurent se transforma en projet
de tunnel sous le fleuve à la suite des fortes pressions des citoyens en faveur de la pro-
tection de la valeur patrimoniale et esthétique des lieux. Pourtant, le promoteur s’ob-
jectait au départ à une telle éventualité sous le double prétexte de considérations tech-
niques et financières insurmontables (Gauvin, 1992).
Dans le cadre plus restreint du mandat même de l’étude, la prise de décision englobe
aussi les rapports qu’entretiennent les différents évaluateurs entre eux ainsi qu’avec
l’ensemble des autres acteurs impliqués dans le processus. Les rapports entre les dif-
288
férents intervenants sont inégaux et variables au cours du déroulement de l’examen.
C’est ainsi que les «rapports de force» entre la firme d’évaluateurs et l’entreprise fai-
sant régulièrement appel à ses services ne peuvent être régis de manière convenable
que par des mécanismes extérieurs de contrôle ou un comportement éthique
infaillible. Dans un contexte de transparence de l’information, l’élémentaire signa-
ture du rapport par l’évaluateur est sans doute l’une des meilleures garanties.
Collecte de l’information et présentation des résultats

Comme pour les recommandations du rapport final de l’ÉIE, l’étude d’impacts


elle-même ne représente pas une prise de décision en tant que telle. Le rôle de l’éva-
luateur d’impact n’est donc pas de se substituer à celui du décideur. Il ne peut que
supporter et favoriser la prise de décision optimale qui sera prise par d’autres. Celle-
ci n’est pas toujours une mince affaire puisque l’un des défis importants de la prise
de décision est la résolution d’un éventuel dilemme entre des enjeux, des objectifs et
des intérêts différents, voire divergents. L’ÉIE ne peut donc que fournir l’éclairage essen-
tiel et indispensable à une décision instruite et fondée. Le rôle de l’évaluateur est de
transmettre toute l’information nécessaire et significative à la prise de décision. Comme
l’évaluateur, le décideur représente en fait une équipe. En conséquence, la décision
ultime est fréquemment le résultat d’un compromis issu de l’appréciation de plusieurs
personnes, et ce, sur la base de l’expertise et de l’influence de multiples acteurs, à partir
d’intérêts, de perception, de jugements et de connaissances multidisciplinaires et mul-
tidimensionnelles (scientifiques, techniques et politiques)2.
L’une des épineuses questions en ce qui concerne la prise de décision est celle de la
place des élus dans le processus de décision. Dans plusieurs juridictions, seuls des repré-
sentants élus par la population peuvent prendre une décision, comme c’est le cas au Québec.
Les autres représentants du gouvernement et des organismes publics (c’est-à-dire les fonc-
tionnaires de l’État et les commissaires enquêteurs) ne disposent que d’un pouvoir de
recommandation3. Dans certains cas, toutefois, des «représentants de l’État» faisant partie
d’une commission d’étude peuvent disposer d’un réel pouvoir décisionnel. Les commissions
d’examen américaines dans le domaine énergétique en sont de bons exemples.
Lorsque l’ÉIE participe vraiment au processus décisionnel, les responsabilités de l’équipe
d’évaluation sont considérables, car les jugements fondant la décision reposent alors en
grande partie sur son travail. L’opinion des experts, sans être toujours acceptée d’em-
blée ni être la seule valable, pèse donc lourdement dans les décisions des décideurs.
Finalement, la décision ultime concernant la réalisation du projet à l’étude revient
au promoteur. En effet, ce dernier doit trancher en bout de ligne quant à l’opportu-
nité de réaliser ou non son projet, compte tenu des craintes, des exigences, des modi-
fications, des conditions et des limites issues du processus d’évaluation. Le promoteur
décide donc d’annuler, de reporter ou de réaliser, avec ou sans modifications, son projet.
289
2. Afin de mesurer les différences de perception et d’intervention possibles des différents acteurs dans
le processus d’ÉIE, nous conseillons la consultation du volume L’évaluation des impacts environne-
mentaux: processus, acteurs et pratique (André et coll., 1999).
3. Cette question cruciale dans un régime démocratique est largement abordée dans une recherche
récente (Vézina, 1996) portant sur le partage du pouvoir entre les élus, les représentants de la fonc-
tion publique et les citoyens dans le monde municipal à Montréal au cours des années 1980-1990.
Chapitre

7
Contexte de la négociation
environnementale

L e processus officiel d’évaluation environnementale des projets fait partie de l’en-


semble plus vaste de la négociation environnementale. Cette dernière regroupe
l’ensemble des pourparlers, des réunions formelles et informelles et des tractations
publiques et privées entre les différentes parties impliquées dans la mise en place d’un
projet, en vue d’en arriver à une entente. L’entente dont il est question ici, notam-
ment les conditions d’autorisation du projet, fait suite à un examen complet du dos-
sier dont font partie le rapport et le processus d’ÉIE. Les différentes parties impli-
quées dans l’examen doivent se mettre d’accord sur la validité du projet proposé et
le cas échéant sur les conditions d’approbation. La décision finale concernant le projet
peut être le résultat d’un compromis ou d’un accord quelconque entre les parties,
voire, exceptionnellement, s’accomplir sur la base d’un consensus. En conséquence,
l’évaluateur d’impact doit conserver à l’esprit l’allégation de Simos (1990) à l’effet
que « connaître, comprendre et respecter les rationalités des autres partenaires :
accepter la diversité, voire les divergences des points de vue», demeurent des bases
essentielles de l’évaluation des impacts environnementaux. Au-delà de la présenta-
tion des résultats de l’étude, la négociation environnementale englobe tout le pro-
cessus d’examen. Comme dans d’autres domaines, la pratique de l’ÉIE exige du «savoir-
faire», mais aussi beaucoup de «savoir-être».
L’évaluation des impacts environnementaux

En ce qui concerne les relations du promoteur avec la firme d’évaluation ainsi


qu’avec les différents acteurs de l’extérieur, les techniques de communication ainsi
que celles relatives à la participation du public devraient être maîtrisées. Enfin, les
techniques de résolution des conflits demeurent des aspects importants et utiles de
tout processus d’évaluation des impacts environnementaux.

NÉGOCIATION ENVIRONNEMENTALE
Le terme «négociation» est habituellement défini comme représentant une «série d’en-
tretiens, d’échanges de vues, de démarches qu’on entreprend pour parvenir à un accord,
pour conclure une affaire» (Robert, 1986). Le terme «négocier», non limité au domaine
économique, est souvent opposé à l’affrontement et en conséquence il désigne la négo-
ciation comme «l’ensemble des démarches entreprises pour conclure un accord, un
traité, rechercher une solution à un problème social ou politique, son résultat» (Hachette,
1989). Dans le cadre d’une société de plus en plus tournée vers le négoce et l’intérêt
personnel, n’est-il pas normal de placer la «négociation» comme processus majeur
d’interactions entre les membres d’une même société ainsi qu’entre cette dernière et
ses voisines?
Faute d’un terme général plus adéquat, nous employons l’expression «négocia-
tion environnementale» pour rassembler l’ensemble des interactions entre les divers
acteurs impliqués dans un processus d’évaluation environnementale. Cet ensemble
regroupe des activités et des démarches aussi disparates que l’information du public,
la consultation, la concertation et la participation publique, ainsi que la médiation,
l’arbitrage, les recours judiciaires, les ententes de compensation, les jeux d’influence,
le lobbying, l’utilisation des médias et toute autre forme de négociation formelle et
informelle, de nature privée ou publique. Le schéma du tableau 7.1 présente suc-
cinctement une typologie simple d’exemples de négociation environnementale,
selon qu’il s’agit d’une démarche privée ou publique, dans un cadre formel ou informel.
Les flèches à droite et en bas du tableau donnent une appréciation générale du nombre
de participants au processus et de la volonté manifestée par ces derniers de négocier.
Il est de plus en plus fréquent en ÉIE de concevoir le processus d’évaluation comme
292 un processus négocié (Simos, 1990). Pour Barouch (1989), la négociation se définit
objectivement et par opposition aux conflits, comme une «procédure plus ou moins
codifiée socialement en vue de la résolution de problèmes communs à plusieurs per-
sonnes». Elle se définit toutefois de manière plus objective et en rapport au processus
de décision en cours comme «un cadre relationnel subjectif qui conditionne la com-
munication entre individus» (idem). De plus, plusieurs praticiens de l’environnement
Contexte de la négociation environnementale

englobent comme nous sous l’expression « négociation environnementale » les


diverses interactions entre les acteurs impliqués dans l’examen d’un projet (Gorczynsky,
1991).

Tableau 7.1
Typologie simplifiée de la négociation environnementale
et exemple d’accords entre les parties

PRIVÉE PUBLIQUE

Volonté de négocier
INFORMELLE Entente privée avec l’industrie Débat dans les médias

FORMELLE Médiation Audience publique

Nombre de participants

L’environnement est une scène d’émergence pour de nombreux conflits, notam-


ment parce que s’y entrechoquent des problèmes issus tant du domaine de la science
et de la technique que du politique (idéologique, éthique et social) (Beauchamp, 1996).
En effet, les «conflits environnementaux» regroupent des problèmes, des acteurs, des
valeurs, des intérêts et des horizons de temps et d’espace très variés. Nous reviendrons
de manière plus complète à cette question de la nature particulière des problèmes envi-
ronnementaux au cours de la section «Typologie de la résolution des problèmes ».

Stratégies de négociation
Confronté aux nombreux problèmes environnementaux, tout observateur attentif est
partagé entre une vision pessimiste ou optimiste par rapport à l’avenir. Dans une optique
stratégique de gestion de l’environnement, Mermet (1992) constate un paradoxe vis-
à-vis des diverses positions possibles. D’une part, l’impression de gâchis peut être tel-
lement considérable, la dégradation de l’environnement étant constante et infinie, 293
que le seul constat possible est alors celui du «laisser-faire» et de la «non-gestion».
Le pessimisme est alors à son comble. D’autre part, pour celui qui possède une foi
tenace dans les possibilités de la raison humaine, il y a encore lieu d’être optimiste.
Cet optimisme autorise l’élaboration de stratégies de gestion de l’environnement dans
le sens d’une longue marche de l’humanité vers une gestion responsable.
L’évaluation des impacts environnementaux

Les multiples dimensions, problèmes, intérêts et acteurs impliqués en environ-


nement supposent des stratégies de gestion bien particulières. La plus globale de ces
stratégies responsables est le développement durable. Des stratégies plus spécifiques
permettent toutefois d’atteindre cette future gestion globale de l’environnement. La
négociation environnementale est l’une de ces stratégies de prise en compte des inté-
rêts et enjeux multiples dans le domaine de l’environnement. Elle répond donc aux
exigences d’une gestion responsable et partagée, dans la mesure où elle se situe dans
un encadrement «démocratiquement acceptable», car elle se fonde alors sur un par-
tage réel du diagnostic et des enjeux, admettant la plus grande diversité possible
d’apports (Dron, 1995).
Dans une approche théorique de compréhension des forces sociales en présence
et notamment de leur prise en compte dans les processus de gestion, Barouch (1989)
présente une approche systémique : le « système-acteur». Constatant que les forces
sociales forment un tout cohérent, en fait un système basé sur des réseaux d’échanges
entre divers acteurs à l’influence inégale, l’auteur propose une méthodologie d’ana-
lyse et d’intervention au sein des organisations humaines. L’approche système-
acteur est définie comme une «procédure de recueil et d’analyse de données visant
à étudier un problème puis à intervenir sur un système; elle repose sur la confron-
tation et l’intégration successive des points de vue exprimés sur la réalité étudiée»
(idem).
L’un des constats les plus importants de l’approche du système-acteur pour l’éva-
luateur d’impacts est que l’homme d’étude devient un acteur du processus de négo-
ciation parmi d’autres. De plus, «il sait en particulier que son système d’interpréta-
tion vient en concurrence avec les autres systèmes d’interprétation existant de façon
contradictoire au sein de l’organisation (idem). Le principal apport pratique de l’ap-
proche est celui «de montrer, quand c’est nécessaire, que l’ensemble des solutions pos-
sibles est plus grand qu’on serait tenté de le croire sur la base de raisonnements et
modèles a priori» et qu’en conséquence «elle augmente la liberté des décideurs et les
chances de parvenir à des solutions plus efficaces» (idem).
Rappelons que le rôle des décideurs dans le processus d’élaboration et de mise
en œuvre en ÉIE est déterminant. Et comme l’affirmaient Pearce et Freeman (1992),
294
«les décideurs réagissent aux préoccupations exprimées à l’égard de l’environnement
par le public, les experts scientifiques et les groupes de pression, mais ils mettent en
train des politiques environnementales indépendamment des opinions extrêmes».
Conséquemment, augmenter la liberté des décideurs par l’expression d’un plus
grand nombre d’enjeux et de solutions, comme le préconise l’approche système-acteur,
est un bénéfice inestimable pour le processus d’ÉIE. Le bénéfice attendu est non
Contexte de la négociation environnementale

seulement au niveau scientifique d’examen (la compréhension du milieu humain en


présence), mais aussi, et surtout, aux niveaux technique (solutions techniques plus
efficaces) et politique (validité et acceptabilité plus grande des solutions adoptées).
Compte tenu du contexte d’insertion et des conditions de mise en œuvre de la
plupart des évaluations d’impacts, les négociations regroupant deux parties seulement
et uniquement autour d’un unique enjeu sont rarissimes. En effet, il existe toujours
plusieurs parties impliquées, et ce, sur la base d’enjeux et d’intérêts multiples. Il est
donc évident qu’il faille élargir les processus de négociation et de décision actuels,
c’est-à-dire du type « monoacteur » ou « technocrate éclairé », et ce, en favorisant la
négociation multiacteurs (Barouch, 1989). En ÉIE, de telles négociations sur le fond
nécessitent une approche intégrative, c’est-à-dire une «négociation raisonnée» (prin-
cipled negociation) (Fisher et Ury, 1991).
Étant donné la complexité de la négociation environnementale en ÉIE, le dénoue-
ment généralement atteint résulte d’une prise de décision en situation d’incertitude
(Raiffa, 1982). En effet, les résultats escomptés et l’évaluation sur laquelle ils reposent,
avec tous les avantages et désavantages qu’ils comportent, s’appuient sur des estima-
tions et sur un long processus de négociation impliquant des intérêts et des acteurs
multiples.
Par ailleurs, la recherche de l’harmonie et de la convergence entre le développe-
ment économique et la protection de l’environnement, d’une part, et les divers objec-
tifs et intérêts en cause, d’autre part, embrouille encore plus l’univers de la négocia-
tion environnementale. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on évite de réfléchir et de tenir
compte des contradictions possibles, mais surtout chaque fois qu’on s’efforce de mas-
quer les conflits (Godard, 1992). En ce sens, toute pratique de négociation ne devrait
pas reposer uniquement sur une approche de réduction des conflits, puisque au contraire
c’est parfois grâce à eux que des solutions supérieures émergent.
Parmi les nouvelles stratégies de négociation qui manifestent l’expression des chan-
gements de mentalité dans les administrations publiques, Lascoumes et Valluy (1996)
définissent les « activités publiques conventionnelles » comme de nouvelles pra-
tiques de mise en valeur, de mise en visibilité et d’évolution des façons de faire. Leur
typologie des activités publiques conventionnelles regroupe les accords et activités 295
suivantes :
• accords informels non publiés ;
• préliminaires (consultations officieuses);
• arrangements (accords oraux) ;
L’évaluation des impacts environnementaux

• accords informels publiés ;


• initiatives suggérées (chartes de bonne conduite);
• accords normatifs (entente négociée avec un secteur industriel, par exemple);
• accords formels publiés ;
• actes de droit public non armés (contrats administratifs);
• actes de droit public armés (contrats administratifs avec sanctions).
Le résultat de ces pratiques représente des ententes (accords), plus ou moins for-
melles, issues de nouvelles stratégies de négociation en environnement entre certains
acteurs (promoteurs et industriels) et l’administration publique.
En pratique, une stratégie de négociation reposant sur une approche système-
acteur cherchera à définir clairement les cinq paramètres suivants (Barouch, 1989):
• les unités sociales du système;
• la proximité et la fréquence des échanges;
• les disparités de pouvoir;
• la participation aux événements;
• la structure globale du système.
En situation réelle, une négociation environnementale n’est pas aussi claire et nette
à examiner que le portrait théorique que l’on peut en dresser, aussi systématique et
complet qu’il puisse être. De plus, dans le feu de l’action, c’est-à-dire lorsque le véri-
table jeu se déroule («while the big game is being played»), il est beaucoup plus diffi-
cile de comprendre, d’apprécier et de pouvoir réagir aux multiples interactions pos-
sibles (Gorczynski, 1991). Gorczynski, l’un des praticiens de l’évaluation environnementale
aux États-Unis, propose une analyse et un usage de la négociation environnementale
à partir d’une connaissance critique des acteurs en présence ainsi que de la stratégie
et des tactiques possibles d’intervention (idem). Nous verrons en détail au cours de
la prochaine section la typologie très pragmatique des acteurs que l’auteur propose,
mais voyons tout d’abord les étapes de la stratégie proposée et les différentes tactiques
d’intervention.
296
Pour Gorczynski (idem), il y a cinq étapes principales d’une stratégie de négo-
ciation environnementale :
• l’enquête: connaître les problèmes en cause, mais surtout les comportements
et les attentes des autres acteurs impliqués, notamment des leaders en présence;
Contexte de la négociation environnementale

• l’inventaire: évaluer les forces et les faiblesses de chacun ainsi que les alliances
potentielles et élaborer trois scénarios possibles :
– le meilleur résultat possible;
– le pire résultat possible;
– le meilleur résultat espéré;
• l’organisation : établir un plan et la préparation de l’équipe, dont:
– mobiliser et former l’équipe;
– faire des approches auprès de ceux ayant des intérêts communs;
– mobiliser et former les alliés retenus;
– déterminer des objectifs réalistes pour la négociation ;
– déterminer un plan d’action et un échéancier à court et à long terme;
– déléguer et répartir les tâches;
• l’action: choisir le moment propice pour agir, ni trop tôt ni trop tard, mais
agir, déterminer les règles du jeu ou connaître celles qui s’appliquent, sans
compter qu’elles peuvent varier en cours de négociation;
• la réaction: ne pas croire que la partie est gagnée d’avance et se méfier des réac-
tions de la partie adverse;
– il y a sept réactions possibles, mais la plus plausible est celle du compromis;
dans ce cas, il s’agit de pouvoir obtenir une partie de ce qu’on veut, mais à
la condition de concéder à l’autre partie une partie de ce qu’elle veut.
Une telle stratégie de négociation répond avant tout à une démarche de confron-
tation entre deux parties en opposition puisque l’écoute, l’analyse des arguments des
autres parties et la recherche de solutions communes prend peu de place ici.
En ce qui concerne les tactiques d’intervention possibles, l’auteur (idem) présente
neuf tactiques souvent rencontrées au cours de ses années d’expériences en tant que
négociateur environnemental. Il serait trop fastidieux ici d’en donner les caractéris-
tiques principales. Retenons cependant les conseils et les observations qui suivent:
• selon les circonstances, il est préférable d’employer l’une ou l’autre des tac- 297
tiques, ce qui n’exclut aucunement l’emploi successif de tactiques différentes,
voire opposées;
• la tactique la plus commune est celle qui passe par un échange indirect par le
biais des médias; la confrontation publique qui en résulte influencera les posi-
tions de départ des parties;
L’évaluation des impacts environnementaux

• la tactique préférée des experts, ingénieurs et autres scientifiques passe par l’in-
timidation de la partie opposée, en tirant profit de la confiance naïve de ces
derniers en leur expertise, et le rejet systématique de toute autre solution que
celle qu’ils proposent ;
• les «lobbyistes» baseront leur tactique de négociation sur la séduction des
membres de la partie adverse, notamment en les considérant comme des «amis»;
• l’arrogance, l’insulte, la contestation et la destruction des arguments de la partie
adverse est une tactique souvent employée par les avocats ; elle peut parfois
mener à des attaques personnelles d’adversaire à adversaire;
• enfin, lorsque l’issue de la négociation est connue, l’auteur propose un cer-
tain nombre de comportements pour les vainqueurs et les vaincus, afin de main-
tenir viables de futures négociations.

Types d’acteurs
L’univers des acteurs possibles est considérable et très diversifié. Que ceux-ci soient
entraînés à s’impliquer d’une façon ou d’une autre ne modifie en rien la légitimité de
leur participation. La prise en compte des multiples intérêts, parfois divergents et opposés,
lors d’un projet significatif pour la population, émergera tôt ou tard. Dans certains
cas, comme nous le verrons plus loin («Typologie de résolution des problèmes»), l’émer-
gence d’intérêts divergents dès les premières étapes d’examen du projet permet d’at-
ténuer, voire d’éliminer les éventuels et inévitables conflits. La consultation élargie à
l’ensemble des intervenants permet une meilleure acceptation du projet, une bonifi-
cation des avantages et une atténuation des conséquences négatives de celui-ci.
Nous avions précédemment relevé trois grandes classes d’acteurs (Simos, 1990):
• ceux impliqués d’office (requérants, évaluateurs et autorités responsables);
• ceux s’impliquant d’eux-mêmes (écologistes et populations concernées);
• ceux amenés à s’impliquer (diverses administrations et experts-conseils).
Tous ces acteurs sont entraînés à s’impliquer dans le processus d’examen du projet,
soit de manière officielle dans les consultations prévues, soit de façon non officielle
298 par l’habituel «jeu des pressions» ou soit par la manifestation publique des opposi-
tions.
Pour l’évaluateur d’impact, comme pour l’organisme de contrôle de la procédure,
l’identification de tous les acteurs potentiels et des relations qui les animent devrait
figurer parmi les premières tâches d’examen du projet. L’apport des différents acteurs
Contexte de la négociation environnementale

sera en effet utile dès les premières phases d’étude, ne serait-ce que pour transmettre
des données indispensables à l’évaluation en cours.
La Loi canadienne d’ÉIE détermine neuf catégories d’acteurs aux intérêts variés
qui s’impliquent habituellement dans l’examen des projets au Canada (ACÉE, 1994).
Ces catégories sont:
• les habitants locaux;
• les autochtones;
• les représentants des gouvernements municipaux et régionaux ;
• les organisations communautaires comme les groupes de propriétaires domi-
ciliaires, les organisations de personnes âgées, les clubs de service et les
groupes de conservation;
• les associations professionnelles et commerciales;
• les propriétaires de petites et moyennes entreprises (PME);
• les établissements d’enseignement ;
• les groupes intéressés du public;
• les médias.
Le U.S. Army Corps of Engineers relève quant à lui une quinzaine de catégories
d’intervenants possibles (Canter, 1996). Même s’il s’agit d’intervenants dans le
domaine de l’eau, les différentes catégories ne sont pas foncièrement différentes de
celles que nous venons de décrire. Elles répartissent simplement les acteurs d’une manière
plus exhaustive, en faisant par exemple des groupes sportifs et des organisations de
fermiers des catégories à part.
De façon plus stratégique, Gorczynski (1991) classe les différents acteurs (players
of the game) en neuf catégories aux intérêts, stratégies et tactiques bien définis:
• les ingénieurs et autres scientifiques « objectifs »;
• les politiciens et les élus ou ceux qui espèrent l’être;
• les bureaucrates;
299
• les industriels et les promoteurs ;
• les activistes environnementalistes;
• les citoyens;
• les médias;
L’évaluation des impacts environnementaux

• les juristes et les groupes de pression (lobbyists);


• les vulgarisateurs, les porte-parole (primary leader) et les « conciliateurs »
(bridgebuilders).
La procédure de participation pourrait attribuer une place plus importante à la
contribution du public dans la prise de décision elle-même, et ce, grâce à de véritables
responsabilités à toutes les phases d’examen. Ainsi, lors du récent examen du projet
Grande-Baleine (centrales d’Hydro-Québec à la baie d’Hudson), le public fut
impliqué lors de la tenue d’audiences publiques préliminaires, dès l’étape de formulation
de la «directive». Par la suite, de nouvelles consultations lors de l’analyse de confor-
mité à la directive permirent aux différents acteurs de participer au processus d’ac-
ceptation de l’étude d’impacts elle-même. Cette double intervention du public,
contrairement à la procédure habituelle au Québec, permit une implication accrue
des différents acteurs, et ce, très en amont de la remise du rapport final. La poursuite
de l’examen du projet fut toutefois arrêtée à cette étape par le report du projet à une
date ultérieure de la part du promoteur.
Le public peut être constitué par les différents acteurs que nous avons défini au
début, notamment par les deux derniers, à savoir ceux s’impliquant par eux-mêmes,
les écologistes et les riverains, ainsi que ceux amenés à s’impliquer, à savoir les diverses
administrations et les experts-conseils. Les acteurs de ces deux catégories s’opposent
régulièrement à ceux de la première, à savoir ceux impliqués d’office, particulière-
ment lorsqu’ils ne sont consultés qu’à la fin de l’examen ou lorsqu’ils estiment que
leur apport est négligé.
Par ailleurs, la localisation spatiale des différents acteurs par rapport au projet ajoute
une dimension nouvelle à cette question. Ainsi, certains acteurs bénéficient, directe-
ment ou indirectement, des avantages du projet sans en être nécessairement incom-
modés, alors que d’autres ne pourraient qu’être lésés par l’implantation du projet, sans
toujours en tirer vraiment un bénéfice. L’éloignement des acteurs par rapport au site
d’implantation doit être pris en compte, et ce, surtout s’il existe une répartition diver-
sifiée pour une même catégorie d’acteurs. Chacune des catégories d’acteurs ne
constitue pas toujours un bloc monolithique aux opinions et aux intérêts communs.
300 Il faut aussi retenir que tous les groupes de la population n’ont pas le même pou-
voir de négociation. Ainsi, les groupes autochtones, notamment dans les Amériques,
bénéficient selon certains d’un traitement de faveur par rapport aux autres groupes
minoritaires de la population. Depuis plusieurs années déjà, ces groupes ont indé-
niablement acquis une expérience appréciable des négociations avec les pouvoirs en
place et tout particulièrement sur les questions touchant de près à l’évaluation
Contexte de la négociation environnementale

environnementale. De plus, l’examen d’un projet est souvent le prétexte pour eux de
négocier d’autres sujets en rapport avec leurs intérêts propres, notamment l’autonomie
politique et les revendications territoriales.

