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Quelques Aventures de L Ekphrasis Dans L
Quelques Aventures de L Ekphrasis Dans L
Quelques Aventures de L Ekphrasis Dans L
2011
Referenţi ştiinţifici: prof.univ.dr. Lidia VIANU
conf.univ.dr. Silvia PANDELESCU
821.133.1.09
Sommaire
Le roman ekphrastique et la mise en scène des œuvres d’art dans les musées
▪ Ekphrasis critique et invention romanesque ▪ Le roman ekphrastique et la
phantasia ▪ L’effet Méduse ou «the ekphrastic fear»
Bibliographie/225
1
Introduction :
l’ekphrasis jadis et naguère
2 Ces trois études sont le résultat de mes recherches sur l’expression contemporaine
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 11
1 Une forme préliminaire de cet article a été publiée dans Vranceanu, 2004.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 19
2 B. Bosredon observe dans Les titres des tableaux. Une pragmatique de l’identification (1997)
que les titres des tableaux, attribués souvent par les propriétaires des galeries, les
critiques ou par les commerçants d’art leur donnent une identité. La force des titres de
tableaux est telle qu’on ne pourrait pas communiquer à ce sujet sans accepter la
codification proposée par eux.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 21
3 J’utilise le terme répertoire dans le sens d’ensemble codifié de types visuels. Le répertoire
serait la somme de ces types visuels qui nous permettent de reconnaitre les signes
visuels. Ces concepts sont proposés pour l’analyse rhétorique des signes visuels par le
Groupe μ (1992).
4 Il faudrait signaler l’apparition de plusieurs albums qui rassemblent les tableaux
préférés et décrits dans leurs œuvres littéraires par les grands écrivains français. Voir
sur Balzac l’album de Mimouni (1999) et celui de Pitt-Rivers (1993) et pour Stendhal
celui coordonné par Fernandez (1995). Voir aussi Malraux (1965).
22 Alexandra Vranceanu
5Voir Balzac et la peinture, catalogue de l’exposition, 1999. Au sujet des codes culturels et
idéologiques qui se trouvent à la base de la référence ekphrastique voir Vouilloux, 1992.
24 Alexandra Vranceanu
9 Pour le rôle occupé par le «mirage italien» dans l’imaginaire du 19 e siècle voir
Claudon, 1986, 27-32.
10 Voir pour l’image du peintre dans les romans de Balzac Labarthe-Postel, 2002, 139-187
13 «La part occupée par la peinture dans l’imaginaire balzacien tient pour une bonne
part à des raisons historiques. Le XIXe siècle voit les débuts de la démocratisation de
l’accès à l’art. Sous la monarchie de Juillet, on peut visiter le Louvre, se rendre aux
Salons qui présentent chaque année les œuvres des auteurs confirmés. Les galeries de
Versailles ouvrent leurs portes. Mais surtout, un procédé technique nouveau va
permettre de découvrir des reproductions d’œuvres difficiles d’accès. Il s’agit de la
lithographie. Inventée en 1796 par le Munichois Alois Senefelder, cette technique est
popularisée en France à partir de 1815 grâce au comte de Lasterye et à Engelmann, qui
signe bon nombre des lithographies des Voyages pittoresques et romantiques dans
l’ancienne France de Nodier, Taylor et Cailleux. » (Mimouni, 1999, 46).
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 29
complexe, qui est premièrement visuel, mais qui n’est pas uniquement
visuel. Les sujets des tableaux choisis jouent un rôle essentiel car, en
privilégiant les madones, Balzac ajoute à sa citation toutes les
connotations religieuses et morales liées à ce sujet. L’œuvre de
Raphaël prend la place d’un lieu commun et d’ailleurs les anciens
rhéteurs voyaient l’ekphrasis comme « un fragment anthologique»
(Barthes, 1994, 132).
Citer un tableau qui a comme sujet une sainte vierge est déjà
une ekphrasis puissante, puisque dans ces mots le lecteur voit un type
pictural très connu, peut-être même le plus connu. Les traits
physiques de la femme représentée dans un tableau qui porte ce titre
ne comptent plus, la force du titre est déjà grande. Entre la citation par
Balzac d’une Madone de Raphaël et le tableau s’interpose un réseau
de significations codifiées et de lieux communs. Michel Riffaterre
observe que « S’il est vrai qu’entre l’ekphrasis et le tableau qu’elle est
censée reproduire s’interpose un écran de lieux communs, les
systèmes descriptifs qu’elle mobilise, détournés de toute
représentation objective, sont déjà transformés en codes reflétant des
interprétations préconçues ou dictées par un a priori, par un télos
générique de l’écriture ekphrastique en soi, par les exigences du
genre.» (Riffaterre, 1994, 220)
Le mot Raphaël, vu par Balzac comme « le plus religieux des
peintres », fait penser à toute l’autorité et à toutes les légendes de
l’artiste aimé par les papes et qui a décoré le Vatican 14. Ce nom dénote
alors une autorité esthétique et religieuse à la fois. Il ne faut pas
oublier que la Renaissance italienne est investie à l’époque de Balzac
d’une forte valeur de modèle : c’est l’époque où les peintres sont
influencés par les règles de l’Académie, Les peintres de la Renaissance
italienne, qui ont découvert les règles de la mimésis en peinture, sont
pour Balzac, lui-même préoccupé par la représentation de la réalité,
14 Sur le rôle des peintures de Raphaël chez Balzac voir aussi Lathers, 1988.
30 Alexandra Vranceanu
Il n’y a pas que le musée qui puisse consacrer une œuvre d’art
ou un artiste. Fritz Wefelmeyer analyse comment le tableau de
Raphaël, La Madone Sixtine est devenue une image emblématique
entre le XVIIIe et le XIXe siècle et ses observations peuvent être utiles
pour l’analyse de l’ekphrasis à référent stéréotypé. Wefelmeyer part de
l’idée que ce tableau a joué un rôle emblématique dans la culture
allemande, encore plus que l’œuvre d’Albrecht Dürer. Cette
observation est motivée par le grand nombre de textes où cette
peinture est décrite avec admiration. La popularité de cette peinture
commence au XVIIIe siècle avec Winckelmann, qui souligne le lien
entre ce tableau et l’art grec : «The painting soon became very popular
when it was exhibited in Dresden in the 18th century and its fame
quickly spread abroad. Copper plate etchings and painted copies
15Balzac n’est pas le seul à employer cette technique d’illustration. Fielding le fait aussi
à plusieurs reprises (Tom Jones, Joseph Andrews) en invitant le lecteur de chercher les
gravures de Hogarth pour voir à quoi le personnage ressemble. Il faudrait souligner
que cette invitation a comme motivation le fait que Fielding et Hogarth s’appréciaient
réciproquement et que leurs théories esthétiques avaient des nombreux points
communs.
32 Alexandra Vranceanu
16 Voir pour le rôle du portrait dans La Maison du-chat-qui pelote, Ginsburg, 2010.
36 Alexandra Vranceanu
ses yeux et tirant avec la décence d’une jeune vierge les points de sa
broderie, rendait à ce vieillard amoureux les sensations qu’il avait
éprouvées au bois de Vincennes ; il eût donné les clefs de sa caisse ! il
se sentait jeune, il avait le cœur plein d’adoration, il attendait qu’Asie
fût partie pour pouvoir se mettre aux genoux de cette madone de
Raphaël.» (Balzac, 1987, 201)
Le plaisir promis par une courtisane qui a l’apparence d’une
madone de Raphaël17 semble enflammer le désir de Nucingen qui,
sans demander plus que de contempler le délicieux tableau, payera à
l’entremetteuse Asie tout ce que celle-ci lui demande. Juste avant de
céder au banquier Nucingen, Esther prie Dieu de la pardonner,
prétexte pour un autre «tableau» : « Quand, une demi-heure après,
Europe entra chez sa maîtresse, elle la trouva devant un crucifix
agenouillée dans la pose que le plus religieux des peintres a donnée à
Moïse devant le buisson d’Oreb, pour en peindre la profonde et
entière adoration devant Jehova. Après avoir dit ses dernières prières,
Esther renonçait à sa belle vie, à l’honneur qu’elle s’était fait, à sa
gloire, à ses vertus, à son amour. Elle se leva.» (Balzac, 1987, 246) Dans
une note qui explique le sujet de ce tableau, Maurice Ménard affirme
que Balzac fait probablement référence aux fresques du Vatican
peintes par Raphaël.
C’est le regard des femmes de Raphaël que Balzac aime, et
parfois il cite uniquement celui-ci : par exemple, le portrait d’Eugénie
Grandet est conçu selon un ensemble complexe de citations
plastiques : elle a le corps de la Vénus de Milo, le front de Jupiter de
Phidias, mais son regard, ses yeux, sont ceux des Vierges de Raphaël.
Dans Autre étude de femme, le portrait de la femme comme il faut,
l’élégante et charmante parisienne qui est l’idéal féminin de Balzac
sera, elle aussi, décrite par l’intermède des tableaux de Raphaël : « La
17Cette oscillation apparait dans le portrait de Rosalba dans Un diner d’athées de Barbey
d’Aurevilly, qui est décrite comme «la plus enragée des courtisanes, avec la figure
d’une des plus célestes madones de Raphaël», d’Aurevilly, 1966, 263.
