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3.

2 La santé a un coût pour la société,


le discours des années 1980
Le changement de référentiel n’est pas immédiat, il se fait de façon
progressive dans la mesure où il est impossible, selon Bruno Jobert,
de trouver une scène politique globale où différentes politiques
publiques puissent s’articuler autour d’une doctrine unique et homo-

1024
gène. La période qui commence dans les années 1980 est centrale.
Elle repose sur une nouvelle façon de penser la santé qui est désor-

3199
mais appréhendée comme un coût pour la société. L’économie de la
santé, qui était pendant les Trente Glorieuses un instrument d’études

5:16
administratives, va s’autonomiser et se constituer en discipline forte-
ment influencée par la théorie économique dominante (Benamouzig,

2.24
2005). Le discours néo-libéral, qui était jugé hérétique pendant la

1.24
période précédente, devient prédominant et va favoriser l’émergence
d’un nouveau sens commun réformateur. L’État social keynésien se

1.14
transforme progressivement en État social marchand (Batifoulier,
Domin, Gadreau, 2007).

58:4
La part des prestations sociales dans le PIB est assez sensible aux
politiques menées par les pouvoirs publics. Les dépenses de presta- 8554
tions sociales ont ralenti ces trente dernières années à prix constants
6:88

(c’est-à-dire en faisant abstraction des effets de l’inflation). Leur crois-


sance annuelle est ainsi passée de 3,2 % entre 1981 et 1992 à 2,5 %
2989

entre 1992 et 2003 et 2,3 % entre 2003 et 2014. Dans le même temps,
les dépenses de santé sont passées de 8,9 % de PIB en 1981 à 11,4 %
0225

en 2014. Mais cette évolution doit être relativisée étant donné qu’elle
coïncide avec la mise en place d’une politique qui s’est traduite par la
1
one:

modération de la croissance des dépenses : celles-ci ont progressé à un


rythme de 3,6 % entre 1981 et 1992, 3,0 % de 1992 à 2003 et seule-
om:N

ment 1,9 % entre 2003 et 2014 (Barnouin, Domps, 2016).


Cette évolution modérée des dépenses de santé va de pair avec
c
rvox.

l’émergence d’un discours critique sur la santé qui va se traduire dans les
faits dans les années 1980 par une première série de réformes. D’abord,
chola

les politiques menées se bornent à limiter les dépenses : réduction du


remboursement de certains médicaments, création du forfait journalier
nal.s

hospitalier (1982-1983). Ensuite, le gouvernement va s’attaquer à la


natio

De la construction des systèmes de santé à leur réforme 43


inter
baisse des dépenses hospitalières en mettant en place le budget glo-
bal afin de mieux encadrer les dépenses (cf. chapitre 3). Cette logique
s’accélère au milieu des années 1980 et au début des années 1990. Les
plans Seguin1 (1986) et Veil2 (1993) augmentent la part des dépenses
restant à la charge des ménages. L’instauration de l’objectif national des
dépenses d’assurance maladie (ONDAM) en 1996 a contribué éga-
lement à juguler les dépenses. Enfin, la loi du 13  août 2004 entend

1024
favoriser une maîtrise accrue des dépenses de santé.

3199
En conclusion

5:16
2.24
Ce premier chapitre montre que la construction des systèmes de santé
n’est pas un long fleuve tranquille et que la socialisation du soin est

1.24
davantage la résultante de conflits sociaux que de consensus. Les sys-
tèmes de santé et le système français en particulier sont fortement impré-

1.14
gnés de cette histoire. Deux tendances caractérisent les trente dernières

58:4
années : la diminution de la part prise en charge par la Sécurité sociale
et l’augmentation de la part des dépenses prises en charge par l’assu- 8554
rance maladie complémentaire (AMC – mutuelles, institutions de pré-
voyance et assurance). La part de la Sécurité sociale dans le financement
6:88

de la CSBM est passée de 80 % en 1980 à 77 % en 1990. Jusqu’en 2005,


2989

la part se stabilise à ce niveau. À cette date, la part de la Sécurité sociale


diminue pour atteindre 75,7  % en 2010. Plusieurs éléments peuvent
0225

expliquer cette tendance : l’évolution de la structure de la consomma-


tion vers des produits moins remboursés (notamment l’optique), la
1

croissance des dépassements d’honoraires, les mesures de dérembourse-


one:

ment de certains actes et médicaments. L’augmentation de la part des


om:N

dépenses prises en charge par l’AMC constitue la seconde tendance.


Cette évolution doit être appréhendée avec prudence puisque, nous le
c

verrons plus loin (cf. chapitre 5), l’accès à l’AMC ne fait que perpétuer
rvox.

les inégalités qui existent sur le marché du travail.


chola

1.  Philippe Seguin (1943-2010) est ministre des Affaires sociales et de l’Emploi de
1986 à 1988.
nal.s

2.  Simone Veil (1927-2017) est ministre d’État, des Affaires sociales, de la Santé et
de la Ville de 1993 à 1995.
natio

44 Économie de la santé
inter
Chapitre 2

La dépense de santé

1024
et ses contreparties

3199
5:16
2.24
La question du poids de la dépense est centrale dans la mesure où
les systèmes de santé sont dorénavant évalués à partir de ce critère.

