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Madame WISOCKI Dorine DUBUS Élodie

Dissertation - L’employeur face à un principe de non-discrimination à l’embauche.

« Aujourd’hui, l’égalité des droits, c'est le droit pour chacun d'être différent. Celui qui opte pour la
discrimination a perdu ». Cet apophtegme de Monsieur Shimon PERES, ancien président et premier
ministre israélien ainsi que prix Nobel de la paix grâce à son implication dans la signature des
accords d'Oslo en 1994 avec les palestiniens, invite à une réflexion profonde sur le droit pour
chacun d'affirmer face à d'autres sa singularité tout en ne craignant pas de pouvoir faire l'objet en
retour d'une quelconque discrimination. La notion d'égalité entre les Hommes est apparue la
première en droit positif français par le biais de la DDHC ainsi que le préambule de la Constitution
de 1946 auquel renvoie le préambule de la Constitution de 1958 tandis que le principe de non
discriminations a été plus tardif à s'affirmer. Le concept de discrimination sociale, plus large que la
simple question de légalité entre les hommes, est apparu à la suite des luttes politiques pour l'égalité
de droits entre les hommes et les femmes et l'abolition progressive de différences légales de
traitements tels que la colonisation et la ségrégation intervenues dans la plupart des pays
occidentaux au début de la seconde moitié du XXe siècle.

Cette idée de discrimination est alors un concept récent apparu dans le droit positif avec la
Déclaration Universelle des droits de l'Homme et plus particulièrement son article 2 alinéa 1er
disposant que « chacun se prévaloir de tous les droits et de toute les libertés proclamés dans la
présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de races, de couleurs, de sexe, de langue,
de religion, d'opinions politiques ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance de tout autre situation   ». Sans évoquer directement un principe de non
discrimination cette Déclaration Universelle des droits de l'Homme invite à tout le monde en
reconnaître l'existence et à viser à sa mise en œuvre.

Néanmoins, malgré cette ambition, cette déclaration n'a su dès le départ empêcher les inégalités de
fait de subsister. Le droit de l’Union Européenne et du Conseil de l'Europe sont ainsi intervenus
progressivement pour compléter le dispositif visant à enrayer toute discrimination.

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Au niveau du droit de l’union européenne l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de
l’union européenne vient clairement poser un principe de non discrimination dans la mise en œuvre
a été complété par de nombreuses directives qui visent à son efficacité. Au niveau du conseil de
l'Europe, l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme ratifié par la
France porte également l'interdiction de discrimination.

En droit interne, le législateur est également intervenu pour encadrer le principe de non
discrimination sous l'influence du droit international et communautaire. Notamment, il a pris soin
d'instituer un véritable arsenal juridique dépassant le simple cadre du droit du travail et s'inscrivant
également en matière civile et pénale. À ce titre, le législateur avait adopté deux lois
emblématiques, la première datant du 16 novembre 2001 en introduisant dans le code du travail aux
articles 1131-1 à 1134-5 les règles relatives au principe de non discrimination, la seconde adoptée le
27 mai 2008 venant transposer en droit interne la définition de la discrimination telle que définie par
divers directives1 du droit communautaire. Au sens de cette loi il convient de faire une distinction
entre discriminations directs et indirects. La discrimination directe se définie comme la situation
dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance vraie ou supposée à
une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle
ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou
ne l’aurait été dans une situation comparable. La discrimination indirecte se définie quant à elle
comme la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique bien que neutre en
apparence est susceptible d’entrainer pour l’un de ces mêmes motifs un désavantage particulier pour
des personnes par rapport à d’autres, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne
soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient
nécessaires et appropriés.

