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Marc de Launay
MLN, Volume 127, Number 3 , April 2012 (German Issue), pp. 645-664 (Article)
Marc de Launay
1
C’est, de manière exemplaire, le cas de certaines sectes gnostiques manichéennes
(celle de Carpocrate, par exemple, au IIe siècle de notre ère), du courant sabbatianiste
et de son prolongement, au XVIIIe siècle dans les sectes frankistes (cf. G. Scholem,
« La Rédemption par le péché », Le Messianisme juif, trad. fr. B. Dupuy (Paris : Cal-
mann-Lévy, 1974).
2
Plus proche d’une conception comme celle de Hermann Cohen, Religion de la Rai-
son tirée des sources du judaïsme, trad. A. Lagny et M. de Launay (Paris : PUF, 1994). Cf.,
également, P. Bouretz, Témoins du futur (Paris : Gallimard, 2005).
MLN 127 (2012): 645–664 © 2012 by The Johns Hopkins University Press
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6
G. Scholem, Aux origines religieuses du judaïsme laïque, préf. M. Kriegel (Paris : Cal-
mann-Lévy, 2000).
7
Ce texte fut d’abord celui d’une conférence « Eranos » publiée dans Eranos Jahrbuch,
n° 39 (1970) (repris et traduit en français par M. Hayoun et G. Vajda in Le Nom et les
symboles de Dieu [Paris : Le Cerf, 1988]).
8
B. Menke, Sprachfiguren (Munich: Fink, 1991) 29.
9
W. Menninghaus, Walter Benjamins Theorie der Sprachmagie (Francfort/M.: Suhrkamp,
1980) 189.
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10
S. Mosès, L’Ange de l’histoire (Paris : Le Seuil, 1992) 252 sq.
11
S. Handelmann, Fragments of Redemption (Bloomington: Indiana UP, 1991) 77.
12
R. Wolin, Walter Benjamin. An Aesthetic of Redemption (New York: Columbia UP,
1982) 39–41.
13
R. Alter, Necessary Angels. Tradition and Modernity in Kafka, Benjamin, and Scholem
(Cambridge (Mass.): Harvard UP, 1991) 46.
14
M. Idel, « A. Aboulafia, G. Scholem and W. Benjamin, on Language », in Jüdisches
Denken in einer Welt ohne Gott (Berlin: Vorwerk 8, 2000). Cf., également, L’Expérience
mystique d’Abraham Aboulafia (Paris : Le Cerf, 1989).
15
Avant 1920, Scholem ne connaissait que les textes d’Aboulafia traduits par A. Jel-
linek à partir de 1853 ; mais en 1916, il ne pouvait transmettre à Benjamin une vue
maîtrisée de L’Épître des sept voies, par exemple (Paris : Éd. de l’ Éclat, 1985, préf. S.
Trigano, trad. J.-Ch. Attias).
16
Scholem écrit, dans une conférence de 1964 sur Benjamin, qu’il lui a fait connaître,
en 1916, l’existence de l’ouvrage de F. J. Molitor sur la kabbale, Philosophie der Geschichte,
oder über die Tradition, Francfort/M., 1827, et que Benjamin acquit ainsi l’un « des pre-
miers ouvrages sur le judaïsme » ; cf. G. Scholem, Fidélité et utopie, trad. M. et J. Bollack
(Paris : Calmann-Lévy, 1978) 131.
17
Scholem a débuté ses lectures de textes kabbalistiques en 1915. Le texte de Benjamin,
aux dires de Scholem, fut une réponse à une lettre que ce dernier lui avait envoyée à
propos des rapports entre mathématiques (Scholem avait étudié cette discipline avant
de se vouer à l’histoire) et langage. Dans son ouvrage biographique, De Berlin à Jérusa-
lem, Scholem mentionne, en la datant de fin novembre 1920, une conversation entre
Benjamin et lui : Scholem faisait part à son ami d’un changement dans l’orientation de
ses recherches ; il allait abandonner la problématique du langage kabbalistique, rebuté
par la difficulté des textes auxquels il était confronté, spécialement ceux d’Aboulafia.
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18
M. Idel, « A. Aboulafia, G. Scholem and W. Benjamin, on Language ». Cf., éga-
lement, « À la recherche de la langue originelle », Revue d’histoire des religions 213.4
(1996) : 423–32.
19
W. Benjamin, Œuvres I, trad. fr. P. Rusch et R. Rochlitz (Paris : Gallimard, 2000)150.
20
W. Benjamin, Origine du drame baroque allemand, I. Wohlfahrt (Paris : Flammarion,
1985) 37.
