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AGRICULTURES FAMILIALES EN AMÉRIQUE LATINE.

ÉMERGENCE, AVANCÉES ET LIMITES DES POLITIQUES CIBLÉES


Éric Sabourin, Jacques Marzin, Jean-François Le Coq, Gilles Massardier, Sandrine
Fréguin-Gresh, Mario Samper, Marie Gisclard, Octavio Sotomayor

Armand Colin | « Revue Tiers Monde »

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2014/4 n° 220 | pages 23 à 41
ISSN 1293-8882
ISBN 9782200929053
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http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2014-4-page-23.htm
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Pour citer cet article :


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Éric Sabourin et al., « Agricultures familiales en Amérique latine. Émergence,
avancées et limites des politiques ciblées », Revue Tiers Monde 2014/4 (n° 220),
p. 23-41.
DOI 10.3917/rtm.220.0025
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AGRICULTURES FAMILIALES :
TRAJECTOIRES, MODERNITÉ
ET CONTROVERSES (I)

AGRICULTURES FAMILIALES EN AMÉRIQUE LATINE.


ÉMERGENCE, AVANCÉES ET LIMITES

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DES POLITIQUES CIBLÉES
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Éric Sabourin* , Jacques Marzin** , Jean François Le Coq*** , Gilles Massardier**** ,


Sandrine Fréguin-Gresh***** , Mario Samper****** , Marie Gisclard******* ,
Octavio Sotomayor*********

Cet article analyse les politiques d’appui à l’agriculture familiale en Amérique latine. À partir
d’une étude conduite dans onze pays, il compare les facteurs et vecteurs d’émergence de ces
politiques, leur similitude et diversité, leurs principaux résultats et perspectives d’évolution.
L’étude montre une déclinaison diversifiée d’un modèle général de politique ciblée malgré sa
diffusion régionale via les agences internationales et les mouvements sociaux. Ces politiques
ciblées permettent une reconnaissance publique de la catégorie agriculture familiale et des
résultats en termes de lutte contre la pauvreté.
Mots-clés : Agricultures familiales, analyse des politiques publiques, régionalisation, Amérique
latine.

* Sociologue, Cirad, UMR Art-Dév et univ. de Brasilia/CDS, Brésil, sabourin@cirad.fr.


** Économiste, Cirad, UMR Art-Dév, Montpellier, marzin@cirad.fr.
*** Économiste, Cirad, UMR Art-Dév et Univ. Nacional de Costa Rica/CINPE, jflecoq@cirad.fr.
**** Politiste, Cirad, Montpellier, massardier@cirad.fr.
***** Économiste, Cirad, UMR Art-Dév et Nitlapan-UCA, Nicaragua, freguin@cirad.fr.
****** Spécialiste en Développement Rural, Iica, coordinateur de la Plateforme régionale d’appui technique Ecadert, mario.samper
@gmail.com.
******* Géographe, ex post doctorante INRA Toulouse, Université Paris 1, marie.gisclard@univ-paris1.fr.
********* Agronome, Cepal et directeur Inpad Chili, octavio.sotomayor@indap.cl.

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É. Sabourin, J. Marzin, J.-F. Le Coq, G. Massardier, S. Fréguin-Gresh, M. Samper,
M. Gisclard, O. Sotomayor
INTRODUCTION
Dans les années 1990-2000, la plupart des pays d’Amérique latine ont
engagé des politiques publiques d’appui à l’agriculture familiale (AF). Ainsi,
le Brésil, puis les pays du Mercosur, mais aussi d’autres, comme Cuba1 , ont
progressivement et de manière différenciée instauré des politiques ciblées,
permettant une avancée dans la reconnaissance d’une catégorie jusque-là peu
portée politiquement.
Qu’appelle-t-on « agricultures familiales » au regard des politiques ciblées

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sur cette catégorie, sachant qu’il n’en existe pas une définition analytique ou
statistique unique ? Une première définition académique est souvent mobilisée
sur la base du concept d’économie paysanne de Tchayanov (1990), caractérisée
par l’existence de liens organiques entre famille et unité de production et
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par l’utilisation de force de travail familiale excluant le recours au salariat


permanent (Bélières et al., 2013). Mais il existe également diverses définitions
politiques qui correspondent à la délimitation d’une catégorie de producteurs
familiaux résultant de processus à chaque pays. En Amérique latine, la catégorie
d’agriculture familiale a donné lieu à des réflexions sur les formes de production
et leur accès à la ressource foncière dès les années 1960 (Solon et Domike, 1966).
De même, Schejtman (1975) analyse finement les relations entre les types de
production de l’agriculture familiale et leur articulation avec les structures
latifundiaires. L’accès au foncier par la réforme agraire ou sa sécurisation par
les réglementations sur le fermage indirect est au cœur de ces questions. Après
une longue période où ces catégories sont peu mobilisées, émergent dans
les années 1990 des définitions politiques de l’AF qui reposent sur quatre
critères diversement déclinés en fonction de la base sociale visée : travail
familial majoritaire, gestion familiale de la production, surfaces réduites et part
majoritaire des revenus agricoles (FAO, 2012 ; 2014). Comme toute politique,
une politique ciblée sur l’agriculture familiale comporte des objectifs de services
(crédits, formation, assistance technique, etc.), des populations cibles, une
administration dédiée et un budget public.
Mais au-delà de la diversité des contextes, des pas de temps, des processus
productifs concernés, quels sont les mécanismes spécifiques d’émergence de ce
qui constituerait un modèle latino-américain de politiques pour l’agriculture
familiale ? Quelles sont les origines et les causes de l’adoption de ces politiques ?
Quels sont leurs défis, leurs résultats et leurs perspectives ?
Cet article tente d’apporter une réponse à ces questions à partir d’une étude
longitudinale comparative des trajectoires et résultats des politiques touchant

1. À Cuba, la décision de relancer l’agriculture privée familiale en 1993 intervient lors de la chute du bloc soviétique et de la fin
de la division internationale du commerce agricole liant ces pays.

