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DROIT PÉNAL DES AFFAIRES

RAPHAËLE PARIZOT
MASTER II DACA
2020-2021

Extraterritorialité et corruption

Exposé présenté par :


DERGACI Maria
TRAPAIDZE Nino
VRABIE Andriana

1
“Au temps de la globalisation, que reste-t-il du territoire ? Au temps des flux immatériels et des risques globaux,
que reste-t-il des frontières, ces points qui fixent le cadre du droit national… ?” : cette interrogation du vice-
président du Conseil d'État, en avril 2012, sur la territorialité du droit, illustre en elle-même à quel point l'État-
nation, qui était jusqu'à une période encore récente le cadre naturel de fabrication de la loi, semble aujourd'hui
dépassé. Le droit international, à l'époque contemporaine, lutte contre les grands délits économiques et
financiers et en particulier contre la corruption, sous ses diverses formes, dans les transactions commerciales.

En effet selon l’article 445-1 et suivants du Code pénal la corruption se définit comme l'agissement par lequel une
personne investie d'une fonction déterminée, publique ou privée, sollicite ou accepte un don, une offre ou une
promesse en vue d'accomplir, retarder ou omettre d'accomplir un acte entrant, d'une façon directe ou indirecte,
dans le cadre de ses fonctions. C’est une infraction pénalement répréhensible.

Quant à L'extraterritorialité c'est un principe de droit international selon lequel un État abandonne une
compétence juridique sur une partie de son territoire au profit d'un autre État ou d'une institution internationale.
Inversement, il peut appliquer, dans certaines conditions, le droit national sur des territoires étrangers.

Il est donc primordial d’examiner ces mesures, selon lesquelles un État peut imposer ses lois hors de son territoire
en matière de corruption. C’est justement ce que pratique le droit américain, première législation où la loi
nationale a une portée extraterritoriale notamment en matière de lutte contre la corruption. Depuis 1970 ils ont
théorisé le concept Lawfare qui dérive à la fois de « Law » et de « Warfare » pour mettre en place, une arme
puissante, à la fois économique et diplomatique au sein de leur législation anti-corruption, en imposant aux
entreprises étrangères des sanctions très lourdes et coûteuses.

En 1977, le FCPA ( Foreign Corrupt and Practice Act) a été adopté qui permet de poursuivre aux USA toute
personne physique ou morale ayant pratiqué des faits de corruption, lorsqu’il existe un lien de rattachement entre
l’infraction et le territoire américain. Il a été remarqué ces dernières années, que plusieurs amendes significatives
ont été imposées par les autorités américaines à des entreprises françaises tombant sous le coup du FCPA (389
millions pour Total en 2013, 772 millions pour Alstom en 2014...).

L’extraterritorialité est devenue l’expression d’une manifestation de puissance ayant une forte connotation
géopolitique. Il est donc primordial d’analyser ses conséquences intrusives et répressives à l’égard des sociétés
européennes. En France, le rapport du 26 juin 2019 de Monsieur le député Raphaël Gauvain propose « Rétablir
la souveraineté de la France et de l'Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale
». Or les mesures phares proposées ne prennent pas en compte la défense des droits des cadres dirigeants et
mandataires sociaux des entreprises françaises, face au changement radical des paradigmes.

Ainsi, l'intérêt du sujet nous amène à examiner de quelle manière l’extraterritorialité américaine, articulée
par le mécanisme français, lutte contre la corruption ?

Il s’agit désormais donc évoquer les conditions d’extraterritorialité de la loi américaine (I) avant d’examiner ses
conséquences extensives dans le droit français (II).

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I. I. L’extraterritorialité du droit américain : une arme économique

A) La lutte américaine contre la corruption internationale

1. L’origine du FCPA et son champ d’application

L’origine de l’extraterritorialité américaine en matière de corruption internationale est le Foreign Corrupt and
Practices Actes (FCPA).

Votée en 1977, cette loi a fait suite à une investigation menée dans les années 1970 par le régulateur américain
(Securities and Exchange Commission) dans le contexte du scandale du Watergate, au cours de laquelle plus de
400 entreprises américaines admettaient avoir émis des paiements illégaux en faveur d’agents gouvernementaux
étrangers.