En dépit de ces définitions et de la protection juridique accrue dont semble disposer le principe de
non discrimination, il demeure que celui-ci est particulièrement délicat à saisir en matière de droit
du travail, notamment lorsqu'il rencontre les pouvoirs dont dispose un employeur au sein de son

1 Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les
personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique ;
Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en
matière d'emploi et de travail ;
Directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002 modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil
relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la
formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail ;
Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les femmes et
les hommes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ;
Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité des
chances et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail.
2
entreprise et plus précisément son pouvoir de direction et de commandement. En vertu de ces
pouvoirs, l’employeur est maitre de la gestion de son entreprise, décide seul des choix
économiques, de l'emploi, du recrutement, de l'exploitation de ses activités. Néanmoins, il ne fait
pas de doute quant au fait que les pouvoirs de l'employeur ne peuvent être exercés sans aucune
limite en quelque matière que ce soit, mais davantage en matière de discrimination à l’embauche.

Ainsi, la problématique qui demeure est celle de déterminer comment s'articule le pouvoir de
direction de l'employeur et le principe de non discrimination en matière de recrutement.

Comment état de cause, il apparaît que les pouvoirs de l' employeur font l’objet encadrement
législatif (I) et jurisprudentiel (II) très accru en matière de non discrimination à l' embauche.

I/ Un encadrement législatif étendu des pouvoirs de l’employeur combattant toute


discrimination en matière de recrutement

A/ L’interdiction l’absolue de toute discrimination à l’occasion du recrutement

Malgré le pouvoir de direction dont dispose l’employeur, un certain nombre de contraintes


s’imposent à lui au moment du recrutement au premier rang desquelles s’inscrit l’interdiction
absolue d’opérer la moindre discrimination.

Ce principe est expressément issu de l’article 1132-1 du Code du travail disposant notamment que
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (…) en raison de son
origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou « identité » sexuelle, de son âge, de sa
situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou
de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions
religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, « de son lieu de résidence », ou en
raison de son état de santé ou de son handicap.

A travers cet article, le législateur s’est attaché à définir une liste exhaustive de critères dont
l’employeur de peut en aucun cas tenir compte au moment d’une procédure de recrutement qu’il
opère. Plus encore, la place de cet article au sein du Code du travail témoigne de la volonté d’ériger
le principe de non discrimination comme un principe directeur du droit du travail auquel doit se
soumettre l’employeur en toute circonstance et notamment en matière de recrutement.

3
Cette liste de critères, pourtant déjà peu limitative, est encore complétée par des articles ponctuels2
du Code du travail, venant renforcer la valeur que souhaite accorder le législateur au principe de
non discrimination.

Cet arsenal législatif construit par le législateur limite considérablement le pouvoir de direction de
l’employeur en ce qu’aucune place n’est laissée quant à la possibilité qu’une situation de
discrimination à l’encontre d’un candidat à l’embauche ne puisse exister.

Cette construction redoutable établie est encore renforcée par le fait que les articles 225-1 et
suivants du Code pénal répriment sévèrement toute discrimination afin d’enrayer au mieux toute
tentation d’y céder3.

En tout état de cause, les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation ou les juges de la
Cour de justice de l’Union européenne se montrent intraitables dans leur volonté de faire en sorte
que les principes érigés par le législateurs en matière de non discrimination à l’embauche soit
respectés. C’est ainsi, à titre d’exemple, que la chambre sociale de la Cour de cassation avait
affirmé dans un arrêt du 10 février 1998, en application stricte de la Constitution de 1958 et de
l’article L 321-1-1 ancien du Code du travail que « nul ne peut faire l’objet d’une discrimination en
raison de son origine ». Cette application rigoureuse des principes énoncés par le législateur n’a
d’autre effet que de renforcer la puissance du principe de non discrimination s’imposant à
l’employeur.

Ainsi, il demeure que dans le difficile exercice du recrutement, l’employeur ne doit pratiquer
aucune discrimination fondée sur l’un des motifs expressément prohibés et ne prendre en
considération que les compétences professionnelles du candidat et non pas sa personne en elle-
même. Il est ainsi nécessaire pour l’employeur de faire preuve de l’objectivité la plus remarquable
dans son processus de sélection afin d’éviter tout doute quant à l’existence d’une discrimination.