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Agricultures familiales en Amérique latine

l’agriculture familiale réalisée dans onze pays d’Amérique latine et Caraïbe2 .


Même si l’on trouve quelques statistiques dans certains pays permettant de
dimensionner la place de l’agriculture familiale (tableau 1) et montrant que
cette forme d’agriculture est majoritaire en nombre, il n’existe pas de chiffres
sur l’évaluation des politiques publiques dédiées à ce secteur en dehors du Chili
et du Brésil où les programmes ciblés sont plus anciens.
Tableau 1 : Caractéristiques de l’agriculture familiale
dans les pays disposant de statistiques (2007)
Nica-

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Pays Brésil Chili Colombie Équateur Mexique
ragua
N° d’exploitations
4139 285 737 740 4834 287
familiales (millier)
% du total des
85 87 87 88 78 98
exploitations agricoles
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% de la SAU totale 30 14 66 48 71 30
Sup. moyenne
26 23 3 7 6 2.56
exploit AF (ha) SAU
Sup. moy. autres
433 1090 15 71 343 433
exploitat. (ha) SAU
% valeur du PIB
38 27 41 45 39 67
agricole
% emploi dans Pas de Pas de
77 57 57 70
le secteur agricole donnée donnée

Sources : auteurs et FAO-BID (2007).


NB : Les définitions de la catégorie agriculture familiale étant variable entre pays, la compa-
raison de ces chiffres doit être conduite avec précaution.

Dans une première partie, cet article rappelle le processus d’émergence et de


diffusion régionale de politiques d’appui à l’agriculture familiale dans les pays
de l’étude. Il présente ensuite leur diversité dans la seconde partie et propose
finalement une analyse de leurs principaux résultats, défis et perspectives à
l’échelle régionale.

2. Les études effectuées en 2013 dans le cadre du réseau « Politiques publiques et développement rural en Amérique latine », en
Argentine, au Brésil, au Chili, au Costa Rica, en Colombie, à Cuba, en Équateur, au Mexique, au Nicaragua, au Pérou et en Uruguay
sont regroupées dans un ouvrage collectif (Sabourin et al., 2014). La méthodologie reposait sur l’application d’une grille d’analyse
commune en cinq parties : 1) la place de l’AF dans l’économie ; 2) l’histoire et la trajectoire des politiques agricoles et rurales ; 3)
leur origine et le rôle des mouvements sociaux dans l’émergence de leur prise en compte de l’agriculture familiale ; 4) la définition
de l’agriculture familiale adoptée et la caractérisation des principaux instruments ; 5) les résultats, défis et perspectives de ces
politiques.

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É. Sabourin, J. Marzin, J.-F. Le Coq, G. Massardier, S. Fréguin-Gresh, M. Samper,
M. Gisclard, O. Sotomayor
ÉMERGENCE ET DISSÉMINATION RÉGIONALE DES POLITIQUES
D’AGRICULTURE FAMILIALE
Historiquement, on distingue deux grandes périodes pour les politiques
relatives à l’agriculture familiale en Amérique latine. La première (1950-1990)
correspond aux réponses aux luttes pour l’accès à la terre ; la seconde (depuis
1990) est marquée par l’apparition et la dissémination continentale de politiques
ciblées sur l’agriculture familiale. Cette émergence de politiques différenciées
résulte à la fois des effets des processus de libéralisation et d’ajustement structurel
qui ont parfois fragilisé l’agriculture familiale et des transitions démocratiques

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qui ont donné lieu à la constitution de groupes d’intérêts, mouvements sociaux
et coalitions influençant à leur tour les politiques.

Diversité des processus nationaux d’émergence et facteurs communs


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L’émergence de politiques d’appui à l’agriculture familiale s’est faite de


manière différenciée selon les contextes et trajectoires agricoles de chaque pays.
Au Brésil, après le blocage par la coalition rurale conservatrice du projet
de réforme agraire lors de l’assemblée constituante de 1988, a été conduite
une politique de crédit visant à faciliter l’insertion des petits producteurs dans
des filières contrôlées par l’agriculture patronale et la colonisation de l’Ama-
zonie, évitant ainsi d’engager une réforme foncière. Le poids des mouvements
sociaux (surtout la Confédération des travailleurs de l’agriculture/Contag) a été
déterminant pour obtenir en 1995 la création du Programme national d’appui
à l’agriculture familiale (Pronaf), puis pour mener des négociations qui ont
conduit à partir de 2003 à une forme de cogestion de la politique d’agriculture
familiale durant les deux gouvernements Lula (Sabourin, 2014).
En Argentine, entre 1970 et 1990, plus de 100 000 petites exploitations
agricoles ont disparu, sans que la re-démocratisation du pouvoir à partir
des années 1990 ait pu constituer une opportunité favorable à l’agriculture
familiale, en raison de l’instabilité économique et de l’absence d’un mouvement
social fort et uni3 . Ce n’est qu’à partir de 2003, le gouvernement Kirchner
s’intéressant au secteur agricole, que l’agriculture familiale a été prise en
compte dans l’élaboration des politiques sectorielles (Iindec, 1988 et 2002,
Lattuada & Neuman, 2005). En Uruguay, la victoire électorale en 2004 de la
coalition de gauche liée aux organisations de producteurs familiaux (notamment
la Commission nationale des Organisations Rurales) a officialisé la mise en
politique de l’agriculture familiale, même si des programmes ciblant les petits
producteurs financés par la coopération internationale (Fida, PNUD, Banque

3. Les mouvements sociaux agricoles (la Société rurale et les Confédérations rurales pour l’agriculture patronale, la Fédération
agraire argentine pour l’agriculture familiale) ont toujours montré une forte hétérogénéité Juarez et al, 2014).