Initialement, cette loi ne concernait donc que les entreprises américaines.

Toutefois, ces entreprises vont très vite avoir l’impression d’être lésées dans la compétition économique
internationale puisque les entreprises européennes quant à elles continuent à avoir recours à des faits de
corruption internationale.

C’est pour cette raison, que le FCPA a été élargi en 1998 à l’ensemble des entreprises se transformant ainsi en
une loi à portée extraterritoriale.

Comme indiqué en introduction, cette loi permet aux Etats-Unis de poursuivre toute personne physique ou
morale pratiquant la corruption, à condition de prouver l’existence d’un lien de rattachement entre l’infraction et
le territoire américain.

Cependant, la loi ne définissant pas ce qu’est le « lien de rattachement », une large marge d’interprétation a donc
été laissée aux juges américains. C’est pour cette raison que le lien de rattachement est très facilement qualifié.
A titre d’exemple, un email transitant par un serveur basé au Etats-Unis ou l’utilisation de la monnaie nationale
des Etats-Unis (le dollar) dans les transactions, permet de qualifier ce rattachement entre l’infraction et le sol
américain. (US District Court, Eastern District of Virginia, United States of America v. Magyar Telekom, 29
décembre 2011 et US District Court, Southern District of Florida, United States of America v. Alcatel-Lucent, 27
décembre 2010).

Toutefois, le champ d’application du FCPA a été limité par un arrêt « United States c/ Hoskins » rendu par la cour
d’appel fédérale américaine le 24 août 2018 et qui a exclut de son champ d’application, les personnes physiques
non américaines et ne résidant pas aux Etats-Unis.

2. La procédure

Tout commence par une enquête lancée par les autorités américaines.

Ensuite, vient l’étape du procès ou plutôt de l’absence de procès.

En effet, les entreprises peuvent choisir d’aller jusqu’au procès ou bien accepter de coopérer et de s’auto-
incriminer en diminuant ainsi les amendes qui leur seront imposées mais surtout afin d’éviter de passer par une
procédure judiciaire devant les tribunaux américains qui serait plus longue et très coûteuse.

On pourrait croire qu’une fois cette deuxième étape accomplie, la procédure prend fin. Toutefois, ce n’est pas le
cas.

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En effet, il y a une dernière étape dite de surveillance. Dans le cadre de cette étape, un expert est nommé pour
une durée de 3 ans et il a pour mission de voir si l’entreprise ayant été sanctionnée remplit bien toutes les
obligations de conformité.

3. Le cas d’Alstom (un exemple de l’application de cette procédure)

La société Alstom qui était auparavant le frelon du capitalisme de l’État français et qui produisait et entretenait
les turbines de réacteurs nucléaires français a elle aussi été victime de l’extraterritorialité du droit américain.

En 2009, le DOJ a ouvert une enquête concernant les pots de vin qui auraient été versés par Alstom afin d’obtenir
un contrat en Indonésie.

En 2013, un cadre de la société Alstom a été arrêté aux États-Unis est placé en prison sous haute sécurité.

Il s’agissait en réalité d’un otage économique et un message pour le PDG d’Alstom quant à sa nécessaire
collaboration avec les autorités américaines.

Par la suite, toute la branche énergie d’Alstom a été rachetée par le géant américain General Electric qui durant
les négociations pour ce rachat a dit prendre en charge l’amende de 772 millions de dollars qu’Alstom devait
payer aux autorités américaines.
Cependant, en fin de compte, General Electric n’a pas payé cette amende.
Par conséquent, alors que 70% de l’entreprise (soit toute la branche énergie) a été vendu à une entreprise
concurrente américaine, Alstom a dû en plus s’acquitter des 772 millions de dollars.

Cette affaire nous montre bien comment le droit américain est utilisé en tant qu’instrument de puissance
économique et de politique étrangère et la manière dont il est mis au service des firmes américaines.

4. Un outil récent : le Cloud Act

Parmi les armes juridiques récentes utilisées par les États-Unis pour lutter contre la corruption internationale on
pourrait également citer le Cloud Act : loi promulguée en 2018 et qui permet aux autorités américaines de
contraindre les fournisseurs de services américains à leur fournir des données des entreprises étrangères
stockées sur leurs serveurs (que ces données soient situées aux États-Unis ou à l’étranger).