21
M. Idel a fort bien souligné que « le passage d’une vision cosmogonique à une vision
épistémologique du langage représente le point de divergence le plus fondamental
des Modernes par rapport aux conceptions qui prévalaient dans le judaïsme médiéval
sur l’appréciation du langage » (cf. « Langue et kabbale. Le langage mystique : de la
cosmogonie à l’épistémologie », Revue de l’histoire des religions, n° 4, 1996). Ce n’est plus
le monde en lui-même qui est structuré par le langage, mais la perception que nous en
avons. Indépendamment de sa connaissance des sources spécifiquement juives, Benjamin
a donc pu très logiquement reconstruire une conception du langage partagée par la
plupart des mystiques médiévales.
22
Benjamin, Œuvres 1 : 146.
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23
Benjamin, Œuvres 1 : 147.
24
Benjamin, Œuvres 1 : 148.
25
Benjamin, Œuvres 1 : 148.
26
Genèse 3, 20.
27
C’est à Adam que le texte attribue la tâche de justifier le nom d’Ève en réaction, à
la malédiction divine qui vient de lui rappeler sa condition mortelle en jouant sur le
signifiant de son nom (adama : terre) : « poussière tu es, tu retourneras à la poussière ».
Adam oppose à la mortalité humaine, l’histoire de l’humanité rendue possible par Ève.
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28
Nommer les animaux n’a pas pour cause première ni pour cause finale l’exercice
d’un pouvoir de nomination : la finalité de cet exercice de langage est de montrer à
quelle condition il peut être mis fin à la solitude : le texte biblique semble revenir sur ce
qui a déjà été « créé », l’homme et la femme (Genèse, 1, 27) ; en fait, Genèse 2 montre,
en détail, cette fois, les conditions de possibilité d’une relation autre que simplement
sexuée, et la médiation essentielle se révèle être le langage, qui d’ailleurs prime sur
la relation sexuelle, commune à tous les animaux. L’injonction faite à l’homme de
« quitter son père et sa mère » pour s’unir à sa femme introduit une rupture dans la
répétition purement instinctive de la fécondation. De tous les animaux qui partagent
avec le genre humain le fait d’avoir « un souffle de vie », l’homme se distingue en
faisant un usage différent de son « souffle ».
29
Genèse 6, 2.
30
Contrairement à la représentation ordinaire et habituelle, la différence des langues
n’est pas le résultat d’un châtiment divin frappant Babel (cf. Genèse 10, 32), mais un
état de fait qui doit être reconnu comme tout aussi nécessaire que le partage de la terre.
Le verdict frappant Babel contraint ceux qui ont voulu se soustraire à la dispersion et
à la différence de s’y conformer.
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31
Genèse 2, 19.
32
Cf. « Crise de vers », Œuvres complètes (Paris : Gallimard, « La Pléiade », 1945) 363.
33
Benjamin, Œuvres 1 : 154.
34
Il devient alors impossible, du point de vue de l’exégèse du texte biblique, de
comprendre autrement le péché qu’en supposant une éclipse de cette connaissance
parfaite, et la fonction d’Ève est bien conforme à toute une tradition chrétienne de
lecture puisqu’elle est censée troubler le jugement d’Adam et l’induire en tentation
grâce, sans doute, à ses seuls charmes puisqu’elle n’argumente qu’avec le Serpent . . .
35
Benjamin, Œuvres 1 : 161.
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36
Benjamin, Œuvres 1 : 157.
37
Benjamin, Œuvres 1 : 157.
38
Benjamin, Œuvres 1 : 157.
39
On trouve une résonance directe de cette conception dans la première des « Dix
propositions non historiques sur la kabbale » de G. Scholem : « La tradition authentique
reste cachée ; seule la tradition déclinante déchoit jusqu’à être un objet, et c’est dans
cette déchéance seulement qu’elle devient visible dans toute sa grandeur. » Publiée en
1958, ces « Dix propositions . . . » ont cependant été rédigées en 1921, comme l’atteste
le manuscrit 4° 1599/282 des fonds Scholem de la bibliothèque de Jérusalem. La 9ème
proposition est un écho direct des conceptions benjaminiennes : « Les totalités ne
peuvent être transmises que de manière occulte. Le nom de Dieu peut être évoqué,
mais non prononcé. Car seul ce qui en lui est fragmentaire permet au langage d’être
parlé. Le “vrai” langage ne saurait être parlé, pas plus que l’absolument concret ne
saurait être réalisé. » (cf. G. Scholem, Aux origines religieuses du judaïsme laïque, trad. M.
de Launay (Paris : Calmann-Lévy, 2000) 255.