2 Article L2141-4 du Code du travail qui interdit de la discrimination syndicale - L 2141-4.


Article L1225-1 du Code du travail qui interdit les discrimination fondées sur le sexe.
Article L 1132-3 et L-1153-2 du Code du travail qui interdisent les discrimination à l’encontre de personne ayant subi ou refusé de
subir un harcèlement sexuel ou les témoins.
Article L 1132-2 qui interdit les discrimination à l’encontre des grévistes.
Article L 1132-3-1 qui interdit les discrimination à l’encontre de juré ou citoyen assesseur.
Article L1132-3-2 du Code du travail qui interdit les discrimination à l’encontre d’une personne refusant une mutation dans un État
incriminant l’homosexualité alors qu’elle se revendique elle-même comme homosexuelle.
Article L 1132-3-3 du Code du travail qui interdit les discrimination à l’encontre des lanceurs d’alerte.

3 Bien que celle-ci demeure le plus souvent involontaire, résultant d’à priori que la société contribue à façonner.
4
Ce principe, bien qu’apparaissant extrêmement rigoureux, se justifie par les enjeux sous-jacents à
l’interdiction des discriminations au moment de l’embauche, et plus précisément, la protection des
candidats, partie faible dès le premier stade de toute relation professionnelle.
Cette position de législateur français vise en tout état de cause à protéger la personne même du
candidat et ses différences face à l’oeil potentiellement corrompu d’un recruteur. Notamment, le
candidat est avant tout une personne, avec une histoire, des particularités, des forces et des
faiblesses, un avenir et « l’employeur ne peut alors le contraindre à en changer »4.

B/ L’admission de potentielles différences de traitements à l’occasion du recrutement

Malgré la volonté sans faille dont fait preuve le législateur afin de garantir un droit à la non
discrimination, il a pris soin de déterminer certaines circonstances dans lesquelles une différence de
traitement pourrait être justifiée et ne pas être regardée comme étant discriminatoire.

Ainsi, l’article 1133-1 du Code du travail renvoie expressément à ce tempérament en disposant que
« l’article 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une
exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et
l’exigence proportionnée ».

Ainsi, il apparait que l’employeur peut parfois justifier dans le cadre d’une procédure de
recrutement d’écarter un candidat en raison d’une telle exigence. C’est ainsi à titre d’exemple qu’un
décret du Conseil d’état du 25 mai 1984 était venu préciser qu’il ne pouvait y avoir de
discrimination fondée sur le sexe lorsque l’employeur s’apprête à recruter un artiste, un mannequin
ou modèle afin de lui laisser la possibilité d’adapter au mieux sa recherche en fonction de ses
besoins.

Il convient, par ailleurs, de préciser que l’introduction par le législateur de cette atténuation à
l’article 1133-1 du Code du travail est encore complétée par les articles 1133-2 et suivants, venant
chacun admettre de potentielles différences de traitements ne pouvant constituer une discrimination.

Ce mouvement de limitation au principe de non discrimination trouve d’ailleurs écho dans la


jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne5 ce qui témoigne de la nécessité de

4 Arrêt Cass.Soc - 10 novembre 2009.

5 Arrêt CJUE 12 janvier 2010.


5
permettre à l’employeur de prendre parfois un peu de distance avec le principe de non
discrimination au moment du recrutement.

Ces atténuations prévues par le législateur permettent en outre de redonner poids au pouvoir de
direction de l’employeur mais aussi de veiller à ce que le droit à la non discrimination ne conduise
pas à des situations parfaitement ubuesques en raison d’une logique théorique stricte et trop
implacable. En tout état de cause, elle pourrait parfois aboutir à des situations absurdes qui
pourraient se retourner contre le candidat à un emploi lui-même pouvant se trouver dans une
situation de vulnérabilité dans laquelle il serait encore plus précipité6.