B) Les enjeux d’un droit extraterritorial aux pratiques intrusives, voire abusives

1. Les grands enjeux économiques et financiers

Les pénalités infligées au titre de la loi FCPA, longtemps d’un montant modéré, ont « explosé » à partir de 2008.

S’agissant des entreprises visées, le fait est que les entreprises européennes ne sont pas les plus nombreuses à
être sanctionnées, mais versent des pénalités souvent très lourdes, de sorte qu’elles sont en revanche clairement
majoritaires parmi les entreprises payant les plus gros montants.

Entre 1977 et 2014, 30 % des enquêtes ouvertes dans le cadre de la loi FCPA ont visé des entreprises étrangères,
mais celles-ci ont réglé 67 % du total des amendes collectées.
Sur les 17 pénalités supérieures à 100 millions de dollars recensées en application de la loi FCPA, 10 concernaient
des sociétés contre 5 ou 6 des entreprises américaines.

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Les montants des pénalités infligées en application de la loi anti-corruption FCPA sont déterminés à partir de
l’application de sortes de directives pénales( les United States Federal Sentencing Guidelines, issues de l’United
States Sentencing Commission).

Il y est prévu un processus « objectif » pour fixer les niveaux globaux d’amendes :

– on calcule d’abord une « base d'amande » qui est égale au plus élevé des trois montants suivants : le gain
pécuniaire ou bénéfice résultant de l’infraction en cause ; les pertes qu’elle a causées ; un montant forfaitaire
fixé en fonction de divers facteurs comme le nombre de victimes ;

– on calcule ensuite un « score de culpabilité » à partir de facteurs aggravants, tels que la taille de l’entreprise
ou sa situation éventuelle de récidive, ou atténuants, tels que l’auto-dénonciation des faits en cause, la
coopération avec les autorités ou du moins la reconnaissance de responsabilité dans ces faits ;

- ce score débouche sur la fixation d’un coefficient multiplicateur applicable à la base d'amande. On constate
qu’en règle générale, la grande taille des entreprises en cause est susceptible d’entraîner un doublement du
coefficient multiplicateur (donc potentiellement de l’amende finale toutes choses égales par ailleurs), tandis
que, dans l’autre sens, l’auto-dénonciation, par une grande entreprise, peut réduire ce multiplicateur de 50 %,
la pleine coopération avec les autorités de 20 % et la simple reconnaissance des faits illicites (intrinsèque à la
transaction) de 10 %

- l'application du coefficient multiplicateur à la base d'amande conduit non pas à un montant unique, mais à
la fixation d’une fourchette d’amende.
On a donc un processus « objectif », sinon nécessairement équitable, de calcul d’un intervalle dans lequel
l’amende devra en principe être fixée par le juge, ou plutôt négociée dans le cadre des transactions qui
constituent le mode le plus commun de résolution des dossiers FCPA.
Mais malgré cela, les pénalités imposées aux firmes américaines sont moins lourdes.

A titre d’exemple, un document américain fait une comparaison très significative entre deux cas où les
fourchettes d’amende étaient proches, mais pas les pénalités effectives, ceux de l’entreprise américaine Alcoa
et de l’entreprise française Alstom, qui ont toutes les deux signé des transactions la même année (2014).
La fourchette d’amende d’Alstom n’était en effet plus élevée de 19,5% que celle applicable à Alcoa, alors que
la pénalité imposée à Alstom correspondait au double de celle imposée à Alcoa. (772 millions de $ contre 384
millions de $)

Diverses explications sont avancées pour expliquer ce type d’écarts, telles que le degré de coopération des
entreprises.
L’invocation de l’argument tenant au degré de coopération pour la fixation de l’amende finale est très peu
convaincante puisque ce degré de coopération est déjà pris en compte dans la détermination de la fourchette
d’amende « objective ».