38 Alexandra Vranceanu
7. Le collage.
18 Pour des analyses concernant le rôle du visuel chez Echenoz voir Meaux, 2006, et
Jérusalem, 1999.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 43
Jim Dine intitulée The blonde girls (huile, fusain, corde, 1960)»
(Echenoz, 1995, 134).
Le portrait de Gloire est le résultat d’une juxtaposition
d’images contradictoires et imprécises. Le narrateur la décrit à
plusieurs reprises, mais il s’arrête plutôt sur des détails auxiliaires, ses
vêtements ou son maquillage, et non sur sa véritable identité
corporelle. D’ailleurs dès le début du roman, le premier portrait de
Gloire se fait par un collage de photos où elle se présente sous
plusieurs identités : « Deux sortes de photographies (...) Autant les
unes, soigneusement éclairées, foisonnaient en sourires éclatants et
regards conquérants, autant les autres n’étaient qu’yeux détournés
sous lunettes noires et lèvres closes, aplatis par les flashes et
hâtivement cadrés » (Echenoz, 1995, 9). Les premières photos sont
celles qui montrent Gloire après son succès médiatique, les autres,
après le meurtre de son imprésario.
Dans un autre passage, son portrait se construit dans les yeux
surpris et effrayés d’un détective qui attend devant sa porte, pensant
que Gloire ne sait pas qu’il la surveille. Mais Gloire l’a observé et,
dans une crise de rage, elle lui cassera le pare-brise avec une hache :
«Depuis l’intérieur de cette automobile, Boccara voit la jeune femme
qui s’approche. Hache à la main, visage de méduse, dans l’ombre elle
paraît surgir d’un panthéon barbare, d’un tableau symboliste ou d’un
film d’horreur. Elle progresse beaucoup plus rapidement que la
pensée de Boccara qui, pour le moment, n’a pas l’initiative d’une
moindre réaction. Comme il songe à tendre enfin la main vers la clef
de contact, la hache vient s’abattre sur le pare-brise qui explose au
moment où le moteur démarre.» (Echenoz, 1995, 73) Ce fragment
montre une des techniques essentielles du style d’Echenoz. Car tout
correspond : à l’image fragmentaire de Gloire correspond le mélange
des genres visuels dans les citations ekphrastiques. Ce mélange d’arts
44 Alexandra Vranceanu
les mains derrière le dos et le pied posé sur une sorte de borne »
(Echenoz, 1979, 30). Phrase qu’on pourrait lire comme une description
du tableau de Moreau quand, en réalité, elle décrit la photo de Byron
Caine. Les débuts des chapitres cherchent souvent à secouer le lecteur,
à le réveiller, et il s’agit peut-être d’une influence des techniques de la
bande dessinée où la dernière case d’une page et la première de la
page suivante sont en contraste. En même temps, le jeu des images qui
se métamorphosent n’est pas sans liaison avec la technique du collage
et celle du mélange des genres qui caractérisent les premiers romans
d’Echenoz.
Cette manière de tromper les lecteurs en commençant la
description d’un objet qui change de statut, de forme ou de
signification est une des caractéristiques les plus importantes des jeux
visuels dans ses romans. La technique de la variation surprenante fait
partie de sa « manière », comme d’ailleurs Jean Echenoz l’affirme dans
plusieurs entretiens. L’écrivain aime varier le point de vue ou la voix
narrative : «On change de caméra, il y a plusieurs caméras sur le
plateau, on change d’angle, de focale» (Echenoz ; Harang, 1999) ou
varier le niveau stylistique « j’aime bien faire coexister des registres
différents dans une même phrase. Commencer noblement, décaler
quelques adjectifs, un peu de sabir radiotélévisuel ou de prose
classique, quelque alexandrin, pour conclure sur un style de rapport
de gendarmerie » (Echenoz ; Argand ; Montremy, 1992) Les
métamorphoses des images font partie des techniques ludiques et
ironiques qui donnent la marque individuelle du style de Jean Echenoz.
Parmi les techniques employées pour déconcerter le lecteur, et
qui contiennent aussi des jeux visuels on pourrait signaler l’insertion
d’une scène de film qui n’est pas présentée comme telle : «Voici donc Fred.
Fred est assis. Sous ses yeux, deux hommes torturent sauvagement un
troisième homme, le dépècent et plongent ses restes dans une
baignoire pleine d’acide. » (Echenoz, 1983, 21) La scène de torture fait
52 Alexandra Vranceanu
4. Les film-stills.
2 Cette image doit être très importante pour Meyer, car même lorsqu’il attend Lucie-
Mercedes, dont il semble épris, il range « dans un livre la photo de Victoria posée sur le
cache-radiateur. Par contre il ne dépunaise pas, dans la cuisine, la photo de Cindy
Sherman intitulée Untitled film still # 7 » (Echenoz, 1992, 213)
58 Alexandra Vranceanu
3Echenoz, 1979, 17. Je ne m’arrête plus sur les ekphraseis qui transforment Le bureau de
Haas est décrit à travers une série de descriptions d’images centrées autour du thème
de l’œil (voir à ce sujet Jérusalem, 2005).
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 59
Conclusion
1 Cet article est déjà paru sous une forme différente dans Vranceanu, 2005.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 63
Stendhal et les goûts de son époque dans Fernandez, 1995, 13, 24, 25. Pour l’influence
sur Proust des critiques d’art voir Renzi, 1999, en particulier p. 34-38, sur «le petit pan
de mur jaune» de Vermeer.
64 Alexandra Vranceanu
sont sensibles aux artistes canonisés par les historiens de l’art, voire
classiques tout court, au détriment des artistes contemporains. C’est la
raison pour laquelle la peinture italienne de la Renaissance et les
statues gréco-romaines, qui se trouvent facilement dans les musées et
qui ont été décrites depuis longtemps par les écrivains et les historiens
d’art, sont privilégiées dans les romans français, anglais et allemands
du XIXe siècle. Le rôle des critiques, des historiens de l’art et des
musées, surtout à partir du XVIIIe siècle et particulièrement en France
est intimement lié à l’évolution de l’ekphrasis. C’est comme s’il y avait
un accord entre les écrivains, les critiques et le public en ce qui
concerne le choix de citations picturales : l’ingrédient essentiel pour
faire marcher la relation texte-image est l’admiration pour l’œuvre
décrite.
La situation ne changera pas beaucoup au XXe siècle, où l’on
voit les écrivains préférer des œuvres d’art qui se trouvent déjà dans
les musées et éviter leurs collègues de génération, les artistes d’avant-
garde. Leur réserve n’est pas sans liaison avec le fait que les courants
d’avant-garde attaquent le concept même d’œuvre d’art et de musée, ce
qui ne restera pas sans effets sur les relations entre les arts visuels et la
littérature.
Qu’est-ce qui se passe alors avec la description de «l’œuvre»
d’art contemporain ? Comment faire pour décrire des objets qu’on ne
peut plus qualifier d’œuvres d’art, qui n’ont peut-être plus de valeur
artistique ? Mais qu’est-ce que c’est que la beauté dans les arts visuels
de la deuxième moitié du XXe siècle ? Toutes ces questions sont d’une
extrême importance, car elles touchent au cœur même de l’ekphrasis :
le prestige (de l’œuvre d’art), le modèle (on décrit le tableau pour sa
valeur exemplaire), l’éloge (dans le discours de l’écrivain). Ces valeurs
sont menacées dans les ekphraseis du XXe siècle à cause des
changements profonds du concept de l’œuvre d’art, de la valeur
esthétique, du rôle même de l’art : « le créateur d’œuvres devient
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 65
même ton méprisant avec un passage qui rappelle la relation très forte
entre l’argent et l’art dans le monde contemporain : «La plupart des
artistes que je connaissais se comportaient exactement comme des
entrepreneurs : ils surveillaient avec attention les créneaux neufs, puis
ils cherchaient à se positionner rapidement. Comme les entrepreneurs,
ils sortaient en gros des mêmes écoles, ils étaient fabriqués sur le
même moule. Il y avait quand même quelques différences : dans le
domaine de l’art, la prime à l’innovation était plus forte que dans la
plupart des autres secteurs professionnels ; par ailleurs, les artistes
fonctionnaient souvent en meutes ou réseaux, à l’opposé des
entrepreneurs, êtres solitaires, entourés d’ennemis – les actionnaires
toujours prêts à les lâcher, les cadres supérieurs toujours prêts à les
trahir.» (Houellebecq, 2001, 178)
La perspective a changé par rapport au roman de Jean
Echenoz, où c’était le galeriste qui jouait le rôle d’homme d’affaires.
Cette fois ce sont les artistes qui sont vus comme des entrepreneurs et
comparés aux actionnaires. Le narrateur donne quelques détails sur sa
profession, qu’il fait sans enthousiasme, et sur ses rapports avec l’art
contemporain, qu’il regarde sans hostilité, mais sans trop
d’intérêt non plus : «Pour ma part, je n’y suis pas hostile : je ne suis
nullement un tenant du métier, ni du retour à la tradition en peinture ;
je conserve l’attitude de réserve qui sied au gestionnaire comptable.