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Agricultures familiales en Amérique latine

mondiale) avaient émergé sous le gouvernement libéral précédent (De Torres et


al., 2014).
Les réformes agraires d’inspiration socialiste à Cuba (1961-1963) et au
Nicaragua (1981-1984) ont transformé les structures productives, notamment
les grands domaines en fermes d’État (dans les deux pays) et en coopératives
(Nicaragua), mais avec des résultats mitigés. À Cuba, la redistribution foncière
à des producteurs familiaux reprend dès 1993 (Paz, 1997) et se renforce après
2008, mais essentiellement pour satisfaire les besoins domestiques (Marzin,
2014). Au Nicaragua, le retour des libéraux au pouvoir en 1990 a entraîné la re-

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concentration des structures agraires et une crise sectorielle liée à l’ajustement
structurel. Le gouvernement sandiniste élu en 2007 crée une direction de
l’agriculture familiale au sein du ministère d’Économie familiale, le Mefcca
(Fréguin-Gresh et al., 2014).
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Au Costa Rica, après une forte mobilisation rurale face à la politique


d’ajustement structurel et de libéralisation des années 1990, l’atomisation
des mouvements paysans et la réduction des soutiens publics à l’agriculture
n’ont pas permis l’émergence d’une politique spécifique et ont affaibli les
institutions sectorielles (Edelman, 2005). La formulation d’un Plan sectoriel pour
l’agriculture familiale en 2010 (MAG, 2012) correspond surtout au sauvetage
de ces institutions avec l’aide de la coopération internationale (Rivera, 2012 ;
Salazar et al., 2014).
Dans les pays andins (Colombie, Équateur, Pérou), les expériences de réforme
agraire ont été frustrées et aucune politique spécifique en faveur de l’agriculture
familiale ne s’est affirmée, malgré l’activisme des mouvements sociaux souvent
divisés ou instrumentalisés. Les agriculteurs familiaux y étant numériquement
majoritaires, les mieux dotés en ressources et capital bénéficient de la politique
agricole générale et les plus pauvres ou isolés des récentes mesures sociales
(Pérou et Équateur ; Meynard, 2014 ; CAN, 2013).
Enfin, la situation est comparable au Mexique où aucune politique ne cible
l’agriculture familiale malgré quelques tentatives avortées. Suite à la réforme
agraire de 1915-1921, l’État a pu maintenir un contrôle des mouvements paysans.
La contre-réforme agraire avec la possibilité de privatisation des ejidos4 en 1992
a provoqué une série de changements et des revendications populaires qui sont
restées insatisfaites y compris après le vote de la loi de Développement rural
durable en 2001 (Chapela et Menéndez, 2014 ; FAO-Sagarpa, 2012 ; Robles,
2013).

4. Régime foncier collectif spécifique et formes d’organisations sociopolitiques centrales dans le dispositif de gouvernance rurale
du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI).

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M. Gisclard, O. Sotomayor
L’analyse transversale des trajectoires de ces politiques souligne l’importance
de plusieurs facteurs diversement combinés.
D’abord, la fin des dictatures militaires et les transitions démocratiques des
années 1980 (O’Donnel et al., 1986) ont permis l’émergence de mouvements
sociaux, le renforcement des syndicats et l’expression de coalitions défendant
l’agriculture familiale. En s’imposant dans les négociations avec les pouvoirs
publics (Argentine, Brésil, Uruguay) ou en se renforçant avec la régionalisation
des organisations de producteurs (tous les pays), leurs revendications, associées
à des changements économiques (Cuba) et/ou de gouvernement (Argentine,

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Brésil, Mexique, Nicaragua, Uruguay) ont facilité l’institutionnalisation de
l’agriculture familiale.
Le renforcement de ces mouvements sociaux a été permis par leur rénovation
notamment par des leaders mieux formés, ayant vécu l’exil ou la clandestinité
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et développé un fort pragmatisme. Moins soumis aux contrôles d’Églises


ou de partis révolutionnaires et plus enclins à la négociation, ils ont formé
des alliances larges incluant hauts fonctionnaires et universitaires. Renonçant
progressivement à des postures révolutionnaires, ces mouvements sociaux
ruraux ne prônent plus des réformes radicales du monde agricole mais la mise
en place de politiques d’appuis ciblées sur l’agriculture familiale. Les résultats
mitigés des réformes agraires (Brésil, Chili, Cuba, Mexique, Nicaragua, Pérou)
associés aux programmes sectoriels de « modernisation » par la révolution
verte et l’intégration au modèle de développement agro-industriel ont entraîné
l’exclusion de nombreux producteurs familiaux des processus productifs, des
marchés et l’exode rural. Certains se sont organisés au sein des mouvements
sociaux, revendiquant l’accès équitable aux ressources (notamment le foncier) ;
d’autres ont acquis un poids politique depuis les villes où ils ont migré,
représentant une menace de soulèvement ou un problème social pour les
gouvernements (cas des Sans Terres au Brésil).

Circulation et transfert régionaux des modèles de politiques


Quatre facteurs imbriqués expliquent la dissémination continentale relative-
ment rapide d’un modèle de politique publique dédiée à l’agriculture familiale.
Premièrement, la circulation d’idées par la constitution d’alliances entre
syndicats ruraux et chercheurs/universitaires (Dumoulin et Saurugger, 2010),
a joué un rôle majeur à l’échelle du Mercosur et de l’Amérique centrale. Dès
1990, certains intellectuels « organiques » des syndicats ruraux, techniciens ou
universitaires, deviennent des intermédiaires ou médiateurs de projets politiques,
favorisant la circulation d’idées dans les sphères de revendication. Lécuyer (2012)
observe ainsi au Brésil la proximité entre des leaders de la Contag et les syndicats
des services de recherche et de développement agricole, certains ayant été à
l’origine de l’élaboration du Pronaf.

