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ZONE FRANC.

La zone franc est une zone monétaire qui rassemble aujourd'hui la France, les DOM-TOM,
et un certain nombre de pays africains anciennement colonisés par la France. La zone franc
trouve son origine dans l'empire colonial français dont toutes les monnaies étaient, avant
guerre, rattachées au franc métropolitain sauf la piastre ( rattachée à l'or de 1930 à 1936) et
la roupie des établissements français de l'Inde, liée à la roupie indienne. La crise
économique mondiale des années trente conduit la France à mettre en oeuvre une politique
d'autarcie à l'échelle de son empire colonial qui se traduit en août et septembre1939 par
l'inconvertibilité du franc et .l'institution d'un strict contrôle des changes. A cette date, la
réglementation des changes uniforme, assortie de parités fixes entre toutes les monnaies et
de la libre transférabilité des monnaies à l'intérieur de l' empire confèrent à la zone franc son
identité.
En 1945 furent créés les francs Colonies Françaises d'Afrique et Colonies Françaises du
Pacifique avec les parités de 1,70 F pour 1 franc CFA et de 5,30 F pour 1 franc CFP. 1) En (

1948 les parités de ces francs coloniaux furent fixées respectivement à 2 F pour 1 franc
CFA et 5,50 pour 1 franc CFP.
L'évolution politique provoque d'importantes mutations : la conquête de l'indépendance
entraîne la rupture des liens monétaires d'abord dans les années 50 avec les pays de l'ex-
Indochine française, puis au tournant de la décennie avec les pays du Maghreb puis la
Guinée.
Actuellement la zone franc se compose de six sous-ensembles: France métropolitaine,
Monaco, DOM-TOM, l'Union Monétaire Ouest Africaine, l'Union Monétaire d'Afrique
Centrale et les Comores.
Seule zone monétaire depuis la disparition des Zones sterling et rand, la zone franc a fait du
franc CFA ( franc de la Communauté financière africaine émis par la BCEAO 2) pour les (

pays de l'UMOA et franc de la Coopération financière en Afrique centrale émis par la


BEAC 3) pour les autres pays) la monnaie commune de 13 pays africains et des Comores. 4)
( (

Les facilités (convertibilité illimitée des monnaies de la zone entre elles et en devises grâce à
la garantie du Trésor français, libre transférabilité des capitaux à l'intérieur de la zone,
parités fixes entre les différentes monnaies et le franc français, mise en commun des réserves
(1) "Lors de la dévaluation française du 26 décembre 1945, il n'avait pas paru possible d'imposer une
mesure analogue aux pays d'outre-mer dont les coûts à l'importation auraient été exagérément renchéris,
aussi les monnaies de la Zone avaient-elles été , à cette époque , en quelque sorte << réévaluées>> par
rapport au franc français." A. de LATTRE, "Politique économique de la France depuis 1945," Sirey,
Paris,1966, p. 407.
(2) BCEAO : Banque Centrale des États d'Afrique de l' Ouest.
(3) BEAC : Banque Centrale des États d' Afrique Centrale.
(4) Dans l'Archipel des Comores la Banque centrale des Comores (BCC) émet le franc comorien.
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de change) que permet la participation à une zone monétaire impliquent en contrepartie une
certaine coordination des politiques d'émission. Le système de la zone franc freine
largement la création monétaire : en effet, lorsque le compte d'opérations 5) est débiteur, (

cela donne lieu à paiement d'intérêt et s'il tombe au-dessous d'un niveau donné, la banque
centrale concernée doit prendre des mesures pour restreindre l'expansion du crédit.
Après une période de stabilité de 46 ans les chefs des États africains, sous la pression du
Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, ont décidé de modifier la parité
du franc CFA et celle du franc comorien pour les fixer à compter du 12 janvier 1994 à un
taux de100 francs CFA pour 1 franc français et de 75 francs comoriens pour 1 franc
français. S'agissant du franc CFA la nouvelle parité correspond à une dévaluation à hauteur
de 50%., pour le franc comorien la dévaluation est de 25 %. Étant données la détérioration
de 45% des termes de l'échange de la zone entre 1985 et 1992 et la revalorisation du franc
français, et donc du franc CFA, par rapport au dollar de 40% sur la même période, le FMI
estimait que faute d'une telle dévaluation il était impossible de voir ces pays retrouver "une
position viable de leurs balances des paiements". 6) (

L'article 109 du Traité de Maastricht relatif à la politique monétaire vaut reconnaissance des
accords passés par la France dans le cadre de la zone franc. Lors du remplacement du franc
français par l'écu, future monnaie commune les parités fixes du franc CFA et du franc
comorien seront définies par rapport à l'écu.

(5) "Les comptes d'opérations sur lesquels les banques centrales africaine sont tenues de centraliser au moins
65% de leurs avoirs en devises et grâce auxquels elles peuvent disposer de francs français même si les
réserves en devises sont globalement épuisées, sont, en effet, des comptes de correspondants du Trésor. Ce
qui signifie que la garantie illimitée du franc CFA est assurée par un engagement de l'État français et à ce
titre supportée par le Trésor et non par la Banque de France. Ce mécanisme ne met ainsi aucunement en jeu
un financement monétaire." Direction du Trésor, "La zone franc et l'UEM" Les Notes Bleues de Bercy, du
16 au 31 octobre 1992,p.2
(6) cf. J.M. BOUGHTON, " Le franc CFA : zone de fragile stabilité en Afrique," Finances et
Développement, volume 29, n° 4, décembre 1992.
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COFACE
Société de droit privé, sous tutelle de l'État, la Compagnie Française d'assurance pour le
Commerce Extérieur a pour objectif de gérer, en propre ou pour le compte de l'État,
l'essentiel des garanties à l'exportation.
Sous sa propre responsabilité, la COFACE assure le risque commercial ordinaire, comme
une compagnie privée soumise aux règles habituelles de l'assurance. Le risque couvert est
celui d'insolvabilité d'acheteurs privés dans le cas d'exportations de biens vendus avec des
crédits maximaux de trois ans.
Pour le compte de l'État, la COFACE assure le service public de l'assurance-crédit : les
garanties qu'elle délivre engagent alors uniquement l' État. Elle assure les risques qui, d'une
manière générale, ne peuvent être pris en charge par une entreprise privée : risques
politique, de change, commercial à moyen et long terme ainsi que les risques afférents aux
investissements liés à des exportations françaises. Elle délivre en outre des garanties
d'assurance prospection et d'assurance-foire et des garanties couvrant le risque économique
( lié à un certain type d'exportation, celle de grands ensembles industriels). Les différents
risques peuvent être couverts pendant la négociation, l'exécution du contrat et le
remboursement du crédit.
Afin de circonscrire le domaine d'intervention de la COFACE il est commode de rappeler en
matière de crédits à l'exportation les distinction entre crédits libres, crédits en "garantie
pure", crédits administrés. Qu'il s'agisse du crédit acheteur (consenti à l'acheteur étranger)
ou du crédit fournisseur (consenti à l'exportateur français) le crédit est dit "libre" s'il est
accordé sans soutien public (sans garantie COFACE et sans taux privilégié), "en garantie
pure" s'il est accordé avec soutien public à l'assurance (garantie COFACE) et sans taux
privilégié, "administré" lorsqu'il est accordé avec soutien public à l'assurance (garantie
COFACE) et au financement (taux privilégié). L'obtention d'un financement à taux
privilégié, auprès de la Banque Française du Commerce Extérieur est dans la majorité des
cas subordonnée à l'octroi des garanties requises par la COFACE. Toutefois depuis juillet
1989, la BFCE n'intervient plus dans les financements pour le compte de l'État des crédits à
long terme
La COFACE tenait de la loi du 2 décembre 1945 un véritable monopole de l'assurance-
crédit pour l'exportation. Avec l'ouverture du grand marché européen des services le
31/7/1990, la COFACE a dû redéfinir sa stratégie et ses rapports avec l'État. Depuis janvier
1990 elle réassure sur le marché ( c'est à dire qu'elle se couvre en termes de risques
commerciaux) la totalité des risques commerciaux ( ce qui implique une augmentation du
coût de ses services) alors qu'auparavant l'État donnait sa garantie pour des montants
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importants. Elle assure depuis le début de 1990 le risque politique dans l'OCDE pour son
compte propre 1) . Les garanties délivrées pour le compte de l'État sont accordées par la
(

Direction des Relations Économiques Extérieures après avis de la Commission des


Garanties et du Crédit au commerce extérieur, ou par la COFACE dans le cadre de
délégations.
La COFACE garantit à peu près 24% des exportations françaises. Les défaillances sur les
grands contrats passés dans les années 70 expliquent le durcissement des conditions de
garantie. A titre d'exemple, en 1990, 19 milliards de francs d'indemnités ont été versés,
principalement sur quatre pays : l'Irak, le Maroc, le Nigéria et l'Egypte.
De même la réorientation des exportations françaises vers les pays solvables contribuent à
ce durcissement. C'est ainsi que la part des pays riches dans l'ensemble des nouveaux
risques pris chaque année est passée de 27% en 1985 à 46% en 1987, tandis que dans le
même temps la part des pays pauvres a été ramenée de 26 à 17%. 2) (

Par ailleurs, la garantie de change ( la COFACE indemnise l'entreprise de la perte de change


si le cours réel de cession des devise est inférieur au cours garanti) a connu ces dernières
années une progression importante.
En 1992, pour 1,8 milliard de francs de primes et 8,5 milliards de francs de récupérations, la
COFACE a dû verser 16 milliards de francs d'indemnités. Ce qui fait apparaître, après
imputation de charges diverses un besoin de financement de 6,3 milliards de francs. Aussi
cette même année une opération de restructuration de son capital a-t-elle été engagée dans
le but de stabiliser et renforcer son actionnariat. Elle se caractérise par une double évolution
3) :
(

-l'entrée au capital de la COFACE de deux réassureurs, la Société commerciale de


réassurance (SCOR) pour 20% et la Société anonyme française de réassurance (SAFR)
pour 2%; aucun réassureur ne figurait auparavant dans le capital de la COFACE.
-la confirmation de la position des AGF et des autres actionnaires qui leur sont associés;
leur participation globale est, en effet, portée de 43,3 à 49,9%

(1)L'assurance crédit peut être prise en charge par l'État ou par le marché (la COFACE assure alors les exportateurs
pour son compte propre). Les activités de marché sont celles qui sont susceptibles d'être réassurées. Ainsi l'absence de
garantie d'État à court terme pour le risque politique dans l'OCDE implique que la COFACE qui assure ce risque pour
son compte propre puisse se réassurer sur les marchés. cf. Direction du Trésor, "La .COFACE. Missions et
restructuration du capital", Les Notes Bleues de Bercy, 1-15 juillet 1993
(2) Ministère de l'Économie des Finances et du Budget, Ministère du Commerce Extérieur, Direction des
Relations Économiques Extérieures, Bureau Analyse et Prévision, "Où en est la compétitivité française? La
Documentation française, juin 1989, p. 133.
(3) Direction du Trésor, art. cit. p.8.
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.BALANCES-STERLING

Les balances sterling sont des dettes à vue contractées par la Grande Bretagne au cours de
la deuxième guerre mondiale auprès des pays du Commonwealth ou de certains de ses
alliés. Il s'agit donc d'avoirs officiels en sterlings détenus par des gouvernements et autorités
monétaires de pays étrangers, évalués à3,8 milliards de livres-sterling en 1945.
Depuis 1945 la Grande Bretagne a entrepris de rembourser ces dettes, notamment à l'égard
de l'Inde et de l' Egypte, mais cette liquidation a été incomplète, et à mesure que certaines
dettes ont été remboursées aux pays de la zone sterling la Grande Bretagne en a contracté
d'autres auprès de pays étrangers à cette zone. De plus, une fois la guerre terminée des
membres de la zone sterling en nombre croissant ont repris leur liberté. Néanmoins la livre
sterling est demeurée une monnaie de réserve subissant à tout moment les conséquences
d'un déficit extérieur d'autant plus élevé qu'il est celui de la zone dans son ensemble. Ces
balances-sterling ont constitué ainsi pendant des années une source permanente de
perturbations sur les marchés des changes. En effet, pour les institutions qui les détenaient,
toute menace de dépréciation de leur valeur ne pouvait que les pousser à tenter de les
solder et de les convertir en d'autres monnaies. Cela eut pour conséquence, qu'à chaque
accès de faiblesse de la livre, que les raisons en soient politiques ou économiques, la crise se
trouvait amplifiée par des retraits ou menaces de retraits en livres. Aussi après une série de
crises, en 1961 lors de la réévaluation du mark allemand et du florin néerlandais, en 1964
lors de l'arrivée au pouvoir du gouvernement travailliste, en 1966 en raison de la grève des
gens de mer, en 1967 où la crise se dénoue par la dévaluation de novembre, 12 banques
centrales décident en 1968 de mettre à la disposition de la Grande-Bretagne une facilité de
crédit à moyen terme de deux milliards de dollars pour l'éventualité de retraits importants
d'avoirs officiels en sterling.(facilités de Bâle). En l'échange de ces facilités le Trésor
britannique apportait jusqu'en 1974 aux États étrangers la garantie de leur verser la contre-
valeur en dollars de leurs avoirs en cas de pertes de change à la condition qu'un montant
minimum de ces avoirs soit conservé en livres. Au lendemain du premier choc pétrolier, les
pays de l'OPEP ont porté leurs réserves en sterling de 1 milliard fin 1973 à plus de 3,5
milliards de livres début 1975. Puis ils ont considérablement réduit ces avoirs en 1976, si
bien que 8 banques centrales du Club des Dix, sous la direction de la Banque des
Règlements Internationaux, ont dû à nouveau consentir à la Grande Bretagne une aide
financière à moyen terme de 3 milliards de dollars. L'octroi de ce nouveau crédit est, alors,
subordonné à l'engagement de la Grande Bretagne de s'employer à une réduction
méthodique des avoirs en sterling. C'est, en définitive l'abolition du contrôle des changes en
1979 , conjugué avec la libre fluctuation de la livre sur le marché des changes, qui met fin à
l'épineux problème des balances-sterling.
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ZONE MONETAIRE

Une zone monétaire est une aire de solidarité monétaire entre une économie centrale et des
économies périphériques. Cette définition assez large permet de recouvrir à la fois la
période de genèse de la zone monétaire, au moment où s'affirme l'existence d'un pôle
financier autour duquel elle gravite, et la période au cours de laquelle la zone monétaire
s'institutionnalise en mettant en oeuvre des principes d'organisation monétaire et bancaire.
Ainsi aucun formalisme n'a marqué la formation de la zone sterling en 1931, puisqu'il s'agit
de la libre décision adoptée par un certain nombre de pays, de suivre la livre dans sa
dévaluation. La première définition officielle de la zone sterling est donnée en 1939 dans le
cadre de la législation du contrôle des changes. Les pays de la zone adoptent le même
contrôle des changes à l'extérieur et la libre transférabilité à l'intérieur. Ces caractéristiques
se retrouvent dans toute zone monétaire, auxquelles il convient d'ajouter des procédures de
coopération entre Instituts d'Émission. En définitive, la zone monétaire n'est ni une Union
politique, ni une Union monétaire, mais un espace au sein duquel existe au minimum la libre
convertibilité entre les monnaies qui en font partie. La vitalité de l'économie centrale
commande la cohésion de la zone. Ainsi c'est l'importance des transferts publics qui a sauvé
la zone franc. En revanche, au regard des critères adoptés par le F.M.I., la faiblesse du
commerce intrarégional, le degré limité de flexibilité des salaires et des prix et la mobilité
souvent contrariée de la main-d'oeuvre rendent la zone franc particulièrement fragile.
S'agissant de la zone sterling, ce sont les crises récurrentes des années 60, amplifiées par
l'existence des balances-sterlings qui ont amené la disparition de la zone en 1979. La zone
rouble qui reposait sur une unité de compte commune, le rouble transférable n'a en réalité
jamais existé en tant que zone monétaire puisque les créances en roubles transférables ne
pouvaient pas être utilisées librement en vue de l'acquisition de biens et services dans un
pays quelconque de la zone. La disparition du COMECON en juin 1991, précédée par la
généralisation des règlements en devises convertibles ont mis un terme à l'existence de cette
institution.
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MARCHE A TERME

Un marché à terme est un marché financier : les transactions à terme ne portent pas sur des
marchandises, mais sur des actifs financiers. Les opérateurs sur ce marché achètent et
vendent des titres financiers que l'on appelle des contrats. Dans le cas d'un marché à
terme de marchandises les contrats négociés sont des titres financiers standardisés,
représentant une certaine quantité de matières premières. Un opérateur intervenant sur un
marché à terme s'engage à livrer ou à recevoir à une date fixée et à un prix convenu, une
certaine quantité de marchandises dont toutes les caractéristiques sont précisées par le
contrat. Le lieu de livraison ainsi que le délai (le terme) au bout duquel la transaction se
dénoue, doivent également être précisés. Tout contrat se dénoue à l'arrivée du terme. Deux
possibilités sont offertes : soit l'accomplissement des obligations du contrat en prenant
livraison de la marchandise ou en la livrant; soit -cas le plus fréquent car il est la raison
d'être de ce marché, -le dénouement se réalise par compensation et inversion de l'opération
initiale. Dans cette dernière hypothèse le vendeur rachète un contrat, l'acheteur revend un
contrat pour la même échéance.
Les marchés à terme se tiennent dans des Bourses de commerce. Dans ces Bourses les
seuls éléments qui sont négociés sont les prix des contrats. Le risque de prix qu'encourt un
négociant en matières premières justifie que celui-ci se prémunisse contre ce risque par une
opération de couverture: ainsi, quand un négociant s'engage à livrer dans six mois des
quantités déterminées d'une marchandise qu'il ne possède pas, il peut soit les acheter dès
maintenant, mais cela exige des capacités de stockage et implique des frais financiers, soit
repousser provisoirement l'achat des marchandises, mais le négociant ignore alors ce que
sera le prix au moment où il les achètera, soit différer l'achat des produits physiques et
entreprendre immédiatement une opération de couverture. Redoutant une hausse des cours
entre maintenant et la date de livraison, le négociant cherche à éviter une perte en achetant
des contrats à échéance de la date de livraison. Si le cours fixé au contrat, plus élevé dans
cette hypothèse que le prix au comptant s'avère à échéance plus faible que le cours effectif,
il vend à échéance le contrat ce qui lui permet de limiter la perte qu'il aurait subi s'il avait
acheté au comptant et avec les recettes tirées de cette vente il achète au comptant à
échéance les marchandises sur le marché du physique. Ainsi l'opération de couverture ne
supprime pas le risque de prix. Elle permet au négociant de le transférer au spéculateur.
Celui-ci n'est intéressé que par l'achat et la revente des contrats et c'est lui qui empoche la
plus-value ou subit la moins-value qui résulte a échéance de la différence entre le cours
prévu au contrat et le cours effectif. Trois raisons, en effet expliquent que les prix des
marchandises et des contrats ne varient pas de façon identique : les spéculateurs sur les
marchés à terme anticipent les mouvements de prix et peuvent les accentuer; les prix à
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terme peuvent être influencés par des éléments qui n'ont rien à voir avec les marchés des
produits; les transactions sur le marché des contrats peuvent amplifier à très court terme les
fluctuations de prix au comptant.
Un à trois pour cent des contrats sur un marché à terme se dénouent par une livraison
effective de la marchandise. C'est dire que la fonction principale de ces marchés est de
servir d'assurance contre les risques de prix, risques qui sont transférés des opérateurs sur
les marchés physiques aux spéculateurs. Afin de réaliser le solde des transactions entre les
acheteurs de contrats et les vendeurs de contrats les Bourses de commerce ont créé des
chambres de compensation qui prennent la contrepartie de tous les contrats.

S'agissant des céréales le marché à terme le plus important est le Chicago Board of Trade
(C.B.T.) créé en 1848, pour la viande c'est le Chicago Mercantile Exchange ( C.M.E.). Le
London Metal Exchange ( L.M.E.) est la bourse de commerce la plus importante et la plus
diversifiée pour les métaux non ferreux. Les marchés pétroliers sont concentrés au
NYMEX( New York Mercantile Exchange). Le sucre blanc est négocié à Paris. Le marché
de l'huile de palme de Kuala Lumpur est un des rares marchés à terme localisés dans un
pays producteur en voie de développement.
Les marchés à terme d'instruments financiers ( financial futures ) sont apparus dans les
années 1970. Leurs succès sont dus à l'instabilité des taux d'intérêt et des taux de change.
On distingue trois types de contrats à terme de produits financiers :les contrats à terme de
devises; les contrats à terme de titres financiers à revenu fixe; les contrats à terme d'indices
boursiers.