40
S. Mallarmé, « Sonnet allégorique de lui-même », Œuvres complètes I, éd. B. Marchal
(Paris : Gallimard, 1998) 37.
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41
Benjamin, Œuvres 1 : 165.
42
Benjamin, « Fragment théologico-politique », Œuvres 1 : 264. Une lettre de Scho-
lem à Maurice de Gandillac (11 novembre 1970), date en toute certitude ce texte de
1920–1921, c’est-à-dire, précisément, de l’époque où les deux amis étaient en pleine
discussion sur ces questions.
43
Benjamin, Œuvres 1 : 157 sq.
44
Benjamin, « La tâche du traducteur », Œuvres 1 : 251.
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45
G. Scholem, Tagebücher 1917–1923 (Francfort/M.: Insel, 2000) 345 sq.
46
C’est Scholem qui se chargera d’écrire et de prononcer le discours tenu à l’occasion
de la publication de cette traduction débutée en 1925 et achevée en 1961 (trad. fr. par
B. Dupuy, in G. Scholem, Le messianisme juif (Paris : Calmann-Lévy, 1974 ; il s’adresse,
gardant le souvenir de ce qu’il avait écrit quarante-deux ou quarante-trois ans aupa-
ravant dans son Journal, en ces termes à Buber : « Quel Gastgeschenk [xenion] les Juifs
pouvaient-ils offrir à l’Allemagne qui pourrait avoir davantage de signification historique
qu’une traduction de la Bible ? [ . . . ] Si l’on envisage les choses avec le regard de
l’historien, cette traduction ne peut plus être le Gastgeschenk des Juifs d’Allemagne. Elle
sera au contraire [ . . . ] la pierre tombale d’une relation qui a été anéantie dans une
catastrophe effroyable. » On notera que le « regard de l’historien » a désormais pris
le pas sur toute autre considération d’ordre mystique.
47
G. Scholem, Briefe I : 1914–1947 (Munich: Beck, 1994) 471 sq.
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et retrace ainsi le parcours intellectuel qui fut le sien depuis les pre-
mières orientations de sa jeunesse jusqu’à la rédaction d’une longue
étude sur le sabbatianisme – « La rédemption par le péché » – qui
précède néanmoins les deux grands livres qu’il consacrera à la kab-
bale (Les grands courants de la mystique juive, 1938-1941, et Sabbataï
Tsevi, 1957). Le point de départ de tous ses travaux ultérieurs est la
décision très précoce de préférer ce qu’il appelle la « philologie » aux
mathématiques, sa première formation universitaire, et à la théorie
de la connaissance. Ce qu’il appelle « philologie » est, exprimé dans
d’autres termes, la critique historique et l’examen historico-critique
des sources documentaires dont il souligne à la fois qu’ils sont indis-
pensables et qu’ils exigent des sacrifices : autrement dit, les sources
mystiques juives restent inaccessibles sans ces instruments méthodo-
logiques, mais, et précisément parce que les saisir implique le biais
d’une méthode, ce que l’on peut ainsi appréhender demeure l’objet
d’une analyse et non une source vivante : « Certes, il se peut fort bien
que l’histoire soit au fond une apparence, mais une apparence sans
laquelle aucune vision de l’essence n’est possible dans le temps. Le
merveilleux miroir concave de la critique philologique peut refléter,
pour l’homme d’aujourd’hui, d’abord, et de la manière la plus pure
dans les structures légitimes du commentaire, cette totalité mystique du
système dont cependant l’existence s’efface précisément lorsqu’elle est
projetée dans le temps historique. » Acceptant le dualisme qu’impose
la partition entre méthode et objet, Scholem nourrit néanmoins l’es-
poir qu’une lumière autre que celle projetée par la philologie sur son
objet viendra éclairer non pas seulement ses travaux, mais l’orientation
même de l’histoire juive contemporaine : « Aujourd’hui, comme au
premier jour, la vie de mon travail consiste dans ce paradoxe, et se
nourrit de l’espoir d’être justement interpellé depuis la montagne, de
voir se produire cette infime translation, tout à fait imperceptible, de
l’histoire qui, à travers l’apparence de l’“évolution”, laisse sourdre la
vérité. » Le paradoxe48, c’est ce qui caractérise la position même du
48
Cf. la première des « Dix propositions non historiques . . . », 249 : « La philologie
d’une discipline mystique comme la kabbale a quelque chose d’ironique en soi. Elle
s’intéresse à un voile de brume qui [ . . . ] nimbe le corps de la chose même [ . . . ],
brouillard qui, en fait sourd de son objet. Reste-t-il dans ce brouillard et discernable
pour le philologue, quelque chose de la loi de la chose même, ou bien n’est-ce pas
précisément l’essentiel qui s’estompe dans cette projection historienne ? L’incertitude
de la réponse à cette question ressortit à la nature de la problématique philologique
elle-même ; ainsi, l’espoir dont vit ce travail conserve-t-il quelque chose d’ironique
dont on ne saurait l’en détacher. »
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49
Cf. la dernière des « Dix propositions . . . » où Scholem cite un passage des « Médi-
tations sur le péché, la souffrance, l’espoir et le vrai chemin » (publié in Préparatifs de
noces à la campagne [Paris : Gallimard, 1994 (coll. « L’imaginaire »)] 51, aphorisme 30).
