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J’AI VENDU MON ÂME AU

DIABLE

Ernestine Nadia Mbakou

Saison 1

1
La poursuite effrénée de la richesse et de la gloire, peut

nous conduire à des extrêmes insoupçonnables. Dans un

monde où l’argent est maître. Et où il est le commencement et

la finalité de tout.

Nelly voulait devenir riche. Elle l’est devenue. Et sa vie

a été un conte de fées. Mais… jusqu’où était-elle prête à aller

pour vivre son rêve ?

J’ai vendu mon âme au diable, ou l’histoire réelle d’une

société pervertie par les biens matériels.

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CHAPITRE 1 : À la conquête de la richesse.

Je m’appelle Nelly. J’ai vingt-huit ans. Et ceci est mon

testament.

J’ai voulu une vie de gloire, de rêve, d’aventure. Et je

l’ai obtenue. Mais le prix à payer a été au-dessus de mes at-

tentes. J’ai vendu mon âme au diable.

Oui, je l’ai fait. J’ai tué ! J’ai fait des choses inimagi-

nables pour le commun des mortels. Je suis allée au-delà, de

ce qu’un être de chair et de sang aurait cru possible. Aveuglée

par la gloire, la cupidité et les paillettes, j’ai tout perdu. J’ai

perdu mon humanité. J’ai perdu ma sensibilité, j’ai perdu ma

clairvoyance.

Je ne réclame pas votre pardon. Je ne vous demande

pas de me comprendre. J’ai juste besoin d’expier mes péchés.

Et de vous laisser une preuve tangible, témoignant de la jeune

fille innocente que j’étais.

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Ne perdez pas votre temps à m’envoyer au diable. Je

baigne déjà en enfer. Voici mon histoire. Lisez attentivement.

Je suis née un matin pluvieux de Janvier. Le temps,

morose, était à l’image de cette petite fille qui protestait déjà

contre tout. On aurait dit que je ne voulais pas de cette fa-

mille. Après deux garçons et une fille, maman Pauline et son

époux Gaston étaient heureux d’accueillir une seconde fille.

J’ai refusé de pousser mon premier cri. Les infirmières se sont

appliquées à me fouetter le siège pour que je réagisse.

Je ne voulais certainement pas de cette famille. Ma fa-

mille était ce qu’on appelle une famille normale. Papa qui était

content de son travail de maçon, et maman qui soutenait son

époux comme elle le pouvait. L’argent n’était pas toujours au

rendez-vous, mais le bonheur y régnait. Pas pour moi, certes,

mais les autres semblaient heureux. Je n’y avais pas ma place.

Je le savais au fond de moi.

J’ai grandi dans un environnement sain, stable. Rien


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qui puisse justifier un quelconque traumatisme, qui aurait pu

changer le cours de ma vie. J’étais censée être équilibrée

comme le reste de la famille.

Mais je ne m’y sentais pas à ma place. J’étais un bébé

bien portant, qui faisait la fierté de sa maman. En grandissant,

j’avais plus gagné en beauté physique qu’en traits de caractère.

Je ne ressemblais à aucun de mes parents. Maman disait que

je lui rappelais sa défunte sœur cadette. Elle était décédée

cinq ans avant ma naissance.

C’est à elle que je dois ce prénom : Nelly. Une fane de

roman à l’eau de rose partie trop tôt. Sa photo trônait au beau

milieu du salon. Je la regardais et je nous trouvais effective-

ment des traits communs. Son histoire était suspecte et tra-

gique. J’y reviendrai plus tard. Je ne désirais qu’une chose,

quitter la maison familiale, partir le plus loin possible. Je dé-

testais cette vie. « Oh oui, je la détestais de toutes mes tripes ».

Je m’estimais supérieure à cette vie de misérable.

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J’avais treize ans lorsque j’ai commencé à mentir et à

enfreindre les règles. Je me suis liée d’amitié avec un groupe

de filles de bonne famille et je devais entrer dans leur monde

afin de comprendre. Je leur disais que mes parents étaient

des diplomates toujours en vacances. Et que je vivais chez

une tante qui prenait soin de moi… Je mentais avec flegme.

Pour intégrer ce lycée au cœur de la ville, j’avais dû re-

courir à un subterfuge. Il y avait des lycées plus proches de la

maison, mais les élèves qui y allaient étaient pratiquement

tous issus de notre banlieue de pauvres. Je ne voulais plus

voir les mêmes têtes d’enfants de parents tirant le diable par

la queue. Alors , j’ai choisi mon lycée seule ; à plusieurs kilo-

mètres de la maison.

Ma sœur aînée allait au lycée tout près, mes frères aus-

si. J’étais censée suivre leur pas. Mais, je ne le voulais pas.

Alors, J’ai dit à mon père que j’étais la plus intelligente de ma

classe. J’ai rajouté que si je voulais mettre toutes les chances

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de mon coté afin d’obtenir mon baccalauréat, je devais aller

dans ce fameux lycée.

 « Mais Nelly, c’est à plus de trente kilomètres de la maison.

Comment vas-tu faire pour y aller ? Je ne pourrais pas te

payer le transport tous les jours ». Me disait mon père.

 Je ne comprends pas pourquoi tu dois aller dans un lycée si

loin. Alors qu’il y en a beaucoup par ici. Le baccalauréat

n’est-il pas le même partout ? disait ma mère.

J’ai levé mes yeux vers le ciel. Ma mère cherchait tou-

jours à tout analyser. Contrairement à mon père qui lui, ava-

lait mes mensonges sans jamais sourciller d’indignation. Elle

avait du flair pour détecter mes mensonges. Finalement, j’ai

pu quand même intégrer ce lycée. En ce qui concerne le

transport, ma mère avait eu raison, c’était la croix et la ban-

nière pour me rendre au lycée. Mais je réussissais toujours à

trouver une astuce pour m’y rendre avec ponctualité. Entre le

stop, dangereux à mon âge, et la mendicité à laquelle je


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m’adonnais sans aucune honte, quand il le fallait, j’obtenais

toujours l’argent nécessaire pour mon transport.

 Excusez-moi monsieur, j’ai perdu mon portefeuille, pou-

vez-vous m’aider ? disais-je d’un ton triste, au premier pas-

sant venu. Avec mon argent de taxi de la semaine, je ne sais

pas si vous pouvez m’aider.

L’homme qui se tenait debout en face de moi à ce mo-

ment, ne pouvait qu’être attendri par le visage en détresse de

la jeune femme vêtue de sa tenue de lycée qu’il avait en face

de lui. Les moins généreux d’entre eux me donnaient environ

mille francs CFA, tandis que les plus charitables n’hésitaient

pas à me glisser un billet de cinq mille francs dans la main.

Ce stratagème fonctionnait si bien qu’il me permettait non

seulement de payer mon transport mais aussi d’amasser pas

mal d’argent. Tant et si bien que l’on finit par croire que j’étais

fortunée.

Mes amies pensaient que le produit de ma mendicité


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provenait de mes parents tandis qu’à la maison, je prétendais

que je me rendais à pieds dans mon nouveau lycée. J’ai tou-

jours soupçonné ma mère de ne pas m’avoir cru, mais elle n’a

jamais rien dit.

Je haïssais cette famille, j’en voulais à mes parents de

m’avoir conçue et fait naître dans ces conditions :

 Comment pouvez-vous être pauvre et être heureux maman?

demandais-je un jour à ma mère, qui me jeta un regard où

l’on pouvait lire son désarroi avant de me répondre

 Quelle relation l’argent a-t-il à voir avec le bonheur ? donc

pour toi, l’argent est synonyme de bonheur ? me dit-elle d’un

air dépité.

 Bien sûr ! puisque quant on est riche on est forcement heu-

reux. M’écriai-je

 Qu’appelles-tu riche ? me demanda maman

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C’est moi qui étais maintenant surprise.

 Mais maman, riche veut dire avoir beaucoup d’argent...

 Qui est-ce qui te l’a dit ?

 Mais, tout le monde le sait...

 Nelly, ma fille, je crois que tu n’as pas encore compris que

riche et argent sont deux choses différentes. Et pour être heu-

reux, on n’a pas besoin d’argent, mais de la paix intérieure.

A cet instant, j’ai regardé ma mère d’un air curieux. J’avais

l’impression qu’elle divaguait. Comment pouvait-elle com-

prendre ? Elle était née pauvre et allait mourir pauvre ! Rien

de surprenant. On ne parlait pas le même langage. 

 « En tout cas, je sais que l’argent résout tout, dis-je d’un ton

hautain

 Maman a secoué la tête.

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 L’argent complique tout…dis ma mère

 On a tous besoin d’argent pour vivre !

 L’argent n’est pas si important. Répliqua ma mère

J’ai abandonné la discussion car ma mère avait un

point de vue différent du mien, je n’allais donc pas gaspiller

mon énergie pour qu’elle change d’avis.

Ma mère a encore eu une fille. Cela me mit dans tous mes

états. Comment pouvait-on être aussi démuni et avoir autant

d’enfants ? 

Je disais à mes amies que j’étais fille unique. Ce qui

était vrai dans ma tête. J’ai passé ma vie à surfer sur cette vie

de mensonges, d’illusions, de non-dits jusqu’à mes dix huit

ans. Je venais alors d’obtenir mon baccalauréat. Cette an-

née-là, tout a basculé. Les choses devaient se préciser.

J’ai commencé à réfléchir à tous les moyens que j’avais

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à ma portée, de devenir rapidement riche. J’ai regardé autour

de moi. Mes frères étaient devenus de pauvres hommes

comme leur père. Ma sœur aînée s’était entichée d’un pauvre

commerçant. Cette famille était partie pour mourir pauvre.

Mais pas moi. J’ai alors pris une décision qui allait changer

tout cela… Me servir de mon corps. En effet, j’avais deux

atouts non négligeables, une plastique de rêve associée à une

beauté fatale. Elle allait être la clé qui m’ouvrirait la porte du

paradis.

Je n’allais pas me prostituer. Non, c’était trop facile, vulgaire

et banal. J’allais utiliser une autre voie plus rapide et plus élé-

gante. Il ne me restait plus qu’à trouver un bon pigeon.

J’ai tout fait pour me lier d’amitié avec Laurène. La fille

d’un ponte de ce pays. Elle avait accès à des milieux inacces-

sibles pour moi. C’est grâce à elle, que j’ai découvert cet envi-

ronnement huppé, fait de strass et de paillettes.

Ainsi, tout doucement et sûrement, j’approchais de


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mon but fixé. Seulement, je n’avais jamais imaginé que cette

quête de la richesse et du bonheur, allait m’entraîner aussi

loin. Jusqu’au point de vendre mon âme au diable.