Démocratie et participation publique


Le contexte politique de beaucoup de pays limite sérieusement la participation publique.
La simple consultation des autres ministères que ceux impliqués directement dans l’éla-
boration d’un projet est souvent déficiente et l’information circule très peu entre les dif-
férents fonctionnaires. À plus forte raison, les instances nationales consultent rarement
leurs propres autorités locales, et encore moins les autorités locales traditionnelles
(c’est-à-dire chefs de villages). La gestion des affaires publiques suit donc fidèlement la
voie hiérarchique du haut vers le bas (Leduc, 1997)
En conséquence, la plupart des gens et forcément les populations rurales semblent rési-
gnés vis-à-vis des autorités supérieures. L’acquiescement spontané de la population aux
décisions des responsables désignés semble donc aller de soi. Il y a ainsi une précarité et
une insuffisance, voire une absence quasi complète de la participation publique dans
l’évaluation des projets de développement, et ce, même lorsqu’elle est exigée par les orga-
nismes internationaux (Banque mondiale, Programme des Nations Unies pour l’envi-
ronnement ou Agence canadienne de développement international). C’est pourquoi, sans
doute, «le respect des temps de cheminement des autres, s’appuyant sur une sincère atti-
tude exemplaire de notre part, demeure notre meilleure garantie » que la participation
publique puisse un jour tenir un rôle de premier plan (Leduc et Raymond, 1996).
Il y a donc fort peu de bénéfices directs et indirects obtenus de la participation publique
dans un contexte politique aussi restreint. En définitive, seul un long processus collectif
d’apprentissage, auquel participera activement mais modestement l’ÉIE, autorisera une
modification lente mais progressive des traditions démocratiques et du partage du pou-
voir dans ces contextes de faible participation publique (Leduc, 1997).

Finalement, de nouveaux acteurs importants ont fait récemment plusieurs inter-


ventions remarquées; il s’agit des groupes environnementaux internationaux. Leurs
interventions s’effectuent souvent dans les pays en voie de développement, mais ils
agissent aussi ailleurs dans des projets dans les États voisins, comme cela se passa entre
le Canada et les États-Unis dans le dossier Grande-Baleine. Dans le cas des projets
internationaux, il n’est pas rare de voir se manifester une organisation non gouver- 301
nementale internationale (ONGI) ou l’un des grands groupes écologistes, ainsi que
plusieurs intervenants d’autres pays (gouvernements étrangers, organismes d’aide,
institutions financières, etc.).
L’évaluation des impacts environnementaux

PARTICIPATION DU PUBLIC
La démarche de «participation du public» laisse libre cours à de multiples interpré-
tations. En effet, l’expression est utilisée pour recouvrir des situations tout à fait dif-
férentes selon les procédures en vigueur. Le type d’intervention qu’elle recouvre est
vaste et diversifié. En pratique, la participation publique est soit cantonnée dans une
relative passivité, soit promue à une contribution active dans le processus de déci-
sion. Le rôle de la participation du public dans les processus de décision est donc très
variable. En conséquence, son influence sur les décisions est elle aussi très variable.
Elle est parfois réduite à sa plus simple expression, à savoir l’élémentaire informa-
tion a posteriori de la réalisation d’une ÉIE; le public est alors strictement informé.
À l’opposé, le public a quelquefois la possibilité de participer à plusieurs étapes impor-
tantes de l’examen en cours et ainsi de pouvoir participer activement à l’étude.
Habituellement, le public n’est consulté qu’au sujet du rapport final d’ÉIE, lors d’au-
diences publiques, par exemple, et non pas en cours d’examen. Sans pouvoir modi-
fier l’étude d’impacts, il peut au moins faire entendre sa voix avant la prise de déci-
sion finale, ce qui change quelquefois les évaluations et les orientations prises
précédemment.
Une participation pleine et entière devrait débuter dès la phase initiale d’élabo-
ration du projet et s’échelonner jusqu’à la décision finale de l’acceptation définitive
du projet. Récemment, la participation du public s’est étendue à la plupart des pro-
cédures d’ÉIE et elle tend à prendre encore plus de place là où elle se trouvait déjà.
Autrement, l’influence de la participation publique se réduit trop aux ultimes cor-
rectifs acceptables des points de vue technique et financier, lors de la présentation du
rapport final d’ÉIE au cours d’une étape plus ou moins active de consultation
publique. Or, à cette étape, l’état d’élaboration du projet est tellement avancé que les
correctifs encore possibles ne concernent que des aspects mineurs et accessoires.
Dans les limites actuelles de l’examen a posteriori, la participation publique
entraîne aussi certaines altérations de la procédure. Se sentant exclu de la démarche
d’évaluation, le public ne collabore qu’avec réticence et son évaluation du projet en
cause est alors méfiante, rapide et très émotive. De plus, il se produit une polarisation
302 des points de vue, sinon une opposition manifeste par rapport au projet, au promo-
teur et à l’équipe d’évaluateurs. La justification même du projet est alors perçue de
façon plus négative et les résultats présentés apparaissent moins convaincants. De plus,
comme la faible diffusion de l’information et le peu de résultats compréhensibles ainsi
que les moyens dérisoires dont le public dispose habituellement n’ont rien pour relever
le niveau de participation (Dron, 1995), plusieurs acteurs deviennent perplexes
Contexte de la négociation environnementale

vis-à-vis d’un tel processus de participation. Au sujet de ce dernier aspect évoquant


les moyens dérisoires dont disposent les citoyens pour participer activement au pro-
cessus d’évaluation, il serait souhaitable que les initiatives de financement des groupes
et des individus, comme cela se produit lors des commissions fédérales canadiennes
d’évaluation, par exemple, se multiplient, voire deviennent une pratique courante.
En conséquence, le processus de négociation s’avère incomplet, voire superficiel
et sans trop d’importance. Voilà qui réduit certes les bénéfices entraînés par l’ÉIE en
ce qui concerne les aspects scientifiques et techniques, diminuant par le fait même
l’atteinte des deux premiers objectifs de l’ÉIE. Mais le plus inquiétant est la très faible
intégration du projet dans le milieu humain, réduisant presque au silence le troisième
objectif, l’acceptabilité sociale et politique du développement. Dans l’optique du déve-
loppement durable, la participation publique devrait permettre une « réappropria-
tion par les citoyens de la responsabilité de leur milieu» (Ost, 1995). L’atteinte de cet
objectif progresse un peu partout, mais beaucoup de négociation reste à faire en ce
sens. Enfin, il ne faudrait pas confondre la participation publique avec les relations
publiques. Alors que la première recherche l’implication des citoyens dans les pro-
cessus de décision, une campagne de relations publiques aspire plutôt à influencer
l’opinion des citoyens. La communication en ÉIE ne doit pas se limiter à un simple
échange d’informations ; elle doit plutôt représenter « un échange actif et constructif
d’informations, d’interprétations et d’opinions qui bénéficie à la fois à ceux qui pro-
posent et qui financent [ainsi qu’au] public concerné» (OCDE, 1994c).
Après l’évocation de ses avantages et de ses inconvénients, nous allons aborder
la participation publique sous l’angle des règles et des principes, avant d’examiner
la portée usuelle de la participation publique dans les processus de décision, pour enfin
conclure avec l’audience publique et la préparation essentielle des citoyens ainsi que
leur participation au comité de suivi. Nous poursuivrons toutefois nos réflexions sur
la participation publique au cours des deux sections suivantes: les techniques de com-
munication et la résolution des problèmes.

Les avantages et les inconvénients de la participation publique


La participation publique gagne progressivement du terrain et de nouveaux adeptes.
Un peu partout à travers le monde, elle s’insère dans les pratiques de gestion des affaires
303
publiques et tend donc de plus en plus à s’intégrer aux processus traditionnels de déci-
sion. Loin d’être partout une obligation réglementaire, elle devient une pratique cou-
rante lorsqu’il s’agit de planification environnementale. Les lieux propices à la par-
ticipation publique dans le processus d’examen sont nombreux. Ainsi, le public pourrait
participer aussi bien aux étapes de l’évaluation initiale (screening) et de cadrage
L’évaluation des impacts environnementaux

(scoping) qu’à celles de l’évaluation proprement dite (identification et évaluation des


impacts), en plus de donner son avis sur la prise de décision, sans oublier sa contri-
bution à la mise en œuvre du programme de suivi.
Plusieurs raisons incitent à un meilleur emploi de la participation publique. Parmi
les raisons largement reconnues, on peut mentionner que :
• le public et les autres acteurs sont mieux informés;
• la consultation favorise l’apprentissage des acteurs en présence, à partir du par-
tage des connaissances mutuelles;
• les différents points de vue peuvent émerger plus aisément ;
• les intérêts en présence peuvent être mieux appréciés ;
• les craintes et les inquiétudes peuvent s’extérioriser;
• les désaccords peuvent s’exprimer plus ouvertement ;
• la consultation bien menée favorise la confiance mutuelle;
• la consultation peut diminuer les tensions et les conflits;
• la consultation peut repousser ou exclure les recours judiciaires et autres;
• la prise de décision devient plus «confortable» pour les décideurs et plus accep-
table pour les citoyens.
Quoique la pratique actuelle limite la participation du public à une infime por-
tion des possibilités offertes, cet engagement populaire est en voie de devenir une pra-
tique reconnue et valide en ÉIE. À ce propos, nous avons examiné au cours du cha-
pitre trois l’influence déterminante des organismes et des ententes internationales en
faveur de la participation publique et de la généralisation de l’ÉIE à l’ensemble de la
planète. Le public est de mieux en mieux informé des résultats de l’étude et ses pré-
occupations s’insèrent de mieux en mieux dans le cadre parfois étroit de l’évaluation
des projets. Les consultations permettent l’émergence des points de vue et des inté-
rêts en présence. Ces renseignements se transmettent avant tout sous la forme de craintes,
d’inquiétudes et de doléances, mais de plus en plus de questions, d’informations per-
tinentes et de suggestions constructives émergent des consultations. La collaboration
304 et la contribution des citoyens et des groupes est de plus en plus considérable et remar-
quable à mesure que croissent l’information, le «savoir-faire» et la confiance en leurs
moyens. Comme les désaccords peuvent habituellement s’exprimer plus ouvertement
et que la consultation bien menée favorise la confiance mutuelle entre les participants,
les tensions et les conflits peuvent diminuer de manière significative. Une telle situa-
tion semble repousser et réduire, voire exclure les recours judiciaires et les manifes-
tations d’hostilité.
Contexte de la négociation environnementale

Dans l’optique du développement durable, la contribution du public au processus


d’évaluation devrait permettre la consultation mutuelle, voire une collaboration étroite
et une acceptation des décisions des responsables. Actuellement, la participation active
du public n’est pas toujours sans heurts avec les décisions qui sont prises d’habitude.
En effet, comme l’affirme Goddard (1992), cité par Dron (1995), «les préférences du
public conduisent à des choix qui vont plus loin dans le sens de la préservation de
la qualité de l’environnement que les choix qu’expriment les politiques courantes».
En ce sens, les grands enjeux, comme la justification et les options de certains projets,
offrent encore un terreau fertile à de nombreuses controverses et litiges entre les objec-
tifs des autorités et ceux des citoyens. Cependant, de ces conflits potentiels peuvent
naître une adhésion supérieure du développement dans son milieu d’insertion,
l’émergence de solutions nouvelles et mutuellement plus satisfaisantes ainsi qu’une
meilleure prise de responsabilité de tous par rapport à l’environnement et au déve-
loppement.
Plusieurs autres raisons sont favorables à la participation publique en ÉIE. Sadar
et coll. (1996) mentionnent les six raisons suivantes:
• reconnaissance que le «public» représente un étalage de divers individus et
regroupements ;
• respect mutuel des divers partenaires;
• bonne compréhension de la diversité des valeurs, des buts et des objectifs de
la société ;
• comportement responsable, individuel et collectif de la part de tous ;
• reconnaissance mutuelle et acceptation des droits, des aspirations et des inté-
rêts des autres;
• application de règles mutuelles et de procédures de consultation publique.
En ce sens, la participation du public devrait donc être favorisée au cours de l’exé-
cution de toutes les étapes essentielles du processus d’évaluation et, idéalement, lors
de chacune des prises de décision. Dans le cadre du développement viable, un cer-
tain consensus semble se dessiner à l’effet que la participation du public devrait être
favorisée et intensifiée un peu partout. Dans de nombreux pays, par contre, la par- 305
ticipation du public est encore grandement entravée par un contexte démocratique
passablement précaire, sinon carrément absent. Dans ce contexte restrictif, la parti-
cipation publique constitue beaucoup plus un vœu pieu qu’une réalité.
La pratique de l’ÉIE se réalise dans un cadre de processus de décision générale-
ment très variables, plusieurs étant fort peu propices à la diffusion de l’information,
L’évaluation des impacts environnementaux

mais surtout à la nécessaire transparence de la démarche complète. Avec la mondia-


lisation des pratiques, l’émergence de la participation publique dans des contextes
peu favorables à son épanouissement (c’est-à-dire régimes autoritaires) soulève des
problèmes concrets d’ajustement entre les « exigences » des uns et les « concessions »
des autres. Malgré les limites plutôt floues imposées un peu partout à la participa-
tion publique, le rôle moteur joué par les organisations internationales est indéniable
et indispensable pour faire avancer la place des individus dans la gestion des affaires
publiques. Ne pensons qu’aux actions de la Banque mondiale, de l’Union mondiale
pour la nature (UICN) et de l’Institut international pour l’environnement et le déve-
loppement (IIED). Le rôle de ces deux derniers est tout particulièrement important
dans l’amélioration des procédures d’ÉIE en Afrique (Faloux et Talbot, 1992).
L’imprécision quant au rôle et limites de la participation publique n’est pas tou-
jours facile à discerner et surtout pas commode à intégrer dans l’évaluation environ-
nementale d’un projet. Les traditions démocratiques et les divers publics autorisés à
s’impliquer sont tellement incertains et disparates qu’un processus de participation
publique tel que nous le concevons dans le présent ouvrage est impossible à mettre
en place. Dans un contexte démocratique restreint, la consultation n’inclut que la consul-
tation des autorités locales, soit les représentants de l’administration officielle et ceux
des autorités traditionnelles. Les populations touchées par le projet ne reçoivent qu’une
simple information à sens unique, sans retour sur le messager.
Généralement, il existe deux grandes utilisations de la participation publique en
ÉIE. La première, plus utile à l’évaluateur qu’au public même, sert de source d’in-
formation. La consultation des gens permet en effet une collecte de données parfois
surprenante et fort utile à l’étude en cours. Cette forme d’utilisation est d’autant plus
nécessaire dans des contextes de faible information. La deuxième, bien plus engageante
que la première, parce qu’elle implique nécessairement un partage du pouvoir, est la
critique et la validation de l’ÉIE par le public intéressé, mais aussi l’approbation ou
le rejet du développement projeté.
La participation du public aux processus de décision est l’un des principes fon-
damentaux du développement durable de nos sociétés, d’autant plus lorsqu’il s’agit
de la qualité de vie des citoyens ou de celle de leur environnement. Malgré les ten-
306
dances de privatisation des affaires publiques et de déréglementation gouvernementale,
l’ÉIE continue de faire la promotion d’une concertation accrue entre tous les paliers
de décisions en matière d’environnement. Le nombre de structures formelles d’exer-
cice de la participation publique aux processus décisionnels est actuellement trop faible
et leur portée n’est pas toujours à la hauteur des attentes des participants, alors que
Contexte de la négociation environnementale

sans l’apprentissage d’expériences concluantes de participation, les individus se


méfient de la faible portée de leurs interventions, compte tenu des résultats des expé-
riences passées (Leduc et Pacaut, 1998). Même si, à l’heure actuelle, «l’accès des citoyens
à la compréhension des problèmes en cause demeure totalement marginal malgré des
procédures comme les enquêtes publiques» (Lascoumes, 1994), nous croyons qu’il
est nécessaire de poursuivre les efforts de promotion de la participation du plus grand
nombre à l’amélioration de leur qualité de vie.
Au Québec, l’expérience de la consultation publique s’appuie notamment sur une
vingtaine d’années de pratique en évaluation environnementale par le biais du
Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Le public peut s’expri-
mer librement et la Commission chargée des audiences en fera mention dans son rap-
port, comme nous l’avons indiqué au chapitre trois, mais exclusivement à la suite de
l’examen réalisé. Il arrive que des consultations publiques se tiennent au cours du pro-
cessus d’examen, mais il s’agit là de pratiques privées organisées par le promoteur.
La consultation formelle en amont de la remise finale du rapport d’ÉIE, comme dans
le cas du dossier Grande-Baleine (lors de l’étape du cadrage), est une pratique
exceptionnelle. La consultation pourrait être favorisée à l’intérieur du processus d’éva-
luation et de prise de décision, notamment aux premières étapes. En effet, selon plu-
sieurs intervenants, « plus la consultation intervient tôt dans le processus qui mène
à une décision, plus elle porte sur les orientations, et plus grande sera l’influence des
citoyens sur l’ensemble du projet» (Thibault, 1991). Toutefois, certains craignent que
la multiplication des étapes de consultation publique n’entraîne des délais, des coûts
et des containtes nouvelles.

Les règles et principes de la participation publique


La pierre d’achoppement des processus de participation publique se trouve quelque-
fois dans le manque d’information et de préparation des différents intervenants, mais
c’est plutôt la méconnaissance ou le refus des «règles du jeu» ainsi que la méfiance mutuelle
qui sont en cause. En effet, les simples citoyens ne disposent pas toujours d’un temps
de préparation adéquat ni de savoir-faire efficace, et ce, même lorsqu’ils disposent d’in-
formations appropriées afin de soutenir une intervention publique. L’aide financière
qu’ils pourraient obtenir de la part des autorités et des promoteurs faciliterait gran- 307
dement leur tâche. Une participation plus grande de la population suppose des délais,
des coûts et des explications supplémentaires. Mais avant tout, une telle situation impose
l’intrusion d’acteurs nouveaux et parfois dérangeants (intérêts particuliers, objectifs
différents, opinions inopinées, etc.) dans les processus de décision habituels, et, en défi-
nitive, l’avènement d’un partage du pouvoir que tous ne souhaitent pas. En conséquence,
L’évaluation des impacts environnementaux

la participation du public est faible et les bénéfices que le processus d’évaluation en


retire sont réduits.
Du point de vue théorique, plusieurs auteurs ont examiné les principes qui per-
mettent d’organiser une démarche de participation publique efficace et utile. L’un
d’eux relève nettement six conditions essentielles à une véritable participation
publique (Gariépy, 1997):
• La procédure doit permettre un véritable dialogue entre les parties (autorités,
commissaires et citoyens).
• Chacun des acteurs (promoteurs, autorités et citoyens) doit être crédible.
• La procédure doit permettre une véritable pédagogie du projet soumis à consul-
tation.
• Les mécanismes de participation publique doivent être liés à un système cohé-
rent de planification.
• La participation publique doit permettre d’influencer la décision finale.
• Le mécanisme de participation publique doit inclure une démarche de suivi
significative.
D’autres proposent une série d’exigences afin d’assurer une participation publique
efficace et harmonieuse, notamment par rapport aux «obligations» des gestionnaires
des processus de participation publique (Thibault, 1991). Ces exigences sont les sui-
vantes:
• Les autorités doivent entreprendre ou favoriser la tenue de la consultation.
• Un moment opportun doit être déterminé pour la tenue de la consultation
publique (le plus tôt possible dans le processus de prise de décision).
• Le projet soumis à la consultation doit offrir des solutions de rechange.
• L’information diffusée ainsi que le processus de consultation doivent être clairs,
honnêtes et vrais.
• La consultation doit être effectuée dans l’optique finale d’une prise de déci-
sion.
308
• La consultation doit toujours être effectuée et demeurer accessible au public.
En définitive, il n’est pas simple de dresser les balises de la participation publique,
ni d’admettre clairement la place et le rôle qu’elle devrait avoir. Beaucoup font la pro-
motion de la participation publique, alors que d’autres présument que la participation
publique est une véritable « boîte de Pandore ». Ces derniers craignent tout pouvoir
Contexte de la négociation environnementale

accordé à la population. Il n’est pas rare de constater l’extrême méfiance des déci-
deurs vis-à-vis de la perte probable de contrôle des organismes actuels de prise de
décision. Les élus, notamment, hésitent à partager le pouvoir de prendre des déci-
sions avec de simples citoyens. Même des partis politiques pourtant très favorables
à une large participation du public avant leur prise du pouvoir, comme le Rassemblement
des citoyens de Montréal (RCM), avaient pris peur par rapport à l’ingérence possible
des citoyens et conséquemment avaient révisé complètement leur ancien point de vue
(Vézina, 1996). Selon l’opinion de chacun au sujet des résultats anticipés de la par-
ticipation publique, il pourrait en sortir le meilleur comme le pire. L’intensification
de la participation du public est vue comme une nécessité ou comme la pire des menaces.

La portée de la participation publique


L’étendue du champ d’action de la participation publique, ainsi que son influence
véritable dans la prise de décision, varie en fonction de la place qui lui est accordée
dans les différentes procédures. Elle se réduit souvent à la simple information sur la
tenue de l’ÉIE, voire l’annonce des résultats et du rapport final, mais sans participa-
tion réelle au processus d’évaluation. Dans ce cas, le public n’est qu’un acteur passif
qu’on informe sommairement. Par contre, la participation peut s’effectuer activement
à plusieurs moments du processus d’évaluation et par le fait même influencer le dérou-
lement de l’étude. Le public participe ainsi à l’évaluation du projet en transmettant
ses informations, ses enjeux, ses valeurs et son interprétation de l’examen. Une par-
ticipation active du public exerce une réelle influence sur l’avenir du projet.
Au Québec la participation publique à l’évaluation du projet et au processus déci-
sionnel est cantonnée dans le cadre d’audiences publiques, à la suite du dépôt de l’étude
d’impacts par le promoteur. Cette consultation permet une participation active des
citoyens dans les limites des modalités de l’intervention qui sont fixées et connues
des intervenants familiers avec la procédure. Ailleurs, l’ampleur de la participation
du public dépend du contexte législatif, des assises démocratiques et des traditions
participatives. Le contexte général sociopolitique encadre et détermine grandement
la place et l’importance de la participation du public. Sans de solides assises et pra-
tiques démocratiques, il est illusoire d’espérer une pleine et entière participation des
divers acteurs impliqués par le projet. 309
L’influence des citoyens dans le processus de décision est plus ou moins considé-
rable, selon le cas. L’estimation de l’importance de la participation est difficile à mesurer,
notamment parce que plusieurs aspects subjectifs entrent dans son appréciation et que
selon le point de vue de l’observateur la valeur intrinsèque de la participation est variable.
L’évaluation des impacts environnementaux

Dans une optique de démocratisation de la gestion publique, Arnstein (1969) a


dressé une échelle visant à mesurer le pouvoir effectif des citoyens dans les processus
de participation. La figure 7.1 schématise le modèle proposé par l’auteur en 1969.

Figure 7.1
Modèle de l’échelle de participation des citoyens d’Arnstein

Contrôle des
citoyens
Pouvoir des citoyens Pouvoir
délégué

Partenariat

Conciliation

Pouvoir symbolique Consultation


Pouvoir croissant des
citoyens
Information

Thérapie
Non-participation
Manipulation

Source: Adapté de Arnstein, 1969, dans Vézina, 1996.