Le Marché à terme des Instruments financiers de France (MATIF)


a été ouvert en février 1986. Il permet aux opérateurs de se couvrir contre les risques
découlant de l' évolution imprévue des taux d'intérêt, des cours boursiers, des taux de
change. Ainsi une entreprise qui prévoit d'émettre des billets de trésorerie dans trois mois
(emprunt à court terme sur le marché monétaire) va vendre dès aujourd'hui des "contrats"
sur le MATIF, si elle désire se prémunir contre une hausse éventuelle des taux d'intérêt. Si
les taux montent, le coût supplémentaire de son émission sera compensé par un gain sur le
MATIF car le prix du contrat aura baissé du fait de la hausse des taux. Cette technique a
cependant l'inconvénient de ne pas être adaptée à la couverture d'opérations dont la
réalisation n'est pas certaine car elle implique un engagement ferme d'achat ou de vente de
contrats.
Le Marché d'Options Négociables (M.O.N.) fonctionne à la Bourse de Paris depuis juin
1987. Les premiers marchés à terme d'options se sont ouverts aux U.S.A. à partir de 1973.
L'option est une transaction conditionnelle qui permet à l'acheteur d'une option d'achat
(call) ou de vente (put) d'abandonner ou de rendre effective cette transaction. La mise de
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fonds initiale est limitée à un montant déterminé d'avance : la prime que l'acheteur doit
verser au vendeur dès la conclusion du contrat.
Les grands marchés à terme présentent une caractéristique rare : ce sont des marchés
"parfaits" car le volume des transactions interdit qu'un opérateur y soit en mesure d'y
exercer à un moment donné une influence durable.
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AGENCE ( THEORIE DE L')

Une relation d'agence apparaît dès qu'un particulier confie la gestion de ses intérêts à autrui.
L'analyse économique s'intéresse à cette relation, indépendamment de la forme juridique
qu'elle revêt entre le principal (le mandant) et l'agent (le mandataire). La relation d'agence
comporte ainsi un engagement contractuel implicite ou explicite assorti le plus souvent
d'une délégation du pouvoir de décision limitée à l'objet de cet engagement de la part du
principal.
La théorie de la relation d'agence vient combler une lacune de l'analyse conventionnelle de
la firme. En effet, dans l'analyse micro-économique d'inspiration néoclassique, la recherche
du profit maximum sous la contrainte d'une transformation technique efficiente des facteurs
en produits, tient lieu d'analyse du comportement de la firme. Cette démarche ignore les
problèmes de coordination, non seulement des facteurs dans la production, mais aussi des
dirigeants avec les apporteurs de capitaux. Surtout elle laisse dans l'ombre la question
importante des dispositifs contractuels, et à la clef des systèmes d'incitation associés qui
permettent à chacun d'être sûr qu'autrui aura bien le comportement qu'il s'est engagé, par
contrat, à avoir.
La théorie positive de l'agence s'est surtout préoccupée des relations entre actionnaires et
dirigeants 1) tandis que l'analyse normative s'est davantage souciée des caractères du
(

fonctionnement hiérarchique de la firme en centrant l'analyse sur le contrôle interne et sur


les incitations à l'intérieur des firmes. 2)(

Elle considère, en effet que se trouve posée à travers cette relation un problème d'efficacité
des incitations susceptibles de permettre au principal de se prémunir contre un
"comportement opportuniste" de l' agent. La possibilité d'un tel comportement de la part de
l'agent résulte de l'incertitude devant laquelle le principal se trouve exposé s'agissant de la
nature des actions choisies par l'agent ("risque moral") 3) et du caractère incomplet des
(

informations dont dispose le principal quant aux attentes de l'agent ("selection adverse"). 4) (

Dès lors la théorie de l'agence a pour objet de

(1) cf. M. JENSEN, W. MECKLING, "Theory of the firm : managerial behaviour, agency costs and
ownership structure, Journal of Financial Economics, n° 3, 1976.
(2) cf. J. E. STIGLITZ, A. WEISS, " Incentives Effects of Terminations : Applications to the credit and
labor markets, The American Economic Review, vol. 73, décembre, pp. 912-927.
(3) Vous confiez votre vehicule automobile aux fins de réparation à un garagiste. Le risque moral encouru
tient à ce que vous ne pouvez apprécier la pertinence des interventions effectuées, et par conséquent les
quantités de travail qui vous seront facturées.
(4) Un exemple classique de sélection adverse est celui qu'offre la relation de l'avocat à son client. Si la
difficulté d'une affaire pouvait être appréciée sans erreur par le justiciable, celui-ci ne serait pas exposé à
confier ses intérêts à un professionnel qui lui ferait indûment état d'une grande complexité de son dossier
justifiant des honoraires élevés.
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définir le système de rémunération qui permettra d' obtenir de l' agent qu'il agisse au mieux,
dans l'intérêt de son mandant. 5) (

Les principaux problèmes d'agence liés au jeu des marchés concernent l'un, le travail (un
salaire est échangé contre une promesse de travailler consciencieusement), l'autre le capital
( des fonds sont prêtés contre une promesse de rentabilité). La théorie de l'agence
abandonne l'hypothèse selon laquelle la plupart des individus respectent spontanément leurs
promesses et obéissent aux normes des organisations dont ils font partie. Elle suppose au
contraire que le respect de ces normes n'est effectif que si les individus constatent qu'une
telle attitude peut constituer un moyen efficace d'aboutir à la réalisation de leurs objectifs
personnels. C'est pourquoi la théorie de l'agence se propose d'établir la nature des systèmes
de rémunérations qui poussent l'agent, préoccupé de son seul intérêt personnel à cependant
accomplir les obligations auxquelles il s'est engagé par contrat. Si la mise au point d'un
contrat incitatif s'avère impossible ou trop coûteuse, le mandant peut envisager d'embaucher
quelqu'un pour surveiller le comportement du mandataire.
La théorie de l'agence peut aussi s'appliquer aux relations entre l' État et le marché. Selon
H. GINTIS, "l'approche par la relation d'agence donne sur l'environnement politique d'une
action macro-économique, un éclairage différent de celui des approches classiques et
keynésiennes." 6) La théorie de l'agence peut, en effet, expliquer la nature de la réaction des
(

agents à des décisions de l'État en fonction des caractéristiques spécifiques des systèmes
nationaux d'organisation de la main d'oeuvre et des rôles qu'ils assignent aux agents.

(5)cf. J.J. LAFFONT, "Le risque moral dans la relation de mandat", Revue économique, janvier 1977.
(6)cf. H. GINTIS, "New economic rules of the game," Challenge, n° 5, septembre-octobre 1992.
Reproduit sous le titre "Repenser la politique économique à l'aide de la théorie de l'agence, dans Problèmes
économiques, n° 2314, 24 février 1993, pp.8-14.
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MARCHE CONTESTABLE

Un marché est contestable lorsque les firmes qui souhaitent être présentes sur ce marché
peuvent y pénétrer, malgré la concurrence des firmes déjà en place, et s'en retirer en cas
d'échec, sans coût. Il s'agit donc d'une structure de marché caractérisée par la liberté d'en
sortir à tout moment : en effet, si une firme peut quitter sans perte un secteur d'activité en
retirant notamment tous les capitaux qu'elle y a investis, il est évident que la décision d'y
entrer ne lui coûtera rien. La conséquence immédiate de cette hypothèse d'entrée et de
sortie libres est que le degré de concurrence sur un marché de ce type ne dépend pas du
nombre de firmes qui y sont présentes. En d'autres termes , quand bien même un petit
nombre d'entreprises exerceraient leur domination sur ce marché, elles seraient contraintes
d'adopter un comportement identique à celui d'entreprises qui auraient à faire face à un très
grand nombre de concurrents, du seul fait de la menace qu'exerce sur leur situation présente
l'entrée éventuelle de nouveaux concurrents.
Si l'on cherche à préciser les critères qui rendent possibles l'entrée et la sortie libres, on
constate que le plus important est celui d'absence de coûts fixes irrécupérables ( "sunk
costs"). Ce critère permet de comprendre qu'une situation de concurrence à laquelle on
associe l'efficacité optimale dans l'allocation des ressources n'est pas nécessairement liée à
l'existence d'un nombre important d'offreurs sur le marché considéré. 1) D'où cette
(

affirmation paradoxale, au regard des enseignements classiques, de W. BAUMOL : "


l'absence d'entrée sur un marché ou l'existence d'un taux de concentration élevé peuvent
alors constituer plutôt des signes de bon que de mauvais fonctionnement du processus
concurrentiel. Il en sera ainsi si les coûts d'entrée sur ce marché sont négligeables. Dans ces
conditions, tout effort pour changer la structure du marché peut s'avérer totalement
inapproprié."

Sur le plan de la politique économique, la théorie des marchés contestables a inspiré la


politique de déréglementation pratiquée aux U.S.A. au début des années quatre-vingt :
les contrôles administratifs et réglementaires sont ainsi apparus plus coûteux et moins
efficaces qu'une action visant à restaurer la contestabilité du marché, c'est à dire à supprimer
les obstacles à l'entrée de concurrents potentiels. On estime cependant aujourd'hui que le
marché du transport aérien de personnes est beaucoup moins contestable qu'on ne l'avait
pensé aux U.S.A. sous les présidences Reagan; alors que la production d'aluminium serait,
en longue période, une activité présentant une structure de marché très contestable.

(1) cf. W.J. BAUMOL, J.C. PANZAR, R.D. WILLIG, "Contestable markets and the theory of industry
structure," New York, Harcourt Brace Jovanovich, 1982.
13

ZONE MONETAIRE OPTIMALE.

La zone monétaire optimale est une aire de covariation des taux de change des pays
membres dont les avantages liés à leur prévisibilité décroissent au für et à mesure que l'on
étend le ressort géographique de la zone. Il y a ainsi une dimension optimale de cette zone
qui provient de la multiplication des problèmes d'ajustement macro-économique dès lors
que l'on élargit l'aire de taux de changes fixes pour y inclure une plus grande variété
d'économies aux structures plus dissemblables. L'aire optimale de change peut ainsi être
identifiée en comparant le gain marginal résultant de l'élargissement de l'espace de stabilité
des taux de change et la perte marginale résultant de l'affaiblissement de la stabilité
économique de l'ensemble par adjonction d'économies sujettes à des perturbations. Quatre
critères permettent de circonscrire l'aire optimale de change : la mobilité interne des
facteurs, le régime de formation des salaires et des prix compatible avec le maintien d'une
zone monétaire, le coefficient d'ouverture des économies considérées, l'importance des
échanges intrarégionaux. A ces critères classiques H. Bourguinat 1) et R.C. Cooper 2) ont
( (

proposé d'associer celui de préférences homogènes, l'intensité des échanges intra-zone


dépendant de la proximité des préférences.
Plusieurs auteurs, A. Lamfalussy, 3) P. Salin, 4) R. Mundell 5) se sont posés la question de
( ( (

savoir si la C.E.E , avant l'institution du S.M.E., répondait aux critères d'une zone
monétaire optimale. Leur réponse tendait alors vers la négative puisque, l'absence de flux
migratoires intra-CEE conséquents, liée à l'absence d'un véritable dispositif de négociations
salariales au niveau du Marché Commun s'accompagnaient de très fortes divergences dans
les rythmes d'inflation liés à des progressions inégales des gains de productivité et à une
importance différente selon les pays accordée à la lutte contre l'inflation. En revanche,
après la création du S.ME., le mouvement vers une unification des marchés des facteurs a
contribué à renforcer l'harmonisation des politiques monétaires ajoutant ainsi, au milieu des
année quatre-vingt, à la crédibilité du système européen de taux de changes fixes. Ainsi , à
l'époque le S.ME. pouvait-il apparaître comme une zone monétaire optimale.

(1) cf. H. BOURGUINAT, "Des moyens de l'intégration monétaire européenne", Actualité économique,
Montréal, octobre-décembre 1973.
(2) cf. R.C. COOPER, "Worldwide versus regional integration. The optimum size of the integrated area,
dans F.MACHLUP(Ed.) Economic integration,worldwide,regional,sectoral. Londres,1977.
(3) cf. A; LAMFALUSSY, "Intégration monétaire : Problèmes et perspectives, Quatrième Congrès Mondial
de l'Association Internationale des Sciences Économiques, Budapest, août 1974, 23 pages.
(4) cf. P. SALIN, "La zone monétaire optimale" dans l'Unification monétaire européenne, Calmann-Lévy,
Paris,1974.
(5) cf. R.A. MUNDELL, "A theory of optimum currency areas", The American Economic Review, septembre
1961, n° 4.
14

Aujourd'hui, après la ratification du traité de Maastricht, l'institution d'une monnaie unique


en Europe, en 1997 ou en 1999, devrait signifier l'aboutissement par excellence de la zone
monétaire optimale. 6)
(

(6) cf. H. BOURGUINAT, "Maastricht et la théorie des zones monétaires optimales", Revue française
d'économie, vol. 7, n° 3, été 1992, pp.3-27.
15

MONOPOLE.

Une situation de monopole correspond à une structure de marché dans laquelle un seul
vendeur détient le contrôle exclusif de l'offre de marchandises. Dans cette hypothèse le
vendeur est en mesure de déterminer seul le montant des quantités vendues et leur prix de
façon à satisfaire au mieux son intérêt personnel. Il résulte implicitement de cette définition
que les acheteurs qui font face à l'entreprise en situation de monopole sont en très grand
nombre et se font concurrence. Un résultat fondamental de la théorie économique établit
que sur une telle structure de marché la politique de profit maximum poursuivie par
l'entreprise en situation de monopole conduit à un niveau de prix très élevé et à un
rationnement du marché, par comparaison avec les résultats de la formation de l'équilibre
sur un marché de concurrence pure et parfaite. En effet, le prix fixé par le vendeur en
situation de monopole sera très supérieur au coût marginal.
Pour qu' une entreprise soit en mesure de préserver sa position de monopole sur un marché,
il est nécessaire qu'elle puisse ériger des barrières à l'entrée de firmes que l'existence de
profits exceptionnels sur ce marché attireraient.
La théorie économique rend compte de la formation de "monopoles naturels" à partir de la
prise en compte de phénomènes d' indivisibilité, à l'origine de la formation de capacités
excédentaires nécessaires pour répondre aux fluctuations de la demande, d'économies
d'envergure (" economies of scope" ) qui impliquent que la production isolée de chaque
bien par des firmes spécialisées serait plus coûteuse que la production de l'ensemble de ces
biens par une même firme, de considérations organisationnelles telles que celles qui rendent
profitable l'internalisation des activités au sein d'une même entreprise, lorsque les coûts
de transaction et de coordination par les forces du marché sont considérés comme excessifs.
Les activités qui suscitent l'apparition d'une situation de monopole sont le plus souvent des
activités à rendements d'échelle croissants, c'est à dire à coûts moyens décroissants. Pour
ce type d'activité, la règle d'égalisation du prix au coût marginal 1) conduirait à des pertes,
(

parce que le coût marginal, quelques que soient les quantités produites, serait toujours
inférieur au coût moyen.
Afin d'éviter des prix de monopole et le rationnement induit du marché, les pouvoirs publics
peuvent réglementer l'activité des monopoles naturels et leur imposer en échange de
subventions couvrant les pertes d'exploitation une politique de tarification au coût
marginal 2) , ou contribuer à l'inverse par une déréglementation à rétablir les propriétés de
(

(1) Le coût marginal se définit comme l'augmentation du coût total entraînée par l'augmentation d'une unité
de la quantité du bien fabriqué.
(2) Cette politique conduit à pratiquer la règle de fixation du prix qui s'applique en régime de concurrence
parfaite de façon à amener l'entreprise en situation de monopole naturel à produire autant que l'aurait fait
une multiplicité de producteurs concurrents, tout en lui versant à l'entreprise une subvention couvrant
l'écart entre le coût marginal et le coût moyen. Cf. M. BOITEUX, "Sur la gestion des monopoles publics
16

contestabilité d'une situation de monopole naturel. C'est notamment cette dernière modalité
d'action qu' a utilisé aux U.S.A le Département de la Justice à l'encontre de A.T.T. En
1984, en effet, la Federal Trade Commission a scindé l'entreprise en sept compagnies
régionales, travaillant chacune de façon indépendante, A.T.T. ne conservant que
l'exploitation de réseaux à longue distance ainsi que la production de systèmes.

astreints à l'équilibre budgétaire," Econometrica, janvier 1956 ( Selon S. C. KOLM," La théorie des
contraintes de valeur et ses applications, Dunod, 1971, p. 432 : "un des meilleurs articles d'économie
politique jamais écrit.")
17

BARRIERES A L'ENTREE.

La barrière à l'entrée se caractérise par la notion de prix-limite, comme mesure du pouvoir


de marché, ce prix étant à la fois supérieur au prix concurrentiel et inférieur au prix qui
serait attractif pour d'autres entrants. L' obstacle à l'origine de cette notion de prix-limite,
peut être lié à la nature de l'activité ou résulter de l'action volontaire ou involontaire d'une
ou plusieurs firmes déjà installées et empêchant la concurrence potentielle de s'exprimer sur
ce marché.

On distingue habituellement quatre types principaux de barrières à l'entrée: l'avantage


absolu en matière de coûts, lié par exemple à l'exploitation d'un brevet; les avantages liés à
une politique de différenciation des produits; les économies d'échelle dont l' exploitation à
son bénéfice suppose d'atteindre une taille minimale, l'importance des besoins en capitaux.

Sous ces quatre catégories génériques figurent des modalités très variées de constitution de
barrières à l'entrée. Il peut être utile de les regrouper en distinguant celles qui affectent la
demande et celles qui affectent les coûts. S'agissant des coûts, il y a lieu d'identifier les
coûts qui doivent être supportés par la firme candidate à l'entrée mais qui ne le sont plus par
les firmes déjà installées. Ces coûts peuvent notamment inclure ceux requis pour établir la
réputation de l' entrant, y compris les dépenses publicitaires. Du côté de la demande, la
création de capacités excédentaires apparaît comme une arme stratégique : elle permet à la
firme déjà installée, en cas d'entrée d'un concurrent d'augmenter sa production sans
augmentation significative des coûts La firme déjà présente sur le marché bénéficie, en
outre, d'effets d'apprentissage qui lui permettent de diminuer ses prix à mesure que ses
débouchés s'élargissent.
Barrières à l'entrée et à la sortie sont étroitement interdépendantes au point que les
économistes américains R. Caves et M. Porter 1) suggèrent de leur substituer le concept plus
(

englobant de barrières à la mobilité, qui présente en outre l'avantage de s' appliquer à la


concurrence entre rivaux actuels.

(1)
Cf. R. CAVES, M.PORTER, "From Entry Barriers to Mobility Barriers : Conjectural Decisions and
Contrived Deterrence to New Competition", Quaterly Journal Of Economics, vol. 91, mai 1977.
18

POPULATION MONDIALE

Selon les évaluations que le "Population Reference Bureau" publie chaque année sous la
forme du "World Population Data Sheet" à partir des informations disponibles et
notamment celles fournies par la Division de la Population et de la Statistique des Nations
Unies, du Centre de Recherche internationale du U.S. Bureau of the Census et de la
Banque mondiale, la population mondiale à la mi-1993 s'établirait à 5 milliards 506 millions
de personnes. Par zone géographique, la population mondiale se répartit comme suit :
Afrique 676,7 millions
Océanie 27,7 millions
Asie (sans Russie) 3326,5 millions
dont Chine 1178,5 millions
dont Inde 897,4 millions
dont Japon 124,8 millions
Amérique septentrionale 286,6 millions
dont U.S.A. 258,3 millions
Amérique latine 460,2 millions
dont Brésil 152,0 millions
dont Mexique 90,0 millions
Europe ( sans Russie ) 579,2 millions
Russie 149,0 millions

La connaissance de la population mondiale est récente puisqu'elle dépend de la qualité du


dénombrement effectué. En 1953, a été effectué le premier recensement complet. en Chine.
Les variations dans l'évaluation de la population mondiale ont des origines diverses : 1

- l'importance et la sûreté des moyens engagés pour effectuer les recensements, -c'est ainsi
que la population du Nigéria évaluée à 123 millions d'habitants jusqu'en 1991 n'est après le
dépouillement de 1991 plus créditée que de 88 millions d'habitants, mais on estime qu'avec
un accroissement de 3% par an et 45% de sa population de moins de 15 ans, le Nigéria aura
en moins de 7 ans, c'est-à-dire d'ici la fin du siècle retrouvé et dépassé les 120 millions
d'habitants;
- les changements de comportements démographiques qui exercent une influence très
importante non seulement sur les statistiques de projection mais aussi sur le montant de la
population et ceci même dans l'intervalle assez court qui sépare deux recensements ; c'est
ainsi que la projection affichée en 1989 pour les États-Unis en 2050 était de 301 millions
d'habitants alors qu'en 1993 le chiffre correspondant est de 382 millions. (pour 2050)
1 Cf. Jean-Marie POURSIN, "Les fausses surprises de la démographie mondiale," Futuribles, n°183,
janvier 1994.
19

L'écart très important entre ces deux évaluations est lié aux enseignements qu'apporte le
recensement général de 1990 par rapport aux résultats de celui de 1980 : ainsi, d'une part
l'indice synthétique de fécondité est remonté depuis 7 ans pour se situer à 2,095 enfants par
femme, et d'autre part, l'importance des minorités ethniques représentant des groupes de
population caractérisés par leur plus haute fécondité s'est accrue entre les deux
recensements. Enfin, les nouvelles dispositions de l'Immigration Act de 1990 ont conduit le
2

Bureau of the Census à tabler annuellement sur 880.000 nouveaux immigrants au lieu de
500.000 immigrants prévus auparavant.
- la plus ou moins grande efficacité dans l'application des politiques démographiques : c'est
ainsi que l'annonce, en Chine d'un taux de fécondité finale pour la fin de l'année 1993 de
1,8-1,9 enfant par femme alors que ce taux était encore de 2,3 en 1990 conduit à la
réalisation avec 18 ans d'avance d'un objectif prévu pour 2010. 3

Depuis le milieu du XIXème siècle est amorcé un processus de vieillissement de la


population mondiale, qui prend place en deux phases: dans une première phase, la baisse de
la mortalité maternelle et infantile rajeunit la population et élargit la base de la pyramide des
âges; dans une deuxième phase l'amélioration des conditions de vie fait diminuer la natalité
et vieillir la population. Selon J. OLSHANSKY, B. CARNES et C. CASSEL, le
vieillissement de la population dans les pays industrialisés résulte de la baisse inattendue de
la mortalité des personnes âgées à la fin des années 60, due à une réduction importante des
décès liés aux maladies cardio-vasculaires. En Chine, le groupe des plus de 65 ans qui
représente aujourd'hui 6,4% de la population totale, sera de plus de 20% en 2050. 4

Depuis 1950, la population mondiale est passée de 2,3 à 5,5 milliards d'habitants. Cette
croissance s'est produite sous l'effet du dynamisme démographique des pays en voie de
développement, qui représentent 77% de la population mondiale. Selon le Rapport Mondial
sur le Développement Humain publié par le P.N.U.D. en 1992, l'espérance de vie moyenne
dans ces pays est actuellement de 63 ans soit 17 ans de plus qu'en 1960. Par comparaison,
dans les pays industrialisés aujourd'hui plus des deux tiers de la population atteignent 85
ans. Dans les pays pauvres 14 millions d'enfants meurent chaque année avant d'avoir atteint
l'âge de 5 ans, 180 millions d'enfants souffrent encore de malnutrition et en Afrique
subsaharienne, un adulte sur 40 est porteur du virus du SIDA. 5

2 "La population d'origine asiatique atteint 8 millions en 1992 et s'est accrue de 124% depuis 1980. Dans le
même temps les Hispaniques s'accroissent de 65%, soit 10 millions, les Africains-Américains de 16%, à un
taux trois fois plus élevé que celui de la population blanche." Art. cit., p.23.
3cf. J-M. POURSIN, art. cit. p.26.
4cf. l'article des auteurs cités paru dans la revue Pour la Science, n°188, juin 1993.
5cf. Programme des Nations Unies pour le Développement, Rapport mondial sur le développement humain
1992, Éditions Economica, p.15.
20