Et tout est parti d’une rencontre. Une rencontre avec

lui. Philip. L’instigateur de tout… Il a littéralement changé ma

vie...

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CHAPITRE 2 : Une nuit fantastique avec Philip…
Mi amor déshabille-toi !

Je n’étais pas une étudiante ordinaire. Avant de vous

parler de Philip, permettez-moi de vous raconter mon quoti-

dien à cette époque.

Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai instinctive-

ment choisi la filière banque et finances. Pas par vocation. Se-

lon moi, c’était le cursus idéal, qui allait me permettre de me

familiariser avec les millions auxquels j’aspirais.

Mon père m’a bien fait comprendre qu’il n’avait pas

l’argent pour mon inscription. Je lui ai répondu que ce n’était

pas un problème, car j’avais droit à une bourse universitaire.

Ce qui était faux, bien entendu. J’avais une amie au lycée.

Grâce à elle, j’ai connu son papa Jean. C’était un monsieur

gentil toujours prêt à m’aider. Je lui avais dit en pleurant que

mes parents étaient décédés. Ma famille ayant été décimée

dans un incendie, je me retrouvais seule au monde. Je le rem-


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bourserai dès que je trouverai un emploi. Je fis en sorte d’être

à plaindre. Voilà comment je réussis à intégrer cette filière.

Convaincre ma mère a été une autre paire de manches.

Méfiante, elle m’a demandé à quel montant s’élevait ma

bourse. Elle n’arrivait pas à croire que la scolarité soit intégra-

lement prise en charge par ma bourse. Mais j’avais les argu-

ments nécessaires pour la convaincre. Parce qu’au jeu du

mensonge, j’étais la meilleure.

Par la suite, je dû faire face au problème que suscita

mon logement. J’ai monté une histoire cousue de fil blanc. Ce

qui était bien évidemment faux. J’avais prévu de loger à l’hô-

tel les premiers jours. Mais j’ai une mère bornée. Elle s’est

mise dans la tête que sa fille ne devait pas mendier un lit.

Elle a puisé dans ses économies et ses tontines pour me louer

une chambre minable :

 Maman, c’est ici que tu veux que je dorme??...m’écriai-je

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 Il y’a un lit, une salle de bain et un coin cuisine. Que te faut-

il de plus ? répondit-elle

J’ai regardé autour de moi. Le mobilier vétuste, ce lit

bancal, ce matelas moche qui faisaient peine à voir... Non... il

était hors de question que je dorme dans un lieu aussi sor-

dide. Ce n’était pas le standing auquel j’aspirais. Ma mère se

mettait les doigts dans le nez. À sa façon de me regarder, je

compris que je devais jouer le jeu. Elle me trouvait déjà extrê-

mement jeune pour vivre seule. J’avais dix huit ans mais

pour elle, j’avais dix huit mois :

 «  C’est bien maman. J’imagine qu’avec de beaux rideaux

tout sera parfait.

Elle parut soulagée. Le fait que j’aille vivre loin d’elle

lui faisait peur. Cette liberté était pourtant mon passeport

pour une nouvelle vie. J’ignorais encore ce que j’allais me

prendre, mais je savais déjà que j’allais trouver un logement

digne de mes rêves les plus fous


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Dès que ma mère est partie, je me suis loué une

chambre d’hôtel. Cette même chambre, je l’ai sous-louée à un

autre étudiant. Ainsi, tout le monde sortait gagnant. Tout al-

lait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Je prenais mes cours dans la journée. Et le soir Lau-

rène et moi parcourions les milieux huppés auxquels elle

m’avait fait accéder. Je ne sais pas ce que je désirais vraiment,

mais je savais une chose : je ne me retrouverai jamais avec

un de ces impécunieux à l’odeur nauséabonde qui n’allait ja-

mais subvenir à mes besoins. Ces messieurs ventrus, qui vou-

laient rompre la monotonie de leur misérable vie sombre,

avec des jeunes filles. Ainsi je pouvais utiliser l’argent et les

cadeaux que je recevais mais… pas plus. Jusqu’à ce soir là, où

Philip fit son entrée en scène.

Philip était un jeune homme. La trentaine à peine en-

tamée. Il roulait littéralement sur de l’or. Je l’ai observé durant

toute la soirée, en me demandant comment un jeune homme

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de son âge pouvait dépenser des sommes aussi extravagantes

en une soirée. Avec lui, L’argent coulait à flot. C’était tout sim-

plement extraordinaire. Etre proche de lui a été si facile. Il re-

présentait ce que je voulais. J’étais jeune, sexy et disponible.

Nous pouvions donc procéder à un échange :

 Salut. Je suis Nelly...une admiratrice, désolée de m’imposer

ainsi. Avais-je déclaré d’emblée.

Il a regardé ma main tendue.

 Enchanté. Je suis moi... deux mots laconiques

Curieuse façon de se présenter. Ah ça, c’est le moins

qu’on puisse dire....je suis moi. Son arrogance était égale aux

sommes faramineuses qu’il dépensait. On aurait dit un en-

fant gâté. Mais, son éducation ne m’intéressait guère. J’avais

plusieurs cordes à mon arc. Je l’ai donc emmené où je voulais.

Deux semaines plus tard, il me couvrait de cadeaux.

L’argent a commencé à me sourire. J’en avais assez pour vivre


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pendant une année entière sans travailler. Je dévalisais les

magasins. J’étais toujours à la pointe de la mode. Mes cours

ne m’intéressaient plus tellement. Je payais un étudiant pour

prendre mes notes. Lesquelles notes je ne lisais jamais. Pour

mes évaluations, au début je payais une étudiante afin qu’elle

passe les examens à ma place. Par la suite, je me suis dit qu’il

était plus judicieux de soudoyer directement mes enseignants.

J’avais une vie de rêve… Mais je n’étais pas satisfaite.

Cela faisait quatre mois que notre relation avait débuté

et portant Philip n’avait jamais insisté pour avoir les relations

sexuelles. On se faisait des caresses intimes mais on n’était ja-

mais allé loin. Au début, cette situation m’arrangeait. Mais

après quelques semaines, j’ai commencé à me poser de ques-

tions. Qu’est-ce qui clochait ?

Je savais que dans ce monde, rien n’est jamais gratuit.

Il devait donc forcément attendre quelque chose de moi. Soit

il avait de l’argent à jeter par les fenêtres, soit je n’étais pas son

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type de femmes. Mon amour propre en a pris un coup. Sans

prétention, j’étais un beau brin de fille. J’avais un corps si

plantureux, qu’il aurait fait frémir le pape en personne. De

plus, Philip n’avait pas l’air d’un simple philanthrope. Ceci ca-

chait forcément quelque chose. Pour en avoir le cœur net, je

me suis directement ouverte à lui :

 Dis Philip, ai-je fait quelque chose qui t’a irrité ?

 Mais non ma princesse ! Quelle question bizarre... .Tu es

parfaite...

 Pourquoi n’avons-nous jamais passé une nuit ensemble

alors?

Il est resté songeur. J’avais l’impression qu’il cherchait

ses mots avec une attention particulière , puis il est revenu à

moi et m’a dit :

 Vois-tu princesse, tu m’es très précieuse malgré ta jeunesse...

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Je lui avais menti sur mon âge. Il me croyait trois ans plus

âgée.

 J’aimerai passer une nuit fantastique avec toi. Mais avant ça,

j’aimerai que tu me rendes un service.

Toute contente de pouvoir enfin servir à quelque

chose, je me suis exclamée.

 Bien sûr... tu n’as qu’à demander

 D’accord mi amor. Je passe te chercher à minuit ce soir...

Minuit ? Ai-je eu envie de crier. Pourquoi à minuit ?

Mais je n’ai rien dit. J’ai acquiescé d’un signe de la tête. .

Philip arriva quelques secondes après les douze coups

de minuit. Je suis montée dans son véhicule. Nous avons rou-

lé longtemps dans un silence angoissant. Il était silencieux. Je

tenais à lui faire plaisir, je m’abstins de poser de questions.

Il s’est arrêté tout à coup et m’a dit :


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 « Mi amor... Promet-moi que tu feras exactement ce que je te

demande. Je t’aime tellement. Il faut que je t’offre une voi-

ture.

Dès que j’ai entendu le mot « offrir une voiture », j’ai

oublié le reste de la phrase et j’ai acquiescé un grand sourire

aux lèvres, avant de lui répondre.

 Promis !!!…

 Ensuite, il a redémarré et nous avions continué à rouler.

Tout au fond de moi, je pensais déjà à cette voiture que j’au-

rai bientôt. Je la voulais rouge et bien tape à l’œil. Mais je ne

pourrais malheureusement la montrer à ma mère. Elle ris-

querait poser trop de questions. Je pourrais juste la conduire

à l’université. Et puis, j’imaginais les vêtements qui pour-

raient bien aller avec ma nouvelle voiture… Je ne me suis

pas rendue compte que la voiture s’était immobilisée depuis

un bon moment. J’ai sursauté et regardé autour de moi. Il fai-

sait sombre :
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 « Où sommes-nous ?, me suis-je écriée.

 Dans un cimetière...

Au mot cimetière, j’ai cru qu’il blaguait. Et pourtant,

c’était vrai. À bien y regarder, je pouvais distinguer avec une

certaine facilité plusieurs pierres tombales. J’ai cru que je rê-

vais.

 Mais, qui est mort ?, je me rendis compte de ma question

idiote. J’étais sérieuse ?

 Ceux qui sont enterrés ici sont sûrement morts. Je suppose

que c’est pourquoi c’est un cimetière ?

J’ai secoué la tête. Il jouait avec mes nerfs. Il avait res-

senti mon effroi…

 Philip… Que faisons-nous ici ?

 Nous rendons visite à mon oncle décédé.

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J’ai sursauté. On dirait que j’étais dans un film de

zombies. Rend-t-on visite aux morts ?

 Moi : -- Philip, s’il te plaît soit plus précis.

 Philip : -- Mi amor… Tu dois te déshabiller. Tu tourneras

sept fois autour de ce tombeau fraîchement creusée que tu

vois au fond là. Et tu reviens.

Il l’avait dit comme on commissionne un enfant, pour

chercher de l’eau en disant : « je veux de l’eau bien fraîche...»

 Mais, qu’est-ce que ça veut dire ?

 Rien. Fais-le et on s’en va !

Ne me demandez pas comment j’ai pu faire pour accéder

à sa demande. Je suppose qu’à un certain moment notre cupi-

dité nous empêche d’avoir tout jugement clairvoyant ?

Je l’ai fait et il m’a félicitée.

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 Bravo bébé. Tu es la meilleure !!!