Selon Arnstein, citée par Vézina (1996), les huit échelons du modèle s’étendent
de la simple manipulation des citoyens par les décideurs au contrôle par les citoyens
du processus de décision. Les deux premières marches, la manipulation et la «thé-
rapie», représentent plutôt une non-participation des citoyens. Les trois suivantes,
l’information, la consultation et la conciliation, représenteraient un pouvoir avant
tout symbolique. En fait, ce n’est qu’aux trois échelons les plus élevés, partenariat,
pouvoir délégué et contrôle par les citoyens, que l’auteur attribue un réel pouvoir à
ces derniers. Dans une telle approche, les citoyens ne participent réellement que
lorsqu’ils possèdent un véritable pouvoir de décision (idem).
Outre les diverses catégories de participation possibles du public que nous
venons de voir, on peut classer le degré de pouvoir réel des participants dans la prise
310 de décision selon le genre de réunions formelles dans lesquelles la participation du
public s’insère. Ainsi, lors d’un affichage d’information (annonce dans les journaux),
le pouvoir réel du public est fort limité comparativement à ce qu’il peut être lors d’au-
diences publiques ou de comités de médiation, par exemple. Les techniques de com-
munication avec le public, que nous aborderons dans la prochaine section, nous per-
mettront de mieux comprendre cet aspect.
Contexte de la négociation environnementale

En ce qui concerne le mode de fonctionnement et la préparation des participants,


le défunt Bureau de consultation de Montréal (BCM), chargé jusque-là (1994) des
questions d’audiences publiques sur le territoire de la ville de Montréal, avait publié
un excellent guide pratique d’initiation à la consultation publique. Ce guide (BCM,
1994) vise à préparer le public à agir efficacement dans le cadre d’un processus d’au-
dience publique. Selon ce guide, la participation du public au processus d’évaluation
implique une information adéquate sur les éléments d’étude. Afin de permettre au
public de pouvoir porter un jugement éclairé sur les implications du projet, cette infor-
mation doit être disponible en temps opportun. Elle doit aussi être suffisante, com-
préhensible et de qualité. Voilà qui est encore plus essentiel dans un contexte de par-
ticipation active du public. Cet aspect de la participation du public soulève des questions
concernant l’accès à l’information (permission, horaires et lieux disponibles) et la confi-
dentialité de certaines données (sûreté nationale, secret de fabrication). Il faut aussi
considérer le financement de l’implication du public. Il est parfois difficile de se déplacer
vers les lieux de consultation, d’avoir le temps d’examiner l’information convenablement
et de préparer des questions ou de formuler des recommandations.
En pratique et afin d’être efficace, la participation du public suppose donc que
les informations nécessaires à l’examen public soient disponibles. Il faut aussi que ces
informations soient accessibles, suffisantes et compréhensibles par l’ensemble des non-
experts en évaluation, et ce, avant la tenue de ces consultations. La compréhension
des non-spécialistes en ÉIE est une prémisse importante au succès de la participa-
tion du public.
Enfin, la présentation finale des résultats de l’examen, habituellemnt le rapport
final de la commission d’étude, devrait tenir compte de l’implication et des interven-
tions du public, afin de favoriser la prise en compte des opinions et des commentaires
exprimés dans la prise de décision éventuelle. Dans la mesure ou l’audience publique
ou toute autre forme de consultation s’insère à l’intérieur du processus d’examen du
projet (l’ÉIE proprement dite) et non pas à la suite, le rapport final doit inclure cette
partie importante de la démarche. La procédure canadienne lors des «examens indé-
pendants» sous les auspices d’une commission ad hoc fonctionne de cette façon, ce
qui n’est pas le cas de la procédure québécoise. Ce qui importe, en définitive, c’est que
le public estime qu’il peut influencer réellement les décisions; autrement, l’exercice lui 311
paraîtra futile et il cessera de collaborer avec de tels processus de consultation, en diri-
geant ses efforts vers d’autres formes de manifestation de ses intérêts et de ses opinions.
L’évaluation des impacts environnementaux

L’audience publique
L’audience publique représente l’une des composantes essentielles de la participation
publique, sans pour autant représenter la seule forme possible de consultation de la
population. Nous la présentons séparément, étant donné son importance de plus en
plus grande et fréquente dans les processus d’ÉIE, quoique récemment sa «lourdeur»
ait été de plus en plus contestée par les entrepreneurs (promoteurs). Dans plusieurs
pays, elle fait partie des procédures régulières d’ÉIE, mais n’est utilisée qu’à titre excep-
tionnel. Comme nous l’avons vu au chapitre trois, au Québec, l’audience publique
est la forme officielle de consultation de la population régissant la procédure d’ÉIE.
La plupart du temps, l’audience publique s’insère dans un formalisme bien par-
ticulier qui prend la forme d’une commission ou d’un comité public doté de pou-
voirs quasi judiciaires. Les modalités déterminent la façon de faire selon les traditions
locales de participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Selon la pro-
cédure en cause, l’implication des participants tient une plus ou moins grande place
et les «responsabilités» qui leur sont octroyées varient grandement d’un endroit à
un autre. Le rôle du public, et dans une certaine mesure aussi de tous les intervenants
indirectement impliqués dans la promotion du projet (autorités locales et autres admi-
nistrations), est souvent limité pour plusieurs raisons. Parmi les raisons les plus cou-
rantes, notons l’état d’avancement du projet qui ne permet que peu de changements,
le rôle passif du public dans la gestion des affaires publiques ainsi que la complexité
du projet en cause ou celle de l’information disponible, lorsqu’il y a vraiment diffu-
sion de l’information.
L’influence d’une audience publique dépend grandement du réel pouvoir de recom-
mandation ou de décision qui lui est dévolu. Malgré l’importance et la crédibilité des
audiences publiques au Québec, par exemple, plusieurs décisions gouvernementales
allaient à l’encontre des conclusions de ces dernières. Mais comme nous le précisions
en ce qui concerne le rapport final d’ÉIE, le rapport d’audience publique n’est pas le
seul document sur lequel s’appuie la décision ultime des autorités. De plus, dans la
plupart des procédures actuelles, l’audience publique ne détient qu’un pouvoir
consultatif de recommandation et non décisionnel.
312 L’indépendance d’une commission publique par rapport aux différents acteurs
et à l’État impliqués dans le processus, comme le mode de fonctionnement des audiences
elles-mêmes, est tributaire des pratiques démocratiques. Comme nous l’avons men-
tionné au sujet de la participation publique, le contexte démocratique influence énor-
mément les façons de faire.
Contexte de la négociation environnementale

La tenue d’audience publique fait appel aux diverses techniques de participation


du public et de communication ainsi qu’à celles, parfois nécessaires, de résolution des
problèmes. Parmi ces dernières, on retrouve les techniques de négociation et de recherche
de consensus. Ces aspects pratiques de la négociation environnementale feront
l’objet des deux prochaines sections («Techniques de communication» et «Typologie
de résolution des problèmes »).

La participation du citoyen et la consultation publique


Le citoyen peut non seulement participer au processus officiel de consultation, l’au-
dience publique, par exemple, mais il dispose aussi d’un éventail de moyens et de façons
de s’informer, de donner son opinion ou de faire des recommandations en parallèle
à celui-ci. La consultation publique devrait viser à «développer un espace propice au
dialogue afin d’assurer une meilleure adéquation entre les attentes de la population
et les propositions des administrations et des services publics» (BCM, 1994).
Lorsque au moment de la consultation publique les décideurs n’ont pas encore
fait de choix définitifs, ils sont encore disposés à être influencés de manière positive.
Les citoyens qui désirent s’impliquer dans le processus de décision doivent par contre
se préparer en conséquence, notamment en obtenant l’information voulue et en com-
muniquant leur point de vue de façon claire et précise. Une préparation adéquate du
citoyen exige en premier lieu un minimum d’information appropriée sur le projet. Cette
information permet au citoyen de mieux cerner les aspects à traiter et de bien com-
prendre le projet. L’information existe habituellement en quantité suffisante, mais encore
faut-il savoir la trouver. Afin de bien s’informer, le citoyen peut demander aux fonc-
tionnaires responsables de l’environnement, des divers niveaux administratifs ou d’autres
secteurs (aménagement, urbanisme, agriculture, culture, etc.), des informations sur
tout ce qui peut le toucher ou affecter sa qualité de vie. Il peut aussi poser des ques-
tions aux élus lors des diverses assemblées de conseil, comités ou commissions parti-
culières, ainsi que directement auprès des fonctionnaires ou des élus.
L’importance des citoyens et leur orientation dans le processus de consultation
publique nous fait parfois oublier l’autre partie prenante de la consultation, à savoir
les autorités engagées dans la consultation. Ces dernières sont grandement responsables,
par la préparation même de la consultation, de la bonne marche et du succès de celle-
313
ci. En ce sens et afin de renforcer la crédibilité des procédures, certains pensent qu’il
est essentiel de se doter d’un code d’éthique afin de mieux encadrer la tenue de consul-
tations publiques (BCM, 1993).
L’évaluation des impacts environnementaux

Par ailleurs, afin d’améliorer la participation, il y aurait lieu d’accroître la prépa-


ration et la formation des « décideurs » ainsi que des membres de l’administration
publique. On suppose souvent à tort que ces intervenants ont les habilités et les com-
pétences pour faire face aux citoyens lors de consultations publiques. Plusieurs
confondent les aptitudes et les capacités nécessaires aux relations publiques avec celles
de la participation publique. Le peu d’expérience en ce domaine affecte aussi bien
les citoyens que les autres parties prenantes aux consultations. En plus des méthodes
et outils de la participation et des relations publiques, les principaux concepts et enjeux
concernant l’environnement, la gestion de projet et la conservation de l’environne-
ment devraient être évoquées dans l’indispensable formation des décideurs et inter-
venants officiels. Cette préparation des autorités et des professionnels désignés lors
d’une consultation publique rehausserait l’efficacité et l’utilité du processus de par-
ticipation publique (idem).
Le type de processus adopté par les décideurs afin de consulter la population
influence le degré d’intervention du citoyen durant la consultation. En effet, lors d’une
commission consultative, par exemple, le citoyen n’obtient le droit de poser qu’un
nombre limité de questions, ce qui entraîne généralement une seule réponse par ques-
tion. Dans ce cas, le citoyen a donc intérêt à bien préparer ses questions, notamment
en les notant par ordre de priorité, en les clarifiant, en les précisant ou en les orien-
tant selon le type de réponse voulue (précise ou générale).
Dans le cas d’une consultation publique, celle du BAPE, par exemple, le citoyen
qui désire exprimer son point de vue sur l’ensemble du projet ou sur certains aspects
précis de celui-ci peut le faire simplement en se présentant à l’assemblée publique
de consultation. L’expression de son point de vue, de ses interrogations et de ses objec-
tions ou accords peut se faire soit en exprimant oralement son opinion, soit en dépo-
sant un document écrit (mémoire), celui-ci pouvant aussi faire l’objet d’une présentation
publique. Ce type de processus laisse davantage de latitude au citoyen, qui a alors un
droit de parole direct. Lors d’une telle consultation, le citoyen peut disposer libre-
ment d’une période de temps limitée afin de demander des précisions, d’argu-
menter sur le projet, de donner son opinion ou de présenter son « mémoire ».
Une consultation efficace divise habituellement en deux périodes bien distinctes
314
les questions du public et les informations du promoteur concernant le projet, d’une
part, les positions et les opinions respectives des divers intervenants, d’autre part (Leduc
et Pacaut, 1998). Une telle division de la consultation en deux temps permet une
meilleure préparation de tous les acteurs impliqués ainsi qu’une ambiance favorisant
une plus grande efficacité de la démarche.
Contexte de la négociation environnementale

Certaines consultations ne sont pas publiques; elles s’effectuent de manière indi-


recte et privée. À la suite d’une information à propos du projet, souvent par l’entre-
mise des médias écrits, le citoyen transmet sa position, ses questions ou ses recom-
mandations par la poste. Quelques procédures emploient cette façon de faire, soit pour
tous les projets d’ÉIE, sauf exception, soit pour les projets jugés mineurs quant à leur
impact sur l’environnement. La réponse du citoyen et des groupes d’intervenants est
ainsi formulée de manière privée, sans rencontrer directement des commissaires ou
des fondés de pouvoir avec qui entretenir une certaine interaction. Cette interaction
est pourtant nécessaire parfois à l’avancement des connaissances et au cheminement
menant à la recherche de solutions nouvelles, consensuelles ou de compromis.
Un mémoire est un document qui présente par écrit le point de vue du citoyen
sur le projet ou sur certains de ses aspects. Un citoyen est libre de transmettre orale-
ment son point de vue, sans obligation de le transcrire sur papier. Aucune exigence
n’est en général imposée quant à la longueur ou à la forme du mémoire. Les seules
conditions importantes sont que l’opinion se rapporte à l’objet de la consultation
publique, que les arguments y soient présentés clairement et que le document soit lisible
et compréhensible. Plusieurs guides d’intervention du citoyen orientent et informent
les participants en vue d’une éventuelle consultation. Dans certains d’entre eux, on
retrouve de précieux conseils sur le «comment faire» et le «comment être» ainsi qu’une
description méthodique d’outils permettant une meilleure participation, telles que grille
de lecture, grille d’écoute, etc. (BCM, 1994).
Dans tous les cas, le citoyen peut exprimer son point de vue de manière indivi-
duelle ou collective, comme il peut s’étendre sur l’ensemble du projet ou uniquement
sur un aspect particulier. La tâche peut être effectuée en collaboration avec d’autres
personnes ou en collaboration avec un groupe d’intervenants. Dans ce cas, le citoyen
peut rechercher des groupes concernés (environnementaux, sociaux, communautaires,
industriels ou corporatifs) ou susceptibles de l’être, ou solliciter leur appui sous une
forme quelconque: pétitions, signature conjointe du mémoire, aide à la rédaction ou
présence à l’audience (Leduc et Pacaut, 1998).
Le citoyen ou les groupes peuvent aussi utiliser d’autres moyens d’intervention
ou intervenir auprès d’autres intervenants que ceux identifiés auparavant, dont :
315
• le recours aux tribunaux afin de faire appliquer une législation ou une régle-
mentation particulière, notamment par rapport à la législation sur la qualité
de l’environnement ou toute autre législation pertinente au projet ou au milieu
d’insertion, telle que la Loi sur les biens culturels au Québec, par exemple;
L’évaluation des impacts environnementaux

• le «lobbying» auprès d’intervenants reliés directement ou non aux questions


d’aménagement et d’environnement (commerçants, partis politiques, associations
professionnelles et syndicales, etc.);
• les demandes d’information ou la formulation de recommandations auprès
des fonctionnaires des services municipaux ou des ministères, autres que ceux
de l’environnement;
• la rédaction et la diffusion de lettres d’opinion ou la collaboration à des articles
dans les journaux, ou toute autre forme de transmission d’informations à tra-
vers les médias;
• le regroupement de citoyens et la formation de groupes communautaires ou
de protection d’un élément particulier ou à portée générale;
• l’organisation d’une consultation publique populaire, comme c’est parfois le
cas en milieu urbain (le projet de réaffectation de la gare Jean-Talon à
Montréal en 1997, par exemple) (idem).
Comme dans bien d’autres domaines, les procédures officielles de consultation
de la population ne constituent souvent qu’un petit maillon (la pointe de l’iceberg)
dans le processus complet de «négociation» inspirant la prise de décision. En effet,
la partie non officielle du processus d’ÉIE met en jeu de nombreuses discussions, «jeux
de pressions» (lobbying) et tractations de toutes sortes entre les multiples interve-
nants publics et privés (les promoteurs, le gouvernement et ses mandataires, les muni-
cipalités, les groupes d’intérêts, les citoyens, etc.). Ce processus non officiel, privé et
souvent confidentiel peut influencer grandement la décision finale concernant le projet.
Dans certains cas, il pourrait même influer dangereusement sur l’issue finale de la
procédure officielle d’étude et de consultation publique. En conséquence, le citoyen
prudent et les groupes d’intervenants avisés devraient veiller sur le déroulement des
différentes phases de consultation et d’examen, qu’elles soient officielles ou non, afin
de pouvoir défendre leurs intérêts, le cas échéant, contre les «négociations» de cer-
tains autres intervenants.

Les comités de suivi et le citoyen

316 On peut définir un comité de suivi, aussi nommé comité de surveillance ou de vigi-
lance, comme étant un comité multipartite regroupant les différents acteurs impliqués
par un projet et assurant généralement diverses fonctions de surveillance et de suivi
(Leduc et André, 1999). Le rôle d’un tel comité est de faire participer activement tous
les acteurs intéressés au suivi d’un projet, notamment la population concernée. En fait,
cette démarche vise à trouver une «solution à la permanence des consultations
Contexte de la négociation environnementale

publiques» (Villeneuve, 1998). Une telle démarche de participation active de la popu-


lation à la gestion du développement repose sur le postulat que «le développement
de la personne en tant qu’être fonctionnel et responsable dans une société libre
dépend de l’opportunité qu’a une personne de participer activement aux décisions qui
l’affectent de manière significative» (Bachrach, 1967, cité par Vézina, 1996).
Les trois principales fonctions d’un comité de suivi sont de veiller à la conformité
du décret, des normes et autres exigences, de recommander des mesures à l’exploi-
tant (fonctionnement, atténuation) ou aux autres intervenants (ministères et muni-
cipalités) et d’informer la population. Parmi les avantages de la présence d’un comité
de suivi, notons la circulation d’informations privilégiées entre les acteurs; la modi-
fication de l’image de l’entreprise; la souplesse et l’adaptabilité accrue du programme
de suivi; le passage d’une démarche de confrontation à celle de la collaboration; la modi-
fication des pratiques et des comportements des acteurs; l’accélération des interven-
tions sur le terrain et le temps de réflexion plus long pour les questions en attente ainsi
que l’acquisition mutuelle de connaissances nouvelles (Leduc et André, 1999).
Il existe bien sûr des limites et des contraintes à l’implantation d’un comité de
suivi. Parmi les plus importantes, notons qu’il ne s’agit presque toujours que d’un
pouvoir de recommandation, qui dépend de la «bonne volonté», des «possibilités»
et des pressions de tous les participants; que son pouvoir d’intervention est forte-
ment limité par le pouvoir de gestion de l’entreprise et le pouvoir de contrôle des auto-
rités; que le climat de méfiance mutuelle persiste souvent et qu’enfin, le financement
pour la recherche et l’intervention est limité (idem).
Les six conditions essentielles qui suivent semblent favoriser la mise en œuvre
et le succès d’un comité de suivi:
• légitimité reçue des autorités;
• représentativité et crédibilité des acteurs;
• partage du pouvoir («véritables dialogues»);
• fonctionnement structuré et accepté par tous («règles du jeu»);
• maintien de l’intérêt à l’égard du projet;
• diffusion et information publique (idem). 317

En conclusion à la participation du public, disons qu’il s’agit d’une épineuse et


délicate opération qui relève autant de l’efficacité des résultats obtenus grâce à elle que
de questions plus fondamentales telles que l’équité et la transparence. Les droits de
chacun ne sont pas nécessairement partout les mêmes. L’intérêt collectif est parfois
L’évaluation des impacts environnementaux

difficilement perceptible dans le fatras des intérêts privés. De plus, l’intérêt collectif,
particulièrement dans une vision à long terme, repose rarement sur la simple somme
des intérêts de chacun. Ici aussi le tout est plus grand que la somme des parties. La
participation du public n’est nullement indépendante du contexte sociopolitique d’une
société. Par ailleurs, la participation des simples citoyens aux processus de consulta-
tion semble souvent déboucher sur le recours aux experts et autres «détenteurs véri-
tables d’un éco-pouvoir montant» (Lascoumes, 1994), notamment chez certains
représentants écologistes. Ce contexte n’étant pas toujours très favorable à la partici-
pation publique, le public s’exprime donc de manière très variable, subordonné au
contexte démocratique local. C’est ainsi que la démarche de participation du public
est inégale, passant de la plus élémentaire participation, telle une simple séance d’in-
formation, à la véritable consultation des citoyens, notamment à travers une audience
participative. Pourtant, la prise en compte de la participation publique est une
demande expresse du rapport Brundtland (CMED, 1988) et de la plupart des législa-
tions actuellement en vigueur ainsi que des directives récentes des grands bailleurs de
fonds internationaux.
La participation active de la population à la vie politique, tout particulièrement
dans le domaine de l’évaluation d’impacts, devra déborder quelque peu les possibi-
lités actuellement offertes dans nos sociétés, afin de ne plus demeurer, comme c’est
trop souvent le cas actuellement, qu’une suite de complaisants «vœux pieux». En consé-
quence, il faudra donc étendre et assouplir les pratiques de la «vie démocratique»
de la plupart sinon de la totalité des États de la planète. Éventuellement, sans doute,
une véritable participation des citoyens s’élèvera au-dessus de la simple consultation
de certains.

TECHNIQUES DE COMMUNICATION
La participation du public, comme la présentation du rapport final d’ailleurs, fait appel
aux diverses techniques de communication. Parmi l’ensemble de ces techniques, ce
sont surtout celles de consultation et de participation avec le public qui nous inté-
ressent en évaluation des impacts environnementaux.

318 L’un des grands problèmes de communication en ÉIE, c’est la grande diversité
des acteurs en présence et toutes les conséquences qui en découlent. En effet, comme
l’affirmait Dron (1995): «en général, les acteurs en présence n’ont pas appris le lan-
gage de leurs interlocuteurs et ne reconnaissent pas la légitimité de leurs représen-
tations: c’est ce que certains ont appelé la nécessité du zéro mépris.»
Contexte de la négociation environnementale

Comme toute présentation ou communication rigoureuse de résultats, le rap-


port final d’ÉIE, de même que les différents rapports préliminaires, selon le cas, doit
tenir compte d’un certain nombre de paramètres. La communication nécessite
d’abord la présence de trois éléments indissociables pour pouvoir être efficace et il
existe au moins deux grands types de communication. Ainsi:
• la transmission d’information requiert trois éléments :
– l’émetteur, c’est-à-dire celui ou ceux qui transmettent l’information;
– le médium, à savoir le moyen physique par lequel circule l’information (rap-
port écrit ou oral et moyens de communication divers);
– le récepteur, celui ou ceux qui reçoivent l’information transmise de l’émet-
teur par le médium; il faudrait particulièrement en connaître les limites et
les attentes;
• il existe deux grandes catégories de communication :
– la communication différée, préparée à l’avance et transmise ensuite sous
une forme quelconque, par exemple un rapport écrit ;
– la communication directe, que le récepteur reçoit directement en présence
de l’émetteur; c’est le cas notamment en audience publique.
Le tableau 7.2 montre diverses techniques de communication avec le public. Le
tableau présente une analyse comparative de 24 différentes techniques de commu-
nication et de participation du public. Ces techniques couvrent un large éventail d’in-
terventions possibles, de l’audience publique à la révision du rapport d’ÉIE par le public,
en passant par les réunions d’information, les expositions et les groupes de travail.
L’ampleur de l’implication du public est fort variable, selon les techniques employées.
L’auteur du tableau (Bishop, 1973, repris par Sadar et coll., 1996) évalue pour cha-
cune des techniques présentées les caractéristiques de la communication et les objec-
tifs de la planification. Cette grille d’analyse est en rapport avec les ressources
hydriques, mais peut très bien être transposée pour tout type de projet. Les princi-
pales caractéristiques de la communication sont mises en rapport avec les objectifs
de planification. Parmi les caractéristiques de la communication, on retrouve le niveau
de contact avec le public, la capacité de traiter d’intérêts spécifiques et le niveau de 319
dialogue. Chacune de ces caractéristiques est évaluée sur une échelle de valeur
(faible, moyenne et élevée).
L’évaluation des impacts environnementaux

Tableau 7.2
Techniques de communication avec le public
Caractéristiques de Objectifs de la planification
la communication

Information/éducation
d’intérêts spécifiques

Résolution de diffé-
Niveau de dialogue
Capacité de traiter

problèmes/valeurs
Niveau de contact

rends/unanimité
Idées/solutions
Identification:
Participation du public/
avec le public

Techniques de communication

Évaluation
Réactions
2 1 1 Audiences publiques X X
2 1 2 Séances publiques X X X
1 2 3 Réunions non officielles de petits groupes X X X X X X
2 1 2 Réunions d’information du public X
1 2 2 Exposés à l’organisation communautaire X X X
1 3 3 Colloques de coordination de l’information X X
1 2 1 Bureaux sur le champ d’opérations X X X X
1 3 3 Visites de planification locale X X X
1 3 1 Recours collectif en justice X X X X
2 2 1 Brochures et dépliants publicitaires X
1 3 3 Excursions sur le terrain et visites de sites X X
3 1 2 Expositions destinées au public X X X
2 1 2 Démonstrations de modèles X X X X
3 1 1 Documents destinés aux mass media X
1 3 2 Réponse aux demandes du public X
3 1 1 Communiqués de presse suscitant commentaires X X
1 3 1 Lettres de demande de commentaires X X
1 3 3 Groupes de travail X X X X X
1 3 3 Comités consultatifs X X X X
1 3 3 Groupes spéciaux de travail X X X
1 3 3 Embauche de la population locale X X X
1 3 3 Défenseurs des intérêts communautaires X X X
1 3 3 Ombudsman ou son délégué X X X X X
2 3 1 Révision par le public du rapport d’évaluation
des impacts sur l’environnement X X X X X X
320
1 = FAIBLE 2 = MOYEN 3 = ÉLEVÉ X = CAPACITÉ
Source : Traduit et adapté de Sadar et coll., 1994
Contexte de la négociation environnementale

Télédiffusion des audiences publiques


L’audience publique est une pratique de participation ouverte et interactive, mais elle
ne touche directement que les personnes présentes dans la salle d’audience. Bien sûr, la
diffusion ultérieure du rapport peut toucher un grand nombre d’individus, parfois fort
éloignés des lieux de la réunion. Ces derniers, toutefois, ne peuvent plus interagir avec
les participants de l’audience et forcément influencer la rédaction du rapport et l’éven-
tuelle décision.
Afin d’élargir l’auditoire des audiences tenues dans diverses communautés locales, éloi-
gnées des grands centres, les membres de la Commission du Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement (BAPE), chargée d’examiner le programme de pulvéri-
sation des forêts québécoises, en 1983, envisagèrent la télédiffusion des débats à la gran-
deur du Québec (BAPE, 1983). Même si la télédiffusion des audiences fut transmise sur
le réseau d’une télévision communautaire (Télé-université), le nombre d’auditeurs aug-
menta considérablement et les gens de l’extérieur du lieu d’audience pouvaient poser
eux aussi des questions aux membres de la Commission.
Un certain nombre d’audiences publiques tenues sous l’égide du Bureau de consulta-
tion de Montréal (BCM) au cours des années 1980 et 1990 furent elles aussi diffusées
sur les ondes d’une télévision communautaire de Montréal, afin d’élargir la diffusion
de l’information sur des projets de développement urbain. Cette expérience fut récem-
ment reprise (été 1999) avec la télédiffusion des audiences publiques sur la gestion de
l’eau au Québec, de nouveau sous les auspices du BAPE.
Les moyens imposants mis en œuvre ici afin de diffuser l’information sont à mettre en
parallèle avec ceux que nous examinerons plus loin à propos du «flanellographe» (pro-
chain encadré). Néanmoins, mis à part l’écart entre les techniques employées dans chaque
cas, il est important de noter l’adaptation des «évaluateurs» aux moyens et ressources
du milieu afin de favoriser la participation de la population dans la gestion environ-
nementale du développement de leur société.

Selon l’ampleur ou la nature du projet à l’étude, l’emploi d’une ou de plusieurs


des techniques de communication peut être recommandé. Dans le cadre de petits pro-
jets, des contacts informels avec les divers intervenants peuvent suppléer à l’emploi
de moyens plus considérables de communication. Par contre, dans le cas de grands
projets, la publication de brochures d’information accompagnant des séances d’in-
321
formation est la plupart du temps nécessaire. Les objectifs de la planification pour-
suivis par les auteurs de la démarche sont l’information/éducation, la détermination
des problèmes/valeurs et des idées/solutions, les réactions, l’évaluation et la résolu-
tion de différends/unanimité. Le tableau spécifie si chaque technique peut y répondre
(capacité) ou non. Grâce à une telle grille d’intervention, il est relativement simple
L’évaluation des impacts environnementaux

d’examiner les diverses techniques de communication et de déterminer ensuite celle


qui offrira le plus de satisfaction par rapport à un besoin quelconque de communi-
cation. Il peut s’agir d’un besoin déterminé principalement par le contexte administratif
(obligation légale), ou par les moyens et les ressources en présence, ou encore en fonc-
tion du temps disponible.

