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3.2 La Santé A Un Coût Pour La Société, Le Discours Des Années 1980
3.2 La Santé A Un Coût Pour La Société, Le Discours Des Années 1980
1024
gène. La période qui commence dans les années 1980 est centrale.
Elle repose sur une nouvelle façon de penser la santé qui est désor-
3199
mais appréhendée comme un coût pour la société. L’économie de la
santé, qui était pendant les Trente Glorieuses un instrument d’études
5:16
administratives, va s’autonomiser et se constituer en discipline forte-
ment influencée par la théorie économique dominante (Benamouzig,
2.24
2005). Le discours néo-libéral, qui était jugé hérétique pendant la
1.24
période précédente, devient prédominant et va favoriser l’émergence
d’un nouveau sens commun réformateur. L’État social keynésien se
1.14
transforme progressivement en État social marchand (Batifoulier,
Domin, Gadreau, 2007).
58:4
La part des prestations sociales dans le PIB est assez sensible aux
politiques menées par les pouvoirs publics. Les dépenses de presta- 8554
tions sociales ont ralenti ces trente dernières années à prix constants
6:88
entre 1992 et 2003 et 2,3 % entre 2003 et 2014. Dans le même temps,
les dépenses de santé sont passées de 8,9 % de PIB en 1981 à 11,4 %
0225
en 2014. Mais cette évolution doit être relativisée étant donné qu’elle
coïncide avec la mise en place d’une politique qui s’est traduite par la
1
one:
l’émergence d’un discours critique sur la santé qui va se traduire dans les
faits dans les années 1980 par une première série de réformes. D’abord,
chola
1024
favoriser une maîtrise accrue des dépenses de santé.
3199
En conclusion
5:16
2.24
Ce premier chapitre montre que la construction des systèmes de santé
n’est pas un long fleuve tranquille et que la socialisation du soin est
1.24
davantage la résultante de conflits sociaux que de consensus. Les sys-
tèmes de santé et le système français en particulier sont fortement impré-
1.14
gnés de cette histoire. Deux tendances caractérisent les trente dernières
58:4
années : la diminution de la part prise en charge par la Sécurité sociale
et l’augmentation de la part des dépenses prises en charge par l’assu- 8554
rance maladie complémentaire (AMC – mutuelles, institutions de pré-
voyance et assurance). La part de la Sécurité sociale dans le financement
6:88
verrons plus loin (cf. chapitre 5), l’accès à l’AMC ne fait que perpétuer
rvox.
1. Philippe Seguin (1943-2010) est ministre des Affaires sociales et de l’Emploi de
1986 à 1988.
nal.s
2. Simone Veil (1927-2017) est ministre d’État, des Affaires sociales, de la Santé et
de la Ville de 1993 à 1995.
natio
44 Économie de la santé
inter
Chapitre 2
La dépense de santé
1024
et ses contreparties
3199
5:16
2.24
La question du poids de la dépense est centrale dans la mesure où
les systèmes de santé sont dorénavant évalués à partir de ce critère.
1.24
L’idéologie libérale considère, à quelques exceptions près, que le poids
1.14
de la dépense publique doit être réduit parce qu’il est trop important.
En revanche, un niveau élevé de dépense privé de santé n’est, pour les
58:4
libéraux, pas problématique. Cette question des comptes de la santé
est au-delà de la mise en forme statistique, nous allons le voir, émi-
8554
nemment politique (Serré, 1999). Nous organiserons notre propos en
trois temps. Nous décrirons dans un premier temps les agrégats qui
6:88
1. Comment comptabiliser
c
rvox.
la dépense de santé
chola
1024
laquelle le système français est trop cher (1.3).
3199
1.1 Les différents agrégats utilisés
5:16
Les trois agrégats permettent de rendre compte du système de santé :
la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM), la dépense
2.24
courante de santé (DCS) au sens français, la dépense courante de
1.24
santé au sens international (DCSi).