Nous sommes retournés chez moi. Il m’a fait une bise

et m’a donné une grosse somme d’argent. Il n’est pas entré. 

J’ai tenté de le retenir. Il a dit qu’il devait se reposer.

Je suis allée me coucher songeuse. J’étais consciente

que je venais de faire quelque chose qui allait peut-être me

coûter la vie, mais quoi ? Mes sentiments étaient mitigés.

Entre l’argent que je percevais et la peur de mourir jeune, je

ne me retrouvais pas.

Le téléphone qui sonna ce matin me réveilla en sur-

saut. C’était maman...

 Oui maman…

 Oh Nelly, un malheur est arrivé. Irène est décédée...

Irène était ma sœur cadette. Elle avait juste treize ans.

Je suis restée figée au téléphone. J’ai perdu mes mots.


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 Mais comment ? Elle était malade ? j’étais vraiment sur-

prise.

 Lorsqu’elle s’est couchée hier soir, tout allait bien. Mais

quand on est allé la réveiller, ce matin, nous avons retrouvé

son corps sans vie

Ma mère pleurait au téléphone, elle criait presque... J’ai

laissé tomber le combiné. J’ai couru dans la salle de bain, car

j’avais une envie folle de vomir. J’ai eu le temps de lancer un

regard au miroir de la salle de bain. Ce que j’y ai vu m’a téta-

nisée.

Irène ???  criai-je

Bonjour Nelly... Tu m’as appelée. Me voici...

J’ai crié…

 Non. Non...non... Qui es-tu ?

J’étais entrain de devenir folle. Je me suis écroulée sur


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le carrelage de la salle de bain...

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CHAPITRE 3 : Une vie de rêve.

Il arrive un moment dans la vie où, faire marche ar-

rière devient impossible. Parfois, on se demande ce qui se

passe réellement. Mais au fond de nous, nous avons la ré-

ponse. Ma vie a été une suite d’erreurs. J’en suis consciente.

Aurais-je fait autrement si je l’avais su ? Peut-être oui, peut

être non.

C’est aujourd’hui que j’ai véritablement pu prendre

conscience de mes actes passés. La soif du pouvoir et de la ri-

chesse ont eu raison de ma pauvre personne. Je ne suis qu’un

être de chair et de sang. J’ai été gourmande. J’ai été trahie…

Je repris conscience quelques minutes plus tard. On

tambourinait à la porte. Que s’était-il passé ? Non, ce n’était

pas vrai ! Ma sœur cadette était décédée et je l’avais vue ici,

dans ma salle de bain. Ça ne pouvait pas être possible. Je ne

croyais pas aux histoires de fantôme et de surnaturel.

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Je me suis rappelée tout à coup que j’étais au cimetière

avec Philip la nuit dernière. Y avait-il un lien entre le décès de

ma sœur et ce qui s’était passé au cimetière ? Impossible ! Je

me refusais à le croire. Comment cela serait-il possible ? Je me

faisais des idées. Et puis, jamais je n’aurais fait du mal à ma

sœur. Ma famille, bien qu’étant loin de l’idéal que j’aurai pu

choisir restait importante pour moi. Pas parce-que j’éprouvais

un sentiment fort en leur égard, juste parce que les liens du

sang sont éternels.

J’éprouvais une indifférence totale pour tout le monde.

Ma mère seule avait grâce à mes yeux. Et encore, c’est parce

qu’elle m’avait donné la vie. Je lui devais au moins un peu

d’amour.

Je m’étais cogné la tête. J’ai commencé à ressentir une

douleur lancinante. Il me fallait du paracétamol. Mon visiteur

était sûrement parti car les bruits avaient cessé. Qui cela pou-

vait-il être ? Personne ne connaissait mon appartement. Seul

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Philip, Laurène et deux amis proches savaient où je vivais.

Philip avait loué cet appartement super cher avec vue

sur la ville. Une chambre high tech avec le mobilier qui allait

avec. Tout ici respirait le luxe. C’était un appartement qui en

mettait plein la vue. Ma mère serait tombée à la renverse si

elle l’avait vu. Elle savait que je vivais dans sa chambre mi-

nable, dans ce quartier puant.

J’ai commencé à tourner en rond dans la chambre. Les

idées se bousculaient dans ma tête. Je réalisais à l’instant

qu’Irène était décédée. Que s’était-il passé ? Pourquoi cette

image dans mon miroir.

Encore un léger coup à ma porte. Irritée, je suis allée

ouvrir. Il n’y avait personne. J’ai regardé à gauche, à droite,

rien. Un sac était déposé juste devant ma porte. Un sac de

voyage noir, qui semblait contenir des vêtements. « Tiens, c’est

curieux ! Que fait ce sac là ? Qui l’a déposé ? Et dans quel des-

sein ? »
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J’ai refermé ma porte en tremblant. Les choses étaient

de plus en plus bizarres depuis vingt quatre heures. Mon té-

léphone s’est mis à sonner. J’ai sursauté. J’ai regardé le nom

affiché : Philip : « 

 Oh Philip... Il est arrivé tellement de choses depuis ce matin.

Je suis perdue...

Tout un flot de paroles qui ne laissait pas le temps à Phi-

lip de me parler. Je voulais parler à quelqu’un. Je parlais vite.

 Calme-toi Nelly... Reprend ton souffle et recommence depuis

le début...

 Irène est décédée...

 Ah...désolé…

 Je l’ai vue au miroir dans ma salle de bain...

 Je comprends...

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Philip était plutôt calme. Ses réponses laconiques m’éner-

vaient. J’étais déjà une boule de nerfs.

 Prend le sac devant ta porte. C’est pour toi. Si tu revois ta

sœur, dis-lui que tu as besoin de temps, elle comprendra... »

Et il avait raccroché !

Mais que disait-il ? Revoir ma sœur ? Où ? Et puis, je

n’avais jamais parlé de ma famille à Philip. Comment savait-il

qu’Irène était ma sœur ? Le sac ! J’ai couru pour aller vérifier.

Il était toujours là. Je l’ai pris. J’ai ouvert pour regarder. Des

liasses de billets neufs... Mon Dieu ! Tout cet argent ??

J’ai jeté le sac sur mon lit en tremblant. Je devais réfléchir

et vite.

Quelques heures plus tard, j’ai reçu l’appel de ma sœur

aînée Bea. : « 

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 Nelly, tu devrais venir pour le deuil. Dit-elle d’entrée sans

même me saluer

 Bien sûr, je me mets en route demain matin. Répondis-je. »

Bea avait déjà raccroché.

J’avais une pauvre sœur quelconque. Elle n’avait jamais

rien réussi de sa vie. Heureusement que le seul lien qui exis-

tait entre nous était le lien de sang.

J’ai essayé de joindre Philip sans succès. Le sac plein

d’argent était TOUJOURS là. Je n›y avais plus touché.  J’étais

prête ce matin pour mon voyage. Trois heures me séparaient

du domicile de mes parents. Sortant de la salle de bain, je suis

tombée sur Irène, assise sur mon lit…

J’ai tenu ma tête :

 Non. Non… Nelly. Tu délires. Cette image est dans ta

tête.

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 Je ne suis pas dans ta tête. Mais je suis bien là. Dis-moi ce

que tu désires, je t’aiderai…répondit Irène

 Je ne peux pas être folle…

 Tu n’es pas folle. Je suis ici pour t’aider...

Je tremblais. Je me suis souvenue de ma conversation

avec Philip ce matin…

 Laisse-moi, je ne suis pas prête !

 D’accord, prend tout ton temps.

Et elle a disparu.

J’étais en plein film de science-fiction. Je me suis pin-

cée le bras. J’étais éveillée. C’était moi.

Je suis sortie de l’appartement en courant. On aurait

dit que j’avais le diable à mes trousses.

Je suis arrivée à la maison et j’ai trouvé toute la famille


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en pleurs. Les tantes, oncles, cousins, cousines, tout le monde

était là. Maman semblait avoir vieilli de dix ans. Elle était

dévastée. C’était normal. La perte d’un enfant n’est facile

pour aucun parent.

J’ai attiré mon frère aîné à l’écart.

 Où est le corps d’Irène ?

 Mais à la morgue. Où veux-tu qu’il soit ?  cria presque mon

frère surpris

 Je posais une question Robert.

Mon frère aîné était un garçon sans aucune saveur,

fade, sans ambition. Il avait suivi la trace de son père.

Ma mère s’est approchée de moi, m’a regardée bizarre-

ment :  

 Nelly, d’où te viennent ces beaux vêtements ?

36
Surprise, j’ai levé un sourcil. J’avais fourni l’effort de

choisir les vêtements les plus simples de ma garde-robe. Ap-

paremment, maman s’y connaissait en mode.

 C’est le cadeau d’une amie. Maman, je suis désolée pour

Irène. Le Seigneur seul a ses raisons.

Ma mère s’est mise à pleurer. Le sujet était oublié. J’ai

refusé d’y passer la nuit. Je devais revenir pour les obsèques

cinq jours plus tard.

Philip m’attendait chez moi. Fidèle à ses habitudes, il

était bien mis. Je me suis demandée tout à coup ce qu’il fai-

sait dans la vie. Curieusement, cette question ne m’avait ja-

mais traversé l’esprit. Comment quelqu’un pouvait-il avoir

autant d’argent sans boulot ? Vous serez surpris que la ques-

tion ne me vienne qu’en ce moment. Mais je suis encore plus

surprise de ne pas y avoir pensé plus tôt. Tellement j’étais

emportée à jouir de son argent, que je ne m’étais pas posé de

question : « 
37
 Nelly… Mi amor ... Ton voyage a été ? Une fois de plus, ac-

cepte mes condoléances pour ta perte. C’est la vie. Certains

doivent bien mourir pour que le cycle recommence. Et puis,

dis-toi que sa mort n’est que physique...

De quoi parlait-il ? Je ne devais pas tarder à mieux

comprendre. La politique de l’autruche devait cesser.

 Que fais-tu dans la vie Philip ?

 Je jouis de mon argent...

 Mais encore ?? ..

 Devrait-il avoir un mais ??

 Je parle d’un boulot comme les autres personnes.

 Vois-tu ma petite Nelly. Je ne suis pas les autres personnes.

Je croyais que tu l’avais déjà compris.

 Oui mais…

38
 ll n’y a pas de mais qui tienne. Je jouis de la vie. J’ai décou-

vert en toi mon âme sœur. Tu aimes l’argent, tu aimes la vie.

Nous allons continuer. Tu as fait exactement ce qu’il fallait

au cimetière. Tu as réussi ton initiation. Je serai ton guide.

N’aie plus peur Nelly. Je te protégerai contre le monde. Tu

auras la gloire, la richesse. Je t’offrirai le monde et ses habi-

tants si tu le désires.