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Agricultures familiales en Amérique latine

Deuxièmement, la circulation de modèles de politiques par la médiation


des organisations internationales (Risse-Kappen, 1995) a joué un rôle central
dans la promotion de programmes d’appui à l’agriculture familiale (World
Bank, 2007). Ainsi, la FAO s’est impliquée dans l’appui à la définition du Pronaf
au Brésil dès 1993 (FAO-Incra, 1994) et dans la diffusion de ce modèle dans
les années 2000 à l’échelle régionale (FAO-BID, 2007 ; FAO, 2014). Par son
statut dans l’Organisation des États américains, l’Institut interaméricain de
coopération agricole/Iica fournit de l’assistance technique aux ministères de
l’Agriculture des États membres, administre et exécute des projets d’envergure
(Iica, 2010). Il mobilise ainsi un réseau de consultants formés à l’international

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et peut recourir à des ex-ministres ou des hauts fonctionnaires, ce qui lui
confère une position privilégiée de médiateur auprès des États. Les effets de
l’intervention de ces organisations sont directs par le financement d’études et
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de programmes spécifiques et leur contribution à l’élaboration des politiques.


Ils sont indirects, par la terminologie employée (Rose, 1991), ou influençant
la définition des catégories cibles par la diffusion d’un modèle de typologie
des agriculteurs familiaux (FAO, 2012) reposant sur le degré d’intégration au
marché.
Troisièmement, on observe une dissémination de modèles de politiques
pour l’agriculture familiale à l’échelle sous-régionale, aussi bien au niveau
des gouvernements via les Institutions d’intégration régionale (Mercosur,
Sica, Can) (Dabene, 2009) qu’à celui des mouvements sociaux régionaux
(Pasquier, 2002) comme la Réunion spécialisée sur l’agriculture familiale
(Reaf), ou la Coordination des producteurs familiaux du Mercosur. Ainsi,
suite aux revendications de la Reaf, un fonds de développement de l’agriculture
familiale du Mercosur a été créé en 2013 sur le modèle des fonds structurels
européens. Quoique modestement doté (il ne permet à ce jour que de financer le
fonctionnement du secrétariat exécutif de la Reaf), il constitue un pas important
dans la régionalisation et la circulation de ces politiques.
En Amérique centrale, une initiative du Conseil agricole centroaméricain
dans le cadre du Système d’intégration centroaméricain (Sica) a donné lieu
à la mise en place de la Stratégie centroaméricaine de développement rural
territorial 2010-2030 (Ecadert ; Iica-Secac, 2010). Elle bénéficie de l’appui de
la coopération ibéro-américaine et propose l’incorporation dans les politiques
nationales d’un cadre de référence et de promotion du développement rural
territorial avec un volet dédié à l’agriculture familiale.
Enfin, le transfert de politiques d’un pays à un autre (Dolowitz et Marsh,
2000) constitue le quatrième facteur de diffusion. Le Brésil, puissance régionale et
précurseur des politiques d’appui à l’agriculture familiale, exporte son expérience
en Amérique latine par le biais de la coopération Sud-Sud (Goulet et al., 2013).
C’est par exemple le cas du Pronaf, des programmes de développement territorial

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rural et d’achat public d’aliments à l’agriculture familiale. Ce transfert de
politiques – vers l’Uruguay, l’Équateur, le Paraguay, le Nicaragua, le Guatémala
ou El Salvador – est appuyé par des organismes internationaux confirmant la
mobilisation simultanée et l’imbrication des quatre facteurs de dissémination
mentionnés (Massardier et Sabourin, 2013).

DIVERSITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES AFFECTANT LES AGRICULTURES


FAMILIALES

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On peut distinguer trois principaux types de politiques publiques concernant
l’agriculture familiale en Amérique latine (tableau 2) :
– des politiques agricoles généralistes affectant, entre autres, l’agriculture
familiale ;
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– des politiques ciblant spécifiquement l’agriculture familiale ;


– des politiques thématiques ou intersectorielles affectant indirectement les
agriculteurs familiaux.

Les politiques agricoles généralistes


Ces politiques se retrouvent principalement dans les pays où les agricultures
familiales ou paysannes sont démographiquement dominantes (Colombie, Équa-
teur, Pérou) ou, au contraire, marginalisées et sans poids politique (Costa Rica).
Orientées vers la modernisation de l’agriculture, elles affectent les conditions de
production de tous, dont les agriculteurs familiaux : l’État intervient pour facili-
ter l’accès aux ressources (foncier, infrastructures, crédit, capital humain) afin
d’accroître la production et la productivité. On y retrouve divers instruments :
programmes d’investissements matériels individuels ou collectifs, soutiens à
l’installation, à l’acquisition d’équipements (de transformation, irrigation, pro-
duction énergétique, de raccordement aux réseaux électriques ou d’eau) ; appuis
à la commercialisation (silos et magasins, infrastructures de transports...) ; pro-
grammes de formation professionnelle en coopérativisme, en gestion financière
ou de personnel ; programmes de vulgarisation et de conseil agricole.
Ces politiques d’assistance technique fondées sur la vision productiviste de la
révolution verte ont touché tous les pays d’Amérique latine. Elles ont été réduites
ou abandonnées par manque de moyens après les processus d’ajustement
structurel des années 1980-19905 . Même si des innovations et adaptations
existent, par exemple des programmes de formation ou alphabétisation à
distance par radio, télévision, internet et téléphonie mobile en Uruguay, Chili et
Brésil (Sabourin et al., 2013), ces politiques restent souvent une référence ancrée

5. Ainsi, la FAO (2014) note que seuls 8 % des agriculteurs familiaux du Brésil ont accès à l’assistance technique, en dépit des
ressources investies, alors que ce chiffre atteint 15 % au Paraguay et 18 % au Nicaragua.