Les questions esthétiques et politiques ne sont pas mon fait ; ce n’est
pas à moi qu’il revient d’inventer ni d’adopter de nouvelles attitudes,
de nouveaux rapports au monde ; j’y ai renoncé en même temps que
mes épaules se voûtaient, que mon visage évoluait vers la tristesse.
J’ai assisté à bien des expositions, des vernissages, des performances
demeurées mémorables. Ma conclusion, dorénavant, est certaine : l’art
ne peut pas changer la vie. En tout cas, pas la mienne.» (Houellebecq,
2001, 21) Il est quand même intéressant de voir que le narrateur de
Plateforme se pose au moins le problème du rôle de l’art ; que ça puisse
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 73
8 Voir à ce sujet l’exposition, au titre de Desacurdos. Sobre art, politiques i esfera publia a
l’Estat espanyol (Barcelone, 4 mars-29 mai 2005), où les artistes critiquent et moquent le
manque de critères de l’Etat dans ses choix de financement. Les idées présentées ici
ressemblent parfaitement au contenu idéologique du discours de Michel. Voir pour le
commentaire sur le rôle des centres institutionnels dans l’art contemporain Michaud,
2003, 56-64.
80 Alexandra Vranceanu
9Comme Echenoz, qui fait mention de l’œuvre de Duchamp, Houellebecq cite Klein (en
exposition permanente au Centre Pompidou) et ainsi les écrivains donnent de la
substance vraisemblable aux ekphraseis imaginaires qu’ils attribuent à leurs
personnages.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 81
modèle, qui laisse sa trace sur la toile sans que l’artiste intervienne
concrètement.
Michel, qui connaît bien son milieu, et connaît surtout le rôle
central de l’originalité dans la production artistique contemporaine,
ne se montre pas très convaincu de ce genre de travail. L’ironie est
bien forte, car évidemment, l’expression exercice de style a perdu toute
raison d’être au moment où la qualité principale de l’art a été
remplacée par sa capacité de choquer. On comprend en quoi le travail
de la jeune artiste est un exercice de style, car elle utilise son propre
corps pour inscrire la trace colorée, mais son travail artistique ne
trouve pas d’appréciation aux yeux de Michel et alors l’artiste expose
la pièce de résistance : « Elle sortit alors d’un emballage en carton une
pièce plus complexe composée de deux roues de taille inégale reliées
par un mince ruban de caoutchouc ; une manivelle permettait
l’entraînement du dispositif. Le ruban de caoutchouc était recouvert
de petites protubérances plastiques, plus ou moins pyramidales.
J’actionnai la manivelle, passai un doigt sur le ruban en mouvement ;
cela occasionnait une sorte de frottement, pas désagréable. ”Ce sont
des moulages de mon clitoris”, expliqua la fille ; je retirai mon doigt
aussitôt. ”J’ai pris des photos avec un endoscope au moment de
l’érection, puis j’ai mis le tout sur ordinateur. Avec un logiciel 3D j’ai
reconstitué le volume, j’ai modelé tout en ray-tracing, puis j’ai envoyé
les coordonnées de la pièce à l’usine.” J’avais l’impression qu’elle se
laissait dominer par les considérations techniques. J’actionnai de
nouveau la manivelle, plutôt machinalement. ”On a envie d’y toucher,
hein ?” poursuivit-elle avec satisfaction. ”J’avais envisagé de relier à
une résistance, pour permettre l’allumage d’une ampoule. Qu’est-ce
que vous en pensez ?” En réalité je n’étais pas pour, ça me paraissait
nuire à la simplicité du concept.» (Houellebecq, 2001, 292)
La visite se termine sans un résultat concret : le narrateur
s’abstient de commenter l’œuvre et demande à l’artiste de chercher
82 Alexandra Vranceanu
Mlle Dury, « qui s’occupe des aspects esthétiques, car lui s’occupe
« surtout de l’aspect comptable. » (Houellebecq, 2001, 292) Avant de
partir, la jeune artiste donne à son Mécène potentiel un petit sachet
rempli de pyramides en plastique, car « dit-elle, ils m’en ont fait
beaucoup à l’usine » (Houellebecq, 2001, 292). En réfléchissant ensuite
sur la valeur de cette œuvre, le narrateur arrive à une conclusion
favorable : « Au fond, me dis-je, cette Sandra était plutôt une bonne
artiste ; son travail incitait à porter un regard neuf sur le monde »
(Houellebecq, 2001, 310) Ce type d’installation qui met en scène le
corps de l’artiste est courant dans l’art de la deuxième partie du XXe
siècle10, mais on ne rencontre pas souvent dans les romans des
descriptions si détaillées. Paul Ardenne observe dans un chapitre où il
synthétise diverses formes d’art qui prennent comme sujet le corps
érotisé que «Les années 70 puis 80, toujours plus, seront celles d’une
monumentalisation du sexuel pour lui-même. En tant qu’objet
esthétique, le sexe devient alors une figure vénérable, à même d’être
idolâtrée pour soi.» (Ardenne, 2001, 298)
Ironique ou non, l’éloge de Michel pour l’installation de
Sandra ouvre une nouvelle voie pour l’ekphrasis dans le roman
contemporain. L’art contemporain occupe un rôle important dans
Plateforme, et ce qui est essentiel, l’ekphrasis retrouvera une de ses
fonctions classiques, elle mettra en abyme deux des thèmes
importants de ce roman : la sexualité et l’angoisse devant les attentats
à la bombe. Par rapport à Ferrer, Michel décrit le monde de l’art
contemporain dans une perspective sociologique. D’ailleurs, dans ses
réflexions, Michel commente sans cesse la société de consommation
occidentale et l’art contemporain trouve sa place parmi d’autres
références citées dans le but de donner une image claire et sarcastique.
5. La hantise du corps.
12 Ce thème apparaît aussi dans un autre roman de Michel Houellebecq, Les particules
élémentaires, 1998.
86 Alexandra Vranceanu
Conclusion
1 Pour suivre l’évolution du genre ekphrastique au 17e siècle voir Spica 2004 et Dandrey
2004.
2 Voir Moses 1985.
3 J’ai traité ce sujet dans Vranceanu, 2006 b et 2007; dans ce chapitre je reprend quelques
même.» (Briand, 2005 : 37) La raison pour cette inversion, qui n’est pas
courante, est que ce roman prend en discussion le rapport entre physys
et tehné. Le rapport entre nature et art/artifice se voit parfaitement
dans la structure du roman : l’histoire racontée par Longus ne se voit
pas vraisemblable dans le sens d’Aristote et comme ensuite le
voudront les romanciers réalistes, elle est écrite pour embellir le
monde et pour consoler les lecteurs qui ont souffert à cause de leur
amour.
Les romanciers sophistes appréciaient les techniques
intertextuels et les jeux avec le code du roman, faisant souvent
référence aux arts plastiques ou même à la musique (Briand, 2005, 33).
Marcel Briand souligne l’importance des sources de Longus, qui sont
nombreuses : «En tant qu’ekphrasis regroupant des ekphraseis, le roman
de Longus se réfère aux procédés et thèmes des arts visuels
contemporains, dans la mesure où le transfert est possible. On peut
décrire ces Pastorales comme le résultat d’une hybridation générique
originale, l’intégration de la poésie idyllique bucolique inspirée de
Théocrite et Virgile, dans le cadre narratif du roman d’aventures et
d’amour. » (Briand, 2005, 39) L’expression utilisée par Marcel Briand
pour décrire le mouvement metatextuel dans le roman gréco-latin, une
hybridation générique originale, sera utile pour décrire les romans
ekphrastiques contemporains.
La référence à l’art joue un rôle structurant dans Les Pastorales,
car le texte reprend les techniques picturales du monde romain tardif,
qui étaient très raffinées : «Dans son préambule, Longus emploie le
mot graphê au singulier et conçoit son roman comme un vaste tableau
sur lequel on voit des scènes parallèles et successives qui rendent
visible, par leur relation continue, la linéarité du récit. Mais l’analogie
est encore plus profonde entre cette peinture narrative et l’art du
romancier. Comme le montre Mittelstadt, tout le roman peut être
analysé suivant le rythme ternaire de la peinture romaine, en
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 101
8 Voir pour la poésie ekphrastique Davidson, 1983, Reichardt, 2006, Prince, 1976.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 103
textes brefs et leur donne le sens est, d’une part, la référence constante
aux images et de l’autre, le fait que Delerm interprète ces tableaux
comme les divers moments d’un récit. En lisant Intérieur, le lecteur
peut avoir l’illusion que la galerie des tableaux de Hammershøi
représente la vie et l’évolution d’un personnage dans un paisible
intérieur bourgeois. La part de l’invention est plus forte que celle de
l’explication dans Intérieur, car ne s’agissant pas de tableaux qui
représentent des mythes, mais de scènes d’intérieur, l’écrivain est libre
d’inventer les pensées du personnage pour «compléter» l’image.