 Que devrais-je faire en échange de tout ça ???

 Ma petite Nelly, j’apprécie en toi cette capacité de compré-

hension rapide. Pas besoin de faire un dessin avec toi. Ton

sacrifice n’est pas énorme. Ce que tu recevras en retour com-

pensera largement tout ça. Vois-tu, ce monde n’est pas fait

pour les faibles. Pas de scrupules à avoir. Si tu ne manges

pas, tu seras mangé. Tu feras exactement ce que je te dis de

faire. Es-tu prêtes mi amor ???

Restait-il au fond de moi un zeste d’humanité ? Avais-

je un jour été humaine ? Pourquoi ai-je accepté ? Moi si jeune,


39
qui allais avoir dix neuf ans dans une semaine. Je ne compre-

nais pas moi-même. Une force invisible me dictait-elle ma

conduite ? Mensonge, j’étais cupide.

Philip me laissa une consigne la veille des obsèques

d’Irène : « 

 Ramène-moi la terre qui recouvre sa tombe s’il te plaît. Dé-

brouille-toi pour ne pas être vue. »

Une demande que je ne trouvais plus bizarre. J’étais

plongée jusqu’au cou dans cette histoire. Impossible de re-

tourner en arrière. J’ai commencé à utiliser l’argent trouvé

dans le sac. J’ai envoyé une somme énorme à ma mère qui a

crié :

 Où as-tu pris cet argent Nelly ?

 C’est mon fiancé maman. Il veut m’épouser.

 Non, tu es encore une enfant naïve. Tes études doivent être

40
ta priorité. Ce n’est pas le moment de t’intéresser aux

hommes. Le moment viendra. Un homme n’offre pas de

l’argent à une jeune fille ainsi. Retourne-lui son argent. Ma

fille, ne t’intéresse pas aux biens terrestres...

 S’il te plaît maman, je voudrais t’aider pour les obsèques de

Irène. Prend cet argent. Je l’ai mérité. S’il te plaît...

Pauvre maman, elle qui me voyait naïve et si jeune, si

elle savait…

J’ai revu Irène deux fois dans ma salle de bain, mais je

l’ai ignorée. Désormais je savais ce que j’avais à faire.

J’ai eu la terre fraîche comme promis. Je l’ai remise à

Philip. Il m’a emmenée voir ses amis. Ils étaient cinq. Tous

des hommes jeunes et beaux. Je ne les avais pas vus. Ils se

sont assis à table. Philip m’a présentée. J’étais là, perdue. La

cuisinière a apporté le repas. À l’ouverture du plat… Une

odeur pestilentielle s’en est dégagée.

41
J’ai crié :

 C’est quoi ça Philip ?!

 Chut. !!!....Nelly. Moins fort. C’est notre dîner...

 Mais, ça sent de la merde...

 Oui. C’est de la merde.

 Mais...mais… Merde comme merde ou merde merde ??

 Merde merde...

 Nous n’allons pas manger ça Philip, rassure moi...

Son silence était plus éloquent que tous les discours du

monde.

J’étais stupéfaite. C’était la première fois que je me retrou-

vais confrontée à ceci. Je n’étais pas si sotte. J’avais entendu

parler des gens qui se nourrissaient de leurs excréments.

Mais je n’y croyais pas. Il y’a tellement de choses incroyables


42
qui ne sont pas vraies aujourd’hui. Comment en suis-je arri-

vée là ?

J’ai passé la nuit dans ma salle de bain à vomir mes tripes.

Je devais arrêter tout ceci. Non ! Je ne pouvais pas vivre ainsi.

J’étais jeune. Belle. Je pouvais encore changé d’orientation. Je

pouvais encore sortir de cet engrenage qui m’aspirait. Je de-

vais sortir de là et vite. 

J’ai crié : « 

 Irène, je sais que tu es là... Montre-toi !

Elle est apparue.

Elle était assise là et me regardait.

 Je suis là. Que veux-tu ??

 Que se passe-t-il ? Tu es morte. Qu’ai-je à voir avec ta mort ?

 Je ne suis pas morte Nelly. Je suis avec toi. Toi et moi en-

semble jusqu’à la fin de la vie.

43
C’était le comble. Cette histoire ne finira donc jamais ?

 Je veux que tout ça s’arrête. Je veux ma vie !

 Trop tard Nelly. Tu as fait ton choix. Nous vivrons ensemble.

 Va-t-en ! Va-t-en ! Quitte ma vie ! Sorcière… Va-t-en ! ai-je

crié hystérique

J’ai tout cassé dans la salle de bain.

Mes mains étaient en sang. Je criais. Je pleurais.

Philip est apparu comme par magie. Comment avait-il su ? Je

n’ai posé aucune question.

« Philip… Je ne veux pas de tout ceci. Je veux ma vie ! Je vois

Irène partout…

Chuttttt.. !!!. Ça ira... Toi, tu ne vois qu’Irène. Je vis avec mon

oncle, ma nièce, mon neveu, mes cousins, mes tantes, depuis

cinq ans. Vous n’êtes que deux. Nous sommes nombreux. Ça

44
ira bientôt. Tu t’habitueras. Je t’ai acheté une voiture pour ton

anniversaire. Elle sera livrée demain. Tu mérites tout ceci.... Je

vais m’occuper de toi. Montre-moi tes mains. Je vais les pan-

ser. Demain, on refera cette salle de bain... Ça ira mon amour...

J’étais là, les yeux ouverts. Je ne voyais rien. Je ne com-

prenais rien.

Demain j’aurai une voiture. Oui, je roulerai dans une

voiture. Je ferai des jalouses. Je serai enviée. Je serai adulée au

campus. J’aurai pleines d’amies. Je pourrais faire ce que je

veux…

Oui j’aurai une voiture. La vie était si belle.

45
46
CHAPITRE 4 : La grande évolution.

Une larme perla au coin de ma joue et s’écrasa sur la

feuille. Je l’essuyai prestement. Non, je ne devais pas fléchir.

Je devais tout mettre par écrit. Le monde doit être au courant.

Pourquoi ? Je ne sais pas exactement mais mon histoire devait

être lue.

Je suis arrivée à un point de non-retour. Les scènes que

je vais vous raconter vont vous paraître irréelles pour la plu-

part. Mais, comprenez que ce monde n’est pas exactement ce-

lui que vous voyez au quotidien. Certaines situations dé-

passent notre entendement.

J’étais comme vous des années auparavant. Mais de-

puis j’ai enlevé les œillères qui me recouvraient les yeux. Je

suis le produit de ce que j’ai voulu. J’imagine que je l’ai cher-

ché. Je vous ai dit dès mon propos introductif, que je ne récla-

mais pas votre pardon. Vous ne pourrez pas me l’accorder.

Ne demandez surtout pas à mon âme de reposer en paix, je


47
n’en ai plus.

Après la scène du repas immonde, Philip m’a calmée.

Je suis revenue à moi-même. Loin de fuir tout ça, j’avais plus

que jamais une soif désespérée des biens terrestres. J’étais

alors une jeune fille perdue, qui croyait que seule la richesse

matérielle procure le bonheur. J’étais plus que jamais décidée

à me prêter au jeu. Lequel ? Je ne le savais pas encore.

Philip me couvrait de cadeaux comme je l’avais tou-

jours voulu. Il restait au fond de moi une impression de vide.

Mais je savais que tout ira bien. Ma sœur n’était plus réappa-

rue. J’étais curieuse de comprendre les dessous de sa mort.

J’ai posé la question à Philip : « 

 Nelly, Irène a été la dernière à t’avoir envoyé un message ce

matin-là. Tu as pensé très fort à elle à la dernière minute. Il

faut généralement une personne avec qui tu entretiens des

liens étroits pour que la magie opère.

48
Donc Irène était juste tombée au mauvais moment de

ma vie ?  Regrettais-je sa mort ? Était-elle morte ? Je la voyais

pourtant.

Une semaine plus tard, j’ai reçu une magnifique voi-

ture. J’avais déjà dix-neuf ans. J’avais une voiture, moi, dont

aucun membre de la famille ne possédait une bicyclette.

C’était fou. Mon seul regret ? Ne pas pouvoir étaler toute cette

richesse devant ma famille. J’avais beau être une fille vénale

mais je n’étais pas idiote.

Les questions devaient obligatoirement naître. Je ne

me sentais pas prête à y répondre. Et puis, qu’aurais-je dit ? 

« Voilà maman, j’ai tué ta fille pour l’avoir ? ». Inconcevable !

Le mieux était de jouir de cette richesse avec des in-

connus. Mes amis savaient que j’avais des parents aisés, qui

ne léchinaient pas sur les moyens. Je pouvais tout me per-

mettre. J’étais entourée par une nuée de personnes avides,

prêtes à mendier un peu d’argent. Même ceux dont les pa-


49
rents étaient supposés être riches.

Vous aviez beau le dire et crier sur tous les toits : Tout

le monde aime l’argent ! Chacun a juste sa façon personnelle

de concevoir son lien avec lui. C’est comme avec votre «Dieu».

Personne ne me jettera la première pierre. D’autres ont fait

pire que moi. Je ne me console point. J’étale juste un fait indé-

niable.

Parvenu à ce point de mon récit, je vous ferai une révé-

lation. L’argent a été créé par le diable. Oui, vous utilisez son

instrument. Je vous l’ai dit.

Rien n’était plus si étonnant pour moi. Je n’avais pas

revu les amis de Philip. Et je m’en portais plutôt bien. Je n’étais

pas prête à renouveler cette expérience. On a beau le dire, cer-

taines choses sont au-dessus de nos forces. Me nourrir d’ex-

créments humains n’était pas un rêve.

J’avais peut-être jubilé trop vite… 

50
Lorsque Philip m’a appelée pour me dire qu’une autre

séance était prévue. J’ai commencé à pleurer seule. Philip et

moi avions une relation extraordinaire. J’avais compris de-

puis longtemps que lui et moi ne serons jamais un couple

normal. Il avait été mis sur mon chemin pour me permettre

d’accomplir mes œuvres.

Voyant mon désarroi, Philip m’a proposé une alterna-

tive :

 Nelly, tu peux toujours aller passer la nuit sur la tombe

d’Irène ce soir-là. Je dirai aux autres que tu es indisposée. »

Quoi ? Cette proposition n’était pas des plus allé-

chantes elle était loin de me rejouir. Mais elle avait le mérite

d’être mille fois mieux à la séance de bouffe d’excréments.

Passer la nuit sur la tombe de ma sœur ? Aussi incroyable

que cela puisse paraître, c’était aussi facile que de passer la

nuit au Hilton. 

