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Nadine Dubruc
Mines Saint-Etienne
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Mots-clés :
Elèves-ingénieurs, motivations, représentations, orientation
INTRODUCTION
Dans le cadre de cet article, nous souhaitons restituer une étude qui porte de manière
générale sur la problématique de l’orientation et plus précisément de l’orientation au
sein de la filière ICM (Ingénieur Civil des Mines) de l’Ecole Nationale Supérieure
des Mines de Saint- Etienne (ENSM-SE). L’objectif spécifique de l’étude est
d’arriver à comprendre comment les étudiants de troisième année de l’Ecole
construisent leur parcours scolaire et initient leur parcours professionnel. Nous
cherchons à voir quels sont les motifs d’engagement qui les poussent à se former, et
plus précisément à rentrer dans cette partie de formation que sont les options de 3ème
année et en quoi les représentations (de la formation, du métier) peuvent avoir un
effet sur leur choix d’orientation dans les différents moments de leur scolarité, de la
terminale à aujourd’hui.
Grâce à l’étude, nous avons identifié deux moments clés dans l’orientation des
étudiants après leur classe préparatoire :
le « choix » de l’Ecole (qu’elle ait été choisie ou imposée),
et le choix de l’option de troisième année.
Nous cherchons ainsi à comprendre comment les élèves procèdent pour faire ces
« choix » et comment les représentations sont intervenues dans ces moments clés.
Dans cet article, nous décrirons dans un premier temps les caractéristiques de
l’ingénieur généraliste EMSE en termes de métiers et de secteurs d’activité ainsi que
l’organisation du cursus. Puis, dans un second temps, nous présenterons la
méthodologie de l’étude (achevée en février 2008), et enfin, dans un troisième
2 Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur
temps, les résultats observés, qui apportent des éléments sur les choix d’orientation
d’élèves en école d’ingénieurs.
Chef de Directeur
projet, de Autres 1%
service 1% Ingénieur
19 % production
45 %
Consultant
16 %
Ingénieur
Trader, recherche
Chargé
analyste
d'affaire 4%
financier
6%
8%
Pour cela, issus de Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles, les élèves suivent en
1ère année un tronc commun qui a un double-objectif : intégrer des connaissances et
développer des capacités de travail en groupe-projet. Ensuite, la volonté de l’Ecole
est de laisser l’élève définir dès la deuxième année son cursus de formation à travers
les choix d’axes (un axe est un ensemble cohérent de 120h de cours, les élèves en
suivent 4), la possibilité d’aller à l’étranger ou dans une autre école en France. En
troisième année, chaque élève ingénieur valide une option. Il y a 8 options
possibles :
1 Albrecht et al. (2007) Quel avenir pour un Ingénieur Civil des Mines de Saint-Etienne ? p.7
3 Devenir ingénieur
Répartition par option des élèves de la Promotion 2005
APPRENTISSAGE
Opératoire
professionnel
Rang 1 Epistémique
Opératoire Rang 3
personnel
Vocationnel
Rang 2
EXTRINSEQUE INTRINSEQUE
Dérivatif Identitaire
Rang 6 Rang 5
Socio- affectif
Prescrit
Hédonique
Economique
Rang 4
PARTICIPATION
De manière générale, les élèves de 3ème année de l’ENSM-SE se sentent motivés par
la formation qu’ils suivent (70%), 15% déclarent être très motivés et 13% sont peu
motivés. Il est intéressant de noter que le contenu des cours est à la fois donné par
les élèves très motivés comme raison de motivation et comme raison de
démotivation chez les élèves peu motivés. La motivation et la démotivation sont
ainsi liées au contenu même de la formation, ce qui est relativement logique étant
donné les résultats précédents. En effet, les étudiants s’engagent avant tout en
formation pour acquérir des savoirs ; les cours et le contenu de la formation sont
donc très importants pour eux. Ainsi, s’ils ne sont pas en adéquation avec leurs
attentes, ils auront davantage tendance à être démotivés.
100
E nvironnement
90
Ne font pas partie de l'option
80 F MP
demande plus
70 OGI
60
Informatique
50
demande moins P roc édes
demande moins
40
30 IGS
20 Materiaux
demande plus
10 Mic roelec tronique
0
0 20 40 60 80 100
F ont partie de l'option
80 F MP
70 OGI
60
Informatique
s péc ialis ée
50
P roc édes
40
30 IGS
généralis te
20 généralis te Materiaux
10 Mic roelec tronique
0
0 20 40 60 80 100
F ont partie de l'option
Unanimement les élèvent voient l’option FMP comme offrant une meilleure
rémunération à l’emploi (100%). De même, on voit que les options OGI et
Informatique sont des options perçues comme offrant une bonne rémunération à
l’emploi, contrairement aux options Microélectronique, IGS, Matériaux et
Environnement. Quant à l’option Procédés, les avis sont mitigés : lorsqu’on en fait
partie, on pense plutôt qu’elle offre une bonne rémunération à l’emploi, et quand on
n’en fait pas partie on pense plutôt qu’elle offre une moins bonne rémunération à
l’emploi. Les options FMP et OGI qui ont majoritairement l’image de donner la
possibilité d’avoir une bonne rémunération, sont également les plus choisies (42
élèves et 26 élèves sur 160 en 2007).