L’effet paradoxal de cette association entre texte et image est qu’on a
l’impression que les tableaux de Hammershøi sont les illustrations du
texte de Delerm, même si en réalité ils le précédent et le génèrent.
La présence des images dans la proximité du texte soutient la
description et donne de la cohésion à l’ensemble, quand il s’agit d’un
texte ekphrastique. C’est ce qui arrive aussi dans le cas de l’Usage de la
photo d’Annie Ernaux et de Marc Marie, composé d’une série de
photographies décrites à tour de rôle par les deux auteurs du roman.
Ce texte hybride, qui sera analysé à part dans le chapitre huit, a une
structure paratactique et l’histoire d’amour racontée par les deux
narrateurs se lit à travers les descriptions narrativisés des photographies.
Les récits ekphrastiques de la première famille ne sont pas
obligatoirement accompagnés d’images. Ce qui leur donne l’air de
famille c’est la prééminence de la description sur la narration et
surtout la structure qui ressemble à la description d’une galerie de
tableaux. Ce type de structure a hybridé parfois le récit picaresque,
qui lui ressemble en quelque sorte, car il comporte aussi des scènes
reliées par une structure paratactique. On rencontre cet hybride entre
une structure picaresque et une série de descriptions de tableaux dans
Terrasse a Rome de Pascal Quignard et dans La goutte d’or de Michel
Tournier. La cohérence épique est donnée dans ces romans par le
voyage du personnage central au pays des images. L’histoire d’Idriss
108 Alexandra Vranceanu
goût pour l’art, ses références aux discours professionnel sur l’art,
parfois même ses réflexions sur l’ut pictura poesis.
Cette deuxième famille de romans ekphrastiques utilise
l’œuvre d’art comme point de départ de l’action et/ou comme moteur
de l’intrigue. Les écrivains choisissent des images énigmatiques,
bizarres, célèbres, fascinantes et les interprètent en essayant de
prolonger la narration visuelle. Des romans comme La Princesse de
Mantoue de Marie Ferranti, La Dame à la licorne et La Jeune fille à la perle
de Tracy Chevalier, l’Invidia di Velasquez de Fabio Bussotti, In Arcadia
de Ben Okri, Obscura de Régis Descott décrivent et interprètent des
tableaux ou des tapisseries célèbres et les utilisent comme générateur
de fiction. C’est surtout cette deuxième famille de romans qui a
beaucoup de succès de public, et depuis les années ’90, le nombre de
romans ekphrastiques de ce type est chaque jour plus grand.
La description de l’œuvre d’art hybride les formes populaires
comme le roman historique, le journal intime, le roman d’amour et
arrive à un résultat étonnant : la description, perçue en général comme
un ralentisseur de l’action, un morceau que le lecteur pressé peut
éviter sans problème, devient un générateur de suspense. Le paradoxe
est encore plus évident si l’on pense au fait que ces genres populaires,
comme par exemple le roman policier ou d’aventures, accordaient un
espace minimal à la description et préféraient la mimesis à la diegesis.
Ajoutons à cela que ces descriptions de tableaux sont détaillées, riches
en informations et en interprétations critiques et qu’elles font
intervenir un autre code, ce qui pourrait ralentir la lecture ou poser
des problèmes de cohésion narrative. Pourtant les écrivains ont su
profiter du fait que le code visuel est elliptique et ouvert et ont trouvé
des moyens pour convertir la description qui plaisait tant aux
sophistes dans un genre populaire.
Le succès du roman ekphrastique de la deuxième famille peut
être expliqué par le fait qu’il profite des formules à forte concentration
112 Alexandra Vranceanu
Conclusion
«Il est des peintres pour attirer les écrivains comme les
aimants : Manet est de ceux-là», écrit Françoise Cachin dans son
introduction au Manet de George Bataille (Bataille, 1994, 93). Je vais
m’arrêter ici sur trois romans contemporains inspirés par les tableaux
de Manet, l’Olympia et Le Déjeuner sur l’herbe : Obscura de Régis
Descott, A Woman with no clothes on de VR Main et Mademoiselle
Victorine par Debra Finnerman. Dans ces romans les tableaux de
Manet sont utilisés comme mécanisme narratif, c'est-à-dire pour leur
capacité de générer des récits. La phrase du motto appartient au
critique du Salon de 1863, Theodore Pelloquet, qui décrit ainsi Le
Déjeuner sur l’herbe : «c'est un rebus d'une dimension exagérée et qu'on
ne devinera jamais». Descott, Main et Finnerman ont lu ces tableaux
comme des rébus, c'est-à-dire des jeux énigmatiques qui attirent le
regard et demandent une solution, et ont offert une solution narrative
à l’énigme cachée derrière leur mise en scène. Il ne s’agit pas vraiment
de travailler sur l’image comme sur un énoncé visuel, mais comme sur
un document historique complexe de la culture européenne, si
profondément transformé par l’intertexte qui l’entoure, que l’image
devient invisible (Arasse, 2000, 137)3.
Il y a de grandes différences entre les descriptions d’art qui
apparaissent dans ces romans et l’ekphrasis classique, qui louait
l’œuvre d’art selon des catégories strictement codifiées par les
rhéteurs. Les différences sont liées d’une part à l’évolution du genre
romanesque sous l’empire de la popular culture, mais aussi à la
révolution produite par Manet dans l’histoire de la peinture. Manet
occupe une place de choix parmi les peintres qui ont inspiré les
écrivains, parce qu’il met en discussion les techniques et les styles
académiques, mais surtout parce qu’il s’attaque au principe de l’ut
pictura poesis, en libérant la peinture du sujet littéraire. Avant de traiter
les trois romans que je me propose de commenter, je voudrais d’abord
m’arrêter sur quelques lectures données à la peinture de Manet par les
critiques d’art, et ensuite sur des descriptions voilées de ses toiles
faites par des écrivains du XIXe siècle. Cette introduction servira à
offrir un autre repère important dans l’histoire du genre ekphrastique,
la fiction d’art ou le roman d’artiste du XIXe siècle français. Je chercherai
ensuite à identifier quelques topoï qui caractérisent le roman d’artiste,
pour les comparer avec leurs avatars dans les romans contemporains
Obscura, Mademoiselle Victorine et A Woman with no Clothes On.
3Le fait que ces tableaux ont été si souvent l’objet des description critiques ou littéraires
qu’on n’arrive plus à les regarder sans penser à cet intertexte a été commenté par Daniel
Arasse dans un livre séminal au titre de On n’y voit rien. Je vais m’arrêter sur son
affirmation à la fin de ce chapitre.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 121
4La présentation de Fr. Cachin dans son album Manet (1990) est construite autour de
cette idée.
122 Alexandra Vranceanu
2. Le scandale Manet.
5 Gaétan Picon (1988) a joué un rôle essentiel dans la génèse du mythe de Manet comme
premier peintre moderne.
6 Baudelaire voyait déjà Manet comme le premier représentant de la peinture décadente
et lui écrivait dans une lettre après le Salon de 1865, quand les critiques du Salon
avaient déchiré avec leur propos l’Olympia, «vous n’êtes que le premier dans la
décrépitude de votre art», lettre à Manet, 11 mai 1865, dans L’Echo de Paris, (Baudelaire,
1973, 496-497)
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 123
7 J’ai cité dans ce paragraphe une synthèse de ces commentaires élaborée par Fried,
1996, 297. Voir aussi pages 560 et 570 et, pour le même sujet, Darragon, 1991, 115-129.
8 Une présentation synthétique de la fiction d’art au 19e siècle qui a le mérite de faire un
portrait rapide du sous-genre dans Bergez, 2004, 164-172. Voir aussi le livre de
Melmoux-Montaubin, (1999), Le roman d’art dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 125
9C’est à cause de ces différences que Vouilloux sépare nettement le genre ekphrastique
antique de ses avatars du 19e siècle. Voir Vouilloux 2004.
126 Alexandra Vranceanu
10 Voir aussi pour la relation de Zola avec la peinture Becker, 1992, 113-122.
128 Alexandra Vranceanu
Ce qu’il faut voir dans le tableau, ce n’est pas un déjeuner sur l’herbe,
c’est le paysage entier avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses
premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d’une délicatesse si
légère ; c’est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces
étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de
femme en chemise qui fait, dans le fond, une adorable tache blanche
au milieu des feuilles vertes ; c’est enfin cet ensemble vaste, plein
d’air, ce coin de la nature rendue avec une simplicité si juste, toute
cette page admirable dans laquelle un artiste a mis les éléments
particuliers si rares qui étaient en lui.» (Zola, 1991, 159) Dans le
passage c’est enfin cet ensemble vaste, plein d’air on reconnaît la
description du tableau de Lantier que fera Zola quand il écrira
l’Œuvre, s’inspirant sans doute de ses études critiques sur la peinture
de Manet.
Dans son livre dédié au roman d’art dans la seconde moitié du
XIX siècle, sous-genre qu’elle appelle une catégorie littéraire singulière,
e
11Dans la Notice publiée à la fin de son édition annotée de l’Œuvre Henri Mitterand
observe que dans l’ébauche du roman «Zola songe d’abord à prendre comme modèle sa
propre vie.» (Zola, 1983, 433)
130 Alexandra Vranceanu
aux relations énigmatiques qui se tissent entre les regards et les gestes
des personnages peints par Manet.