2. Des méthodes intrusives

Les pratiques américaines sont jugées très intrusives dans la vie des entreprises. Parmi les pratiques les plus
critiquées figurent : la procédure « discovery » (qui oblige à fournir de très nombreux documents), de l’obligation
de coopération immédiate et sans réserve avec la justice, celle de mettre en place des programmes de conformité
et de traitement des alertes ou encore du « monitoring » obligatoire après des manquements aux lois américaines.

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S’agissant par exemple de l’obligation de coopérer et de la procédure de discovery, il a été observé qu’elles avaient
pour effet de démultiplier les capacités d’enquête des autorités américaines puisque travail est fait par les
entreprises elles-mêmes et bien sûr de contourner le problème des preuves puisque les entreprises s’auto-
incriminent.

Quant à la surveillance (le « monitoring »), l’expert qui est désigné a accès à toutes les informations de l’entreprise
et fait un rapport chaque année (durant 3 ans) à la justice américaine, ce qui pose un problème évident en termes
d’intelligence économique.

Des pratiques jugées abusives peuvent également apparaître dès la première étape qui est celle de l’enquête. En
effet, au cours de cette enquête, le FBI peut aller jusqu’à faire recours à des agences de couvertures qui seront
chargées d’aller démarcher des entreprises, c'est-à-dire, leur faire payer des commissions pour l’obtention d’un
marché ou d’un contrat.

Compte tenu de tout ce qui a été dit, il semble donc évident que la France doit elle aussi développer des
mécanismes suffisamment efficaces pour contrer l’extraterritorialité du droit américain et par conséquent
protéger ses entreprises et sa souveraineté.

II. La réciprocité des lois françaises face à l'extraterritorialité des lois américaines anti-
corruption

Suite au FCPA, plusieurs entreprises françaises ont été sanctionnées. En conséquence, un rapport d’information
parlementaire a été déposé le 5 octobre 2016 afin de faire valoir que les pratiques américaines sont devenues
abusives. La première étape a été la loi Sapin II. Cette loi prévoyait un pouvoir donné à l’Agence française
anticorruption de surveiller la bonne application de la loi de blocage en cas de monitoring imposé par un
régulateur étranger. elle a aussi facilité la poursuite des faits commis à l’étranger. Toutefois, ces mesures se sont
avérées insuffisantes.

A) La réponse du législateur français

La réponse du législateur français a eu lieu en plusieurs étapes.


Tout d’abord, une mission d’information parlementaire a été lancée en 2016.
Ensuite, la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique, dite Loi Sapin II, a mis en œuvre les recommandations formulées.

1. Le rapport relatif à l’extraterritorialité

● Le nécessaire renforcement du dispositif anticorruption français

La loi américaine se caractérise par un large champ d’application qui repose sur des « hooks » (« crochets »). Ainsi,
la loi américaine trouve à s’appliquer en France notamment à cause de l’absence d’une législation anticorruption
développée en Europe. Cela permet aux États Unis de se faire rattacher à des faits qui semblent très éloignés, un
seul dollar suffit.

Le rapport avait émis deux recommandations principales afin de renforcer le dispositif anticorruption français.
La première était l’instauration d’une convention judiciaire d’intérêt public : toute entreprise qui l’accepterait
pourrait subir trois conséquences : condamnation à une amende civile ; mise en place un programme de mise en
conformité ; réparation des victimes.
La deuxième était l’instauration d’une disposition extraterritoriale grâce à laquelle on pourrait poursuivre des
entreprises étrangères ayant une activité en France

6
● Les deux recommandations se trouvent aujourd'hui prévues par la Loi Sapin II :

L’article 22 de la Loi Sapin II prévoit la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Le 30 octobre 2017, la banque
HSBC a signé cette convention et a payé une amende de 300 millions d’euros

L’article 21 de la Loi Sapin II prévoit un trafic d’influence d’agent public étranger (art. 435-6-2 du Code Pénal).

Il n’est plus nécessaire que l’auteur principal d’un fait d’atteinte à la probité ait été condamné à l’étranger pour
que son complice puisse faire l’objet de poursuites en France

Une plainte préalable du parquet n’est plus requise.

● Les évolutions attendues en matière de sanctions économiques

La loi américaine par son extraterritorialité impose parfois des mesures d’embargos et des sanctions économiques
qui ont des conséquences lourdes au niveau international.