CONGLOMERAT

Le conglomérat est l'aboutissement d'une forme de gestion de la croissance d'un groupe


industriel ou financier. Cette forme de gestion se caractérise par la recherche d'un pouvoir
de marché obtenu par une diversification sectorielle des activités du groupe qui s'effectue
plus par fusion que par prise de contrôle. Les conglomérats résultent ainsi de la fusion
d'entreprises diverses qui se placent directement ou indirectement sous une direction
financière commune, les produits fabriqués par ces entreprises n'ayant aucun lien technique.
Le mouvement de concentration conglomérale s'est surtout développé aux États-Unis dans
les années soixante-dix. Les causes de ce mouvement sont variées 1) : (

- au début des années quatre-vingt les compagnies pétrolières américaines étaient


convaincues que la consommation de pétrole allait plafonner, d'où la nécessité d'une
diversification vers les secteurs du charbon, des non-ferreux, de l'uranium.
- la sous-évaluation boursière des actifs, conséquence d'une inflation à deux chiffres et
source d'un écart important entre la valeur boursière et la valeur de remplacement évaluée
au coût historique dans les bilans. James TOBIN, en proposant le ratio Q, qui rapporte la
valeur boursière à la valeur de remplacement des actifs, a fourni à l'aide de cet outil
analytique une explication des origines du mouvement de concentration conglomérale. Si,
en effet, le ratio Q est inférieur à 1, c'est-à-dire si la valeur boursière est inférieure à la
valeur de remplacement, une entreprise constitue une opportunité intéressante pour un
groupe en difficulté cherchant à se diversifier.
-. l'existence de disponibilités importantes dans le cas d'entreprises situées dans la phase de
maturité du cycle de vie d'une industrie. Ces cash-flows excédentaires apparaissent comme
l'arme permettant d'assurer par diversification la pérennité de l'entreprise. Cette stratégie a
notamment été illustrée par EXXON, qui s'engagea un moment donné dans la fabrication de
machines de traitement de texte.
L'expérience des années quatre-vingt a montré que les conglomérats constitués pendant les
années soixante-dix tels qu'I.T.T., Gulf & Western, Litton Industries, United technologies
ont dû faire l'objet de mesures de rationalisation, prouvant que les diversifications ne
réussissent que dans des activités apparentées. Selon U. VIEHÖVER, "l'Europe connaît
également des expériences semblables. Qu'il s'agisse de holdings d'État en France ou en
Italie, ou encore de grands groupes tels que Lonrho et BAT en Grande-Bretagne, Guiness
en Irlande, ou la société métallurgique Gutehoffnungshütte, prédécesseur de MAN, en
Allemagne Fédérale, ou même de <<conglomérats familiaux>> comme Flick, Oetker et

(1)cf. R. PIRON, J.B. de DORDELOT, "Concentrations d'entreprises et mesures de protection" Bulletin


financier de la Banque Bruxelles Lambert, mai-juin 1989.
21

Klöckner, aucun d'eux n'a jamais pu engranger sa moisson car la charrette était trop
lourdement chargée". 2) (

BIENS COLLECTIFS

Un bien collectif est un bien qui ne peut être privativement approprié et dont l'accès n'est
pas limité par l'exigence du paiement d'un prix susceptible d'exclure les titulaires de revenus
modestes. La théorie économique distingue parmi les biens collectifs, les biens publics purs
à consommation indivisible qui présentent la double caractéristique de ne pouvoir être
offerts que par des administrations publiques et, une fois disponibles, de voir leur
disponibilité pour des tiers ne pas être affectée par le niveau d'utilisation de chaque usager.
On dit qu'il n'y a pas de rivalité entre les individus à propos de leur consommation. Comme
exemple de tels biens, on peut citer la défense nationale, la sécurité civile, l'éclairage public.
Selon A. WOLFELSPERGER, 1) les biens collectifs possèdent quatre caractéristiques qui
(

expliquent les formes variées sous lesquelles leur fourniture est prise en charge :
- il y a d'abord le nombre d'individus concernés qui varie selon la nature du bien depuis
les biens de nature immatérielle (comme une émission de télévision en direct) jusqu'aux
dispositifs visant à assurer la sécurité des personnes et des biens qui peuvent être mis en
place à l'échelle d'une commune, d'une région ou d'une nation.
- il y a, ensuite, la capacité d'accueil qui tient à l'efficacité dans l'organisation et aux
normes de gestion : ainsi la disponibilité des soins offerts par un service hospitalier est
fonction du nombre de lits et de la durée moyenne d'alitement des patients.
- le degré d'exclusion traduit la possibilité d'associer à l'offre d'un bien collectif un
dispositif qui vise à en limiter la disponibilité : l'exemple le plus évident est celui de la
sélection à l'entrée de certains établissements d'enseignement supérieur (numerus clausus
des Facultés de Médecine).
- le degré de substituabilité par d'autres biens collectifs ou privatifs rendant des services
plus ou moins équivalents. Selon J.D. LAFAY et J. LECAILLON, "les systèmes d'alarme et
de télésurveillance sont des substituts privatifs de plus en plus performants au bien collectif
sécurité intérieure." 2)
(

Paradoxalement la croissance des dépenses de l'État n'est pas liée aux biens collectifs
permettant l'exécution des fonctions régaliennes (armées, tribunaux, commissariats de
police) : en effet, "l'État français rémunérait 236.000 militaires de carrière en 1830, 271.000
en 1985. De 1830 à 1984, les fonctionnaires des finances ont modestement quadruplé en
effectifs en passant de quelque 50.000 personnes à 208.000; de même ceux de la justice se
(2) cf. U. VIEHÖVER, "Mischkonzerne : Gefährliches Potpourri", Wirtschafswoche du 16 mai 1989, repris
en traduction française dans Problèmes économiques, n° 2149, 15 novembre 1989.
(1) cf. A. WOLFELSPERGER, La théorie des biens collectifs, supplément aux Cahiers Français, n° 238,
octobre-décembre 1988.
(2) cf. J.D. LAFAY, J. LECAILLON, "L'économie mixte", Que sais-je? n° 1051, P.U.F.,1992, p.28.
22

sont élevés de 11.000 à 47.000 au cours de la même période. En revanche, ceux de


l'éducation ont été multipliés par 25, ceux des PTT par 30." 3) Ce sont ainsi les fonctions
(

d'intervention économiques, culturelles et sociales qui rendent compte de la croissance des


biens collectifs (les transports publics, par exemple) qui ne doivent pas être confondus avec
"les équipements collectifs" (autoroutes, par exemple) qui sont la traduction de la politique
d'investissement de l'État.
Le financement des biens collectifs soulève des difficultés liées au problème dit du
"passager clandestin": ainsi, certaines catégories sociales peuvent-elles pratiquer "une
stratégie de fuite individuelle devant la participation au financement tout en prétendant
conserver les avantages des services sociaux." 4) Le fait que les immeubles à loyer modéré
(

aient pu être loués à des catégories de locataires dont les ressources leur permettaient
d'acquitter des loyers plus élevés et non aux catégories aux revenus plus précaires est
l'illustration en France d'un tel type de comportement de "passager clandestin"
Le volume et la variété des biens collectifs disponibles sont très inégaux selon les pays : ces
inégalités manifestent des choix distincts tant sur le plan de la conception politique de la
société que sur le plan de la technique économique.

(3)cf. A.BIENAYME, Le capitalisme adulte, PUF, 1992, p. 310.


(4) cf. A. VIANES, "Marchés politiques et stratégies dérégulatrices" dans État et Régulations, (L. Cartelier
et alii autores), P.U.L., 1980, p.215.
23

PRODUCTIVITE

La productivité est le rapport entre une mesure des résultats de l'activité d' une entreprise,
d'une industrie ou d'une économie nationale au cours d'une période de référence et les
quantités de facteurs utilisés. On distingue la productivité globale qui rapporte la valeur
ajoutée à prix constants au cours d'une période donnée à l'ensemble des facteurs utilisés, y
compris les consommations intermédiaires; des productivités partielles du travail et du
capital.
La productivité apparente du travail est une grandeur construite à partir des données de
la Comptabilité nationale et qui est définie comme le rapport de la valeur ajoutée en volume
de la branche d'activité au nombre de travailleurs. Cette productivité croît au cours du
temps en raison de la disponibilité pour chaque poste de travail d'une quantité accrue de
biens d'équipement, de meilleure qualité parce qu'incorporant les perfectionnements les plus
récents. Elle est qualifiée d'apparente parce que la mesure de la croissance de la
productivité du travail impute à ce facteur des effets qui ne sont pas seulement liés à
l'amélioration de sa qualification ou à l'augmentation de son savoir-faire, mais à l'importance
du capital mis à sa disposition et au progrès technique qu'il incorpore.
De même, la productivité apparente du capital est définie comme le rapport de la valeur
ajoutée en volume, au stock de capital fixe disponible. Cette mesure soulève d'ailleurs des
problèmes liés au fait que le stock disponible n'est pas nécessairement totalement utilisé et
que la durée d'utilisation peut être ou non liée à la durée d'utilisation du travail.
La notion de productivité totale des facteurs correspond à un indicateur construit à partir
d'une fonction de production à rendements constants dite "Cobb-Douglas". Elle suppose le
recours à une évaluation du volume des facteurs utilisés obtenue par agrégation des flux de
services producteurs rendus par les quantités de facteurs utilisés 1) : ce mode de calcul
(

suppose que l'on admette qu'à l'équilibre, les productivités marginales des facteurs sont
égales à leur rémunération. Selon Paul DUBOIS 2) qui oppose la méthode économétrique
(

qui conduit au calcul de la productivité totale des facteurs et la méthode comptable qui
permet l'évaluation de l'indicateur de productivité globale, l'avantage de la dernière "qui
consiste à pondérer chacune des variables intervenant dans la mesure du volume des
facteurs de production par sa productivité marginale évaluée par sa rémunération" est
"qu'elle permet de se dispenser d'estimations économétriques affectées de fortes
multicollinéarités." Les partisans de la méthode économétrique, qui consiste à évaluer les
coefficients de pondération attribués aux facteurs à partir d'une fonction de production dont
(1) Il n'est, en effet, guère rigoureux de rapporter un flux (la valeur ajoutée à prix constant) à un stock (de
main d'oeuvre ou d'équipement). Il est donc préférable de rapporter le flux de production aux flux de
services rendus par les facteurs au cours de la même période.
(2) Cf. Paul DUBOIS "Ruptures de croissance et progrès technique", Économie et Statistique, n°181,
octobre 1985.
24

on estime économétriquement les élasticités, considèrent que la méthode comptable a


l'inconvénient de reposer sur une présentation théorique de l'offre des entreprises, censée
s'appliquer à l'identique dans tout le pays. Ils contestent, par ailleurs, l'idée que les facteurs
soient rémunérés à leur productivité marginale, en d'autres termes que les marchés soient
supposés parfaits.
Les indicateurs de productivité totale et globale servent avant tout à la mesure du progrès
technique. Dans l'optique de la méthode comptable, le progrès technique apparaît comme
un résidu : c'est l'accroissement de la production qui ne provient pas de l'augmentation de
la quantité totale des facteurs. Dans la perspective de la méthode économétrique, le progrès
technique est estimé d'après ses manifestations : on distingue ainsi le progrès technique
incorporé aux équipements et le progrès technique non incorporé qui est supposé être
indépendant des transformations technologiques de la combinaison productive". Le progrès
technique envisagé comme un résidu conduit à une réévaluation des services rendus par les
facteurs et à une décomposition du taux de croissance qui caractérise les travaux de
comptabilité de la croissance. 3) On est ainsi conduit, afin d'affiner l'évaluation de la
(

contribution du progrès technique à corriger les évaluations de productivité globale des


facteurs par des calculs relatifs à la qualité de la main-d'oeuvre, à la durée d'utilisation et à
l'âge du capital. Dans la perspective économétrique, la démarche est différente. Le progrès
technique non incorporé est réputé avoir de multiples origines : transformations des
caractéristiques propres de la main d'oeuvre, de son utilisation, ou de la combinaison des
deux facteurs (effet d'apprentissage, de la réorganisation des postes de travail). Le progrès
technique incorporé est pris en compte à travers la transformation de la structure par âge
des équipements.
Pour l'ensemble de l'OCDE, la croissance du produit intérieur brut passe de 5,2% l'an entre
1960 et 1973 à 2,6% l'an entre 1973 et 1986 et celle de la productivité totale apparente des
facteurs de 2,8 à 0,6%. S'agissant de la France, P. Dubois 3) utilisant la méthode comptable,
(

montre que la baisse du rythme de croissance de la productivité globale apparente des


facteurs de 4% l'an entre 1957 et 1973 à 1,2% l'an de 1973 à 1984 s'explique pour les deux-
tiers par des facteurs macro-économiques 4) qui ne mettent pas en jeu le rythme du progrès
(

technique et pour un tiers par des facteurs touchant au progrès technique et aux
changements dans les méthodes de production. Selon des études plus récentes,
l'infléchissement du rythme du progrès technique date de 1985 et il ne pourrait provenir que
du progrès technique non incorporé puisque, après avoir crû de 1973 à 1984 l' âge moyen

(3)cf. Edward F. DENISON (1979) Explanations of Declining Productivity Growth, Survey of Current
Business, U.S. Department of Commerce, Part II, août.
(
(4).A savoir, l'impact des chocs pétroliers; la réduction des effets de rattrapage par rapport aux Etats-Unis;
le dérèglement des mécanismes de la régulation de l'économie française et internationale
25

des équipements baisse après 1986, du fait de l'important effort d'investissement entre 1984
et 1989. 5)
(

Les indicateurs de productivité partielle ont une importance considérable. l'indicateur de


productivité horaire apparente du travail permet de comprendre les effets du progrès
technique sur l'emploi.

L'indicateur de productivité apparente du capital est, de son côté un des facteurs


déterminants de l'évolution du taux de profit des firmes. En effet le taux de profit qui est le
rapport du profit dégagé sur la valeur du capital investi peut se décomposer sous la forme
du produit de la part du profit dans la valeur ajoutée par la productivité du capital en valeur.
Les relations entre la croissance de la production, les mouvements de la productivité, le
degré d'utilisation des facteurs (mesuré par la durée du travail) et l'emploi sont rappelés
dans le tableau ci-dessous :
1970-1973 1974-1979 1980-1984 1985-1992 1992 1970-1992
Valeur 4,7 2,7 1,5 2,5 1,3 2,6
ajoutée
Emploi 0,8 0,3 - 0,3 0,5 - 0,5 0,3
Durée du - 0,9 - 1,0 - 1,6 0,0 0,1 -0,8
travail
Productivit
é hoaraire 4,8 3,4 3,5 2,1 1,8 3,1
du travail*

Productivité, durée du travail et emploi en France 6) (

( Taux annuel de variation) .


valeur ajoutée
* productivité horaire du travail = ----------------------
Emploi x durée du travail

Ce tableau montre très clairement les effets du progrès technique sur l'emploi lorsque le
taux de croissance de la productivité horaire du travail est supérieur au taux de croissance
de la valeur ajoutée et que cet écart n'est pas compensé par une diminution de la durée du
travail : ainsi entre 1980 et 1984 l'emploi diminue au rythme annuel de 0,3% parce que la
diminution de la durée du travail au rythme annuel de 1,6% ne suffit pas à compenser l'écart

(5) cf. M. FLEURBAEY, P. JOLY (1990), "La reprise de la productivité à la fin des années 80 n'est-elle
qu'apparente ?" Économie et Statistique, n° 237-38, p.38.
(6) cf. Le système productif français, structures, mutations, stratégies. Problèmes économiques, n° 2368-69,
23-30 mars 1994, p.37.
26

entre les gains de productivité horaire du travail de 3,5% et la croissance de la valeur


ajoutée au rythme annuel de 1,5%. Le progrès technique est alors destructeur d'emplois,
ceci dans une période d'intenses mutations technologiques. En longue période, comme l'ont
montré les travaux de J. FOURASTIE 7) les gains de productivité, largement induits par le
(

progrès technique, sont une des sources principales de l'accroissement des niveaux de vie.

(7) cf. J. FOURASTIE, B. BAZIL, Pourquoi les prix baissent ? Hachette, 1984.
27

CONCENTRATION

La concentration est un phénomène d'augmentation de la dimension de certaines unités à


l'intérieur du secteur d'activité auquel elles appartiennent. La mesure de la concentration
s'effectue habituellement de deux façons : en déterminant le poids relatif des premières
unités (par la taille) dans l'ensemble de la population; en mettant en relation le pourcentage
cumulé du nombre d'unités de production classées selon un indicateur dans l'ordre croissant,
et le pourcentage cumulé des éléments correspondant à cet indicateur. Dans cette dernière
hypothèse, on classera par exemple les entreprises de plus de mille salariés dans un ordre
croissant , puis on comparera le pourcentage cumulé du nombre d'entreprises et le
pourcentage cumulé du nombre de salariés correspondant.
On distingue trois types de concentration :
la concentration technique observée au niveau de l'établissement et qui exprime une
relation entre les contraintes de dimension liées à la nature des opérations de production et
les règles d'organisation de la production et du travail; la concentration économique qui
s'observe au niveau de l'entreprise, en tant qu'unité juridique et qui exprime une relation
entre l'exercice d'un pouvoir de marché et l'intégration des entreprises d'une même activité
dans un cadre juridique unique;
la concentration financière qui concerne les groupes. Un groupe, malgré l'inexistence de
cette notion en droit français, peut être défini comme un ensemble de personnes morales
dépendant par des relations patrimoniales d'un même centre de décision, qui n'est pas lui
même contrôlé par un autre groupe d'entreprises. Ce centre de décision est appelé tête de
groupe.
Dans l'analyse de la concentration technique le critère déterminant est celui de l'indivisibilité
technique des procédés et des équipements. De ce point de vue, on a assisté à un
changement substantiel puisque pendant très longtemps, souvent en lien avec le mode de
distribution de l'énergie dans les ateliers, la taille de ceux-ci n'a cessé de croître; à l'inverse
avec la miniaturisation et le développement de la microélectronique ainsi que la commande
à distance on assiste à une diminution de la taille des établissements. 1) Dans l'analyse de la
(

concentration économique le critère prépondérant est celui de la part de marché : à cet


égard, on constate en France une assez grande disparité selon les secteurs d'activité. Dans
l'analyse de la concentration financière le critère significatif est celui de l'étendue du pouvoir
de contrôle. Celle-ci se mesure à partir de la notion de participation. Une participation
désigne la détention en son nom propre d'actions ou de parts sociales d'une autre société.
Lorsque les droits de vote qui sont associés à cette détention dépassent 50% le contrôle est
dit direct. Si, en revanche, les droits détenus directement sont insuffisants pour assurer le
(1)cf. Déconcentration industrielle et productivité. Études de Politique industrielle, n° 19, La
Documentation Française, 1976, Paris.
28

contrôle, mais qu'additionnés avec ceux d'entreprises contrôlées, ils permettent la prise de
contrôle effective, on parle de contrôle indirect.
La croissance de la firme par concentration se fait dans trois directions différentes:
l'intégration ou concentration verticale qui soumet à une même unité de décision les
différentes phases d'élaboration d'un même produit; la concentration horizontale qui tend
à réduire la concurrence puisqu'il s'agit d'absorber un concurrent situé au même stade
d'élaboration du produit; la croissance par diversification qui conduit à élargissement du
portefeuille d'activités sous la forme d'un conglomérat industriel ou d'un holding financier.
Les études sur la concentration économique et financière sont relativement rares. S'agissant
des entreprises de plus de 20 salariés dans l'industrie, observées sur la période 1980-86, M.
AMAR et B. CREPON mettent en évidence un double mouvement de concentration et de
déconcentration. En utilisant deux critères, le poids des quatre premiers groupes dans le
chiffre d'affaires du secteur et l'indice d'Herfindahl 2) ces auteurs montrent que dans 121
(

secteurs qui se concentrent (indice d'Herfindahl en augmentation de 20%) représentant 44%


de l'activité industrielle, le poids des leaders croît de 6 points alors qu'à l'opposé, il ne baisse
que de 3 à 4 points dans 62 secteurs représentant 16% de l'activité totale, qui se
déconcentrent (indice d'Herfindahl en baisse de 20%). 3) Entre 1980 et 1985, la
(

concentration se développe dans deux secteurs des biens intermédiaires, la chimie et les
minerais et métaux ferreux pour lesquels le poids des quatre premiers groupes dans le
chiffre d'affaires du secteur passe respectivement de 40,0 à 47,1% et de 68,9 à 80,8 %.
Dans le secteur des biens d'équipement, seul le secteur de l'aéronautique et de l'armement
(part des 4 premiers groupes passant de 60,3 à 71,3 % du C.A. du secteur) accroît son
degré de concentration, tandis que durant la même période (1980-85) les secteurs de la
pharmacie, du cuir et du bois classés dans les activités productrices de biens de
consommation courante connaissent également un accroissement significatif de leur degré
de concentration. 4) (

(2)L'indice d'Herfindahl- Hirschman (HHI), est défini comme suit. Soit Pi, le poids dans le chiffre d'affaires
d'un secteur d'activité donné, de l'unité de production i, alors l'indice d'Herfindahl de ce secteur est HHI = S
pi2.Par exemple, sur un marché de 100 firmes ayant chacune une part de marché de 1%, le HHI est égal à
(11)2+(12)2+...+(1 100)2 = 100. Pour un marché comptant 5 entreprises de taille égale, l' indice est égal à
2OOO. Pour un marché monopolistique dans lequel une seule firme détient 100% du marché l'indice vaut
10.000 Quand un secteur se concentre, l'indice d'Herfindhal croît. Il tend vers zéro dans le cas d'un secteur
composé d'une infinité d'entreprises de taille identique. En 1982, le Département de la Justice des États-
Unis a publié des directives concernant les fusions horizontales fondées sur cet indice.
(3) cf. M. AMAR, B. CREPON, "Les deux visages de la concentration industrielle : efficacité et rente de
situation", Économie et Statistique, n°229, février 1990.
(4) cf. M. AMAR, "Le resserrement du tissu productif", in Les entreprises à l'épreuve des années 80,
INSEE, 1989.
29