La volonté du législateur par ces atténuations est alors celle de rechercher un équilibre entre les
intérêts des employeurs et des candidats, sans rechercher à enfermer le principe de non
discriminations dans une tour d’ivoire impossible à atteindre.

Toutefois, il convient que ces potentielles différences de traitement pouvant être justifiées sont
enfermées par le législateur dans des limites précises et pour l’heure7 infranchissables, encadrant
ainsi strictement la légère marche de manoeuvre dont peu bénéficier l’employeur.

Ainsi, à titre d’exemple, la chambre sociale de la Cour de cassation était venue préciser dans un
arrêt du 11 janvier 2012, ne traitant pas directement de la question du recrutement mais des
exceptions au principe de non discrimination, que la préférence de la clientèle ne pouvait constituer
une différence de traitement justifiée en ce qu’elle n’a jamais été reconnue comme telle par le
législateur. Il demeure ainsi que l’employeur ne peut se référer qu’aux exceptions expressément
prévues par le législateur pour que la différence de traitement qu’il s’apprête à réaliser puisse être
justifiée.

En tout état de cause, l’employeur doit ainsi veiller, dans le cadre de ces exceptions, à ne faire
preuve d’aucun arbitraire, de rechercher si d’autres moyens pourraient lui permettre de parvenir au
but qu’il poursuit, de rechercher si le travail qu’il propose ne pourrait être accompli sans telle ou
telle caractéristique, ce qui n’est pas toujours aisé pour l’employeur. Il lui appartient alors d’opérer
un véritable travail de réflexion afin de ne pas franchir la limite des adoucissements au principe de
non discrimination que le législateur a bien voulu accorder.

6Il est notamment possible d’envisager l’hypothèse dans laquelle, ces exceptions n’existant pas, l’employeur pourrait commettre une
discrimination en refusant de recruter une personne en fauteuil roulant pour un poste de footballer à haut niveau. Cette situation serait
de toute évidence saugrenue et aurait pour conséquence de pénaliser à la fois l’employeur mais aussi la personne en situation de
vulnérabilité

7 A défaut de nouvelle intervention législative


6
En dehors de ce cadre précisément délimité par le législateur l’employeur tomberait à coup sûr sous
le joug du principe de non-discrimination que la jurisprudence ne manque pas d’appliquer avec la
plus grande rigueur.

II/ Un encadrement jurisprudentiel étendu des pouvoirs de l’employeur combattant toute


discrimination en matière de recrutement

L’encadrement des pouvoirs de direction de l’employeur en matière de recrutement est assuré par
l’exercice d’un contrôle jurisprudentiel très étendu (A) mais toutefois limité dans sa portée (B).

A/ L’exercice d’un contrôle jurisprudentiel accru en matière de discrimination à l’embauche

Il convient que la jurisprudence exerce un contrôle réel sur les décisions prises par l’employeur au
moment de son recrutement pour que le principe de non discrimination posé par le législateur puisse
être efficacement appliqué. En effet, nul texte n’a vocation à produire les effets escomptés lorsque
son respect demeure insuffisamment contrôlé. Le contrôle qui doit ainsi être mené par les juges du
fond ainsi que par la chambre sociale de la Cour de cassation renvoie à une question des plus
traditionnelle en droit à savoir celle de la réalisation et de l’effectivité du droit à ne pas être
discriminé.

En tout état de cause, le contrôle du juge en la matière se veut particulièrement rigoureux et non
fictif. Notamment, par le jeu de l’article 1134-1 du Code du travail disposant que « lorsque survient
un litige (….), le candidat à un emploi (….) présente des éléments de fait laissant supposer
l'existence d'une discrimination directe ou indirecte (….). Au vu de ces éléments, il incombe à la
partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à
toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les
mesures d'instruction qu'il estime utiles », le juge intervient pour mener une véritable recherche de
la vérité.