R eprés entation de la rémunération à l'emploi s elon l'option
meilleure
100
moins bonne E nvironnement
90
Ne font pas partie de l'option
80 F MP
30 meilleure
IGS
20 meilleure Materiaux
10 moins bonne Mic roelec tronique
0
0 20 40 60 80 100
F ont partie de l'option
10 Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur
100
beauc oup
E nvironnement
90
Ne font pas partie de l'option
80 F MP
70 peu OGI
60 Informatique
50
P roc édes
40
beauc oup
IGS
30
20 Materiaux
Nous voyons ainsi que certaines options ont une image plutôt « attrayante » en
termes d’emploi (rémunération et débouchés). C’est le cas des options FMP, OGI et
Informatique. Or, ces deux premières options sont fortement choisies par les
étudiants contrairement à l’option Informatique. On peut alors supposer que cette
dernière est moins choisie car, contrairement aux deux autres, elle est vue comme
étant très « spécialisée » (100% de l’intérieur et 70% de l’extérieur).
c) Logique d’employabilité
Nous avons pu remarquer que parallèlement au cursus ICM, 62% des étudiants
suivent ou ont suivi une autre formation (majoritairement de niveau Master 2).
Lorsqu’on leur demande alors les avantages que représente le double diplôme, une
majorité d’entre eux évoque des avantages liés au « travail et à l’emploi», et
notamment le fait d’avoir plus de compétences. Cette « boulimie » d’acquisition de
compétences ressort vraiment chez les étudiants, qui cumulent les diplômes comme
pour se rassurer. Comme le dit P. Huerre 11 : « Se remplir de connaissances, quitte à
subir les contraintes liées à leur accès, permet à certains sujets de juguler leurs
angoisses. Pour mieux les canaliser, ils tentent de maîtriser le savoir.[…] Face au
gouffre que représente l’inconnu, ils se rassurent. ». D’autre part, ils pensent
également que l’obtention d’un double diplôme facilite l’insertion professionnelle,
car cela leur paraît très apprécié des employeurs (cité 19 fois). De même, comme
nous l’avons vu précédemment, cette logique d’employabilité (débouchés, salaire)
est très vite repérée par les étudiants ; ils se dirigent d’ailleurs massivement vers les
options qui seraient plus « rentables » en termes d’emploi.
d) Logique de stages
Pour ce qui est de l’initiation au parcours professionnel, nous nous sommes
intéressés aux stages et à leur apport durant le cursus. Ainsi, le stage de 1ère année a
permis à 33% d’entre eux de « développer leurs compétences relationnelles » ; le
stage de 2ème année leur a permis de « mettre en pratique des connaissances acquises
et d’affiner leur projet professionnel » (49%) ; quant au stage de 3ème année, qui n’a
pas encore été effectué, les étudiants le voient comme étant très important pour eux,
11 Huerre Patrice avec Azire Fabienne, 2005, Faut-il plaindre les bons élèves ? le prix de l’excellence, hachette littératures, p.126.
12 Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur
car il peut déboucher sur un emploi (53%). Ainsi, on voit bien que les attentes vis-à-
vis du stage ne sont pas les mêmes au cours de la scolarité à l’Ecole. On remarque
également l’importance de l’enjeu du stage de 3 ème année, qui est pour les étudiants
leur potentiel premier emploi. Nous pouvons constater une logique de progression
orientée vers l’emploi avec une pression de plus en plus forte de l’insertion
professionnelle.
e) Logique sans vision du métier ?
Pour tenter d’approcher les représentations qu’ont les élèves du métier d’Ingénieur,
nous avons utilisé la technique des associations libres, qui consiste à partir d’un mot
inducteur ou d’une proposition, à demander à l’enquêté de donner tous les mots ou
expressions qui lui viennent à l’esprit. Ainsi, les élèves attribuent à l’expression
« métier d’ingénieur» en premier lieu une fonction telles que : cadre, chercheur,
gérant, directeur, manager, ingénieur (cité 38 fois). En second lieu on retrouve des
modalités de travail telles que : travail en équipe, mobilité, créatif, communication
(cité 33 fois).