Le «flanellographe», outil «traditionnel» de communication


La diffusion et la vulgarisation de l’information, auprès d’une population peu fami-
lière avec les techniques modernes et de surcroît analphabète, posent parfois des pro-
blèmes aux « communicateurs » faisant un usage exclusif des technologies modernes de
communication. Pourtant, certains outils et moyens de communication relativement simples
et rudimentaires peuvent être employés afin de rendre accessible aux populations
concernées l’information de base pourtant indispensable à leur participation. L’emploi
de techniques de communication accessibles au public cible n’est qu’une des facettes de
l’adaptation des évaluateurs chargés de l’étude par rapport au milieu d’insertion du projet.
C’est ainsi que dans le cas d’un projet minier à Madagascar, l’équipe d’évaluateurs a
adapté des techniques traditionnelles de communication à sa démarche de participa-
tion des populations locales à l’évaluation du projet. Cette démarche, nommée « fla-
nellographe », a l’avantage de pouvoir transmettre une information accessible grâce à
des procédés simples, progressifs, interactifs et accueillants, à partir des savoirs traditionnels
des populations concernées.
Le flanellographe est à mi-chemin entre les techniques artistiques de la scène et le dessin
primitif. Il consiste essentiellement en l’utilisation de morceaux de flanelle, représen-
tant grossièrement les éléments de l’environnement et les composantes du projet à pré-
senter, qu’on pose sur une toile tendue, elle-même en flanelle. La démarche est progressive
et interactive, en ce sens qu’elle se déploie selon l’avancement de la compréhension des
auditeurs en présence.
Sans de tels procédés de communication, il est illusoire de croire possible une réelle par-
ticipation des populations concernées, notamment à cause de l’incompréhension du lan-
gage courant et technique ainsi que des réalités et des conséquences des infrastructures
projetées. De tels outils rudimentaires de communication peuvent être employés un peu
partout, mais particulièrement sur les lieux mêmes d’implantation de futur projet et
auprès des populations locales.
Source : Revéret, 1999.
322

Les nouvelles techniques audiovisuelles, notamment par l’entremise des multiples


réseaux de communication comme la télévision, le téléphone et plus récemment l’or-
dinateur, viennent compléter la panoplie des moyens de communication en ÉIE. En
Contexte de la négociation environnementale

parallèle, ou plutôt en contrepartie, des techniques anciennes et des applications nou-


velles apportent le soutien nécessaire à la communication dans des cas bien particu-
liers. C’est ainsi que pour transmettre l’information à des populations analphabètes
ou très peu familières avec les techniques modernes de communication, l’emploi d’émis-
sions de radio accessibles au grand public ou d’affiches symboliques interprétant les
aspects essentiels du projet d’étude sont des moyens efficaces d’information. Dans cer-
tains cas on fera intervenir les représentations «théâtrales», voire les jeux de rôle adaptés
aux coutumes locales de communication.

TYPOLOGIE DE RÉSOLUTION DES PROBLÈMES


La résolution des problèmes n’est pas souvent incluse dans le processus même d’éva-
luation. Elle s’avère néanmoins un excellent outil de solution face aux divers conflits
qui peuvent survenir. Elle représente parfois une voie privilégiée de dénouement face
à l’adhésion des différents acteurs concernant les principaux enjeux environnemen-
taux que présente un projet. Il ne faudrait donc pas cantonner les techniques de réso-
lution de problèmes à l’extérieur de la sphère d’intervention de l’ÉIE. Elles ne servent
pas uniquement à faire face à des controverses sérieuses déjà établies, mais aussi à en
prévenir d’éventuelles.
L’environnement est un lieu d’émergence de nombreux conflits, notamment parce
qu’on y retrouve de nombreuses questions sans réponse. De plus, ces questions non
résolues sont issues autant du domaine de la science et de la technique que du poli-
tique (idéologique, éthique et social). Afin de mieux reconnaître la spécificité des «conflits
environnementaux», Beauchamp (1996) en énonce les caractéristiques suivantes:
• Les problèmes sont souvent mal définis et difficilement isolables.
• Les protagonistes sont nombreux et aux intérêts multiples.
• L’intérêt commun est constamment invoqué comme une «instance critique».
• Les conflits dépassent constamment les dimensions techniques.
• Les principes, les valeurs et les croyances y sont omniprésents.
• L’horizon de temps déborde l’ordre habituel de référence.
• Le contrôle de la zone d’ignorance est difficilement estimable. 323

Dans un tel contexte, il semble opportun de pouvoir bénéficier d’une motiva-


tion mutuelle des parties à la résolution des divergences et des insatisfactions, voire
des conflits eux-mêmes. Afin de parvenir à une issue favorable dans plusieurs
conflits, il faut que les acteurs impliqués dans une démarche de résolution présument
L’évaluation des impacts environnementaux

que l’atteinte d’un « compromis demande une volonté de compréhension réci-


proque et des concessions mutuelles d’ordre privé pour obtenir un bénéfice public»
(Dron, 1995).
Les sources de conflit en environnement sont multiples. Il existe plusieurs types
de problèmes ou de conflits possibles. On peut les regrouper en quatre grandes caté-
gories, selon la «nature» des conflits en cause: la compréhension différente de la situa-
tion, les divergences de jugements de valeurs, les conflits d’intérêts et, enfin, les rela-
tions interpersonnelles conflictuelles (Canter, 1996).
La résolution des problèmes ne signifie pas nécessairement l’évitement des
oppositions, des confrontations, voire des conflits. En effet, il ne s’agit pas de s’en-
fermer dans une recherche désespérée de la convergence des idées, des intérêts et des
attentes de tous les acteurs impliqués. Bien au contraire, une telle attitude ne ferait
que masquer certains problèmes et le désintéressement de plusieurs réalités essen-
tielles. Une conception restrictive de la divergence et des oppositions entraîne une
mauvaise évaluation des problèmes et par le fait même élimine souvent les solutions
les plus appropriées. Comme l’affirmait de nouveau Dron (1995): «C’est grâce aux
confrontations des savoirs que progressent la connaissance commune et son degré
de pertinence, à condition de pouvoir organiser l’expression des divers points de vue
et instaurer un mode clair et consensuel de concertation.»
Le tableau 7.3 présente une typologie des techniques ou méthodes de résolution
des conflits ou des problèmes en environnement. Chacun des cinq types présentés
dans cette typologie est défini et accompagné d’un exemple. De l’anticipation des conflits
à l’arbitrage, en passant par l’approche «résolutive conjointe», la médiation et le «déve-
loppement de politiques», les divers outils de résolution des conflits sont préventifs
ou plutôt judiciaires (Westman, 1985).
Il existe des conditions minimales à l’emploi des techniques de résolution des pro-
blèmes. Selon Canter (1996), ces conditions minimales requises sont:
• la motivation mutuelle à négocier ;
• la détention d’un pouvoir sensiblement comparable;
324 • l’acceptation des risques de rupture du processus;
• la présence d’une autorité crédible (conciliateur);
• un minimum de questions en litige;
• un processus contrôlé.
Contexte de la négociation environnementale

Tableau 7.3
Typologie de résolution de conflits en environnement

Type Définition Exemples

Anticipation Un tiers relève les litiges potentiels Les processus d’examen préalable
du conflit avant que les positions adverses ne soient des études d’impacts décèlent les
entièrement déterminées. problèmes possibles et les groupes
affectés.
Approche Les rencontres de groupe clarifient et Ateliers structurés; comités consultatifs
résolutive peuvent résoudre les problèmes et les de citoyens sur la planification
conjointe différends. Les ententes sont informelles. environnementale; évaluation
environnementale souple.
Médiation Négociations formelles entre les Rencontres techniques afin de rechercher
représentants. Le médiateur facilite mais une solution au conflit; le médiateur
n’impose pas le règlement du conflit. utilise une variété de techniques de
négociation et de médiation.
Développement Rencontres pour discuter et résoudre les Comités consultatifs intersectoriels;
de politiques différends entre les agences en conflit; rencontres ad hoc entre les membres des
les résultats sont à titre consultatif pour différentes agences gouvernementales.
les services officiels qui préparent
les politiques.
Arbitrage Les arguments formels sont présentés Contrat d’arbitrage sur la gestion du
par les parties adverses; l’arbitre impose travail; audiences dans un tribunal
le règlement auquel les parties avaient d’arbitrage.
préalablement convenu de se conformer.

Source: Traduit et adapté de Westman, 1985.

La résolution des conflits en évaluation environnementale n’est pas uniquement


une démarche de résolution des problèmes, même si cette fonction demeure très impor-
tante. Elle est aussi, et sans doute de plus en plus, une démarche d’anticipation des
conflits et de recherche de compromis. En ce sens, elle représente une manière de pla-
nifier la confrontation d’intérêts ou d’enjeux divergents. C’est ainsi que l’«anticipa-
tion de conflits», l’approche «résolutive conjointe» et le «développement des poli-
tiques» visent à anticiper et à prévenir tout durcissement des opinions, ce qui évite
par la suite l’implantation de conflits durables entre certains acteurs impliqués dans
le processus. Ces conflits pourraient même perdurer et se poursuivre lors de l’examen
des autres projets d’un même promoteur ou de tout autre projet.
Les diverses techniques ou démarches de résolution de conflits peuvent aussi per-
mettre la médiation ainsi que l’arbitrage. La médiation est une démarche de mieux 325
en mieux perçue comme voie de solution de certains conflits en environnement. À
cet effet, la médiation en tant que processus de négociation a fait l’objet d’un inté-
ressant rapport d’étude de la part du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
(BAPE) (BAPE, 1994a). La médiation se substitue bien souvent et de plus en plus à
l’arbitrage, un processus judiciaire souvent lourd et peu adapté au contexte
L’évaluation des impacts environnementaux

environnemental généralement complexe et incertain. Comme nous l’avons vu au


cours du chapitre consacré à l’examen de la législation canadienne et québécoise en
évaluation d’impacts, la médiation devrait faire partie de la future procédure du Québec,
comme elle fait désormais partie de la nouvelle procédure fédérale canadienne. En
pratique, elle devrait jouer un rôle complémentaire aux audiences publiques dans cer-
taines circonstances et selon des limites précises.
Les démarches de résolution des conflits peuvent aussi s’appuyer sur les services
des techniques de communication ayant recours au dialogue. Les démarches faisant
appel au dialogue, la tenue de réunions de discussion, par exemple, permettent autant
de déterminer les intérêts, les valeurs et les attentes des divers intervenants (acteurs)
dans le processus que d’accéder à une certaine recherche de solution du fait du par-
tage même de ces particularités. Par surcroît, la plupart des techniques de résolution
des conflits, que ce soit dans la résolution des problèmes ou plus spécifiquement dans
la médiation, ont grandement recours au dialogue.

Consultation ou manifestation publiques


Le peu de cas fait à la consultation des populations avant la mise en œuvre d’un projet
entraîne souvent du mécontentement et parfois des oppositions marquées. Ce fut le cas
d’un projet routier fort contesté à Cuenca (Équateur) au milieu des années 1990. La
consultation tardive des populations concernées, alors que le tracé était «définitivement»
approuvé, entraîna des suites inattendues par le promoteur, l’État, en l’occurrence. Comme
c’est trop souvent le cas, même les gens directement concernés par l’implantation des
infrastructures routières, notamment la plupart des propriétaires ou «locataires» des
terrains touchés, n’avaient pas été informés ouvertement à l’avance.
Le patrimoine artisanal et agricole de la région ainsi que la sécurité des gens en bor-
dure de la route nationale projetée étaient des éléments fortement valorisés par la popu-
lation locale. Le promoteur croyait sans doute passer outre les intérêts de cette dernière
au nom de l’intérêt général des futurs utilisateurs routiers. Dès le début des travaux,
diverses manifestations vinrent en perturber la bonne marche. Puis les moyens de pres-
sion des citoyens prirent de l’ampleur et une manifestation publique importante
entraîna l’arrêt des opérations et la tenue d’une consultation publique sur les options
possibles au projet en cours.
La consultation permit la recherche de nouvelles variantes au tracé routier, notamment
326 grâce aux connaissances étonnantes et systématiques, voire systémiques, de plusieurs cul-
tivateurs et habitants du coin. Des solutions nouvelles à la meilleure satisfaction des citoyens
touchés furent finalement approuvées, notamment la sélection d’un troisième tracé pour
l’infrastructure routière en substitution des deux qui avaient été examinés dans un pre-
mier temps par le promoteur.
Contexte de la négociation environnementale

Dans le contexte de la résolution des problèmes et des conflits en environnement,


il est parfois fort utile et rarement superflu de permettre la mise en évidence des cri-
tères sous-jacents aux prises de position des divers intervenants. Les intérêts personnels,
qu’ils soient plus ou moins intéressés, les jugements de valeurs, explicites ou non, et
les opinions bien arrêtées, ainsi que les attentes distinctes des divers intervenants, gagnent
souvent à être explicitement connus. Les méthodes multicritères font d’ailleurs appel
à plusieurs de ces critères implicites de toute évaluation d’impacts (Simos, 1990).
L’objectif poursuivi par l’ensemble de ces techniques de résolution de problèmes demeure
la conciliation d’intérêts divergents par la recherche d’un compromis ou d’un
consensus acceptable pour tous les intervenants. Le processus même des démarches
d’analyse multicritères se fonde d’ailleurs sur ces prémisses.
Finalement, les différentes démarches de résolution de conflits sont presque tou-
jours intimement liées et employées parfois successivement. De plus, lors de la réso-
lution des conflits, la formulation de mesures de compensation, acceptables par tous
ou imposées comme telles, représente une intéressante voie de solution. La mise en
place de mesures de compensation est en fait le recours ultime afin de minimiser les
impacts résiduels du projet. Leur intervention permet bien souvent de trouver une
solution satisfaisante à plusieurs des problèmes soulevés par l’évaluation des impacts
environnementaux.

La médiation environnementale
La médiation est l’une des techniques particulières de résolution des problèmes. Elle
est employée lorsqu’il existe un nombre relativement restreint d’intervenants. Elle repré-
sente actuellement l’une des nouveautés en évaluation des impacts environnemen-
taux. La future Loi québécoise sur la procédure d’ÉIE, comme ses homologues cana-
dienne et américaine, devrait en faire explicitement mention.
La médiation environnementale est l’un des mécanismes de participation du public
en plein développement un peu partout dans les pays industrialisés. Il s’agit plus pré-
cisément d’une des techniques de négociation et de recherche de consensus. Telle qu’em-
ployée actuellement ou en voie de l’être, la médiation remplace ou complète les grands
forums de consultation publique telle que l’audience publique. La médiation est
employée lorsqu’il existe des litiges entre certains acteurs impliqués dans le processus
327
d’ÉIE. Certains auteurs s’opposent cependant au pragmatisme américain en cours
dans la négociation environnementale et, en conséquence, ne conçoivent pas la
médiation comme l’un des mécanismes de résolution des conflits (Six, 1995).
L’évaluation des impacts environnementaux

La médiation est une démarche particulière de négociation privée. Au Québec,


le ministre de l’Environnement peut choisir de tenir une médiation plutôt qu’une
audience publique. Les échanges à huis clos sont limités aux représentants du pro-
moteur et à quelques acteurs ayant manifesté des inquiétudes ou des objections à propos
du projet. Ces deux parties se retrouvent engagées dans une démarche de résolution
des problèmes sous la coordination d’un tiers, le médiateur.
Afin de pouvoir obtenir un accord entre les parties impliquées, habituellement
sous la forme d’un compromis, voire à l’occasion à la suite d’un consensus, le litige
ne devrait pas mettre en cause le bien-fondé même du projet. Ces litiges négociables
entre les parties devraient en conséquence être mineurs et ne concerner que des points
bien particuliers de l’étude ou du projet. Il est un peu présomptueux de croire pos-
sible un accord à partir d’une divergence profonde quant à la justification du projet,
par exemple. Lors de tels affrontements, la médiation ne semble constituer qu’un exer-
cice impossible, le désaccord étant trop grand ou trop complet. Dans ce cas, la média-
tion environnementale ne peut efficacement se substituer aux audiences publiques,
même si le nombre réduit des intervenants pourrait l’y inciter.

Médiation ou audience publique


Tous les mandats de médiation n’aboutissent pas à une entente de médiation. Pour de
multiples raisons, notamment sur des questions de fond comme la justification même
du projet, il est parfois impossible de cheminer vers une entente entre les parties pre-
nantes.
C’est ainsi qu’une commission mandatée en 1994 par le Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement (BAPE) afin de réaliser une médiation dans le cas d’un projet d’agran-
dissement d’un site d’enfouissement sanitaire en banlieue de Montréal (Lachenaie) concluait
son rapport sur l’impossibilité d’en arriver à une entente. Le rapport de la commission
concluait qu’il «était impossible d’entreprendre une démarche de médiation et qu’en
raison de la dynamique qui caractérise ce dossier et des préoccupations dont il fait l’objet,
il devrait être examiné dans le cadre d’une audience publique» (BAPE, 1994b).
En conséquence, le projet contesté fut examiné en audience publique l’année suivante
(1995). La nouvelle commission déposa un rapport favorable au promoteur, avec tou-
tefois un certain nombre de recommandations et de mesures d’atténuation supplémentaires
328 à celles prévues dans l’ÉIE (BAPE, 1995b).
Source : Rapports du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE),
(BAPE, 1994b et 1995b).
Contexte de la négociation environnementale

La médiation environnementale suppose bien sûr une participation active des


intervenants présents, mais à l’abri du regard public. L’influence et les habilités res-
pectives des acteurs impliqués dans la procédure de médiation sont très variables, mais
leurs attitudes et leurs comportements les uns vis-à-vis des autres sont aussi impor-
tants pour l’issue de l’expérience et de l’accord possible.
Dans la procédure québécoise, la médiation se divise en trois phases: une pre-
mière phase informative, regroupant les requérants et le promoteur ; une deuxième
phase d’analyse et de consentement à la médiation; et, finalement, une troisième phase,
celle de la médiation proprement dite (Renaud, 1994). La troisième phase de la média-
tion vise la recherche d’une solution satisfaisante pour les parties en cause. Le rôle
du médiateur est de faciliter cette recherche de solution. Lorsqu’il y a entente entre
les acteurs, les requérants retirent leur demande d’audience publique et la prise de
décision peut intervenir. Dans le cas contraire, lorsque la médiation échoue, la pro-
cédure habituelle devrait s’accomplir, à savoir par la tenue d’une audience publique.

Multiples ententes de médiation


Lors d’un mandat de médiation, le résultat n’est pas toujours aussi négatif que dans
l’exemple que nous donnions dans le précédent encadré. Dans un dossier similaire d’en-
fouissement sanitaire, une entente de médiation est intervenue tout récemment (1999)
sous l’égide de la Commission du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement
(BAPE) mandatée à cet effet.
Le commissaire médiateur du BAPE favorisa l’entente intervenue entre le promoteur
(la municipalité de Gaspé) et les trois requérants (une représentante d’un propriétaire
touché, un groupe local communautaire et un groupe écologiste provincial). Des
réunions communes ou séparées furent tenues entre le 17 novembre 1998 et le 28 jan-
vier 1999, date de la dernière réunion annonçant l’entente (BAPE, 1999).
L’entente en question est constituée en fait de dix-huit ententes particulières entre les
parties impliquées. Certaines ne concernent qu’un seul requérant, notamment le pro-
priétaire touché, alors que d’autres portent la signature des deux autres requérants ainsi
bien entendu que celle de la municipalité concernée (idem). À titre d’exemple, les ententes
particulières ont rapport à la quantité de déchets pouvant être enfouis, à l’interdiction
de l’emploi de biocides, à l’élaboration du programme de suivi et de contrôle ainsi qu’au
remplacement d’un chemin forestier existant.
329
Source : Rapports du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE),
(BAPE, 1999).
L’évaluation des impacts environnementaux

Comme l’affirme Beauchamp (1996), une telle interprétation du rôle de la


négociation dans la procédure québécoise est assez restrictive. En effet, seuls les requé-
rants d’audience publique sont invités à joindre les parties impliquées dans le pro-
cessus de médiation. Voilà qui limite donc la participation publique par rapport à la
situation de l’audience publique, qui est ouverte à tous.
Par ailleurs, le pouvoir d’enquête du médiateur, un pouvoir quasi judiciaire dans
la procédure québécoise, restreint parfois la portée de la médiation comme processus
volontaire de négociation. Dans ce sens, certains recommandent que le processus de
médiation s’applique à l’extérieur des organismes gouvernementaux, comme le
BAPE, afin d’acquérir plus de souplesse et d’éviter toute confusion avec l’audience
publique (idem).
L’étude des cas de médiation dans la procédure québécoise au cours des dix der-
nières années aboutit bien entendu à la conclusion que cette démarche de résolution
des conflits «est restreinte à la négociation d’enjeux environnementaux limités entre
les représentants du décideur, ceux du promoteur et ceux des publics concernés »
(Gauthier, 1998). Compte tenu de ces évidentes restrictions, la médiation ne peut donc
se substituer aux audiences publiques que dans un nombre de cas très limité.
En définitive, la médiation vise la recherche de solutions dans la gestion de conflits
mineurs déjà existants et reconnus comme tels par un certain nombre d’acteurs impli-
qués dans l’examen d’un projet. La procédure de médiation fait appel à la partici-
pation active de ces acteurs, et ce, dans une démarche de recherche active d’un accord.
L’accord éventuel obtenu entre les parties, favorisé par l’intervention du médiateur,
est parfois le résultat d’un consensus, mais la plupart du temps il est le fruit d’un com-
promis acceptable. La médiation représente une option valable aux méthodes tradi-
tionnelles de résolution de conflits, telles que l’arbitrage judiciaire ou les recours aux
tribunaux, dans les cas de litiges ne portant pas sur le bien-fondé du projet lui-même.

330
Chapitre

8
Modification du projet
et mesures d’atténuation
des impacts

L’ un des trois objectifs de l’ÉIE, à savoir la minimisation de l’impact environne-


mental des projets de développement, se concrétise avant tout grâce aux divers
moyens d’intervention que nous allons examiner au cours de ce chapitre. Les aspects
que nous abordons ici concernent surtout le niveau technique d’examen. Toutefois,
les aspects scientifiques, notamment les résultats du suivi, et les orientations politiques,
particulièrement en ce qui concerne la sélection d’options ainsi que les mesures de
compensation, s’insèrent continuellement entre les éléments techniques.
De la modification du projet initial au suivi qui lui succédera éventuellement,
les divers moyens de réduire l’impact environnemental sont intimement liés. Il n’est
donc pas facile de distinguer toujours si une action donnée représente une mesure
d’atténuation ou une modification au projet. Ainsi, les efforts du début (modifica-
tion et correctifs) permettent en effet de réduire la nécessité de ceux qui seraient autre-
ment nécessaires par la suite (mesures d’atténuation et de compensation). De la même
manière, l’emploi de la compensation et du suivi s’en trouvent réduit lorsque l’atté-
nuation des impacts est significative. Par ailleurs, moins la phase d’élaboration d’un
projet aura incorporé les questions environnementales, plus les modifications, les cor-
rectifs, les solutions de rechange, les variantes ainsi que les mesures d’atténuation, de
compensation et de suivi seront nécessaires. Dans de tels cas, l’évaluation environ-
nementale devra faire usage d’un large éventail de tels moyens afin de réduire les impacts
L’évaluation des impacts environnementaux

appréhendés d’un projet. À l’inverse, plus tôt seront intégrés les aspects environne-
mentaux dans l’élaboration d’un projet, par des modifications et des correctifs ainsi
qu’un choix judicieux d’options, moins deviendront nécessaires les choix de variantes,
les mesures d’atténuation et de compensation.
La figure 8.1 montre la place et les liens entre les six moyens de réduire l’impact
environnemental d’un projet. Les mesures de modification et les correctifs concernent
le projet, c’est-à-dire l’activité humaine perturbatrice. Par contre, les mesures de com-
pensation, ainsi qu’une bonne part des mesures d’atténuation et de suivi, ne s’appliquent
qu’aux éléments de l’environnement. Finalement, la sélection des solutions de
rechange et des variantes ainsi que l’autre partie des mesures d’atténuation et de suivi
se retrouvent à l’interface des deux «mondes», à savoir autant du côté du projet que
de celui de l’environnement1.

Figure 8.1
Représentation schématique des divers moyens de réduire l’impact

Projet

Modification du projet Correctifs au projet

Sélection d’options

Solutions de rechange Variantes

Mesures d’atténuation Mesures de compensation

332 Inspection et suivi

1. L’organisation des différentes actions présentées dans la figure 8.1 pourrait être modifiée en dépla-
çant certaines d’entre elles vers le haut ou le bas du schéma. Nous croyons cependant que l’agen-
cement présenté ici correspond à l’ordre probable d’application des actions dans la plupart des cas
à l’heure actuelle.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

MODIFICATION DU PROJET INITIAL


La simple présence d’une procédure d’ÉIE constitue un incitatif à la prise en compte
de l’environnement dans la plupart des projets. Il semble en effet que la crainte de
devoir faire face au processus d’évaluation influence l’élaboration initiale ainsi que
certaines composantes et activités des projets de développement. La mise en place de
procédures environnementales corporatives, une politique environnementale de
l’entreprise, par exemple, ainsi que les exigences environnementales des bailleurs de
fonds influencent aussi dans le même sens les promoteurs des futurs projets.
Assez souvent, lorsque débute l’élaboration d’un projet, les préoccupations envi-
ronnementales ne sont pas incluses aux côtés des préoccupations techniques et
financières. L’environnement est parfois présent lors des premières étapes d’élabo-
ration, mais c’est parce qu’il interfère soit avec la technique, soit avec les finances. La
conception des projets n’a que très rarement intégré l’environnement dans ses tâches
initiales. De plus en plus, cependant, la prise en compte des aspects environnemen-
taux survient dès les premières étapes d’élaboration du projet par le promoteur. En
conséquence, leur intégration dans le projet n’est plus perçue comme une étape sup-
plémentaire de réalisation. Cette intégration précoce de l’environnement entraîne par
le fait même des délais et des coûts supplémentaires de moins en moins importants.
Mais, encore trop souvent, les préoccupations environnementales occupent une
place secondaire, et leur rôle dans la conception des projets est fortement réduit. Lorsque
l’intervention de l’environnement se manifeste en aval de l’élaboration d’un projet,
il devient parfois difficile d’intégrer des modifications sans trop remettre en cause
les aspects techniques et financiers. Il est donc dans l’intérêt même des préoccupa-
tions environnementales que leur intégration dans la conception des projets s’effectue
le plus tôt et le plus librement possible. D’autant plus que l’expérience acquise
depuis les débuts de l’ÉIE permet souvent de connaître à l’avance plusieurs des com-
posantes et des activités susceptibles d’amélioration ou de correction. Par contre, plus
le projet sera parachevé et plus seront élevées les barrières à leur incorporation.
En général, la conception des projets est très avancée lorsque l’environnement
intervient ; seule la modification du projet initial devient alors envisageable, dans un
premier temps. Les modifications possibles sont très variables selon la nature du projet 333
et l’ampleur des opérations ou des composantes. Les procédés de fabrication, la qua-
lité des intrants dans la production, l’ampleur des opérations ou de la production,
les délais ou la durée des opérations, la gestion des rejets et les techniques de dépol-
lution sont des exemples des modifications qui peuvent être apportées.
L’évaluation des impacts environnementaux

À mesure qu’avance la conception détaillée d’un projet, les possibilités de modi-


fications subséquentes s’amenuisent. Il ne restera finalement possibles que de légers
correctifs à effectuer. Néanmoins, les modifications apportées au projet initial, et il
en sera de même des correctifs, permettront d’éliminer à la source d’éventuels
impacts, éliminant du fait même l’emploi de coûteuses mesures d’atténuation ou de
compensation ainsi que des options indésirables.