Bien que cette recherche soit initiée par le législateur, le rôle du juge dans l’encadrement des
pouvoirs de l’employeur se veut conséquent. En effet, lorsqu’un candidat à un emploi introduit un
doute quant à l’existence d’une discrimination, le juge ne manque pas de contrôler le plus largement
possible les éléments objectifs présentés par l’employeur afin d’établir l’existence ou la non
existence d’une discrimination.

7
En tout état de cause, peut ainsi exister une véritable appréciation judiciaire des techniques de
recrutement menées par l’employeur. Cette opération étant délicate, le juge procède alors à un
examen attentif sur la cohérence des arguments avancés par l’employeur dans le processus de
sélection. L’employeur est alors invité à soumettre des éléments justifiant de manière objective le
choix qu’il a opéré afin que le juge puisse conclure en faveur du respect du principe de non
discrimination.

Ce contrôle n’est pas des moindre en ce qu’il amène de toute évidence la jurisprudence sociale de
devoir opérer un balancement entre les droits en présence afin que chacun d’eux puisse s’exprimer
et être exercé dans une juste mesure. Ainsi parfois, l’employeur pourra être dans la juste limite du
cadre des exceptions posées par le législateur ou parfois en sortir et tomber dans le champ du
principe de non discrimination.

Il apparait ainsi que les affaires dans lesquelles est en cause l’existence d’une potentielle
discrimination font et doivent toujours faire l’objet d’une véritable enquête minutieuse afin que le
droit à la non discrimination puisse être garanti.

A ce titre, dans une affaire dont a eu a connaître la chambre sociale de la Cour de cassation dans
arrêt en date du 16 juin 2015, les juges du fond avait eu à mener un examen attentif sur les épreuves
de sélection auxquelles avaient été soumis les candidats afin de pouvoir conclure que dans la
mesure où le déroulement de ces épreuves avaitt préservé l’anonymat des postulants il ne pouvait
être questionné l’existence d’une discrimination en fonction d’une origine réelle ou supposée du
plaignant. Dans cet arrêt la chambre sociale de la Cour de cassation avait également précisé que les
juges du fond doivent interroger l’intégralité des motifs présentés devant eux ainsi que des enquêtes
présentées par la HALDE avant de pouvoir conclure à l’existence ou non d’une discrimination.

Cet arrêt témoigne ainsi de la rigueur dont doivent faire preuve les juges du fond lorsqu’une affaire
est présentée devant eux.

La jurisprudence de l’Union européenne embrasse d’ailleurs la même sagesse. Notamment, dans un


arrêt du 10 juillet 2008, la Cour de justice de l’Union avait eu à examiner les propos d’un directeur
de société ayant publiquement déclaré qu’il ne recruterait pas de salarié ayant une certaine origine
ethnique ou raciale. Elle avait notamment considéré que ces propos constituait une discrimination
directe susceptible de dissuader certains candidats à postuler et par conséquence à faire obstacle à
leur insertion sur le marché du travail.
8
Cette rigueur s’impose d’autant plus au juge que certaines affaires dont il peut être amené à
connaitre ne permettent pas d’établir facilement une discrimination en raison de sa nature indirecte.

Ainsi, il apparait que la jurisprudence sociale apprécie l’existence d’une discrimination en fonction
du contexte qui lui est soumis, tout en précisant que le doute subsistant aura toujours vocation à
profiter au salarié en raison de sa vulnérabilité naturelle.

Néanmoins, bien que le contrôle visant à encadrer strictement les pouvoirs de l’employeur puisse
sembler efficace, il demeure en réalité particulièrement limité.

B/ L’exercice d’un contrôle jurisprudentiel limité en matière de discrimination à l’embauche

Si la garantie du principe de non discrimination introduit par le législateur semble pouvoir être
réalisée par l’exercice d’un contrôle rigoureux mené par les juges du droit social, il apparait que la
réalité est toute autre.