1.24
L’idéologie libérale considère, à quelques exceptions près, que le poids

1.14
de la dépense publique doit être réduit parce qu’il est trop important.
En revanche, un niveau élevé de dépense privé de santé n’est, pour les

58:4
libéraux, pas problématique. Cette question des comptes de la santé
est au-delà de la mise en forme statistique, nous allons le voir, émi-
8554
nemment politique (Serré, 1999). Nous organiserons notre propos en
trois temps. Nous décrirons dans un premier temps les agrégats qui
6:88

servent à comptabiliser la dépense de santé (1). Nous verrons ensuite


2989

que le financement de cette dépense repose sur quelques contributeurs


dont la part évolue dans le temps (2). Enfin, nous verrons qu’évaluer
0225

la santé seulement à l’aune de la dépense est stérile parce que cette


dernière permet de financer une production de santé qui participe elle-
1

même à la croissance économique (3).


one:
om:N

1. Comment comptabiliser
c
rvox.

la dépense de santé
chola

Toute la question revient à savoir comment comptabiliser la dépense


de santé. Celle-ci est rangée dans un compte satellite qui est défini
nal.s

selon l’INSEE comme  : «  un cadre de présentation des données


natio
inter
de l’économie d’un domaine particulier en relation avec l’analyse
économique globale du cadre central de la comptabilité nationale.
L’éducation, la santé, la protection sociale, l’environnement en sont
des exemples  ». Après avoir passé en revue les différents agrégats
utilisés (1.1), nous examinerons ensuite plus particulièrement l’évo-
lution des postes de la consommation de soins et de biens médicaux
(1.2). Enfin, nous contesterons l’idée largement véhiculée et selon

1024
laquelle le système français est trop cher (1.3).

3199
1.1 Les différents agrégats utilisés

5:16
Les trois agrégats permettent de rendre compte du système de santé :
la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM), la dépense

2.24
courante de santé (DCS) au sens français, la dépense courante de

1.24
santé au sens international (DCSi).
La CSBM est un agrégat important, elle représente «  la valeur

1.14
totale des biens et services consommés pour la satisfaction des besoins
de santé individuels qui concourent au traitement d’une perturbation

58:4
provisoire de l’état de santé ». La CSBM inclut essentiellement les
soins demandés par les assurés sociaux et ceux pour les personnes 8554
relevant de l’aide médicale d’État (AME) ou du dispositif de soins
6:88

urgents et vitaux (cf. chapitre 7). Elle comprend les soins hospitaliers


(dans des établissements publics et privés), les soins ambulatoires
2989

(soins dispensés par des médecins généralistes ou spécialistes et des


auxiliaires médicaux, analyses médicales, cures thermales et rému-
0225

nérations forfaitaires des professionnels de santé), les transports de


malades, la consommation de médicaments et autres biens médicaux
1
one:

(optique, orthèse, prothèse, matériels, pansements…).


En 2015, la CSBM représente 194,6  milliards d’euros, 8,9  %
om:N

du produit intérieur brut (PIB) soit 2  930  euros par personne. La


CSBM est en léger recul après trois années de croissance plus rapide
c
rvox.

(3 % en 2011, 2,7 % en 2014), notamment en raison de phénomènes


épidémiques. Elle progresse en 2015 à un rythme de 1,8 % un peu
chola

moins rapide que la croissance du PIB (+  1,9  %). Une analyse de
longue période permet de mieux comprendre la part croissante de la
nal.s

santé de la société française. De 1950 à 2015, elle est passée de 2,5 %


natio

46 Économie de la santé
inter
à 8,9  % du PIB. La croissance a été forte jusque dans les années
1980, notamment en raison du développement de la Sécurité sociale.
De 1980 à 2015, la croissance a été beaucoup moins rapide, notam-
ment en raison de plans de réforme. Au début des années 2000, la
croissance de la CSBM a été plus rapide (5 à 6  % par an), elle a
ensuite diminué sous l’effet d’une politique restrictive.
Graphique 2.1 : Évolution de la consommation de soins et biens

1024
médicaux (CSBM) de 1950 à 2015

3199
10

5:16
8

2.24
% de produit intérieur brut

1.24
6

1.14
4

58:4
3

2 8554
1
6:88

0
1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
2989

Source : Soual, 2017


La dépense courante de santé au sens français (DCS) est la somme
0225

de toutes les dépenses courantes engagées par l’ensemble des finan-


1

ceurs publics et privés du système de santé. Elle comprend la CSBM,


one:

les soins de longue durée, c’est-à-dire les soins aux personnes âgées
– délivrés au sein des unités de soins de longue durée, des établisse-
om:N

ments d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou


non (EHPA), et chez les personnes dans le cadre des services de soins
c
rvox.

infirmiers à domicile (SSIAD) – et les soins de longue durée aux per-


sonnes handicapées réalisés dans des établissements et services médi-
chola

caux sociaux. À cela s’ajoutent les indemnités journalières (pour cause


de maladie, maternité et accidents du travail), les autres dépenses en
nal.s

faveur des malades, les dépenses de prévention institutionnelle, les


natio

La dépense de santé et ses contreparties 47


inter
dépenses en faveur du système de soins (recherche, formation des pro-
fessionnels de santé) et les coûts de gestion du système. La DCS au
sens français est dite « courante » dans la mesure où elle n’intègre pas
les dépenses de formation brute de capital fixe (les investissements)
des établissements de santé et des professionnels libéraux.
En 2015, la DCS représente 262 milliards d’euros (soit 12 % du
PIB). Le taux de croissance entre 2014 et 2015 est plus faible que celui

1024
du PIB (en valeur), ce qui permet de rompre avec les années 2012-
2014 où la DCS a augmenté plus vite que le PIB (2,0 % contre 1,3 %

3199
en 2013 et 2,1 % contre 1,4 % en 2014). L’évolution de la DCS est
bien entendu liée à celle de la CSBM qui en représente 74,2 %. La pre-

5:16
mière évolue même moins vite que la seconde (+1,5 % contre +1,8 %).
La diminution des coûts de gestion (–1,3 %), des autres dépenses en

2.24
faveur des malades et la faible croissance des dépenses en faveur du

1.24
système de soins permettent de contenir la croissance de la DCS. En
revanche les soins de longue durée (+2,1 %) et les indemnités jour-

1.14
nalières (+2,3 %) augmentent plus vite que la CSBM. Les premiers
résultent d’une évolution démographique structurelle (vieillissement

58:4
de la population). En revanche, les secondes dépendent essentielle-
ment de facteurs épidémiologiques (effets de la grippe saisonnière). 8554

Graphique 2.2 : Structure de la dépense courante de soins (DCS) en 2015


6:88
2989

5% 6%
0225

2%

5%
0%
1

8%
one:

74 %
om:N
c
rvox.

