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EXPOSER LE TOURISME CULTUREL AU SALON

Saskia Cousin

Presses Universitaires de France | « Ethnologie française »

2005/1 Vol. 35 | pages 55 à 62


ISSN 0046-2616
ISBN 9782130548478
DOI 10.3917/ethn.051.0055
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2005-1-page-55.htm
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Dossier : Bembo f205735\puf187598\ Fichier : eth1-05 Date : 18/5/2007 Heure : 13 : 48 Page : 55

Exposer le tourisme culturel au salon

Saskia Cousin
Université François-Rabelais (IUT de Tours) / LAIOS – CNRS

RÉSUMÉ
À partir d’une enquête de thèse réalisée dans le cadre d’une activité professionnelle, l’auteure propose une étude synthétique
des salons du tourisme culturel en France. Les échanges se caractérisent par l’absence de transactions monétaires ; l’objectif
affirmé des participants (visiteurs et exposants) est de nouer des contacts. Le salon est aussi un lieu privilégié de constitution
d’une communauté professionnelle et représente un enjeu de politique locale. L’espace du salon est saturé d’images évoquant
les lieux de tourisme. L’auteure analyse le salon du tourisme culturel comme un idiome qui soutient une « utopie perfor-
mative ». Observé du point de vue des visiteurs, le salon appartient à la famille des « non-lieux » ; analysé du côté des
exposants, il est un espace, un lieu pratiqué.
Mots-clefs : Nantes. Salon. Tourisme culturel. Identité locale.
Saskia Cousin et LAIOS / MSH
Univ. François-Rabelais (IUT de Tours) 54, bd Raspail
29, rue du Pont-Volant 75006 Paris
37082 Tours cedex 2 saskia.cousin@wanadoo.fr
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Le salon commercial est un espace clos, caractérisé
par une unité de temps, de lieu et d’action ; il rassemble
des exposants et des visiteurs autour d’un thème partagé,
dans un objectif commercial. Par son histoire et son
organisation, on peut le rapprocher des salons artistiques,
des foires et des expositions universelles. En 1998,
l’apport économique direct et indirect des congrès et
salons en Ile-de-France s’élève à 20 milliards de francs
et 35 000 emplois [CCI, 1998]. C’est une activité éco-
nomique urbaine et essentiellement structurée en
Europe : en 1990, 61 % des congrès et conventions du
monde se sont déroulés en Europe, seulement 14,3 %
aux États-Unis [Judd, 1999]. À l’inverse des travaux qui
portent sur les salons artistiques et les expositions uni-
verselles, et malgré l’importance économique de cette
activité, les études analytiques sont quasiment inexistan- 1. Embarquement immédiat pour le Salon des vacances en France,
tes 1. Cet article analyse le dispositif spécifique que porte de Versailles à Paris (photo de l’auteure, 1999).
constituent les salons du tourisme, et plus particulière-
ment les salons du tourisme culturel.
Le premier salon du tourisme français a été créé en tourisme culturel, tourisme vert, etc.). Ce travail s’ap-
1966. Actuellement, plus d’une centaine de salons tou- puie sur des observations réalisées dans vingt-trois salons
ristiques sont organisés chaque année [ACFCI, 1999]. et colloques portant sur le tourisme, ainsi que sur l’ana-
Chaque grande ville possède un salon généraliste (par lyse détaillée du salon du tourisme culturel 3 jours à
exemple, le Salon des vacances en France ou le Salon mondial Nantes, en 1997. Alors salariée de l’entreprise qui l’or-
du tourisme pour Paris) et quelques autres spécialisés ganisait 2, j’ai participé à l’ensemble de son processus de
(sports d’hiver, montagne, croisière, tourisme industriel, conception et de réalisation.

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Le tourisme culturel européen n’est pas un secteur


touristique rentable pour les tour-opérateurs qui se
concentrent sur quelques sites « phares » payants, prin-
cipalement Versailles et le Louvre pour la France [Patin,
1997]. Ils sont donc peu enclins à visiter ou à exposer
dans les salons du tourisme culturel. Faute d’exposants
« culturels » inscrits pour leur seconde édition, 3 jours à
Nantes et Mosaïca, deux des trois salons qui se présen-
taient explicitement comme relevant du tourisme cultu-
rel, n’ont finalement connu qu’une édition unique et se
sont reconvertis en colloques. Le troisième, intitulé Toute
une histoire, appuyé sur un réseau de sites privés, semble
se maintenir.
Je m’intéresserai ici à la relation entre l’organisation
du salon – monde autonome, clos et semi-privé, avec
ses règles et ses temporalités propres – et ses contextes
et contenus, ce qui est à vendre in fine : le tourisme et 2. Vue d’un salon public, porte de Versailles (photo de l’auteure,
sa politique. 1999).