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Agricultures familiales en Amérique latine

dans les esprits, dans les universités d’agronomie, les ministères d’Agriculture et
surtout dans les services de vulgarisation agricole.

Les politiques ciblées sur la catégorie « agriculture familiale »


Ces politiques ciblant spécifiquement l’agriculture familiale sont justifiées
par leur capacité à faire face aux limites des politiques productivistes présentées
précédemment (notamment en termes d’exclusion des producteurs familiaux des
processus de modernisation) et à répondre aux problèmes nationaux récurrents
de souveraineté et sécurité alimentaire, de pauvreté et d’emploi. Elles ont été

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développées dans la majorité des pays étudiés avec des temporalités différentes :
dès les années 1960 au Chili (Institut de développement agricole/Indap en 1962)
et surtout entre 1990 et 2007 (Cuba en 1993, Brésil en 1995, Argentine en 2004,
Uruguay en 2006). Elles ont été élaborées tout récemment au Costa Rica (2010),
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Nicaragua (2012) ou n’existent qu’à l’état de projet au Mexique et dans les pays
andins. Elles combinent souvent différents instruments dans un même cadre
de politique nationale. Leur base commune (Indap au Chili, Pronaf au Brésil,
Proinder en Argentine, Crissol au Nicaragua) réside dans l’octroi de crédits
différenciés ou subventionnés, individuels ou collectifs ; d’un appui à l’adoption
de technologie par la fourniture d’assistance technique ; d’actions de formation
ou de promotion des organisations (syndicales, associatives, coopératives).
Pour garantir un traitement spécifique des agriculteurs familiaux, certains
pays (Argentine, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay) ont adopté une définition
normalisée (inscrite dans une loi) de la catégorie et ont mis en place un
registre national6 (Marquez et Ramos, 2012). L’enregistrement donne accès à des
garanties bancaires, à des instruments associés (semences, assurances récolte,
transferts conditionnés ou bourses thématiques), aux achats publics et aux
marchés spécifiques, aux appuis au logement et à l’électrification.
Toutefois, bien souvent, les critères pour définir les cibles ne concernent pas
un nombre important d’agriculteurs familiaux, ainsi exclus des programmes
d’appui : agriculteurs produisant pour l’autoconsommation ou le marché de
proximité ; exploitations pluriactives (revenu non majoritairement agricole) ;
pêcheurs artisanaux, cueilleurs-forestiers ou producteurs issus des minorités
ethniques, indigènes et afro-descendants (Grisa et Schneider, 2014 ; Sabourin,
2014). Enfin, il existe un risque que les politiques sociales prennent le pas sur la
dimension productive et qu’un traitement de plus en plus social des agricultures

6. Toutes les définitions s’accordent sur la gestion familiale de la production. Sauf pour le Paraguay et l’Uruguay, elles considèrent
que l’agriculteur familial doit résider sur l’exploitation. Le recours au salariat est considéré différemment, avec, par exemple, un
maximum de deux salariés permanents au Brésil et en Argentine, ou l’équivalent en journées de travail en Uruguay, le Chili et le
Paraguay ne mettant aucune limite. La taille maximale varie de 50 ha (Paraguay) à 750 ha (Chili). Les revenus agricoles doivent
correspondre à au moins 50 % des revenus, sauf au Brésil (70 %). Enfin, le Chili impose une limite au capital productif : 130 000
$US.

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M. Gisclard, O. Sotomayor
familiales conduise à terme à leur éviction économique, notamment pour les
plus fragiles d’entre elles. L’analyse des prochains recensements permettra de
vérifier cette hypothèse.

Les politiques thématiques et multisectorielles


Le dernier type de politiques affectant l’agriculture familiale recouvre des
finalités non agricoles (environnement, sécurité alimentaire, lutte contre les
inégalités et la pauvreté, développement territorial). Les politiques environ-
nementales et de développement durable instaurées dans la plupart des pays

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étudiés ont permis le développement d’instruments particuliers de transferts
financiers comme des paiements pour services environnementaux (Costa Rica,
Équateur, Mexique et Pérou) ou des subventions conditionnelles (« bourse
verte » et « bourse forestière » au Brésil). Elles peuvent donc offrir des revenus
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annexes aux agriculteurs familiaux bien que conçues pour les grands proprié-
taires (Fréguin-Gresh et al., 2013). Parfois, des programmes de promotion de
l’agroécologie ont émergé (CAN, 2011), associés spécifiquement à l’agriculture
familiale (Brésil, Costa Rica, Cuba) ou à une rupture de paradigme de dévelop-
pement, pour une agriculture écologique et communautaire avec la notion de
« Bien Vivre » (buen vivir) en Équateur (Cica, 2008).
Cette désectorisation de l’appui aux agricultures familiales se manifeste donc
via l’émergence de politiques thématiques ou multisectorielles (de développe-
ment durable et/ou territorial, de sécurité alimentaire et lutte contre la pauvreté)
et par la volonté de mettre en œuvre de manière intersectorielle les programmes
ciblés.
Les politiques de sécurité alimentaire et de lutte contre la pauvreté, initiées
dans les années 2000, se sont renforcées avec la crise alimentaire de 2007-2008.
Elles proposent le développement de banques alimentaires ou de semences,
de marchés des producteurs, de restaurants populaires et de programmes
d’achats publics ciblés sur les agriculteurs familiaux (Argentine, Brésil, Équateur,
Nicaragua). Dans certains cas (Brésil, Nicaragua, Pérou), les actions de sécurité
alimentaire sont associées aux programmes de lutte contre la pauvreté et
coordonnées par un ministère du Développement social ou de l’Économie
solidaire. Ces politiques se traduisent par des bourses scolaires, la distribution
d’aliments, de semences, etc. Elles ont un impact fort dans les zones rurales les
plus pauvres.
En Argentine, au Brésil, au Chili, an Uruguay ou au Costa Rica, les politiques
de développement territorial rural ont été prioritairement ciblées sur les
agricultures familiales, ce qui peut paraître paradoxal pour des politiques
transversales. De fait, un de leurs objectifs initiaux était de rééquilibrer les
processus de développement en faveur des territoires marginalisés qui sont
ceux où la densité d’agriculteurs familiaux et de pauvreté est la plus élevée. Ces