Le Rapport voulait égaler les législations entre la France avec l’Union Européenne et les États Unis.

A l’échelle européenne, le Rapport prévoyait une harmonisation des législations nationales. Il recommandait
notamment la mise en place d’un organe chargé d’appliquer les mesures édictées par l’Union.

A l’échelle française, le Rapport prévoyait de renforcer le dispositif français de sanctions économiques. Il prévoyait
notamment de réformer la « Loi de blocage » française de 1968 qui interdit à toute personne, dont les sociétés
françaises, sous réserve des traités ou accords internationaux : « de demander, de rechercher ou de communiquer,
par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d'ordre économique,
commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires
ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci ».

Il recommandait aussi une amélioration des moyens de renseignement économique :


- Le Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Économique a été créé en 2016
- Différentes mesures ont été prises afin de faciliter la circulation de l’information entre la cellule de
renseignement financier française (TRACFIN), les services de police et gendarmerie, le parquet
national financier et les cellules de renseignement étrangères.

2. Le dispositif prévu par la loi Sapin II

● L’obligation de prévention contre le risque de corruption

Dans son article 17 de la loi Sapin II, il est prévu la mise en place d’une obligation de prévention contre le risque
de corruption. Cet article pose les critères pour quelles entreprises cette obligation s’applique. Ainsi, elle concerne
plus de 1 600 sociétés privées, des établissements publics à caractère industriel et commercial, les dirigeants des
sociétés employant plus de 500 salariés et les dirigeants des groupes de sociétés employant plus de 500 salariés
et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions d’euros.

Ils doivent prendre des mesures, notamment :

« 1° Un code de conduite définissant et illustrant les différents types de comportements à proscrire comme étant
susceptibles de caractériser des faits de corruption ou de trafic d'influence ;

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2° Un dispositif d'alerte interne destiné à permettre le recueil des signalements émanant d'employés et relatifs à
l'existence de conduites ou de situations contraires au code de conduite de la société ;
3° Une cartographie des risques prenant la forme d'une documentation régulièrement actualisée et destinée à
identifier, analyser et hiérarchiser les risques d'exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de
corruption, en fonction notamment des secteurs d'activités et des zones géographiques dans lesquels la société
exerce son activité ; 4° Des procédures d'évaluation de la situation des clients, fournisseurs de premier rang et
intermédiaires au regard de la cartographie des risques ;
5° Des procédures de contrôles comptables, internes ou externes, destinées à s'assurer que les livres, registres et
comptes ne sont pas utilisés pour masquer des faits de corruption ou de trafic d'influence. Ces contrôles peuvent
être réalisés soit par les services de contrôle comptable et financier propres à la société, soit en ayant recours à un
auditeur externe à l'occasion de l'accomplissement des audits de certification de comptes prévus à l'article L. 823-
9 du code de commerce ;
6° Un dispositif de formation destiné aux cadres et aux personnels les plus exposés aux risques de corruption et de
trafic d'influence ;
7° Un régime disciplinaire permettant de sanctionner les salariés de la société en cas de violation du code de
conduite de la société ;
8° Un dispositif de contrôle et d'évaluation interne des mesures mises en œuvre »

AFA contrôle l’application de ses obligations par plusieurs moyens. Il a un pouvoir d’enquête. Il peut avoir un
recours à tout document ou information. En outre, il peut procéder à une vérification sur place et s’entretenir
avec des personnes.
En cas de manquement, il émet un avertissement et peut ensuite saisir la commission des sanctions. Les amendes
sont de 200 000 euros d’amende pour les personnes physiques et d’1 millions d’euros pour les personnes morales.
De plus, l’amende peut être accompagné des mesures de publication, de diffusion ou d’affichage

● La transposition du monitoring américain en droit français

Cette obligation de prévention est assortie d’un mécanisme de mise en conformité qui concerne toutes les
sociétés.

L’article 131-39-2 du code pénal prévoit un plan de prévention sous le contrôle de l’AFA pour les sociétés
condamnées pénalement pour corruption ou trafic d’influence. Il peut être également prévu par la signature
d’une CJIP. Le programme peut durer 5 ans maximum.