l’information », de créer l’image que les visiteurs vont


■ Rien à vendre ? Échanger au salon se faire d’une ville, d’une activité, d’un pays, de donner
ou redonner le désir de la destination. Les visiteurs flâ-
Utilisé dans le sens d’une manifestation commerciale, nent dans les allées ; ils sont abordés par des hôtesses,
le terme « salon » désigne une durée (en général de deux souvent engagées pour l’occasion et dont le travail
à huit jours), un lieu, des espaces (stands, espaces de consiste à distribuer le plus de dépliants possible et à
conférences, de restauration et d’accueil) et des événe- veiller au bon approvisionnement des stocks de brochu-
ments (colloques, séminaires, ateliers, inaugurations, res exposées. La réussite ou l’échec du salon se mesure
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cocktails, remises de prix). Le salon du tourisme à la quantité de brochures, de dépliants et de prospectus
regroupe des opérateurs privés (compagnies aériennes distribués. Les trottoirs des abords du salon sont jonchés
ou ferroviaires, agences de voyages, chaînes d’hôtels, de « belles » images des « belles » destinations. « La jour-
bases de loisirs, sites culturels privés, producteurs locaux) née publique, j’appelle ça “la journée ramasse-papier” » (le
et des institutions touristiques et culturelles, publiques directeur du Novotel de Nantes intégré dans la Cité des
ou parapubliques (États, collectivités territoriales, comi- congrès, 1997). « C’est vraiment pas ma vision des vacances.
tés départementaux ou régionaux de tourisme, offices Il y a des prospectus, des prospectus, et des prospectus, que des
de tourisme, musées, monuments) 3. Ces exposants pro- prospectus. Et les gens sur les stands, ils sont recrutés sur place,
posent une « offre » constituée de « produits touristi- c’est des hôtesses, elles savent même pas parler de leur région !! »
ques » (voyages organisés, séjours, services), de sites ou (un visiteur du salon Tourissima, 1998).
d’éléments du territoire pouvant faire l’objet d’une Au salon professionnel, il s’agit de nouer ou de
consommation touristique (mer, montagne, paysages, renouer 6 le contact entre l’offreur et le client. La caté-
musées, monuments, festivals). Au sein des salons du gorie de « visiteur professionnel » peut désigner toutes
tourisme, on peut distinguer deux types d’expositions les personnes susceptibles de constituer des « relais »
et d’échanges : professionnel et public 4. Il y a des salons entre l’exposant et le « grand public » : les organisateurs
uniquement « professionnels ». En revanche, tous les de voyage, mais aussi les élus, les médias, les responsables
salons « publics » réservent au moins une journée aux institutionnels et associatifs, les enseignants et, parfois,
« professionnels ». Dans les salons du tourisme ouverts les étudiants. Lorsque leur notoriété le permet, certains
au grand public, on trouve des stands de « produits salons restreignent l’entrée du salon aux seuls visiteurs
locaux », essentiellement des produits agroalimentaires. clients, acheteurs potentiels : les tour-opérateurs. Ce
Ces exposants se différencient des autres par le discours, que l’organisateur vend à l’exposant sous la forme d’un
la gestuelle et l’apparence vestimentaire de leurs ven- cube ou d’un parallélépipède, ce n’est pas de l’espace,
deurs 5. Même s’ils partagent souvent l’espace dévolu à c’est la promesse de rencontres, de réseaux et peut-être,
une ville, une région ou un pays, ils sont quelque peu à terme, de contrats. Les exposants sont les responsables
dédaignés par ceux qui se considèrent comme les « véri- des services touristiques des collectivités locales (direc-
tables exposants ». Pour ces derniers, il ne faut pas teur d’office de tourisme, chargé de communication ou
confondre les « commerçants » et les « commerciaux », même élus à la culture des municipalités) ; ils n’abor-
les « produits locaux » et les « produits touristiques ». dent jamais les visiteurs professionnels. Ces derniers
Pour les commerciaux, il s’agit de « donner de adoptent un pas rapide et décidé : que l’on soit exposant