Au moins, j’avais les étoiles pour me tenir compagnie.


51
J’ai parcouru des kilomètres pour y être. Ma couver-

ture bien installée et bien emmitouflée. J’entendais mon cœur

battre seul. Irène est apparue :

 Bonsoir Nelly. Alors la vue est bonne ?

J’ai sursauté. J’étais pourtant chez elle.

 C’est toi qui me rends visite aujourd’hui, ça me fait plaisir.

 Irène, tu es un fantôme. Je sais que tu existes dans mon es-

prit. Les morts sont au royaume des cieux.

 Quel royaume ? Les personnes normales sont couchées chez

elle dans un lit. Que fais-tu au cimetière ?

C’était incroyable. Je tenais une conversation avec une morte.

Elle essayait même de me culpabiliser.

 Irène, laisse-moi dormir.

 C’est toi qui trouble ma quiétude. Tu es sur mon lit.

52
J’ai secoué la tête

 Ok, restons là.

Elle s’est assise près de moi. Elle a dit.

 Nelly, regarde cette tombe au fond, qu’en penses-tu ?

De quoi parlait-elle ? Dans la pénombre, je ne distinguais

quasiment rien.

 Lève-toi s’il te plaît, je veux te montrer quelque chose.

Je me suis levée sans poser de questions. Les questions

étaient inutiles. Car la situation en elle-même était déjà ro-

cambolesque. On marchait entre les tombes. J’avais une

lampe torche que Irène m’avait défendue d’utiliser. Mes yeux

se sont accommodés à la pénombre. Elle s’est arrêtée à

quelques pas et m’a dit : « 

 Regarde devant toi.

53
J’ai essayé de distinguer les images. Il y avait deux per-

sonnes debout, appuyées contre des objets, sûrement des

pelles. Elles se reposaient sûrement.

 Mais, que font ces gens ?! demandai-je

 Ils creusent pour retirer les restes des débris humains.

 Mais pourquoi ?

 Pour des rituels sataniques. J’imagine que tu y assisteras un

jour.

J’ai secoué la tête. J’avais entendu parler de ces per-

sonnes qui profanaient les tombes pour voler les ossements

humains. Mais je ne pensais pas être un témoin visuel d’une

telle scène. Que faisais-je là ? Et si ces personnes me voyaient?

 Pourquoi me montres-tu ça ?

 Une façon pour moi de te montrer que tu n’es pas la seule à

être pervertie.
54
 Suis-je censée être rassurée ?

 Non, tu devrais avoir peur. Surveille tes arrières. On ne sait

jamais.

 Tu parles en parabole…

 Le Seigneur parlait en paraboles.

 Pour l’amour du ciel, que fais le Seigneur ici ? criai-je, à bout.

Cette conversation me faisait sortir de mes gongs.

 C’est la clé et le début de tout…

 Pourquoi ? Que veux-tu dire Irène ?

 Tu ne m’as pas posé de questions avant de m’envoyer ici.

 Je ne savais pas.

 Tu te défends toujours. Viendra un moment où tu compren-

dras tellement de choses. Maintenant, rentrons. »

55
Il était minuit déjà. J’étais là à converser avec un mort

dans un cimetière. J’assistais à une scène de profanation. Ma

vie était belle à la fin.

Après cette nuit particulière, je commençais à com-

prendre beaucoup de choses. Irène m’avait demandé d’aller

faire un don dans une église.  J’ai poussé la porte de l’église la

plus proche de mon domicile. À ma vue, le prêtre a fait un

signe de croix :

 Bonjour ma fille, que puis-je faire pour toi ?

 Contribuer à l’édification de l’œuvre de Dieu mon père.

Il semblait bizarre. Comme s’il lisait en moi. Je ne m’en

souciais guère. J’avais une mission à accomplir. Et puis, Philip

voulait me voir urgemment. Je devais y aller.

 J’ai deux millions de franc CFA à vous remettre. Où vais-je

les déposer ?

56
Il m’a regardée de façon suspicieuse. Il cherchait ses mots.

 Confie ta vie au Seigneur ma fille.

 Non merci, il me l’a donnée déjà. Que fera t-il de ma pauvre

vie ? Je crois que la vôtre est suffisante mon père. Merci de

me diriger. »

Quelques heures plus tard. J’étais assise en face d’un

Philip plutôt content :

 Alors ? demandai-je

 Comment te sens-tu ?

 Comme d’habitude. C’est-à-dire moi. Et toi ?

 Vivant et content.

 Puis-je partager ta joie ?

 Oui, j’ai besoin du sang frais. Toi seule peux me le fournir.

57
J’ai laissé tomber le verre que je tenais.

 Sang ? Quel sang ?!

 Cherche. Tu es une grande désormais. Tu peux tout faire.

 Philip, je suis perdue là...

 Retrouve vite ton chemin. En passant, si tu ne veux plus

voir ta sœur chez toi, élimine tous les miroirs de ton apparte-

ment. Sans ça, elle ne peut pas entrer.

J’étais déconcentrée. Trop d’informations en une seule

fois. Quel sang ? Et où devais-je le chercher ? Philip me récla-

mait du sang humain ? Je devais trouver du sang et vite. Ça a

été fait lorsque mon cousin a trouvé la mort dans un banal

accident de voiture. Quelle perte ! Paix à son âme.

Ce monde est divisé en deux parties : d’un côté ceux

qui vivent la nuit. Et de l’autre, ceux qui vivent le jour. J’ap-

partenais aux deux mondes. J’étais l’exemple type d’une per-

58
sonne hybride. Vivre cette situation me permettait de com-

prendre une partie du labyrinthe de l’esprit humain. Il

devient quasiment impossible de faire la part des choses,

lorsque nous sommes aveuglés par les paillettes, le feu de la

rampe, la gloire, la richesse matérielle.

L’homme n’est-il pas un animal en évolution ? Il m’ar-

rivait de faire des choses qui dépassaient l’entendement hu-

main... Je me rappelle de ce jour, je fêtais mon anniversaire.

J’avais convié une poignée d’amis triés sur le volet. C’était

pour la plupart, les plus intelligents et ambitieux du campus.

Avec ma richesse, j’avais les portes grandes ouvertes devant

moi.

Ce soir-là, j’ai fait ce qui devait me permettre d’évoluer

au grade supérieur. Au cours des mois écoulés, j’avais pu at-

teindre un niveau des plus élevés dans la société secrète.

J’ignorais toujours qui étaient les dirigeants. Pour le moment,

mon seul souci consistait à éteindre ma soif d’argent. Philip

59
était fier de moi.

Ce soir-là donc, j’ai mélangé le sang issu de mes mens-

trues au cocktail offert à mes «amis». Les pauvres le buvaient

comme du petit lait, sans savoir que j’aspirais par là leur es-

prit et leur futur. Ils seront surpris demain de ne rien trouver

dans la vie. Ils seront juste des déchets. Les laissés pour

compte de la société.

Je n’avais aucun remord. J’avais depuis longtemps per-

du toute sensibilité. La seule personne proche de moi n’était

qu’Irène. Oui, curieusement, j’étais amie avec un fantôme.

Elle seule pouvait m’écouter. Je n’avais pas encore compris

son rôle à mes côtes. J’avais peur de le découvrir. Je jouais tout

simplement à la politique de l’autruche.  Désormais, j’avais

acheté une grande villa. J’avais des employés de maison. Et je

n’avais que 21 ans.

Mes parents n’étaient pas toujours au courant de mes

activités secrètes. Ma mère savait que j’avais obtenu ma Li-


60
cence. Ce qui était vrai. J’avais payé assez cher pour ça. Je lui

avais dit avoir trouvé un boulot bien payé. Elle était fière de

moi. Et ne manquait pas de me vanter auprès de ses amies : « 

Ma fille est tellement intelligente. Elle est «banquière». »

Pauvre maman ! Quelle désillusion si elle venait à connaître

la vérité !

Des petits amis ? J’en avais eu quelques-uns. Pas vrai-

ment important. Mon désir sexuel s’était presque éteint avec

les années. Puisque Philip avait une condition sine qua none

de ne jamais approcher une femme. Lui et moi n’étions que

des amis avec une relation platonique.

Je devais choisir une chose importante à laquelle re-

noncer comme lui.

Une chose tellement importante que le commun des

mortels n’aurait jamais acceptée.

61
Ce que j’allais choisir était incroyable. Vous n’allez pas

me croire…

62
CHAPITRE 5 : Les limites du pouvoir du mal.

C était incroyable. J’avais pu le faire. Oui, j’étais allée

au bout du supplice.

Un rien peut tout faire basculer. Un rien peut changer

notre destin. Pourquoi suis-je née ? Devrais-je porter le far-

deau de cette naissance ? Les ombres devraient-elles me

suivre toute ma vie ? Je leur ai donné ce que je croyais inutile

: Mon ventre. Oui ! Vous êtes surpris. J’ai offert littéralement

mon ventre. Je ne peux pas me déshabiller devant vous. J’ai

l’abdomen ouvert. Je le tiens grâce aux plastiques et bandes

spéciales.

Vous allez croire que c’est impossible ? Si seulement je

pouvais vous mettre une photo. Et puis, ce n’est pas néces-

saire. Je n’arrive pas déjà à le supporter moi-même. Cet abdo-

men quasiment ouvert abritait toute chose. Des périodes où je

pouvais héberger des asticots. Bizarrement, aucune odeur ne

s’en dégageait. Personne ne pouvait le savoir. Je vivais avec.


63
C’était ma pénitence.

J’ai voyagé. Je suis allée partout pour mes vacances. À

chaque fois, je jouissais de ces secondes futiles.

La mort de mon cousin, un événement tragique qui

m’a permis de venir en aide à sa maman. Ma tante. Je pouvais

ainsi me payer une conscience.

Plusieurs fois, j’ai cru que je n’y arriverai jamais. Mais

la soif du pouvoir était plus grande que tout. J’ai dit à mes pa-

rents que j’avais eu une promotion extraordinaire. J’ai donné

de l’argent à papa. J’ai demandé à reconstruire leur bicoque.

Curieusement, maman semblait toujours mal à l’aise en ma

présence. Elle ne cessait de me dévisager bizarrement. On di-

rait que je lui cachais quelque chose. Même si au fond c’était

vrai.

Mes frères et sœur me considéraient désormais avec

respect. Même si la provenance de mon argent était expliquée,

64
je ne pouvais tout dévoiler à maman. Elle m’aurait sûrement

étripée.