La CSBM est un agrégat important, elle représente « la valeur
1.14
totale des biens et services consommés pour la satisfaction des besoins
de santé individuels qui concourent au traitement d’une perturbation
58:4
provisoire de l’état de santé ». La CSBM inclut essentiellement les
soins demandés par les assurés sociaux et ceux pour les personnes 8554
relevant de l’aide médicale d’État (AME) ou du dispositif de soins
6:88
moins rapide que la croissance du PIB (+ 1,9 %). Une analyse de
longue période permet de mieux comprendre la part croissante de la
nal.s
46 Économie de la santé
inter
à 8,9 % du PIB. La croissance a été forte jusque dans les années
1980, notamment en raison du développement de la Sécurité sociale.
De 1980 à 2015, la croissance a été beaucoup moins rapide, notam-
ment en raison de plans de réforme. Au début des années 2000, la
croissance de la CSBM a été plus rapide (5 à 6 % par an), elle a
ensuite diminué sous l’effet d’une politique restrictive.
Graphique 2.1 : Évolution de la consommation de soins et biens
1024
médicaux (CSBM) de 1950 à 2015
3199
10
5:16
8
2.24
% de produit intérieur brut
1.24
6
1.14
4
58:4
3
2 8554
1
6:88
0
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
2989
les soins de longue durée, c’est-à-dire les soins aux personnes âgées
– délivrés au sein des unités de soins de longue durée, des établisse-
om:N
1024
du PIB (en valeur), ce qui permet de rompre avec les années 2012-
2014 où la DCS a augmenté plus vite que le PIB (2,0 % contre 1,3 %
3199
en 2013 et 2,1 % contre 1,4 % en 2014). L’évolution de la DCS est
bien entendu liée à celle de la CSBM qui en représente 74,2 %. La pre-
5:16
mière évolue même moins vite que la seconde (+1,5 % contre +1,8 %).
La diminution des coûts de gestion (–1,3 %), des autres dépenses en
2.24
faveur des malades et la faible croissance des dépenses en faveur du
1.24
système de soins permettent de contenir la croissance de la DCS. En
revanche les soins de longue durée (+2,1 %) et les indemnités jour-
1.14
nalières (+2,3 %) augmentent plus vite que la CSBM. Les premiers
résultent d’une évolution démographique structurelle (vieillissement
58:4
de la population). En revanche, les secondes dépendent essentielle-
ment de facteurs épidémiologiques (effets de la grippe saisonnière). 8554
5% 6%
0225
2%
5%
0%
1
8%
one:
74 %
om:N
c
rvox.
48 Économie de la santé
inter
Le dernier agrégat, la dépense courante de santé au sens inter-
national (DCSi), a été développé par le System of Health Accounts
(SHA) qui est piloté par l’Organisation de coopération et de déve-
loppement économique (OCDE), l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) et Eurostat. La DCSi correspond à la DCS à laquelle
on défalque les indemnités journalières (y compris les coûts de ges-
tion), une partie des dépenses de prévention (sécurité sanitaire des
1024
aliments), les coûts liés à la formation médicale et la recherche et à
laquelle on rajoute la prise en charge du handicap et de la dépen-
3199
dance. La DCSi est construite à partir des dépenses des établisse-
ments hospitaliers, des soins de ville, des transports et des biens
5:16
médicaux, des soins de longue durée (dans une acception plus large
que celle des comptes de la santé), les autres dépenses en faveur des
2.24
malades, les subventions au système de soins nettes et une partie de
1.24
la prévention institutionnelle et des coûts de gestion. L’indicateur
DCSi tend à supplanter la dépense totale de santé (DTS) pour
1.14
effectuer les comparaisons internationales. La DTS correspond à
la DCSI à laquelle sont ajoutées les dépenses de capital (dépenses
58:4
de formation brute de capital fixe-FBCF). Mais certains pays de
l’OCDE (Belgique, Luxembourg, Suisse…) excluent la FBCF 8554
dans le calcul de la DTS. En 2014, la DCSI est de 236,9 milliards
6:88
de la CSBM
one:
médicaux.
