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1.

Définition de préjugés
« La raison, le jugement, viennent lentement, les préjugés accourent en foule. »
Jean-Jacques Rousseau, philosophe
En psychologie sociale, il existe de nombreuses théories visant à expliquer les préjugés et la
discrimination (pour une revue, voir Guimond, 2004). En effet, les recherches
empiriques dans ce domaine ont connu une véritable explosion au cours des 20 dernières
années. Les préjugés sont habituellement définis comme des attitudes négatives ou
défavorables à l’encontre de certains individus en raison de leur appartenance à un groupe
(Brown, 1995). Une tendance relativement générale consiste à expliquer ces préjugés à
l’aide de facteurs négatifs. Les préjugés seraient causés par des facteurs comme la frustration
personnelle, la privation économique, le feedback négatif, l’échec personnel ou la menace à
l’estime de soi. Ainsi, Fein et Spencer (1997) présentent les résultats d’une série
d’expériences, fort ingénieuses, qui confirment ce type d’explication. Dans leur paradigme,
ils demandent à des étudiants de compléter un test évaluant leur capacité intellectuelle. A
l’issue de ce test, on attribue au hasard un feedback d’échec à certains étudiants, et un
feedback neutre ou aucun feedback à d’autres. En remerciant les participants, on sollicite
leur participation à une deuxième expérience sur un sujet totalement différent. Pour une
organisation quelconque, on leur demande alors d’examiner la prestation de certains
candidats pour un poste et de donner leur avis sur les mérites relatifs de ces différents
candidats. Certains participants apprennent alors, de manière incidente, que parmi les
candidats, certains appartiennent à un exogroupe cible (noirs ou homosexuels). En mesurant
l’évaluation de ces candidats, on rend compte donc les préjugés. En accord avec la théorie de
Fein et Spencer (1997), les résultats montrent que les participants ayant subi un échec
personnel manifestent plus de préjugés que ceux ayant obtenus un feedback neutre. Selon les
auteurs, ces résultats montrent bien que le préjugé, l’évaluation négative d’autrui, sert à
réparer ou restaurer l’image de soi suite à une menace à l’intégrité du soi (i.e., échec au test
d’intelligence)1.
Le mot préjuger, désigne juger avant. C'est un jugement de valeur.
Avoir des préjugés, c’est exprimer un jugement inconsidéré et définitif sur une seule
personne ou un groupe de personnes sans les connaître suffisamment.
Le préjugé est donc une idée préconçue sur une seule personne ou un groupe de personnes.
Car préjugés nous sont inculqués par notre environnement social, s’en défaire demande une
prise de conscience, un travail sur soi.