OLIGOPOLE

L' oligopole est une structure de marché caractérisée par l'existence d'un petit nombre de
firmes contrôlant à elles seules une part importante de la production et employant une
proportion élevée des effectifs de l'ensemble des firmes présentes sur ce marché. En d'autres
termes, l'oligopole est toujours l'expression d'une situation de concentration de l'activité à
l'origine de la fourniture du bien ou du service étudié. La caractéristique essentielle de cette
forme de marché est le degré élevé d'interdépendance des décisions des firmes présentes.
Chaque firme est donc astreinte à prévoir la réaction de ses concurrentes avant d'évaluer les
conséquences des décisions qu'elle pourrait prendre. L'incertitude liée à cette situation
jointe aux perspectives de profits élevés expliquent le recours à des stratégies collusives
aujourd'hui bien analysées à l'aide de la théorie des jeux. 1) On distingue habituellement les
(

situations où les entreprises déterminent leurs décisions indépendamment l'une de l'autre et


celles où elles décident de s'entendre sur un certain mode de fonctionnement du marché.
Les équilibres susceptibles d'apparaître dans le premier cas sont des équilibres qualifiés de
non-coopératifs et ceux qui correspondent au second cas sont qualifiés d'équilibres
coopératifs 2) . la modalité de stratégie collusive la plus couramment pratiquée est l'entente
(

au niveau des prix; mais la stabilité d'une telle entente est souvent suspendue à l'efficacité de
stratégies alternatives telles que celle conduisant à la différenciation des produits. Les
développements récents de la théorie de la concurrence imparfaite sont à l'origine d'une
vision plus dynamique de l'évolution des marchés et ont d'importantes implications dans le
domaine de la théorie des politiques commerciales avec la création du concept de "politique
commerciale stratégique" 3) .
(

(1) cf. A. JACQUEMIN. Sélection et pouvoir dans la nouvelle économie industrielle. Economica, Paris,
1985.
(2) cf. P. PICARD. Éléments de micro-économie, vol.1 Théorie et applications. 3ème édition,
Montchrestien, Paris, 1992.
(3) cf. P. R. KRUGMAN (Ed.) Strategic Trade Policy and the New International Economics, The M.I.T.
Press, Cambridge, 1986.
30

ECONOMIES D'ECHELLE

Les économies d'échelle se rencontrent à l'occasion d'un accroissement de dimension des


opérations productives lorsque, à la suite de cette variation de l'échelle de la production, les
coûts de production unitaires enregistrent une augmentation proportionnellement moins
importante que celle du niveau de production.
On distingue deux types d'économies d'échelle :
- les économies d'échelle internes, qui surviennent à l'occasion de la croissance de la firme
individuelle indépendamment de toute variation de la dimension des autres firmes
participant à la même industrie.
- les économies d'échelle externes, qui surviennent à la suite d'un changement de dimension
de l'industrie elle-même, entraînant une diminution des coûts unitaires de production pour
chacune des firmes présentes dans l'industrie.
Les économies d'échelle internes ont longtemps été définies indépendamment de toute
référence au progrès technique. Cette position est aujourd'hui tenue pour irréaliste puisque
les changements de taille peuvent être l'occasion de l'adoption de techniques plus avancées,
et que, par ailleurs, les modifications de dimension requièrent fréquemment la mise en place
de nouvelles techniques. L'historien des techniques, B. GILLE donne, à partir de l'analyse
de l'évolution des fours métallurgiques, une illustration de cette nécessaire articulation : "On
est parti des fours primitifs de petites dimensions. Les perfectionnements du soufflage de
l'air ont permis d'arriver à des appareils de plus grandes dimensions... Les dimensions du
four allaient croissant. La hauteur devint telle à une certaine époque qu'il fallut substituer au
tirage d'air naturel ou à celui pratiqué à bras d'hommes, une arrivée d'air plus puissante et
plus régulière. C'est alors que l'on dût adopter l'énergie hydraulique" 1) (

Les sources d'économies d'échelle internes sont nombreuses. Les plus fréquentes sont liées
à l'existence de phénomènes d'indivisibilités techniques; de coûts fixes qui se trouvent
répartis sur de plus grandes quantités produites; de phénomènes d'équilibrage entre chaînes
de fabrication concourant à la production d'un même bien; de phénomènes de spécialisation
liés à la taille des séries lorsque l'accroissement de celles-ci favorise la diminution des coûts
initiaux par unité produite.

(1) cf. B. GILLE, Histoire de la métallurgie, Que sais-je? P.U.F.,Paris,1966.


31

UNION DOUANIERE (Théorie de)

Une union douanière existe entre deux ou plusieurs pays lorsque toutes les entraves aux
échanges entre ces pays sont abolies et qu'ils conviennent d'ériger un tarif extérieur commun
à l'égard des pays tiers. L'union douanière se distingue ainsi d'une zone de libre-échange
dans laquelle chaque pays membre conserve son propre tarif à l'égard des tiers, ainsi que
d'un marché commun qui est une union douanière complétée d'une libre circulation des
facteurs de production au sein de la zone.
L'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce dit "accords du G.A.T.T."
permet la création de zones de libre-échange et d'unions douanières qui, sans élever
d'obstacles aux échanges avec les pays tiers, accordent à leurs membres un régime
préférentiel, comme c'est le cas de l'Union Européenne ou de l'accord de libre-échange nord
américain (NAFTA) ratifié en décembre 1993. Depuis le premier choc pétrolier de 1973, en
raison de l'instabilité des taux de change, de la pénurie de réserves en devises des pays du
Tiers-Monde aggravée par leur endettement, du développement de la pratique du
commerce compensé apparue initialement avec les pays de l'ex-Conseil d'Assistance
Économique Mutuelle ("COMECON"), les blocs commerciaux régionaux se sont
multipliés. On a ainsi assisté à la création, dans l'intervalle des deux chocs pétroliers, de la
Communauté des Caraïbes (CARICOM), marché commun qui regroupe 13 pays des
Caraïbes anglophones; de l'Union du Fleuve Mano en 1973, union douanière qui comprend
la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone; de la Communauté des États d' Afrique de l'Ouest
(CEDEAO), union douanière qui regroupe outre les États membres de l'U.F.M, de la
Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest, le Cap vert, la Gambie, le Ghana, la
Guinée-Bissau, le Nigéria, le Togo; et de la Communauté Économique des Pays des
Grands Lacs en 1976, union douanière qui regroupe le Burundi, le Rwanda et le Zaïre. En
1980, sont créés l'ALADI (Asociacion latinoamericana de integracion), zone d'échanges
préférentiels qui comprend l'Argentine, la Bolivie, le Brésil, le Chili, la Colombie,
l'Équateur, le Mexique, le Paraguay, le Pérou, l'Uruguay, le Vénézuela; .et la SADCC
(Southern African Development Coordination Conference), union douanière qui rassemble
l'Angola, le Malawi, le Mozambique, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe. En 1985 est
mis en place l'accord de libre-échange Etats-Unis-Israël. L'Union du Maghreb Arabe qui
comprend l'Algérie, la Lybie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie voit le jour en 1989. Le
MERCOSUR, est créé en 1991 sous la forme d'une zone de libre-échange entre
l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay. L' ASEAN (Association des nations d'Asie
du Sud-Est) créée en 1967 s'est engagée en janvier 1992 à devenir en quinze ans une zone
de libre-échange.
32

Quant aux effets de l'union douanière ils ont longtemps été analysés dans le cadre d'une
transition à un régime de libre-échange à l'échelle mondiale. Dans cette perspective
l'amélioration dans l'allocation des ressources observées dans un cadre régional paraissait de
loin l'emporter sur les effets sur les pays tiers, d'autant que dans le cadre d'une union
douanière un tarif extérieur uniforme était substitué à des tarifs nationaux dont les disparités
pouvaient apparaître comme un résidu historique sans justification économique.
En 1950, dans son célèbre ouvrage intitulé The Customs Union Issue, Jacob VINER
montre cependant qu'une union douanière suscite un double effet : un effet de création de
trafic, et un effet de détournement de trafic.
L'effet de création de trafic est lié à l'accroissement de dimension, tant pour les pays
membres que pour les pays tiers, que suscite la création de l'union : la réallocation des
ressources induites par la disparition des barrières internes jointes à l'apparition d'une
nouvelle structure de spécialisation poussent au développement des échanges. L'effet de
détournement de trafic correspond à la substitution d'un partenaire de la zone devenu plus
avantageux à la faveur de l'abolition des entraves internes aux échanges, à un partenaire
extérieur à la zone. Jacob VINER montre que la spécialisation internationale conforme aux
exigences de maximisation du bien-être mondial n'est pas améliorée par l'institution d'une
union douanière si l'effet de détournement de trafic l'emporte sur l'effet de création de trafic.
Or l'importance relative des deux effets dépend notamment du niveau du tarif douanier.
Supposons que le prix de revient d'un produit quelconque soit de 50 pour le pays tiers C, de
75 pour B, et de 125 pour A; A et B étant membres de l'union. Si A, avant l'établissement
de l'union douanière pratique un tarif ad valorem de 100% , les prix de B et C sont
respectivement de 150 et 100. Alors A a intérêt à importer le produit de C, plutôt que de le
produire lui même à 125. Mais si le tarif est supprimé sur le produit en provenance de B, ce
qui ramène le prix de 150 à 75, A importera alors le produit en provenance de B et non de
C dont le prix reste à 100. Ce détournement de trafic est contraire aux exigences
d'efficience de la division internationale du travail.
Plus récemment, R. LIPSEY 1) a montré que la dimension des flux d'échanges ne constituait
(

pas la variable déterminante du caractère bénéfique, en termes de bien-être, d'une union


douanière pour les pays intéressés à sa création; .mais que ce qui importait était la
comparaison entre les importations en provenance des pays tiers et les achats de produits
domestiques. En effet, le volume du commerce international d'un pays étant donné, une
union douanière se traduira d'autant plus vraisemblablement par une augmentation de bien-
être pour ses membres, que :
1) la proportion du commerce d' un pays membre quelconque avec les autres pays membres
est plus élevée et la proportion du commerce de ce pays avec les pays tiers plus faible;

(1)cf. R. LIPSEY, "The Theory of Customs Unions : A General Survey", Economic Journal, vol. 70 ,
(1960), pp. 496-513.
33

2)le volume du commerce international d' un pays membre quelconque est de relativement
faible importance, car alors le rapport de ses importations en provenance des pays tiers à
ses achats domestiques sera d'autant plus faible.
Il résulte de cette analyse qu'une union douanière aura d'autant plus de chance de réussir
que les pays qui la constituent feront une part plus élevée de leur commerce international
avec les autres pays membres, et que la part de leurs achats domestiques dans leurs
approvisionnements totaux seront plus élevés.
34

PROFIT

Le profit est normalement la sanction de l'activité d'entreprise. A ce titre, il peut être saisi
sous trois registres distincts: en tant que solde comptable d'un compte de résultats; en tant
que revenu abstrait de facteur dans la théorie fonctionnelle de la répartition; en tant que
revenu concret d'institution.
Dans l'analyse micro-économique de la firme, le profit comptable du producteur est défini
par la différence entre les recettes et les dépenses, soit entre le chiffre d'affaires et le coût de
production :
P = CA - CT avec CT = x.Px + y.Py, somme des coûts des facteurs utilisés. Si P est le prix
de vente du bien produit par le producteur, on a alors : P = P.Q - ( x.Px + y Py ).
Dans la perspective de l'analyse fonctionnelle de la répartition, qui s'intéresse aux revenus
de facteurs, ceux-ci apparaissent comme des revenus abstraits qui aux termes de la théorie
de l'imputation épuisent la valeur du produit lorsqu'ils sont rémunérés à leur productivité
marginale. Dans ces conditions le profit est nul à l'équilibre puisque la valeur du bien
produit en situation d'équilibre sur un marché de concurrence pure et parfaite correspond
exactement aux versements effectués aux facteurs sous forme de salaires du travail et d'
intérêts du capital. Dans le cadre de la théorie abstraite des revenus de facteurs, ceux-ci
présentent une triple caractéristique : d'être stipulés, donc "imputables à un ordre déterminé
de faits volontaires"; de posséder un caractère de périodicité, de revêtir une forme
régulière. Aucune de ces caractéristiques ne s'applique au profit, qui , dès lors, est
considéré par la théorie abstraite des revenus de facteurs comme étant avant tout un revenu
du déséquilibre. Dès lors que l'on s'intéresse non plus à un entrepreneur conçu comme un
agent sans pouvoir, auquel est attribué arbitrairement une fonction de coordination - en
réalité non isolable des services des autres facteurs de la production- mais à une autorité qui
rend compatibles les programmes des agents et calcule les revenus à distribuer, alors le
profit peut être considéré comme la rémunération fonctionnelle de l'autorité. Mais une telle
conception conduit à quitter l'analyse économique des revenus abstraits de facteurs pour
passer à l'analyse sociologique des revenus concrets d'institutions.
Les revenus concrets d'agents sont, en effet, les seules réalités observables directement et
susceptibles de faire l'objet d'un enregistrement statistique.
Selon F. PERROUX, 1) tout revenu concret d'agent contient des revenus abstraits de
(

facteurs. Aussi pour faire la théorie des revenus concrets d'agents convient-il de s'intéresser
aux trois institutions, supports d'un ensemble de différences entre produit et coût exprimées
en monnaie et résultats d'une série homogène de faits volontaires : l'institution du prêt à
intérêt; l'institution du louage de service sous forme de contrat libre; l'institution entreprise

(1) cf. F. PERROUX, Le problème du profit, Librairie Giard, Paris,1926.


35

que F. PERROUX qualifie d'institution cardinale du capitalisme. 2) Le profit, revenu concret


(

rattaché à l'institution entreprise est ainsi un revenu complexe présentant une unité
organique : il s'oppose au salaire et à l'intérêt qui sont des revenus stipulés et à la rente, qui
n'est pas comme le profit un revenu autonome, mais une modalité sous laquelle s'exprime
dans le champ de la répartition les effets de la concurrence imparfaite.
Dans l'analyse comparative des systèmes, le profit comptable apparaît comme une catégorie
universelle puisqu'il constitue un indicateur d'efficacité de la gestion. En revanche, le profit
en tant que revenu concret d'institution apparaît comme une caractéristique spécifique du
capitalisme puisqu'il est lié d'une part quant à sa signification à l'institution entreprise,
d'autre part, quant à son attribution à l'existence d'un système de droits de propriété faisant
place à l'appropriation privée du capital.

(2) cf. F. PERROUX, Le capitalisme, Que sais-je ? P.U.F., Paris, 1948.


36

PRODUCTION

La production est la mesure du résultat d'une activité de création de richesses. Dans la


Comptabilité nationale, la production est définie comme "l'activité socialement organisée,
destinée à créer des biens et des services à partir de <<facteurs de production>> acquis sur
le marché." 1) Par "biens" on entend des produits matériels (exemple : une automobile)
(

tandis que par "services" on entend des produits immatériels (exemple : les soins). La
production d' une entité quelconque est considérée comme la création d'un flux de richesses
et est, à ce titre, toujours rapportée à une période de référence, la journée, la semaine, le
mois ou l'année. La production domestique correspond à la partie de l'activité de production
des ménages destinée à satisfaire leurs propres besoins telle que la mise en valeur des
jardins familiaux.
L'histoire de l'analyse économique conduit à mettre l'accent sur la nature de cette activité
créatrice : on trouve ici l'origine de la distinction entre production marchande, qui renvoie à
une évaluation par le jeu des mécanismes du marché et qui suppose la formation de prix
égaux au taux marginaux de substitution entre les biens; 2) et production non marchande qui
(

nécessite, faute de prix de référence l'imputation d'une valeur. Aujourd'hui la production


non marchande recouvre en Comptabilité nationale la plupart des services offerts
gratuitement, du moins sans contrepartie directe, par les Administrations.
Si l'on se place du point de vue des richesses créées à l'occasion de l'activité de production,
le critère d'analyse est alors celui qui conduit à attribuer une valeur au bien ou service
produit. La doctrine physiocratique a d'abord conduit à considérer que seule la nature était
productive, puisque les quantités récoltées s'avéraient normalement supérieures aux
quantités du même bien homogène pris pour étalon, avancées sous forme de semences et
sous forme de salaire de subsistance. Puis la référence a été, dans la perspective des théories
classiques et marxistes, le caractère productif de la force de travail dépensée dans la
production et donnant lieu à une action transformatrice de la matière, sensible quant à son
résultat à travers les caractéristiques physiques du bien produit.. Avec l'avènement de la
théorie néoclassique, le critère de référence est devenu celui de l'utilité. Dans cette dernière
perspective, la valeur d'un bien n'est plus attachée aux circonstances de sa production, mais
à sa capacité à satisfaire un besoin, qui traduit son utilité.

(1) cf. INSEE, "Système élargi de comptabilité nationale, base 1980- méthodes." Les Collections de
l'INSEE, série C, n° 140-141.
(2) Pour pouvoir affirmer qu'un accroissement de la production équivaut à un accroissement du bien être, il
faut pouvoir montrer que cet accroissement s'accompagne d'une amélioration pour l'ensemble des individus
qui composent la communauté de référence. A cette fin, on utilise le théorème d'équivalence qui affirme que
tout équilibre par rapport à un système de prix est un optimum au sens de PARETO, c'est-à-dire une
situation dans laquelle il n'est pas possible d'améliorer la situation d'un individu sans détériorer celle d'au
moins un autre. On sait, par ailleurs, qu'une caractéristique de l'équilibre est l'égalité des rapports de prix
au rapports d'échange des biens, des services ou des facteurs de production.
37

Dans la Comptabilité Nationale, la production est égale à la somme des valeurs ajoutées des
secteurs institutionnels, c'est à dire à la somme totale des productions diminuées des
consommations intermédiaires, c'est à dire des biens et services utilisés à l'occasion de
l'activité productive. La valeur ajoutée est ainsi une grandeur additive alors que le chiffre
d'affaires ne l'est pas.
La structure de la production évolue sous l'effet de la croissance des activités de services
notamment des services à la collectivité ( banque, transports, services d'intérêt collectif,
éducation) et des services aux ménages (coiffeurs, employés de maison, avocats ou
notaires). Le développement récent des services aux entreprises est dû à une stratégie
d'externalisation de leurs activités de services, les entreprises et aussi au fait qu'en raison du
progrès technique et de la mondialisation des marchés, les entreprises font davantage appel
à des services extérieurs au für et à mesure que leurs besoins se développent et se
diversifient.

Le primat de la production sur la circulation tient à ce qu'avant de pouvoir être échangés,


c'est-à-dire faire l' objet d'un transfert de droits de propriété, les biens et les services doivent
avoir été produits. Seule la déconnexion des sphères réelle et financière peut conduire à un
déséquilibre entre les droits de propriété échangés et la valeur des biens et services créés.
Cette déconnexion, souvent due à des mouvements spéculatifs est une des sources majeures
des crises économiques.
38

INDUSTRIE

L'industrie est traditionnellement assimilée à une activité manufacturière, dans le


prolongement de la distinction due à C. Clark, entre secteur primaire, qui regroupe
l'agriculture, la pêche et les activités extractives; secteur secondaire qui évoque une
transformation des matières premières et secteur tertiaire qui sous le terme générique de
prestations de services englobe l'ensemble des activités immatérielles.
A partir des nomenclatures élaborées par l'Insee en 16 branches et en 40 branches il est
possible de distinguer deux acceptions de l'industrie : l'industrie au sens strict qui
correspond au branches T07 à T23 dans la nomenclature à 40 branches et l'industrie au sens
large qui rassemble outre les branches déjà citées, les industries agricoles et alimentaires
(branches T02 et T03) et l'energie (branches T04 à T06).

L'INDUSTRIE MANUFACTURIERE (nomenclature à 40 branches)


T.07 Minerais et métaux ferreux
T.08 Minerais, métaux, demi-produits non ferreux
T.09 Matériaux de construction et minéraux divers
T.10 Industrie du verre
T.11 Chimie de base, fibres synthétiques
T.12 Parachimie, industrie pharmaceutique
T.13 Fonderie, travail des métaux
T.14 Construction mécanique
T.15 Matériels électriques et électroniques prof.
T.16 Véhicules automobiles, matériel de transport
terrestre.
T.17 Construction navale et aéronautique
T.18 Industries textiles et habillement
T.19 Industries cuirs et chaussures
T.20 Bois, meubles, industries diverses
T.21 Industrie du papier, carton
T.22 Imprimerie, presse, édition
T.23 Caoutchouc et matières plastiques

En France, en 1992, l'industrie au sens large, représente 25,2% du P.I.B. tandis que
l'ensemble du secteur tertiaire (branches U10 à U14 dans le découpage en 16 branches
correspondant aux services marchands et non marchands plus la branche
commerce U08) représente 63,8% du P.I.B.
39

L'emploi en 1992 est de 22,4 millions de salariés et non-salariés se répartissant ainsi : 5,1%
dans l'agriculture, 20,6% dans l'industrie au sens large, 7,2% dans le bâtiment et le génie
civil et agricole,41% dans les services marchands, 26% dans les services non marchands. 1) (

Dans la perspective de la théorie économique, il est possible de distinguer trois


conceptualisations successives de l'industrie 2) :
(

- en référence à une situation de concurrence pure et à la méthodologie de l'équilibre partiel,


l'industrie est construite sur la base de trois propriétés : l'existence de rendements
décroissants, l'homogénéité des produits, la malléabilité du capital, entendue comme sa
capacité à revêtir des formes adaptées à chaque branche sans que cela constitue une limite à
sa transférabilité. 3)
(

- en référence à la théorie de la concurrence imparfaite, la notion d'industrie est fondée sur


un critère technologique postulant l'existence de complémentarités le long d'une filière
technique plutôt que sur un critère de substituabilité des produits mesurant la proximité des
produits sur un marché au regard des préférences des consommateurs. 4) (

- en référence à une homogénéité de comportement des entreprises au regard d'un


conception multidimensionnelle (renvoyant aux fonctions productive, , commerciale,
financière etc...) de leurs activités, l'industrie est enfin définie comme "un groupe de firmes,
chaque groupe étant composé des firmes qui sont assez semblables en référence à ces
dimensions structurelles." 5)(

(1) cf. I.N.S.E.E., Tableaux de l'économie française, édition 1993, p.96.