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ou visiteur, il faut avoir l’air occupé. Les colloques, tous car il n’y a pas de prototype à copier, il n’y a rien
ateliers ou séminaires intégrés au salon sont, pour leurs à cacher : ce qui est exposé – des brochures, des pros-
participants, un autre moyen d’« exposer » des discours. pectus, des affiches, parfois des vidéos – montre des sites
On fait également intervenir les « experts » et les consul- et des lieux accessibles, et pour le moment inaliénables 8.
tants qui vont expliquer aux nouveaux arrivés dans le La décoration des stands se réduit parfois au simple
monde du tourisme ce qu’il faut faire pour devenir une accrochage de posters, et/ou à la mise en place d’un
« destination ». Il s’agit souvent d’une offre de service. stand parapluie, transporté de salon en salon. Certains
Si l’on excepte les services de restauration et, pour les exposants investissent en revanche dans des scénogra-
salons ouverts au public, le billet d’entrée et les « pro- phies très élaborées, qui ont pour objectif de faire entrer
duits locaux », l’échange marchand, c’est-à-dire l’achat le visiteur dans un « univers » spécifique et de donner à
et la vente de marchandises, n’a pas lieu 7. Dans le salon connaître ou à reconnaître l’exposant grâce à une « iden-
réservé aux professionnels, c’est le nombre de contacts tité visuelle », par exemple les imprimés provençaux
qui est comptabilisé et détermine l’évaluation de sa réus- pour le comité régional du tourisme de la Région Pro-
site ou de son échec. Dans le salon public, on compte vence-Alpes-Côte-d’Azur, ou un stand « paquebot »
les dépliants distribués, dans le salon professionnel, on pour la ville de Saint-Nazaire. Dans les salons publics,
dénombre les cartes de visite reçues. les stands sont ouverts sur l’espace commun ; ils peuvent
parfois être traversés de part en part par les visiteurs. La
personnalisation de l’emplacement et l’ouverture la plus
grande possible sont recherchées : avoir un « angle »,
■ Rien à voir ? Visiter le salon c’est-à-dire deux faces ouvertes, se paie plus cher qu’un
stand « normal ». Les espaces privatisés qui servent à
Les grands salons ont lieu dans les cités des congrès ranger ou à se changer sont réduits au strict minimum.
ou les parcs d’exposition ; les petits ou moyens salons Dans les salons uniquement professionnels, l’espace des
– en termes d’étendue – se déroulent dans des lieux stands est organisé de façon à créer une intimité jugée
dont ce n’est généralement pas la vocation première – propice aux discussions ; on offre un verre de champa-
le cirque d’Hiver à Paris, des salles de conférences, des gne ou une « spécialité locale », on invite au salon.
monuments, des hôtels, des entreprises. Le salon peut Le salon du tourisme se visite. Les déplacements pour
être décrit comme la création d’un espace urbain arti- se rendre à un congrès ou un salon sont considérés
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ficiel, avec ses habitacles alignés pour les « petits expo- comme du « tourisme d’affaires » 9. Le salon a donc une
sants » et ses lieux centraux investis par des « grands double fonction pour l’économie du tourisme : il induit
exposants », avec ses allées et ses places, sa signalétique des consommations touristiques directes (hôtels et res-
et ses enseignes, ses bars et ses restaurants bordés de taurants) en faisant venir exposants, congressistes et visi-
plantes vertes fausses ou véritables. Les allées du salon teurs, il provoque des consommations indirectes en
rappellent certains espaces piétonniers de centre-ville. exposant l’offre touristique. Ainsi, le nom du salon
Au Salon professionnel du jouet, les stands sont entourés 3 jours à Nantes, choisi par un organisateur parisien, était
par de hautes cloisons (par peur de la concurrence et de peu propice à séduire les visiteurs nantais. « Trois jours
la contrefaçon). Il faut se faire reconnaître sans se mon- à Nantes », c’était en revanche le temps passé par les
trer. Au salon du tourisme, les stands sont accessibles à exposants dans cette ville. D’un point de vue économi-
que, leurs consommations étaient parfaitement touris-
tiques : transports, hébergement, restauration, et pour
certains une exposition ou quelques promenades le long
des berges de la Loire. Les exposants furent peut-être les
seuls participants de ce salon à « faire du tourisme » à
Nantes. Le Salon des vacances en France et le Salon mondial
du tourisme sont des événements touristiques – certaines
personnes font de longs trajets pour venir les visiter –,
3 jours à Nantes, sous-titré Salon du tourisme culturel, natu-
rel et industriel, se présentait comme une manifestation
culturelle. Il y a fusion – ou confusion – volontaire entre
le salon et ce qu’il expose. Le salon du tourisme est une
pratique de loisirs immédiate – la visite des salons fait
partie des loisirs, elle est d’ailleurs prise en compte dans
les études sur les pratiques culturelles des Français 10.
C’est aussi une pratique médiate 11, médiatisée : visiter
un salon du tourisme, c’est reconnaître des territoires
3. Vue d’un salon professionnel, Cité des congrès à Nantes (photo déjà visités, ou prendre des informations pour préparer,
de l’auteure, 1997). éventuellement, un voyage futur 12. Le salon crée une