Un exemple de préjugé

1
Serge Guimond, « La fonction sociale des préjugés ethniques », Cahiers de l’Urmis [En ligne] ,10-11 | décembre 2006, mis en ligne le 15
décembre 2006, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/urmis/207
« Les deux garçons jouaient au parc. Quand vint l’heure de partir, le plus petit tomba et se
blessa au genou. L’autre, qui était plus grand, donc plus fort et en santé, alla l’aider à se
relever. Finalement, les parents arrivèrent et, voyant le grand garçon prêt à prendre le plus
petit dans ses bras, ils crièrent, lui disant de cesser de faire mal à plus petit que lui. »2
2. Les effets envers autrui
2.1. La discrimination
La discrimination est le comportement qui est induit par les stéréotypes et les préjugés. Elle
consiste à appliquer un traitement différentiel et inégal à des personnes ou des groupes en
raison de leur origine, de leur appartenance ou de leurs opinions, réelles ou supposées. La
discrimination peut être positive (en fonction d’un a priori valorisant) ou négative (en fonction
d’un préjugé dévalorisant). Dans le langage courant, la discrimination désigne un
comportement préjudiciable aux personnes, qui affecte de nombreux domaines de la vie
sociale, tels que l'emploi, le logement, les droits politiques, l’accès aux discothèques3...
La discrimination est définie comme un comportement négatif – et non justifiable – à
l'encontre des individus membres de l'exogroupe envers lequel nous entretenons des préjugés
(Dovidio et Gaertner, 1986) La discrimination correspond alors en quelque sorte à la « mise
en actes » des préjugés et des stéréotypes.
2.1.1. Les manifestations de la discrimination
La discrimination se manifeste à des degrés divers et sous différentes formes, du non verbal,
à l'évitement ou à l'exclusion, en passant par les insultes, voire les agressions.
Par exemple, il peut s'agir de refuser l'entrée dans un établissement de nuit en raison de son
origine ethnique, au profit de l'embauche d'un homme, pas d'une femme, de 30 ans plutôt que
de 50 ans, ne pas allouer hébergement en fonction de la couleur de la peau, etc.
Malheureusement, les exemples de pratiques discriminatoires ne manquent pas.
2.1.2. Relation entre les préjugés et la discrimination
Si la discrimination repose sur l'existence de préjugés, alors les préjugés Ceux-ci ne se
traduisent pas toujours par des pratiques discriminatoires.
Bien que la discrimination puisse provenir de préjugés, elle n'est pas automatique.
En effet, il a été démontré à partir de nombreuses études que la relation entre attitudes et
comportements est loin d'être systématique Pettigrew, 1993 ; voir aussi à ce propos la
métaanalyse de Glasman et Albarracín, 2006).
L'étude de LaPierre (1934) en est une belle illustration et est l'une des premières dans le
domaine. En traversant les États-Unis dans les années trente avec quelques amis chinois,
LaPierre s'est arrêté dans soixante-sept hôtels, un seul a refusé de les servir, et quatre-vingt-
quatre restaurants ont pris le relais. Six mois après son retour, il a envoyé un questionnaire
aux restaurants et hôtels qu'ils ont visités. À la question " Accepteriez-vous des individus de
race chinoise comme clients dans votre établissement ? « Sur les réponses, plus de 90 % des

2
MONDE EN TÊTE est un projet d’éducation au Vivre-ensemble et à la citoyenneté. Il est soutenu par la Commission scolaire de Montréal,
l’Agence canadienne de développement international (ACDI) et les Œuvres du Cardinal Léger.
3
Guide de délivrance du programme d’intégration citoyenne aux personnes primo-arrivantes
Réalisé par le Dispositif de concertation et d’appui aux Centre régionaux d’intégration - Document évolutif - Février 2013
propriétaires de restaurants et d'hôtels ont déclaré qu'ils n'accepteraient pas les clients chinois.
Un seul établissement répondit par l’affirmative
2.2. Jugements et évaluations
Comme nous l’avons vu, les stéréotypes sont des représentations simplifiées de la réalité des
groupes. S'ils nous aident à visualiser plus facilement le monde qui nous entoure, à prédire le
comportement des membres d'autres groupes et à ajuster notre comportement en conséquence,
alors nous les combinons également avec un biais de jugement. Ainsi, par exemple, les
membres des exogroupes sont perçus comme plus similaires qu’ils ne le sont réellement.
D’une manière générale, les stéréotypes et les préjugés colorent notre jugement et, de ce fait,
ont un impact non négligeable sur ce dernier en orientant la manière dont nous percevons les
individus appartenant à un groupe mais aussi la manière dont nous interprétons leurs
comportements.4
3. Les effets sur soi
3.1. Les conséquences de la discrimination

