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L’ordre des Trois Cornes 

« Ils sont à nos portes. Nous les entendons arriver. Le fracas de leurs armures résonne comme la
guillotine qui tranche nos fébriles nuques. Ils malmènent le sol en posant pied à terre, et en laissant
de lourdes empreintes. Derrière la porte de notre citadelle, des hurlements retentissent. Ils arrivent.
Ils sont les chevaliers de la mouche. Belzébuth en personne a guidé ses troupes jusqu’ici. Il veut en
finir définitivement avec nous. Mais nous ne faibliront pas. Nous défendrons notre maître coûte que
coûte. Nous le défendrons.

Gloria Satanas. »

« Ainsi terminent toutes les légendes sur l’ordre des Trois Cornes, les derniers défenseurs de Satan
avant que Belzébuth ne reprenne le pouvoir. » dit Méphistophélès, s’adressant à la salle. La pièce
était immense, un véritable opéra, bondé de part et d’autre de diablotins et autres créatures impies
et blasphématoires. L’orateur parlait d’un ton sur et concis : il savait ce qu’il devait dire, ce qu’il avait
à faire, et comment s’y prendre. « Mes frères ! Nous sommes tous ici réunis pour nous poser une
seule et même question ! Nous sommes ici pour commémorer la mémoire de Satan. Mais pourquoi
le faisons-nous ?! Parce que L’un des Chevaliers de la mouche vous l’a ordonné ? Les Chevaliers de la
mouche, cette assemblée factice de soldats à la botte de Belzébuth, qui gouvernent et dictent les lois
de ce monde sans que personne ne s’y oppose car, selon eux, Satan les a nommés dignes
successeurs. Comment pouvons-nous avoir confiance en ces « représentants de l’ordre et de la
justice infernale » alors qu’ils ont eux-mêmes mis fin au règne de notre père à tous ?! Comment ?! ».
A ces mots, la foule se déchaîne, les injures fusent et les confrontations musclées éclatent par dizaine
aux quatre coins de l’endroit. Méphistophélès contemple la scène. Il sait que cette fois-ci il a gagné
cette bataille…mais pas la guerre. Le chemin jusqu’à la restitution du pouvoir de son maître sera long,
il en a conscience. Mais c’est ce qui l’anime. Il n’est pas politicien : il fait quelque chose, il s’exécute,
ne reste pas à parlementer des heures avec d’autres confrères démons. Ce que veut Satan, il l’aura.
Et Satan réclame du pouvoir et de l’autorité.

Des gardes en armure noire comme du charbon pénètrent les lieux. Des braises émanent de leurs
yeux, ainsi qu’une trainée de fumée rougeâtre. Leurs lourdes épées de fer calment l’agitation. Le
silence revient aussitôt. L’un des cinq soldats prend la parole, d’une voix caverneuse et raque, à
peine compréhensible. « Cette fois-ci s’en est trop Méphisto ! Calme tes larbins et dis leurs de
dégager le passage ! On t’emmène avec nous. ». Le politicien regarde ses adversaires et ne bronche
pas. Il sourit tel un idiot trop sûr de lui. « Vous n’avez plus aucun pouvoir ici. C’est vous qui allez trop
loin. Réduisez-moi ces ignares en poussière ! Gloria Satanas ! » s’exclame Méphisto. La salle rugit :
« Gloria Satanas !!!! ». La boucherie éclate. Les membres coupés jaillissent de toute part, les coups
de lame s’apparentent comme aux cuivres d’un orchestre, les cris fusent, le contact des armes avec
la chair à moitié calcinée des diablotins se fait entendre dans un fracas terrifiant. Mais tout cela
résonne comme musique aux oreilles de Méphistophélès. Et toujours se petit sourire narquois au
coins des lèvres. Il a totalement conscience de ce qu’il se passe. Il repense aux paroles de Bael, le
général des armées infernales : « Qu’importe le nombre, qu’importent les pertes, qu’importe la
durée des affrontements, nous domineront la salle des spectacle d’Ajin ! La capitale sera bientôt à
nous. ».