Avoir assez d’argent et ne pas pouvoir en jouir ? Quel

supplice ! Je devais me faire plaisir au maximum. Mais ils me

réclamaient encore tellement de sang. J’avais peur. Je ne sa-

vais qui offrir. J’ai regardé mon frère aîné. Il était désœuvré,

pauvre, sans réelle ambition. Sa mort ne serait d’aucune perte.

Alors, je l’ai sacrifié. Oui, il devait me dire merci.

Encore un décès tragique dans la famille. Cette fois, j’ai

essayé de prolonger le supplice. Un mal mystérieux l’a empor-

té. Maman était dévastée. Son désarroi m’a suscité un peu de

remords. J’étais là, devant le corps de mon frère. J’observais.

Irène est apparue brusquement. Ces dernières années, elle

n’avait plus besoin de miroir pour apparaître. Elle gagnait en

puissance :

 Alors, tu es contente ? Ceci en valait-il la peine ?

65
Demanda-t-elle en me montrant le corps inerte.

Les gens étaient tout autour. Je ne pouvais m’exprimer au

risque d’être prise pour une folle. Tout ce que je pouvais faire

était de l’écouter. De toute façon, qu’aurais-je dis ?

J’avais déjà compris comment les choses fonction-

naient. Pour ne pas avoir à trimbaler les fantômes derrière

moi toute ma vie, je devais utiliser l’eau de leur bain pour ma

toilette. C’est pourquoi j’allais à la morgue le jour de la levée

de corps, je payais le « morguier » qui me donnait de l’eau.

J’avais arraché ce secret à un membre influent de la congréga-

tion. J’étais tranquille de ce côté. Trimballer Irène était déjà

largement suffisant pour moi. Je n’allais pas me créer une fa-

mille de fantômes.

Au fil des années, j’ai continué à jouer à la fille de fa-

mille modèle. Plus je sacrifiais, plus j’avais de l’argent, plus je

ne savais plus quoi en faire.

66
L’être humain a une capacité incroyable à faire face à

certaines situations. Parfois, il nous arrive de jouer aux vic-

times lorsque nous sommes les bourreaux. Nous sommes

alors capables de crier : Au voleur… au voleur... Alors que

nous sommes pris la main dans le sac.

L’histoire du pompier pyromane, vous connaissez ?

Je la jouais à merveille. C’est moi qui prenais en charge

les frais relatifs aux dépenses de mes victimes. Je prenais tout

en charge. Je consolais la famille. J’ai même été la première à

crier à la sorcellerie dans la famille. C’était juste risible. Je

m’étais constituée deux domiciles. Un sommaire, où je rece-

vais maman et certains membres de ma famille. Et l’autre

luxueux où je résidais. De cette façon, personne n’était au cou-

rant de ma double vie.

Un événement imprévu est venu bouleverser le cours

des choses. Comme d’habitude, je devais rendre visite à ma

famille. Cette visite était programmée une fois par trimestre.


67
Elle n’avait pas pour but de leur prouver mon amour de fille

consciencieuse. Que neni ! C’était juste l’occasion rêvée pour

moi de détecter mes futures cibles. J’avais déjà anticipé les

questions relatives au véhicule que je conduisais. C’était un

véhicule de fonction, relié à mon poste de responsabilité. Rien

à redire.

Bien que ma mère soit dubitative et peu convaincue,

elle n’avait plus posé de questions. Je lisais cependant une in-

terrogation muette dans son regard. Une sorte de prière silen-

cieuse. Une supplication qui semblait dire : « Nelly, j’espère que

tu es une bonne fille ».

Malgré ses doutes, elle était loin d’imaginer une se-

conde, dans quoi j’étais plongée. Elle ne pourrait aller jusque

là. J’arrivais donc avec les provisions nécessaires. La famille

m’attendait déjà. Vue comme une sorte d’héroïne, un symbole

de réussite familiale, mon arrivée nécessitait un accueil des

plus spectaculaires. J’étais vue comme le Messie. Celle qui

68
avait réussi. Celle qui avait pu trouver un travail si glorieux.

Désormais, je servais d’exemple.

Mon nom était utilisé pour booster et insulter mes cousins et

cousines : « Regardez Nelly, une fille bien qui a réussi. Vous

passez votre temps à manger dans cette maison. Suivez son

exemple ». 

La figure emblématique que je représentais me don-

nait du zèle. Sans le demander, je produisais une admiration

sans borgne. Oh… s’ils savaient ! S’ils avaient imaginé ! J’étais

à cent lieux de leur idéal de réussite qu’ils avaient érigé. Je

doute qu’ils puissent accepter la vie que je menais. Malgré

cette apparence de réussite qui faisait des envieux, il restait

au fond de moi quelque chose d’insatisfait.

Nous étions donc tous réunis. J’avais distribué les vic-

tuailles apportées. Les boissons, le repas, les cadeaux, toute

une panoplie de choses pour rendre tout le monde heureux.

Cependant, je ne voyais pas papa. Dépitée par son absence,


69
j’ai demandé à ma mère.

 Où est passé papa ?

 C’est bien que tu me poses la question. Je ne saurais te ré-

pondre exactement.

Cette réponse évasive me sembla étrange. Je ne vous

l’ai pas dit, j’entretenais une relation particulière avec mon

père. C’était un homme taciturne qui ne disait jamais rien. Je

l’avais toujours connu ainsi. Toute ma vie, je ne l’avais jamais

entendu lever la voix.

Il avait toujours vécu sous les jupes de sa femme. Il ne

prononçait jamais un mot plus haut que l’autre. Un homme

comme toute femme en rêvait. Il n’avait jamais émis de doute

quant à la provenance de mon argent. Bien que je puisse le

justifier par un boulot stable, les sommes que je lui octroyais

régulièrement à l’insu de maman étaient énormes. Il n’en fai-

sait pas cas. Il ne me disait rien. Il se contentait juste d’un mer-

70
ci chaleureux.

J’étais arrivée à me poser cette question à savoir :

« Était-il conscient qu›une jeune fille de mon âge ne peut géné-

rer autant d›argent ? »

Cette préoccupation n’était pas importante pour le mo-

ment. Je devais comprendre ce que disait maman.

 Je ne te comprends pas maman.

 Sûrement tu t’alarmes pour rien. J’ai épousé un homme

calme qui m’a toujours comblée malgré notre condition pré-

caire. Je rends grâce au Tout-Puissant pour ça...

Comme à chaque fois qu’on prononçait le mot Tout-Puis-

sant, se référant à leur Dieu, ça m’irritait. Ne me demandez

pas pourquoi...

 ...Mais je n’ai jamais compris pourquoi il disparaissait pen-

dant des jours sans rien dire. Mais cette fois, ça fait pratique-

71
ment une semaine qu’il n’est pas revenu. C’est étrange.

Oui, c’était étrange même pour moi. Où était-il ?

 Mais que dit-il au retour ?

 Rien comme d’habitude. Je ne voulais pas t’ennuyer avec ce-

ci. Je lui dirai que tu étais là Nelly.

 D’accord maman…

Je suis rentrée ce jour-là songeuse. Quelles activités se-

crètes pouvaient bien mener mon père ? Menait-il une double

vie ? J’ai décidé de remettre à plus tard les réponses à ces

questions. Pour le moment je devais mener une mission.

Tout semble plus étrange lorsqu’on retourne en arrière et

pense à nos actes posés. Tout réside dans les détails. Rien que

les détails. Il faut bien observer. Je n’avais rien compris et vu

au départ. J’allais rapidement vous expliquer. Ce n’est qu’une

question de temps.

72
Je devais continuer mes pratiques. Ce jour, il était temps

pour moi de donner un peu de sang. Ce sang devait être pur,

innocent. J’ai pensé à mon neveu de trois mois. De toutes les

façons, il était encore bien jeune. Ses parents n’auraient qu’à

passer à autre chose.

Je suis allée leur rendre visite. Il me fallait récupérer

quelques grains de cheveux. Chose vite faite à mon arrivée.

Mon rituel constituait en une préparation simple et rapide.

Tout avait bien débuté. La marmite bouillante, contenant mon

sang et mes urines attendait les cheveux de mon neveu. La

scène qui s’est déroulée m’a laissée pantoise…

Au moment où les cheveux devaient rejoindre la soupe,

je les ai vus s’envoler brusquement tout haut, et disparaître

par une issue inconnue. Incroyable ! C’était la première fois

que j’assistais à une scène pareille. Rapidement, j’ai pu joindre

Philip… Je lui ai en quelques mots relaté la scène vécue. Il m’a

répondu : « 

73
 Nelly, ta sœur est-elle une fervente croyante ?

 Que veux-tu dire ?

 Croit-elle en Dieu ?

 Tous les humains croient en Dieu.

 Nelly, je voudrais savoir si ta sœur est une chrétienne prati-

quante. A-t elle une foi ancrée en Dieu ?

 Comment le saurais-je ? Et puis, ça change quoi ?

 Tout…

 Sois plus explicite s’il te plaît. Ce monsieur appelé Dieu est

une invention des humains...

 Nelly, vois-tu, nous possédons la gloire, la richesse, le pou-

voir... Mais une seule chose est au dessus de nous : Le mys-

tère de la création. Les forces obscures de l’ombre sont là

comme toujours. Mais elles ne peuvent rivaliser celles de la

74
lumière, qui éclairent ceux qui s’y engouffrent. Cette lumière

est très forte pour nous. Si ta sœur a eu recours à la lumière,

je crains que ce ne soit impossible…

 Mais Dieu n’existe pas !

 Le diable non plus et pourtant nous sommes là !

Tu ne peux pas tout expliquer Nelly. Va voir ta sœur,

pose-lui des questions. Tu seras surprise. Quel que soit le nom

donné à ce mystérieux créateur, il est bien là.

Cette conversation me donnait les céphalées. Je devais

vite trouver une parade.

 De toute façon, je n’y crois pas. C’est une coïncidence. Je

prendrais un autre enfant.

 Ainsi soit-il...conclut Philip »

J’étais cependant ébranlée par ces déclarations. J’ai décidé

de retourner chez ma sœur. Je devais avoir une conversation


75
avec elle. La religion pour moi était une forme de secte créée

par les hommes pour dominer les autres. Un peu comme la

mienne. Ils avaient juste trouvé la bonne idée de le faire au

grand jour. C’était mon avis. Il m’engageait. Je ne croyais donc

pas aux affabulations de Philip.

Ma sœur, surprise de me voir, a été plutôt volubile

lorsque je lui ai posé la question sur son Dieu. Elle ne tarissait

pas d’éloges à son propos. Me décrivant comment il était

maître de sa vie, et la protégeait sa famille et elle. Elle me ra-

conta des inepties selon lesquelles ce Dieu la couvrait de son

sang. Et que personne ne pouvait les atteindre. J’ai failli écla-

ter de rire. Certaines personnes étaient si naïves :

 Mais Dieu n’existe pas… C’est un mythe

 Mythe ou pas, je crois en lui et c’est suffisant.