nal.s
natio
2%
8%
17 %
47 %
1024
26 %
3199
Soins hospitaliers Soins ambulatoires
5:16
Médicaments en ambulatoire Autres biens médicaux *
Transports de malades
2.24
1.24
Source : Beffy, Roussel, Solard, Mikou, Ferretti, 2016
La diminution des dépenses hospitalières est l’objectif principal
1.14
des politiques de santé depuis le début des années 1980. Le rythme
58:4
d’augmentation annuelle de la dépense hospitalière est passé de 15 %
au début des années 1980 à 5 % en 1995. Ce ralentissement, notable
8554
par rapport à la période précédente, est dû principalement à la dimi-
nution des volumes (en d’autres termes de l’activité). Les prix conti-
6:88
1. Selon l’INSEE : « Les prix courants sont les prix tels qu’ils sont indiqués à une
période donnée, ils sont dits en valeur nominale. Les prix constants sont les prix en
nal.s
valeur réelle, c’est-à-dire corrigés de la variation des prix par rapport à une donnée
de base ou de référence. »
natio
50 Économie de la santé
inter
en 2015. Celui-ci est en hausse constante depuis 2012. Ce secteur
connaît depuis quelques années une phase importante de concentra-
tion autour de quelques groupes (Ramsay-Générale de santé, Elsan,
médipole, Capio…).
L’évolution des dépenses de soins ambulatoires est différente. De
1985 à 1990, elle progresse à un rythme soutenu (+10 % par an en
moyenne et en valeur). Cette augmentation résulte principalement de
1024
la création du secteur à honoraires libres en 1980 (cf. chapitre 4) qui
génère une hausse des honoraires et donc une inflation des dépenses
3199
de santé. L’évolution continue à un rythme moindre (+4,5 % par an
en moyenne et en valeur) de 1995 à 2000. Depuis 2005, le rythme de
5:16
croissance tend à diminuer à partir de 2005, notamment en raison
de la mise en place du parcours de soins (cf. encadré 2.2). En 2005,
2.24
la dépense de soins de ville est de 50,5 milliards d’euros (soit une
1.24
évolution de +2,3 % en valeur). Cette évolution est principalement
portée par les soins des auxiliaires médicaux (infirmiers, kinésithé-
1.14
rapeutes…).
Les médicaments vendus en ambulatoire correspondent à
58:4
33,9 milliards d’euros en 2015. Cette année est marquée par une
augmentation des volumes échangés et une baisse du prix des 8554
médicaments. La diminution du prix compense la croissance en
6:88
1024
complémentaires d’assurance maladie (OCAM1) ont un rôle majeur
puisqu’ils remboursent une grande partie de la dépense (71,6 %).
3199
Alors que ces dépenses ont augmenté fortement depuis le début des
années 2000, elles ont tendance à diminuer depuis 2013. Plusieurs
5:16
raisons expliquent cette évolution. D’abord, les OCAM ont limité
certaines garanties trop généreuses en optique. Ensuite, la réforme
2.24
des contrats responsables (cf. chapitre 5) entrée en vigueur le 1er avril
1.24
2015 demande aux OCAM de ne plus rembourser les dépenses d’op-
tique que tous les deux ans. Enfin, les organismes complémentaires
1.14
tentent de réaliser des économies en mettant en place des réseaux
(cf. chapitre 5).
58:4
8554
1.3 Le système français de santé est-il
réellement trop cher ?
6:88
les États-Unis sont loin devant les autres pays. Il faut garder à l’es-
prit que si la dépense courante de santé est loin devant les autres, le
om:N
1. Sur les OCAM : cf. 2.2. et chapitre 5. Nous emploierons dans cet ouvrage les
nal.s
52 Économie de la santé
inter
(soit 33 millions de personnes) en 2014, son avenir reste largement
incertain en raison des changements politiques de 2017.