D’abord prendre la salle de spectacle, puis diriger les forces jusqu’au parlement, avant de pénétrer
dans le Temple sacré et briser définitivement cet ordre misérable. Mais pour y arriver, Méphisto sait
pertinemment qu’il lui reste une dernière chose à faire. Léviathan, l’un des quatre princes de l’enfer,
ne lui apportera aucun soutien. Bien au contraire, malgré l’apparence humaine que Belzébuth lui a
accordé en devenant Chevalier de la mouche, il conserve sa force bestiale de créature maléfique, et
ne reculera devant rien afin de défendre celui qui lui accordé cette apparence. Bientôt, il lui faudra
invoquer celui qui sait tout. Bientôt il lui faudra invoquer Drangmar, le prince de feu. Alors, Léviathan
ne sera plus un obstacle. « Méphisto, viens ici, lui avait dit Bael. Azazel s’occupera des soldats du
parlement, mais il sera impuissant face à Léviathan. Bien sûr, le soutien de Bélial sera le bienvenu,
mais à vous trois seulement vous n’y arriverez pas. J’irais avec le jeune prince Lucifer pour trouver
Drangmar. D’ici là assure-toi de faire durer le discours suffisamment longtemps pour que les gardes
d’Ajin rappliquent, et règle leur compte. Mes armées sont désormais à toi. Fais-en bon usage. Une
dernière chose Méphisto : Méfie-toi de Lillith, la princesse succube, et si tu le peux tues là le plus vite
possible. Les Succubes sont trop dangereuse si elles sont sous ses ordres. ».

- Il ne s’agit que de succubes Bael, je te trouve bien inquiet pour si peu.


- He…Lillith n’est pas seule...c’est désormais la femme de Léviathan. Et elle a le pouvoir de lui
rendre sa vraie forme. Crois-moi : tu as meilleur temps de la tuer si tu veux vivre, lui avais
simplement répondu Bael.
- Vos désirs sont des ordres.
- Gloria Satanas. Maintenant pars, je dois m’entretenir avec Asmodée.
- Gloria Satanas.
- J’oubliais : fais attention au cadavre de Kobalt. Ça pourrait attirer l’attention des diablotins,
ils en oublieraient alors la raison.
- Je les nourrirais, ne t’inquiète pas. »

Maintenant que la salle des spectacles était sous son contrôle, Méphisto ne devait plus qu’attendre
le retour de Bael et du prince Lucifer. Mais avant cela, il sait qu’elle va venir pour lui. « Approche,
Lillith. » pense-t-il tout haut. À ces mots, un cri strident retentis dans la salle. Un cri ou plutôt une
douce mélodie, une voix de femme. Les diablotins se bouchent les oreilles, tandis que les goules
commencent à se fracasser la tête contre les murs. Méphisto, lui, ne dis rien. « Comme c’est
surprenant… ».

- Hello, ça fait longtemps Méphisto.

« Bael, penses-tu que Drangmar existe vraiment ? » Demanda Lucifer, se frayant un chemin à travers
le dédale de pierre qui menait à une étrange crypte. « Je ne pense pas jeune prince, je sais, là est la
différence. ». Les deux démons avaient suivi l’érèbe jusqu’ici, et se trouvaient maintenant engagé
dans une descente particulièrement pentue aboutissant sur un antique lieu sacré : La tombe
d’Erebus. Drangmar le prince de feu était autrefois le serviteur d’Erebus, l’un des plus puissants dieux
de la mort que même le Tout puissant avait pardonné. Son amour pour l’eau et la nature avaient fini
par faire trancher le Seigneur qui lui avait accordé le droit de devenir ce qui lui étais le plus chère :
une rivière. Ainsi, Dieu et Satan avaient enterré l’ancien dieux des morts afin qu’il puisse renaître
sous la forme de l’érèbe, la rivière des morts traversant tout l’enfer. L’ancienne tombe avait été
gardée par Drangmar durant des années jusqu’à ce qu’Antéchrist le nécromancien ne vienne la
profaner et ne mette fin aux jours du dévoués serviteur. Mais au moment où Antéchrist voulu se
munir de son arme, Mortelame, celle-ci s’embrasa et lui calcina la totalité du bras droit. Ainsi, l’épée
de Drangmar devint le dernier souvenir de celui qui fut jadis l’un des plus fervent défenseur de Satan.
D’anciennes légendes racontent que Belzébuth, lors de sa prise de pouvoir, aurait ressuscité
Drangmar, afin de l’aider à soumettre Prosperine, l’archidiablesse la plus puissante de tout l’enfer.
Durant l’opposition au coup d’état, Bael, alors encore sous les ordres de Satan, aurait combattu
Drangmar, et aurait, au cour de l’affrontement qui ne fut d’ailleurs jamais écrit ou raconté par autre
que lui, perdu son œil droit ainsi que sa jambe gauche. « J’ai vu Drangmar de mes propres yeux. Je
l’ai combattu. J’ai senti Mortelame me trancher la jambe et m’entailler l’œil, jeune prince, je le sais :
il est encore en vie. Il ne faut que le ressusciter. ».