CSBM Soins de longue durée Indemnités journalières


Autres dépenses en faveur des malades Dépenses de prévention Dépenses en faveur du système de soins
chola

Coûts de gestion institutionnelle

Source : Beffy, Roussel, Solard, Mikou, Ferretti, 2016


nal.s
natio

48 Économie de la santé
inter
Le dernier agrégat, la dépense courante de santé au sens inter-
national (DCSi), a été développé par le System of Health Accounts
(SHA) qui est piloté par l’Organisation de coopération et de déve-
loppement économique (OCDE), l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) et Eurostat. La DCSi correspond à la DCS à laquelle
on défalque les indemnités journalières (y compris les coûts de ges-
tion), une partie des dépenses de prévention (sécurité sanitaire des

1024
aliments), les coûts liés à la formation médicale et la recherche et à
laquelle on rajoute la prise en charge du handicap et de la dépen-

3199
dance. La DCSi est construite à partir des dépenses des établisse-
ments hospitaliers, des soins de ville, des transports et des biens

5:16
médicaux, des soins de longue durée (dans une acception plus large
que celle des comptes de la santé), les autres dépenses en faveur des

2.24
malades, les subventions au système de soins nettes et une partie de

1.24
la prévention institutionnelle et des coûts de gestion. L’indicateur
DCSi tend à supplanter la dépense totale de santé (DTS) pour

1.14
effectuer les comparaisons internationales. La DTS correspond à
la DCSI à laquelle sont ajoutées les dépenses de capital (dépenses

58:4
de formation brute de capital fixe-FBCF). Mais certains pays de
l’OCDE (Belgique, Luxembourg, Suisse…) excluent la FBCF 8554
dans le calcul de la DTS. En 2014, la DCSI est de 236,9 milliards
6:88

d’euros, soit 11,1  % du PIB alors que la dépense totale de santé


s’établit à 250,7 milliards d’euros. Nous comparerons un peu plus
2989

loin les différents systèmes (cf. 1.3).


0225

1.2 L’évolution des postes significatifs


1

de la CSBM
one:

L’évolution des grands postes de la CSBM (cf. graphique  2.1) est


om:N

symptomatique des transformations du secteur de soins. Quatre


grandes tendances semblent se caractériser depuis 2002 : la moindre
c
rvox.

progression des soins hospitaliers (privés et publics), l’évolution


contrastée des soins de ville, des médicaments et des autres biens
chola

médicaux.
nal.s
natio

La dépense de santé et ses contreparties 49


inter
Graphique 2.3 : Structure de la CSBM en 2015

2%
8%

17 %

47 %

1024
26 %

3199
Soins hospitaliers Soins ambulatoires

5:16
Médicaments en ambulatoire Autres biens médicaux *
Transports de malades

2.24
1.24
Source : Beffy, Roussel, Solard, Mikou, Ferretti, 2016
La diminution des dépenses hospitalières est l’objectif principal

1.14
des politiques de santé depuis le début des années 1980. Le rythme

58:4
d’augmentation annuelle de la dépense hospitalière est passé de 15 %
au début des années 1980 à 5 % en 1995. Ce ralentissement, notable
8554
par rapport à la période précédente, est dû principalement à la dimi-
nution des volumes (en d’autres termes de l’activité). Les prix conti-
6:88

nuent d’augmenter en raison de plusieurs facteurs  : apparition de


technologies de pointe, augmentation des coûts salariaux (Le Garrec,
2989

Koubi, Fenina, 2013). Depuis le début des années 2000, l’évolution


des dépenses hospitalières est repartie à la hausse (+ 5 % en volume de
0225

2000 à 2005, +3,5 % de 2005 à 2010). En 2015, les soins hospitaliers


1

augmentent de façon moindre par rapport aux années précédentes


one:

(+1,9 % en valeur, +2,1 % en volume1). Cette évolution est différente


dans les secteurs public et privé (cf. encadré 3.1). La consommation
om:N

de soins est de 70,1  milliards d’euros dans le secteur public et de


20,7 milliards d’euros dans le secteur privé. Les cliniques privées à
c
rvox.

but lucratif ont un chiffre d’affaires total de 14,5  milliards d’euros


chola

1.  Selon l’INSEE : « Les prix courants sont les prix tels qu’ils sont indiqués à une
période donnée, ils sont dits en valeur nominale. Les prix constants sont les prix en
nal.s

valeur réelle, c’est-à-dire corrigés de la variation des prix par rapport à une donnée
de base ou de référence. »
natio

50 Économie de la santé
inter
en 2015. Celui-ci est en hausse constante depuis 2012. Ce secteur
connaît depuis quelques années une phase importante de concentra-
tion autour de quelques groupes (Ramsay-Générale de santé, Elsan,
médipole, Capio…).
L’évolution des dépenses de soins ambulatoires est différente. De
1985 à 1990, elle progresse à un rythme soutenu (+10 % par an en
moyenne et en valeur). Cette augmentation résulte principalement de

1024
la création du secteur à honoraires libres en 1980 (cf. chapitre 4) qui
génère une hausse des honoraires et donc une inflation des dépenses

3199
de santé. L’évolution continue à un rythme moindre (+4,5 % par an
en moyenne et en valeur) de 1995 à 2000. Depuis 2005, le rythme de

5:16
croissance tend à diminuer à partir de 2005, notamment en raison
de la mise en place du parcours de soins (cf. encadré 2.2). En 2005,

2.24
la dépense de soins de ville est de 50,5  milliards d’euros (soit une

1.24
évolution de +2,3 % en valeur). Cette évolution est principalement
portée par les soins des auxiliaires médicaux (infirmiers, kinésithé-

1.14
rapeutes…).
Les médicaments vendus en ambulatoire correspondent à

58:4
33,9 milliards d’euros en 2015. Cette année est marquée par une
augmentation des volumes échangés et une baisse du prix des 8554
médicaments. La diminution du prix compense la croissance en
6:88

volumes. L’arrivée de nouveaux traitements est un premier élé-


ment permettant d’expliquer la forte hausse des volumes échangés.
2989

Dans le même temps, le prix des médicaments remboursables tend


à diminuer en raison de l’augmentation de la part des génériques
0225

dans bon nombre de spécialités médicales et la substitution crois-


sante des médicaments génériques aux princeps (cf. encadré  5.1).
1
one:

Toutefois, il faut noter que l’impact de la générication tend à dimi-


nuer depuis 2014 (cf. chapitre  5). En 2015, la rémunération des
om:N

pharmaciens a évolué avec l’introduction des honoraires de dis-


pensation qui correspondent à 1,02 euro par boîte vendue. À cela
c
rvox.

s’ajoute 0,51 euro supplémentaire en cas d’ordonnance complexe.