Modification d’un projet au Burkina Faso


Dans le nouvel esprit d’intégration des questions environnementales à l’élaboration ini-
tiale des projets, le récent projet d’approvisionnement en eau potable de la ville de
Ouagadougou (Burkina Faso) est un exemple éloquent.
La coopération entre les ingénieurs, les économistes et l’équipe d’évaluateurs d’impacts
pour l’évaluation du projet a permis de mieux ajuster les composantes techniques avec
les besoins réels et les conséquences environnementales. La préparation de l’étude d’im-
pacts dans un processus parallèle aux autres nécessités de préparation du projet (tech-
nique et financière) aurait permis, selon les experts de la Banque mondiale, de réduire
de 25% les surfaces inondées, de diminuer les relocalisations involontaires et d’amoin-
drir d’autres impacts.
Source: Goodland et Mercier, 1999.

Quoique des modifications importantes soient parfois apportées à certains pro-


jets, comme dans le cas de la transformation de la ligne aérienne transfluviale
Grondines-Lotbinière (projet d’Hydro-Québec) en une ligne sous-fluviale en tunnel,
l’exercice de la modification d’un projet est plutôt exceptionnel. Il semble cependant
que la vaste majorité des modifications apportées aux projets, à la suite d’un examen
d’ÉIE, ne concerneraient que des aspects mineurs ou modérés, mais nullement les
composantes majeures (Lee, Walsh et Reeder, 1994). Dans ce cas, il y aurait donc lieu
de parler plutôt de correctifs au projet.

CORRECTIFS AUX COMPOSANTES DU PROJET

334 Les modifications significatives étant évincées par l’état d’avancement de la concep-
tion même du projet, il ne reste plus très souvent que la possibilité d’intervenir par
le moyen de correctifs. L’apport de correctifs à un projet demeure souvent l’ultime
et unique mesure en vue d’intégrer l’environnement dans la conception détaillée d’un
projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Il est possible d’apporter des correctifs aux composantes et aux activités afférentes
au projet tout au long du processus d’examen. L’apport de correctifs apparaît habi-
tuellement au cours de l’étape d’évaluation des impacts. Certains ajustements s’avèrent
toutefois nécessaires dès la première analyse des activités relatives au projet, alors qu’à
l’opposé, d’autres ne se présenteront qu’au moment, ou peu avant, de la prise de déci-
sion finale concernant l’acceptabilité du projet. À l’occasion, certains correctifs ne seront
apportés qu’à la suite de la surveillance des travaux ou au cours du suivi d’exploita-
tion. Ultimement, il pourrait s’avérer nécessaire d’effectuer des correctifs à certaines
composantes du projet, et ce, après un suivi postprojet.
Les correctifs apportés s’appliquent souvent à une seule composante ou activité
du projet, sans remettre en cause l’ensemble des composantes ou des activités. Quel-
quefois, il s’agit de certains des aspects déjà touchés par une modification importante,
mais avec une ampleur beaucoup moindre. Dans ce cas, les correctifs concernent sou-
vent les délais, la durée ou l’horaire (jour/nuit, intermittence) des opérations, notam-
ment pour la phase de construction, ainsi que la gestion des rejets et des dispositifs
antipollution.
Par ailleurs, les correctifs apportés à un projet en cours d’examen ne sont pas tou-
jours très distincts de certaines des mesures d’atténuation; ils sont parfois, d’ailleurs,
confondus. Les deux concourent cependant à l’amélioration du projet ou à la mini-
misation de ses répercussions sur l’environnement. Cette remarque est aussi valable
par rapport aux modifications et à la sélection de solutions de rechange et de
variantes. Ainsi, certaines modifications au projet initial et, dans une moindre
mesure, certains des correctifs employés, ne se différencient pas vraiment du choix
des solutions de rechange ou des variantes en cours d’étude.

SÉLECTION DE SOLUTIONS DE RECHANGE ET DE VARIANTES


Dans le contexte restrictif de l’évaluation du nouveau projet, la nécessité d’examiner
des solutions de rechange et des variantes au projet à l’étude est capitale. Elle devrait
donc constituer une étape importante de l’examen. Dans le cadre plus global de l’éva-
luation stratégique, cette sélection de la meilleure solution de rechange pour l’envi-
ronnement est aussi essentielle; elle en est d’ailleurs l’un des objectifs primordiaux. 335
Bien entendu, dans les rares cas d’évaluation stratégique préalable à la présentation
de projets précis, l’étude de ces derniers en est facilitée en ce qui a trait à la sélection
de l’option optimale.
L’évaluation des impacts environnementaux

La sélection de solutions de rechange et de variantes


L’examen de solutions de rechange et de variantes est l’une des meilleures façons de
minimiser l’impact d’un projet. La sélection peut s’opérer à deux niveaux. Elle
permet, d’une part, de choisir les composantes et les activités du projet les plus sus-
ceptibles du moindre impact sur l’environnement, et, d’autre part, de délimiter les
meilleures zones d’implantation dans le milieu, le choix de site, par exemple. Dans
ce dernier cas, il s’agira d’éliminer les environnements riches ou susceptibles de l’être
éventuellement et de déterminer ceux qui posent le moins de contraintes environ-
nementales à la mise en place du projet.
Comme nous l’avons vu au chapitre quatre, la marge de manœuvre de la sélec-
tion dépend grandement du type de projet, puisque tous ne permettent pas les mêmes
options. Ainsi, dans le cadre d’un projet de gestion des déchets, plusieurs possibilités
s’offrent (incinération, enfouissement, recyclage, etc.), alors que pour l’exploitation
d’une mine, les options sont très réduites. Dans ce dernier cas, il n’y a en fait qu’une
solution de rechange à l’exploitation, c’est celle de ne pas faire d’exploitation du gise-
ment et ainsi de renoncer au projet. Par contre, tant pour la gestion des déchets que
pour les projets miniers ou autres, il existe plusieurs variantes possibles d’exploita-
tion et d’implantation ; celles-ci diffèrent par leur procédé d’extraction ou de
cueillette, de transformation, d’infrastructures fixes, d’aménagement des accès, de réduc-
tion des rejets, etc.
La distinction entre une «solution de rechange» et une «variante», comme nous
l’avions noté auparavant, n’est à peu près jamais bien définie ni expliquée. Elle laisse
libre cours à toutes les interprétations possibles des lois, des règlements ou des sta-
tuts en ce sens. L’examen de plusieurs rapports d’ÉIE montre que les évaluateurs inter-
prètent assez différemment ce que devrait être une solution de rechange ou une variante.
Dans la plupart des cas, de modestes variantes au projet principal sont présentées comme
des solutions de rechange valables et entières. Il faut bien admettre qu’il n’y a pas,
entre ces deux notions apparentées, une démarcation toujours bien franche ni bien
comprise. Le recours aux dictionnaires n’est pas d’un précieux secours, quoique la
variante soit définie comme une «solution légèrement différente, mais voisine». Voilà
qui laisse place à une certaine subjectivité dans l’appréciation et une grande marge
336
de manœuvre pour les évaluateurs et les promoteurs.
Quant à nous, une solution de rechange représente, comme dans l’exemple ci-
dessus de la gestion des déchets, une notion plus complète et plus distincte du projet
initial que ne l’est une simple variante. Jusqu’à un certain point, une solution de rechange
est un ensemble de composantes de projet d’une nature différente d’une option à une
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

autre. Il ne s’agit donc pas simplement d’une variation plus ou moins substantielle
d’un même projet, comme dans le cas d’une variante. De la même manière que les
différentes façons de gérer les déchets domestiques, le choix de solutions de rechange
à un projet de centrale thermique au gaz naturel, par exemple, devrait inclure les diverses
options en vue de fournir des services énergétiques (hydroélectrique, nucléaire,
éolien, économies d’énergie, etc.). Par contre, la sélection entre divers sites ou cou-
loirs d’implantation, comme une modification mineure dans le procédé de fabrica-
tion ou la durée d’exploitation du projet, relève plutôt d’un choix de variantes. Le projet
initial reste le même; seules des variantes de mise en œuvre sont offertes, dans ce der-
nier cas. Par ailleurs, les solutions de rechange autant que les variantes peuvent impli-
quer l’ensemble des composantes du projet ou une partie seulement de celles-ci.
L’examen d’options lors de l’étude d’un projet est presque toujours une exigence
réglementaire. Toutefois, malgré l’ancienneté et la reconnaissance de cette pratique
en ÉIE, il est rare de retrouver de véritables solutions de rechange dans les rapports
d’évaluation que nous avons consultés. En fait, compte tenu de l’imprécision des concepts
et de la libre interprétation qui en est faite, l’examen se limite habituellement à un
choix de variantes. On retrouve alors une analyse comparative, plus ou moins rigou-
reuse et complète, de variantes de sites ou de tracés pour les infrastructures.
Dans le cadre étroit de l’évaluation de projet, contrairement à l’évaluation stra-
tégique, il est souvent impensable pour le promoteur d’envisager la possibilité d’une
solution de rechange. Ainsi, une entreprise spécialisée dans la production d’un bien
particulier se retrouve souvent devant l’impossibilité de proposer la fourniture d’un
bien d’une tout autre nature. Dans le cas de certains types de projets, les projets miniers,
par exemple, le promoteur n’a aucune autre option que celle de ne pas réaliser l’ex-
ploitation proposée. Les promoteurs omettent alors de proposer des solutions autres
que leur propre projet. Pour les autres acteurs non liés au promoteur, le choix de solu-
tions de rechange demeure toujours présent, ne s’agirait-il que de la possibilité de rejeter
le projet proposé.
En ce qui concerne l’évaluation stratégique, par contre, il n’y a habituellement
pas qu’un seul projet ni un seul promoteur potentiel en lice. Les possibilités envisa-
geables sont alors multiples, comme dans le cas précédent des déchets ou de la four-
337
niture des services électriques, par exemple. En conséquence, la portée de l’évalua-
tion environnementale est fortement diminuée quant à la sélection de la meilleure
option, si elle est cantonnée uniquement dans la sphère de l’examen de projet.
L’évaluation stratégique des politiques et des programmes permettrait donc de cla-
rifier les choses, notamment en filtrant le type de projet admissible par l’entremise
d’une véritable comparaison d’options. Les projets ainsi présélectionnés pourraient
L’évaluation des impacts environnementaux

ensuite être examinés sous l’optique d’un choix de variantes dans le cadre d’une éva-
luation de projet. Grâce à un tel élargissement de la place de l’ÉIE dans nos processus
de décision, l’aléatoire, le subjectif et les jeux de pouvoir du niveau politique de l’éva-
luation seraient plus restreints qu’ils ne le sont actuellement.
L’objectif de sélection de solutions de rechange ou de variantes, et à plus forte raison
lorsqu’il s’agit de l’examen comparatif de différents projets, est bien sûr l’arrêté d’un
choix optimal. L’examen nécessite donc l’emploi de techniques de comparaison en vue
d’évaluer le meilleur choix possible. En fait, il est de plus en plus courant de consi-
dérer le «choix optimal» non pas comme une seule possibilité mais bien comme un
éventail, plus ou moins étendu, des meilleurs choix possibles. Comme nous l’avons
indiqué au cours de l’étude des modèles multicritères, la possibilité de plusieurs «choix
optimaux» dépend du nombre de scénarios anticipés afin d’estimer l’évolution future
de la conjoncture actuelle. Plus la variété des scénarios est grande et plus les possibi-
lités de choix optimaux se multiplient, mais plus différée sera la prise de décision.
La méthodologie d’évaluation des options doit comprendre une procédure par-
ticulière permettant l’exercice de sélection du choix optimal. La sélection des options
possibles et l’analyse comparative de celles-ci à partir de critères et d’une méthode
de comparaison relèvent surtout du domaine technique de l’ÉIE. Les critères seront
généralement examinés à l’aide des connaissances et de l’expertise de la science. Toutefois,
les choix qui seront effectués, grâce à des valeurs de pondération, et les acteurs qui
participeront à l’exercice concernent plutôt le niveau politique de l’étude. La sélec-
tion du choix optimal s’exprime donc à travers l’intégration des trois niveaux
d’examen de l’ÉIE.
En pratique, la sélection de solutions de rechange et de variantes fait appel aux
techniques d’agrégation et de pondération ; ce qui est avant tout du ressort du
domaine scientifique de l’évaluation d’impacts, sans dénier toute responsabilité de niveau
politique à ces deux opérations. De plus, les méthodes de comparaison préconisent
souvent les techniques d’ordonnancement. Selon la méthode employée par les éva-
luateurs, l’insistance portera vers l’une ou l’autre des techniques d’ordonnancement.
Enfin, l’une des options qu’on devrait toujours rencontrer dans l’examen d’un
338 projet, mais qui est souvent passée sous silence, est la non-réalisation du projet en
question, c’est-à-dire le maintien du statu quo. En plus d’offrir une solution valable
à envisager, la prise en compte du statu quo permettrait d’estimer et d’évaluer plus
adéquatement l’évolution anticipée du milieu d’insertion sans l’intervention du
projet. De plus, la prise en compte du statu quo permet d’évaluer plus complètement
le bien-fondé de la justification même du projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

L’ordonnancement des solutions de rechange ou des variantes


L’ordonnancement représente un ensemble de techniques particulières de classement.
Elle vise à mettre en valeur ou à comparer des solutions de rechange ou des variantes.
Il s’agit généralement de classer les différentes options, les possibilités de choix de site,
par exemple, selon des critères d’évaluation relative, sans pour autant faire appel aux
techniques d’agrégation ni de stricte pondération. Au-delà des aspects plutôt tech-
niques, l’ordonnancement implique aussi plusieurs dimensions politiques. Le clas-
sement peut s’effectuer à partir d’un seul critère de comparaison, mais il est généra-
lement obtenu à partir d’une série de critères, telle que présentée dans l’exemple de
la figure 8.2.

Figure 8.2
Matrice comparative de deux tracés possibles, selon de multiples critères

Classe Enjeux environnementaux Tracé A Tracé B Choix


d’enjeux optimal

Microchamps 8,5 km 6,6 km B


Nombre de «douars» 6 7 A
1 Accessibilité/travaux faible moyenne B
Coût du projet 480 510 A
Nuisances/Route 1 13,5 km 28 km A

Glissement de terrain moyen faible B


Impact sonore moyen moyen A ou B

2 Arbres en bordure de routes 0 km 3 km A


Vergers et vignes 8 km 13,2 km A
Traversée de «oueds» 4 4 A ou B

3 Terres à céréales 30,5 km 34,5 km A

Rappelons que l’ordonnancement correspond normalement à la plus simple des


techniques de pondération, celle de la hiérarchisation. La pondération est la recherche
de la valeur relative de divers paramètres: éléments, effets ou impacts environnementaux. 339
La hiérarchisation, quant à elle, est la disposition des paramètres environnementaux
ou des critères de comparaison selon un ordre allant du plus important au plus banal,
par exemple. La hiérarchisation est en fait une classification relative assez vague plutôt
qu’une comparaison rigoureuse des divers paramètres ou critères.
L’évaluation des impacts environnementaux

En règle générale, la hiérarchisation classe tous les paramètres dans une série limitée
de classes d’importance. L’avantage de la hiérarchisation par rapport aux autres tech-
niques de classement ou de pondération réside dans la simplification du rangement
des paramètres étudiés. Ailleurs, le classement est parfois très compliqué à réaliser.
La hiérarchisation réduit les opérations de comparaison de tous les paramètres les
uns par rapport aux autres. Elle emploie un nombre réduit de classes de paramètres
à considérer. Leur nombre est généralement limité à deux ou trois possibilités de classes
seulement. La valeur relative des classes suit un ordre décroissant d’importance. Les
paramètres ou critères les plus importants sont séparés des autres et placés dans la
classe de première importance. Comme pour tout exercice de pondération, il existe
bien entendu de nombreux aspects subjectifs qui se glissent dans une telle opération.
Le choix des critères de comparaison, par exemple, n’est pas aussi simple et objectif
qu’il paraît, et leur classement n’est pas non plus dénué d’embûches et de surprises.
En effet, les valeurs changent selon l’endroit et le temps considéré; ce qui nous appa-
raît aujourd’hui comme essentiel pourrait très bien apparaître comme accessoire pour
les gens de demain ou pour la population actuelle d’un autre pays. Finalement, la hié-
rarchisation en classes restreintes ne détermine aucune hiérarchie entre les différents
paramètres ou critères de comparaison à l’intérieur d’une même classe. Tous ces élé-
ments (paramètres et critères) sont considérés égaux entre eux, ce qui simplifie de
beaucoup l’opération, qui pourrait s’avérer complexe autrement.
Parmi les méthodes de comparaison utilisées en ÉIE, nous pouvons ranger
l’analyse multicritères et la méthode de Holmes comme les plus grands utilisateurs
de la hiérarchisation. L’utilisation de critères multiples vise à contourner les inéluc-
tables problèmes reliés à toute comparaison reposant sur un seul critère, comme la
valeur monétaire de la plupart des méthodes unicritères. La hiérarchisation permet
cependant de simplifier, sans trop compromettre la validité des résultats obtenus, la
prise en compte de critères multiples lors de la comparaison rigoureuse de diverses
options.

MESURES D’ATTÉNUATION DES IMPACTS


La mise en place de mesures d’atténuation peut être prescrite lors de plusieurs des
340 étapes d’élaboration et d’examen d’un projet. Ces atténuations des impacts sont appli-
cables en tout temps, de la phase préliminaire de planification à l’ultime phase d’ins-
pection (suivi d’exploitation). Cette action de minimisation de l’impact représente
l’une des opérations principales de l’ÉIE, notamment pour les promoteurs désireux
de voir autoriser leur projet. La mise en œuvre de mesures d’atténuation correspond
à l’un des moyens parmi les plus efficaces d’atteindre la réduction de l’impact
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

environnemental des projets. La mise en œuvre de mesures d’atténuation permet soit


d’atténuer, soit d’éliminer l’impact environnemental d’une activité ou d’une com-
posante du projet. En pratique, les mesures d’atténuation constituent des «correc-
tifs», plus ou moins significatifs, apportés aux diverses composantes et activités pro-
jetées. Lorsqu’elles sont intégrées dans l’élaboration du projet, elles se confondent parfois
avec certains des correctifs, voire certaines modifications modestes. Plus tôt inter-
viendront les mesures d’atténuation, mieux s’effectuera leur intégration et plus elles
seront efficaces et pertinentes. Ainsi, comparativement à une intervention plus tar-
dive, l’intervention de mesures d’atténuation dès les premières étapes d’élaboration
de l’étude réduit considérablement le coût d’implantation du projet. Cela est parti-
culièrement vrai pour les mesures qui doivent être mises en place lors de la phase de
construction et encore plus si elles s’avèrent nécessaires en cours d’exploitation.
Parfois, l’application des mesures d’atténuation neutralise l’impact, c’est-à-dire
qu’elle l’élimine complètement. Il se peut toutefois qu’elle n’atténue qu’une partie des
conséquences néfastes sur le milieu. Cette atténuation peut néanmoins être notable;
l’importance de l’impact est en conséquence fortement diminuée. Par contre, la mise
en œuvre de mesures d’atténuation peut n’atténuer que très partiellement les consé-
quences négatives, l’impact qui en résulte demeurant alors similaire à ce qu’il était
initialement. L’«impact résiduel» représente le résultat obtenu à la suite de la mise
en œuvre de mesures d’atténuation sur un impact potentiel. Rappelons par ailleurs
qu’en vertu du même objectif de réduction de l’impact, des «mesures de bonifica-
tion» peuvent être incorporées au projet. Ces mesures de bonification permettent d’ac-
croître l’importance ou la valeur des impacts positifs du projet.
L’élimination d’un impact potentiel consiste à apporter des rectifications suffi-
sant soit à l’activité perturbatrice, soit à la situation même de l’élément, et ce, afin
que l’impact résiduel qui en résulte soit nul ou négligeable. L’atténuation, quant à elle,
représente aussi la mise en place de mesures, mais sans que l’impact résiduel soit nul
ou négligeable pour autant. Le résultat d’un tel impact résiduel présente alors une
importance encore significative, mais néanmoins inférieure à la valeur initiale de l’im-
pact potentiel. Dans ce cas, seul un programme de suivi saura déterminer avec jus-
tesse si les mesures proposées présentaient les dispositions espérées.
341
Concrètement, il existe trois résultats possibles à la mise en place de mesures d’at-
ténuation. Tout d’abord, on retrouve la mince possibilité d’élimination totale de l’im-
pact. On rencontre aussi la situation la plus courante, soit l’élimination partielle plus
ou moins appréciable de l’impact. Dans ce cas, la valeur de l’impact potentiel peut
être diminuée fortement et l’impact résiduel sera alors faible. Enfin, il se peut que la
mesure proposée n’ait éventuellement aucune influence sur l’impact lui-même. La
L’évaluation des impacts environnementaux

seule façon de pouvoir s’assurer de l’efficacité d’une mesure d’atténuation consiste


à en vérifier ultérieurement les résultats. Mais comme les enseignements des rares pro-
grammes de suivi sont insuffisants, cette dernière possibilité est peut-être plus
importante qu’on le croit habituellement.
La figure 8.3 présente une liste de mesures d’atténuation. Ces mesures sont dites
générales, simplement parce qu’elles concernent l’ensemble des activités ou des
composantes du projet, voire tout type de projet. Ainsi, des mesures telles que l’en-
couragement à l’emploi de la main-d’œuvre locale, la réduction au minimum de la
durée des travaux de construction et l’utilisation d’une signalisation routière adéquate
constituent des mesures applicables en tout temps et partout. Dans la section des
planches couleurs, nous avons placé plusieurs photographies de mesures d’atténua-
tion générales et courantes ou d’implications possibles d’atténuation de certaines acti-
vités de construction des infrastructures.

Figure 8.3
Liste de mesures générales d’atténuation

• Respecter un périmètre de protection autour des zones sensibles suivantes:


– rives des lacs et cours d’eau;
– habitats fauniques importants;
– bassins d’alimentation en eau;
– pentes raides et sensibles à l’érosion;
– tourbières et marécages.
• Encourager l’emploi de la main-d’œuvre locale.
• Mettre en place un code de «bonne pratique» environnementale pour les travaux de construction.
• Favoriser la réutilisation des matériaux et des équipements ayant servi à la construction.
• À la fin des travaux, nettoyer et remettre en état les éléments du milieu et restaurer le site.
• Choisir le site des installations de chantier (roulottes et autres) de façon à minimiser les perturba-
tions.
• Coordonner les travaux de construction avec les autres utilisateurs du territoire.
• Réduire au minimum la durée des travaux dans les zones sensibles.
• Utiliser une signalisation routière adéquate.
• Contrôler l’accès au site de manière sécuritaire.

342 • Établissement de procédures adéquates de formation en environnement pour le personnel.


• Limiter l’expropriation des emprises et favoriser le partage des utilisations ultérieures aux travaux
de construction.

Source: Adapté de Raymond et Leduc, 1995.


Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

À l’inverse, certaines mesures d’atténuation sont dites particulières, parce qu’il


s’agit d’une série de mesures à appliquer à certains aspects particuliers des compo-
santes ou des activités d’un projet. Elles sont donc d’une nature plus spécifique que
les mesures générales; elles sont d’ailleurs bien souvent rattachées à des éléments, à
des activités ou à des impacts bien déterminés. La figure 8.4 montre une liste de ces
mesures particulières d’atténuation. Dans l’exemple présenté, les mesures proposées
sont combinées à des impacts potentiels clairement soulignés. Ainsi, pour chacun des
trois impacts potentiels envisagés, une série de mesures d’atténuation est particuliè-
rement recommandée. Cela signifie que, d’ordinaire, ces mesures d’atténuation sont
proposées comme solution à ces différents impacts. Seul l’examen précis du milieu
d’insertion et des particularités du projet décidera si de telles mesures peuvent être
envisagées.

Figure 8.4
Liste de mesures courantes d’atténuation

Impacts potentiels Mesures d’atténuation

Modification • Planifier les périodes d’intervention dans les zones sujettes aux inonda-
de l’écoulement tions ou présentant un fort ruissellement en dehors des saisons de crues
des eaux de surface ou de fortes pluies.
et souterraines ainsi • Ne pas entraver le drainage des eaux de surface et prévoir des mesures
que des conditions de rétablissement.
de drainage
• Respecter le drainage superficiel en tout temps. Éviter d’obstruer les
cours d’eau, les fossés ou tout autre canal. Enlever tout débris qui
entrave l’écoulement normal des eaux de surface.
• Orienter les eaux de ruissellement et de drainage de façon à ce qu’elles
contournent le site des travaux et les diriger vers les zones de végétation.

Érosion et • Stabiliser le sol mécaniquement pour réduire le potentiel d’érosion.


déstabilisation • Éviter la construction sur les sols de forte pente.
du sol
• Obtenir les autorisations nécessaires pour les travaux en zone humide.
• Limiter les interventions sur les sols érodables. Choisir des véhicules
adaptés à la nature du sol.
• Éviter l’aménagement d’accès dans l’axe des longues pentes continues,
favoriser plutôt une orientation perpendiculaire ou diagonale.
• À la fin des travaux, compacter les sols remaniés et y favoriser l’implan-
tation d’une strate herbacée stabilisatrice.