50
Notamment dans son essai sur « L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité
technique ».
51
Benjamin, Origine du drame baroque allemand, 44
52
Benjamin, Œuvres 1 : 188 sq. Les critiques adressées par Scholem et Benjamin à
Cohen, lorsqu’il s’agit de revivifier et de révolutionner la notion d’expérience dans
une perspective explicitement religieuse, vont de pair avec un profond respect (voire
une sorte de vénération juvénile chez Scholem), comme en témoignent les nombreuses
références louangeuses de Benjamin à l’Esthétique du sentiment pur (1912) de Cohen
dans son étude sur les Affinités électives de Goethe.
53
Cf., notamment, G. Scholem, « 95 Thèses sur le judaïsme et le sionisme », envoyées
à Walter Benjamin le 15 juillet 1918 à l’occasion de son 26ème anniversaire : thèses 63
et 75 (in G. Scholem, Sur Jonas, la lamentation et le judaïsme [Paris : Hermann, 2011]).
658 Marc de Launay
54
Entretien avec Muki Tsur, in Fidélité et utopie, 55. Il admet un peu plus loin que toutes
les décisions majeures de sa vie ont eu une dimension religieuse. Mais Scholem insiste
avec la dernière énergie sur le fait qu’il a toujours refusé de voir dans le sionisme un
mouvement messianique (67).
55
Bien que Scholem se soit toujours très nettement élevé contre les tentatives de
Benjamin pour voisiner avec le marxisme (sans doute sous la pression d’Adorno et
de Horkheimer), il lui est arrivé de reprendre presque littéralement, et sans citer ses
sources, les conceptions développées par Benjamin dans ses thèses « Sur le concept
d’histoire », qui ont été conçues bien avant leur publication et leur rédaction ultime
en 1940 : la conférence de 1946, « Mémoire et utopie dans l’histoire juive », reprend
notamment les « Thèses » III et VII de son ami. Il est vrai que sous la plume de
Benjamin l’expression « matérialisme historique » n’a que de lointains rapports avec
l’orthodoxie marxienne.
56
Fidélité et utopie, 72.
57
G. Scholem, « À propos de notre langue. Une confession » (1926), Le prix d’Israël
(Paris-Tel-Aviv : Éd. de L’éclat, 2003) 94.
58
G. Scholem, « Le nom de Dieu et la théorie kabbalistique du langage », Eranos
Jahrbuch, n° 39, 1970, repris in Le Nom et les symboles de Dieu, trad. M. Hayoun et G.
Vajda (Paris : Le Cerf, 1988).
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59
Scholem, « Le nom de Dieu », 56.
60
Cf. Psaume 33, 6. D’où l’on peut tirer l’idée centrale que le nom divin est agens,
ce qui implique une coïncidence entre le nom et le verbe divins.
61
Cf.. M. Buber, Une nouvelle traduction de la Bible (Paris : Hermann, 2012). Dans sa
lettre du 1er juillet 1932, Martin Buber (Briefwechsel aus sieben Jahrzehnten, vol. II [1918-
1938] [Heidelberg : Lambert-Schneider, 1973] 442) écrit à Scholem : «Vous avez raison :
le ehjeh [Ex. 3, 14] doit être plus profondément analysé. Je ne voulais pas alourdir
davantage le contexte ; quant à l’essentiel, j’ai cru pouvoir me contenter de renvoyer
à Rosenzweig [«L’Éternel» («Der Ewige», in Zweistromland, 806 : B. Jacob est vanté
pour l’objectivité et l’ampleur de vue dont il a fait preuve dans son article «Mose am
Dornbusch», in Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums, 1922)] qui est
à l’origine de la chose et de l’interprétation à mon sens plus décisive (asher = en tant
que celui qui ; Benno Jacob avait découvert le trésor sans l’exhumer).»