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circulation et des relations entre les représentants des la profession, on se sent solidaire » (discussions avec des
Régions, villes ou départements. Il représente virtuel- exposants du salon Tourissima en 1998).
lement des territoires, mais la forme prise par ce virtuel Ce sentiment d’identification collective est favorisé,
adopte la morphologie et les propriétés d’un territoire : en partie mais en partie seulement, par le fait que les
on peut se déplacer dedans, il se parcourt à pied, avec participants au salon du tourisme culturel sont dans leur
des arrêts et des retours, et peut devenir une promesse majorité des fonctionnaires, des élus et des chargés de
de rencontre. Le salon semble reproduire de manière mission de la sphère publique. Des personnes qui se
exacerbée la posture touristique : une visite rapide per- retrouvent de salons en séminaires, de colloques en ate-
çue à travers l’écran des images attendues et déjà connues liers, de cocktails en hôtels tissent des liens personnels
et, parfois, l’achat de « spécialités locales » qui consti- et partagent leurs expériences. L’échange entraîne la
tuent la preuve de la visite. Il réunit à la fois la prome- production de discours et d’images communs qui créent
nade dans les images et la réalité d’une visite dans un ou renforcent le sentiment d’existence d’une commu-
lieu qui n’a d’intérêt que parce qu’il représente un nauté professionnelle. De plus, la préparation du salon
« ailleurs ». et la location d’un stand sont coûteuses et exigent une
collaboration entre des collectivités, leurs organismes de
tourisme et des sites : pour louer un stand, il faut trouver
■ Le monde des coulisses des partenaires, inventer des « produits », établir une
image « cohérente » de sa ville ou de son territoire.
Commencé bien avant le jour de son inauguration, L’observation des petites communautés de « salonnards »
le salon ne se terminera pas le soir de sa fermeture au permet de mettre à jour la constitution de réseaux pro-
public. Il signifie des procédures d’inscription, avec par- ducteurs de valeurs qui existent à une autre échelle, dans
fois de longues négociations pour faire baisser le prix les réseaux de villes ou de collectivités locales et dans la
du stand ; une coordination entre différents services ou production d’un discours homogène sur les bienfaits du
structures pour l’achat d’un espace commun ; l’envoi tourisme culturel.
d’invitations aux clients potentiels ; la préparation et le
transport des documents ; le montage et le démontage
des stands ; l’attente du client pendant la journée ; ■ Atopie égalitaire, utopie performative
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l’ennui. Sans oublier les soirées passées loin de chez soi,
entre exposants ; les relances à effectuer auprès des Chaque exposant « représente » une entreprise, une
contacts pris pendant la manifestation ; le bilan ; les stra- institution ou une collectivité qui, elle-même, peut se
tégies de communication et les politiques touristiques présenter comme « représentante » d’autres institutions
qui en résulteront. Pour les organisateurs, la manifesta- – un réseau de sites culturels, par exemple. Un musée
tion s’étend sur une année, même si, pour tous, sa maté- ou une association de gîtes ruraux peuvent ainsi prendre
rialité ne se révèle que le premier matin de l’ouverture, l’enseigne d’une Région. Fort de cet emboîtement,
lorsque les allées sont enfin prêtes, avec les hôtesses et l’organisateur de 3 jours à Nantes pouvait ainsi annoncer
les exposants « à leur poste ». Et cela, malgré le travail que « Toutes les Régions, sauf deux, sont présentes ». Le salon
de préparation qui occupe de longs mois, après d’inter- Mosaïca de Liège allait au bout de cette logique puisque
minables discussions téléphoniques, de réunions et de son catalogue ne proposait pas un plan du salon, mais
rendez-vous divers, quoique l’on ait passé la nuit qui un fond de carte de l’Europe, avec, plantés comme des
précède l’ouverture dans une fébrilité indescriptible, à drapeaux, les grandes thématiques culturelles des pays
tenter de résoudre des problèmes de mobilier, d’éclai- où l’on pouvait recenser au moins un exposant. Les
rage, de badges de sécurité ou d’espaces restés vacants. différentes institutions politiques et administratives
Les visiteurs ou exposants, intervenants ou auditeurs (Régions, départements, communautés de communes,
travaillent dans des institutions en concurrence sur le villes, sites culturels, musées, etc.), enchevêtrées et inter-
marché touristique, ce qui n’empêche pas l’expression dépendantes dans l’espace du territoire national, sont
d’une solidarité et d’une proximité. Les salons du exposées de manière autonome. Sur les présentoirs et
XIXe siècle réunissaient le « Monde ». Il en est de même dans les stands, la promotion touristique permet à une
aujourd’hui pour les salons professionnels, le « Monde » collectivité d’affirmer une autonomie voire de se poser
désigne alors un milieu professionnel, avec ses réseaux, à égalité vis-à-vis de l’État ou d’une collectivité de
ses vedettes, ses amitiés et ses conflits. Chacun peut, tour niveau supérieur qui, d’un point de vue territorial et
à tour, être exposant, intervenant ou visiteur. « C’était administratif, l’inclut. Un salon du tourisme est un salon
bien, il y avait tout le monde », « C’est le dernier rendez-vous des territoires, et sa visite est la découverte de la recom-
mondain, les salons », « Les salons, il faut y être, on voit toute position et de la juxtaposition d’espaces qui sont intri-
la profession » (commentaires entendus en 1997, lors du qués dans la « réalité ». Il ne transforme pas les entités
salon 3 jours à Nantes). « Le salon, c’est la fête, on est territoriales, mais leur rapport d’échelle, de hiérarchie
collègues, pas concurrents », « Le salon, c’est là où se retrouve de valeur patrimoniale ou touristique, en fonction des