Loin derrière les États-Unis, un groupe de pays (Allemagne,
France, Japon, Pays-Bas, Suède et Suisse) se tient autour des 11 %
du PIB. Un deuxième groupe se place entre 9 et 10,5 % du PIB
(Australie, Autriche, Belgique, Canada…). Un troisième groupe
rassemble des pays dont le niveau de dépenses se place autour
1024
de la moyenne des pays de l’OCDE en 2015 (8,9 % du PIB).
Enfin, un dernier groupe rassemble des pays avec un faible niveau
3199
de dépenses (moins de 8 % du PIB). Il est intéressant de noter
que ces pays appartiennent aux trois grandes familles identifiées
5:16
(cf. chapitre 1) : les systèmes d’assurance maladie, les systèmes
nationaux de santé et les systèmes d’assurance maladie résiduelle.
2.24
Les systèmes nationaux de santé se caractérisent par une moindre
1.24
contrainte financière sur l’accès aux soins dans la mesure où celui-
ci est généralement gratuit. Mais dans ces pays, le patient est avant
1.14
tout un usager soumis à certaines contraintes (pas de choix du
médecin par exemple). Ce qui n’est pas le cas pour le patient d’un
58:4
système d’assurance maladie qui se caractérise par des services
8554
payants et pour le médecin, la liberté d’installation, le paiement à
l’acte et l’exercice isolé.
6:88
rance maladie. Les seconds sont généralement plus coûteux que les
premiers, mais n’ont pas de meilleurs résultats en termes de per-
0225
% de % de % de
Pays $ PPA Pays $ PPA Pays $ PPA
PIB PIB PIB
Nouvelle-
Allemagne 11,2 4 753,0 France 11,1 4 079,3 9,3 3 157,3
Zélande
Australie 9,4 4 278,3 Grèce 8,4 1 983,5 Pays-Bas 10,7 4 853,1
1024
Autriche 10,3 4 414,9 Hongrie 7,2 1 731,4 Pologne 6,3 1 554,6
Belgique 10,5 4 269,6 Irlande 7,8 4 477,4 Portugal 9,0 2 392,7
République
3199
Canada 10,3 4 334,8 Islande 8,6 3 635,6 6,9 1 934,1
slovaque
République
5:16
Chili 8,1 1 680,0 Israël 7,4 2 313,7 7,2 2 142,6
tchèque
Royaume-
2.24
Corée 7,4 2 523,6 Italie 9,0 2 985,0 9,9 3 755,6
Uni
1.24
Danemark 10,3 4 599,0 Japon 10,9 4 036,1 Slovénie 8,5 2 409,1
Espagne 9,2 2 905,3 Lettonie 5,8 1 280,3 Suède 11,0 4 860,5
1.14
Estonie 6,5 1 692,3 Luxembourg 6,0 5 830,5 Suisse 12,1 6 493,8
États-Unis 16,9 8 748,6 Mexique 5,9 969,2 Turquie 4,1 941,8
58:4
Finlande 9,4 3 587,5 Norvège 10,0 5 801,5
Source : OCDE
8554
En France, le discours est entendu depuis longtemps : le système
6:88
1. La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un taux de conversion entre monnaies
de différents pays calculé de telle façon qu’une unité monétaire a le même pou-
voir d’achat dans différents pays. La PPA permet donc de comparer des grandeurs
nal.s
54 Économie de la santé
inter
de la production de soins qui est ensuite réintroduite dans le système
de santé (cf. 3. Produire de la santé).