(2) cf. P. GARROUSTE, Filières techniques et économie industrielle, Presses Universitaires de Lyon,1984.
(3) cf. A. MARSHALL, Principes d'économie politique, Gordon et Breach, Paris, 1971.
(4) cf. E.H. CHAMBERLIN, La théorie de la concurrence monopolistique, P.U.F., Paris,1953.
(5) R.E. CAVES et M.E. PORTER, From entry barriers to mobility barriers : conjectural decisions and
contrived deterrence to new competition, Quaterly Journal of Economics, 1977, p.251.
40

ENCADREMENT DU CREDIT.
L'encadrement du crédit est une technique de régulation de la création monétaire qui
présente la caractéristique d'être à la discrétion du gouvernement et de porter sur la
limitation de l'offre de crédit par les banques commerciales. Il se traduit par l' obligation
faite aux banques de respecter une norme de progression maximale de leur encours de
crédit.
En période de forte inflation les pouvoirs publics ont eu très souvent recours à cette
technique qui semblait conserver son efficacité là où les autres instruments paraissaient
avoir échoué : l' arme des taux d'intérêt en raison de l'accélération de la hausse des prix; la
technique de l'open-market en raison de la situation du marché monétaire qui se trouvait
régulièrement "en banque". 1) (

Après trois expériences caractérisées par une durée inégale et une grande variété dans les
modalités d'application du 7 février 1958 au 5 février 1959; du 27 février 1963 au 24 juin
1965; et du 12 novembre 1968 au 27 octobre 1970; l'encadrement du crédit a été appliqué
en France, sans interruption, du 12 décembre 1972 au 30 novembre 1984. 2) (

Au cours de cette dernière période, les autorités ont fixé des normes de progression,
différentes selon les types d'établissement, pour les crédits en francs offerts selon les cas
pendant une année pleine, ou pendant un semestre. Le dépassement des normes a donné
lieu à de sévères pénalités sous forme de réserves obligatoires non rémunérées dont le
montant augmente plus que proportionnellement au dépassement des normes.
L'échec final de ce dispositif tient aux modalités d'assouplissement que son application
prolongée a rendu nécessaires. D'une part les crédits à moyen terme mobilisables en faveur
de l'équipement , de l'exportation et de la construction ont échappé à l'encadrement du
crédit et ont été à l'origine d'une très forte disparité dans la progression du volume des
crédits encadrés et celle du volume des crédits non encadrés. D'autre part, l' apparition d'un
marché du désencadrement issu de la possibilité offerte aux banques de céder leurs
économies reportables 3) a nui à l'efficacité du dispositif. Compte tenu de ses effets négatifs
(

sur la concurrence entre établissements financiers et sur la structure du système bancaire la


technique de l'encadrement du crédit sera définitivement supprimée en 1987.
(1) La logique du marché doit conduire normalement une banque, qui a besoin de monnaie émise par la
Banque centrale, à l'emprunter sur le marché monétaire à une autre banque qui se trouve au même moment
en excédent de trésorerie. En période de tensions monétaires, le loyer de l'argent sur le marché monétaire
peut monter jusqu'au niveau du "taux d'intervention" de la Banque centrale. A ce niveau le marché est "en
banque", ce qui signifie que les banques commerciales ont intérêt à emprunter auprès de la Banque centrale
plutôt que de persister à vouloir se procurer sur le marché monétaire les disponibilités qui leur font défaut,
car elles ne pourraient les obtenir qu'à des conditions moins avantageuses que celles offertes par la Banque
centrale. La Banque de France qui se trouve, alors, dans la situation de prêteur en dernier ressort doit faire
face à une double contrainte : fournir tout le volume de refinancement réclamé par les banques
commerciales et maintenir des taux d'intérêt stables.
(2) Sur les trois premières expériences, consulter Didier BRUNEEL, "Le contrôle du crédit en France :
principes, expériences passées et système actuel;" Regards sur l'actualité, n° 114, septembre-octobre 1985.
(3) Dès 1975, les banques ont pu reporter la fraction de la progression autorisée de leur encours restée
inutilisée à une échéance sur les mois suivants.(6mois, puis 1 an en1984).
41

ENTREPRISE

L'entreprise est une unité de production, qui acquiert sur les marchés les facteurs de
production qu'elle combine en vue de produire un bien ou d'offrir un service, destinés à
satisfaire une demande solvable exprimée sur un marché.
Du point de vue de leur statut juridique, les entreprises peuvent revêtir la forme
d'exploitation individuelle dans laquelle le patrimoine de l'entreprise et celui de son
propriétaire sont confondus; d'entreprise en société ,forme dans laquelle le capital de la
société est réparti entre plusieurs personnes; de sociétés civiles qui se rencontrent
principalement dans les domaines des professions libérales, des activités de construction
immobilière et des activités agricoles.
Parmi les entreprises qui prennent la forme de sociétés, on distingue les sociétés de
personne (société en nom collectif, société en commandite simple) et les sociétés de
capitaux ( société anonyme, société en commandite par action, société à responsabilité
limitée). Tandis que dans les sociétés de personne la responsabilité des associés est totale,
dans les sociétés de capitaux le principe est que la responsabilité des associés est limitée à
leur apport sauf dans le cas de la société anonyme où les actionnaires ne sont pas tenus
personnellement responsables des dettes de la société.
Deux questions centrales permettent de caractériser l'activité de l'entreprise : celle de son
fonctionnement et celle de la rationalité économique de ses décisions. S'agissant de son
fonctionnement l'entreprise apparaît comme un faisceau de contrats la liant à ses
actionnaires , à ses salariés, à ses fournisseurs. Elle est alors le lieu d'une coordination des
activités qui ne résulte pas de transactions assujetties aux mécanismes de formation des
prix sur les marchés, mais qui s'appuie sur l'exercice d'une autorité qui à l'intérieur de la
firme procède à l'attribution des tâches par le canal d'une hiérarchie 1) . En ce sens
(

l'entreprise est une organisation 2) . Mais si l'on examine la rationalité des décisions de
(

l'entreprise, on constate que celle-ci s'appuie sur un calcul économique qui porte sur des
grandeurs ayant une signification au regard du patrimoine de l'entreprise. En ce sens,
l'entreprise est plus qu'une organisation : "un profit normal d'entreprise ne devient jamais
un salaire de management." 3) F. PERROUX a stigmatisé la réduction de la firme
(

capitaliste à une organisation en ces termes : (...)Dans n'importe quel type d'organisation, le
chef d'une unité de production y a pour première et inaliénable caractéristique, de ne pas
être un travailleur comme les autres, de ne pas livrer un travail comme les autres. Il exerce
une autorité; il use rationnellement de la contrainte pour rendre compatibles entre eux et
compatibles avec le but poursuivi par l'unité de production les plans des agents, travailleurs
ou capitalistes qui interviennent à l'oeuvre de production. Cette fonction du maître d'oeuvre
(1) cf. O.E. WILLIAMSON, Markets and Hierarchies, New York, Free Press, 1975.
(2) cf. C. MENARD, L'économie des organisations, La Découverte, Paris, 1990..
(3) F. PERROUX, Le capitalisme, PUF, Paris, 1948, p.30.
42

n'est jamais celle de la main d'oeuvre. Dans la plus libérale, dans la plus atomistique des
sociétés économiques, l'oeuvre de production ne s'est jamais accomplie par le simple et
spontané concours d'échanges purs, l'unité de production ne s'est jamais réduite à un
faisceau de contrats spontanément noués". 4) Ayant une identité distincte à affirmer au
(

regard des différents acteurs dont elle assure par contrat la rencontre des volontés,
l'entreprise est dotée d'un patrimoine propre. En économie de type capitaliste, l'entreprise
est la seule institution qui, en principe, dispose du pouvoir de soumettre la coordination
des activités à un centre de décisions unique, sur la base d'un calcul économique dont
l'objectif est la maximisation d'un revenu monétaire net de période en période.
L' analyse économique contemporaine tend à circonscrire les activités de la firme à partir de
la comparaison des coûts de transaction externes et des coûts de coordination internes.
Les coûts de transaction qui correspondent à l'ensemble des dépenses engagées par la firme
pour effectuer la recherche des fournisseurs les plus performants, engager avec eux les
négociations, formuler les obligations contractuelles, assurer le suivi du contrat, font que le
recours à la coordination des activités par le marché est un acte risqué et coûteux. Aussi en
maintes occasions, la coordination des activités au sein de la firme paraît plus efficace que le
recours au marché.
A la fin de l'année 1991, l'INSEE recense en France 2.419.549 entreprise qui se répartissent
ainsi, selon les tranches d'effectifs :

REPARTITION DES ENTREPRISES ET DE LEURS SALARIES


PAR TRANCHES D'EFFECTIFS SALARIES A LA FIN DE L'ANNEE 1991
Tranches ! 0 salarié ! 1-9 salariés ! 10-19 ! 20-499 ! 500 ! TOTAL
d'effectifs ! ! ! salariés ! salariés ! salariés !
Entreprises ! 1.283.898 ! 977.930 !78.475 ! 75.259 ! 1987 !
2.419.549
Salariés ! 0 ! 2.628.109 ! 1.045.958 !4.687.564 ! 3.745.626 !
12.107.257

Les PME définies comme entreprises de 10 à 499 salariés représentent 6,4% de l'ensemble
des entreprises, et emploient 5.733.522 salariés, soit plus de 47% de l'effectif total de
salariés. En revanche, les entreprises de 500 salariés et plus qui ne sont que 1987
n'emploient que 31% de l'effectif total.

(4)F. PERROUX, Les trois analyses de l'évolution et la recherche d'une dynamique totale chez Joseph
Schumpeter, Economie appliquée, tome 4, n° 2, avril-juin 1951, p.281.
43

ENTREPRISE PUBLIQUE

Une entreprise publique est une entreprise dont l'État détient seul ou avec d'autres
entreprises contrôlées la majorité du capital ou des droits de vote dans les instances
délibérantes.
Sont considérées comme appartenant au secteur public les établissements publics à
caractère industriel et commercial (EPIC) comme E.D.F.-G.D.F; les sociétés anonymes
nationalisées (banques telles que le Crédit Lyonnais, la B.N.P, et assurances telles que
l'U.A.P, le G.A.N, les A.G.F.); les sociétés nationales d'économie mixte comme Air-France;
les sociétés dont la majorité du capital est détenue par l'État, les filiales des sociétés et
établissements précédents.
Au XIXème siècle, certaines entreprises publiques ne sont qu'un héritage de la monarchie :
manufacture de porcelaines de Sèvres, de tapisseries des Gobelins, des tapis de Beauvais.
D'autres répondent à des considérations fiscales : tabac, allumettes, poudres. Ainsi le
monopole des tabacs date de 1810, époque où l'État avait besoin de ressources pour
combler le déficit des guerres napoléoniennes. D'autres, enfin, ne visaient qu'à satisfaire
certains besoins, notamment dans le domaine de la Défense nationale (manufactures
d'armes) ou dans d'autres domaines: imprimerie nationale, fabrication des monnaies et
médailles.
En vertu du décret d'Allarde (1791) proclamant la liberté du commerce et de l'industrie, la
jurisprudence traditionnelle du Conseil d'État excluait les personnes publiques et notamment
les collectivités locales du droit de participer à la compétition économique : ce n'est que
sous la pression de ce que l'on a appelé le socialisme municipal qu'un certain nombre
d'exceptions furent tolérées à partir de 1901. Celles-ci correspondaient à quatre situations :
celle de monopole de droit (abattoirs, halles et marchés); celle de monopole de fait
(utilisation du domaine public commercial pour les transports urbains ou la collecte des
ordures ménagères); celle de vocation générale d'hygiène ou d'assistance (bains et lavoirs,
cantines, restaurants populaires, crèches et ouvroirs), celles d'activités spécifiques
reconnues (bureaux de placement, exploitations thermales ou minières). Ainsi avant 1914,
coexistent d'une part des régies de l'État, des départements et des communes qui sont un
mode propre d'exécution de travaux évitant de faire appel aux entreprises, et d'autre part,
des concessions ou affermages, qui confient au secteur privé des tâches d'intérêt général.
Au lendemain de la première guerre mondiale, on assiste à la naissance des "Offices". Dotés
de l'autonomie financière, qui leur permet de conserver leurs recettes sans les reverser au
budget général, les offices disposent d'un patrimoine et d'agents propres. Les premiers
offices ont été créés pour gérer les entreprises cédées par les Allemands lors du Traité de
Versailles : Mines domaniales de potasse d'Alsace-Lorraine, Office National Industriel de
44

l'Azote créé pour exploiter le brevet de fabrication de l'ammoniaque cédé par l'ennemi. 1) (

D'autres sont mis en place pour répondre à un besoin spécifique : Crédit agricole (loi du 5
août 1920), ports autonomes (loi du 12 juin 1920). Le succès rapide des offices conduit à
des excès, bientôt dénoncés. Une campagne politique, menée par Joseph Caillaux, entraîne
en réaction diverses mesures : la nécessité d'une loi pour créer de nouveaux établissements
publics (loi du 13 juillet 1925), le renforcement du contrôle avec la création de contrôleurs
spéciaux, la perte de l'autonomie financière. S'agissant du développement des sociétés
d'économie mixte, qui connaissent des débuts difficiles puisque des députés leur font grief
au Parlement de receler un véritable ferment révolutionnaire, il est possible de distinguer
deux sous périodes dans l'entre-deux guerres :
- de 1920 à 1933, l'État se contente de prendre des participations minoritaires dans des
sociétés d'économie mixte qu'il doit créer pour gérer les droits que lui attribuent les traités
de paix. Ainsi sont constituées en 1924, la Compagnie Française des Pétroles (CFP) en vue
d'exploiter la part attribuée à la France par l'accord de San Remo dans les pétroles iraniens,
et en 1925 la Compagnie Générale de Navigation du Rhin ainsi que la Société française de
Navigation Danubienne.
- de 1933 à la seconde guerre mondiale, l'État, du fait de la crise économique, intervient de
manière beaucoup plus directe dans les sociétés dont il s'assure le contrôle. C'est la période
des participations majoritaires de l' État, dont l'intervention a d'abord pour objet de
renflouer des entreprises qui connaissent de sévères difficultés financières : ainsi la
Compagnie Générale Transatlantique et les Messageries Maritimes. En juin 1937, le
gouvernement Chautemps procède à la nationalisation des chemins de fer sous forme d'une
société d'économie mixte : la SNCF.
Les nationalisations du Front Populaire sont très limitées. On relève d'une part la
nationalisation de la Banque de France et d'autre part, celle des industries d'armement.
L'armée de l'air, à l'instigation de Pierre Cot, fait un large usage de la loi et promeut la
constitution de sociétés nationales de construction aéronautique.
Les nationalisations de la Libération, préparées par les travaux du Conseil National de la
Résistance, interviennent en trois étapes 2) et conduisent au transfert à l'État des Houillères
(

du Nord et du Pas de Calais , des usines Renault, des grandes banques de dépôt, des
compagnies d'assurance (29 parmi les plus importantes), des industries du Gaz et de
l'Électricité. En 1982, 43 entreprises ont été nationalisées avec transfert de propriété
intégral : 36 banques, 2 compagnies financières et 5 sociétés mères de groupes industriels
importants (Compagnie Générale d'Électricité, Péchiney-Ugine-Kuhlmann, Thomson, Saint-
Gobain-Pont-à-Mousson, Rhône-Poulenc). 3) (

(1) cf. F. CHEVALLIER, Les entreprise publiques en France, Notes et Études Documentaires, n° 4507-
4508, La Documentation française, Paris, 1979.
(2) cf. P.Y. COSSE, numéro spécial nationalisations, Regards sur l'actualité, n° 79, mars 1982.
(3) cf. H. ROUILLEAULT, Groupes publics et politique industrielle, Regards sur l'actualité,
n° 112, juin 1985.
45

A la fin de 1992, l'État contrôle directement 105 entreprises et indirectement 2643. Le


secteur public comprend 2748 firmes françaises employant 1737 000 salariés en France. Au
cours de l'année 1991, le secteur public est passé de 2620 à 2750 entreprises, entraînant une
augmentation de 34 à 36 du nombre moyen d'entreprises contrôlées par chaque tête de
groupe.
La notion de rang de contrôle permet d'illustrer les modalités de la concentration financière
qui affecte les groupes, qu'ils soient privés ou publics. Le rang de contrôle est le nombre de
maillons entre l'État (actionnaire final) et l'entreprise. Il est de 1 pour les entreprises
directement contrôlées par l'État, de 2 pour les filiales de ces entreprises et ainsi de suite.

Rang de contrôle ! Entreprises ! Effectifs


! Nombre ! % ! Milliers ! %
1 ! 105 ! 3,8 ! 1212,8 ! 69,8
2 ! 492 ! 17,9 ! 239,9 ! 13,8
3 ! 923 ! 33,6 ! 184,2 ! 10,6
4 ! 742 ! 27,0 ! 76,2 ! 4,4
5 ! 335 ! 12,2 ! 15,3 ! 0,9
6 et plus ! 151 ! 5,5 ! 9,1 ! 0,5
Ensemble ! 2748 ! 100,0 ! 1737,5 ! 100,0
Les entreprises du secteur public fin 1992.

Source : Nicole Chabanas et Eric Vergeau. "L'impact des privatisations sur le secteur
public" INSEE première, n°290, décembre 1993.

La loi de privatisation votée en 1993 va transformer profondément la physionomie des


groupes publics.
Les vingt et une entreprises visées par la loi de privatisation contrôlent directement et
indirectement 1645 entreprises qui regroupent 644.000 salariés. Comme le précisent N.
CHABANAS et E. VERGEAU (art. cit.), " en dehors des filiales directes des groupes
privatisables, la privatisation va concerner des entreprises dont le capital se trouve être
détenu majoritairement par plusieurs entreprises publiques, sans qu'aucun groupe public
puisse assurer à lui seul le contrôle. Du fait de la privatisation de certains de leurs
actionnaires publics, ces firmes sortiront du secteur public. C'est le cas d'une centaine
d'entreprises qui emploient au total 24.000 personnes, comme Sextant Avionique,
Arianespace et Framatome. Au total, si le mouvement de privatisations avait eu lieu fin
1992, il aurait concerné 1760 entreprises françaises et 668.000 salariés en France." Du fait
46

du caractère très diversifié des groupes publics qui interviennent dans de nombreuses
branches de l'économie, on estime à 9% le pourcentage des effectifs industriels qui
passeront au secteur privé.
47

EMPLOI (POLITIQUE DE)

La politique de l' emploi a pour objectif principal la résorption des déséquilibres du marché
du travail. Il s'agit de corriger les évolutions défavorables pour l'emploi qui naissent d'une
confrontation sur le marché du travail d'une offre de services du travail abondante et d'une
demande insuffisante. Ce déséquilibre macro-économique est dû à de multiples facteurs :
sectoriels en ce qui concerne les niveaux de qualification exigés et le dynamisme de
l'activité; démographiques en ce qui concerne les tranches d'âge les plus exposées au risque
de perdre leur emploi, culturels et sociaux en ce qui concerne la féminisation de certaines
professions ou la présence relative plus importante de travailleurs immigrés dont l'absence
de qualification entraîne une plus grande vulnérabilité face à l'extension du chômage. Les
économistes distinguent les politiques passives qui s'assimilent à un traitement social du
chômage (indemnisation du chômage, pré-retraite, stages, partage du travail), des politiques
actives qui s'efforcent d'accroître le nombre d'emplois à l'aide de mesures de relance de
l'activité, de réduction des coûts des entreprises, de création d'emplois publics.
Jusqu'en 1974, le problème du chômage est considéré comme secondaire en France au
regard de la priorité reconnue à la lutte contre l'inflation. Depuis 1974, la croissance du
nombre de chômeurs quasiment ininterrompue, conduit les pouvoirs
publics à lutter contre le sous-emploi, d'une part, par une politique macro-économique et,
d'autre part par une politique spécifique de l'emploi.
S'agissant de la politique macro-économique, deux périodes distinctes rendent compte d'une
modification de ses objectifs et de ses instruments:
- de 1974 à 1983, des politiques conjoncturelles de stimulation de la demande à l'aide des
instruments budgétaires sont expérimentées en 1975-76 1) et en 1981-82. 2) La mise en
( (

oeuvre de ce type de politique trouve sa justification dans le fait que du 1er janvier 1975 au
31 décembre 1980 1.270.000 emplois salariés sont créés dans le secteur tertiaire ( marchand
et non marchand) qui compensent largement la perte de 624.000 emplois salariés dans
l'industrie et de 83.000 emplois salariés dans l'agriculture.
- de 1983 à 1994, la difficulté à concilier les objectifs de lutte contre le chômage , de
maintien de la stabilité des prix et de résorption du déficit extérieur conduit à l'adoption
d'une politique de désinflation compétitive qui s'interdit toute action de relance ne
s'appuyant pas sur la restauration préalable de la compétitivité des entreprises. Ce

(1) Un déficit budgétaire volontaire de 30 milliards de francs permet de ralentir la montée du chômage de +
342.000 en 1975 à + 94.000 en 1976, au prix d'une dégradation de la balance commerciale de 60 milliards
de francs qui affaiblit le franc, lequel doit quitter en mai 1976 le "serpent européen".
(2) Les déficits budgétaires de 81 milliards de francs en 1981 et de 99 milliards en 1982 conduisent à
nouveau à une réduction de la progression des demandeurs d'emploi de 490.000 en 1981 à 74.000 en 1982,
au prix d'un déficit commercial de 95 milliards de francs en 1982. A elles seules, les 203.000 créations
d'emplois publics en 1981-82 auraient permis d'éviter 100.000 DEFM en 1982-83.
48

changement d'orientation dans les choix de politique économique est lié au constat de
l'impossibilité de pouvoir continuer à compenser l'accélération de la chute des emplois
salariés dans l'industrie et l'agriculture ( respectivement - -1.004.000 et -95.000 entre le
01/01/1981 et le 31/12/1986) par une création d'emplois salariés dans le secteur tertiaire (+
1.220.000 sur la même période).
La politique spécifique de l'emploi tend, en conséquence, à occuper une place
prépondérante dans lutte contre le chômage depuis le milieu des années 80. Elle se
caractérise par trois orientations : une politique d'aide à la création d'emplois; une politique
des âges souvent qualifiée de gestion sociale du chômage qui vise à avancer l'âge du départ
à la retraite et à retarder, pour les jeunes, l'entrée dans la vie active; une politique de lutte
contre l'exclusion à travers la mise en place de procédures de réinsertion et l'adoption de
mesures en faveur des chômeurs de longue durée.
Le problème de l'intégration des jeunes à la vie active en France préexistait à la crise et à
l'approfondissement du chômage : en 1973, en pleine période de forte croissance de
l'activité, les moins de 25 ans représentaient déjà près de 40% des demandeurs d'emploi. 3) (

Onze ans plus tard , alors que le nombre de demandeurs d'emplois avait été multiplié par
plus de six, la part des moins de 25 ans dans le total n'avait pas diminué, ce qui faisait qu' un
jeune actif sur quatre était au chômage. En 1993 le taux de chômage des moins de 25 ans
en France était de 23% à comparer avec un taux de chômage pour l'ensemble de la
population active de 11,6%. 4)(

C'est l'insuffisance de la politique active de l'emploi qui rend nécessaire la gestion sociale du
chômage : "l'exonération des cotisations sociales pour l'embauche des jeunes (1977-1982),
l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises (instaurée en 1979) ou aux <<emplois
d'initiative locale>> (1981), les primes à la première embauche ou à l'embauche dans
l'artisanat (depuis 1979), ont permis au total, jusqu'en 1984, l'embauche de 975.000
personnes. Mais le chômage n'a pas été résorbé d'autant : tous ces postes ne sont pas
forcément durables, ils n'ont pas tous été occupés par des chômeurs et beaucoup sont venus
se substituer à des créations d'emploi qui auraient eu lieu spontanément". 5) (

L'octroi d'une cinquième semaine de congés payés et l' abaissement de la durée légale
hebdomadaire du travail à 39 heures en 1982, ainsi que l'extension du travail à temps partiel
qui constituent trois modalités alternatives de partage du travail ne suffisant pas non plus à
compenser les destructions d'emploi liées à la crise, les pouvoirs publics tentent, d'une part,
de retarder l'entrée dans la vie active des jeunes par des dispositifs de formation et, d'autre
part, d'accroître les flux de retraits anticipés d'activité.