4.1.1. Le topos de «la compétition entre art et nature» se
trouve à l’origine des crimes. Mais dans Obscura ce topos est filtré par
le rapport avec la peinture de Manet, car Manet avait su représenter la
nature autrement et donc il devient dans les yeux du criminel le
maître à surpasser. La compétition avec Manet repose sur deux faits :
d’une part le criminel est jaloux, car sa mère avait été peinte par
Manet et elle avait apprécié beaucoup le tableau ; d’autre part, le
criminel aime la photographie et méprise la peinture.
Au début du roman, les détectives se demandent si le tueur
fou ne prend pas en dérision Manet en refaisant avec des morts les
scènes de ses tableaux : «Mais tout ça dans quel but ? Parce
qu’incapable d’égaler le génie de Manet, le tueur s’emploierait à le
tourner en dérision ? Par la même occasion il mettrait à profit sa
monomanie homicide pour en faire une œuvre, l’œuvre noire ?»
(Descott, 2009, 181) Ils font aussi appel à la réception des toiles de
Manet : «Il n’a pas choisi Manet au hasard, voyez-vous ? Ni Le
Déjeuner sur l’herbe, la toile par laquelle le scandale est arrivé. En
mettant en scène un cadavre, c’est l’aspect scandaleux de l’œuvre qu’il
vise. Ne pouvant égaler son génie, il cherche à dépasser son
scandale.» (Descott, 2009, 177) Mais s’il est vrai que Favre vise le
scandale, il est vrai aussi qu’il a une thèse à défendre et il utilise les
mises en scène avec les cadavres pour l’exprimer devant le public. Sa
thèse est liée aux rapports de la photographie avec la peinture en tant
qu’arts de la représentation, il veut montrer que la véritable
révolution dans l’art ce n’est pas Manet qui l’a faite, mais c’est à la
photographie de la faire.
Le mobile des crimes repose sur la compétition entre peinture
et photographie et les scènes des meurtres deviennent des sujets pour
des «œuvres d’art». Le criminel est un photographe avant-gardiste qui
refait les scènes que Manet avait peintes pour pouvoir les
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 137
inclinée. Un chat noir empaillé gisait renversé sur le lit. Mais le corps
dénudé d’Olympia était une offense et son regard absent une
déchirure. […] Dans la mort il ne la reconnaissait pas. Ses traits étaient
déjà brouillés, étrangère à ce qu’elle était de son vivant et semblable à
l’Olympia de Manet. Ce modèle que des critiques à l’époque avaient
comparé à un cadavre exposé à la morgue.» (Descott, 2009, 361)
La technique du collage d’objets que le criminel photographe
utilise pour obtenir la composition de sa future photographie s’inspire
aussi des commentaires des critiques du Salon : la silhouette
d’Olympia et surtout les personnages du Déjeuner ont été comparés
par ces commentateurs à des mécanismes, tant ils leur semblaient
artificiels. Dans ce contexte, le nu féminin est associé à un mécanisme,
à une poupée sans vie. Synthétisant et analysant les descriptions faites
à ces tableaux par les contemporains de Manet, Læssø souligne leur
angoisse devant ce qu’ils voyaient comme des scènes artificielles
peuplées par des marionnettes12.
Les critiques modernes de ces tableaux ont identifié dans Le
Déjeuner sur l’herbe une sorte de collage entre divers styles, scènes, et
même entre plusieurs compositions picturales, ce que rappelle la
manière du criminel-photographe d’arranger les cadavres et de les
entourer d’objets qui rappellent les œuvres de Manet. Une
12 «But although the nude is the most striking focal point of the entire scene, and may
strike us, as it did Zola, as having "such resplendency of life", there is also a kind of
artificial quality to this figure. The effect makes one think of Robert Rey's response to
Olympia, as when he wrote, "I remember my own first meeting-more than sixteen years
ago-with Olympia, and the oddly painful shock which the picture gave me. I was afraid
when I saw this pallid form, this face where the skin seemed stretched over a piece of
wood. Olympia frightened me like a corpse-yet I felt weighing upon me the malificence
of that terribly human regard". A similar, if less uncanny, note was struck be the critic
Ernest Chesneau, reviewing the Salon des Refusés in 1863: "Manet's figures make one
think involuntarily of the marionettes on the Champs-Elysees: a solid head and slack
clothing". (Læssø, 2005: 205)
142 Alexandra Vranceanu
rendered with a different facture (that of the ebauche or sketch) from the comparatively
high degree of finish especially in "the trees" and in "the nude woman". Indeed, if one
looks at the painting, it becomes clear that the differences of facture not only pertain to
the two women in it (the seated nude and the bather), as Carol Armstrong described it,
but that the whole area of the painting, which the bather occupies, is different from the
foreground and the glade to the left. » (Læssø, 2005: 198)
15 Plus de details sur le collage chez Manet dans Damisch, 1997, 71.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 143
a and b" in the composition; art, artefact, and reality in a still baffling
tableau vivant from which, wonderfully, a bird (a bullfinch) flies this
way, reciprocating our entry into the painting's spaces that are
anything but flat.» (Læssø, 2005, 214) Ces caractéristiques des tableaux
de Manet ne restent pas sans effet sur le criminel-photographe qui
reprendra sa technique et qui citera les œuvres précédentes en
mélangeant les signes et en faisant une réflexion sur la photographie
tout comme Manet l’avait faite au sujet de la peinture classique.
4.1.3. Le topos «le peintre et son modèle» joue un rôle essentiel
dans ce roman dont le titre renvoie au nom de la maîtresse du
criminel, Obscura, mais aussi à la chambre obscure. Le modèle de
l’artiste est double, car d’une part il y a les toiles de Manet et d’autre
part la mise en scène avec les cadavres. Le criminel fait une photo
inspirée par Le garçon avec le fifre avec un cadavre qu’il photographie
en divers moments de sa décomposition : «C’était la quatrième
photographie qu’il faisait de ce modèle, chaque fois à un stade de
décomposition plus avancé, comme s’il s’agissait de reproduire le
travail du peintre, mais à rebours, en partant du tableau fini, pour
réaliser ensuite une série d’esquisses aux traits de moins en moins
précis.» (Descott, 2009, 231)
L’intrigue policière repose sur la recherche des modèles pour
la photographie, modèles qui doivent ressembler aux personnages de
Manet. À un certain point, la femme du docteur-détective Jean sera
enlevée par le criminel parce qu’elle aussi ressemble à Victorine. Le
personnage central du roman est Obscura, une prostituée d’une
beauté décadente et fascinante qui attire l’attention du criminel-
photographe, mais qui fascine aussi le docteur-détective. Obscura est
entretenue par le criminel parce qu’elle ressemble à Olympia, mais
l’artiste macabre lui laisse une certaine liberté, qu’elle utilise pour
séduire le docteur Jean. Jean se met à la poursuite d’Obscura, attirant
ainsi l’attention du criminel photographe sur sa propre femme, qu’il
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 145
craint de trouver morte dans une scène rappelant une toile de Manet.
Arrivé dans l’atelier du criminel, le docteur Jean ne saura pas
reconnaître la femme modèle : «Dans la mort il ne la reconnaissait pas.
Ses traits étaient déjà brouillés, étrangère à ce qu’elle était de son
vivant et semblable à l’Olympia de Manet. Ce modèle que des critiques
à l’époque avaient comparé à un cadavre exposé à la morgue.»
(Descott, 2009, 361) Il s’agissait d’Obscura, la maîtresse du criminel-
photographe, qui l’avait sacrifiée pour sa dernière œuvre avant de se
suicider.
L’association entre cadavres et peinture est inspirée par les
opinions des critiques d’art du Salon de 1865 sur l’Olympia. Charles
Bernheimer commence son article « Manet's Olympia : The Figuration
of Scandal », où il fait un ample commentaire sur la réception de
l’Olympia, s’arrêtant en particulier sur l’association entre les
silhouettes peintes par Manet et des cadavres. Il commence par
commenter une citation du journal des frères Goncourt, où ils
décrivent une célèbre prostituée parisienne, La Paiva, comme un
cadavre peint et couvert de maquillage et de bijoux : «Their
sadistically charged look takes possession of the courtesan's body by
recreating it as an arbitrary montage of partial objects. » (Bernheimer,
1989, 255) En partant de cette association entre sexualité et mort,
Charles Bernheimer commente la réception de l’Olympia en 1865 :
«The Goncourts' mortiferous gaze was no aberration in midcentury
France. The most scandalous representation of a prostitute in
nineteenth-century painting, Manet's Olympia, met with a strikingly
similar deadly gaze from the most articulate critics of the 1865 salon,
at which it was first exhibited. For example, Victor de Jankovitz (cited
in Clark, 1985, 288-89) wrote that "the expression of [Olympia's] face is
that of a being prematurely aged and vicious; the body's putrefying
color recalls the horror of the morgue." The critic Geronte (ibid.) called
Olympia "that Hottentot Venus with a black cat, exposed completely
146 Alexandra Vranceanu
naked on her bed like a corpse on the counters of the morgue, this
Olympia from the rue Mouffetard [a notorious haunt of prostitution at
the time], dead of yellow fever and already arrived at an advanced
state of decomposition." Flaubert's friend Paul de Saint-Victor (ibid.)