Le non-respect de la conformité est sanctionné par une peine pouvant aller jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et
50 000 euros d’amende pour les personnes physique et 250 000 euros d’amende pour les personnes morales qui
pourra être assortie d’une diffusion ou affichage.

En outre, le procureur de la République peut proposer un programme de conformité pendant une durée de 2 ans
maximum.

B. Les critiques et modifications à apporter


1. Le rapport Gauvain

Pour Raphaël Gauvain, « la principale proposition est bien la protection des avis juridiques car c’est elle qui va
permettre de mettre notre pays à niveau et aussi de donner une arme à nos entreprises pour se protéger en se
servant du droit américain. Mais les trois premières propositions sont un package : protection des avis, réforme
de la loi de 1968 et mesure anti-cloud act doivent être mises en place ensemble, car elles s’articulent. ».

Sa proposition principale est d’instaurer un legal privilege accompagné par l’avocat en entreprise.

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Ainsi, Raphaël Gauvain rappelle que la loi de 1968 qu’il souhaite moderniser met en place un mécanisme très
important. En effet, selon cette loi, en aucun cas une autorité publique étrangère ne peut s’adresser directement
à un citoyen français ou à une entreprise française dans le cas d’une procédure mais doit passer par la coopération
judiciaire. Cette loi n’a jamais vraiment été mise en œuvre, c’est pour cela qu’il convient de la moderniser. Raphaël
Gauvain souhaite également l’élaboration d’une doctrine nationale « sur les secrets à protéger », afin d’éviter, à
l’avenir, la transmission d’informations sensibles par nos administrations. Il propose de renforcer l’utilisation de
la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Il recommande que la France saisisse pour avis la Cour
internationale de justice afin de fixer le droit international sur l’extraterritorialité, qu’elle propose à l’OCDE de
fixer des règles communes et que l’Union européenne renforce les outils communautaires de protection des
entreprises face aux demandes des autorités étrangères.

Enfin, le député voudrait une mission parlementaire pour durcir la lutte contre les infractions économiques et
financières La sanction prévue dans ce rapport est de dire aux entreprises que si jamais elles répondent à l’autorité
américaine et lui fournissent des informations, elles seront soumises à une amende correspondant à 4% de leur
chiffre d’affaires mondial. L’objectif de ce rapport et des mesures qui y sont proposées est de rétablir la
souveraineté de la France en ripostant à l’utilisation du droit américain comme arme économique dans la guerre
économique. Il s’agit d’assumer un rapport de forces avec les USA.

Des pays comme L'inde ou encore la Russie envisagent d’imiter les États-Unis et selon Gauvain, cette «
multiplication va tuer le commerce international ».

Selon lui, « c’est une atteinte très, très grave à notre souveraineté ».

2. Le manque de garanties procédurales en cas de contrôle de l’AFA

Tout d’abord, il y a des nombreux problèmes quant à la confidentialité. Le décret n° 2017-329 du 14 mars 2017
relatif à l'AFA prévoit, en son article 5, que l'audience de la Commission des sanctions, en cas de manquement à
l'obligation de prévention contre le risque de corruption, est publique. Toutefois, le décret précise que : « le
président peut interdire au public l'accès de la salle pendant tout ou partie de l'audience pour préserver l'ordre
public ou lorsque la publicité est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ou tout autre secret protégé
par la loi ». La notion de secret des affaires n'est pas définie en droit français à ce jour. Tel que le décret est rédigé,
le choix de ne pas tenir les débats en audience publique sera laissé à la seule appréciation de la Commission des
sanctions. Cette solution a été confirmée par la « Charte des droits et des devoirs des parties prenantes au
contrôle», publiée par l'AFA en 2017.

Rien n’est prévu sur les questions liées à la protection des informations classifiées ou faisant l’objet d’une marque
particulière de confidentialité.

Ensuite, le texte ne prévoit pas de garanties quant aux droits de la défense dans le cadre des contrôles.

Enfin, le rapport d’enquête de l’AFA ne tient pas compte des observations reçues sur le projet de rapport mais
sur le rapport lui-même. On peut s’en douter de l’utilité si le rapport est déjà établi.