Altération de • Prévoir des aménagements pour la circulation des véhicules chaque fois 343
la nature du sol qu’il y a risque de compaction ou d’altération de la surface.
• Conserver le sol organique pour la restauration du site.
• Réglementer de façon stricte la circulation de machinerie lourde.
Restreindre le nombre de voies de circulation et limiter le déplacement
de la machinerie aux aires de travail et aux accès balisés.

Source: Adapté de Raymond et Leduc, 1995.


L’évaluation des impacts environnementaux

Diverses catégories de mesures d’atténuation


Les mesures d’atténuation peuvent aussi être regroupées de diverses manières. C’est ainsi
qu’on peut les rassembler en classes de mesures d’ingénierie (choix de techniques d’as-
sainissement), d’aménagement (revégétalisation d’une zone), sociopolitiques (mise en
place de comité de suivi), économiques (paiement de frais d’éloignement), d’entretien
(programme de lutte aux parasites) et à liens temporels (limitation des heures d’opé-
ration des travaux).
Source: André et coll., 1999.

La figure 8.5 présente une dernière liste de mesures d’atténuation. Dans ce cas,
il s’agit d’une série de mesures particulières reliées aussi à des impacts potentiels bien
définis, comme pour la figure précédente. La liste est tout simplement plus exhaus-
tive quant aux mesures et au nombre d’impacts potentiels.
Toutefois, la mise en place de mesures d’atténuation des impacts potentiels peut
entraîner à son tour des impacts environnementaux. Ces derniers doivent eux aussi
être pris en compte dans l’examen ainsi qu’au cours du suivi. Bien entendu, l’inter-
vention de telles mesures d’atténuation ne devrait jamais entraîner d’impacts envi-
ronnementaux plus importants ou plus néfastes que ceux initialement prévus et qu’on
tentait au contraire de minimiser.
L’inspection durant la phase de construction (surveillance des travaux), et par
la suite le suivi d’exploitation, devraient garantir la conformité des mesures d’atté-
nuation mises en place avec celles proposées dans l’ÉIE. De plus, l’inspection permet
de vérifier la validité et l’efficacité des mesures, tout en confirmant ou non l’oppor-
tunité d’apporter de nouveaux correctifs. Les photos de la figure 8.6 montre deux
exemples de mesures courantes d’atténuation et une mesure particulière.
Les coûts d’implantation des mesures d’atténuation sont évalués entre 3 et 5%
du coût total du projet par les experts de la Banque mondiale (World Bank, 1991).
En pratique, ces coûts peuvent toutefois varier de 0 à 10% des coûts totaux du projet.
Ces montants sont cependant considérés comme minimes par rapport aux sommes
344 qu’il faudrait autrement engager sans leur mise en place. À titre d’exemple, mentionnons
les dépenses souvent très élevées occasionnées par une épidémie de malaria consé-
cutive à la réalisation d’un projet hydrique, ou à l’inévitable modification d’une com-
posante essentielle qui s’avérerait ensuite inacceptable mais fort dispendieuse après
la mise en place du projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Figure 8.5
Liste de mesures d’atténuation particulières

Impacts potentiels Mesures d’atténuation

Modification de • Planifier les chemins d’accès/de contournement en concertation avec


l’espace forestier les exploitants forestiers de la région.
• Aviser les propriétaires de la durée des travaux.
• Prévoir des mécanismes de concertation entre les autorités
concernées et avec les propriétaires privés.

Perturbation des activités • Éviter d’obstruer les sentiers de randonnée pédestres et nettoyer
récréo-touristiques l’accès aux sentiers.

Perturbation des activités • Utiliser les carrières commerciales existantes. Respecter les normes
aux aires d’extraction d’exploitation des carrières et des sablières et réduire au minimum
le nombre d’emprunts.
• Signaler les dommages causés aux ouvrages et les réparer rapide-
ment.
• Préparer un plan de réaménagement des emprunts conforme aux
normes et procéder à leur restauration.

Perturbation des sites • Avant le début des travaux, procéder aux fouilles archéologiques
archéologiques des sites potentiels identifiés et favoriser l’analyse et la mise en
valeur des vestiges.
• Pendant les travaux, assurer une surveillance des aires de travail et
suspendre toute activité lors de découvertes.

Impacts visuels et • Choisir les équipements qui altèrent le moins possible le patrimoine
monuments historiques architectural.
reconnus • Ne pas localiser les équipements en façade de ces sites.

Contamination de • Sceller adéquatement les puits et forages avant leur abandon.


la nappe souterraine • Établir des pratiques de forage adéquates.

Sécurité publique • Renforcer la sécurité des travailleurs par l’établissement d’un plan
d’intervention d’urgence.
• Informer les conducteurs et les opérateurs de machines des normes
de sécurité à respecter en tout temps.

Nuisances causées par • Prévoir la réutilisation des eaux et des boues à des fins agricoles ou
les rejets autres.
• Mettre en place un site d’enfouissement adéquat.
• Prévoir un réseau d’assainissement approprié pour les eaux usées.

Source: Adapté de Raymond et Leduc, 1995.


345
L’évaluation globale de l’impact environnemental du projet peut être présentée
dans le rapport final avec ou sans la prise en compte des mesures d’atténuation. Dans
le premier cas, les impacts se montrent alors plus grands que ceux qui se produiront
éventuellement. Dans le second, il s’agira d’impacts résiduels qui refléteront assez bien
ceux qui apparaîtront à la suite du projet. Il serait cependant plus prudent de présenter
L’évaluation des impacts environnementaux

les deux types de résultats dans le rapport final. On assurerait ainsi un meilleur contrôle
lors de l’inspection ultérieure des impacts environnementaux. De plus, cette pratique
permet de noter clairement les bénéfices environnementaux obtenus grâce à l’examen
environnemental.
Figure 8.6
Deux exemples de mesures courantes d’atténuation
et une mesure particulière

Le parapet de sécurité au centre des


voies de circulation est amovible
afin de permettre un ajustement
du nombre de voies selon le trafic
(photo de gauche). Afin de réduire
l’altération des terrains (photo en
haut à gauche), la partie supé-
rieure du sol devrait être conservée
afin d’être réutilisée lors du nivel-
lement du terrain. Le creusement
d’un canal (en avant-plan de la
346 photo du bas) vise à réduire les
risques de noyade pour les
pêcheurs qui s’avanceraient sur
les roches en aval de l’évacuateur
de crues de barrage.

Photos: G. Leduc et Interzone photographie.


Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

MESURES DE COMPENSATION
Les mesures de compensation représentent l’ultime moyen de réduire l’impact envi-
ronnemental lors du processus d’ÉIE menant à l’autorisation d’un projet. En pratique,
la compensation permet de remédier aux conséquences négatives sur l’environnement.
Les mesures de compensation sont constituées de l’ensemble des différents moyens
permettant, après l’introduction des mesures d’atténuation, de faire contrepoids aux
conséquences négatives des impacts résiduels.
La compensation des impacts peut être globale ou partielle. Une compensation
globale vise à faire face à la mauvaise perception globale ou à la désapprobation géné-
rale du projet. La perception du projet par le milieu émane généralement des acteurs
directement affectés par le projet ou par certains autres acteurs impliqués (par
exemple, les groupes environnementaux nationaux). Une compensation partielle
vise plutôt à contrebalancer l’impact du projet sur un ou sur quelques-uns des élé-
ments de l’environnement. Elle implique les mêmes acteurs que lors de la situation
précédente.
De façon similaire aux mesures d’atténuation, la perception négative des impacts
résiduels peut être amoindrie, diminuée, repoussée ou exclue par l’introduction de
mesures de compensation. Ces mesures peuvent être de nature financière ou plutôt
de nature environnementale. Dans le premier cas, il peut s’agir de la compensation
monétaire des personnes touchées directement par les impacts ou les inconvénients
du projet. Dans le second, il s’agira du remplacement pur et simple d’éléments envi-
ronnementaux, perturbés par l’implantation du projet, par des éléments similaires.
Une communauté pourrait ainsi se voir compenser des inconvénients du projet par
la voie d’une contribution financière à des installations communautaires, à l’amé-
lioration d’un parc ou du centre communautaire, ou au financement d’un groupe
de sauvegarde du patrimoine. La compensation d’un élément environnemental, par
contre, pourrait signifier la relocalisation ou l’installation d’éléments similaires sur
un autre site, comme de nouvelles plantations d’arbres en marge des installations,
en remplacement des arbres abattus.
Comme pour la mise en œuvre des mesures d’atténuation, certaines mesures de
compensation font appel aux techniques de l’ingénieur, de l’aménagiste ou du tech- 347
nicien de la faune. Les dimensions techniques de la compensation sont parfois simi-
laires à celles concernant les mesures d’atténuation. C’est ainsi que le remplacement
d’un marais détruit par la mise en place d’un projet peut se concrétiser par l’amé-
nagement d’un nouveau marais, comme nous l’avons mentionné auparavant. On com-
pense alors la perte d’un élément de l’environnement par la création d’un élément
L’évaluation des impacts environnementaux

identique ou similaire dans un lieu proche de celui perturbé par le projet. Il en va de


même pour la détérioration, voire la destruction d’un site archéologique ou d’un lieu
de haute valeur patrimoniale, même si ces cas soulèveraient plus de contraintes. Lors
des travaux de construction du barrage d’Assouan en Égypte, le temple antique d’Abou-
Simbel fut désassemblé et réinstallé pierre par pierre au-dessus du niveau d’eau du
nouveau réservoir.

Programme de mise en valeur de l’environnement


Des programmes corporatifs de compensation peuvent être mis sur pied par les grandes
entreprises responsables de nombreux projets affectant l’environnement. Ainsi, l’entre-
prise québécoise Hydro-Québec a mis en pratique un programme permanent de «mise
en valeur de l’environnement». Pour chacun des projets devant faire l’objet d’une éva-
luation environnementale, l’entreprise affectait 1% du budget disponible pour l’ensemble
des travaux à ce programme de mise en valeur environnementale. Ces ressources finan-
cières devaient servir à financer des réalisations à caractère environnemental, sous la
responsabilité d’organismes locaux (Hydro-Québec, 1992b).
C’est ainsi que furent aménagés, au cours des années 1980-1990, le petit parc « Curé-
Labelle », à Labelle, dans les Laurentides (Québec) et le parc écologique Godefroy à
Bécancour, par exemple. Le programme fut modifié au cours des dernières années, afin
d’accepter, outre les projets de nature environnementale, ceux à vocation communau-
taire et locale de toutes sortes.

La compensation peut également s’effectuer par l’entremise de mesures indivi-


duelles, comme dans le cas d’une compensation monétaire des personnes relocali-
sées, ou bien s’accomplir par des mesures collectives, comme c’est le cas lors de l’amé-
nagement d’un parc municipal. Parmi les autres mesures de compensation, notons
l’aménagement d’une réserve faunique en substitution d’un milieu perturbé, l’in-
demnisation monétaire des commerçants locaux pour les désagréments causés
durant les travaux et l’indemnisation collective sous la forme d’une somme versée à
une communauté éprouvée par la mise en place du projet. Pour des raisons de jus-
tice et d’équité, les mesures collectives devraient être privilégiées dans la plupart des
cas d’impacts résiduels. Bien sûr, lorsqu’il s’agit d’expropriation, qu’elle soit tempo-
348 raire, partielle, complète ou permanente, et lors de pertes individuelles de valeur mar-
chande, les compensations individuelles sont aussi requises, même si ce n’est pas tou-
jours une pratique obligatoire.
Les mesures de compensation représentent souvent une solution acceptable aux
oppositions, aux conflits et aux litiges générés par la mise en place du projet.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Rappelons donc que la compensation est fréquemment l’une des composantes


importantes de la médiation ou de toute autre forme de négociation environnementale
formelle ou informelle.

INSPECTION ET SUIVI
L’inspection en vigueur en ÉIE couvre plusieurs facettes. Dans un premier temps, elle
concerne les activités de vérification du bon déroulement de l’étude, de la part de l’or-
ganisme de contrôle. Ce dernier s’assure du respect de l’assujettissement, du contenu
de la directive, de la conformité de l’étude d’impacts à la directive, de l’emploi justifié
des méthodes ainsi que de la collecte des données et de la bonne marche des diverses
étapes de la procédure, dont la consultation publique. Toutes ces activités d’inspec-
tion concernent avant tout l’organisme de contrôle, bien plus que l’évaluateur d’im-
pacts. Nous concentrerons donc notre attention sur les activités d’inspection qui font
suite à l’acceptation du projet et qu’on regroupe habituellement sous le terme «suivi».
Dans le rapport final, le suivi représente les engagements futurs du promoteur.
Le respect de ces engagements concerne les correctifs apportés au projet par l’examen
d’impacts, la mise en place des mesures d’atténuation prévues et le programme de
contrôle ultérieur à la mise en marche des installations projetées. Parfois, ces enga-
gements sont prolongés par la promesse d’une bonne pratique environnementale lors
des travaux ou par tout autre engagement des promoteurs et des exploitants issus de
l’examen d’ÉIE. Cette avant-dernière section du rapport final concerne donc des acti-
vités à réaliser après l’acceptation du projet par les décideurs. En ce sens, tous ces aspects
ultimes de l’ÉIE, parce qu’ils ont lieu après la décision et la mise en œuvre, relèvent
de ce qu’on nomme couramment le «suivi environnemental».
Rappelons que le suivi environnemental comprend au moins trois grands types
d’opérations bien distinctes. La première opération se préoccupe de l’exécution des
travaux de construction des installations, mais elle débute un peu avant lors des étapes
préliminaires de mise en œuvre des travaux. Cette première étape de suivi se nomme
la «surveillance des travaux». Ensuite, la vérification de certains paramètres envi-
ronnementaux représente le «suivi d’exploitation» (monitoring), et ce, tout au long
de la phase d’exploitation du projet. Lorsque c’est le cas, enfin, ce qui est plutôt excep- 349
tionnel dans la pratique courante, une nouvelle étude des répercussions environne-
mentales s’effectue plusieurs années après la mise en place des installations. Cette ultime
inspection se nomme le «suivi postprojet».
L’évaluation des impacts environnementaux

Ces trois types de suivi font tour à tour appel aux trois niveaux d’étude de l’ÉIE.
Toutefois, chacun relève avant tout d’un des trois niveaux. Seul le suivi d’exploita-
tion appartient vraiment au niveau politique de l’examen, et encore, plusieurs pré-
fèrent le situer au niveau scientifique. Pour sa part, la surveillance des travaux a plutôt
rapport au niveau technique. Le suivi postprojet, quant à lui, touche beaucoup plus
aux aspects scientifiques de l’ÉIE, quoique, comme l’ensemble de l’ÉIE, il intègre les
trois niveaux.
Les trois types de suivi font appel à la volonté «politique» des divers acteurs de
vraiment prendre en compte l’environnement dans la gestion de l’ensemble des acti-
vités humaines. Sans la mise en place d’un véritable programme de suivi, l’ÉIE ne serait,
comme plusieurs le pensent, qu’un commode «cataplasme sur une jambe de bois»
(Jurdant, 1984). Trop souvent, cependant, «une fois le projet réalisé, aucun organisme
de contrôle n’ayant été mis en place, personne n’est chargé de façon bien définie de
vérifier la réalisation des mesures dont souvent seule l’application pleine et entière
a permis d’autoriser le projet» (Guigo, 1991).
La mise en place d’un programme de suivi démontre manifestement le rôle et
la place de l’ÉIE dans la gestion de la société. Quoique l’ÉIE soit un exercice prévi-
sionnel, il est assez paradoxal de constater qu’en pratique, on porte assez peu d’at-
tention aux répercussions réelles. En somme, sans suivi, «l’ÉIE peut devenir un pro-
cessus pour la forme, une chasse aux rapports pour garantir le permis du projet plutôt
qu’un exercice rationnel de gestion environnementale» (Davies et Sadler, 1990).
L’élaboration d’un plan de surveillance des travaux et de suivi d’exploitation ne relève
pas nécessairement d’une ferme volonté de prendre au sérieux l’ÉIE puisqu’elle répond
presque toujours à une obligation réglementaire concernant certains des éléments de
l’environnement ou des rejets de l’exploitation. Par contre, la réalisation d’un suivi
postprojet démontre un réel souci de faire de l’ÉIE un outil important de la gestion
du développement, et ce, de manière égale aux études financières et techniques.
Parmi les autres aspects politiques du suivi, une activité nouvelle est apparue récem-
ment, celle de la formation de comité de suivi ou de surveillance. Ces comités sont
formés des divers acteurs impliqués dans le processus global de la négociation envi-
ronnementale. Ce sont bien sûr les citoyens et les groupes d’intérêts, le promoteur et
350
ses conseillers (firme-conseil externe) et les organismes de contrôle ou apparentés.
Généralement, ces comités de suivi voient au respect des engagements du promoteur,
assumés lors de l’ÉIE ou de l’approbation du projet (conditions particulières d’ac-
ceptation), mais aussi au respect des normes en vigueur et des améliorations possibles
qui peuvent apparaître en cours d’exploitation. Ces comités s’occupent donc des aspects
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

qui se retrouvent dans un premier temps sous l’étape de surveillance des travaux, puis
sous celle du suivi d’exploitation.

Fonctionnement d’un comité de suivi


Le bon fonctionnement d’un comité de suivi suppose l’élaboration et l’acceptation par
tous de règles de fonctionnement («règles du jeu») ainsi que d’un «code d’éthique» afin
de favoriser un partage du pouvoir équitable entre les acteurs et de «véritables dialogues».
Bien entendu, la motivation à participer de chacun des membres repose sur le main-
tien de l’intérêt en regard du projet et des actions concrètes toujours possibles, mais aussi
de la volonté politique exprimée par les autorités gouvernementales (la formation du
comité étant une condition du certificat d’autorisation du projet).
Même s’il ne s’agit que d’un pouvoir de recommandation, les membres du comité doivent
percevoir qu’ils ont un pouvoir réel d’influence sur les décisions qui doivent être prises, soit
par le promoteur du projet, soit par l’organisme de contrôle ou les autorités locales.
Les six membres du Comité de surveillance «Enfouissement J.M. Langlois», un lieu d’en-
fouissement et de « dépôt de matériaux secs » (DMS), de Laprairie, au sud-ouest de
Montréal, se réunissent depuis près de trois ans (1997-1999) dans les locaux de l’en-
treprise. Leurs fonctions consistent à veiller à la conformité du décret, des normes et autres
exigences réglementaires, à recommander des mesures à l’exploitant (fonctionnement,
atténuation) ou aux autres intervenants (ministères et municipalités) et, enfin, à
informer la population des actions posées par le comité.
Parmi les membres de ce comité de surveillance, dont les membres sont renouvelés annuel-
lement, on retrouve un représentant de l’entreprise (un tiers engagé en ce sens), un autre
de la population (élu parmi les citoyens en périphérie du site), un fonctionnaire du minis-
tère de l’Environnement (secteur régional), un délégué des services de santé (local) et
deux représentants des municipalités directement touchées (le site se trouvant à la fron-
tière des deux villes). La première réunion du comité eut lieu en janvier 1997. Quatre
réunions réparties tout au long de l’année permettent le cheminement des dossiers, le
dépôt des documents par l’entreprise et l’organisme de contrôle (bilan environnemental)
et les échanges entre les participants. Jusqu’à maintenant le comité a effectué le dépôt
de deux rapports annuels (février 1998 et 1999).
Source : Centre de consultation et de concertation (CCC), 1998 et 1999.

Le fonctionnement d’un tel comité de suivi est parfois régi par les conditions par-
351
ticulières déterminées lors de l’acceptation du projet (décret ou certificat d’autori-
sation). Il engage les parties prenantes à veiller au respect et à la conformité des condi-
tions prescrites dans l’ÉIE ainsi qu’éventuellement dans les autorisations subséquentes.
Il favorise donc une gestion respectueuse de l’environnement, notamment en formulant
L’évaluation des impacts environnementaux

des recommandations en vue d’améliorer l’exploitation, de réduire les conséquences


néfastes et d’atténuer les impacts réels. De plus, le comité de suivi a habituellement
le mandat d’informer adéquatement les citoyens et les autres intervenants quant au
déroulement des opérations (Leduc et André, 1999).

La surveillance des travaux


Contrairement aux activités relatives au suivi d’exploitation et au suivi postprojet,
la surveillance des travaux représente l’opération la plus près d’un examen purement
technique. La surveillance environnementale des travaux vise d’abord à s’assurer que
les engagements pris lors de l’ÉIE soient respectés, particulièrement les exigences légales
et réglementaires. Ces engagements sont les mesures d’atténuation générales et par-
ticulières ainsi que le respect des lois, des règlements, des certificats et des décrets,
sans oublier les autres engagements environnementaux pris par l’entreprise. En
outre, la surveillance des travaux veille à l’atteinte d’une saine pratique environne-
mentale lors de l’exécution même des travaux, que ceux-ci soient du ressort du pro-
moteur ou de l’un de ses partenaires. La surveillance des travaux s’effectue durant
toute la phase de mise en place du projet. Celle-ci comprend la conception des plans
et devis, la cruciale phase de construction des installations et de mise en place des
équipements ainsi que la période de démarrage de l’exploitation. L’exécution de la
surveillance des travaux peut être confiée à des représentants du promoteur ou à ceux
d’une firme ou d’un organisme externe en environnement. La surveillance des tra-
vaux peut se subdiviser en deux sous-étapes: celle de l’élaboration du programme
de surveillance et celle de la mise en œuvre de ce programme.

Élaboration du programme de surveillance des travaux


Les diverses activités de la surveillance environnementale sont prévues dès la prépa-
ration de l’étude des impacts environnementaux. Le programme d’activités et
l’échéancier de réalisation doivent parfois être inclus dans le rapport final d’évalua-
tion, mais la plupart du temps ces activités relèvent des affaires internes du promo-
teur et des organismes de contrôle. Lorsque c’est le cas, le programme de sur-
veillance inclut un protocole d’inspection qui définit clairement les activités de
352 surveillance à entreprendre tout au long de la mise en œuvre du projet.
Le programme de surveillance se compose souvent de deux parties bien distinctes.
La première concerne l’inspection lors de la conception définitive des plans et devis
ainsi que des documents d’appels d’offres et de ceux des sous-contractants. La
deuxième partie concerne l’inspection même des travaux de construction sur le ter-
rain.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

En premier lieu, le programme de surveillance devrait être conçu afin de permettre


la vérification des plans et devis ainsi que des documents complémentaires. Il devrait
se préoccuper particulièrement de l’intégration des aspects suivants:
• l’ensemble des mesures d’atténuation générales et particulières;
• les conditions d’application incluses dans les autorisations gouvernementales
à l’égard du projet (décrets, certificats);
• le respect des lois, des règlements et des normes environnementales en
vigueur, et ce, pour tous les niveaux de gouvernement;
• toutes les mesures nécessaires à la protection de l’environnement, c’est-à-dire
la mise en œuvre d’un «code de bonne pratique environnementale» pour l’exé-
cution des travaux;
• la mise en place d’un plan de sensibilisation et d’information, auprès des divers
intervenants sur le terrain, en accord avec le «code de bonne pratique envi-
ronnementale»;
• la mise en place d’un plan d’intervention d’urgence sur le chantier.
En second lieu, lors de l’exécution de l’inspection des travaux de construction
sur le terrain, le programme de surveillance doit être conçu afin de permettre la véri-
fication des aspects suivants:
• que les mesures d’atténuation générales et particulières prévues aux plans et
devis, telles que proposées dans le rapport d’ÉIE, sont effectivement mises en
place;
• que les mesures d’atténuation sont apparemment efficaces;
• que les lois, les règlements et les normes, ainsi que les autres mesures touchant
l’environnement, seront respectés dans l’exécution des travaux;
• contrôler les différentes activités de construction en ce qui a trait aux consi-
dérations environnementales, en conformité avec le «code de bonne pratique
environnementale», tant en ce qui concerne les activités du promoteur que
celles de tous les autres exécutants;
• vérifier qu’aucun impact imprévu ne se présente et, le cas échéant, y remédier 353
le plus tôt possible.
Pour une meilleure efficacité de l’opération de surveillance environnementale,
notamment pour les travaux sur le terrain, il est nécessaire que le programme de sur-
veillance soit établi de manière détaillée. Cette pratique implique au préalable une
L’évaluation des impacts environnementaux

connaissance suffisante des travaux à effectuer et des saines façons de faire. Le pro-
gramme de surveillance détaillé devrait contenir les éléments suivants:
• la détermination des lieux et des objets de l’inspection (la localisation des impacts,
des mesures d’atténuation et des points principaux d’intervention);
• l’échéancier précis des travaux qui seront réalisés;
• la fréquence d’intervention des inspections (quotidienne, hebdomadaire,
annuelle, etc.);
• les implications directes et indirectes des diverses mesures d’atténuation pré-
vues;
• les différents engagements environnementaux de l’entreprise, en ce qui
concerne l’exécution des travaux selon un code de bonne pratique, et, si c’est
le cas, des sous-contractants impliqués.
Conformément à la législation en vigueur (certificat d’autorisation, décret,
permis), certaines dispositions particulières peuvent intervenir de manière exceptionnelle,
notamment l’obligation de déterminer les circonstances d’un arrêt temporaire ou per-
manent des travaux, par exemple. C’est le cas de la plupart des législations concer-
nant la conservation du patrimoine humain, à savoir les monuments et sites histo-
riques ainsi que les objets d’art et d’archéologie. C’est aussi le cas en ce qui concerne
les accidents ou les déversements impliquant des produits nocifs pour l’environne-
ment et particulièrement pour la santé humaine.