- Bael, si la question n’est pas trop indiscrète, comment pouvez-vous le ressusciter si vous
n’avez jamais vu de vos propres yeux le rituel ?
- Selon vous, pourquoi ai-je insisté pour qu’un Chevalier de la mouche m’accompagne ?
- Je…
- Drangmar n’obéira qu’a l’un d’entre eux. Et nous n’avons besoin que d’un sacrifice.
- Un sacrifice ?
- Tout juste ! « Seul le sang d’un dieu Infernal permettra de faire revenir ceux ont été ».
Aeteranum Covoid ! »

A ces mots, Bael sorti un pendentif de fer représentant un crâne a langue de serpent. Face à eux, une
sorte de portail s’ouvrit. Une sorte de cocon émana de l’étrange apparition. Celui-ci se brisa, et laissa
paraitre son contenu : il s’agissait d’un être vivant…Méphistophélès. Ce dernier ne comprenait rien
de ce qu’il se passait. « Que…de quoi ?! Comment suis-je arrivé ici ?! Bael ?! Maître ?! Jeune Prince ?!
Que faisons-nous ici ?! J’étais à l’instant en train de contenir Lillith, et puis soudain un grand flash
blanc, et maintenant me voici. Que s’est-il passé ?

- Rien absolument rien. Tu n’es pas ici réellement Méphisto, du moins pas physiquement. Ton
enveloppe corporelle est toujours à Ajin, dans la salle des spectacles, avec Lillith.
Malheureusement pour toi, tu ne peux plus te défendre.
- Non ! Bael ! Je t’en supplie ! Ne me laisse pas mourir ! Ne me laisse pas, je ferai tout ce que
tu voudras ! Je serai ton plus humble serviteur ! Je serais tes bras, tes yeux, tout !
- Merci mon ancien ami, malheureusement ma décision est déjà prise. Drangmar te
remplacera bien. Souviens-toi : « Qu’importe les pertes, nous arriverons à notre but. ». C’est
ici que nos chemins se séparent Méphisto.
- Traître ! Misérable traître ! Enflure ! Demonis criptus retross !
- Cavanem Sensorium.
- Folgedis nervicus retross ! Retross !
- Divinis infinitus…tehodum retross…vade savagem.
- Domesamo…
- Imbécile, dis froidement Bael, tu es bel et bien un politicien. Du moment que l’on t’accorde
du pouvoir, tu es puissant, mais sans ça tu ne vaux rien…rien de plus qu’un pion sur
l’échiquier. Tu n’as pas ta place dans l’Ordre des trois cornes. Maintenant meurt.
- Gloria Satana… »

Méphisto senti soudainement son corps se glacer, ses membres se bloquer, comme s’il se retrouvait
paralysé, incapable de bouger. Bientôt, ses poumons ainsi que son cœur firent de même. La fin était
venue. Une main vint cacher ses yeux : c’était celle d’une femme, douce et frêle comme de la pluie,
une véritable peau de pêche. « Lillith… ». Ainsi furent ces dernières paroles. « Décidément Lillith, il
t’en aura fallu du temps. Dialoguer avec cet imbécile était d’un ennui…