(3) cf. J. BEDOUCHA, J.L. DAYAN, 1975-1985 : dix ans de chômage en France. Regards sur l'actualité,
n°115, mars 1985, p.8.
(4) cf. Note de conjoncture de l'INSEE, mars 1994, p. 38.
(5) J. BEDOUCHA, J.L. DAYAN, art. cit., Regards sur l'actualité, n° 115, mars 1985, p.22.
49

L'ensemble des dispositifs mis en place pour favoriser l'emploi des jeunes ont toujours
essayé d'associer la réduction du coût du travail des jeunes pour les entreprises avec l' offre
d'une formule particulière de formation et de qualification des jeunes bénéficiaires des
dispositifs. A partir de 1975, des campagnes annuelles sont intervenues pour faciliter
l'entrée dans la vie active à la sortie du système scolaire : stages Granet (1975), stages de
formation et de préparation à la vie professionnelle du premier Pacte pour l'emploi,
<<contrats emploi-formation>> de 1975, stages d'orientation approfondie, d'insertion
sociale et de qualification issus du rapport Schwartz (1981) et institués par l'ordonnance du
26 mars 1982, stages d'initiation à la vie professionnelle (1984). 6) Ces dispositifs qui ont
(

perduré sous des formes variées ont concerné depuis 1983 environ 50.000 bénéficiaires en
moyenne annuelle 7) .(

Moyen principal de lutte contre le chômage de 1977 à 1983, les préretraites, ont connu une
chute sensible par la suite en raison de leur coût élevé pour les finances publiques. De 1972
à 1977 ont été mises en place les Garanties de ressources "licenciement" qui concernaient
les plus de soixante ans. En juin 1977 sont mises en place les Garanties de ressources
"démission" qui assurent à tout salarié âgé de plus de soixante ans et candidat à un retrait
anticipé d'activité le versement d'une indemnité égale à 70% de leur ancienne rémunération.
De 1977 à la mi-1983, date à laquelle ces dispositions seront supprimées en raison de
l'abaissement de l'âge de la retraite à soixante ans, 313.000 départs en préretraite
s'effectueront sur démission, tandis que 260.000 salariés licenciés bénéficieront de la
garantie de ressources "licenciement". A compter du 1er avril 1983, la possibilité de
liquider ses droits à la retraite dès l'âge de soixante ans a conduit au retrait de 157.000
actifs en 1983, 110.000 en 1984, 91.000 en 1985. Par ailleurs, pour les salariés âgés de 55 à
60 ans, l'ordonnance du 16 janvier 1982, a institué en leur faveur un revenu de
remplacement égal à 70% du salaire brut à la condition que l'employeur dans le cadre d'un
contrat de solidarité s'engage à maintenir constants les effectifs de l'entreprise pendant au
moins une année.
Aux côtés du traitement économique et de la gestion sociale du chômage la durée
insoupçonnée de la crise et son prolongement ont conduit à mettre en place un troisième
volet de la politique de l'emploi. Celui-ci vise à lutter contre l'exclusion et a revêtu des
formes diverses : s'agissant des jeunes il a reposé sur les T.U.C. de 1985 à 1989. Pour les
chômeurs de longue durée, après la mise en place d'itinéraires de formation personnalisés en
août 1985, des "programmes d'insertion locale" et des "programmes locaux d'insertion des
femmes" sont lancés en mai 1987 et les stages et contrats de réinsertion en alternance
(CRA) en juillet de la même année. A la suite de la mise en oeuvre du Revenu Minimum
(6) Destinés aux jeunes de moins de 26 ans, à la recherche de leur premier emploi ces stages assuraient aux
intéressés une formation professionnelle de courte durée dont le financement était partagé entre l'entreprise
et l'État. Le jeune recevait une rémunération comprise entre 30 et 60% du SMIC.
(7) Premières Synthèses, Service des Études et de la Statistique, Ministère du travail, de l'emploi et de la
formation professionnelle, n° 5, avril 1990, p.4.
50

d'Insertion, les contrats de retour à l'emploi (CRE) sont venus compléter en 1989 le volet
insertion. Qu'il s'agisse du CRA ou du CRE, l'insertion directe à l'aide d'un contrat de travail
avec l'entreprise d'accueil est l'objectif privilégié. Les contrats emploi-solidarité adoptés
en Conseil des Ministres du 13/09/1989 constituent des contrat de travail de droit privé, à
mi-temps et à durée déterminée qui peuvent atteindre jusqu'a 24 mois. Les bénéficiaires
sont rémunérés au SMIC. Les bénéficiaires sont les jeunes de moins de 21 ans, les
chômeurs de longue durée âgés de 21 à 25 ans, les chômeurs adultes âgés de plus de 50
ans, et les bénéficiaires du RMI. L' État exonère les employeurs des charges sociales et
prend à sa charge 85% du salaire brut. Sur 446.000 conventions individuelles signées en
1991 au titre du contrat emploi-solidarité, 60% l'étaient pour des jeunes. 7)
(

Depuis 1993, les pouvoirs publics ont mis l'accent sur les contrats aidés pour les jeunes :
-contrat d'apprentissage dans lequel l'apprenti a un statut de salarié et reçoit un salaire
compris entre 25% et 78% du SMIC (selon l'âge de l'apprenti et l'ancienneté du contrat)
tandis que l'employeur totalement exonéré des cotisations patronales reçoit pour toute
embauche avant le 1er juillet 1994 une prime de 7000 F.
-contrat de qualification qui permet aux jeunes de 16 à 23 ans dépourvus de qualification
professionnelle et à la recherche d'un emploi d'acquérir une qualification débouchant sur un
diplôme. Le bénéficiaire a un statut de salarié avec un salaire compris entre 30 et 75% du
SMIC; l'employeur étant tenu de mettre en oeuvre une formation égale à 25% de la durée
totale du contrat. L'employeur bénéficie d'une aide forfaitaire de l'État de 5000 à 7000 F
selon la durée du contrat.
-contrats d'adaptation et d'orientation qui permettent aux jeunes de 16 à 23 ans
d'acquérir une qualification ou de l'adapter à l'emploi occupé dans l'entreprise. Une aide
forfaitaire de l'État est versée pour chacun de ces contrats, à laquelle s'ajoute l'exonération
des cotisations patronales de sécurité sociale dans le cas du contrat d'orientation. qui s'est
substitué à partir de 1992 au SIVP.

L'efficacité des politiques de l'emploi est très difficile à apprécier étant donné
l'importance des effets d'appel et des effets de substitution des mesures prises. L'évaluation
la plus couramment pratiquée consiste à confronter le nombre de chômeurs que ces mesures
permettent d'éviter à l'évolution spontanée du chômage. Selon C. BRUNIAUX et R.
TRESMONTANT : "le nombre des emplois créés est passé de 285.000 en 1985 à 465.000
en 1988, principalement sous l'effet des dispositifs destinés aux jeunes; le nombre de
chômeurs évités s'élevait, en 1985, à 754.000 en moyenne annuelle; trois ans plus tard, la
politique de l'emploi permet de réduire de 1.114.000 environ le volume spontané des
demandes d'emploi. Son impact sur l'évolution du chômage a donc enregistré entre 1985

(7)cf. Commissariat Général du Plan. Rapport du groupe <<Éducation et Formation>> présidé par M.
PRADERIE dans le cadre de la préparation du XIème Plan (1993-1997). La Documentation Française,
Paris 1993.
51

et1988, une croissance de 48%" 8) Parallèlement, le coût budgétaire direct de la politique de


(

l'emploi. est passé de 36,137 milliards de francs en 1985 à 47,631 milliards de francs en
1988. Ce coût budgétaire intègre les dépenses de formation professionnelle, le
remboursement au régime général de sécurité sociale des exonérations de cotisations
patronales, les rémunérations des bénéficiaires dont la charge incombe au budget.

(8) cf. C. BRUNIAUX, R.TRESMONTANT, Les dispositifs de la politique de l'emploi : bilan et


perspectives, Regards sur l'actualité, n° 157, 1990, p. 7.
52

DEREGLEMENTATION

La déréglementation est une politique visant à obtenir les effets recherchés par une
réglementation économique ou sociale, à un moindre coût pour la collectivité, en
rétablissant les fonctions de la concurrence comme instrument d'allocation des ressources
sur et entre les différents marchés.
Initiée aux États-Unis par le président Ford 1) , cette politique a surtout été appliquée sous
(

la Présidence Carter, le président Reagan s'en étant fait ensuite l'avocat le plus convaincu
mais ayant lui même très peu contribué à sa mise en oeuvre 2) . La politique de(

déréglementation s'est beaucoup inspirée de la théorie des marchés contestables. Il est en


effet possible, en se fondant sur cette théorie de montrer que la coordination administrative
des activités est moins efficace dans des situations particulières d'imperfection de la
concurrence que la régulation par les forces du marché 3) . Mais, à l' origine la politique de
(

déréglementation procède d'une idée plus simple : la réglementation économique ou


sociale , en introduisant des restrictions à la concurrence, permet à des producteurs de
bénéficier de rentes de situation au détriment des consommateurs, parce qu'ils sont protégés
de la concurrence de nouveaux entrants par des barrières administratives. Ainsi les
avantages de la réglementation ne compenseraient le coût pour la collectivité des entraves à
la concurrence. Cette idée simple n'est pas une vérité allant de soi : tout dépend en effet de
l'évaluation des avantages liés à la réglementation et des facteurs à l'origine des défaillances
du marché qui ont motivé la mise en oeuvre d'une réglementation.
L'économiste distingue trois grandes modalités de la réglementation :
- les réglementations quantitatives physiques (exemple : le permis de construire).
- les réglementations relatives aux prix des biens, des services , des facteurs de production,
-les réglementations relatives à l'entrée et à la sortie des agents économiques d'une branche
d'activité.
Les réglementations ont le plus souvent concerné deux types de situation : celle
correspondant aux activités à rendements d'échelle croissants, pour lesquelles la
réglementation économique apparaît comme l'antidote du monopole naturel; celle relative à
des secteurs concurrentiels pour lesquels se font jour des préoccupations redistributives
(exemples : l'agriculture, les professions telles que celles de chauffeurs de taxi).et pour
lesquelles une réglementation sociale est requise.

(1) cf. The Challenge of Regulatory Reform, Report to the President from the Domestic Review Group on
Regulation Reform, janvier 1977.
(2) cf. M . FIX , G. C. EADS, " The Prospects for Regulatory Reform : The Legacy of Reagan's First Term",
Yale Journal on Regulation, vol. 2, 1985, pp.293-318.
(3) cf. D. ENCAOUA,"Réglementation et concurrence : quelques éléments de théorie économique,"
Économie et Prévision, n° , ,pp.5-46.
53

Aux États-Unis la réglementation économique s'applique principalement à quatre grands


secteurs : l'énergie, les transports, les télécommunications et le secteur bancaire et financier.
Quant à la réglementation sociale, elle s'applique à un large éventail de situation depuis la
réglementation des conditions de travail jusqu'aux dispositifs protégeant les consommateurs
des effets néfastes de la pollution. Les coûts de la réglementation sociale sont clairement
identifiables : coûts administratifs liés à la gestion par les pouvoirs publics de la mise en
oeuvre des mesures de réglementation; coûts directs supportés par les entreprises liés à
l'incidence des mesures réglementaires auxquelles elle est assujettie; coût indirect
d'inefficience dû aux restrictions à l'entrée dans l'activité qu'implique une moindre
profitabilité des entreprises en place ayant à respecter la réglementation. Il a été ainsi estimé
que le coût occasionné par la législation antipollution peut varier de 13 à 38 milliards de
dollars (pour 1977) selon les méthodes et hypothèses retenues. 4) (

Deux exemples illustrent aux États-Unis la mise en oeuvre de la politique de


déréglementation : celui du transport aérien et celui des télécommunications. Dans le cas du
transport aérien, il était reproché au Civil Aeronautics Board d'avoir laissé se développer
une gestion inefficace des compagnies aériennes à l' origine de tarifs jugés excessifs. En fait,
les compagnies procédaient à des compensations importantes et systématiques entre liaisons
rentables et liaisons déficitaires. Après la déréglementation, les compagnies ont cherché à
améliorer leur productivité et abaisser leurs tarifs en améliorant le taux de remplissage des
avions grâce à une modification de la structure de leur réseau. En fait, les compagnies les
plus fragiles n' ont pu résister à la concurrence et de manière générale les tarifs ont baissé
sur les liaisons à forte demande et atteint des sommets prohibitifs sur les liaisons peu
demandées. Dans le cas des télécommunications, le département de la Justice accusait ATT
qui bénéficiait d'une situation de monopole légal d'utiliser les recettes élevées collectées sur
les activités réglementées à subventionner des services de télécommunication sur des
marchés ou ATT se trouvait en concurrence avec d'autres entreprises. Étant donné les coûts
supportés par ATT du fait de la réglementation et notamment ceux liés à l'interdiction de
développer ses activités dans des secteurs complémentaires à forte croissance, la fin du
statut de monopole "ouvrait autant de possibilités qu'elle fermait de privilèges parfois lourds
à porter". 5)
(

(4) cf. M-F TOINET, H. KEMPF, D. LACORNE,"Le libéralisme à l'américaine. L'État et le marché.
Economica, Paris, 1989, p.118.
(5) Ibidem, p. 103.
54

CONCURRENCE

La concurrence est une forme institutionnelle d'organisation des marchés. En effet, la


concurrence, pour s'exercer, suppose d'une part, l'existence de droits de propriétés exclusifs
et transférables et, d'autre part, un fonctionnement décentralisé des activités. Cette dernière
condition est remplie lorsque les agents économiques sont, à tout moment, en mesure
d'exercer un arbitrage relatif aux formes sous lesquelles ils détiennent leur patrimoine,
arbitrage qui obéit notamment à des critères de rendements différentiels des actifs
physiques, monétaires et financiers.
Du point de vue de l'analyse économique, la concurrence caractérise une structure de
marché au sens où elle définit les modalités sous lesquelles s'exercent les transactions entre
les agents qui interviennent sur le marché, qu'ils soient acheteurs ou offreurs de biens et
services. Dans la conception néoclassique de la concurrence, la vie économique qui est la
résultante des comportements d'innombrables acteurs individuels tous mus par le recherche
de la satisfaction maximale, conduit à la réalisation d'un optimum social défini, à la suite de
V. PARETO, comme la situation dans laquelle il n'est pas possible d'améliorer la situation
d'un individu sans détériorer celle d'au moins un autre. Cet optimum pour l'unanimité exige
que les marchés répondent à une situation de concurrence pure et parfaite dans laquelle les
conditions suivantes sont satisfaites:
- atomicité, tant du côté de l'offre que de la demande, c'est-à-dire, impossibilité du fait du
grand nombre à un intervenant quelconque d'exercer une influence sur les prix et les
conditions de production. De ce fait, à l'équilibre <<le profit pur>>, c'est-à-dire celui qui
dépasse la rémunération normale du capital, n'existe pas.
- homogénéité des produits ou des services, c'est-à-dire l'absence de tout motif pour un
acheteur donné de préférer à prix égal les produits d'une firme à ceux d'une autre, ceux-ci
étant pratiquement interchangeables.
- liberté d'entrer sur un marché et parfaite mobilité des facteurs de production.
Notamment, ces facteurs peuvent passer rapidement d'une branche à l'autre en fonction de
l'évolution de la demande ,ce qui suppose l'absence de coûts fixes irréversibles ("sunk
costs"), tels que peuvent l'illustrer des laminoirs dans l'industrie sidérurgique.
- information parfaite, ce qui suppose la transparence des règles qui régissent le
fonctionnement du marché, le libre accès et sans coût à l'information relative aux quantités
offertes, aux prix proposés, et aux emplacements où les ressources sont disponibles.
L'importance de cette dernière condition a été soulignée par la théorie économique
contemporaine. Celle-ci fait en effet appel à la notion de "marchés en déséquilibre", sur
lesquels les transactions sont passées non pas selon un prix d'équilibre unique mais selon
des "faux-prix" multiples en raison de processus de tâtonnements ne permettant pas
55

d'aboutir à l'équilibre entre l' offre et la demande. J.-E. STIGLITZ 1) a montré que si
(

l'information est imparfaite sur un marché, il y aura multiplicité des prix pour un même
produit et inégalité flagrante entre les consommateurs puisque ceux d'entre eux qui sont mal
informés s'orienteront vers les commerces à haut prix s'ils les rencontrent en premier au
cours de leur démarche.
Comme le souligne M. GLAIS, "trois objectifs ont longtemps été assignés à une politique
de la concurrence jugée désirable: -assurer l'allocation optimale des ressources;
-promouvoir le progrès économiqu, -veiller au maintien d'une certaine diffusion du pouvoir
économique." 2) (

Ces objectifs transposent au monde contemporain le principe originel des politiques de


concurrence, tel que l'ont élaboré, en France, les juristes de la Révolution de 1789, et qui
s'énonce ainsi: "La concurrence ne peut survivre que si la loi la protège contre les forces du
marché qui visent à l'éliminer." 3)(

Mais ces objectifs ne peuvent être mutuellement compatibles que si l'on quitte l'univers
statique de la concurrence pure et parfaite pour s'acheminer vers la représentation
dynamique de la concurrence praticable. : << Car l'univers de la concurrence complète est
une économie immobile d'égaux; le rôle de sélection attribué non sans raison à la
concurrence n'y peut plus s'exercer.>> 4) (

Ce rôle de sélection des entreprises les plus efficaces, la concurrence ne l'exerce plus
nécessairement par la guerre des prix mais par l'investissement et la recherche. D'où une
évolution de la législation anti-trust aux États-Unis, qui, après l'adoption du National
Cooperative Research Act de 1984, s'oriente vers "une attitude plus favorable vis-à-vis des
accords de coopération en R&D et des clauses annexes qui étendent la coopération à des
aspects ne relevant pas directement de la R&D, mais ayant des liens suffisamment étroits
avec celle-ci." 5) Par ailleurs, l'analyse économique contemporaine peut justifier la
(

supériorité, en termes d'efficience, d'une intégration verticale des activités issue de la


recherche d'une économie de coûts de transaction ou de fusions liées à l'exploitation
d'économies d'envergure (economies of scope) qui traduisent la supériorité en termes de
coût d'une production conjointe sur une production séparée de certains produits. Tous ces
éléments concourent à un plus grande complaisance des autorités compétentes dans le
domaine du contrôle des concentrations tant aux U.S.A. qu'en Europe dans la deuxième

(1) cf. J.E. STIGLITZ, "Equilibrium in products markets with imperfect information", The American
Economic Review, mai 1979.
(2) cf. M. GLAIS, La nouvelle concurrence, analyse économique, Problèmes économiques , n°2156, 4
janvier 1990, p.16.
(3) cf. J. CARTELL, P.Y. COSSE, La concurrence capitaliste, Seuil, 1973, Paris, p.107.
(4) cf. F. PERROUX, Le capitalisme, Que sais-je, n°315, PUF, Paris,1948, p. 29.
(5) A. JACQUEMIN, M. LAMMERANT, B. SPINOIT,"Compétition européenne et coopération entre
entreprises en matière de Recherche-Développement" Commission des Communautés Européennes,
Evolution de la concentration et de la concurrence, collection "Documents de Travail", n° 80, IV/761/85,
Bruxelles, 1985, p.37.
56

moitié des années quatre-vingt. Ainsi, le règlement relatif au contrôle des opérations de
concentration entre entreprises en date du 21/12/1989 permet à la Commission des
Communautés Européennes d'examiner a priori toutes les grandes concentrations
d'importance communautaire et d'interdire la naissance d'une position dominante susceptible
d'entraver la concurrence. En application de ce règlement l'autorisation de l'accord Nestlé-
Perrier a été soumise à la cession à un groupe tiers d'un volume important de production
d'eaux minérales.
INNOVATION

L'innovation est la conception et la mise au point de produits, de services ou de formes


d'organisation inédits. L'innovation ainsi entendue est une caractéristique de l'activité
d'entreprise puisqu'elle est toujours la conséquence de l'intégration du progrès technique à
la production. En effet, la conception de techniques ou de produits nouveaux
s'accompagne, ainsi qu'en témoigne la réflexion initiée au Japon sur l'ingénierie simultanée
(ou concourante), le plus souvent d'une remise en cause des formes d'organisation de la
production et du travail existantes, de façon à définir les formes d'organisation adaptées à la
mise au point, puis à la mise en oeuvre dans la production, des techniques nouvelles. On
s'éloigne ainsi considérablement des distinctions couramment admises au début des années
soixante qui, dans le prolongement de la pensée de J. SCHUMPETER 1) tendaient à (

opposer l'invention, caractéristique d'une activité orientée vers la découverte en laboratoire,


et l'innovation conçue comme première application réussie d'un procédé nouveau ou
première commercialisation réussie d'un produit nouveau. Cette distinction entérinait une
vision simpliste des rapports de la recherche scientifique et technique et des activités de
production, consacrée par la célèbre distinction entre recherche fondamentale 2), recherche (

appliquée et développement industriel dont l'unique pertinence était de servir de support à


une programmation financière de la recherche précisément au moment où était. introduite
dans les Administrations cette innovation dans les méthodes de gestion que constituait la
rationalisation des choix budgétaires. 3) (

L'application de la R.C.B. aux domaines de la recherche et du développement industriel


devait durablement conforter le modèle séquentiel linéaire qui présente l'innovation
technologique comme une succession de phases bien séparées allant de la découverte
scientifique à la commercialisation en passant par l'innovation technique et le
développement industriel. A l'opposé de cette conception le modèle de "liaisons en chaîne"

(1)cf. J. SCHUMPETER, La théorie de l'évolution économique, Dalloz, Paris, 1935.