2. Le financement
de la dépense de santé
1024
en France
3199
La question du financement de la santé est bien entendu cen-
trale. Aujourd’hui, quatre entités financent la CSBM : la Sécurité
5:16
sociale, l’État, les organismes complémentaires d’assurance mala-
2.24
die (OCAM) et les ménages sous la forme du reste à charge (cf.
tableau 2.2). Si la Sécurité sociale reste l’acteur majeur du finance-
1.24
ment de la CSBM (2.1), les autres voient leur part évoluer (2.2).
1.14
Tableau 2.2 : Structure du financement de la consommation de soins
58:4
et de biens médicaux en France
8554
2001 2004 2007 2010 2011 2012 2013 2014 2015
6:88
Sécurité sociale 77 77,4 76,9 76,3 75,8 75,9 76,2 76,7 76,8
État et CMUC 1,3 1,2 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,4 1,4
2989
Organismes
12,1 12,7 13 13,4 13,6 13,7 13,7 13,4 13,3
complémentaires
0225
Dont mutuelles 7,4 7,4 7,6 7,5 7,4 7,4 7,3 7,1 7
Dont sociétés
1
d’assurance
Dont institutions
2,3 2,5 2,4 2,4 2,5 2,5 2,6 2,6 2,6
om:N
de prévoyance
Ménages 9,7 8,7 8,8 9 9,3 9,1 8,8 8,6 8,4
c
Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100
rvox.
1024
déremboursement mises en œuvre par l’ensemble des gouverne-
ments, mais également de l’évolution de la consommation vers des
3199
produits bien moins remboursés (autres biens médicaux, notamment
l’optique). La création du secteur à honoraires libres (secteur 2) en
5:16
1980 a également participé de ce mouvement de désocialisation de
la santé. En 1990, la Sécurité sociale ne participe plus au finance-
2.24
ment de la CSBM qu’à hauteur de 77 % (Le Garrec, Koubi, Fenina,
1.24
2013). Depuis le début des années 2000, la part de l’assurance mala-
die obligatoire (AMO) diminue encore pour atteindre un minimum
1.14
en 2010 (76,3 %). Elle a légèrement remonté depuis pour atteindre
76,8 % (Beffy, Roussel, Solard, Mikou, Ferretti, 2016). La Sécurité
58:4
sociale rembourse massivement les soins hospitaliers (91,3 % en
2015) et quasiment les deux tiers des soins de ville (64,7 %). Depuis 8554
2012, la part de l’AMO tend à augmenter sur ce poste, en raison de
6:88
56 Économie de la santé
inter
de la protection sociale est passée de 2,1 % en 1980 à 24,5 % en 2015
(Barnouin, Domps, 2017). En 2015, la CSG rapporte 70,4 milliards
sur les 194,2 milliards des ressources de la Caisse nationale d’assu-
rance maladie (Charpy, 2016). Le reste est affecté principalement
à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et au Fonds
de solidarité vieillesse (FSV). Le projet de loi de financement de la
Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 continue dans la voie engagée
1024
depuis les années 1990. Il propose une augmentation de 1,7 point
de CSG sur les revenus d’activité, de remplacement et du capital et
3199
une suppression des cotisations maladie et chômage. Cette mesure
est censée rapporter 5,9 milliards d’euros de recette supplémentaire
5:16
à la Sécurité sociale.
Trois types d’arguments sont avancés par les partisans de la CSG.
2.24
D’abord, celle-ci constituerait un mode de financement plus juste
1.24
dans la mesure où elle ferait participer l’ensemble des revenus et non
plus seulement ceux du travail. Elle serait donc plus efficace et son
1.14
rendement meilleur. Ensuite, elle serait plus cohérente puisque si
la santé est une prestation universelle, comme le soulignent les par-
58:4
tisans de la réforme depuis le plan Juppé (cf. encadré 2.1), il paraît
normal de la financer par un impôt qui touche plusieurs types de 8554
revenus. Enfin, dernier argument, les cotisations sociales pèseraient
6:88
1. À titre de comparaison, la même année, l’impôt sur le revenu des personnes
physiques rapporte 72 milliards d’euros.
natio
1024
les entreprises dans le financement de la protection sociale dans une
période où les techniques de management peuvent causer de la souf-
3199
france au travail. Enfin, la mise en place et la montée en charge de la
CSG depuis 1991 ne se sont pas traduites dans les faits par une nette
5:16
amélioration de la compétitivité des entreprises, ni par une diminu-
tion du chômage (Husson, 2015).