En 2015, 2,1  milliards d’honoraires de dispensation ont été ver-
chola

sés aux pharmaciens. Cette évolution a entraîné un déplacement


d’une partie de la marge des médicaments les plus coûteux vers les
nal.s

moins chers. En d’autres termes, la rémunération du pharmacien


natio

La dépense de santé et ses contreparties 51


inter
a augmenté de 30 % sur un médicament peu coûteux, mais elle a
baissé de 50 % sur les médicaments onéreux.
Le dernier élément est la légère augmentation de la consom-
mation des autres biens médicaux (optique, prothèses, véhicules
pour handicapés) qui atteint 14,7  milliards d’euros. Si la dépense
pour les autres biens médicaux reste élevée, elle est limitée par la
diminution des prix de l’optique. Dans ce domaine, les organismes

1024
complémentaires d’assurance maladie (OCAM1) ont un rôle majeur
puisqu’ils remboursent une grande partie de la dépense (71,6  %).

3199
Alors que ces dépenses ont augmenté fortement depuis le début des
années 2000, elles ont tendance à diminuer depuis 2013. Plusieurs

5:16
raisons expliquent cette évolution. D’abord, les OCAM ont limité
certaines garanties trop généreuses en optique. Ensuite, la réforme

2.24
des contrats responsables (cf. chapitre 5) entrée en vigueur le 1er avril

1.24
2015 demande aux OCAM de ne plus rembourser les dépenses d’op-
tique que tous les deux ans. Enfin, les organismes complémentaires

1.14
tentent de réaliser des économies en mettant en place des réseaux
(cf. chapitre 5).

58:4
8554
1.3 Le système français de santé est-il
réellement trop cher ?
6:88

Le tableau 2.1 (ci-après) présente la dépense courante de santé au


2989

sens international dont nous avons vu la définition un peu plus


haut (cf. 1). Le premier constat est le large spectre du niveau de
0225

dépenses avec au plus haut les États-Unis et au plus bas la Lettonie


(5,8 % du PIB). Avec une dépense correspondant à 16,9 % du PIB,
1
one:

les États-Unis sont loin devant les autres pays. Il faut garder à l’es-
prit que si la dépense courante de santé est loin devant les autres, le
om:N

pays est caractérisé par de profondes inégalités de santé. Si l’Oba-


macare a permis de réduire la population non couverte de 13,3 %
c
rvox.

(soit 41,8 millions de personnes) en 2013 à 10,3 % de la population


chola

1.  Sur les OCAM : cf. 2.2. et chapitre 5. Nous emploierons dans cet ouvrage les
nal.s

termes d’OCAM, d’organismes complémentaires, voire d’assurance maladie com-


plémentaire (AMC).
natio

52 Économie de la santé
inter
(soit 33 millions de personnes) en 2014, son avenir reste largement
incertain en raison des changements politiques de 2017.
Loin derrière les États-Unis, un groupe de pays (Allemagne,
France, Japon, Pays-Bas, Suède et Suisse) se tient autour des 11 %
du PIB. Un deuxième groupe se place entre 9 et 10,5 % du PIB
(Australie, Autriche, Belgique, Canada…). Un troisième groupe
rassemble des pays dont le niveau de dépenses se place autour

1024
de la moyenne des pays de l’OCDE en 2015 (8,9  % du PIB).
Enfin, un dernier groupe rassemble des pays avec un faible niveau

3199
de dépenses (moins de 8  % du PIB). Il est intéressant de noter
que ces pays appartiennent aux trois grandes familles identifiées

5:16
(cf. chapitre  1)  : les systèmes d’assurance maladie, les systèmes
nationaux de santé et les systèmes d’assurance maladie résiduelle.

2.24
Les systèmes nationaux de santé se caractérisent par une moindre

1.24
contrainte financière sur l’accès aux soins dans la mesure où celui-
ci est généralement gratuit. Mais dans ces pays, le patient est avant

1.14
tout un usager soumis à certaines contraintes (pas de choix du
médecin par exemple). Ce qui n’est pas le cas pour le patient d’un

58:4
système d’assurance maladie qui se caractérise par des services
8554
payants et pour le médecin, la liberté d’installation, le paiement à
l’acte et l’exercice isolé.
6:88

Une étude de l’OCDE a tenté de distinguer les performances


relatives des systèmes nationaux de santé et des systèmes d’assu-
2989

rance maladie. Les seconds sont généralement plus coûteux que les
premiers, mais n’ont pas de meilleurs résultats en termes de per-
0225

formance sanitaire. En revanche, les systèmes nationaux de santé


ont de meilleurs résultats pour les programmes de santé publique
1
one:

(Wagstaff, 2010). Une autre étude sur deux systèmes d’assurance


maladie (France, Allemagne) d’une part et trois systèmes natio-
om:N

naux de santé (Royaume-Uni, Danemark et Suède) a montré que


les seconds sont plutôt moins coûteux, mais l’accès aux soins y est
c
rvox.

globalement plus difficile (Or, Cases, Lisac, Wrangbaek, Winblad,


Bewan, 2010).
chola
nal.s
natio

La dépense de santé et ses contreparties 53


inter
Tableau 2.1 : Poids de la dépense courante de santé dans les pays
de l’OCDE en 2015

% de % de % de
Pays $ PPA  Pays $ PPA Pays $ PPA
PIB PIB PIB
Nouvelle-
Allemagne 11,2 4 753,0 France 11,1 4 079,3 9,3 3 157,3
Zélande
Australie 9,4 4 278,3 Grèce 8,4 1 983,5 Pays-Bas 10,7 4 853,1