described "the crowd thronging in front of the putrefied Olympia as if
it were at the morgue." A. J. Lorentz (ibid.) saw Olympia as "a
skeleton dressed in a tight-fitting tunic of plaster." Another journalist,
Felix Deriege (ibid.), found that "her face is stupid, her skin
cadaverous," and that "she does not have a human form." And a critic
calling himself Ego (ibid.) remarked that Olympia, "a courtesan with
dirty hands and wrinkled feet, . . . has the livid tint of a cadaver
displayed at the morgue".» (Bernheimer, 1989, 256)
George Bataille reprendra dans son livre sur Manet
l’association entre l’Olympia et un cadavre en arrivant à la conclusion
que le tableau fait penser au spectacle de la mort : «Dans le secret, le
silence de la chambre, Olympia parvint à la raideur, à la matité de la
violence : cette figure claire, composant avec le drap son éclat aigre,
n’est atténuée par rien. La servante noire entrée dans l’ombre est
réduite à l’aigreur rose et légère de la robe, le chat noir est la
profondeur de l’ombre… Les notes criées de la grande fleur pendant
sur l’oreille, du bouquet, du châle et de la robe rose, se détachent
seules de la figure : elles en accusent la qualité de ”nature morte”. Les
éclats et les dissonances de la couleur ont tant de puissance que le
reste se tait : rien alors qui ne s’abîme dans le silence de la poésie. Aux
yeux même de Manet la fabrication s’effaçait, l’Olympia tout entière se
distingue mal d’un crime ou du spectacle de la mort… Tout en elle
glisse à l’indifférence et la beauté.» (Bataille, 1994: 64)
J’ai cité ces commentaires critiques pour souligner le riche
support herméneutique sur lequel repose ce roman policier et surtout
pour montrer que l’association entre cadavre et peinture n’est pas
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 147
17Opinion de L. Etienne, Le jury et les exposants – salon des Refusés, Paris, 1863, p. 30 cité
dans Damisch, 1997, 291.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 149
artiste pauvre, qui essaye de profiter du fait qu’elle avait été choisie
comme modèle par Manet pour se faire un nom et trouver l’accès aux
portes du Salon.
Lipton soulignera ensuite que le portrait de Victorine avait été
fait avec méchanceté, et parfois sans respecter les faits, par les
biographes du temps : «My own work on Meurent sheds some
interesting light on conventional sexual constructions of female artists
as well. Far from being the abject and foolish creature created by
Manet-myth, Meurent was an astoundingly persistent and resilient
woman. Her father was a finisher of sculpture (a ciseleur), her uncle, a
sculptor. Her origins, then, were artisanal, not proletariat, as
suggested in the literature. She was not as Zola had put it, "a girl of
our own times, whom we have met in the streets." She grew up in a
solid artisanal district in Paris before she moved to Montmartre. She
travelled to the United States at a time when that was hardly common,
and certainly not for a working woman like herself. She started
modeling professionally for Thomas Couture when she was sixteen.
At the time, Couture also conducted drawing classes exclusively for
women.» (Lipton, 1990: 90-91) Victorine Meurent a connu un certain
succès comme peintre, car son nom est mentionné dans les documents
officiels du Salon et par la Société des Artistes Français : «She lived a
very long life, until the age of 84, and exhibited at least four times,
through 1904 at one of the major official Salons of the Paris art world.
Indeed, she became a member of its sponsoring society, the Société
des Artistes Français in 1903. Throughout World War I she received
stipends from the Société – she was clearly an artist in good standing
until she was 75 years old! » (Lipton, 1990: 91) Malheureusement, ses
œuvres ont été perdues : «She exhibited for over thirty years, and at
least one of her works sold at auction after she died, but not a single
one of her paintings survives.»(Lipton, 1990: 93)
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 151
from the very first day in his studio, I was prepared to sleep with him
if it meant that he would show me how to paint.» (Main, 2008, 129) Ce
renversement du mythe de Pygmalion qui place dans la position
centrale l’art et dans la position périphérique l’amour apparaît aussi
dans Manette Salomon. Dans son article intitulé «Sex and the Salon.
Defining Art and Immorality in 1863» Anne Macaulay observe : «In
contrast with the many stories of painters’ romantic involvement with
their models (from Vasari’s tales of Raphael and the Fornarina to
Mürger’s Scènes de la vie bohéme) a second discourse of equally long
lineage emphasized the artist as the disinterested appraiser of female
flesh. For our own purposes, the best exposition of this stereotype can
be found in the Goncourts’ Manette Salomon of 1865, in which the
authors recount the story of a nude female model posing before thirty
students in Ingres’ studio who suddenly started and grabbed her
clothes when she saw a roofer staring at her from a neighboring
building. For both the model and the male student, the studio
situation was supposed to act like a huge dose of saltpeter […] The
experienced model similarly is supposed to shed her culturally
imposed shame with her clothes and return to an Edenic innocence.
As had been metaphorically represented in Ingres’ painting of
Raphael and the Fornarina, in which the Renaissance master admires
his canvas while ignoring his flesh-and-blood model and mistress
seated in his lap, art overcomes and surpasses the mundane reality of
sexual desire.» (Macauley, 1998, 62)18 L’indifférence devant une
potentielle histoire d’amour entre le peintre et le modèle sépare
18 Je cite ici l’interprétation de Macauley pour le Déjeuner sur l’herbe : «By staging
Victorine as an artist’s model, neither modest nor enticing, Manet challenges the
viewer’s morality. In effect, he is saying, if you find this woman sexually desirable, you
are not identifying with the painter who saw her as forms and colors. The artist’s
morality is asserted as different from and superior to that of men of the world, an
argument that we today may challenge as yet another artifact of the enlightenment
definition of the aesthetic, but one that Manet’s contemporaries still touted in defense of
their professional autonomy» (Macauley, 1998, 62)
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 153
nettement A Woman with no Clothes On de l’Œuvre, car ici tout est lié à
l’amour de la peinture des deux personnages, Manet et Victorine.
5.3.2. «La réflexion sur le rapport entre art et nature» apparaît
souvent, occupant la plus grande partie du roman. On rencontre ce
topos dans les efforts de Victorine de représenter ce qu’elle voit, dans
ses recherches d’un modèle, mais aussi dans les discussions de Manet
avec Charles Baudelaire sur la peinture exposée aux Salons, sur les
critiques du Salon et leur résistance devant la modernité ou sur la
moralité dans l’art.
On rencontre dans les pensées de Victorine les stéréotypes de
l’écriture ekphrastique classique : la jeune fille rêve de devenir un
peintre célèbre et admiré, regarde son image reflétée dans une fenêtre
et, comme Narcisse, le premier peintre, est fascinée par cette image.
«When it’s dark outside, I like to see my reflection in the window
opposite and think that one day I will paint a picture on a large
canvas» (Main, 2008, 21). Cela rappele le mythe de l’invention de la
peinture raconté par Pline dans Naturalis Historia selon lequel une
jeune fille de Corinthe a copié l’ombre, projetée sur un mur, de son
amant, qui partait à la bataille : «I will paint a picture on a large
canvas : it’ll show me standing here in front of a background of rows
and rows of coloured bottles of spirits and shining fruit jars. I imagine
the canvas at an exhibition and people coming in and touching the
bottles and fruit jars, thinking they were real. I’d love to stand on the
side and watch them. It’s a folly to imagine that possibility.» (Main,
2008, 21) Le désir de Victorine de peindre une nature morte qui
produirait l’illusion de réel aux spectateurs rappelle une autre
anecdote de Pline, qui raconte la célèbre histoire des raisins de Zeuxis,
qui étaient si ressemblants qu’ils trompaient les oiseaux. Les pensées
de Victorine la portent ensuite vers une idée qui caractérise la
peinture moderne de Manet : «The pictures in the Louvre don’t
154 Alexandra Vranceanu
involve people like me. They are nymphs and goddesses, not doing
much except lying around.» (Main, 2008, 21)
Cette idée apparaît aussi dans les discussions de Manet avec
Charles Baudelaire sur le modernisme en peinture, où tous les deux
soulignent le droit de l’artiste à représenter la société moderne.