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investissements financiers consentis. Le salon se présente


comme une carte fictionnelle des territoires et des insti-
tutions, un territoire en soi, une utopie. Pour que cela
soit possible, il faut que le Parc des expositions de Paris,
la Cité des congrès de Nantes ou de Liège se soustraient
par principe à tout ancrage territorial : le salon doit se
présenter comme une « atopie ». Le salon qui se déroule
dans la Cité des congrès de la ville de Nantes peut ainsi
exposer en son sein les villes de Nantes et de Saint-
Nazaire, la Région Pays de la Loire, le département de la
Loire-Atlantique au même titre que la Région Nord-
Pas-de-Calais ou la Catalogne. Le salon est un lieu « ato-
pique » également parce que chacune de ses éditions peut
se dérouler dans un lieu, une ville ou un pays différent,
sans que cela modifie, nécessairement, sa disposition.
À quoi sert cette « atopie » ? Le salon se présente
comme un marché, un espace de transaction qui met 4. « Workshops » aux Rencontres du tourisme culturel à l’Arche de
en concurrence des territoires, or la principale condition la Défense à Paris (photo de l’auteure, 1999).
de viabilité d’un marché est de garantir une égalité entre
ses membres. L’« atopie » est ce qui, au salon du tou- Les salons et les colloques professionnels sont deux
risme, laisse envisager cette égalité : Limoges s’expose modalités de présentation de soi qui marquent l’inté-
au même titre que Marseille, le « petit » Centre de gration dans le monde du tourisme et de ses valeurs, en
culture scientifique et technique de Clermont-Ferrand même temps qu’elles participent, pour certains, de leur
prend un stand aussi grand que celui de la Caisse natio- invention touristique. Le salon organise cette produc-
nale des monuments et des sites. Dans le salon, la ville tion dans l’espace, en accolant des images, tandis que les
de Villeneuve-d’Ascq « vaut » Nantes ou Barcelone. On conférences utilisent ces mêmes images à travers des
fait comme si les offres de tourisme présentes étaient équi- discours formatés qui se succèdent dans le temps. Le
valentes en termes de capacité d’échange potentiel,
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comme si, au « marché » du salon, on pouvait oublier salon peut par conséquent être analysé comme l’une des
les rapports de forces à l’œuvre dans le « Marché » [La instances de production d’une offre touristique, il pos-
Pradelle, 1996] du tourisme. Toutefois, une certaine sède un caractère performatif. Vis-à-vis des salons dits
hiérarchisation existe, de par la différence de taille des « généralistes », la particularité des salons de tourisme
stands et la personnalisation des scénographies. Un autre culturel était la part importante de « primo-exposants » et
dispositif radicalise le principe d’égalité : les « work- de villes moyennes cherchant à « se mettre en tourisme » 14.
shops » 13. Ces derniers, organisés dans le cadre d’un salon Les villes de Limoges et Villeneuve-d’Ascq pouvaient
ou de manière autonome, disposent, en ligne ou selon s’exposer à hauteur des grandes destinations touristi-
un principe circulaire, de simples tables – parfois isolées ques ; elles participaient ainsi à la composition d’une
les unes des autres par une mince cloison – derrière carte de l’offre touristique qui ne correspondait plus à
lesquelles se trouve le responsable d’un organisme tou- la réalité des fréquentations mais à l’intensité des désirs
ristique – public ou privé – qui reçoit des clients poten- de tourisme des exposants. Mais l’espace du salon et son
tiels, appelés « prospects », avec lesquels des rendez-vous utopie sont éphémères, et l’entre-soi s’est heurté à la
ont parfois été fixés par l’organisateur. Le postulat d’une réalité du Marché : les acheteurs étaient quasiment
équivalence possible est aussi à l’œuvre lors des commu- absents 15 et les exposants ne souhaitèrent donc pas se
nications touristiques dans les ateliers, séminaires, col- réinscrire l’année suivante. Il y eut une unique édition.
loques ou tables rondes. La prise de parole est alors une Le Marché du tourisme avait rattrapé l’utopie atopique
modalité de promotion de l’offre et il paraît logique à d’un salon marché du tourisme culturel.
tous de s’acquitter d’un droit d’accès à la parole. Le salon
fait « exister » sur la scène touristique des territoires, des
villes, des sites culturels, quelles que soient leurs fré- ■ Le salon, un espace politique
quentations touristiques effectives. A contrario, l’absence
dans les grands salons est perçue comme une non- Tous les salons étant ponctués par un certain nombre
existence, une mort ou une maladie : « Si on n’est pas là d’événements ritualisés, le plus indispensable est l’inau-
on n’existe pas », « Il faut être là pour exister », « Si on ne guration officielle. Elle ne se déroule pas au début du
vient pas, tout le monde pense que l’on a un problème », « On salon, mais le lendemain, lorsque tout le monde est
ne peut pas ne pas venir » (exposants au MIT international, présent. Un salon se doit d’annoncer « (sous réserve) »
au Salon des vacances en France et au salon Tourissima, en la venue d’un ministre, d’un député ou d’un maire. Le
1998 et 1999). choix de la plus haute personnalité annoncée « (sous