(2) Ces notions apparaissent dans le manuel de Frascati de l' OCDE, consacré à l'examen des procédures de
collecte des statistiques de dépenses de recherche. Pour une discussion de ces notions , voir R. BARRE, P.
PAPON, "Économie politique de la science et de la Technologie", Hachette, Paris,1993, p. 33 et suivantes.
(3) cf. R. MORIN,"Pour une intégration de la recherche dans la politique économique et financière
nationale," Le Progrès Scientifique, n°148-149, octobre-novembre 1971.
57

de Kline et Rosenberg 4) souligne le caractère décisif des boucles de rétroaction entre ces
(

différentes étapes et met l'accent sur l'enjeu capital que représente l'intégration dès la phase
de conception des contraintes du marché. Dans cette nouvelle perspective le savoir
transmissible et codifié est mobilisé à toutes les étapes de la chaîne et non plus seulement
dans la phase de découverte, tandis que les connaissances tacites, le savoir-faire individuel
et collectif qui ne sont ni codifiables, ni transmissibles sont mobilisées au travers de
processus d'apprentissage spécifiques intervenant dans tous les lieux de l'entreprise. A partir
du moment où toutes les techniques mises en oeuvre dans l'industrie requièrent,
parallèlement aux savoirs codifiés et transmissibles, des formes de connaissance spécifiques
et liées à un contexte, il apparaît que les connaissances s'accumulent dans les organisations
sur la base de processus d'apprentissage qui sont cumulatifs et dépendant du chemin
parcouru ("path dependent"). Ainsi la firme dans l'analyse économique contemporaine
apparaît comme "une configuration institutionnelle de lieux d'apprentissage" qui juxtapose
aux fonctions classiques de coordination des activités et de mise en oeuvre d'incitations
favorisant l'adoption de comportements adaptés, qui lui étaient jusque-là dévolues, la
fonction de résolution de problèmes. La conception de l'innovation liée à cette nouvelle
vision est, en conséquence, en rupture avec les conceptions antérieures qui mettaient
l'accent sur le caractère de résultat de l'innovation et s'intéressaient davantage à sa diffusion
qu'aux conditions de son obtention 5) : l'innovation est désormais saisie comme une création
(

collective, dont la réalisation suppose une mobilisation "de connaissances locales et


cumulatives à l'origine de trajectoires technologiques propres à chaque entreprise et
largement irréversibles." 6) En procédant ainsi les firmes se dotent d'un patrimoine
(

technologique, constitué d' "actifs spécifiques" qui ne trouvent pas d'équivalent sur le
marché. Le recours par les firmes qui en ont la possibilité à une structure de recherche soit
interne, soit externe témoigne par ailleurs d'une autre spécificité contemporaine de
l'innovation : son organisation en réseau. M. CALLON souligne l'enjeu de cette
compréhension renouvelée des conditions de l'efficacité d'un système d'innovation, en
rappelant que " l'idée si répandue chez les meilleurs économistes, que la connaissance est de
l'information assimilable à un bien public, est évidemment fausse : elle passe sous silence le

(4) cf. L. KLINE, N. ROSENBERG, An Overview of Innovation, dans R. LANDAU, N. ROSENBERG


(Eds.) The Positive Sum Strategy. Harnessing Technology for Economic Growth, National Academy Press,
1986.
(5) L'opposition entre ces deux visions a été élégamment formulée par D. FORAY dans les termes suivants :
(...) d'un côté les propositions analytiques correspondent dans l'ensemble aux résultats standards des
problèmes d'incitation et d'allocation des ressources en économie de l'information, tandis que de l'autre elles
sont issues d'une économie qui reconnaîtrait la spécificité de l'activité de production des connaissances
scientifiques et technologiques, par rapport à la production d'informations." D. FORAY, Introduction
générale dans "Technologie et Richesse des Nations, sous la direction de D. FORAY et C. FREEMAN,
Economica, Paris, 1992, p. 22.
(6) D. GUELLEC, Économie et Technologie. Quelques points de repères théoriques, dans Innovation et
compétitivité, sous la direction de D. GUELLEC, INSEE-Méthodes, n° 37-38, Economica, Paris, novembre
1993, p.25.
58

processus de construction des réseaux où se négocient les connaissances et le processus


qu'elle emprunte pour se répandre." 7) (

Quelle est l'efficacité du système national d'innovation français? Quel rôle l'État a-t-il joué
dans l' adaptation de ce dernier aux mutations technologiques et à l'aide de quels dispositifs
incitatifs? La réponse à la première question est désormais bien connue: la recherche
industrielle française est quantitativement insuffisante; elle est excessivement concentrée
dans des secteurs bien délimités; elle souffre d'un sous-investissement dans les sciences de
l'ingénieur, elle a trop peu souvent recours à des accords de coopération en R&D. Les
statistiques de brevets confortent ce diagnostic : si globalement, le poids de la France ne
semble pas avoir changé au cours des dernières années (3,16% du total des brevets déposés
aux USA en 1990 et 8,8% de ceux déposés dans le système européen de brevets), en
revanche, le taux de pénétration étrangère, en termes de demandes de brevets en France,
dépasserait les 78%. Ce taux témoigne de l'affaiblissement de la position technologique de
la France. La réponse à la deuxième question, au-delà de l'examen du rôle de l'État suppose
que l'on connaisse bien le champ des entreprises innovatrices. Or celui-ci dépasse largement
celui des entreprises qui font de la R&D. Comme l'écrivent R. BARRE et P. PAPON :
"l'innovation est une étape irréductible tant à l'activité de R&D qu'à la production
scientifique et technique ou à l'investissement industriel. Ainsi, par exemple, si l'introduction
de nouvelles matières plastiques est en général issue de recherches sur les polymères, la
substitution de métaux par des plastiques dans de nombreux appareils est une innovation
qui n'est pas toujours le fruit de travaux de recherche technique très élaborés." 8) (

Malheureusement, on ne dispose pas encore, en France, de données sur le comportement


d'innovations des firmes. 9) (

Depuis les débuts de la Vème République, quatre grandes périodes président à la mise en
oeuvre de l'action de l'État sur les éléments de la création scientifique et technique en
France:
- de 1958 à 1970, priorité à la recherche fondamentale et à la rationalisation de l'allocation
des ressources à la recherche et à l'innovation. La création des grands organismes de
recherche, C.N.E.S, I.R.I.A, D.R.E.T., O.R.S.T.O.M., C.N.E.X.O., 10) s'inscrit dans la (

(7) M. CALLON, Recherche et innovation en France, dans B. CORIAT, D.TADDEI (Eds), Made in
France, vol. 2, L'industrie française et sa compétitivité, Le Livre de Poche, Hachette, Paris, 1994.
(8) cf. R. BARRE, P. PAPON, op. cit.,p.160.
(
(9) La première enquête exhaustive sur le comportement d'innovation des firmes de plus de 20 employés a
été faite en 1991 par le SESSI (Service des Études Statistiques, ministère de l'Industrie) et l'exploitation des
résultats de cette enquête n'est pas encore achevée. Néanmoins, elle a déjà donné lieu à une typologie
distinguant firmes innovantes (<<motrices>>), firmes innovantes potentielles (<<attentistes>>), firmes non
innovantes (<<pessimistes>>). Cf. J. BERNARD, "Les représentations de l'innovation : un lien entre le
passé et le futur médiatisé par les motivations et l'expérience des firmes" in Les chiffres clefs de
l'innovation, SESSI, Dunod, 1994.
(10) C.N.E.S : Centre National d' Études Spatiales; I.R.I.A.: Institut de Recherche en Informatique et
Automatique; D.R.E.T. Direction de la Recherche, Études et Techniques du ministère de la Défense;
O.R.S.T.O.M : Office de recherche scientifique outre-mer; C.N.E.X.O. : Centre National pour
59

logique de l'arsenal et reproduit sur le plan fonctionnel le modèle américain de l'Agence


d'objectifs.
- de 1971 à 1979, priorité aux recherches à finalité industrielle indispensables au
développement du potentiel d'innovation national. A la logique des plans sectoriels à
caractère ponctuel on substitue un objectif stratégique défini en référence aux exigences de
compétitivité internationale. L'instrument privilégié de la politique de l'innovation est
l'Agence Nationale de Valorisation de la Recherche qui attribue les "aides à l'innovation"
(avances remboursables en cas de succès) pour couvrir en partie les dépenses relatives aux
phases de pré-développement et de développement.
- de 1981 à 1984, la politique mise en oeuvre se traduit par une volonté de rééquilibrage de
l'effort public, entre la recherche fondamentale, d'une part, et le développement
technologique de l'autre. Cette politique se traduit par une diversification des statuts des
établissements publics en vue de desserrer le poids de la tutelle administrative et
d'acclimater les organismes aux contraintes nouvelles de gestion nées d'une coopération
avec le secteur privé; ainsi que par la mise en oeuvre de "programmes mobilisateurs" qui
concentrent les fonds publics sur un nombre limité d'actions.
- de 1985 à 1993, la politique de la recherche et du développement technologique, tirant les
leçons de l'échec des programmes mobilisateurs, revêt quatre directions principales :
recomposition du potentiel de recherche autour d'une organisation en réseau,
identification du caractère clef des technologies génériques 11) dans le pilotage des
(

relations entre la science et l'industrie, nécessaire inscription territoriale de la politique


technologique afin de capter les synergies entre firmes et institutions de recherche au
bénéfice d'un tissu industriel organisé autour de pôles technologiques; aménagement au
niveau macro-économique du système de relations entre acteurs de la création technique
autour d'un impératif de compétitivité structurelle.
Au niveau européen, les programmes communautaires (ESPRIT, BRITE, ...) ont eu pour
objectif principal de favoriser la coopération au stade "pré-compétitif". Le soutien de la
communauté à la recherche et au développement technologique s'est développé à partir de
l'Acte Unique européen qui en son article 24 prévoit l'institution d'un programme cadre
pluriannuel de la recherche et du développement technologique. Le IVème Programme-
Cadre de recherche et de développement technologique de l'Union Européenne couvrira la
totalité de l'effort de recherche communautaire pour les années 1994-1998. Il vise à passer
d'un ensemble d'actions communautaires de RDT à une véritable politique commune de
RDT. Les ministres de la recherche des douze et le Parlement européen ont convenu le 21
mars 1994 d'affecter au programme 12,3 milliards d'écus. devant servir à financer les 20
l'Exploitation des Océans devenu ensuite Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer.
(11) Les technologies génériques sont des technologies dont le domaine d'application n'est pas limité à un
secteur donné et dont la disponibilité et le développement conditionnent le développement de techniques à
haute spécificité sectorielle. L'exemple de technologie générique le plus couramment cité est celui de la
microélectronique.
60

programmes spécifiques qui visent d'une part, à stimuler la compétitivité des entreprises et
l'emploi; et, d'autre part, à améliorer la qualité de la vie.
61

INTERMEDIATION BANCAIRE

L'intermédiation est la fonction des intermédiaires financiers qui recueillent des ressources
et mettent des fonds à la disposition des tiers. 1) Cette définition correspond à ce qu'il est
(

convenu d'appeler l'intermédiation de bilan, qui recouvre une double transformation, des
risques et des échéances. En effet, "l'intermédiaire absorbe des actifs relativement risqués et
plutôt longs (actif de son bilan); il met à la disposition du public des actifs sûrs, souvent à
court terme." 2) Parallèlement à l'intermédiation de bilan qui correspond à une activité de
(

transformation financière, les banques ont été conduites à développer une activité de négoce
financier qui correspond à une intermédiation de marché. En effet, la mise en relation des
agents prêteurs qui disposent d'une capacité de financement et des agents emprunteurs , qui
ont un besoin de financement peut s'effectuer en dehors du recours au système bancaire, sur
les marchés des capitaux. Sur ces marchés les agents emprunteurs sollicitent des épargnants
qu'ils se portent acquéreurs pour l'ensemble des titres , à court et à long terme qu'ils
émettent. L'intermédiation de bilan est une caractéristique de l'économie d'endettement,
système dans lequel les entreprises se financent essentiellement en faisant appel aux prêts
des banques ou d'institutions financières spécialisées. En revanche l'intermédiation de
marché est la caractéristique d'une économie dite de financement dans laquelle les agents
déficitaires s' adressent directement au marché financier, en émettant des titres pour se
procurer les ressources dont ils ont besoin.
La désintermédiation, processus qui conduit à substituer, à l'intermédiation de bilan,
l'intermédiation de marché a été en France entre 1978 et 1986 le principal vecteur du
passage d'une économie d'endettement à une économie de financement. Ainsi, en 1986 les
intermédiaires financiers ne concouraient plus au financement des entreprises qu'à hauteur
de 20% (contre 64% en 1978); tandis que le financement désintermédié représentait 80%
(contre 35,6% en 1978) 3) .
(

(1) Commission de terminologie du Ministère de l'Économie et des Finances, J.O. du 3 janvier 1974.
(2) B. COURBIS, "Peut-on parler de désintermédiation en France?" Économie et Humanisme, n° 294,
mars-avril 1987, p.9.
(3)D. PLIHON, "Vers un nouveau mode de financement de l'économie. Regards sur l'actualité, n° 133,
juillet-août 1987.
62

ETAT

L' État est la forme institutionnalisée du pouvoir politique. On le définit souvent comme une
"institution armistice" 1) , dotée du monopole de la contrainte légitime et chargée de
(

rechercher des réponses consensuelles aux conflits et luttes qui traversent la société. Son
apparition, les raisons qui justifient son action, son devenir soulèvent trois questions qui
sont au coeur des controverses sur sa nature et ses fonctions :
-Symbole et incarnation du "pacte social", l'existence de l'État légitime tous les autres
contrats qui sanctionnent la vie en société : contrat de mariage, contrat de travail, etc...
Comment rendre compte de la nature de l'État en tant que garant des conditions générales
de la production et de la forme des rapports sociaux?
- En vue d'exercer les fonctions qui lui sont dévolues, l'État prélève une part de la
production annuelle. Comment justifier le montant de ce prélèvement, sa nécessité et sa
nature? Cette interrogation est essentielle à un triple point de vue : le montant du
prélèvement étatique est un indice quantitatif de l'importance des fonctions de l'État; la
nécessité de ce prélèvement découle du mode de satisfaction des besoins matériels et
culturels de la société; la nature de ce prélèvement définit le caractère positif ou négatif de
l'intervention de l'État dans la vie économique.
- Le devenir de l'État est un indice de la place de l'État face à la montée des pouvoirs
économiques. L'État peut-il s'appuyer sur les contradictions de la société civile pour élargir
son champ d'intervention ou , à l'inverse, son impuissance croissante face à la
mondialisation de l'économie, remet -elle en cause l'organisation du pouvoir politique sur
une base nationale?
Pour répondre à ces questions on examinera successivement les conceptions libérales,
interventionnistes et marxistes de l'État.
Dès 1776, Adam SMITH formulait en ces termes les exigences auxquelles l'État doit
répondre : "défendre la société de tout acte de violence ou d'invasion, protéger chaque
membre contre l'injustice ou l'oppression, ériger ou entretenir certains ouvrages publics ou
certaines institutions que l'intérêt d'un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait
jamais les porter à ériger ou à entretenir." 2) Cette conception d' un État limité à l'exercice,
(

d'une part des fonctions régaliennes, et, d'autre part, à la fourniture des services collectifs
indispensables au bon fonctionnement des entreprises privées a prévalu tout au long du
XIXème siècle. Mais l'accroissement très significatif de l'intervention de l'État dans la vie
économique qui fait suite à la première guerre mondiale (la part des dépenses étatiques
totales passant de 8% à 20% du revenu national entre 1910 et 1920) 3) et qui coïncide avec
(

(1) cf. A. HAURIOU. Droit Constitutionnel et Institutions Politiques, LGDJ,,1966, p.11


(2) A. SMITH, "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ," Guillaumin et Cie,
5ème édition, 1880,tome 2, pp.327-328.
(3) cf. C. ANDRE, R. DELORME, "L'État et l'économie", Seuil, Paris, 1983.
63

une part accrue des fonctions d'intervention économique au détriment des fonctions
régaliennes suscite un revirement de l'analyse économique. En effet, face à la montée des
doctrines socialistes et corporatistes qui prônent des formes variées d'économie dirigée les
économistes libéraux restent sur la défensive. Il faudra attendre les ouvrages majeurs de M.
ALLAIS 4) et J. RUEFF 5) pour que s'amorce une analyse positive du rôle de l'État et de
( (

ses fonctions dans l'économie. Dès lors l'intervention publique sera justifiée en référence aux
défaillances du marché. Dans cette perspective, l'analyse économique néoclassique
découvre quatre types principaux de dysfonctionnements : la production de biens publics
qui laissée au marché se révélerait sous-optimale en raison de comportement de "passager
clandestin", la prise en charge des activités à rendements d'échelle croissants sources
d'apparition de monopoles "naturels"; la gestion des externalités tant positives (effets de
report de la recherche-développement) que négatives ( phénomènes de pollution,
d'encombrement) à l'origine de divergences entre coût social et coût privé; la redistribution
lorsque l'accès inégalitaire aux marchés contredit l'exigence d'égalité des chances.
Ces justifications laissent néanmoins dans l'ombre les raisons pour lesquelles l'État ne cesse
d'étendre son champ d'intervention, comme le suggère "la loi de Wagner" de 1880. qui,
traduite en termes contemporains affirme que l'élasticité des besoins de type collectif serait
supérieure à l'unité. Aussi A. BIENAYME est-il conduit à affirmer que "l'argument courant
consistant à justifier l'engagement de l'État par le constat des défaillances du marché est
triplement incorrect :
- il compare les carences réelles du marché avec un modèle d'administration publique
supposée pure et parfaite, ce qui n'est pas logiquement cohérent (Wood, Lane). L'échec du
marché ne garantit pas avec certitude le plein succès de l'État.
- il confond la croissance des besoins collectifs avec la croissance de l'État dans l'esprit et la
lettre de la << loi >> d'Adolf Wagner, c'est-à-dire de la << loi d'extension croissante de
l'activité publique ou d'État chez les peuples civilisé qui progressent>>.
-il évite de poser le problème global et structurel de savoir si la carence du marché ne
s'explique pas historiquement par l'antécédence d'un État <<touche à tout>>." 6) (

Les fonctions de l'État dans la pensée keynésienne s'enracinent dans une pensée politique
particulière. Profondément marqué par la Révolution d'octobre 1917, Keynes est conduit à
rompre avec la philosophie individualiste pour fonder l'intervention de l'État non plus sur les
défaillances du marché, mais sur la base d'un rapport de classe qu'il essaie de stabiliser en
inventant une régulation par l'État de l'activité économique. Il s'agit fondamentalement pour

(4) cf. M. ALLAIS, "A la recherche d'une discipline économique : l'économie pure." Imprimerie Nationale,
1943, 852 pages.
(5) Cf. J. RUEFF, "L'ordre social", 2 volumes, Sirey, 1943.
(6) A. BIENAYME,"Le capitalisme adulte", P.U.F., 1992, pp.311-312.
64

Keynes d'en appeler dans les luttes des classes à la médiation de l'État érigé en arbitre. 7) (

Cela ne peut être possible que si la classe ouvrière n'est pas seulement représentée
politiquement, mais aussi économiquement. L'État est ainsi appelé à exercer trois
fonctions : une fonction d'intégration de la classe ouvrière; une fonction de régulation qui
consiste à rendre compatibles les dépense de formation du revenu et les dépenses de
disposition du revenu. (l'État y parviendra essentiellement par une action sur la répartition);
une fonction de formulation et de gestion de la politique économique, c'est-à-dire de
l'ensemble des actions de l'État non liées à une intervention sur la répartition, mais
contribuant à une accumulation à un rythme socialement acceptable, c'est-à-dire compatible
avec le maintien de l'intégration de la classe ouvrière.
Dans la perspective de la théorie marxiste, l'intervention de l'État, (outil aux mains de la
classe dominante) sous la forme de la politique économique suppose que trois conditions
soient réunies :
- que l' excès relatif de capital, au regard des possibilités d'obtention du taux normal de
profit, qui ne saurait être durablement inférieur au taux moyen, devienne structurel
(tendance structurelle à la surproduction de capital);
- que la formation et le développement d'un capital public, c'est-à-dire de capitaux investis
productivement mais qui sont soustraits à la contrainte de réalisation d'un profit normal
étant donné qu'ils sont la propriété de l'État; ait historiquement pris place;
- que la nécessité de la politique économique apparaisse au niveau de la société sous la
forme d'une solution possible à la contradiction entre la forme dominante de dévalorisation
structurelle du capital et le prélèvement accru sur la plus-value que cette forme induit. En
d'autres termes, l'apparition d'une situation de suraccumulation absolue ou relative du
capital au regard des possibilités courantes de le mettre en valeur n'implique pas
mécaniquement une rupture du processus d'accumulation du capital. Elle exige simplement
qu'une partie du capital social cesse de se valoriser ou ne se valorise qu'à des conditions
plus défavorables. 8)(

(7) "L'État keynésien repose sur l'idée que les choix individuels décentralisés ne permettent pas d'atteindre
spontanément un état correspondant à l'intérêt de la collectivité." M. MOUGEOT, Économie du secteur
public, Economica, 1988.
(8) cf. L. FONTVIEILLE, "Dépenses publiques et problématiques de la dévalorisation du capital", Annales,
E.S.C., mars-avril 1978.
65

PRIX ADMINISTRES

Les prix administrés sont des prix réglementés qui ne résultent pas de la confrontation d'une
offre et d'une demande sur des marchés concurrentiels. Ces prix, comme le note P.
KENDE, loin de traduire des utilités marginales ou des satisfactions ne mesurent que des
contraintes. 1)
(

Pour de nombreuses professions dont l'exercice est réglementé, l'objectif initial d'une
fixation par voie administrative des prix était la protection du consommateur. Parmi les
professions réglementées, on peut citer : les professions médicales, la pharmacie, les divers
<<ordres professionnels >> (notaires, experts-comptables); des activités diverses telles que
stations-service, auto-écoles, taxis etc...
L'analyse en termes de marchés politiques 2) assimile la réglementation des prix à un moyen
(

d'améliorer la situation d'une catégorie déterminée au détriment du reste de la population.