Discutant les peintures du Salon, Baudelaire demande à Manet : «You
think that one has to paint what one sees and be accurate in one’s
drawing ? […] What is the point of painting like Bouguereau ? […]
Yes, we must always be modern. […] I am interested in painting
people from everyday life, ordinary characters, like street singers,
dancers, absithe drinkers-‘ ‘And whores.’ ‘And whores, my dear
friend.’ ‘I write about those foul women, those temptresses of the
night and you need to paint them, Edouard.’» (Main, 2008, 114)
Les discussions de Manet et de Baudelaire prennent en
considération le problème de la morale en art et, en cela, ils mettent en
parallèle le scandale des Fleurs du mal avec le scandale provoqué par
les toiles de Manet (Main, 2008, 233) : «’Edouard’, Charles says,’how
many times have we agreed that artists need to embrace la modernité ,
the fleeting and seemingly trivial world of contemporary life ? We
need crowds, street scenes, drunks in cafes, the splendor and the
ugliness.’ Charles is right. I can do the dress of the past : La Pêche has a
couple in seventeenth century costume. But I no longer wish to refer
to Rubens. I rather give them my Buveur d’absinthe, or Le vieux
musicien. (Main, 2008, 232) Dans leur discussions, Charles Baudelaire
et Manet arrivent souvent à discuter des problèmes d’esthétique
visuelle : « He was holding Victorine’s portrait in his hand. ‘The light,
Edouard. It is like what Nadar uses for his photographs’ » (Main,
2008, 126) D’ailleurs le roman contient de nombreuses références à la
littérature critique de spécialité, cités soigneusement à la fin dans
Aknowledgements.
5.3.3. Le topos «l’atelier du peintre» est complètement redéfini
dans ce roman. Ce lieu, qui au XIXe siècle appartenait exclusivement
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 155
Conclusions
2 Dans le dernier chapitre de ce livre je m’arrêterai sur cette distinction, entre des
romans ekphrastiques qui décrivent des œuvres d’art très connues et des romans où
l’écrivain décrit un tableau imaginaire.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 163
come Dante nei gironi dell’Inferno, e il suo Virgilio gli parlava dalle
pagine del saggio di Foucault. Lo specchio assicura una metatesi della
visibilità che incide, a un tempo, nello spazio rappresentato nel quadro e nella
sua natura di rappresentazione: mostra al centro della tela, ciò che del quadro
è due volte necessariamente invisibile. [...] Las Meniñas è un puro
documento fotografico di vita. Ma l’autore ha bluffato schiaffandoci
dentro questo specchio, questa ardua luce. Ma a che pro?» (Bussotti,
2008, 80-81). Ce passage est écrit dans un mélange de styles : il y a
d’une part le dialogue avec le tableau, car Bertone sent que le peintre
l’invite à entrer dans l’espace peint. Ce type de discours, qu’on trouve
dans les Salons de Diderot, mais aussi dans La Galerie de Philostrate,
est une invitation à la narrativisation du tableau. Ensuite le
commissaire fait une analogie entre sa situation de voyageur au pays
des arts et le couple Dante-Virgile. Le rôle de Virgile est joué dans le
cas de Bertone par l’interprétation que Foucault avait faite du tableau
de Velasquez, et il le cite. Le fragment se conclut sur un ton colloquial,
une phrase essentielle, car elle souligne l’élément clé du tableau : «Ma
l’autore ha bluffato schiaffandoci dentro questo specchio, questa ardua
luce. Ma a che pro ?». Bertone exprime ainsi son angoisse devant le
miroir que le peintre avait introduit dans le tableau, et qu’il n’arrive
pas à interpréter correctement. À quoi ça sert, ce miroir, se demande le
commissaire, et son impatience se traduit par le verbe appartenant à la
langue parlée (schiaffando) associé de manière incongrue à un terme
littéraire, poétique (ardua).
Bertone n’est pas le seul à avoir pensé que l’énigme du
tableau est cachée dans la position et signification de ce miroir peint
par Velasquez au fond du tableau, dans sa position par rapport aux
personnages. Et en effet, la réponse à cette question épineuse sera
donnée à la fin du roman et aidera le commissaire à comprendre qui
est le criminel. Je reviendrai au problème du miroir dans le
paragraphe suivant.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 169
6Je me suis déjà arrêtée sur ce rapport dans l’analyse d’Obscura de Régis Descott dans le
chapitre précédent. Dans Vranceanu, 2009 j’ai analysé ces deux romans suivant ce
rapport qui les caractérise tous les deux.
172 Alexandra Vranceanu
Conclusion
1 Une variante abrégée de ce texte a été publié sous le titre « Les photos du corps absent
et l’autofiction» dans Vranceanu 2006.
2 Par exemple l’exposition “Moi, Je, autoportraits du XXe siècle”, 31 mars - 25 juillet
3 Les Salons de Diderot sont des textes fondateurs de ce point de vue. Voir Vouilloux,
1994, Buchs, 2000 et Bank Pederson, 1999.
4 Pour une brève histoire du roman avec photos voir Baetens, Gelder (2006).
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 183
7 Voir Grojniwski, 2002 et Thélot, 2003 et aussi Ortel, 2002, La Littérature à l’ère de la
photographie. Enquête sur une révolution invisible.
8 Dans La photographie contemporaine. Tableaux Choisis (2002), Christian Gattinoni et
critiques qui dirigent le panthéon des arts 9. Ça sera André Breton qui
donnera un rôle central à la représentation photographique dans
L’amour fou et surtout dans Nadja, où il renonce à décrire les
personnages, places ou maisons et remplace les descriptions verbales
par des photos (Breton, 1964, 6). On verra comment tous ces sous-
entendus qui accompagnent tacitement la photographie seront mis en
discussion dans L’Usage de la photo.
1. La mise en images10.
définir la valeur et l’intérêt de notre entreprise. D’une certaine façon, elle ressortit à la
mise en images effrénée de l’existence qui, de plus en plus, caractérise l’époque.»
(Ernaux, Marie, 2005, 12-13)
186 Alexandra Vranceanu
11 Voir aussi sur ce sujet les distinctions proposes par Genette (1990).
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 189
12 Philippe Delerm, Intérieur, avec les tableaux de Vilhelm Hammershøi (2000) est un
récit formé par la série de descriptions d’une série de tableaux de Vilhelm Hammershøi,
qui représentent principalement les portraits de sa femme, discuté dans le chapitre 5.
13 Dans «Le public moderne et la photographie” du Salon de 1859, Baudelaire parle du
rôle de la photo : «Qu’elle sauve de l’oubli les ruines pendantes, les livres, les estampes
et les manuscrits que le temps dévore, les choses précieuses dont la forme va disparaître
et qui demandent une place dans les archives de notre mémoire, elle sera remerciée et
applaudie.»
190 Alexandra Vranceanu
14Voir aussi Roussel-Gillet (2008), specialement les pp. 294-296 pour le role du temps
dans l’Usage de la photo.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 191
85).
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 195
morte, car il faut interpréter les détails pour lui donner un sens. Les
auteurs de l’Usage de la photo sont les premiers à déchiffrer ces images
qui, d’ailleurs, se lisent difficilement : « Ma première réaction est de
chercher à découvrir dans les formes des objets, des êtres, comme
devant un test de Rorschach où les taches seraient remplacées pas des
pièces de vêtement et de lingerie. Je ne suis plus dans la réalité qui a
suscité mon émotion puis la prise de vue de ce matin-là » (Ernaux,
Marie, 2005, 24).
Les photos ont trois ancrages temporels : le moment de
l’action, le moment de la prise de la photo et le moment de l’écriture.
La distance entre l’acte qui a précédé la photo, sa représentation et le
temps de la description change tout, car la scène d’amour se
métamorphose, en passant par la photographie, dans un tableau
inconnu. Au lieu de renforcer l’effet de réel, la photo semble cadrer
l’action en la métamorphosant dans tout autre chose, la représentation
d’une représentation : «Découvrant pour la première fois ce puzzle
textile, j’avais été saisi par la beauté fulgurante de la scène. La jambe
retournée d’un pantalon, une culotte entortillée sur elle-même, des
lacets à moitié défaits : tout me disait la force de l’acte et de l’instant.»
(Ernaux, Marie, 2005, 30).
C’est la lecture plastique des photos qui nous donne cette
impression, car les images sont souvent analysées dans leurs
ressemblances aux tableaux : « Comme dans une nature morte, ne
comptent que les formes et les couleurs, le drapé du châle, le bleu des
chaussettes en contrepoint de celui de la chemise, le blanc de la
ceinture de boxer rappelant celui du cuir intérieur des chaussures
noires.» (Ernaux, Marie, 2005, 72) Ou : « Impression que M a
photographié une toile abstraite dans une galerie de peinture. »
(Ernaux, Marie, 2005, 146) Cette manière de représenter l’espace
photographique dans une manière picturale est une caractéristique de
la photographie postmoderne. Par exemple l’artiste britannique Tom
Hunter fait référence dans The Way Home au tableau Ophelia (1851-
196 Alexandra Vranceanu
1852) de John Everett Millais, et, dans une autre série, Persons
Unknown (1997) aux peintures de Jan Vermeer ; un autre artiste, Sam
Taylor-Wood cite en reprenant en photo un célèbre tableau du peintre
victorien Henry Wallis (1890-1916), The Death of Chatterton et les
photos de Thomas Struth intitulées Paradise17 font penser au Douanier
Rousseau.