660 Marc de Launay
62
H. Cohen, « Les courants religieux actuels », Jüdische Schriften I (Berlin : Schwetschke,
1924) 63.
63
Pirké de Rabbi Eliézer, chap. 3.
64
Talmud de Bab., Berakhot 55a : « Bézalel (qui construit le Tabernacle) savait com-
biner les lettres qui servaient à créer les cieux et la terre » ; le Tabernacle équivaut
alors à la Tente et au cosmos tout entier.
65
La conception développée dans le Sefer Yetzira (IIe-IIIe siècle) où l’alphabet est à la
fois origine de l’être créé et du langage, de sorte que l’essence linguistique du tout
permet de concevoir l’interpénétration du microcosme et du macrocosme, tandis que
le langage quel qu’il soit dérive du nom et s’y résume tout à la fois.
66
A. Aboulafia, L’Épître des sept voies (Paris : L’Éclat, 1985) 92 : « Leur erreur [à ceux
qui s’affublent du titre de ”Maître du Nom”, Baal Shem] consiste en ce qu’ils croient
pouvoir accomplir des miracles par la forces des noms et le moyen d’incantations, et, ce,
en les prononçant simplement par la bouche, sans même en avoir saisi la signification ».
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67
G. Scholem, Le Nom et les symboles de Dieu, 91.
68
A. Aboulafia, L’Épître des sept voies, 84. La logique des philosophes est impuissante
face à la prophétie mystique, dont elle est servante (90) : élucider un paradoxe consiste
à découvrir la bonne combinaison qui le résout.
662 Marc de Launay
69
G. Scholem, Le Nom et les symboles de Dieu, 95 sq. La « prophétie » mystique implique
toutes les langues étrangères réductibles à l’hébreu par une série de dérivations et de
permutations correctes, parcourant à l’inverse les corruptions successives dont elles sont
issues, puisqu’elles sont nées du langage originel ; le nom divin restant la condensation
du mouvement et de la mutation des lettres.
70
Mallarmé, « Tombeau d’Edgard Poe », Œuvres complètes, 38.
M L N 663
71
G. Scholem, Le Nom et les symboles de Dieu, 99.
72
Cf., par exemple, son entretien avec Meïr Lamed, le 15/XII/1964 (à paraître dans
le Cahier de L’Herne « Gershom Scholem » (2009) : « Si au moment de mon émigration
en Terre d’Israël, vous m’aviez demandé si j’avais pour le sionisme un intérêt politique,
je vous aurais certainement répondu : non. Et si vous m’aviez demandé : Pourquoi
êtes-vous parti pour la Palestine ? Je ne vous aurais certes donné qu’une réponse. Je
l’ai souvent donnée, et donc je peux vous la répéter. Je suis parti pour la Terre d’Israël
parce que je pensais qu’il n’y a d’espoir qu’ici. Je ne pensais pas que le succès de
664 Marc de Launay
l’entreprise sioniste en Palestine était garanti. J’ignorais si le sionisme allait revêtir une
forme politique ou non, vous comprenez ? J’ai rédigé là-dessus quelques notes, que je
n’ai pas publiées. Dans ces textes, j’ai écrit que ce qui m’a poussé à émigrer ici n’était
pas l’assurance que le projet sioniste réussirait. Je n’en étais pas du tout certain. J’ai
toujours été très pessimiste à ce sujet, très pessimiste. J’étais pessimiste à l’égard de
l’ensemble des choses juives. Mais je voulais que le projet réussisse, c’est-à-dire que je
le voulais et que je pensais que mon devoir était d’habiter la Terre d’Israël. Il fallait
en tout cas essayer. Pas d’autre voie. Si vous me posiez la question : Est-ce que vous vous
intéressez à la construction d’une société nouvelle, est-ce que vous l’espérez ? Est-ce
que ce qui compte avant tout pour vous, c’est la formation d’un organisme social vivant,
ou est-ce le cadre politique qui compte ?, je vous aurais sans aucun doute répondu dans
ma jeunesse et je vous réponds aujourd’hui que le premier point est plus important ».
73
G. Scholem, « Poésie de la kabbale ? » (1921), à paraître dans le Cahier de L’Herne
« Gerschom Scholem » (2009).