Nous pouvons ainsi voir que les représentations qu’ont les élèves du métier
d’ingénieur restent relativement vagues. Comme le montre l’étude de l’APEC 12
(2007) les jeunes diplômés «possèdent un imaginaire et des représentations du
monde du travail qui restent en large partie, éloignés de la réalité des pratiques
professionnelles ». C’est pourquoi il n’est pas étonnant de voir que les étudiants ont
une vision sommaire du métier d’ingénieur, se résumant souvent à une fonction et
non à une mission. Au cours d’un de nos entretiens, nous avons remarqué que
certains de nos interviewés, projettent à court ou moyen terme concernant leur projet
professionnel, « je n’ai pas de projet pour l’instant, non, faut déjà voir un horizon
plus raisonnable à mon échelle, ce serait déjà de voir pour le stage de fin d’étude là
de fin de troisième année, voir déjà où je serais et puis on verra après, j’ai deux ou
trois pistes sur des boîtes qui me plaisent bien dans le son et lumière ». Ainsi,
certains élèves ne se projettent pas dans une fonction précise, ils ont plus une idée de
domaines ou d’entreprises dans lesquels ils souhaitent travailler, ce qui peut
expliquer cette vision simplifiée qu’ils ont du métier.
Ces lacunes, sont selon l’enquête de l’APEC en partie liée à un manque de
préparation dans la formation : « même si les « grandes » écoles ont largement
progressé et proposent aux étudiants des formations plus importantes que les
universités, il reste de larges lacunes à combler. L’expérience concrète du métier,
entamée grâce au stage, reste embryonnaire. »13
CONCLUSION
Devenir ingénieur pour un élève, c’est généralement combiner des représentions par
rapport à une formation, des expériences vécues pendant la formation (options,
stages…) et un métier, en lien avec ses motivations orientées vers l’acquisition de
12 APEC, Les métiers : regards croisés jeunes diplômés / manager, les études sur l’emploi des cadres, septembre 2007, p 3.
13 APEC, Les métiers : regards croisés jeunes diplômés / manager, les études sur l’emploi des cadres, septembre 2007, p 33.
13 Devenir ingénieur
compétences, l’intégration de connaissances pour le plaisir et/ ou se donner plus de
chances dans son insertion professionnelle.
Finalement, les logiques des élèves de l’ENSM-SE rejoignent les représentations
collectives de l’orientation (Guichard, Huteau, 2005). L’élève construit son parcours
en fonction de 4 représentations : « un modèle individualiste de la société, l’individu
pensé comme autonome et responsable, l’importance de l’activité professionnelle et
l’incertitude de l’avenir. »14 Dans cette conception, chaque élève investi de la
nécessité de trouver sa voie tente de prendre son autonomie pour ses choix, avec la
pression de la réussite professionnelle, tout en intégrant une conception de l’avenir
incertain.
BIBLIOGRAPHIE
ABRIC J.C (1994), Pratiques sociales et représentations, PUF, Paris.
BONARDI C, ROUSSIAU N. (2005), Les représentations sociales, Dunod, Paris.
CARRE P. (2005), L’apprenance, vers un nouveau rapport au savoir, Dunod, Paris.
CARRE P. (1998), Motifs et dynamique d’engagement en formation : Synthèse
d’une étude qualitative de validation auprès de 61 adultes en formation
professionnelle continue , Revue Education Permanente, n°136 pp.119-131
FENOUILLET F. (2003), La motivation, Dunod, Paris
HUERRE, P., AZIRE, F., (2005), Faut-il plaindre les bons élèves ? le prix de
l’excellence, Hachette littératures, Paris.
HUTEAU M., GUICHARD J. (2005), L’orientation scolaire et professionnelle,
Dunod, Paris.
JODELET D. (1984), Représentations sociales: phénomènes, concepts et théorie, In
MOSCOVICI.(S) ; Psychologie sociale, Paris, PUF.
LEOTARD M.L. (2001), Le dressage des élites: de la maternelle aux grandes
écoles, un parcours pour initiés, Plon, Paris.
Enquête APEC, Les métiers: regards croisés jeunes diplômés/ manager, les études
sur l’emploi des cadres, septembre 2007,
http://jd.apac.fr/resource/mediatec/domain1/media27/16483-x3o61160t6w.pdf
Etude: ALBRECHT S., GUELEN P., DENETRE A., MARIE F., GERARD C.,
MICHEL A.G, Quel avenir pour un ingénieur civil des Mines de Saint-Etienne? –
Conclusions destinées aux admissibles à l’ENSM de Saint-Etienne, Juin 2007,
http://enquete.icm.free.fr
14 HUTEAU M., GUICHARD J. (2005), L’orientation scolaire et professionnelle, Dunod, Paris., p.11