Ainsi, au vu des éléments invoqués il serait indispensable d'examiner les questions suivantes :

L’extraterritorialité du droit américain dans la lutte contre la corruption internationale justifie-t-elle la


violation de la souveraineté de l’État français ?

Une procédure moins abusive ne serait-elle pas préférable ?

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Bibliographie :
• Rapport d’information n°4082 enregistré à l’Assemblée Nationale le 5 octobre 2016, déposé par la Commission des affaires étrangères
et la Commission des finances sur l’extraterritorialité américaine

• Le décret n° 2017-329 du 14 mars 2017 relatif à l'AFA

• Article 435-6-2 du Code Pénal


• Article 445-1-1 et suivants du Code pénal
• https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039183231/#:~:text=Est%20puni%20de%20cinq%20ans,course%20h
ippique%20donnant%20lieu%20%C3%A0

• https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b0164_rapport-fond

• https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033558528/

• De nouvelles réflexions autour de l’extraterritorialité de la loi pénale américaine anticorruption par Pauline Dufoura et Manon
Kroutile (13 septembre 2019) – Dalloz Actualité https://www.dalloz-actualite.fr/flash/de-nouvelles-reflexions-autour-de-l-
extraterritorialite-de-loi-penale-americaine-anticorruptio#.YE563ulKhn4

• Le rapport Gauvain sur la protection des entreprises contre les sanctions américaines par Pierre Januelle (26 juin 2019) – Dalloz
Actualité https://www.dalloz-actualite.fr/flash/rapport-gauvain-sur-protection-des-entreprises-contre-sanctions-
americaines#.YE57ZOlKhn4

• Extraterritorialité du droit américain : le grand « Hold-Up » par Ludovic Lassauce


https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/extraterritorialite-du-droit-americain-le-grand-hold-up-832113.html

• Pourquoi la vente controversée d’Alstom à General Electric fait à nouveau parler d’elle par Claudia Cohen , in Le Figaro, 2019
https://www.lefigaro.fr/societes/pourquoi-la- vente-controversee-d-alstom-a-general-electric-fait-a-nouveau-parler-d-elle-20190724

• Philippe Bonnecarrère, Le règlement de blocage de 1996 : un instrument de la souveraineté européenne pour bloquer les effets, sur le
territoire européen, des décisions américaines de boycott in Sénat http://www.senat.fr/rap/r18-017/r18-0176.html

• Extraterritorialité des lois américaines : conséquences pratiques et juridiques pour les cadres dirigeants et mandataires sociaux Catherine
BOINEAU Avocat, médiateur à la Cour d'appel de Paris https://www-lamyline-
fr.faraway.parisnanterre.fr/Content/Document.aspx?params=H4sIAAAAAAAEAE2MPW4DIRCFT2MaN7O7jgkFjeU6jfEBxjCKUTb
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KLwLWjBmyB9FSqCxFAEAAA==WKE
• Fantasmes et réalités autour de l'extraterritorialité du droit américain Régis BISMUTH
o https://www-lamyline-
fr.faraway.parisnanterre.fr/Content/Document.aspx?params=H4sIAAAAAAAEAE2MPW4DIRCFT2MaN7O7jjcUNJbr
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MLIbv7a-Ozs_1BZlKhXFMYC4z_C4UiuUr-khs7KgZ2q5uEWTi8iSzDCMMfhXdhFbQe8ge0_DKPFAEAAA==WKE
• https://www.lexis360.fr/Document/droit_americain_extraterritorialite_le_cloud_act_nouvel_instrument_de_guerre_economique_renfo
rcant/QyVMQfs8Gn_d1JJWz4X-
Rv30qXF1agAAHNvPC4E_1AY1?data=c0luZGV4PTUmckNvdW50PTEwOSY=&rndNum=7411870405&tsid=search3_

• https://www.lexis360.fr/Document/extraterritorialite_extraterritorialite_la_reponse_francaise_aux_exces_americains_le_mot_de_la/JV
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• https://www.lexis360.fr/Document/entreprises_rapport_gauvain_la_france_doit_proteger_ses_entreprises_des_mesures_a_portee/-
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