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Agricultures familiales en Amérique latine

Tableau 2 : Principales politiques d’appui à l’agriculture familiale dans les pays étudiés
Politiques thématiques
Poli- Politiques d’appui
Politiques ou multisectorielles
tique ciblées sur
agricoles Sécurité
l’agriculture Dev. durable
généralistes alimentaire et
Pays familiale ou territorial rural
inclusion sociale
SAGPyA, 1988 SDRyAF/Minagri Profeder-INTA, Prohuerta, 1990
Profeder Proinder-2004 2003 Permer Propasa,
Argen-
(INTA), 2003 Reg. national AF, Proderi, 2012 1999
tine*
2007 Appui social à AF,
2009
Mapa Pronaf, 1995 et DAP Pronat, 2003 + PTC, Faim Zéro, PNAEAF,

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Pronaf) ; MDA, 1999 Citoyenneté, 2008
Minagri,1990 Indap 2006 + Pol. DTR Indigènes 2004 Prodesal1995,
Chili* nat. dev. rural Pol. Nat. D. R. PDTI, 2009
2014-2024 2014-2024
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Colom- Incoder 2003 DRET, 2012 alimentaire
bie alliances
productives, 2012
Plan Secteur Plan sectoriel de PDR, 1997 Plan national des
Costa agroalim et dev l’agriculture PFAS, 2007 aliments et
Rica rural 2010-2021 familiale Loi de l’INDER, Cepromas, 2008
(2010-2014) 2013
Politique du Régulations fiscales Cultures sous Panier de biens à
Cuba* Minagri pour coopératives conditions, tous les résidents
paysannes décentralisation cubains
Magap/Plan Proneri, 2007 Prolocal, Proder, Loi Econ. populaire
Équa- agricole ERAs-Écoles Agri 2007 solidaire
teur 2006-2017 Fam Plan nat. du buen Lorsa/souverain.
vivir, 2008 alim. 2012
Alianza para el Procampo/Proagro Loi de Progresa/Oppor-
Mexi-
campo Indesol, 1995 développement tunités, Promaf,
que
rural durable, 2001 Mexico sans faim
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Nica- Prorural, 2007 Prorural, locaux avec appui alimentaire, 2007 ;
ragua agroindustriel, Inclusif de coopération Loi du Mefcca, 2012
2005 et Crissol, 2007 internationale
Minagri, Agro Rural, 2008 Plan strat. Midis, Agroideas,
Fonds Mi Riego sectoriel/PESM Foncodes, Mi
Pérou
2012-2016, DTR + Chacra, 2011
sécu. alim.
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Uru- dev. rural, 2005 2008 du territoire et DD, habitat), 1967
guay* Reg. prod. fam., 2009 Uruguay Rural,
2009 2001

Source : auteurs.
* Pays ayant mis en place une politique ciblée d’appui à l’agriculture familiale depuis au moins
dix ans.

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É. Sabourin, J. Marzin, J.-F. Le Coq, G. Massardier, S. Fréguin-Gresh, M. Samper,
M. Gisclard, O. Sotomayor
programmes proposent in fine des appuis à la production familiale rurale en
réhabilitant ou renforçant socialement les capacités des organisations locales.
Dans de nombreux cas, ces programmes sont gérés par des services qui dépendent
du ministère de l’Agriculture (Argentine, Chili, Uruguay, Costa Rica) ou du
développement rural (Brésil), ce qui renforce leur caractère sectoriel agricole ou
leur ciblage sur l’agriculture familiale.
Cependant, la taille souvent réduite des ministères qui les portent (secrétariats
de développement rural, ministères du Développement social, de l’Économie
familiale, etc.) limite leur ampleur. C’est particulièrement le cas au Brésil où

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l’agriculture patronale continue à être gérée par le « grand » ministère de
l’Agriculture, alors que le traitement plus social des minorités et de l’agriculture
familiale est confié à des ministères sectoriels ou à des secrétariats moins dotés
en ressources et pouvoir. Ainsi, le Nicaragua a mis en place des programmes
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spécifiques au sein du ministère de l’Économie familiale communautaire,


coopérative et associative (Pérez et Freguin-Gresh, 2014). La Colombie a
lancé une politique de redistribution de terres et d’appui aux unités de
production familiale (Meynard, 2014). Le Costa Rica a adopté un Plan sectoriel
de l’agriculture familiale 2011-2014 qui est administré par une petite cellule
au sein du ministère de l’Agriculture (Salazar et al., 2014). Le Pérou avec le
Plan stratégique sectoriel pluriannuel (Peet) associe des projets spécifiques du
ministère de l’Agriculture et du ministère de l’Inclusion sociale (Meynard, 2014).
Enfin, le Mexique a mis en place le Programme de développement rural intégré,
le Programme de production du maïs et du haricot, le Programme stratégique
de sécurité alimentaire et la Croisade nationale contre la faim (Chapela et
Menéndez, 2014).