1024
Autriche 10,3 4 414,9 Hongrie 7,2 1 731,4 Pologne 6,3 1 554,6
Belgique 10,5 4 269,6 Irlande 7,8 4 477,4 Portugal 9,0 2 392,7
République

3199
Canada 10,3 4 334,8 Islande 8,6 3 635,6 6,9 1 934,1
slovaque
République

5:16
Chili 8,1 1 680,0 Israël 7,4 2 313,7 7,2 2 142,6
tchèque
Royaume-

2.24
Corée 7,4 2 523,6 Italie 9,0 2 985,0 9,9 3 755,6
Uni

1.24
Danemark 10,3 4 599,0 Japon 10,9 4 036,1 Slovénie 8,5 2 409,1
Espagne 9,2 2 905,3 Lettonie 5,8 1 280,3 Suède 11,0 4 860,5

1.14
Estonie 6,5 1 692,3 Luxembourg 6,0 5 830,5 Suisse 12,1 6 493,8
États-Unis 16,9 8 748,6 Mexique 5,9 969,2 Turquie 4,1 941,8

58:4
Finlande 9,4 3 587,5 Norvège 10,0 5 801,5      
Source : OCDE
8554
En France, le discours est entendu depuis longtemps : le système
6:88

de santé français est trop cher, voire intolérable et il est nécessaire


de le réformer rapidement afin de diminuer la dépense. Ces idées à
2989

la mode doivent être relativisées. La France fait en effet partie des


pays qui dépensent le plus en matière de santé et la dépense (en %
0225

de PIB) est au-dessus de la moyenne européenne. Mais l’utilisation


d’un autre indicateur (la dépense par habitant en $ parité pouvoir
1
one:

d’achat, PPA1) relativise nettement la place de la France qui passe


de la 4e place (en % de PIB) à la 13e place en dépense par habitant
om:N

loin derrière les États-Unis (8 748), la Suède (4 860), les Pays-Bas


(4 853), l’Allemagne (4 753), le Danemark (4 599). Le raisonnement
c
rvox.

purement comptable conduit à oublier que derrière les chiffres il y a


chola

1.  La parité de pouvoir d’achat (PPA) est un taux de conversion entre monnaies
de différents pays calculé de telle façon qu’une unité monétaire a le même pou-
voir d’achat dans différents pays. La PPA permet donc de comparer des grandeurs
nal.s

économiques de différents pays en faisant abstraction des différences de niveaux


des prix.
natio

54 Économie de la santé
inter
de la production de soins qui est ensuite réintroduite dans le système
de santé (cf. 3. Produire de la santé).

2. Le financement
de la dépense de santé

1024
en France

3199
La question du financement de la santé est bien entendu cen-
trale. Aujourd’hui, quatre entités financent la CSBM  : la Sécurité

5:16
sociale, l’État, les organismes complémentaires d’assurance mala-

2.24
die (OCAM) et les ménages sous la forme du reste à charge (cf.
tableau 2.2). Si la Sécurité sociale reste l’acteur majeur du finance-

1.24
ment de la CSBM (2.1), les autres voient leur part évoluer (2.2).

1.14
Tableau 2.2 : Structure du financement de la consommation de soins

58:4
et de biens médicaux en France
8554
2001 2004 2007 2010 2011 2012 2013 2014 2015
6:88

Sécurité sociale 77 77,4 76,9 76,3 75,8 75,9 76,2 76,7 76,8
État et CMUC 1,3 1,2 1,3 1,3 1,3 1,3 1,3 1,4 1,4
2989

Organismes
12,1 12,7 13 13,4 13,6 13,7 13,7 13,4 13,3
complémentaires
0225

Dont mutuelles 7,4 7,4 7,6 7,5 7,4 7,4 7,3 7,1 7
Dont sociétés
1

2,4 2,8 3 3,5 3,6 3,7 3,7 3,7 3,7


one:

d’assurance
Dont institutions
2,3 2,5 2,4 2,4 2,5 2,5 2,6 2,6 2,6
om:N

de prévoyance
Ménages 9,7 8,7 8,8 9 9,3 9,1 8,8 8,6 8,4
c

Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100
rvox.

Source : Beffy, Roussel, Solard, Mikou, Ferretti, 2016


chola
nal.s
natio

La dépense de santé et ses contreparties 55


inter
2.1 La part de la Sécurité sociale
dans le financement de la CSBM
La Sécurité sociale reste l’acteur majoritaire dans le financement de
la CSBM, mais sa part tend à s’éroder. En 1980, la Sécurité sociale
rembourse 80  % des dépenses. Mais cette prise en charge va pro-
gressivement diminuer essentiellement en raison des politiques de

1024
déremboursement mises en œuvre par l’ensemble des gouverne-
ments, mais également de l’évolution de la consommation vers des

3199
produits bien moins remboursés (autres biens médicaux, notamment
l’optique). La création du secteur à honoraires libres (secteur 2) en

5:16
1980 a également participé de ce mouvement de désocialisation de
la santé. En 1990, la Sécurité sociale ne participe plus au finance-

2.24
ment de la CSBM qu’à hauteur de 77 % (Le Garrec, Koubi, Fenina,

1.24
2013). Depuis le début des années 2000, la part de l’assurance mala-
die obligatoire (AMO) diminue encore pour atteindre un minimum

1.14
en 2010 (76,3 %). Elle a légèrement remonté depuis pour atteindre
76,8 % (Beffy, Roussel, Solard, Mikou, Ferretti, 2016). La Sécurité