 L’église est une perversion. Dis-je d’un air dégouté. on y re-

trouve tout : des pédophiles, des tueurs...

76
 Je ne crois pas en l’église Nelly… Mais en Dieu... Perçois-tu

la nuance ?

 C’est du pareil au même pour moi. Vos églises sont pleines

d’hommes pervers, d’hommes assoiffés de sang et de pouvoir.

 Tu ne veux pas comprendre Nelly. J’ai une foi et une relation

personnelle avec un créateur. Je ne suis pas les hommes. Ce

n’est pas important pour moi...

Ma sœur était butée. Elle voulait me convaincre. Discuter

avec elle ne m’avançait pas.

 Contre quoi te protège-t-il ? Le diable existe-t-il ? lui de-

mandai-je

 Il me protège contre les créatures du mal. Le diable existe-t-il

? Si le jour existe, j’imagine que la nuit aussi…

J’étais de plus en plus perplexe. C’était juste incroyable.

J’ai récupéré les cheveux de mon neveu de deux ans. De toute

77
façon, je voulais terminer ma séance. Aussi incroyable que ce-

la puisse paraître, la même scène s’est produite. C’était frus-

trant. Cela ne m’emmena pas à croire en leur créateur. J’ai dé-

cidé de suivre le plan B.

Je me suis rendue dans une boîte de nuit où j’ai rencontré

un monsieur disposé à passer la soirée avec moi. Un sourire,

un regard, tout était joué. Il fallait cependant un lien étroit

entre lui et moi pour que la magie opère. Ce lien actuellement

ne pouvait être que sexuel. Nous nous sommes livrés à une

partie de jambes en l’air. J’ai pris soin de cacher mon abdo-

men. L’acte seul était important pour moi.

Le sexe constituait une connexion incroyable entre les

hommes. Une connexion difficile à briser plus tard. J’avais

créé mon lien... La suite des événements allait me faire froid

au dos.

78
CHAPITRE 6 : Le mystère du « Titan ». 

Deux jours plus tard, ma cible décédait au cours de son

sommeil. Une mort glorieuse en somme. J’avais obtenu ce que

je voulais.

Peu importe ce que nous faisons, à un moment donné,

nos peurs, nos doutes nous rattrapent. J’avais de plus en plus

peur de retomber dans la pauvreté un jour. C’était paradoxale,

vu tout cet argent que j’amassais et que je n’utiliserais proba-

blement pas au cours d’une vie.

Subitement tout allait à la dérive. Je perdais pied. Je sen-

tais mon souffle de vie me quitter. Je me suis réveillée en sur-

saut. C’était juste un mauvais rêve. J’ai regardé le réveil : 2h

du matin.

Que se passait-il ? Que présageait ce rêve ? Je n’étais

pourtant pas superstitieuse. Je croyais aux faits concrets et

réels. Comme pour me narguer, Irène est apparue. C’était le

79
comble :

 Irène, tu ne t’annonces jamais, est-ce normal ?

 Rien n’est normal dans ta vie, pourquoi mon arrivée de-

vrait-elle l’être ?

 Es-tu sérieuse là ? j’espère que tu te rends compte que tu

n’es plus de ce monde. Laisse-moi terminer s’il te plait.

 J’aimerais me rassurer que tu parles de moi en de termes bien

élogieux dans tes écrits.

Moi, poussant un soupir d’irritation. Franchement, en

quoi cela était-il nécessaire ?

 Irène, ça fait près de dix ans que je te trimbale dans mes ba-

gages, ne penses-tu pas que nos routes doivent se séparer ?

 Le jour où tu comprendras la raison de ma présence, tu ces-

seras de dire des inepties... Nous sommes liées.

80
 Liées ? Quel est ton rôle ici ? demandais-je tout à coup plus

attentive.

 Tu le sais déjà.

 Que racontes-tu ? Je ne poserais pas la question si oui...Nous

n’allons pas jouer à ce jeu pour longtemps Irène.

 Tout est dans les détails Nelly. Tout est dans les détails. Tu le

sais depuis longtemps. Mais tu refuses de l’accepter. Essaie

de puiser au fond de toi. C’est là sous tes yeux. Tu refuses de

te rendre à l’évidence. Tout est là.

Cette discussion commençait franchement à m’irriter. Je

détestais les sujets sans issue. Irène avait décidé depuis des

années de ne jamais répondre à ma question. J’y revenais de

temps à autre, juste pour m’amuser aussi. Elle parlait de dé-

tails ; mais lesquels ?

 je te laisse continuer. Je viendrais relire à la fin. Tu devrais te

reposer Nelly.
81
 Toi qui es morte, pourquoi ne te reposes-tu pas ?

 Nous avions déjà eu cette discussion. À bientôt...

Et elle disparut comme elle était apparue : subitement.

À cet instant précis, je me souvins des paroles d’Irène. Je

devais faire attention aux détails. Je passais à côté de quelque

chose. Mais quoi ?

Ces joutes avec Irène commençaient à me taper sur les

nerfs. Je ne voulais plus la voir. Et aussi, elle était la seule à

qui je pouvais parler sans heurt. Comment me débarrasser

d’elle définitivement ? Il devait y avoir une solution. Je la

chercherais, dus-je y passer ma vie, je la trouverais.

Pour le moment, je devais me reposer.

Je fus tirée de mon sommeil par le coup de fil de ma mère.

Sa sœur cadette était décédée.

Tiens, cette fois, je n’avais rien à y voir. Les morts natu-


82
relles existaient aussi. Elle était arrivée en fin de parcours

probablement. Je dus assister à son enterrement. Les circons-

tances de sa mort étaient bizarres. Tombée pendant qu’elle

faisait la cuisine et morte sur le coup. Elle n’avait que qua-

rante ans.

Cette mort était bizarre. Pendant que j’essayais de l’analy-

ser, je me rendais compte que les morts dans ma famille ont

toujours été bizarres. Si je devais mettre de côté celles qui

avaient eu besoin de mon aide, le reste des personnes décé-

dées avaient subi des cas similaires : noyade, mort subite...

Y avait-il par hasard un membre de la loge dans ma fa-

mille ? Mais non, je l’aurais su. C’était risible. Je me tenais là

au-dessus de la tombe de tante Manou. J’ai pris un peu de

terre pour comprendre. Je devais entrer en contact avec elle.

Pour cela, j’avais besoin de l’aide d’Irène. Séparées en de mau-

vais termes la dernière fois, elle me boudait. Mais je devais la

supplier.

83
J’étais au cimetière ce jour là à minuit : « 

 Irène, s’il te plaît, il faut qu’on parle.

 Je croyais que tu m’avais dit de disparaître. Pourquoi

troubles-tu mon repos éternel ?

 J’ai besoin d’aide.

 Je ne peux rien pour toi.

 Tu ne sais même pas ce que je veux.

 Je le sais. Tante Manou est allée se reposer comme moi. Elle

est devenue une servante du « Titan ». Ne t’inquiète pas, ça

va aller.

 Titan ? Qui est le Titan ?

 Celui qui contrôle tout, le grand maître de l’ordre. C’est lui le

maître de la confrérie dans cette région. Ils sont nombreux

dans le monde. Lui, gère cette partie. Vous êtes ses employés

84
et nous ses servants. Voilà l’organisation.

Je tombais des nues. En huit ans, c’était la première fois

que j’entendais ça. Qui était ce Titan ?

 Qui est-ce Titan ? Ma question était sérieuse.

 Je ne dirais rien. Je tiens à ma vie.

 À ta vie ? Mais tu es morte !

 Dans ce cas... Je tiens à ma mort.

C’était cocasse cette scène. Une façon détournée de me

dire que je n’aurais aucune information.

J’en suis restée pantoise. Irène refusant de m’aider, je suis

allée voir Philip. Il devait connaître ce Titan. Je devais savoir.

Philip a commencé à jouer aux ignorants, à m’opposer une fin

de non recevoir. Après, il a dit qu’il ne savait rien. Or il men-

tait. Je le savais. Dans ce cas, vers qui me tourner. Je devais

tout d’abord lever le voile sur la mort de tante Manou. Pas


85
que ça m’intéressait. Mais je détestais les choses étranges.

Puisque Irène semblait réfractaire à toute aide, j’allais me dé-

brouiller seule.

Il était temps...

Comme toute société, nous étions organisés. Du bas vers

le haut, il y avait les soldats. C’est-à-dire les nouvelles recrues.

Au fur et à mesure qu’on évoluait, on devenait « left combat »,

ensuite « right combat ». À ce niveau, on commençait déjà à

avoir plus de responsabilités.

Après on devenait « junior ». Je m’y trouvais actuelle-

ment. Le junior avait le droit d’assister à certaines réunions

de la loge. Le grade suivant était « lieutenant ». Comme dans

l’armée ordinaire. C’était un poste important. Le lieutenant

devait montrer ses preuves pour être décoré « capet » et « red

senior »...

Enfin le « senior » pour clôturer tout. J’avais appris

86
quelques jours plus tôt que celui qui tenait le gouvernail était

« Titan ». Je me devais de sonder certains membres. Qu’est-ce

que je désirais ? J’avais depuis longtemps l’ambition de diri-

ger la troupe. J’en avais la capacité. Je savais qu’un jour je serai

le grand patron.

Notre réunion trimestrielle était prévue ce jour. Les

membres n’étaient jamais connus à l’avance. Car les lieux va-

riaient. Il y avait toujours de nouveaux visages à découvrir.

J’étais à chaque fois surprise de découvrir qu’une personne

de ma connaissance s’y trouvait.

La dernière fois, c’était le recteur de l’Université. Il a fait

semblant de ne pas me connaître. Alors que j’avais déjà été

dans son bureau plusieurs fois pour d’autres services. Et la

fois d’avant, j’avais aperçu ce monsieur à qui on donnerait le

bon dieu sans confession : l’épicier du plus grand supermar-

ché de ma ville. Incroyable ! Les gens criaient au scandale.

Mais étaient les premiers à être des méchants. Ce n’était pas

87
mon problème. Cette fois je n’ai reconnu personne.

C’était des visages pour la plupart inconnus. Celui qui

dirigeait la réunion était vu comme le chef de la séance. Mar-

tin était un monsieur avec un abdomen distendu. Il avait déjà

sacrifié tous les membres de sa famille. Je devais l’approcher

pour obtenir de bonnes informations. Je devais être subtile.