Dans cette perspective, il s'agit de comparer l'avantage en termes de soutien politique au
gouvernement, d'une mesure discriminatoire au coût politique que représente le risque de
s'aliéner les votes des catégories lésées par l'adoption de la mesure envisagée. Le plus
souvent, la réglementation avantage les producteurs nombreux et de taille modeste, qui
peuvent représenter dans des activités concurrentielles telles que l'agriculture ou le
transport routier, des catégories pour lesquelles l'avantage de la réglementation est très
important alors que les consommateurs très nombreux semblent peu susceptibles de former
une coalition pour exiger l'abolition d'une mesure qui, pris individuellement, ne paraît les
léser que marginalement.
Aux côtés des modalités diverses de réglementation des prix qui ont été appliquées en
France de 1936 à 1986, (date à laquelle les prix ont été totalement libérés à l'exception des
tarifs publics, des loyers, du prix du livre et des médicaments), pour des raisons de
régulation conjoncturelle les pouvoirs publics peuvent mettre en oeuvre des mesures de
blocage des prix, "qui conduisent à suspendre momentanément, sauf dérogation, les
régimes de prix habituels pour arrêter automatiquement les prix au niveau où ils se
trouvaient à un moment donné" 3) . Au cours des trente dernières années, la France a connu
(

trois périodes de blocage : en 1963, en 1976, et en 1982.

(1) cf. P. KENDE, "Libertés et contraintes de la société productiviste", Diogène, 1968, n° 63, p.9
(2) cf. G. STIGLER, "The Theory of Economic Regulation", Bell Journal of Economics, n° 2, 1971.
(3) J. P. COURTHEOUX, "Libération des prix, l'expérience française" Eurépargne, n° 4, janvier 1987,
p.12.
66
67

PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

Par convention, on appellera microentreprises les entreprises de moins de 10 salariés et


P.M.E. les entreprises de 10 à 499 salariés. Dans l'Europe des Douze, les petites et
moyennes entreprises représentent 8,6% du total des entreprises, tandis qu'en France elles
ne représentent que 6,4% du total.
L'EUROPE DES ENTREPRISES
(en pourcentage du total par pays)

PAYS Micro-entreprises P.M.E. Grandes entreprises


0 à 9 salariés 10 à 499 salariés Plus de 500 salariés
Allemagne 86,0 13,8 0,2
Espagne 94,8 5,1 0,1
France 93,5 6,4 0,1
Italie 90,6 9,3 0,1
Royaume-Uni 90,0 9,8 0,2
EUROPE DES DOUZE 91,3 8,6 0,1
Source : La France des Entreprises, sous la direction
de C. BLUM et C. VILLENEUVE, L'entreprise, octobre 1991
Les Pme françaises emploient 42% de salariés contre 45% dans l'ensemble de Europe des
Douze. Naturellement, les PME constituent un ensemble hétérogène puisque le
comportement des entreprises de plus de 50 salariés qui, en 1986 en France occupaient
23,9% des effectifs salariés de l'ensemble des entreprises ont un comportement plus proche
de celui des grandes que de celui des petites. 42% des entreprises, des Pme pour la quasi-
totalité, existant début 1987 ont été créées entre 1981 et 1986.
Par rapport aux grandes entreprises , les PME souffrent d'un double handicap : elles
supportent des taux d'intérêt supérieurs de plus de 2 points à ceux des grandes entreprises,
leur endettement moyen représentait 70% du total de leur bilan contre 57% pour les
grandes entreprises; elles subissent par ailleurs des discriminations en matière d'accès aux
ressources. 1) En revanche, dans les domaines de l'emploi et de l'innovation les PME
(

semblent avoir mieux réussi dans la période récente que les grandes : ainsi de 1977 à 1984,
les pertes d'effectifs ont été deux fois moins importantes dans les PMI que dans les grandes
sociétés industrielles (270.000 contre 550.000); en 1991 22.000 entreprises de moins de 2O
salariés ont déclaré développer des produits ou des procédés innovants alors qu'elles ne
consacrent que 0,1% de leur chiffre d'affaires à la recherche contre 5,4% pour les
entreprises de plus de 2.000 salariés. 2) (

ETAT-PROVIDENCE
(1) cf. C. BIALES, G. ROLLAND, "Les PME : atouts et handicaps", Ecoflash, n° 40, juin 1989.
68

L'Etat-providence correspond à "un ensemble d'activités civiles de fournitures de services,


de réglementations et de versements de revenus de transfert qui sont assurées par la
puissance publique en vue, soit d'augmenter le bien-être de la collectivité nationale, soit de
modifier la répartition de ce bien-être au sein de la population." 1)(

L' Etat-Providence apparaît avec la création du système de protection sociale. Lord


Beveridge, dans son célèbre rapport de 1942 intitulé "Social Insurance and allied services"
assigne à l' Etat-Providence sa mission historique : libérer le corps social du besoin. Les
assurances sociales sont apparues dès la fin du XXème siècle en Allemagne, tandis qu'en
France les premières grandes lois relatives aux assurances sociales datent de 1928 et 1930.
Mais ce n'est véritablement qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, que l'idée d'une
protection sociale fondée sur un principe de solidarité nationale s'est imposée. En France, la
Charte de la Résistance avait prévu dés le 15 mars 1944, "un plan complet de sécurité
sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence dans tous les cas où ils
sont incapables de se les procurer par le travail". L'ordonnance du 4 octobre 1945 a précisé
que la sécurité sociale est destinée "à garantir les travailleurs et leurs familles contre les
risques de toute nature susceptibles de réduire ou supprimer leur capacité de gain, et à
couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu'ils supportent". En France, les
institutions de protection sociale sont indépendantes de l'État, ce qui signifie que les
prestations sociales ne sont pas financées, en principe par l'impôt mais par des cotisations
sociales versés par les salariés et les employeurs.
Selon P. ROSANVALLON, "l'Etat-providence a toujours cherché à remplir deux fonctions
principales : une fonction de prévention des risques par l'assurance obligatoire (qui instaure
une sorte de solidarité horizontale entre les individus) et une fonction de redistribution (qui
consiste à instaurer une solidarité verticale entre les hauts et les bas revenus). Cette double
fonction a longtemps semblé pouvoir être poursuivie par des instruments identiques(...)" 2) (

Dans tous les pays industrialisés la croissance d'après-guerre a permis à la fois un


développement des dépenses de santé à un rythme supérieur au taux de croissance du
produit national brut ainsi qu' une compensation des conséquences financières de la
dégradation du rapport actifs-inactifs, conséquence du boom nataliste de l'immédiat après-
guerre. La crise du système productif, dans la foulée des chocs pétroliers a rendu impossible
la poursuite simultanée de la couverture des risques pour lesquels les systèmes de
protection sociale avaient été mis en place (maladie, retraite...) et l'extension de cette
couverture à d'autres risques (chômage, nouvelles formes de précarité et d'exclusion).

(2) cf. C. de BARRY, B. SAVOYE, "Les petites entreprises innovantes", INSEE Premiere, n° 268, juillet
1993.
(1) B.CAZES, "L'Etat-protecteur contraint à une double manoeuvre", Futuribles, janvier 1981, p.7.
(2) P. ROSANVALLON, "La crise de l'Etat-providence", Seuil, 1981.
69

La crise de l'Etat-providence consécutive à la crise du système productif revêt d'abord un


caractère financier : en France, le coût d'indemnisation du chômage a été multiplié par
quatre entre 1973 et 1981, en Belgique il a été multiplié par douze. D'une manière générale,
alors que la croissance des revenus se ralentit parallèlement à la chute du taux de croissance
de l'activité, que le nombre de cotisants diminue, les prestations poursuivent leur
progression à un rythme propre, en raison de facteurs spécifiques dont certains sont
aggravés par la crise comme les allocations d'assurance-chômage.
Parmi les prestations dont l'évolution n'est pas directement liée à la crise, le système de
retraites publiques fournit une bonne illustration des difficultés liées à la crise financière de
l'Etat-providence. Ce système comporte trois étages : le minimum vieillesse, le régime
général pour les salariés qui leur verse une pension égale à 50% de leurs dix meilleures
années de salaires bruts plafonnés et revalorisés; les régimes complémentaires. En moyenne
le taux de remplacement, c'est-à-dire le rapport entre la pension et le dernier salaire net est
de l'ordre de 78% pour les hommes et de 72% pour les femmes. 3) Or le système français de
(

retraites publiques est fondé sur la répartition : les cotisations d'une année donnée servent à
payer les prestations de la même année. Il repose donc sur une solidarité
intergénérationnelle. Or, on sait que le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de
retraités du régime général de sécurité sociale doit revenir de 2 en 1990 à 1,4 en 2010. Si
l'on veut maintenir le taux de remplacement actuel, cela implique qu'il faudrait faire passer
le taux de cotisation vieillesse de 17,5% du salaire en 1990 à près de 25% en 2010 et à 30%
en 2020, ce qui paraît inacceptable. D'où l'idée, qui nourrit la thèse d'une crise de légitimité
de l'Etat-providence, d'un passage au moins partiel à un système par capitalisation. Dans un
tel système les caisses de retraite utilisent les cotisations des individus pour accumuler des
actifs (financiers ou immobiliers) et financent leurs prestations retraites en liquidant ces
actifs. Comme l'écrivent B. PERRET et G. ROUSTANG, " le chômage et le vieillissement
de la population accentuent l'ampleur de la redistribution entre actifs et inactifs et mettent
en cause la légitimité des mécanismes de solidarité. L' État, qui s'est limité en France au rôle
de garant passif de l'équilibre financier d'un système géré par des <<partenaires sociaux>>
de moins en moins représentatifs, ne pourra éluder longtemps la redéfinition de son rôle -ce
qui passe, notamment, par une distinction plus nette entre le registre de la solidarité et celui
de l'assurance." 4)
(

Est-ce pour autant la fin de l' Etat-providence? Il ne le semble pas puisque la plupart de ses
difficultés sont la conséquence de la crise du système productif et que, lorsque celle-ci sera
résorbée, rien n'interdira à celui-ci de retrouver ses fonctions traditionnelles. Mais, à l'instar
d' Alain TOURAINE, il est possible d'adopter une vision moins conservatrice et d'estimer
que la capacité à sortir de la crise dépendra de l'invention d'un nouvel Etat-providence
(3)cf. J. LACROIX, "Les retraites en 1988", Économie et statistique, juin 1990.
(4) B. PERRET,G. ROUSTANG, "L'économie contre la société. Affronter la crise de l'intégration sociale
et culturelle", Seuil, 1993, p. 264.
70

"chargé de limiter les coûts humains extrêmement élevés de changements sociaux rapides et
en particulier de la tertiairisation accélérée de l'économie."
71

JOINT-VENTURE

La joint venture est une entreprise conjointe qui peut associer des partenaires publics et
privés. Il peut s'agir de filiales communes de groupes distincts ou de sociétés indépendantes
financées par plusieurs firmes, lesquelles en sont les actionnaires. Les "joint-venture" sont
apparues d'abord dans les relations avec les pays à commerce d'État, puis dans les relations
avec des pays en développement affrontés à une pénurie récurrente de devises. Dans les
pays industrialisés les joint-venture se sont développées dans le domaine de la recherche : "
les nouvelles sociétés de recherche ainsi constituées disposent d'une part, de chercheurs
détachés par les firmes partenaires et d'autre part, de chercheurs embauchés spécialement
pour le projet. Les résultats des travaux de R-D sont de caractère exclusif et les activités
relevant de l'entreprise conjointe ont un aspect commercial indiscutable." 1) Les joint venture
(

entre capitaux publics et privés sont souvent la proie d'un affrontement entre les deux
principaux actionnaires pour le contrôle du groupe. Ainsi le groupe Enimont constitué le
1er janvier 1989 à partir d'actifs apportés par Enichem, filiale du conglomérat d'Etat E.N.I.,
et par Montedison du groupe privé Ferruzzi a-t-il dû disparaître, au terme du rachat en
novembre 1990 par l'ENI des 40% du capital que détenait Ferruzzi. 2) (

La COFACE garantit à peu près 24% des exportations françaises. Les défaillances sur les
grands contrats passés dans les années 70 expliquent le durcissement des conditions de
garantie. A titre d'exemple, en 1990, 19 milliards de francs d'indemnités ont été versés,
principalement sur quatre pays : l'Irak, le Maroc, le Nigéria et l'Egypte.
De même la réorientation des exportations françaises vers les pays solvables contribuent à
ce durcissement. C'est ainsi que la part des pays riches dans l'ensemble des nouveaux
risques pris chaque année est passée de 27% en 1985 à 46% en 1987, tandis que dans le
même temps la part des pays pauvres a été ramenée de 26 à 17%. 2) (

Par ailleurs, la garantie de change ( la COFACE indemnise l'entreprise de la perte de change


si le cours réel de cession des devise est inférieur au cours garanti) a connu ces dernières
années une progression importante.

(1) O.C.D.E, "Économie et Technologie. Les relations déterminantes", Paris,1992, p.81.


(2) L'économie internationale en mouvement, sous la direction de Y. MESSAROVITCH et P. VALLAUD.
Édition 1991-92, Pluriel, Hachette, 1991, p. 117.
(2) Ministère de l'Économie des Finances et du Budget, Ministère du Commerce Extérieur, Direction des
Relations Économiques Extérieures, Bureau Analyse et Prévision, "Où en est la compétitivité française? La
Documentation française, juin 1989, p. 133.
72

En 1992, pour 1,8 milliard de francs de primes et 8,5 milliards de francs de récupérations, la
COFACE a dû verser 16 milliards de francs d'indemnités. Ce qui fait apparaître, après
imputation de charges diverses un besoin de financement de 6,3 milliards de francs. Aussi
cette même année une opération de restructuration de son capital a-t-elle été engagée dans
le but de stabiliser et renforcer son actionnariat. Elle se caractérise par une double évolution
3) :
(

-l'entrée au capital de la COFACE de deux réassureurs, la Société commerciale de


réassurance (SCOR) pour 20% et la Société anonyme française de réassurance (SAFR)
pour 2%; aucun réassureur ne figurait auparavant dans le capital de la COFACE.
-la confirmation de la position des AGF et des autres actionnaires qui leur sont associés;
leur participation globale est, en effet, portée de 43,3 à 49,9%

mi-1993 s'établirait à 5 milliards 506 millions de personnes. Par zone géographique, la


population mondiale se répartit comme suit :
Afrique 676,7 millions
Océanie 27,7 millions
Asie (sans Russie) 3326,5 millions
dont Chine 1178,5 millions
dont Inde 897,4 millions
dont Japon 124,8 millions
Amérique septentrionale 286,6 millions
dont U.S.A. 258,3 millions
Amérique latine 460,2 millions
dont Brésil 152,0 millions
dont Mexique 90,0 millions
Europe ( sans Russie ) 579,2 millions
Russie 149,0 millions

La connaissance de la population mondiale est récente puisqu'elle dépend de la qualité du


dénombrement effectué. En 1953, a été effectué le premier recensement complet. en Chine.
Les variations dans l'évaluation de la population mondiale ont des origines diverses : 6

- l'importance et la sûreté des moyens engagés pour effectuer les recensements, -c'est ainsi
que la population du Nigéria évaluée à 123 millions d'habitants jusqu'en 1991 n'est après le
dépouillement de 1991 plus créditée que de 88 millions d'habitants, mais on estime qu'avec
un accroissement de 3% par an et 45% de sa population de moins de 15 ans, le Nigéria aura

(3)Direction du Trésor, art. cit. p.8.


6 Cf. Jean-Marie POURSIN, "Les fausses surprises de la démographie mondiale," Futuribles, n°183,
janvier 1994.
73

en moins de 7 ans, c'est-à-dire d'ici la fin du siècle retrouvé et dépassé les 120 millions
d'habitants;
- les changements de comportements démographiques qui exercent une influence très
importante non seulement sur les statistiques de projection mais aussi sur le montant de la
population et ceci même dans l'intervalle assez court qui sépare deux recensements ; c'est
ainsi que la projection affichée en 1989 pour les États-Unis en 2050 était de 301 millions
d'habitants alors qu'en 1993 le chiffre correspondant est de 382 millions. (pour 2050)
L'écart très important entre ces deux évaluations est lié aux enseignements qu'apporte le
recensement général de 1990 par rapport aux résultats de celui de 1980 : ainsi, d'une part
l'indice synthétique de fécondité est remonté depuis 7 ans pour se situer à 2,095 enfants par
femme, et d'autre part, l'importance des minorités ethniques représentant des groupes de
population caractérisés par leur plus haute fécondité s'est accrue entre les deux
recensements. Enfin, les nouvelles dispositions de l'Immigration Act de 1990 ont conduit le
7

Bureau of the Census à tabler annuellement sur 880.000 nouveaux immigrants au lieu de
500.000 immigrants prévus auparavant.
- la plus ou moins grande efficacité dans l'application des politiques démographiques : c'est
ainsi que l'annonce, en Chine d'un taux de fécondité finale pour la fin de l'année 1993 de
1,8-1,9 enfant par femme alors que ce taux était encore de 2,3 en 1990 conduit à la
réalisation avec 18 ans d'avance d'un objectif prévu pour 2010. 8

Pour l'ensemble de l'OCDE, la croissance du produit intérieur brut passe de 5,2% l'an entre
1960 et 1973 à 2,6% l'an entre 1973 et 1986 et celle de la productivité totale apparente des
facteurs de 2,8 à 0,6%. S'agissant de la France, P. Dubois 3) utilisant la méthode comptable,
(

montre que la baisse du

En France, en 1994, l'industrie au sens large, représente 23,7 % du P.I.B. tandis que
l'ensemble du secteur tertiaire (branches U10 à U14 dans le découpage en 16 branches
correspondant aux services marchands et non marchands plus la branche
commerce U08) représente 66,4% du P.I.B.

7 "La population d'origine asiatique atteint 8 millions en 1992 et s'est accrue de 124% depuis 1980. Dans le
même temps les Hispaniques s'accroissent de 65%, soit 10 millions, les Africains-Américains de 16%, à un
taux trois fois plus élevé que celui de la population blanche." Art. cit., p.23.
8cf. J-M. POURSIN, art. cit. p.26.
(
74

L'emploi en 1994 est de 22,1 millions de salariés et non-salariés se répartissant ainsi : 4,8%
dans l'agriculture, 19,3,% dans l'industrie au sens large, 6,7,% dans le bâtiment et le génie
civil et agricole,41,5% dans les services marchands, 27,8% dans les services non
marchands. 1) (

A la fin de l'année 1991, l'INSEE recense en France 2.419.549 entreprise qui se répartissent
ainsi, selon les tranches d'effectifs :

REPARTITION DES ENTREPRISES ET DE LEURS SALARIES


PAR TRANCHES D'EFFECTIFS SALARIES A LA FIN DE L'ANNEE 1991
Tranches ! 0 salarié ! 1-9 salariés ! 10-19 ! 20-499 ! 500 ! TOTAL
d'effectifs ! ! ! salariés ! salariés ! salariés !
Entreprises ! 1.283.898 ! 977.930 !78.475 ! 75.259 ! 1987 !
2.419.549
Salariés ! 0 ! 2.628.109 ! 1.045.958 !4.687.564 ! 3.745.626 !
12.107.257

Les PME définies comme entreprises de 10 à 499 salariés représentent 6,4% de l'ensemble
des entreprises, et emploient 5.733.522 salariés, soit plus de 47% de l'effectif total de
salariés. En revanche, les entreprises de 500 salariés et plus qui ne sont que 1987
n'emploient que 31% de l'effectif total.

(1) cf. I.N.S.E.E., Tableaux de l'économie française, édition 1993, p.96.


75

Les Pme françaises emploient 42% de salariés contre 45% dans l'ensemble de Europe des
Douze. Naturellement, les PME constituent un ensemble hétérogène puisque le
comportement des entreprises de plus de 50 salariés qui, en 1986 en France occupaient
23,9% des effectifs salariés de l'ensemble des entreprises ont un comportement plus proche
de celui des grandes que de celui des petites. 42% des entreprises, des Pme pour la quasi-
totalité, existant début 1987 ont été créées entre 1981 et 1986.
Par rapport aux grandes entreprises , les PME souffrent d'un double handicap : elles
supportent des taux d'intérêt supérieurs de plus de 2 points à ceux des grandes entreprises,
leur endettement moyen représentait 70% du total de leur bilan contre 57% pour les
grandes entreprises; elles subissent par ailleurs des discriminations en matière d'accès aux
ressources. 1) En revanche, dans les domaines de l'emploi et de l'innovation les PME
(

semblent avoir mieux réussi dans la période récente que les grandes : ainsi de 1977 à 1984,
les pertes d'effectifs ont été deux fois moins importantes dans les PMI que dans les grandes
sociétés industrielles (270.000 contre 550.000); en 1991 22.000 entreprises de moins de 2O
salariés ont déclaré développer des produits ou des procédés innovants alors qu'elles ne
consacrent que 0,1% de leur chiffre d'affaires à la recherche contre 5,4% pour les
entreprises de plus de 2.000 salariés. 2)
(

(1)
cf. C. BIALES, G. ROLLAND, "Les PME : atouts et handicaps", Ecoflash, n° 40, juin 1989.
(2)cf. C. de BARRY, B. SAVOYE, "Les petites entreprises innovantes", INSEE Premiere, n° 268, juillet
1993.

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