58:4
sociale rembourse massivement les soins hospitaliers (91,3  % en
2015) et quasiment les deux tiers des soins de ville (64,7 %). Depuis 8554
2012, la part de l’AMO tend à augmenter sur ce poste, en raison de
6:88

la mise en place de la rémunération sur objectifs de santé publique


(cf. chapitre  4). Le supplément de rémunération des praticiens est
2989

totalement supporté par la Sécurité sociale. Enfin, la part de l’AMO


dans la dépense de médicaments est de 68,8 %.
0225

Il persiste, derrière cette question de la part de la Sécurité sociale


au sein de la CSBM, un autre débat, tout aussi important, sur l’ori-
1
one:

gine de son financement entre la cotisation et l’impôt. En 1991, la


contribution sociale généralisée (CSG) est créée. Initialement affec-
om:N

tée au financement des prestations familiales, elle est ensuite éten-


due au financement des prestations maladie et du fonds de solidarité
c
rvox.

vieillesse. Son taux est relevé de 3,4  % à 7,5  % en 1998, parallè-


lement le gouvernement diminue le taux de cotisation d’assurance
chola

maladie de 6,05  points. Contrairement à la cotisation sociale, elle


n’ouvre aucun droit social en contrepartie. La CSG est rangée parmi
nal.s

les impôts et taxes affectées (ITAF). Leur part dans le financement


natio

56 Économie de la santé
inter
de la protection sociale est passée de 2,1 % en 1980 à 24,5 % en 2015
(Barnouin, Domps, 2017). En 2015, la CSG rapporte 70,4 milliards
sur les 194,2 milliards des ressources de la Caisse nationale d’assu-
rance maladie (Charpy, 2016). Le reste est affecté principalement
à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et au Fonds
de solidarité vieillesse (FSV). Le projet de loi de financement de la
Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 continue dans la voie engagée

1024
depuis les années 1990. Il propose une augmentation de 1,7 point
de CSG sur les revenus d’activité, de remplacement et du capital et

3199
une suppression des cotisations maladie et chômage. Cette mesure
est censée rapporter 5,9 milliards d’euros de recette supplémentaire

5:16
à la Sécurité sociale.
Trois types d’arguments sont avancés par les partisans de la CSG.

2.24
D’abord, celle-ci constituerait un mode de financement plus juste

1.24
dans la mesure où elle ferait participer l’ensemble des revenus et non
plus seulement ceux du travail. Elle serait donc plus efficace et son

1.14
rendement meilleur. Ensuite, elle serait plus cohérente puisque si
la santé est une prestation universelle, comme le soulignent les par-

58:4
tisans de la réforme depuis le plan Juppé (cf. encadré 2.1), il paraît
normal de la financer par un impôt qui touche plusieurs types de 8554
revenus. Enfin, dernier argument, les cotisations sociales pèseraient
6:88

sur la compétitivité des entreprises, notamment de celles présentes


au niveau mondial. Le basculement de la cotisation sociale vers l’im-
2989

pôt permettrait d’améliorer la compétitivité des entreprises française


et in fine de participer à la diminution du chômage.
0225

Ces trois arguments demeurent contestables. Le premier argu-


ment n’est pas vérifié dans les comptes (Friot, 2012a). En 2015, la
1
one:

CSG produit un revenu total de 94,7 milliards d’euros1. Or la CSG


sur les revenus de l’activité et les revenus de remplacement rapporte
om:N

84,8 milliards d’euros (soit 89,5 % du total) alors que la CSG appli-


quée aux revenus du patrimoine et aux revenus de placement rap-
c
rvox.

porte 9,5 milliards (soit 10 %). Ce sont donc les revenus du travail


et ceux de remplacement qui participent le plus au financement. La
chola

CSG épargne les revenus du capital au regard de leur importance


nal.s

1. À titre de comparaison, la même année, l’impôt sur le revenu des personnes
physiques rapporte 72 milliards d’euros.
natio

La dépense de santé et ses contreparties 57


inter
comptable. L’argument qui consiste à dire que la CSG est plus juste
est donc difficilement soutenable au vu des chiffres. L’argument sur
l’universalité des prestations maladie est lui aussi contestable dans la
mesure où d’une part elles relèvent d’une solidarité professionnelle
et le contester revient à remettre en question l’esprit fondateur de
la Sécurité sociale. D’autre part, supprimer la cotisation et la rem-
placer par un impôt payé par les individus tend à déresponsabiliser

1024
les entreprises dans le financement de la protection sociale dans une
période où les techniques de management peuvent causer de la souf-

3199
france au travail. Enfin, la mise en place et la montée en charge de la
CSG depuis 1991 ne se sont pas traduites dans les faits par une nette

5:16
amélioration de la compétitivité des entreprises, ni par une diminu-
tion du chômage (Husson, 2015).

2.24
1.24
• Le plan Juppé et ses conséquences (encadré 2.1)

1.14
Présenté à l’automne 1995 devant l’Assemblée nationale, le plan mis en place
par Alain Juppé (Premier ministre de 1995 à 1997) constitue une première

58:4
victoire des partisans de Beveridge contre ceux de Bismarck. Le Parlement est
dorénavant habilité à fixer une limite à la croissance des dépenses de santé.
8554
Chaque année, celui-ci vote la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS)
6:88

qui fixe, entre autres, un objectif national des dépenses d’assurance maladie
(ONDAM). Le fonctionnement des caisses évolue puisque désormais le
2989

gouvernement y nomme les dirigeants. La transformation la plus importante est


l’universalisation des prestations maladie. Une assurance maladie universelle
0225

(AMU) est préparée, mais elle ne verra pas le jour en raison du changement de
gouvernement après les élections législatives de juin 1997. Il faudra attendre
1
one:

la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU) pour que cette


solution voie le jour fin 1999. Désormais, l’affiliation à l’assurance maladie se
om:N

réalise sur un critère de résidence stable et régulière quand une affiliation


au titre professionnel n’est pas possible. Enfin, le plan Juppé poursuit dans la
c

fiscalisation du financement de la protection sociale via l’augmentation de la


rvox.