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réserve) » permet d’affirmer l’importance que l’organi- à Nantes en 1997 participait de sa politique d’accession
sateur entend donner à sa manifestation : locale, régio- au rang de « métropole touristique de seconde catégorie » 18, en
nale, nationale ou internationale, alors même que vue de la Coupe du monde 1998, puisqu’une partie des
chacun sait que les personnalités politiques conviées ne matchs s’y déroulait. C’était également un moyen de
seront pas effectivement présentes. Ce n’est pas le spé- solliciter et de structurer la profession touristique régio-
cialiste de la profession qui est attendu, mais la caution nale au prétexte de l’événement sportif.
politique. Ce positionnement peut se faire par défaut. Au salon du tourisme culturel de Nantes, le commis-
C’est ainsi que le commissaire général du salon profes- saire général annonçait, pour l’inauguration, la venue du
sionnel Top Résa de Deauville annonça publiquement, ministre de la Culture « (sous réserve) » et du maire de
en 1997, « qu’il n’invitait pas » Mme Demessine à venir Nantes, toujours « (sous réserve) ». Les élus effective-
inaugurer sa manifestation. Il exprimait ainsi le mécon- ment présents – le maire de Saint-Nazaire, l’adjoint à la
tentement des professionnels privés devant la nomina- culture de la ville de Nantes, le président du comité
tion d’un ministre du Tourisme femme, communiste, et départemental du tourisme et le président du comité
de surcroît originaire du Nord, région considérée régional du tourisme – parlèrent des bienfaits du « tou-
comme peu touristique. Cette non-invitation était aussi risme urbain et industriel », « cette locomotive de l’économie
un moyen d’apparaître sur la scène médiatique, puis- régionale ». Les discours se tinrent à l’intersection des
qu’elle fut relatée par la presse professionnelle et abon- stands de la Région, du département et du « pôle
damment commentée. Nantes-Saint-Nazaire » : il fallait que la presse et la télé-
Pour se présenter comme un marché, le salon du vision locales puissent prendre des images associant cha-
tourisme organise la fiction d’un espace déterritorialisé que élu au stand qui représentait « son » territoire.
et apolitique, toutefois l’inauguration montre qu’il est Espace commercial et lieu d’échanges presque exclu-
aussi fortement lié aux collectivités locales 16. Le choix sivement non marchands, non-lieu et espace de prati-
du lieu d’exposition – la ville et l’espace loué – dépend, ques et de constitution communautaire, représentation
pour l’organisateur, des relations qu’il aura nouées préa- du monde et atopie, lieu apolitique et politisé. Comment
lablement avec les élus locaux. L’organisateur va leur comprendre les paradoxes du salon ?
réclamer un soutien – économique, politique, commu- Si l’on observe les images exposées et les pratiques
nicationnel – pour choisir « leur » centre de congrès dans des visiteurs, le salon constitue ce que Marc Augé
« leur » ville. Ainsi, l’installation à Nantes du Salon du nomme un non-lieu : « L’espace des autres sans les autres »
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tourisme culturel, naturel et industriel était-elle condition- [Augé, 1992] 19. L’observation de l’organisation du salon
née par la participation des collectivités locales – villes et des échanges entre exposants révèle qu’il est aussi un
de Nantes et de Saint-Nazaire, département de la Loire- espace de pratiques, ce que Michel de Certeau nomme
Atlantique, Région Pays de la Loire. En retour, ces col- un « croisement de mobiles » [1990] 20.
lectivités avaient des espaces de taille plus importante
que ne leur permettait leur investissement financier Le salon expose et re-présente les relations entre ter-
direct. Pendant les six mois précédant l’ouverture de la ritoires, institutions et pouvoirs. C’est sa force, et c’est
manifestation, l’entreprise organisa presque chaque en cela qu’il constitue une « utopie performative » et
semaine à Nantes des réunions auxquelles participaient non pas seulement une carte, un plan ou une maquette.
des élus et des responsables du tourisme et de la Il ne représente pas seulement le monde, il le transforme
culture 17. Plusieurs raisons expliquent le choix de Nan- en un produit éphémère mais réel. Dans cet espace
tes par une entreprise parisienne et l’intérêt de la ville « réel-virtuel », tout le monde est « à la même ensei-
pour ce salon. Le discours du tourisme culturel a émergé gne », bien que chacun tente de se singulariser en pro-
avec l’arrivée au pouvoir des promoteurs de la récon- duisant un discours sur son « identité culturelle ». Ce
ciliation de la culture et de l’économie. Il s’est construit qui est à vendre n’est pas palpable, puisque ce qui est à
en se démarquant du tourisme de patrimoine, et en vendre, c’est du « territoire authentique », de l’« identité
faisant l’apologie d’un tourisme et d’un touriste singulière » et de la « culture particulière ». Ce qui est
moderne et urbain. Or, l’organisateur et certains mem- montré, ce sont des images, ce sont des discours. Mais
bres de la municipalité avaient fait partie de ces réseaux le salon est également un espace investi de multiples
politiques et culturels. Dès 1991, la municipalité autres pratiques : lieu de rencontres, de retrouvailles, de
communiquait autour de l’idée que la relation entre communication et d’échanges économiques, politiques
culture et économie était non seulement possible mais et idéologiques, c’est aussi un lieu producteur ou repro-
encore souhaitable ; elle affirmait que sa politique cultu- ducteur de valeurs, de discours et de sens. Posé comme
relle était aussi une politique économique, que c’était une représentation du monde, il s’organise également
son « dynamisme culturel » qui avait décidé de grandes comme un espace politique, et il possède donc un carac-
entreprises, soucieuses de convaincre leurs cadres de tère performatif.
quitter Paris, de s’implanter à Nantes. De plus, la ville Le salon vient renforcer le discours formulé par le
n’accueillait pas de salons qui auraient pu entrer en pouvoir politique et le marketing urbain, en permettant
concurrence, et la tenue d’un salon du tourisme culturel la constitution d’une communauté qui s’en revendique