PRINCIPAUX RÉSULTATS, TENDANCES ET PERSPECTIVES


L’analyse des politiques publiques dont bénéficient les agricultures familiales
met en évidence deux dynamiques positives dont les implications présentent
des limites : une visibilité et reconnaissance accrue de la catégorie d’agriculture
familiale comme objet de politique associé à un risque de marginalisation ; une
institutionnalisation croissante par l’assignation d’un budget spécifique aux
agriculteurs familiaux sans résoudre l’accès au financement de l’ensemble de la
catégorie.

Mise en visibilité ou risques de marginalisation ?


Les politiques spécifiques aux agricultures familiales ont l’immense mérite
de rendre visible des populations vulnérables et souvent marginalisées et de
leur offrir une reconnaissance publique. Elles contribuent à associer une dignité
et une identité au fait d’être agriculteur. L‘expression « agriculteur familial »

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Agricultures familiales en Amérique latine

représente une définition positive par rapport aux appellations antérieures (petit
producteur, agriculteur de subsistance). Cette nouvelle perception se traduit
aussi par l’incorporation d’identités auparavant marginalisées avec les nouveaux
mouvements sociaux ruraux qui s’intègrent à la catégorie matrice que constitue
l’agriculture familiale : sans terre, indigènes, descendants d’esclaves d’origine
africaine, pécheurs, cueilleurs... (Grisa et Schneider, 2014 ; Sabourin, 2014).
Les pays qui ont réellement mis en place des politiques publiques spécifiques
(Brésil, Chili, Cuba, Uruguay) sont surtout ceux où la longue histoire agraire
duale a contraint les gouvernements à apporter une réponse particulière

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aux mouvements sociaux de l’agriculture familiale. Au contraire, les pays où
l’agriculture familiale est largement majoritaire (pays andins, Mexique), mais
très diverse, n’ont pas ressenti jusqu’à présent cette nécessité et ont pu appliquer
une politique agricole agraire généraliste. Mais alors que le secteur paysan subit
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les contrecoups de la mondialisation et de la globalisation et que le processus


de modernisation laisse sur le chemin un nombre important de producteurs,
l’injonction des organisations internationales et des mouvements sociaux se
fait plus pressante. Les gouvernements y répondent alors par des politiques
familiales essentiellement sociales (transferts publics à l’économie familiale,
systèmes de retraite subventionnés...) dont bénéficient particulièrement les
agriculteurs familiaux les plus pauvres.
Cependant, au Brésil, la mise en œuvre de modalités différentiées inno-
vantes est souvent freinée par la résistance de la technostructure, banques et
services d’assistance technique (Grisa et Schneider, 2014 ; Sabourin, 2014). Les
politiques de régulation des prix, de mise en place de marchés de producteurs
(Argentine, Costa Rica, Cuba) et plus récemment d’achats publics d’aliments
réservés aux agriculteurs familiaux (Brésil, Costa Rica, Équateur) montrent des
résultats prometteurs et bénéficient de l’approbation unanime des organisations
d’agriculteurs (FAO, 2012 ; Schneider, 2013 ; Salcedo et Guzman, 2014).
Les résultats en termes de réduction de la pauvreté ont déjà été prouvés au
Brésil, Chili, Argentine et Uruguay (Rimisp, 2011 ; IPEA, 2012 ; FAO, 2014) mais
sont plus décevants quant à la diminution des inégalités (Perez, 2011 ; Malleta,
2011 ; Schneider, 2013). Selon la FAO (2014) on ne compte plus que 20 % des
agriculteurs de Bolivie en dessous de la ligne de pauvreté et 30 % au Nicaragua
(FAO, 2014) ; mais la taille moyenne des exploitations familiale est en réduction
dans dix-huit États d’Amérique latine sur vingt-sept (9,5 ha au Nicaragua).

Financements et moyens accrus mais risques d’exclusion


L’avènement de politiques ciblées a conduit à l’octroi de budgets spécifiques
qui facilitent l’accès au crédit pour de nombreux agriculteurs, en dépit des divers
problèmes de garanties, formalités administratives, montants minimaux des
crédits. Toutefois, les dotations en ressources diffèrent selon les pays en fonction

N° 220 • octobre-décembre 2014 • Revue Tiers Monde 37


É. Sabourin, J. Marzin, J.-F. Le Coq, G. Massardier, S. Fréguin-Gresh, M. Samper,
M. Gisclard, O. Sotomayor
de la force politique des organisations de producteurs. Ainsi, dans les pays qui
ont récemment adopté une politique spécifique ciblée sur l’agriculture familiale,
comme l’Argentine ou encore plus récemment le Nicaragua et le Costa Rica, les
organisations d’agriculteurs ne sont pas assez fortes pour peser sur la dotation
en ressources. Quand elles le sont, comme au Chili, au Brésil ou en Uruguay,
elles peuvent obtenir des instruments plus différenciés, par exemple des crédits
spécifiques selon les situations d’agriculture familiale, ciblés sur l’agroécologie
et l’agroforesterie au Brésil, ou sur l’assistance technique à l’élevage familial en
Uruguay (De Torres et al., 2014).

