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DE L’UN, Y EN A

François Regnault

L'École de la Cause freudienne | « La Cause du Désir »

2021/1 N° 107 | pages 9 à 11

ISSN 2258-8051
ISBN 9782374710341
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2021-1-page-9.htm
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SCIENCE ET VÉRITÉ
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 De l’Un, y en a
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François Regnault

Pas plus d’une page. L’Un en une page.

S’il (Lacan, puis Jacques-Alain Miller, qui rédige avec génie) avait écrit : « Il y a de l’un », six
mots, pour l’un, c’était bien long. Et puis ce « il », de « il y a », il est inut-il(e). Biffons ce « il 1 ».
Dire alors : « Y a », oral, en une syllabe, ya, presque comme « oui » en allemand : « Ja !
jawohl ! », et comme on dit : « Y a d’la joie ! », avec le de, partitif abrégé, d’. Donc :
« Yad’l’un. Tiens, yad’l’un ! »
Mais pourquoi pas un seul mot : « Yadlun » ? Sauf que ce mot, isolé, s’en irait tout seul,
comme le chat de Kipling, ou deviendrait presque un nom propre, comme Aladin,
« Yadlun » : ce qui exclurait l’un entre autres, et les uns 2.
On va donc garder l’élision du partitif de, et mettre une majuscule à l’un, pour distin-
guer, lorsqu’on le nomme, le numéral un de l’article un : « Yad’l’Un ».
Seulement voilà, on risque de glisser dans la formule L’Un à part, suprême, qu’il n’y a
pas : « Y a L’Un », l’Un de la métaphysique, qui refuse le « il y a » et le « de », et qui deman-
de de l’être : « L’Un est ». Et voici aussitôt Aristote : « Maintenant, l’Être et l’Un sont iden-
tiques et d’une même nature, […] mais non parce qu’ils sont désignés par un mot
unique 3 ». Lacan, qui refuse ici Aristote, se réjouit qu’au moins ils ne soient qu’homo-
nymes. Car les philosophes, Lacan dit d’eux qu’il leur fallait de l’être.
Pourquoi ne pas alors absorber le dans de : « Y a du Un » ? Mais non, car si du = de le,
vous cachez le, vous ne l’ôtez point. Avouons plutôt l’article, mais, faisons comme si le par-
titif d’ (« Ce de qui n’est plus là qu’un mince pédicule », dit Lacan 4 ) opérait une crase de
l’article et du numéral : le + un = lun. D’où : « Yad’lun. »
On évite alors de le monter en épingle (l’un), on montre qu’on tombe soudain sur lui :
« J’ai marché dans d’lamerde ! » Cela donne « lun », un mot en deux, image même de
l’équivoque du signifiant (comme lalangue ! 5 ) Mais attention, ce(t) Un n’est pas comme la
joie ou la merde, car, à chaque fois, l’Un compte pour un, un Un, d’où la majuscule
(comme le Roi régnant a droit à son nombre).
On écrira donc et on dira d’un coup : « Yad’lun », comme une devise ! Autrement, si on le men-
tionne seulement, on admettra la majuscule, l’Un. Dans la langue, ou dans lalangue ? Dans les deux.
Justement : outre l’Un de la nature, laquelle, me dit un jour Lacan, n’existe pas (elle est deve-
nue aujourd’hui l’écho des logis), il y a l’Un de la langue, équivoque aussi bien : « l’Un, hein ? 6 »
Enfin, dans la cure analytique, dit Lacan, l’Un est à deux niveaux : « l’Un qui se répè-
te », et « l’Un dont il s’agit dans le S1 7 ». Le plus-de-jouir du sujet, hein !
31.12.20
François Regnault est membre de l’École de la Cause freudienne.
1. Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, août 2011, p. 127 et p. 137.
2. Ibid., p. 149 et sq.
3. Aristote, Métaphysique, livre G, chap. 2, 1003b 35.
4. Lacan J., op. cit., p. 129.
5. Sur « lalangue », voir Miller J.-A., « Théorie de lalangue », Ornicar ?, no 1, p. 16-34.
6. Lacan J., op. cit., p. 137. Sur l’opposition de l’Un de la nature de Galilée (la physis) et l’Un de Saussure (du signi-
fiant), voir Milner. J.-C., L’amour de la langue, Paris, Seuil, 1978, p. 68-69.
7. Ibid., p. 165.

La Cause du désir n 107o 11