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Exposer le tourisme culturel au salon 61

et en porte les valeurs et les images. La diffusion de ce touristique de l’identité, notamment urbaine. Dans une
discours s’opère de manière relativement indépendante perspective plus globale [Appaduraï, 1997], on pourrait
de la réalité des réussites commerciales pourtant mises donc analyser le salon comme l’un des éléments de
en avant pour justifier ce que nous proposons de nom- coproduction, de mise en scène et en circulation
mer la doctrine du tourisme culturel. Dans la tension d’« images identifiantes » [Augé, 1992] : salons, colloques,
entre non-lieu touristique et espace de pratiques poli- brochures touristiques, sites Internet, reportages télévi-
tiques et professionnelles, le salon représente finalement
les lieux qu’il expose. suels, littérature grise nationale et internationale, réseaux
Toutefois, l’efficacité du salon, ses finalités médiates touristiques, labels, guides touristiques, restauration et
et immédiates et ses effets divers ne pourront réellement illumination du patrimoine, discours sur les traditions
se mesurer que si l’on parvient à comprendre sa place locales, réinvention des fêtes folkloriques, tenue de fes-
dans un dispositif beaucoup plus large : la mise en image tivals, invention du « petit patrimoine » touristique 21. ■

Notes représentation, elles doivent susciter le désir


d’achats qui auront lieu ailleurs.
d’exposition » sont souvent gérés en partenariat
avec la collectivité qui les héberge. La relation
qu’un organisateur privé va nouer avec le direc-
8. Ce qui n’empêche pas d’imaginer la teur de l’espace ne sera donc pas exempte de
1. Il faut toutefois citer l’article fonda- possibilité de « vols de sites », peu connus ou
mental de Fabrizio Sabelli, à propos du salon soutiens ou de pressions politiques.
peu accessibles. La reproduction est déjà une
de l’automobile de Genève : [Sabelli, 1989]. pratique courante, à Las Vegas, Disneyworld, 17. Élus et responsables du tourisme et de
2. J’ai travaillé dans cette entreprise pen- ou Lascaux 2. la culture des collectivités locales, chargés de
dant trois ans, dans le cadre d’une convention communication de la Drac, organisateurs de
9. Selon la Sofres, en 1995, les déplace- voyages culturels.
industrielle de formation par la recherche ments professionnels et mixtes (c’est-à-dire non
(CIFRE). Cet article est issu d’une thèse : [Cou- uniquement personnels) ont représenté 7 % des 18. Expression utilisée dans une étude de
sin, 2003]. voyages des Français et 5 % des nuitées. Atlas l’office de tourisme de Nantes : il s’agit d’expli-
3. Les « institutions touristiques » peuvent de France : Tourisme et loisirs, Paris, La Docu- quer que l’on ne « veut pas rivaliser avec des villes
être autonomes juridiquement et/ou économi- mentation française, 1997 : 74. comme Paris, Vienne ou Venise » mais se « posi-
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quement (sous forme d’association ou de SEM 10. Ministère de la Culture, département tionner au niveau des villes comme Bilbao, Turin,
– société d’économie mixte – par exemple), des études et de la prospective, Nouvelle enquête Glasgow » [Office de tourisme de Nantes, dos-
comme certains offices de tourisme, comités sur les pratiques culturelles des Français, Paris, La sier de candidature pour la délégation de ser-
départementaux du tourisme, ou comités Documentation française, 1990. vice public 2002-2003 : 12]. Merci à Jean-Marc
régionaux du tourisme. Devanne pour cette information.
11. « Mediat, ate » : « qui agit par inter-
4. Je nomme « professionnels » les salons médiaire ». 19. « Dans les non-lieux de la surmodernité,
et les journées revendiqués comme tels. il y a toujours une place spécifique [...] pour des
12. Les entretiens menés au Salon mondial curiosités présentées comme telles [...] Mais ils n’opè-
5. Les vendeurs de « produits locaux » sont du tourisme révèlent que les visiteurs vont voir rent aucune synthèse, n’intègrent rien, autorisent
souvent en costume « folklorique », à l’instar les stands des villes ou des pays qu’ils ont déjà simplement, le temps d’un parcours, la coexistence
des tenues portées sur les marchés ou dans les visités. d’individualités distinctes, semblables et indifférentes
halls de gares, tandis que les commerciaux sont les unes aux autres » [Augé, 1992 : 138-139].
en tailleur ou costume cravate. 13. Le terme anglais de « workshops » n’est
jamais traduit, car sa traduction – « ateliers » – 20. « L’espace est un croisement de mobiles. Il
6. L’exposant invite ses clients à venir le désigne un ensemble de « tables rondes » sur des est en quelque sorte animé par l’ensemble des mou-
rencontrer sur son stand en lui envoyant une sujets précis, qui se déroulent de concert, sou- vements qui s’y déploient. Est espace l’effet produit
invitation fournie par l’organisateur du salon. vent après une séance plénière qui introduit la par les opérations qui l’orientent, le circonstancient,
thématique générale. Les salons peuvent donc le temporalisent et l’amènent à fonctionner en unité
7. De ce point de vue, le Salon du livre proposer, en même temps, des « workshops » et polyvalente de programmes conflictuels ou de proxi-
et le Salon de l’agriculture sont des foires pen- des « ateliers ». mités contractuelles. [...] À la différence du lieu, il
dant les journées publiques, des salons lors des n’a donc ni l’univocité, ni la stabilité d’un “propre”.
journées professionnelles ; ils constituent des 14. Il y avait également une plus forte pro-
portion d’institutions culturelles et de réseaux En somme, l’espace est un lieu pratiqué » [Certeau :
catégories mixtes qui alternent entre échanges 173].
commerciaux directs et indirects. À l’inverse, de sites culturels coordonnés par l’État,
certaines boutiques de luxe sont d’abord des l’Europe ou les collectivités locales. 21. La notion de « petit patrimoine » dési-
lieux d’exposition, il est presque impossible d’y 15. Cette observation est valable pour les gne le patrimoine non monumental, le plus
acheter quelque chose, c’est le cas de la bouti- salons du tourisme industriel. souvent rural, comme les lavoirs, les calvaires,
que Prada conçue par Rem Koolhas, à New les pigeonniers ou les moulins. Il permet aux
York. Ces boutiques ont une fonction de 16. Les « Cités des congrès » et les « Parcs villages d’imaginer leur « mise en tourisme ».