Mise en œuvre du programme de surveillance des travaux


La mise en œuvre des activités prévues dans le programme de surveillance des tra-
vaux devrait commencer dès le début des travaux de préconstruction (aménagement
des accès et du chantier) et de l’élaboration définitive des plans et devis. La surveillance
doit s’effectuer conformément au programme préétabli et doit servir à s’assurer que
les différentes considérations environnementales (mesures d’atténuation, lois, règle-
ments, etc.) sont respectées.
En premier lieu, c’est à l’intérieur des plans et devis ainsi que dans les documents
354 d’appels d’offres que les vérifications sont effectuées. Il s’agit d’abord de s’assurer de
l’intégration des mesures d’atténuation générales et particulières qui sont prévues dans
le projet final. Les lois, les règlements et les conditions reliés aux autorisations émises
par les autorités gouvernementales doivent également être respectés. Le cas échéant,
des rectifications devront être apportées afin que tous les documents officiels et défi-
nitifs concernant le projet soient conformes aux exigences environnementales.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

En second lieu, c’est sur le terrain (chantier et sites des travaux) que la surveillance
s’effectue. Il faut d’abord s’assurer que les travaux sont effectués selon les considé-
rations environnementales prévues dans les plans et devis ainsi que dans les docu-
ments d’appels d’offres, et que, de plus, tous les travaux s’effectuent dans une optique
de protection de l’environnement. La vérification de l’application des mesures d’at-
ténuation doit également permettre d’évaluer l’efficacité de la mise en œuvre de ces
mesures. Bien que ces dernières soient prévues selon des connaissances acquises au
préalable, certains ajustements de dernière minute sont souvent nécessaires. En
effet, les mesures projetées peuvent s’avérer défaillantes à atténuer les impacts initialement
anticipés ou impossibles à mettre en place sur le site même d’implantation. Lorsque
la surveillance environnementale révèle une mesure d’atténuation défaillante, cette
dernière doit être modifiée de façon à renforcer son efficacité ou une nouvelle
mesure d’atténuation plus efficace doit alors être instaurée.
Lors de la surveillance sur le terrain, il faut aussi s’assurer que les travaux sont
effectués conformément aux lois et aux règlements en vigueur ainsi qu’aux condi-
tions émises par les autorités gouvernementales et selon le code corporatif environ-
nemental de l’entreprise, s’il y a lieu. Dans le cas contraire, il faut prendre des
mesures afin de les faire respecter dans l’exécution des travaux, particulièrement
lorsqu’il s’agit d’intervention d’urgence à effectuer. Le surveillant des travaux peut
aussi profiter des visites sur le terrain pour parfaire la sensibilisation et l’information
des divers exécutants quant à la «bonne pratique environnementale».
L’exécution du programme de surveillance environnementale peut également mettre
en évidence des impacts non prévus lors de l’étude d’impacts. Dans un tel cas, des
mesures d’atténuation de ces impacts imprévus devront être mises en œuvre rapi-
dement afin d’en minimiser l’ampleur. Certaines modifications ou correctifs aux com-
posantes du projet pourraient aussi être apportés afin de corriger une telle situation.
La surveillance environnementale est une étape importante de l’évaluation envi-
ronnementale, car elle permet de s’assurer que les différents aspects de l’environne-
ment considérés lors du processus d’évaluation sont réellement intégrés et respectés
lors de la réalisation du projet. Autrement, l’évaluation des impacts ne sera qu’une
futile et coûteuse opération de maquillage environnemental sans grande influence
355
sur les actions concrètes.

Suivi d’exploitation
Le suivi d’exploitation, couramment nommé monitoring, même en français, vise la
vérification de l’ampleur des impacts prévus (impacts potentiels/impacts résiduels)
L’évaluation des impacts environnementaux

et l’évolution de certains éléments environnementaux particulièrement sensibles. Le


suivi d’exploitation permet d’évaluer progressivement, selon les différentes inspec-
tions périodiques, l’impact réel du projet sur les éléments de l’environnement faisant
l’objet du suivi.
En outre, deux objectifs secondaires se joignent parfois à cet objectif principal
du suivi d’exploitation. Il s’agit d’abord de vérifier l’efficacité à long terme des
mesures d’atténuation; seule l’inspection sur le terrain au cours des années subsé-
quentes à leur mise en place permet d’en valider ou non l’efficacité réelle. Il s’agit fina-
lement d’acquérir de l’information nouvelle sur les interactions concrètes du projet
sur l’environnement. Les enseignements découlant du suivi serviront à l’améliora-
tion éventuelle des méthodes de prévision des impacts ainsi que de la mise en place
de mesures d’atténuation adéquates pour les projets futurs s’il y a diffusion de telles
informations.
L’exécution du travail relatif au suivi d’exploitation est généralement confiée à
des spécialistes des différents domaines impliqués ou à des membres qualifiés du per-
sonnel de l’entreprise. Il y a parfois une inspection effectuée en parallèle, voire en col-
laboration avec les organismes de contrôle de l’environnement. L’inspection pério-
dique des différents paramètres s’effectue à l’aide d’indicateurs choisis, similaires ou
identiques à ceux employés au cours de l’ÉIE. Ils sont généralement déterminés dès
l’élaboration du programme de suivi.

Élaboration du programme de suivi d’exploitation


Lors de l’élaboration d’un programme de suivi d’exploitation, on doit tenir compte
des différents milieux touchés, mais plus particulièrement des éléments environne-
mentaux très sensibles ou grandement perturbés par les composantes du projet. Le
programme de suivi doit être élaboré en considérant les trois aspects méthodologiques
suivants:
• les éléments du suivi peuvent être effectivement mesurés;
• les éléments peuvent être mesurés par des méthodes reconnues;
• les variations mesurées excèdent les variations du «bruit de fond»;
356
• les mesures effectuées reflètent les changements survenus.
Le suivi environnemental de la phase de l’exploitation doit être rigoureusement
structuré. Ainsi, le programme de suivi doit inclure, pour chacun des impacts sélec-
tionnés, un protocole de suivi comprenant entre autres les aspects suivants:
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

• les éléments et les impacts en cause;


• la fréquence d’échantillonnage (jours, semaines, mois, années);
• la méthode d’échantillonnage;
• les méthodes d’analyse des données recueillies;
• les résultats escomptés;
• et, si possible, les mesures à prendre en cas de résultats imprévus (impact réel
très différent de l’impact potentiel, mesure d’atténuation défaillante, nouvel
impact, etc.).

Mise en œuvre du programme de suivi d’exploitation


La réalisation du suivi d’exploitation permet d’abord de vérifier la validité des
impacts prévus en ce qui concerne les éléments environnementaux faisant l’objet du
suivi. Cette activité permet aussi de réagir à un impact mal estimé, en modifiant ou
en mettant en œuvre des mesures d’atténuation adéquates. L’inspection des paramètres
sélectionnés devrait s’effectuer tout au long de la phase d’exploitation ou jusqu’à ce
que la nécessité de le faire s’en fasse sentir.
Des procédures similaires de contrôle et la présence d’acteurs analogues à ceux
de l’examen originel peuvent gouverner la mise en œuvre du suivi d’exploitation. Le
suivi d’exploitation se déroule dans un processus similaire à celui de l’ÉIE. Le suivi
d’exploitation est parfois accompagné d’un comité de suivi. Ce comité devrait être
formé des principaux acteurs ayant participé au processus d’examen.
Étant donné la spécificité des protocoles de suivi pour chacun des impacts, le pro-
gramme de suivi est réalisé généralement sur une période de temps étendue, cor-
respondant à toute la phase d’exploitation, et ce, par plusieurs spécialistes différents.
La périodicité des inspections varie selon l’objet d’étude, certains paramètres requé-
rant des vérifications régulières sur une base mensuelle, voire hebdomadaire, comme
dans le cas de la caractérisation des rejets, alors que d’autres s’effectuent plutôt sur
une base annuelle – l’échantillonnage sur les grands mammifères, par exemple. Le
suivi environnemental de l’exploitation permet également de vérifier, à moyen et à
long terme, l’efficacité des mesures d’atténuation mises en œuvre initialement et, le
cas échéant, permet de corriger une mesure d’atténuation s’avérant inefficace.
357

Rappelons enfin que l’apport d’enseignements et d’expériences que le suivi


environnemental fournit devrait servir, d’une part, à valider l’évaluation effectuée sur
certains paramètres du projet, et, d’autre part, à évaluer la pertinence des mesures
L’évaluation des impacts environnementaux

d’atténuation mises en place dans le cadre du présent projet. En conséquence, ces pré-
cieuses informations ainsi recueillies permettront ensuite de mieux prévoir les
impacts et les mesures d’atténuation lors de l’examen des projets futurs. Mais encore
faudrait-il diffuser de telles informations.

Suivi postprojet
Le troisième type de suivi, le suivi postprojet, représente beaucoup plus qu’un simple
suivi d’exploitation, ce dernier étant généralement limité à certains paramètres seu-
lement. Le suivi postprojet vise au contraire à effectuer une évaluation complète du
projet, et ce, à partir de tous les paramètres examinés initialement dans l’ÉIE et qui
sont encore pertinents. La vérification de l’ensemble des aspects significatifs du projet
après quelques années d’exploitation permet une réévaluation de l’examen initial. Cette
ultime inspection permet, en outre, l’amélioration de l’ensemble des pratiques en éva-
luation environnementale.
Le suivi postprojet n’est généralement pas un examen d’une ampleur égale à
l’examen initial. Toutefois, il se doit d’être aussi complet, sauf pour les aspects
devenus caducs en raison de la mise en place du projet, notamment la justification
et la description des composantes du projet. Dans presque tous les cas, un examen
complet demeure pertinent pour tous les aspects encore utiles tels que l’évaluation
des impacts et les mesures d’atténuation ainsi que les prédictions et les modèles employés.
Précisons que l’évaluation des impacts réels ne peut être réalisée qu’à la suite d’un
examen postprojet. Pour l’avancement des connaissances en ÉIE, il serait utile de pou-
voir bénéficier de plusieurs de ces études, ne serait-ce qu’afin de vérifier la pertinence
des évaluations réalisées à ce jour. De plus, l’efficacité réelle des mesures d’atténua-
tion ainsi que la fiabilité des estimations et des modèles pourraient être mesurées.
Les enseignements obtenus d’une des opérations les plus essentielles, d’un point de
vue scientifique, permettraient une inestimable évaluation du processus même
d’ÉIE. Cela favoriserait l’avancement des connaissances, tout comme le perfection-
nement des pratiques d’évaluation.

Élaboration du programme de suivi postprojet


358
D’un point de vue méthodologique, le moment le plus propice pour mettre en œuvre
un tel suivi n’est pas simple à résoudre. Le cas par cas semble donc de mise. En effet,
si le temps d’attente est trop court, les impacts à long terme ne pourront être éva-
lués, alors que s’il est trop long, la pertinence même d’une comparaison avec une situa-
tion antérieure très éloignée dans le temps perd de sa crédibilité.
Modification du projet et mesures d’atténuation des impacts

Suivi postprojet au Mali


Les impacts physiques et socio-économiques du barrage de Selingue (Mali) furent rééva-
lués par le gouvernement malien après quatorze années d’opération. Grâce à ce contrôle
rétrospectif, plusieurs recommandations furent mises en œuvre afin de réduire les
impacts négatifs et de rehausser certains impacts positifs du projet.
Parmi les recommandations formulées par l’équipe d’évaluation, notons l’amélioration
de la qualité de vie des habitants locaux par la fourniture d’électricité, la mise en place
d’un meilleur système de contrôle et de suivi (monitoring), le perfectionnement du contrôle
des pêches et le renforcement des plans de soins de santé pour la communauté locale.
Source : Goodland et Mercier, 1999.

L’élaboration d’un programme de suivi postprojet ressemble aux premières


étapes d’examen d’un projet initial, tel que nous l’avons présenté. Il existe toutefois
un nouvel aspect fondamental: il ne s’agit plus de prédire d’aléatoires modifications
à venir, sans toujours disposer de toutes les informations nécessaires à un examen
rigoureux. Contrairement à l’examen originel, le suivi postprojet n’est ni abstrait ni
spéculatif. Dans le suivi postprojet, l’étude porte sur des spécimens réels et des situa-
tions concrètes. L’état de la situation présente à ce moment-là sert de dénouement à
l’état de la situation initiale avant la mise en place des composantes du projet.
Lors de l’élaboration d’un programme de suivi postprojet, on doit tenir compte
des différents éléments environnementaux, qu’ils aient fait l’objet du suivi d’exploi-
tation ou non. Le programme de suivi doit être élaboré en considérant les trois aspects
méthodologiques suivants:
• Les aspects significatifs (éléments, impacts, mesures d’atténuation, méthodes)
sont compris dans l’étude.
• Les interférences autres que celles du projet doivent être distinguées.
• Les mesures comparatives (examen originel de la situation versus examen post-
projet) reflètent les changements survenus.
Le suivi environnemental postprojet doit être aussi bien structuré qu’une étude
d’impacts détaillée. Il doit aussi suivre les mêmes recommandations que nous
359
conseillions pour le suivi d’exploitation, en plus des aspects suivants:
• l’estimation rétrospective de l’évolution «naturelle» de l’environnement;
• la détermination des autres causes de perturbation que celles du projet ini-
tial;
L’évaluation des impacts environnementaux

• l’évolution de l’environnement induite par la mise en place du projet;


• la comparaison des impacts réels par rapport aux impacts potentiels et rési-
duels;
• la validité des estimations et des modèles d’évaluation;
• l’analyse comparative de l’évaluation des impacts réels par rapport aux
impacts résiduels;
• l’efficacité réelle des mesures d’atténuation;
• les résultats imprévus (élément, impact, mesure d’atténuation);
• les enseignements et les recommandations en vue d’améliorer l’expertise dis-
ponible en vue des évaluations futures.

Mise en œuvre du programme de suivi postprojet


Des procédures similaires de contrôle et la présence d’acteurs analogues à ceux de
l’examen originel peuvent gouverner la mise en œuvre du suivi postprojet. Dans une
certaine mesure, le suivi postprojet devrait se dérouler dans un processus très sem-
blable à celui de l’ÉIE. Il permet de vérifier à long terme la validité des prévisions et
des mesures correctrices mises en place. Il permet aussi d’effectuer les derniers ajus-
tements possibles. Un comité de suivi devrait être formé afin de jouer le même rôle
que lors du suivi d’exploitation. La réalisation du suivi postprojet permet aussi de
vérifier en situation réelle la validité des impacts prévus et, selon le cas, permet une
dernière réaction par rapport à un impact mal ou nullement estimé initialement ainsi
qu’à la mise en place de mesures d’atténuation plus adéquates.
Étant donné la similarité du suivi postprojet et de l’examen général de l’ÉIE, les
méthodes et outils habituels ainsi que les résultats des études semblables seront uti-
lisés, et ce, selon les différentes disciplines impliquées dans l’examen en cours. Au-
delà de l’apport du suivi d’exploitation, les résultats du suivi postprojet sont indis-
pensables, parce que plus complets. En conséquence, ils peuvent plus adéquatement
servir éventuellement dans le cadre de l’examen détaillé d’autres projets et servir à
l’indispensable validation des résultats, des méthodes et des mesures d’atténuation
employés en ÉIE.
360
Chapitre

9
Critique, validité
et efficacité de l’évaluation
des impacts environnementaux

N ous avons esquissé au cours des derniers chapitres les nombreuses contraintes et
les limites mais aussi la validité et l’efficacité même de l’évaluation des impacts
environnementaux. Le présent chapitre aspire donc à fournir une critique globale de
ces différents aspects de l’ÉIE. Il s’agit à présent de reprendre de façon plus systématique
certaines questions abordées partiellement et séparément auparavant.
Le texte qui suit tentera d’intégrer tous ces aspects critiques, sans trop de redites,
et dans une vision globale des éléments fondamentaux de l’ÉIE. Notre réflexion por-
tera plus particulièrement sur les aspects méthodologiques contraignants et sur les
paramètres limitatifs des méthodes en général ainsi que sur la critique complète des
processus et procédures d’ÉIE. Dans le contexte particulier de la promotion d’outils
efficaces de développement durable, nous aborderons aussi deux aspects indispen-
sables, à savoir la validité et l’efficacité des études réalisées jusqu’à maintenant.

CONTRAINTES MÉTHODOLOGIQUES
L’une des premières limites de notre connaissance de l’impact des activités humaines
sur l’environnement demeure sans doute notre connaissance insuffisante, voire
notre ignorance des mécanismes qui régissent la plupart des écosystèmes qui nous
englobent et des multiples êtres vivants qui les composent. Nous ne connaissons
L’évaluation des impacts environnementaux

souvent qu’une partie bien infime des informations qui nous seraient nécessaires à
une pleine intelligibilité des choses. Cette lacune est aussi valable pour le milieu naturel
que pour la nature humaine. Pensons seulement aux nombreuses incertitudes et hypo-
thèses contradictoires en ce qui concerne les précipitations acides ou les conséquences
de l’effet de serre, deux sujets pourtant abondamment étudiés au cours des dernières
années par de nombreuses équipes de recherche disposant de puissantes ressources.
Sur ces deux questions globales, nous ne pouvons actuellement qu’estimer grossiè-
rement les modifications biophysiques et les comportements humains. Que dire alors
de sujets peu observés ou qui nous étaient inconnus avant que l’étude d’un projet
ne les mette en évidence? À mesure que s’accroîtra la qualité de notre perception de
l’environnement, ces limites conceptuelles et scientifiques auront sans doute tendance
à diminuer. Toutefois, nous n’atteindrons sans doute jamais une connaissance com-
plète et sans faille des complexes réalités qui nous entourent. Le «principe de pré-
caution» nous enseigne cependant que nous n’avons pas toujours besoin d’une connais-
sance exhaustive des choses avant de pouvoir agir, même si en pratique l’objectif de
précaution ne fait pas toujours le poids devant les exigences et les prérogatives du
développement.
L’approche étroite et quelquefois bornée de la recherche est une deuxième
contrainte méthodologique importante de l’ÉIE, d’autant plus qu’elle amplifie notre
connaissance partielle de l’environnement. Il s’agit autant des contraintes de com-
préhension entre les diverses disciplines scientifiques que des démarches scientifiques
linéaires et étroites qui ne permettent que peu d’ouverture à la recherche des inter-
actions existant dans tout système. L’approche systémique offre une voie de solution
intéressante, mais certes pas la voie de la facilité. En effet, la mise en pratique des prin-
cipes de l’approche systémique n’est pas toujours commode à réaliser. Un autre aspect
de la linéarité de la recherche concerne le fossé parfois important entre la rigueur métho-
dologique des méthodes employées, lorsque c’est le cas, et l’insuffisance des données
nécessaires à leur plein emploi. Ces difficultés se rencontrent souvent lors de l’utili-
sation des méthodes numériques d’évaluation, voire de toute méthode quantitative
en ÉIE.
L’une des faiblesses des méthodologies employées et sur laquelle nous avons insisté
362 dans le passé est bien sûr l’insuffisante élaboration théorique sous-jacente à la pré-
paration de plusieurs des approches. L’absence de lignes directrices bien précises concer-
nant les aspects méthodologiques de l’ÉIE, dans la presque totalité des législations
et des réglementations en vigueur, entraîne souvent des approches du cas par cas sans
toujours beaucoup de rigueur. Cette liberté d’expression des évaluateurs ouvre par-
fois la voie à l’aléatoire et à l’incertitude.
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

La présence d’aspects subjectifs, notamment de jugements de valeurs, dans plu-


sieurs aspects importants de l’évaluation, constitue une autre contrainte importante.
Cette subjectivité limite parfois grandement la valeur et la rigueur de l’évaluation.
Cependant, il ne faut pas nécessairement voir là une contrainte insurmontable, ni tou-
jours décisive. L’examen subjectif de certaines questions n’est pas automatiquement
une faiblesse grave. C’est particulièrement le cas en ce qui a trait à la délimitation des
enjeux et à l’évaluation des impacts sociaux. Il faudrait toutefois que de telles études,
parfois incontournables et souvent fort utiles, en fassent explicitement mention afin
qu’on puisse en contrôler mieux les conséquences. Le non-respect de la transparence
en ce domaine entraîne souvent des contestations et des litiges importants entre les
différents acteurs, voire le rejet complet de l’ÉIE et de l’équipe d’évaluateurs.
Une autre contrainte, parfois déterminante pour la crédibilité de l’examen,
apparaît lorsqu’il faut combiner des données quantitatives avec des données quali-
tatives. En effet, des problèmes de cohérence et d’intégration surgissent lors de la com-
paraison, d’une part, de résultats quantitatifs, habituellement assez précis et expli-
cites, et, d’autre part, de résultats qualitatifs, pas toujours très rigoureux, ni bien
démontrés. La conjugaison de ces données de nature différente n’est pas toujours simple
à effectuer, notamment dans les procédés d’agrégation et de pondération. En fait, toute
étude présente des résultats dont l’estimation, même approximative, demeure impos-
sible ou très difficile à réaliser. Ces paramètres inquantifiables et inqualifiables avec
un peu de précision font glisser l’évaluation vers des estimations très incertaines, dif-
ficilement conciliables avec les autres données de l’étude. En conséquence, l’examen
visera à permettre la compréhension de l’approche retenue par les évaluateurs afin
de faire face à cette inévitable intégration du qualitatif avec le quantitatif ainsi que
de permettre une juste appréciation des diverses données servant de base à l’étude.
Par ailleurs, l’arbitraire engendré par les aspects spatio-temporels, notamment
l’étendue et la durée des différents impacts ainsi que de la zone d’étude, constitue aussi
une contrainte parfois importante. Les fluctuations plus ou moins notables de ces
aspects entraînent une délimitation de frontières imprécises, tant en ce qui concerne
l’espace que le temps. Ces variations influencent la prise en compte de l’état de réfé-
rence, notamment l’état initial des éléments de l’environnement et les modifications
subséquentes du milieu. L’estimation de l’ampleur des impacts et conséquemment 363
l’importance de l’impact environnemental du projet dans son ensemble peuvent ainsi
varier considérablement.
Nous ne reviendrons pas sur la recherche fortuite d’un critère unique d’évalua-
tion, particulièrement d’une valeur économique étalon. Il semble prématuré, voire
même futile de tenter de déterminer une valeur économique pour chacun des
L’évaluation des impacts environnementaux

impacts et des éléments de l’environnement. L’insistance trop grande à vouloir


ramener toute l’évaluation sur un indice unique d’évaluation néglige trop les mul-
tiples dimensions et particularités des éléments et des impacts. Il existe trop souvent
des différences et des spécificités difficilement comparables sur de telles bases. Voilà
qui est d’autant plus regrettable que l’analyse multicritères que nous avons esquissée
lors de l’examen de certaines méthodes d’évaluation apporte des solutions fort inté-
ressantes et sans doute souhaitables dans le cadre d’un développement durable.

LIMITES DES MÉTHODES ET DES OUTILS


Nous n’aborderons les limites des diverses méthodes et des outils spécifiques à l’ÉIE
qu’avec une vision générale et globale. Les aspects particuliers à chacune d’elles, ayant
été présentés abondamment lors de l’examen des différents axes possibles, ne seront
donc pas repris ici. Nous examinerons plutôt de manière globale les limites de l’em-
ploi des méthodes d’évaluation.
La limite générale, concernant la totalité des méthodes employées jusqu’à main-
tenant, est sans contredit l’incomplète prise en compte de tous les éléments d’iden-
tification et d’évaluation nécessaires à une étude complète. Sauf dans le cas de cer-
taines méthodes ad hoc, aucune des méthodes d’évaluation examinées ne permet de
tenir compte de tous les éléments d’analyse nécessaires à une étude complète, selon
les «règles de l’art». Toutefois, la variété des méthodes permet une mise en commun
dans la recherche d’une évaluation globale et complète. La complémentarité de cer-
taines méthodes et leur collusion dans une même étude permettent ainsi une percée
vers la prise en compte globale de tous les éléments essentiels de l’ÉIE.
Par surcroît, les méthodes reposent parfois sur des méthodologies contrai-
gnantes et limitatives. Dans ces circonstances on peut difficilement s’attendre à des
résultats probants et satisfaisants. Une méthode peut rarement être meilleure que les
présupposés méthodologiques sur lesquels elle repose. L’emploi fréquent de méthodes
unicritères dans des domaines incertains en est un exemple patent. En parallèle à cette
question coexiste la recherche d’approche uniquement préoccupée par les résultats,
oubliant par le fait même les autres considérations méthodologiques sous-jacentes.
364 L’une des limites des méthodes couramment mentionnées est l’absence de
réflexion ou d’approfondissement suffisant par rapport au mode d’évaluation des
impacts et surtout en ce qui concerne l’agrégation et la pondération de ces évalua-
tions (Simos, 1990). Depuis fort longtemps, l’emploi de ces deux opérations indis-
pensables n’est conseillé qu’avec la plus grande prudence (Sorensen et Moss, 1973;
Munn, 1977). Les méthodes d’agrégation, en particulier, sont une importante source
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

de controverse. Certains pensent que l’agrégation n’est admissible que pour certaines
catégories communes ou très similaires d’impacts et d’éléments, par exemple les dif-
férents paramètres de la qualité de l’air ou de l’eau; autrement, les impacts devraient
être jugés individuellement (Sorensen et Moss, 1973). L’agrégation sectorielle serait
ainsi tolérée mais pas l’agrégation globale. C’est d’autant plus vrai que le procédé de
l’agrégation globale risque de dissimuler un impact majeur (Simos, 1990). Pour d’autres,
l’agrégation ne peut être utilisée que dans un certain cadre méthodologique bien précis,
à savoir que «si la valeur de chacun des indicateurs est également donnée, la tech-
nique d’agrégation est clairement étayée et la technique comprend une disposition
prévoyant le rejet ou la mise en évidence d’un impact inacceptable» (Munn, 1977).
D’où la nécessité d’utiliser des «drapeaux rouges» (red flag), c’est-à-dire une indi-
cation clairement repérable pour des impacts inadmissibles.
Nous ne reviendrons pas sur la discussion concernant la valeur des méthodes uni-
critères d’évaluation versus les méthodes multicritères, particulièrement en ce qui
concerne les méthodes économiques; nous en avons abondamment discuté aupara-
vant. Ajoutons simplement qu’il est préjudiciable de tenter d’étendre et de généra-
liser à l’ensemble de l’étude des résultats spécifiques et l’interprétation souvent spé-
culative de ceux-ci.
Finalement, la limite suprême et ultime de plusieurs études est souvent la dis-
proportion entre, d’une part, les besoins nécessaires à l’étude des phénomènes en cause
et, d’autre part, les moyens réels dont disposent les évaluateurs. Les moyens mis à la
disposition des évaluateurs résultent des disponibilités financières relatives au projet.
La part attribuée à l’évaluation des impacts environnementaux est habituellement égale
à 1% du budget total du projet (World Bank, 1991), mais elle est en fait souvent infé-
rieure à ce seuil cible. Par ailleurs, la compréhension de certains phénomènes envi-
ronnementaux requiert de longues et coûteuses études qui souvent nécessiteraient
des sommes plus importantes, lorsqu’elles sont bien sûr au moins équivalentes à ce
1%. Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant de constater que le budget de cer-
tains projets d’ÉIE est outrepassé avant même la fin de l’étape de l’évaluation des impacts.
En plus des contraintes financières, les ressources limitées en personnel compé-
tent et disponible au moment voulu affectent parfois le plein emploi des méthodes
365
et des outils de l’ÉIE. Ne pensons qu’aux besoins en ressources pour l’utilisation conve-
nable des systèmes d’information géographique (SIG) ou aux inventaires exhaustifs
habituellement requis pour l’estimation de certains impacts pour les éléments
méconnus de l’environnement. L’emploi inconsidéré des SIG, notamment dans le
contexte de projet modeste et unique ainsi que dans plusieurs pays en voie de déve-
loppement, entraîne des conséquences multiples, dont l’examen insuffisant des
L’évaluation des impacts environnementaux

autres aspects pourtant essentiels de l’ÉIE et conséquemment un rétrécissement de


la portée et du mandat de l’étude, faute de moyens (Baudoin, 1995 ; Leduc et
Raymond, 1996). De plus, le temps alloué à la réalisation de l’examen est souvent trop
restreint pour permettre un usage optimal des méthodes et des outils qui seraient néces-
saires à un examen approprié.