2.24
1.24
• Le plan Juppé et ses conséquences (encadré 2.1)
1.14
Présenté à l’automne 1995 devant l’Assemblée nationale, le plan mis en place
par Alain Juppé (Premier ministre de 1995 à 1997) constitue une première
58:4
victoire des partisans de Beveridge contre ceux de Bismarck. Le Parlement est
dorénavant habilité à fixer une limite à la croissance des dépenses de santé.
8554
Chaque année, celui-ci vote la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS)
6:88
qui fixe, entre autres, un objectif national des dépenses d’assurance maladie
(ONDAM). Le fonctionnement des caisses évolue puisque désormais le
2989
(AMU) est préparée, mais elle ne verra pas le jour en raison du changement de
gouvernement après les élections législatives de juin 1997. Il faudra attendre
1
one:
58 Économie de la santé
inter
2.2 Les autres contributeurs au système
de santé
Outre la Sécurité sociale, les autres contributeurs sont l’État, les
OCAM et les ménages via le reste à charge. L’État participe en
2015 à hauteur de 1,4 % au financement de la CSBM. Cette part
qui était de 12 % en 1950 (en raison de la part prépondérante de
1024
l’État dans l’aide sociale et l’aide médicale gratuite) a profondément
diminué pour se stabiliser autour de 1 % à partir de 1990. En 2015
3199
la participation de l’État contribue au financement de la CMU com-
plémentaire, aux prestations versées aux invalides de guerre, aux
5:16
soins urgents (c’est-à-dire ceux destinés aux étrangers en situation
irrégulière, dont l’absence remettrait en cause le pronostic vital) et à
2.24
l’aide médicale d’État (destinée aux étrangers en situation irrégulière
1.24
résidant en France depuis plus de trois mois). Les prestations versées
par l’État au titre de l’AME, des prestations aux invalides de guerres
1.14
et des soins urgents représentent 0,8 milliard d’euros (0,4 % de la
CSBM). En d’autres termes, il est faux de dire que ces dépenses
58:4
représentent un gouffre.
La part des OCAM représente en 2015 13,3 % de la CSBM. Les 8554
OCAM, nous le verrons plus loin (cf. chapitre 5), sont constitués
6:88
21,7 % des soins de ville, 40,3 % des soins dentaires et 32,7 % des
autres biens médicaux (notamment l’optique).
chola
1024
plus grande dynamique des postes de dépenses les mieux rembour-
sés (soins infirmiers, médicaments…), mais également en raison de
3199
l’évolution des effectifs de personnes exonérées du ticket modéra-
teur1 du fait des affections de longue durée. Les ménages français
5:16
dépensent en moyenne 1,21 % de leur revenu brut disponible pour
le reste à charge.
2.24
1.24
• Faire payer le patient (encadré 2.2)
1.14
Depuis le début des années 2000, la politique économique de santé cherche
à faire payer davantage le patient, via des déremboursements, forfaits,
58:4
franchises et ticket modérateur. Ces mécanismes apparaissent comme
une TVA médicale puisqu’ils frappent la consommation des malades et 8554
uniquement elle. Ainsi, un déremboursement forfaitaire (remboursé ni par la
6:88
Sécurité sociale, ni par un OCAM) de 1 euro est appliqué sur chaque feuille
de soins depuis 2004. Dans le même temps, la création du parcours de soins
2989
l’efficacité, est remis en cause. Cette logique s’est amplifiée en 2008 par la
rvox.