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62 Saskia Cousin

Références bibliographiques CERTEAU Michel de, 1990 (1980), L’invention du quotidien.


1. Arts de faire, Paris, Gallimard.
COUSIN Saskia, 2003, L’identité au miroir du tourisme. Usages et
ACFCI, 1999, « Les salons touristiques. De la préparation au enjeux des politiques de tourisme culturel, thèse de doctorat, Paris,
suivi », Thématour, no 3, Paris. EHESS.
Atlas de France : Tourisme et loisirs, Paris, La Documentation fran- JUDD Dennis R., 1999, « Constructing the Tourist Bubble », in
çaise, 1997 : 74. Dennis R. Judd and Susan S. Fainstein (eds.), The Tourist City,
New Haven & London, Yale University Press : 35-53.
CCIde Paris, 1998, « Paris, capitale des congrès et salons », Le
Nouveau Courrier, no 20. LA PRADELLE Michèle de, 1996, Les vendredis de Carpentras. Faire
son marché en Provence ou ailleurs, Paris, Fayard.
APPADURAÏ Arjun, 1997, Modernity at Large. Cultural Dimensions
of Globalization, Delhi, Oxford University Press. PATIN Valéry, 1997, Tourisme et patrimoine en France et en Europe,
Paris, La Documentation française.
AUGÉ Marc, 1992, Non-lieux : introduction à une anthropologie de SABELLI Fabrizio, 1989, « Exposer, s’exposer. Pour une anthro-
la surmodernité, Paris, Seuil. pologie du salon », in Jacques Hainard, Fabrizio Sabelli et al., Le
– 1994, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Salon de l’ethnographie, Neuchâtel (Suisse), musée d’Ethnogra-
Aubier. phie : 31-50.

ABSTRACT
Exhibiting cultural tourism on trade fairs
On the basis of a survey carried out within the framework of a thesis work the author proposes a synthetic study of the Cultural
Tourism Fair in France. The trade activity is remarkable first of all for the scarcity of monetary transactions. By contrast, the participants
(visitors and exhibitors) aim at getting a maximum number of relational contacts. The fair is also a privileged place for the constitution
of a professional community and of great importance for local politics, too. Lastly the fair space is saturated with pictures of touristic
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places. The author analyses these pictures as an idiom bearing a « performative utopia ». From the visitor point of view the Fair is a
« non-place », from the exhibitors’ one it is a place of trade practices.
Keywords : Nantes. Fair. Cultural Tourism. Patrimony.

ZUSAMMENFASSUNG
Ausstellung für kulturellen Tourismus
Auf der Basis einer im Rahmen einer Dissertationsarbeit durchgeführte Erhebung macht die Autorin eine synthetische Studie der
Ausstellung für kulturellen Tourismus in Frankreich. Die Handelsaktivität kennzeichnet sich zuerst durch seltene Geldtransaktionen.
Dagegen zielen die Teilnehmer (Besucher und Aussteller) dazu, möglichst viele Handelsbeziehungen zu gewinnen. Die Ausstellung
ist auch ein besonders günstiger Ort für die Schöpfung einer Berufsgemeinschaft und von grosser Bedeutung für die lokale Politik.
Schliesslich wird der Ausstellungsraum mit Bildern touristischer Orte überschwemmt. Die Autorin analysiert diese Bilder als ein
Idiom, das eine « performative Utopie » trägt. Aus dem Gesichtspunkt des Besuchers ist die Ausstellung ein « Nichtort », aus dem
der Aussteller ist sie ein Ort von Handelspraktiken.
Stichwörter : Nantes. Messe. Kultureller Tourismus. Patrimonium.

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