Le cadrage plastique de l’espace devient d’ailleurs de plus en
plus important pour Annie Ernaux et Marc Marie. Peu à peu, la photo
semble emporter sur le texte, comme si la beauté des détails visuels
suffisait à elle-même et les fonctions narratives de l’image, sa capacité
de déclencher la mémoire et de générer le récit perdait importance :
«Les premières photos sont nées d’un détail. Je cadrais sur un point
précis, j’essayais le plus possible de ne pas utiliser le flash en
”gonflant” la sensibilité de l’appareil par rapport à celle de la
pellicule. Puis mon champ de vision s’est élargi : ce n’était plus le
simple contraste d’un vêtement par rapport à un autre, le reflet de la
lumière naturelle sur le cuir d’une chaussure, mais l’ensemble d’une
scène que je cherchais alors de saisir, afin d’englober les différents
strates d’une dramaturgie, la pièce que nous venions de jouer pour
nous seuls.» (Ernaux, Marie, 2005, 147)
On ne dénie pas aux photos leur capacité d’enregistrer la
réalité, mais au fur et à mesure que les auteurs s’habituent à leur
technique, l’art et l’artifice deviennent plus importants que l’effet de
réel. Et c’est à ce moment que parait l’unité totale entre l’image et les
textes. En parlant des écrivains qui emploient des photos ou des
photographes qui utilisent des textes, François Soulages observe
que peu d’artistes arrivent à un haut niveau d’union des photos et de
textes et il cite « comme exemple, dans trois directions différentes,
Duane Michals, Denis Roche et Claude Maillard. Si leurs œuvres ont
18 La Honte (1997) et aussi Une femme (1987). Les romans d’Annie Ernaux sont souvent
des autofictions. La place (1987) prend comme sujet la vie de son père, Une femme la vie
de sa mère, dans La Honte elle fait référence à ses souvenirs d’enfance et dans La femme
gelée (1981) à son mariage.
19 Proust a été peut-être le premier à remarquer la liaison entre la photo, l’écriture et la
mort dans l’épisode ou le narrateur retourne à Balbec après la mort de sa grande mère
et retrouve son portrait photographique qu’elle avait voulu laisser à son neveu, photo
prise par Saint Loup peu de temps avant sa mort. (Proust, II, p. 775, 779-780). Voir
Cléder, Montier, 2003.
198 Alexandra Vranceanu
20Il suffit de penser aux travaux d’Orlan par exemple, surtout à l’enregistrement de ses
opérations esthétiques. Voir Paul Ardenne (2001), le chapitre „L’Ere de monstres” et le
catalogue Hors Limites, l’art et la vie 1954-1994 (1994).
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 199
Le voyage ekphrastique:
interférences entre le verbal et le visuel dans
Le Journal indien1
1Cet article a été publié dans Studies on Lucette Desvignes and the Twentieth Century, nr.
17, 2007, The Ohio State, Newark, p. 81-91.
202 Alexandra Vranceanu
2 Pour le rapport entre la peinture et la poésie dans la pensée de Marino voir Moses,
1985, 82-110.
3 Voir à ce sujet Heffernan, 1993, 169-190 pour la relation entre le poème ekphrastique
5 Cette « compétition » est un topos fréquemment utilisé dans l’histoire de l’ut pictura
poesis, dès l’âge classique. Elle est souvent exprimée par la description négative, une
figure ou l’écrivain affirme son infériorité par rapport au peintre. Voilà un exemple qui
montre que la compétition entre peintre et poètes est encore vivante dans les yeux du
personnage de La brise en Poupe, Valmy : « la peinture, ce qui parle d’une âme sensible à
la beauté des formes, des couleurs, non seulement à la beauté des âmes, des mots, des
idées : je suis sûr que sous le crayon d’un artiste la vie serait conservée sans doute
mieux que par le biais des mots »5, Valmy pense en images, comme observe Silvia
Pandelescu, « d’où le style elliptique, syncopé, visuel, à support nominal, reproduisant
une activité mentale spontanée » (Pandelescu, 2005, 38)
210 Alexandra Vranceanu
6 Tournier, Boubat, Vues de dos, 1981, photos accompagnées par des textes dans une
structure paratactique proche de celle du Journal indien) et Philippe Delerm, Intérieur,
2001, où l’écrivain commente/invente/explique/narrativise les tableaux de Wilhelm
Hammershøi.
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 211
ton sec mènent le lecteur à croire qu’il est en train de lire un roman
historique. Et en vérité, La princesse de Mantoue utilise en partie la
structure du roman historique, avec l’artifice des lettres trouvées, ce
que conduit à un récit qui produit un fort effet de réel.
La raison pour cet effet de réel se trouve dans la source
d’inspiration de ce roman qui n’est pas, comme on aurait pu le croire,
la fresque de Mantegna, mais un essai d’histoire et d’histoire de l’art
écrit par Maria Bellonci. Marie Ferranti confesse dans la postface du
roman : « Il n’y a jamais eu de correspondance entre Barbara de
Brandebourg et Maria de Hohenzollern […] J’ai rassemblé quelques
éléments épars, puisés dans un article de Maria Bellonci sur les
Gonzague » (Ferranti, 2002, 136) L’article cité par Marie Ferranti est
une sorte d’explication d’image proposée par Maria Bellonci, dans un
article, « Portrait de famille », lui-même à mi-chemin entre un texte
scientifique et une fiction. Dans la dernière phrase de la postface
Ferranti s’excuse de nous avoir attiré dans ce piège fictionnel : « Tout
cela est un jeu, du roman dont les personnages ont été peints dans le
milieu du XVe siècle italien ». (Ferranti, 2002, 136)
Le goût du lecteur contemporain se dirige souvent vers ce
qu’on appelle «des histoires vraies», des documentaires, des
biographies de célébrités, car la fiction a perdu terrain devant ces
textes qui semblent donner des informations véritables. Voilà
pourquoi le coté documentaire du roman ekphrastique s’adresse à un
lecteur qui est prêt à apprendre et s’amuser en même temps. Les
écrivains contemporains redécouvrent ainsi une technique utilisée au
19e siècle pour convaincre les lecteurs de la noblesse de ce genre
bâtard, comme à l’époque on considérait le roman.
que Peter van Huys a existé, en nous demandant de vérifier ses dates :
« Van Eyck y Campin, por su parte, son responsables de que La partida
de ajedrez, y su autor, Pieter van Huys – busquen en las enciclopedias :
Brujas, 1415, Gante, 1481 –, pertenezcan a la escuela flamenca del siglo
XV. Ellos, mejor que nadie, me convencieron de que cualquier escena
inofensiva y doméstica puede encerrar simbolismos ocultos,
misteriosos, sentidos que escapan al observador, como la misma vida,
como un enigma a resolver. » (Reverte, El Sol, 1990).
Arturo Perez Reverte affirme donc que ce sont les peintres
flamands qui lui ont suggéré l’idée qu’une banale scène d’intérieur
peut cacher les indices d’une énigme à résoudre. Et pourtant,
cherchant dans les encyclopédies, on trouve que Peter Huys existe bel
et bien, et qu’on peut admirer deux de ses tableaux au Louvre et au
Musée d’art ancien de Bruxelles ; mais qu’il n’existe aucun tableau
peint par lui au Prado, qu’il n’a pas vécu au 15 e siècle, mais au 16e, et
qu’il est un disciple de Jérôme Bosch et non pas de Jan van Eyck. De
toute façon, si la pittura e cosa mentale, comme le voulaient Leonardo
da Vinci, alors elle peut se matérialiser dans n’importe quelle matière,
pourquoi pas en langage verbal aussi. La fausse référence n’annule en
rien l’ekphrasis, mais il ne s’agit plus d’une histoire qui explique
l’énigme cachée dans une œuvre réelle, mais d’une œuvre générée par
la phantasia d’un écrivain. Le rapport entre l’image peinte et l’image
mentale est toujours très fort dans le cas du roman ekphrastique.
La fausse tabla de Flandes peinte par le vrai van Huys, telle
qu’elle est décrite par Perez Reverte, est un mélange de styles,
techniques, bouts de vérité et de fiction et, même si elle n’existe pas
dans un musée, le lecteur peut l’imaginer par l’intermède de la
description détaillée du narrateur. Du point de vue théorique, la
distinction entre une ekphrasis qui décrit une œuvre réelle et une
ekphrasis qui invente une œuvre d’art ne devrait pas poser problème.
John Hollander (1988) a proposé de nommer la deuxième «ekphrasis
Quelques aventures de l’«ekphrasis» dans la fiction contemporaine 223
Arturo Perez Reverte ira plus loin que Longus sur le chemin de la
vraisemblance ekphrastique : il fait de nombreux commentaires qui
prennent en considération l’histoire supposé du tableau, il parle
même des relations entre l’artiste et le modèle, le chevalier assassiné, il
invente une histoire d’amour entre le chevalier-poète et la dame
peinte dans le tableau. Tous ces détails attirent le lecteur à figurer une
image mentale à l’aide de la phantasia créatrice. Les détails visuels sont
très importants dans ce roman et d’ailleurs Perez Reverte affirme
ouvertement que ses modèles visuels sont Van Eyck et Campin, donc
des artistes connus. La phantasia est, disait Philostrate par l’intermède
de son héros, Apollon de Tyane, une maîtresse plus grande que la
mimésis, et de ce point de vue il n’existe aucune différence entre un
tableau réel et un tableau imaginaire ; la phantasia est tout à fait
capable de créer une image mentale qui peut avoir la même force
qu’une image réelle.
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232 Alexandra Vranceanu
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