1. Le ticket modérateur est la part du coût total qui n’est pas remboursée par la
Sécurité sociale (cf. encadré 6.1).
natio
60 Économie de la santé
inter
le remboursement de la Sécurité sociale et de la complémentaire santé.
Elle concerne tous les médicaments remboursables (0,50 euro par unité de
consommation), les actes paramédicaux (infirmiers, orthoptistes…) pour un
montant de 0,50 euro par acte et les transports sanitaires (2 euros).
3. Produire de la santé
1024
Il est particulièrement important de bien saisir les enjeux liés au
3199
comptage et au financement de la dépense de santé, notamment
parce qu’elle est en grande partie publique et socialisée. Cependant,
5:16
cet angle d’analyse occulte peut-être l’essentiel : la dépense publique
2.24
de santé implique une contrepartie, elle produit de la valeur écono-
mique et sociale (3.1). Dans le cas de la santé, il devient alors pos-
1.24
sible de montrer que la Sécurité sociale est un système de production
efficace (3.2).
1.14
58:4
3.1 La production publique : la contrepartie
de la dépense publique 8554
Soigner coûte cher. C’est une évidence. Tout aussi évident est que le
6:88
sont inutiles si les malades ne peuvent pas se les payer. Ce n’est pas
tant la pénicilline en 1928, les antibiotiques ou la streptomycine
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contre la tuberculose en 1944 qui ont sauvé des vies que l’accès à ces
one:
par infection diminue de moitié entre 1945 et 1950, soit bien plus
rvox.
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capitaliste. La Sécurité sociale opère donc une véritable révolution
conceptuelle dans la mesure où les principes assurantiels classiques et
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lucratifs sont abandonnés au profit de la solidarité. Cette évolution
est rendue possible par une mixité du financement. Celui-ci doit être
5:16
assuré par des cotisations sociales assises sur les salaires (pour les
cotisants au régime général) ou sur le revenu professionnel (pour les
2.24
autres).
1.24
La période actuelle est marquée par le dénigrement quasi sys-
tématique de la dépense publique dans le débat politique. L’usage
1.14
d’un vocabulaire négativement connoté et de chiffres exagérément
anxiogènes illustre assez bien ce contexte. Pour démontrer le poids
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prétendument inacceptable de la sphère publique, il est souvent fait
référence au poids de la dépense publique dans le PIB. Ses détrac- 8554
teurs diront que les enfants français sont redevables dès leur nais-
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62 Économie de la santé
inter
parce qu’elle serait plus solidaire, plus éthique, plus empreinte de
valeurs. Au contraire, toutes ces formes de critique ou de défense
de l’intervention publique partagent un fond théorique commun.
Elles considèrent que l’intervention publique est une dépense. Pour
le référentiel libéral la dépense publique est un coût insupportable
(qui limite l’expression des libertés individuelles), pour le référentiel
keynésien la dépense publique est un coût nécessaire (car juste, soli-
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daire…).
Contre ce fond commun, il est possible et souhaitable de tenir
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un discours et une lecture positifs de la santé : c’est une production
(Harribey, 2013 ; Ramaux, 2012). Pour comprendre cette idée nous
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devons nous défaire des représentations et des normes habituelles,
notamment en proposant des comparaisons avec d’autres activi-
2.24
tés productives. Personne ne définit l’industrie automobile par son
1.24
niveau de dépense. Cela ne veut pas dire que son niveau de dépense
n’est pas quelque chose d’important mais que cette chose doit être
1.14
mise au regard de la contrepartie : la production. Dans le cas de
Renault, la contrepartie de la dépense est un chiffre d’affaires et
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l’évaluation dépend de l’existence ou non d’un profit. Dans le cas de
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l’intervention publique il n’y a pas de chiffre d’affaires (la production
est essentiellement gratuite), ni de profit. Mais cela ne veut pas dire
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