CSG, la mise en place de la contribution au remboursement de la dette sociale


(CRDS) portant sur l’ensemble des revenus et l’imposition des allocations
chola

familiales (cette dernière mesure ne sera pas mise en œuvre).


nal.s
natio

58 Économie de la santé
inter
2.2 Les autres contributeurs au système
de santé
Outre la Sécurité sociale, les autres contributeurs sont l’État, les
OCAM et les ménages via le reste à charge. L’État participe en
2015 à hauteur de 1,4 % au financement de la CSBM. Cette part
qui était de 12  % en 1950 (en raison de la part prépondérante de

1024
l’État dans l’aide sociale et l’aide médicale gratuite) a profondément
diminué pour se stabiliser autour de 1 % à partir de 1990. En 2015

3199
la participation de l’État contribue au financement de la CMU com-
plémentaire, aux prestations versées aux invalides de guerre, aux

5:16
soins urgents (c’est-à-dire ceux destinés aux étrangers en situation
irrégulière, dont l’absence remettrait en cause le pronostic vital) et à

2.24
l’aide médicale d’État (destinée aux étrangers en situation irrégulière

1.24
résidant en France depuis plus de trois mois). Les prestations versées
par l’État au titre de l’AME, des prestations aux invalides de guerres

1.14
et des soins urgents représentent 0,8  milliard d’euros (0,4  % de la
CSBM). En d’autres termes, il est faux de dire que ces dépenses

58:4
représentent un gouffre.
La part des OCAM représente en 2015 13,3 % de la CSBM. Les 8554
OCAM, nous le verrons plus loin (cf. chapitre  5), sont constitués
6:88

des mutuelles, des institutions de prévoyance et des sociétés d’assu-


rance. De 1950 à 1980, leur activité reste limitée  : elles couvrent
2989

31 % des assurés sociaux en 1960, 49 % en 1970 et 69 % en 1980.


À l’époque, ce sont les salariés des grandes entreprises, les fonction-
0225

naires et les personnes à hauts revenus qui en bénéficient. Le désen-


gagement progressif de l’AMO à partir des années 1980 va accélérer
1
one:

les transformations des OCAM et leur donner un rôle nouveau dans


le système de santé. Si la Sécurité sociale prend en charge de plus
om:N

en plus les risques dits lourds, les organismes complémentaires se


spécialisent sur les risques légers. En 2015, les OCAM remboursent
c
rvox.

21,7 % des soins de ville, 40,3 % des soins dentaires et 32,7 % des
autres biens médicaux (notamment l’optique).
chola

Le reste à charge correspond au montant de la dépense de santé


restant à acquitter par le ménage après intervention de la Sécurité
nal.s

sociale et des organismes complémentaires. Il tend à diminuer depuis


natio

La dépense de santé et ses contreparties 59


inter
2001 dans la mesure où il est passé de 9,7 % de la CSBM en 2001 à
8,4 % en 2015. Il a connu quelques fluctuations ces dernières années,
notamment en raison de la politique de restriction mise en œuvre :
augmentation de la participation forfaitaire des assurés sociaux en
2005, déremboursements de médicaments à partir de 2006, mise
en place des franchises en 2008 (cf. encadré  2.2). Si ces mesures
persistent, le reste à charge diminuera notamment en raison de la

1024
plus grande dynamique des postes de dépenses les mieux rembour-
sés (soins infirmiers, médicaments…), mais également en raison de

3199
l’évolution des effectifs de personnes exonérées du ticket modéra-
teur1 du fait des affections de longue durée. Les ménages français

5:16
dépensent en moyenne 1,21 % de leur revenu brut disponible pour
le reste à charge.

2.24
1.24
• Faire payer le patient (encadré 2.2)

1.14
Depuis le début des années 2000, la politique économique de santé cherche
à faire payer davantage le patient, via des déremboursements, forfaits,

58:4
franchises et ticket modérateur. Ces mécanismes apparaissent comme
une TVA médicale puisqu’ils frappent la consommation des malades et 8554
uniquement elle. Ainsi, un déremboursement forfaitaire (remboursé ni par la
6:88

Sécurité sociale, ni par un OCAM) de 1 euro est appliqué sur chaque feuille
de soins depuis 2004. Dans le même temps, la création du parcours de soins
2989

contraint le patient à consulter préalablement son médecin traitant avant


toute consultation de spécialiste (excepté ceux réputés en accès direct  :
0225

ophtalmologue, gynécologue et pédiatre). Le non-respect de ce parcours se


traduit par une hausse du ticket modérateur qui n’est pas remboursé par
1
one:

les OCAM ainsi que la possibilité pour le médecin spécialiste consulté de


pratiquer un dépassement d’honoraires. Les pouvoirs publics ont également
om:N

mis en œuvre, à partir de 2003, une politique de déremboursement des


médicaments dont le service médical rendu (SMR), en d’autres termes
c

l’efficacité, est remis en cause. Cette logique s’est amplifiée en 2008 par la
rvox.

mise en œuvre de franchises médicales (art. 52 de la loi de financement de


la Sécurité sociale). La franchise est une somme forfaitaire qui vient minorer
chola
nal.s

1.  Le ticket modérateur est la part du coût total qui n’est pas remboursée par la
Sécurité sociale (cf. encadré 6.1).
natio

60 Économie de la santé
inter
le remboursement de la Sécurité sociale et de la complémentaire santé.
Elle concerne tous les médicaments remboursables (0,50 euro par unité de
consommation), les actes paramédicaux (infirmiers, orthoptistes…) pour un
montant de 0,50 euro par acte et les transports sanitaires (2 euros).

3. Produire de la santé 

1024
Il est particulièrement important de bien saisir les enjeux liés au

3199
comptage et au financement de la dépense de santé, notamment
parce qu’elle est en grande partie publique et socialisée. Cependant,

5:16
cet angle d’analyse occulte peut-être l’essentiel : la dépense publique

2.24
de santé implique une contrepartie, elle produit de la valeur écono-
mique et sociale (3.1). Dans le cas de la santé, il devient alors pos-

1.24
sible de montrer que la Sécurité sociale est un système de production
efficace (3.2).