VALIDITÉ DES ÉVALUATIONS


La validation des résultats des nombreuses évaluations effectuées depuis les débuts
de l’ÉIE n’est pas une opération facile. En effet, les données nécessaires afin de déter-
miner si les effets anticipés et les impacts prévus ainsi que les conséquences des mesures
d’atténuation mises en place reposent sur trop peu d’informations. Beaucoup de
recherches restent à faire afin de pouvoir valider convenablement les méthodologies
et les méthodes employées ainsi que les résultats mêmes des évaluations. Nous n’en
sommes encore qu’aux premiers balbutiements en ce domaine pourtant fort impor-
tant de l’ÉIE.
Depuis longtemps, un certain nombre de comités d’étude furent formés afin d’exa-
miner et éventuellement d’améliorer la validité et l’efficacité des ÉIE. En avril 1983
aux États-Unis, le U.S. National Research Council (NRC) on Basic Biology créait le
Committee on Applications of Ecological Theory of Environmental Problems
(CAETEP) afin d’étudier ces questions. Le Canada emboîta le pas en janvier 1984 avec
la création du Conseil canadien de la recherche sur l’évaluation environnementale
(CCREE), organisme public ayant pour objectif principal l’amélioration des bases scien-
tifiques et techniques ainsi que des procédures de l’ÉIE.
Plus récemment, le Bureau fédéral d’examen des évaluations environnementales
(BFEEE) du Canada, en collaboration avec l’International Association for Impact
Assessment (IAIA), réalisa une étude sur l’efficacité de l’évaluation environnemen-
tale (Sadler, 1996). L’étude se proposait d’examiner les pratiques d’ÉIE dans l’optique
de leur rôle véritable dans les processus de décision (IAIA, 1994 et ACÉE, 1995). Cette
vaste étude internationale publiée en 1996 visait à combler les lacunes au sujet de l’ef-
ficacité véritable de l’ÉIE, ce que ne permet pas l’examen cas par cas des rares éva-
366 luations réalisées sous les auspices des promoteurs.
Parmi les aspects importants de l’inefficacité de certaines évaluations, et princi-
palement tributaire des limites des méthodes employées, le rapport international sur
l’efficacité de l’ÉIE (Sadler, 1996) mentionne:
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

• la faiblesse des estimations concernant l’importance et la portée des impacts


prévus;
• l’insuffisant degré de précision des estimations mêmes, ce qui dépend pour
une bonne part de la précision des données, de la détermination rigoureuse
de l’état de référence de départ (imprécision de l’état initial, comme en
météo) et de l’exactitude des modifications anticipées ;
• l’incompréhension et la méconnaissance de plusieurs des mécanismes mis en
cause, notamment en ce qui concerne la complexité de certains éléments envi-
ronnementaux et particulièrement la dynamique des écosystèmes;
• enfin, l’absence de vérification systématique en ce qui concerne l’efficacité des
mesures d’atténuation mises en place ainsi que, dans une certaine mesure, pour
les mesures de compensation.
Une grande partie de ces aspects de l’efficacité des évaluations est particulière-
ment difficile à évaluer en raison de l’absence systématique d’inspection en ce sens.
La tenue d’évaluations postprojets et la diffusion de leurs résultats pourraient éclairer
avantageusement cette zone d’ombre de l’ÉIE. Selon la plupart des experts, ce n’est
qu’ainsi qu’on pourra atteindre une réduction réelle des impacts environnementaux
et la mise en place de mesures d’atténuation efficaces (idem).
La validité des évaluations, particulièrement l’estimation de l’importance des impacts
potentiels et des mesures d’atténuation proposées, est fort différente selon les disci-
plines en cause. Les sciences physiques et biologiques affichent parfois une plus grande
rigueur méthodologique et une plus importante abondance de données fiables.
Elles prétendent proposer une meilleure et plus grande validité que les démarches et
méthodes issues des sciences humaines et économiques. Cela est sans doute tribu-
taire, mais en partie seulement, des ressources imposantes mises à contribution aux
fins des recherches en sciences biophysiques. Elles sont donc soutenues par une plus
longue et plus complète expérience pratique.
Par ailleurs, l’inspection ultérieure à la réalisation du projet afin de vérifier la vali-
dité des évaluations effectuées est une pratique plutôt rarissime. La vérification du bien-
fondé de l’examen d’un projet est rarement effectuée. Cet aspect du processus d’ÉIE
est pourtant mentionné fréquemment dans les procédures en vigueur actuellement 367
et la présentation d’un programme de suivi est souvent une exigence réglementaire.
Seuls de véritables et réguliers programmes de suivi pourraient permettre une solide
vérification de la validité de l’ÉIE. Les contrôles effectués lors de la surveillance des
travaux et lors de la phase d’exploitation sont trop souvent partiels et incomplets pour
valider convenablement l’étude complète. Dans un tel contexte, seulement
L’évaluation des impacts environnementaux

certains paramètres, notamment ceux concernant les mesures d’atténuation ainsi que
certains indicateurs hautement significatifs pour quelques-uns des éléments de l’en-
vironnement ou activités d’exploitation, peuvent être validés. La tenue d’évaluation
postprojet, dans les dix années suivant la mise en place d’un projet, par exemple, est
presque partout une pratique exceptionnelle, sauf pour certaines très grandes entre-
prises aux projets récurrents.
La mise en place d’un véritable programme de suivi, c’est-à-dire incluant une rééva-
luation complète du projet, est essentielle à l’avancement des connaissances en ÉIE.
Seule la tenue d’une telle inspection générale permettrait de connaître les impacts
réels et d’ainsi valider les évaluations initiales. De plus, la diffusion des résultats de
telles opérations permettrait une importante contribution à l’avancement des
connaissances en évaluation d’impacts. Une telle inspection ultérieure permettrait
une validation des examens réalisés et l’amélioration des prédictions et des évalua-
tions pour les futures études. Bien entendu, cette nécessité soulève la question sui-
vante : qui devrait être responsable de telles études ? Plusieurs pensent qu’elles
devraient être du ressort des autorités gouvernementales de contrôle, alors que cer-
tains croient plutôt qu’elles devraient demeurer l’entière responsabilité du promo-
teur, et ce, tant en ce qui concerne l’exécution que le financement et la diffusion.
Actuellement, l’inspection et le suivi sont souvent des tâches partagées entre les pro-
moteurs et les autorités gouvernementales.
Le septième Congrès annuel de l’Association québécoise pour l’évaluation d’im-
pacts (AQÉI), tenu à Montréal à l’automne 1998, portait sur la validité de l’ÉIE. Les
deux thèmes majeurs de discussion traitaient de la validité des prédictions effectuées
et des mesures d’atténuation mises en place au Québec depuis les vingt dernières années.
En conséquence, ces deux questions étaient examinées en parallèle aux enseignements
des rares programmes de suivi réalisés jusqu’à maintenant (AQÉI, 1999). Il ressort
des discussions qu’une masse considérable d’informations existe déjà mais que le bilan
de leur enseignement n’est pas près d’être publié.
Un dernier aspect de la validité des évaluations concerne l’équité et la transparence
du processus d’évaluation employé par rapport aux attentes de tous les acteurs. En effet,
les procédures d’ÉIE ne permettent pas toujours la satisfaction des besoins, des pré-
368
occupations et des valeurs parfois divergentes des divers acteurs impliqués par la réa-
lisation d’un projet. Sans reprendre l’argumentation développée au cours du premier
chapitre entre ceux qui croient que l’ÉIE est un nuisible obstacle au progrès et ceux
pour qui ce ne serait qu’un cataplasme sur un grand corps malade, nous pensons que
l’ÉIE, telle que nous l’avons présentée dans ce livre, est un processus valable parce qu’il
offre notamment l’occasion aux divers intérêts en présence de se manifester.
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

EFFICACITÉ DU PROCESSUS
L’efficacité du processus et des procédures d’évaluation est une question qui soulève
plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Comme pour la vérification de
la validité des évaluations, cette opération pourtant essentielle à toute recherche scien-
tifique, voire à toute action humaine, est souvent oubliée rapidement à la suite de l’ap-
probation et de la mise en œuvre du projet. Les efforts méthodiques d’examen du
projet et de l’environnement s’interrompent souvent comme par enchantement lors
de la prise de décision. On justifie cette situation d’insouciance par des motifs de temps
et d’argent, et ce, tant de la part des promoteurs que de celle des autorités respon-
sables. En conséquence, les études sérieuses sur l’efficacité du processus d’ÉIE sont
très rares encore aujourd’hui et son efficacité véritable reste toujours à confirmer.
Un premier indice intéressant démontrant l’efficacité de l’évaluation des impacts
environnementaux, ou plus précisément qui témoigne de son utilité intrinsèque, nous
est fourni par la disparition d’un certain nombre de projets ayant des impacts envi-
ronnementaux très importants. C’est ainsi que, selon le Conseil de la qualité de l’en-
vironnement (Council of Environmental Quality) des États-Unis, certains projets, parmi
les plus néfastes pour l’environnement, seraient éliminés du seul fait de l’abandon
du projet par les promoteurs avant même la tenue de l’étude d’impacts (Sasseville
et coll., 1977). Les promoteurs deviennent alors plus conscients de l’impact du déve-
loppement sur l’environnement, tout simplement parce qu’ils doivent se soumettre
à la procédure d’ÉIE en vigueur. Ainsi, la présence de procédures d’ÉIE, conjuguée
aux préoccupations du public au sujet de l’environnement et sans doute appuyée par
le syndrome «pas dans ma cour» (NIMBY), élimineraient de fait les projets les plus
néfastes ou litigieux pour l’environnement. Par exemple, au cours de la dernière décennie,
plusieurs projets de centrales nucléaires, d’incinérateurs de déchets organiques
industriels, de centrales thermiques au charbon et d’enfouissement de déchets
domestiques en milieu urbain n’ont jamais cheminé jusqu’à l’envoi de l’avis de projet
par leurs promoteurs potentiels.
En pratique, le processus d’évaluation entraîne parfois des modifications majeures
par rapport au projet initial, comme ce fut le cas pour le projet de ligne à haute ten-
sion au-dessus du fleuve Saint-Laurent au début des années 1990. Toutefois, des
369
recherches récentes tendent à démontrer que la vaste majorité des modifications appor-
tées aux projets, à la suite d’un examen d’ÉIE, ne concerneraient que des aspects mineurs
ou modérés, mais nullement les composantes majeures (Lee, Walsh et Reeder, 1994).
Mais comme nous l’avons constaté au cours du dernier chapitre, plus tôt intervient
l’environnement dans l’élaboration d’un projet, moins les modifications en cours
d’examen deviennent nécessaires.
L’évaluation des impacts environnementaux

Comme pour la validité des évaluations, la vérification de l’efficacité du processus


offre la possibilité de retour sur l’ÉIE initiale. Elle permettrait surtout une meilleure
efficacité de l’ensemble des diverses étapes ainsi qu’une meilleure utilisation des esti-
mations et des résultats de la recherche. Tous ces éléments permettraient un rende-
ment plus élevé des moyens, des ressources, des informations et des multiples inter-
venants impliqués dans un processus d’examen. Le rapport d’ÉIE serait en quelque
sorte plus près des réalités qu’il prétend refléter. En conséquence, le processus
d’examen offrirait un éclairage supérieur à la prise en compte de l’environnement
dans la planification du développement. La pertinence de l’ÉIE en tant qu’outil de
gestion et instrument de la prise de décision en serait rehaussée.
Afin de faire face aux critiques et de relever de nouveaux défis, l’évaluation des
impacts environnementaux (ÉIE) doit améliorer certaines de ses pratiques. L’ÉIE doit
notamment accéder à un niveau supérieur d’intégration de ses différents processus
et outils. Comme l’ont montré l’étude internationale sur l’efficacité de l’évaluation
d’impacts (Sadler, 1996) ainsi que les dernières positions de la Banque mondiale (World
Bank, 1996 et Goodland et Mercier, 1999), une meilleure intégration des divers types
d’évaluation (stratégique, régionale, sectorielle et de projet) est nécessaire afin d’amé-
liorer les processus d’évaluation actuellement en vigueur. Plusieurs des enjeux du déve-
loppement durable (CMED, 1988) reposent en effet sur une efficacité plus grande
des processus et des outils de gestion et de planification environnementale (Sadler,
1998).
Par ailleurs, le contexte interne de l’évaluation d’impacts pose désormais de nou-
velles exigences: raccourcissement des délais de la procédure (Partidàrio, 1996), éco-
nomie d’argent dans l’étude des projets (Duport et coll., 1994) et détermination préa-
lable des enjeux environnementaux du développement (Dom, 1997). Les tendances
actuelles de mondialisation, de privatisation, de retrait de l’État et de déréglementa-
tion renforcent ces dernières exigences. Enfin, d’un point de vue méthodologique,
l’évaluation d’impacts doit aussi trouver des réponses satisfaisantes à certaines ques-
tions globales, comme la prise en compte des impacts cumulatifs et des impacts sociaux
ainsi que de la sélection des solutions de rechange et des variantes au projet proposé.
De plus, l’intégration de la participation publique au processus d’examen devrait se
370 généraliser et s’étendre en amont de l’étape de validation finale de l’étude d’impacts.
L’amélioration de l’efficacité du processus d’évaluation semble essentielle au main-
tien de l’ÉIE comme outil de planification du développement futur et surtout au
renforcement de l’ÉIE comme instrument clé du développement durable. Ce dernier
requiert en effet l’atteinte du triple objectif visé par l’évaluation des impacts envi-
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

ronnementaux, à savoir une connaissance suffisante de l’impact environnemental des


projets de développement, une atténuation substantielle des conséquences négatives
de ces derniers et une approbation notable du développement par le milieu.

CRITIQUE GÉNÉRALE DE L’ÉIE


Malgré le chemin parcouru au cours des vingt-cinq dernières années, la critique géné-
rale adressée à l’ÉIE concerne encore l’insuffisance des procédures et des processus
d’ÉIE mis en place et surtout les pratiques concrètes qui en découlent. D’un point
de vue restreint, la nature plutôt incitative et permissive de la législation a sans doute
comme résultat une très grande variabilité quant à la qualité même des études réa-
lisées. D’un point de vue global, la portée de l’ÉIE demeure encore trop étroite et sa
mise en œuvre est en outre passablement timide, sinon franchement négligente.
Il faut admettre qu’il y a parfois une disparité très grande entre la volonté d’in-
tervention et les réalisations concrètes. D’une part, les procédures mises en place sont
souvent en retard par rapport aux «règles de l’art» en ÉIE et, d’autre part, la mise
en œuvre des procédures en vigueur n’est pas toujours aussi complète, profonde et
consistante que ce à quoi on s’attendrait. De bonnes législations s’arrêtent souvent
au point de vue légal, sans réelle emprise sur la pratique concrète de la gestion des
affaires humaines. Ainsi, la place de l’ÉIE dans la société est trop souvent réduite à
l’arrière-plan des décisions. Son rôle demeure alors mineur et sans trop d’influence
sur les habitudes traditionnelles de gestion et de planification. Le rôle de l’ÉIE
comme « pierre angulaire» du développement durable n’est toujours pas assuré, car
il ne permet pas encore une véritable prise en compte des aspects environnementaux
dans la gestion des activités humaines.
Parmi les critiques les plus souvent rencontrées depuis les presque débuts de l’ÉIE,
mentionnons :
• l’intégration trop tardive de l’ÉIE dans l’élaboration du projet; l’ÉIE devrait
se joindre au plus tôt au processus de planification des projets;
• les responsabilités des divers intervenants qui ne sont pas clairement établies
et toujours partagées (rôle de l’ÉIE, place des évaluateurs, du promoteur, de
371
la population, etc.) ;
• la complexité et le peu de flexibilité de certaines procédures d’ÉIE; l’avenir devrait
plutôt tendre vers une simplification et une meilleure compréhension des
procédures administratives, ce qui inclut particulièrement les aspects législa-
tifs et réglementaires;
L’évaluation des impacts environnementaux

• la précarité des moyens mis à la disposition de l’ÉIE par rapport au projet même;
il faudrait dès lors une détermination plus précise des moyens disponibles aux
fins de l’ÉIE, particulièrement des coûts, et espérer réduire ainsi le nombre
d’études incomplètes ou abandonnées en cours de route à cause de cette situa-
tion.
La vaste étude internationale sur l’efficacité de l’évaluation environnementale sous
les auspices de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACÉE) et de
l’International Association of Impact Assessment (IAIA) concluait son rapport par
les recommandations suivantes (Sadler, 1996):
• revenir à l’essentiel (processus reconnu), c’est-à-dire améliorer la mise en œuvre
du processus, éviter les chevauchements et préciser sa place dans le processus
décisionnel, ainsi que mettre en place un code international (IAIA ou ISO);
• améliorer les processus et les activités de l’ÉIE, à savoir consolider les méca-
nismes de contrôle de la qualité, renforcer la détermination du champ (sco-
ping), améliorer la prise en compte des impacts sociaux et ceux sur la santé
ainsi que la participation publique, la communication des résultats et l’éva-
luation des impacts cumulatifs et globaux ;
• promouvoir l’«évaluation environnementale stratégique» (ÉES) et favoriser
des approches souples et adaptatives, des méthodes et des procédures fiables
ainsi que les mêmes améliorations pour l’ÉES que pour l’ÉIE;
• favoriser l’ÉIE en tant qu’outil de développement durable, notamment pour
la prise en compte de la biodiversité, le développement d’indicateurs et de cri-
tères en ce sens, ainsi qu’afin de parvenir à la compensation des impacts rési-
duels ;
• faire face aux nouveaux défis de l’évaluation environnementale, à savoir:
• l’évaluation des impacts cumulatifs à grande échelle et la gestion des res-
sources, les deux dans un contexte transfrontière;
• la prise en compte du commerce et des programmes d’aide internationaux;
• l’analyse du cycle de vie, des plans d’aménagement et du renforcement des
372 capacités des PVD ainsi que la diversification et la polyvalence de l’ÉIE;
• diriger les efforts vers l’évaluation et la planification du développement
durable, notamment par des politiques intégrées et régionales.
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

Le plus récent rapport du Conseil américain sur la qualité de l’environnement


(Council on Environmental Quality (CEQ)) concernant l’application de la Loi amé-
ricaine (NEPA) constatait que la mise en pratique de la Loi depuis plus de vingt-cinq
ans suscite de nombreuses critiques. Ces critiques concernent surtout l’inefficacité
(«inefficient and ineffective») de celle-ci (CEQ, 1997, cité par Webster, 1998). Cet état
de fait serait le résultat d’une intégration trop tardive dans le processus d’accepta-
tion des projets.
Les contraintes institutionnelles sont souvent vues comme responsables des insuf-
fisances rencontrées et de la faible performance de l’ÉIE en général. Faisant un retour
sur les résultats de l’étude internationale sur l’efficacité de l’ÉIE ainsi que sur ceux
de l’étude du CEQ américain, Sadler (1998) mentionnait récemment que la portée
des études est limitée par une délimitation et une application trop restrictives du concept
de l’ÉIE par les institutions responsables. C’est particulièrement le cas pour le social,
la santé humaine et les impacts cumulatifs, des aspects couverts habituellement de
manière inadéquate. Ces remarques reprenaient des déclarations antérieures de l’au-
teur ainsi que celles d’Ortolano et Sheppard (1995) concernant les grands problèmes
limitant l’ÉIE. L’évaluation de l’impact cumulatif des divers développements proposés
doit devenir un exercice routinier et systématique (Goodland et Mercier, 1999). En
ce sens, l’emploi d’évaluations régionales et sectorielles devrait être favorisé.
Dans un autre ordre d’idées, la conjugaison de l’ÉIE avec le processus de prise de
décision est une préoccupation très ancienne. Reprise au cours des dernières années,
elle implique la liaison de l’ÉIE avec les orientations d’ensemble en environnement,
voire la mise en place du développement viable. L’orientation de l’ÉIE vers la prise de
décision est restrictive par rapport aux objectifs environnementaux visés. C’est ainsi
que la vision fragmentée des phénomènes et des impacts environnementaux, inhé-
rente à plusieurs évaluations et qui résulte parfois de restrictions imposées par le pro-
cessus même d’évaluation, n’apporte pas une prise en compte souhaitable des préoc-
cupations environnementales. Cette fragmentation des préoccupations peut alors
constituer «un corridor étroit et contraignant» pour une bonne perception de la pro-
blématique environnementale, une situation remarquée depuis fort longtemps déjà
(Sasseville et coll., 1977). Conséquemment, l’amélioration des outils de gestion et de
planification environnementale passe par l’intensification des liens entre l’évaluation 373
environnementale stratégique et l’usuelle évaluation de projet. Elle s’inscrit dans
l’évolution de l’ÉIE au cours des dernières années vers un élargissement de la portée
et du mandat de l’étude (Jacobs et Sadler, 1991; Lévesque, 1994; Gariépy, 1995). Les
législations canadienne (Environnement Canada, 1995) et québécoise (Gouvernement
du Québec, 1992; MEF, 1995) favorisent désormais son emploi dans les procédures
L’évaluation des impacts environnementaux

officielles1. Il semble que l’emploi de l’évaluation stratégique ait recueilli l’attention


des gouvernements un peu partout dans le monde (Risse, 1998).
Par ailleurs, il semble que l’information fournie dans le rapport d’ÉIE ne soit pas
toujours appropriée pour une utilisation judicieuse par ceux qui prennent des déci-
sions. La faute serait imputable aux évaluateurs eux-mêmes. Selon certains, ces der-
niers seraient inaptes à fournir clairement et simplement des résultats utiles et com-
préhensibles pour la prise de décision (Webster, 1998). Dans une telle situation, l’ÉIE
peut difficilement jouer son rôle d’outil essentiel de conciliation des impératifs de
l’environnement vis-à-vis de ceux du développement et contribuer ainsi à l’instau-
ration d’un développement durable.
En ce qui concerne les possibles orientations futures de l’évaluation environne-
mentale pour le nouveau millénaire, le rapport international faisait état de deux niveaux
de perspectives, celles à court terme et celles à long terme (Sadler, 1996). Ces pers-
pectives sont:
À court terme:
• mondialisation: pressions sur ressources – normes internationales;
• déréglementation: limitation du secteur public – importance de l’ÉES;
• privatisation: vente de l’État – renforcer les normes nationales et internationales;
• réduction des effectifs de l’État : décentralisation – responsablisation;
• récupération des coûts: efficacité accrue du processus – faire payer l’ÉE par
les promoteurs.
À long terme :
• vers le développement durable ;
• évaluation environnementale à grande échelle.
La mondialisation des pratiques et des procédures d’ÉIE accentuera les tendances
d’harmonisation (recherche de cohérence) et de partage des compétences ainsi que
de diffusion et de mise en œuvre à l’ensemble des pays. Cependant, la direction prise
par plusieurs pays vers la déréglementation et le retrait de l’État des affaires publiques
374
implique un repositionnement des divers outils de gestion, dont l’évaluation d’im-
pacts. Afin de ne pas essuyer un recul, l’ÉIE devra sans doute être appuyée par une
plus étroite et plus intense adhésion de la population au processus d’examen.

1. La nouvelle réglementation québécoise n’est toutefois pas encore en vigueur (hiver 2000).
Critique, validité et efficacité de l’évaluation des impacts environnementaux

L’ÉIE est un processus d’examen en constante évolution. Depuis trente ans, son
emprise s’étend à de plus vastes domaines et à un plus grand nombre d’endroits. Cette
progression de l’influence de l’ÉIE dans les affaires humaines a encore besoin de nom-
breux appuis. Toutefois, cette évolution soutient fermement une meilleure prise en
compte de l’environnement dans la planification des activités futures. L’efficacité de
l’ÉIE en tant qu’outil essentiel du développement durable dépend avant tout de la
place et du rôle que nous voudrons bien lui accorder dans la gestion des affaires
humaines.
Nous souhaitons que notre travail favorisera le développement des méthodes et
des pratiques d’ÉIE. Ce développement de l’ÉIE doit se réaliser aux trois niveaux
d’examen du processus d’évaluation. Il ne s’agit donc pas seulement d’améliorer les
outils de prédiction des impacts, quoique cette tâche soit fort utile. Il s’agit aussi d’af-
finer nos démarches d’élaboration des projets en tenant mieux compte de l’envi-
ronnement. Finalement, il s’agit de perfectionner et d’humaniser nos outils de prise
de décision afin de les rendre plus compatibles avec un développement qui soit viable
à long terme. Le développement futur de nos sociétés ne pourra se réaliser sans qu’in-
terviennent activement les questions environnementales dans les processus de prise
de décision. À ce moment-là, l’ÉIE, aussi influente et respectable que le rapport tech-
nique et l’analyse financière, pourra tenir son rôle d’outil indispensable d’une prise
de décision éclairée.

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