- Navré, il sait tout de même bien se défendre. Lui faire enfiler le collier de force ne fut pas
chose facile.
- Bien, allons-y, nous avons peu de temps. Azazel ne tiendra pas longtemps jusqu’à ce que
Leviathan ne se déchaîne vraiment. A partir du moment où il comprendra que tu l’as trahi, il
retrouvera tous ces pouvoirs ainsi que sa véritable forme. Jeune prince, prenez le corps, nous
le disposeront sur l’autel. »
Les trois démons entreprirent alors une marche funèbre digne des plus grands enterrements jusqu’à
la salle des sacrifices. Lucifer et Lillith tenant le corps, Bael menant le pas, les murs autours d’eux ne
tardèrent pas à donner des signes d’une sorte de conscience propre. Les ronces et autres plantes
grimpantes infernales se mouvaient de sorte qu’on les eut comparés à des serpents. C’était une
véritable fosse. La lumière de la torche, derrière, les yeux de braise rougeoyant de Bael, semblaient
les seules sources de lumières dans ce corridor qui semblait peu à peu donner des airs de néants. Au
bout de ce long tunnel, on entrevoyait une sorte de quelconque phosphorescence bleuâtre. Une
odeur pestilentielle gagna les narines des trois arrivants. Malgré leurs titres d’Archi démons, ils furent
tous frappés par une si forte odeur cadavérique. Un sentiment d’insécurité les gagna alors. La
traversée se poursuivait, et, derrière eux, des centaines de milliers de petits démons de toutes tailles
s’agglutinaient pour assister au rituel. Une fois arrivés au bout de leur périple, une magnifique salle
d’une grandeur d’a peu-près le double que la salle des spectacle d’Ajin, se découvrit à eux. Au centre,
un autel en forme de cône a bout carré, surplombait un creux dans le sol, dans lequel s’entassaient
crânes et ossements. Au murs, au sol, ainsi qu’au plafond, des motifs vaudous, chamaniques, et
autres insignes, aux sous-entendus plus au moins explicite, blasphématoires rendaient l’atmosphère
aussi inquiétante que les lois infernales divines peuvent le permettre. La peur gagna Lucifer. Il se
sentait si petit au milieu de tout ça. Tout en observant l’édifice, les trois démons remarquèrent la
présence de plus en plus nombreuses de démons venus de tout l’enfer et de toutes les croyances, qui
commençaient à masquer les motifs infernaux de par leur nombre. C’était un cauchemar aussi
terrifiant qu’hypnotisant. Bael ne se laissait pas abattre. Il savait qu’une quelconque perte de
confiance en lui leurs seraient fatale. Malgré leurs pouvoirs inimaginables, jamais ils ne résisteraient
au nombre incalculable de démons dans la salle. Peu à peu, la salle semblait rétrécir. Le nombre de
créature impie semblait grandir si vite, que la place devenait de plus en plus rare, jusqu’à ce que les
murs deviennent en vérité un attroupement de diablotins se soutenant entre eux. La raison semblait
avoir abandonné ces lieux depuis des centaines de milliers de milliards de millénaires. La folie avait
pris possession de cet endroit bien avant la création même de l’enfer, et même la naissance du
monde. Le pêcher semblait maître mot dans cet endroit, et l’habillement des succubes ainsi que des
incubes se trouvant sur place en témoignait : ils étaient nus, et se lacéraient violement et
passionnément entre eux jusqu’à ce que l’un des deux ne tombe à terre vidé de tout son sang, avant
de se faire dévorer par l’écosystème ambiant. Le cadavre attirait la convoitise de tous les occupants
de la salle, mais, sachant, ce qu’ils allaient faire, les démons se résignaient à simplement le dévorer
du regard. « Ne les regardez pas…ils pourraient essayer de vous attirer vers eux. Malgré notre titre,
nous n’avons aucun pouvoir ici, ni même de droit ou d’autorité. ». Les deux autres compères se
contentèrent d’hocher la tête, eux aussi terrifiés.

Ils étaient maintenant à hauteur de l’autel. Lucifer et Lillith disposèrent le corps froid et sec de
Méphistophélès, avant de laisser la place à Bael. Ce dernier commença à réciter une formule obscure
en langage démoniaque crypté ancien, des formules que quiconque aurait eu sous les yeux aurait
voulu oublier le plus rapidement possible, afin d’échapper à une folie innarêtable et complètement
destructrice. Bael s’ouvrit le bras à l’aide d’un pendentif chamanique inconnu, et laissa s’écouler
quelques gouttes sur le cadavre. Un grondement sourd se fit entendre. Les murs commencèrent à
trembler, et les démons dans la salle, autre que les principaux intéressés, commencèrent à déserter
le passage aussi rapidement que possible afin d’échapper à une sorte de mal invisible.

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