En effet, le contrôle pour le moins efficace réalisé par la jurisprudence sociale ne peut prospérer que
dans l’unique condition dans laquelle toutes les discriminations seraient signalées. Or, force est de
constater que ce n’est actuellement pas le cas. Il apparait que le contentieux de la discrimination à
l’embauche dans la jurisprudence sociale ne demeure qu’une part infime des affaires dont ont à
connaitre les juges du fond et la chambre sociale de la Cour de cassation.

Cette affirmation se confirme au regard du rapport publié par le défenseur des droits en 2017 dans
lequel il déclare n’avoir reçu que 80 saisines mettant en cause l’existence d’une potentielle
discrimination à l’embauche fondée sur l’origine. De toute évidence, il apparait que ce nombre de
réclamations se veut particulièrement ridicule et non représentatif de l’ampleur du phénomène.
Toutefois, ce faible nombre démontre la logique dans laquelle s’inscrit le phénomène des
discriminations à l’embauche.

Au demeurant, il apparait qu’au moment de procéder à un recrutement, les discriminations opérées


par un employeur ne serait pas nécessairement flagrantes voire même réalisées de manière
consciente de sorte que le candidat qui la subi en réalité pourrait lui-même ne pas en avoir
conscience.

9
De même, il apparait qu’un candidat ayant conscience d’être victime d’une discrimination
n’engagerait pas nécessairement de procédure judiciaire afin que celle-ci soit reconnue et réparée.
D’emblée, les procédures judiciaires effraient généralement d’autant plus lorsque la personne qui
pourrait les engager se trouve dans une position de vulnérabilité. Plus encore, les quelques moyens
mis en oeuvre pour palier à ce constat tel que l’action de groupe ou encore l’action des associations
de lutte contre les discriminations ou le racisme se veulent encore limitées et de faible portée.

La réalité est que seule une poignée de personnes osent, peut être à tord mais sans possible
incrimination, mettre à jour les situations discriminantes dont elles ont été victimes, en raison de la
craintes des jugements sociaux, de la force présupposée que l’entreprise représente face à elles, de
la méconnaissance volontaire ou non par les juges de ce qu’elles ont subi.

Au delà de ces considérations, il apparait également que si le contrôle mené par les juges à
l’encontre des pouvoirs des direction de l’employeur se veut grandement rigoureux et pour le moins
théoriquement efficace, sa portée demeure limitée dans la mesure où il ne permet jamais de rétablir
la situation de la personne victime de discrimination à l’identique de celle qui était sienne avant sa
réalisation.

En tout état de cause, il apparait que dans le contentieux des discriminations à l’embauche, la nullité
des décisions de l’employeur réservée par l’article 1134-4 du Code du travail ne joue que dans une
moindre mesure. En effet, la nullité de la décision de refus d’embauche ne saurait par la suite
permettre au salarié d’obtenir le poste pour lequel il avait candidaté, non seulement en raison de la
discrimination dont il a été victime mais aussi car la nullité n’implique pas de facto l’obligation
pour l’employeur de recruter le candidat précédemment écarté.

Ainsi, les affaires ne peuvent se résoudre véritablement que par l’octroie de dommages et intérêts
mais force est de constater que les sommes allouées au candidat au titre des dommages et intérêts 8
restent dérisoires.

A titre d’exemple, dans un arrêt en date du 20 janvier 2009, la chambre criminelle de la Cour de
cassation avait approuvé l’arrêt de la Cour d’appel constatant que la discrimination était établie et
condamnant l’employeur à verser la somme de 1000€ au candidat victime ainsi qu’à l’association
SOS racisme.

8 Outre les montants des amendes pénales prononcées en application de l’article 225-2 du Code pénal
10
Ainsi, si le principe de non discrimination est un principe dont l’efficacité tente d’être assurée aussi
bien par le législateur que par la jurisprudence, il apparait en réalité que celui-ci demeure le plus
souvent en marge de la réalité d’exercice des pouvoirs de direction de l’employeur qui conserve
malgré un pouvoir d’action très important quant aux décisions et méthodes de sélections qu’il
adopte en matière de recrutement et qui dépasse largement les considérations juridiques.

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