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Par ailleurs, malgré l’accroissement sensible des financements dédiés aux
agriculteurs familiaux, leur niveau de dotation reste infiniment inférieur à celui
dont bénéficie l’agriculture patronale et d’entreprise.
– L’Argentine a dédié en 2013 1,7 millions USD au registre national de l’agricul-
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ture familiale et a investi 37,5 millions USD dans les filières où l’agriculture
familiale est très présente : petits ruminants, cultures vivrières, maraîchage
(Cepal et al., 2013) ; mais ces chiffres doivent être mis en perspective avec le
budget annuel du ministère de l’Agriculture de 580 millions USD, dont envi-
ron 200 millions en crédit pour l’agriculture patronale, 20,5 millions pour
l’investissement ou le budget de la recherche agricole qui était de 162 millions
en 2012 (Argentine, 2012) ;
– Le Brésil a multiplié par dix le budget du Pronaf depuis 1996, consacrant
9,5 milliards USD en 2013-2014 au crédit pour l’agriculture familiale (Banco
do Brasil, 2013) alors que la dotation du ministère de l’Agriculture Mapa
en crédits pour l’agriculture d’entreprise était de 61,8 milliards USD (Mapa,
2013) ;
– Le Chili a augmenté en 2013 de 8,2 % le budget de l’Institut de développement
agricole pour développer des actions en faveur de l’agriculture familiale (Cepal
et al., 2013). Toutefois, avec 33 millions de $US, il ne représente que 25 % des
transferts de cet institut vers le secteur privé (Indap, 2013) ;
– À Cuba, le gouvernement a redistribué en usufruit gratuit 1 580 000 ha (15 %
de la Surface agricole utilisée – SAU – du pays) aux paysans et nouveaux
agriculteurs. Les agriculteurs familiaux ne mettent cependant en valeur que
moins de 30 % de la SAU (Marzin et al., 2014).
– L’Uruguay a mis en place des programmes ciblés sur les producteurs familiaux
mais qui sont tous intégralement financés par la coopération internationale
(BM, Fida, BID), ce qui révèle un manque d’appui politique pour mobiliser
des ressources du budget national (Sabourin et al., 2013).
Par ailleurs, on observe des résultats inégaux et surtout sélectifs en termes
d’accessibilité à ces instruments de financement (crédit) et d’assistance technique,
qui bénéficient principalement à la strate la plus intégrée au marché de la catégorie

38 N° 220 • octobre-décembre 2014 • Revue Tiers Monde


Agricultures familiales en Amérique latine

« agriculture familiale », alors que les producteurs moins dotés en ressources


ont surtout accès aux politiques sociales (Malleta, 2011 ; Schneider, 2013).
Si des solutions « sur mesure » sont à trouver, la construction de « policy mix »
incluant un ensemble coordonné de mesures transversales multisectorielles
(développement durable ou territorial, sécurité alimentaire, lutte contre la
pauvreté) et de mesures ciblées d’appui à des activités productives (agricoles et
non agricoles) ou même non productives permettrait de mieux répondre aux
besoins des agriculteurs familiaux (HLPE, 2013) et aux attentes des sociétés
dans lesquelles elles évoluent. Toutefois, ces types de politiques exigent une

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coordination intersectorielle rigoureuse, à tous les niveaux (Sabourin et al.,
2014).
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CONCLUSION
Cette analyse des politiques affectant les agricultures familiales en Amérique
latine permet de faire trois constats :
– L’émergence de politiques ciblées sur l’agriculture familiale a permis de
rendre visible une catégorie d’agriculteurs antérieurement marginalisés par
des politiques agricoles dédiées à la modernisation agricole sur le modèle des
grandes exploitations agricoles. Malgré cette reconnaissance politique, l’appui,
notamment financier, au secteur familial pourtant numériquement largement
majoritaire, reste très inférieur à celui destiné à l’agriculture d’entreprise dans
tous les pays étudiés ;
– Ces politiques ont été innovantes lorsque les gouvernements ont traité avec
des mouvements sociaux organisés et compté des appuis dans les mondes
scientifiques, politiques ou de la haute administration. Leur émergence résulte
de la combinaison du renforcement et rénovation des mouvements sociaux
ruraux, des résultats mitigés des réformes agraires et de processus de diffusion
régionale de modèles de politique ;
– Les résultats à court terme de ces politiques, lorsqu’un ensemble d’instru-
ments complémentaires a pu être mobilisé comme au Brésil (subventions
conditionnées, retraite, crédits et assistance technique spécifique), ont des
effets nets en termes de réduction de la pauvreté et de modernisation des
franges de l’agriculture familiale les mieux dotées en ressources ou capital.
D’un point de vue opérationnel, à l’instar des critiques adressés aux politiques
de modernisation agricole dans les années 1970-1990 quant à leur uniformité et
leur manque d’adaptation aux conditions locales, il nous semble nécessaire face
à la diversité des situations nationales, sous-régionales et locales, de promouvoir
des policy mix associant au cas par cas des politiques ciblées différenctées, des
politiques thématiques ou transversales et des politiques sociales.

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É. Sabourin, J. Marzin, J.-F. Le Coq, G. Massardier, S. Fréguin-Gresh, M. Samper,
M. Gisclard, O. Sotomayor
Du point de vue des défis pour la recherche, le travail réalisé pointe le besoin
d’un certain nombre d’approfondissements. Si les contenus de ces politiques
sont maintenant mieux connus, leur histoire spécifique reste à reconstruire.
Mieux connaître leur policy process nationaux permettrait d’appréhender les
relations sociales et politiques à l’œuvre dans le domaine agricole sur le continent
latino-américain. La dualité de l’agriculture, au-delà des systèmes de production
et des valeurs économiques agrégées, est révélatrice des transformations sociales
et politiques. Ce chantier suppose des études plus systématiques par la sociologie
des acteurs impliqués d’une part (ingénieurs, fonctionnaires, leaders syndicaux
et politiques...) et, d’autre part, de leur action publique (fenêtres d’opportunité

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et mise sur agenda). La réponse à ces questions et la compréhension fine des
processus de mise en politique de l’agriculture familiale ne peut être réalisée
en isolant cet objet dans une sorte de ghetto scientifique. Pour faire face aux
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grands défis de l’agriculture pour la société, il est essentiel de prendre en compte


les processus économique et politique globaux ainsi que les autres formes
d’agricultures (pluriactives, patronales, d’entreprise...) qui agissent à la fois en
tension et en complémentarité avec les agricultures familiales.

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