1.14
58:4
3.1 La production publique : la contrepartie
de la dépense publique 8554
Soigner coûte cher. C’est une évidence. Tout aussi évident est que le
6:88

coût des biens et services médicaux a une contrepartie : il produit du


bien-être. On semble avoir oublié aujourd’hui la seconde évidence
2989

pour ne mettre en avant que la première. Les découvertes médicales


0225

sont inutiles si les malades ne peuvent pas se les payer. Ce n’est pas
tant la pénicilline en 1928, les antibiotiques ou la streptomycine
1

contre la tuberculose en 1944 qui ont sauvé des vies que l’accès à ces
one:

médicaments. C’est donc l’assurance sociale, et plus particulièrement


om:N

le développement de la Sécurité sociale tel qu’il a été décrit au cha-


pitre 1, qui a permis la victoire sur la mort. En France, la mortalité
c

par infection diminue de moitié entre 1945 et 1950, soit bien plus
rvox.

vite que de 1925 à 1945 (–20 %).


Si la protection santé a une utilité sociale considérable, le système
chola

de protection sociale contribue aussi pleinement à la régulation éco-


nomique. Elle facilite le développement des débouchés des entre-
nal.s

prises en élargissant la consommation (privée ou collective) grâce


natio

La dépense de santé et ses contreparties 61


inter
à la solvabilisation des ménages. Sans indemnité d’assurance mala-
die, les malades auraient une ponction de leur revenu qui limiterait
leur consommation. Sans protection santé, le capitalisme industriel
et le capitalisme financier seraient moins développés (qui pourrait
continuer à rembourser ses crédits en cas d’absence de revenu impu-
table à une maladie ?). Dans ces conditions, le système de protection
sociale s’impose pour assurer la croissance du mode de production

1024
capitaliste. La Sécurité sociale opère donc une véritable révolution
conceptuelle dans la mesure où les principes assurantiels classiques et

3199
lucratifs sont abandonnés au profit de la solidarité. Cette évolution
est rendue possible par une mixité du financement. Celui-ci doit être

5:16
assuré par des cotisations sociales assises sur les salaires (pour les
cotisants au régime général) ou sur le revenu professionnel (pour les

2.24
autres).

1.24
La période actuelle est marquée par le dénigrement quasi sys-
tématique de la dépense publique dans le débat politique. L’usage

1.14
d’un vocabulaire négativement connoté et de chiffres exagérément
anxiogènes illustre assez bien ce contexte. Pour démontrer le poids

58:4
prétendument inacceptable de la sphère publique, il est souvent fait
référence au poids de la dépense publique dans le PIB. Ses détrac- 8554
teurs diront que les enfants français sont redevables dès leur nais-
6:88

sance de près de 30 000 euros, en raison du poids de la dette. Si les


chiffres comptent, le vocabulaire donne du sens. On parlera ainsi de
2989

charges sociales, de déficits, de dettes, de coûts, de poids. Les chiffres


et les mots sont en ordre de bataille : l’intervention publique est asso-
0225

ciée au champ sémantique de la peur afin de justifier son retrait.


Or, ce dénigrement ne va pas de soi et repose sur un imaginaire
1
one:

éloigné des réalités économiques. Par exemple, dire que la dépense


publique représente 57  % du PIB ne veut pas dire que le secteur
om:N

public confisque 57  % de la richesse nationale. À titre de compa-


raison, la dépense privée représente 260 % du PIB, cela indique-t-il
c
rvox.

qu’elle est trop élevée ?


On pourrait aisément déconstruire beaucoup de discours sur la
chola

dépense publique, mais il ne s’agit pas ici de redire l’opposition entre


référentiel libéral et référentiel keynésien de politiques publiques (cf.
nal.s

chapitre  1) ou de développer une défense de la dépense publique


natio

62 Économie de la santé
inter
parce qu’elle serait plus solidaire, plus éthique, plus empreinte de
valeurs. Au contraire, toutes ces formes de critique ou de défense
de l’intervention publique partagent un fond théorique commun.
Elles considèrent que l’intervention publique est une dépense. Pour
le référentiel libéral la dépense publique est un coût insupportable
(qui limite l’expression des libertés individuelles), pour le référentiel
keynésien la dépense publique est un coût nécessaire (car juste, soli-

1024
daire…).
Contre ce fond commun, il est possible et souhaitable de tenir

3199
un discours et une lecture positifs de la santé : c’est une production
(Harribey, 2013 ; Ramaux, 2012). Pour comprendre cette idée nous

5:16
devons nous défaire des représentations et des normes habituelles,
notamment en proposant des comparaisons avec d’autres activi-

2.24
tés productives. Personne ne définit l’industrie automobile par son

1.24
niveau de dépense. Cela ne veut pas dire que son niveau de dépense
n’est pas quelque chose d’important mais que cette chose doit être

1.14
mise au regard de la contrepartie  : la production. Dans le cas de
Renault, la contrepartie de la dépense est un chiffre d’affaires et

58:4
l’évaluation dépend de l’existence ou non d’un profit. Dans le cas de
8554
l’intervention publique il n’y a pas de chiffre d’affaires (la production
est essentiellement gratuite), ni de profit. Mais cela ne veut pas dire
6:88

qu’il n’y a pas de contrepartie.


D’autres illustrations sont possibles. C’est le cas quand l’interven-
2989

tion publique s’exprime par des institutions politiques. Si ces institu-


tions considèrent que la contrepartie est satisfaisante, il est toujours
0225

possible d’augmenter les financements via des hausses d’impôts ou


de cotisations. Si l’on considère qu’il est souhaitable de permettre
1
one:

l’accès à l’optique ou au dentaire sans ruiner les patients, alors le


financement correspondant est tout autant légitime. Dès lors, impôt
om:N

et cotisation ne sont pas une ponction d’improductifs sur le travail


de productifs, mais la reconnaissance d’une production par d’autres
c
rvox.

moyens institutionnels que le marché. Il n’y a donc pas de raison de


dénigrer la dépense publique en toute généralité et tout particuliè-
chola

rement la dépense publique de santé mais de comparer la qualité et


l’efficacité de la production publique vis-à-vis de la production pri-
nal.s

vée. Est-ce que l’enseignement privé est supérieur à l’enseignement


natio

La dépense de santé et ses contreparties 63


inter

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