Préjugés et discriminations ont des conséquences non négligeables au niveau émotionnel. En


particulier, les personnes victimes de discrimination présentent un sentiment d’injustice
(Steiner et Bertolino, 2006), des affects négatifs (honte, tristesse, éventuellement dépression),
plus de stress et d’anxiété (Dion, 1986). Ces réactions émotionnelles sont d’autant plus
importantes pour les personnes qui s’identifient fortement à leur groupe d’appartenance. C’est
également chez ces personnes que la tendance à interpréter les incidents négatifs comme de la
discrimination sera la plus forte (Major, Quinton et McCoy, 2002). L’expérience répétée
d’épisodes négatifs de stigmatisation et/ou de discrimination peut aussi se traduire par
l’installation d’une anxiété relative aux interactions avec autrui et, plus généralement, par une
méfiance et une hostilité envers la société dominante. Après une phase de réaction, passant
parfois par l’agressivité, les conséquences d’expériences de discrimination répétées peuvent
également se traduire par un sentiment de manque de contrôle chronique, d’impuissance face
aux événements, qui peut aboutir à une détérioration de la santé physique. De plus, la
discrimination étant une atteinte à l’identité sociale, elle entraîne une plus forte identification
(voire un repli) sur l’endogroupe (Dion, 1986). Dans le cas de minorités, ceci peut nuire de
manière importante à l’intégration via la mise en place de stratégies d’acculturation.

Quels impacts de la discrimination sur la santé ?

En 2015, une méta-analyse de 293 études scientifiques5 a montré que la discrimination a de


multiples conséquences négatives sur la santé physiologique et psychologique des personnes
victimes de racisme.

4
Jean-Baptiste LEGALE, Sylvain DELOUVEE. (10 septembre 2008). Stéréotypes, préjugés et discriminations. (2e édition).DUNOD
5
Paradies, Y., Ben, J., Denson, N., Elias, A., Priest, N., Pieterse, A., … & Gee, G. (2015). Racism as a determinant of health: à systematic
review and meta-analysis. PloS one, 10(9), e0138511.
Parmi ces conséquences, on compte :

 Des atteintes du système cardiovasculaire6


 Un indice de masse corporelle et des taux d’obésité plus élevés7
 De l’hypertension8
 Des comportements à risque plus fréquents9
 Une plus grande consommation d’alcool10
 Des troubles du sommeil11
 La dépression12

La discrimination génère un stress sur l’organisme et fait apparaître des signes précliniques.
Ceux-ci rendent les personnes concernées plus vulnérables aux maladies. En 2015, une équipe
de recherche a recensé les signes suivants : augmentation de la charge allostatique
(accumulation de stress), inflammation, télomères plus courts (vieillissement plus rapide),
calcification des artères coronaires, dérégulation de la production de cortisol et plus grand
stress oxydant.

6
Lewis, T. T., Williams, D. R., Tamene, M., & Clark, C. R. (2014). Self-reported experiences of discrimination and cardiovascular
disease. Current cardiovascular risk reports, 8(1), 365.

7
Bernardo, C. D. O., Bastos, J. L., González‐Chica, D. A., Peres, M. A., & Paradies, Y. C. (2017). Interpersonal discrimination and markers
of adiposity in longitudinal studies: A systematic review. Obesity reviews, 18(9), 1040-1049.
8
Dolezsar, C. M., McGrath, J. J., Herzig, A. J., & Miller, S. B. (2014). Perceived racial discrimination and hypertension: à comprehensive
systematic review. Health Psychology, 33(1), 20.
9
Stock, M. L., Gibbons, F. X., Beekman, J. B., Williams, K. D., Richman, L. S., & Gerrard, M. (2018). Racial (vs. self) affirmation as a
protective mechanism against the effects of racial exclusion on negative affect and substance use vulnerability among black young
adults. Journal of behavioral medicine, 41(2), 195-207.
10
Gilbert, P. A., & Zemore, S. E. (2016). Discrimination and drinking: A systematic review of the evidence. Social Science &
Medicine, 161, 178-194.
11
Slopen, N., Lewis, T. T., & Williams, D. R. (2016). Discrimination and sleep: a systematic review. Sleep medicine, 18, 88-95.
12
Hudson, D. L., Puterman, E., Bibbins-Domingo, K., Matthews, K. A., & Adler, N. E. (2013). Race, life course socioeconomic position,
racial discrimination, depressive symptoms and self-rated health. Social Science & Medicine, 97, 7-14.

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