Car la curiosité était très mal vue dans ce milieu. Notre entre-

vue n’a rien donné de concret. Contrairement à Philip, il a été

plus volubile. Mais ne m’a donné aucune information sur le

« Titan ». Je n’avais pas avancé. Bon je suis passé à autre

chose…

Philip était là, en face de moi et je l’observais. Pauvre Phi-

lip. Sa vie n’était pas de tout repos. Contrairement aux appa-

rences et à la désinvolture qu’il affichait, il n’était pas à envier.

J’avais appris qu’il dormait dans une tombe à la nuit tombée.

C’était hallucinant. J’avoue qu’il faisait des choses dépassant

mon entendement. J’avais l’impression d’avoir en face de moi

88
un mort vivant.

En tant que mon parrain, il était tenu de me guider. Et de

me fournir les informations nécessaires pour mieux m’en sor-

tir. Il faisait très bien son travail. Même si je le soupçonnais

de me cacher plusieurs choses encore. « 

 Philip... Toute cette richesse, es-tu satisfait ? Ai-je demandé

à Philip

Il a sursauté. Moi aussi. J’avoue que la question m’avait

échappé. Que voulais-je ? La réponse à cette question m’avan-

cerait-il ?

 Quelle drôle de question. Je pourrais te la renvoyer.

 J’ai eu ma réponse. »

Je suis passée à autre chose. La jeune femme, assise au

fond de la salle qui minaudait en faisant les yeux doux à Phi-

lip m’amusait. Elle croyait avoir vu une proie. En matière de

89
proie, j’avais été servie. En fait, Philip m’avait fait croire que

c’est moi qui le chassais. Alors qu’il avait longtemps jeté son

dévolu sur moi. De chasseur, j’avais été le chassé. J’avais été

irritée de l’apprendre. Je déteste être manipulée.

Il était temps pour moi de recruter les nouveaux membres.

Comme dans toute congrégation, les membres doivent évo-

luer. Ils doivent sans cesse être renouvelés aussi. Celui qui

emmenait le plus de membres évoluait dans la hiérarchie de

la société. J’avais maintenant une soif accrue du pouvoir.

Après l’argent, le pouvoir rend excitant. Les deux marchent

habituellement de pair. J’avais déjà assez d’argent pour une

vie. Il était temps que je règne sur les hommes.

Mais comment faire ? Comment me rapprocher de ce

poste très convoité de chef de la bande ? J’étais encore très

loin du cercle restreint. Plus du tout débutante, mon étoile se

situait au niveau quatre. Comment faire pour y arriver plus

rapidement ? Le recrutement des membres pouvait me faire

90
gravir au niveau supérieur en un laps de temps. Je devais

alors vite les recruter.

Le recrutement ne se faisait pas de façon anodine.

Chaque individu était scrupuleusement inspecté. J’avais com-

pris que je n’étais pas là par hasard. Philip avait jeté son dévo-

lu sur moi bien avant que je ne le remarque. Il avait distingué

cette soif de richesse la première fois qu’il m’avait aperçue en

boîte. Il m’avait étudiée. Comme un livre ouvert. Il était temps

pour moi d’aller à la chasse.

91
92
CHAPITRE 7 : Une carrière fleurissante en tant
que recruteur… pour le diable.

J’avais déjà jeté mon dévolu sur une cible : Gérard, trente

ans. En cycle de doctorat. Il n’avait pas un travail bien rému-

néré. Je n’allais pas tarder à mener mes enquêtes. Ce jeune

garçon avait les dents longues. Comme moi, je distinguais en

lui un désir farouche de réussir et d’être prêt à tout pour ça.

Mon enquête m’avait révélé qu’il avait dû monter un coup,

pour éliminer celui qui devait normalement bénéficier de

cette bourse. Un garçon qui ne s’encombrait pas de scrupules

en somme. La cible rêvée pour moi. Comment je l’ai rencon-

tré ?

Une soirée selecte organisée entre les étudiants. J’étais

une invitée d’honneur. Lui, n’était que simple serveur. J’avais

continué à entretenir un lien étroit avec le campus car c’est

où se trouvaient les bonnes cibles. Gérard avait l’esprit aussi

tordu que le mien. Peut-être même un peu plus. L’argent dé-

93
liait beaucoup de langues. J’avais pu grainer des informations

croustillantes à son endroit. Ce que j’avais en ma possession

m’a conforté à l’idée que j’avais la bonne cible.

Durant deux semaines, je me suis arrangée à me trouver

partout où il était. Subtilement, je lui présentais mon intérêt.

Le temps qu’il m’approche et se rende compte que les choses

étaient autres, il se faisait déjà trop tard. Contrairement à Phi-

lip, j’ai annoncé les couleurs dès le départ. Je ne voulais pas

de malentendu. Il a directement adhéré comme prévu. Le

premier sacrifice fut sa petite amie de l’époque. L’argent perçu

commença à lui donner des idées.

Ma nouvelle recrue était plus tordue que moi. Dire que je

croyais avoir passé le summum de l’anormal. Il y’avait pire.

Grisé par le succès et l’argent, il ne tarda pas à sacrifier plu-

sieurs membres de sa famille nucléaire. Malheureusement

pour lui, sa soif plus avide d’argent lui couta la vie. Il avait

malencontreusement gouté à une chair amère.

94
Une chair amère est une personne pure, qui a eu une foi

ferme et inébranlable. Une personne qui suit exactement les

préceptes de son maître, son Dieu.

Contrairement à mes affirmations au départ, j’avais compris

qu’il y’a des gens qu’il vaut mieux éviter. En persistant dans

une sottise pour briser le privilège, on se fait mal. C’est ce que

Gérard n’avait pas compris. Et pourtant, contrairement à moi,

il allait à l’église tous les dimanches. Sa cupidité lui avait cou-

té la vie. Ceci me confronta à l’idée que jusqu’ici, il est impor-

tant de bien définir ses objectifs, au risque de se perdre soi-

même.

Les Gérard, j’en ai recrutés à la pelle. C’était pour la plu-

part des jeunes avides d’argent. Je les regardais et je me rap-

pelais mes jeunes années. Ils avaient encore le naïf espoir que

l’argent résolvait tout. Je ne pouvais affirmer le contraire, car

ma soif ne s’était pas encore étanchée.

On parle de destin, on parle des choses qui existent bien


95
avant notre naissance. Posez-vous la question de savoir : est-

ce que c’est vrai ? Si oui, si vous pensez que votre destin ne

vous laisse pas le choix, je devrais dire que le mien était déjà

tout tracé ? Qu’aurais-je pu faire de toutes les façons ? Au-

jourd’hui, il se faisait tard. Je devais composer avec tout ça.

Je suis fatiguée. Je suis lasse. Je suis à bout de souffle. Je

voudrais me reposer. Peut-être devrais-je me reposer ? Mais

avant, je voudrais vous révéler une autre part sombre de mon

histoire.

96
CHAPITRE 8 : Le « calme » avant la tempête.

L’argent permet d’atteindre les sommets les plus inimagi-

nables de la vie. L’argent corrompt même les plus saints. Vous

y trouverez surement un sujet à discussion, mais ce n’est pas

le plus important.

Je devais assurer mes arrières. C’est-à-dire, je devais avoir

le maximum possible d’adeptes. Pas besoin de les enrôler

dans ma loge. J’avais juste besoin de fidèles. De personnes de

confiance. Prêtes à jurer sur leur bible que j’étais la personne

la plus gentille du monde. Et pour cela, j’utilisais mon argent

pour garantir leur loyauté.

Tu as besoin d’argent pour payer tes médicaments ? Viens

voir Nelly, tout sera résolu. Ta famille souffre et n’arrive pas à

joindre les deux bouts ? Viens voir Nelly, et le problème dis-

paraitra. Ainsi de suite. Je devenais le pilier de ma famille.

Mais en échange, je me servais de ceux qui m’étaient encore

accessibles.
97
Apres l’épisode avorté avec ma sœur et ses enfants, j’avais

mis sur pause mes « activités » familiales. Je devais y voir

plus clair. En attendant, je me nourrissais des gibiers racolés

dans les soirées et les boites de nuit. Ma mère a commencé à

me mettre une pression terrible : « 

 Nelly, tu vas avoir vingt huit ans, qu’attends-tu pour fonder

une famille ? »

 Fonder une famille ? À quoi cela m’aurait-il servi? De toutes

les façons, je n’avais pas la fibre maternelle. Ce n’est pas au-

jourd’hui que les choses changeront.

Ma mère n’avait pas encore compris que je n’avais pas

cette envie de me marier. C’était peut-être ce que la société at-

tendait de moi. Mais je n’étais pas comme les autres.

Je le lui ai signifié en des termes très clairs qu’elle a mal

pris. Elle m’a demandé si quelque chose clochait. Genre, elle

doutait de ma sexualité. C’était risible lorsqu’on savait que je

98
me servais justement du sexe pour attraper certaines de mes

proies. J’ai refusé d’entrer dans une guerre de « mariage »

avec elle.

J’ai revu mon père. Nous avons eu une longue conversa-

tion. Sans m’encombrer de faux-semblants, je lui ai dit que

maman m’avait parlé pour ses absences. Sa réponse a été

toute simple. Avec la pression qu’il subissait au quotidien, il

avait besoin de se retrouver seul pour méditer sur la vie. Je

lui avais pourtant déjà demandé d’abandonner ce métier que

j’avais en horreur. Mais il tenait fermement à continuer. Il ne

voulait pas mourir d’ennui, répondait-il inlassablement. Je

n’avais pas ce pouvoir de le forcer à faire les choses contre sa

volonté.

L’événement qui changea tout fut une chose toute simple

et banale. Parfois, les grandes pluies n’entrainent pas tant de

dégât, comparé à celles fines qui laissent les routes glissantes

et dangereuses. À ce niveau de mon récit, je me sens lasse. Le

99
moment approche, mais je dois terminer, j’irai jusqu’au bout.

Ma mère s’est mise dans la tête de purifier toute la mai-

son. Je ne sais pas d’où lui est venue cette idée farfelue. Elle

n’avait jamais été une adepte d’église et autre congrégation re-

ligieuse. Je ne comprenais pas sa démarche subite. Elle a invi-

té le curé de sa paroisse à la maison. En insistant que tout le

monde soit là. Si je l’avais su, je n’y aurais jamais mis pied.

Mais comment l’aurais-je su puisque j’ai été mise devant le

fait accompli.

J’avais en horreur toute personne en relation avec la reli-

gion. Je n’étais plus jamais allé rendre visite à ma sœur après

mes deux séances avortées. Je ne voulais plus lui parler. Sur-

prise pas ma distance, elle s’en était plainte auprès de maman,

qui m’avait demandé si elle m’avait offensée. Oui, avais-je ré-

pondu intérieurement : elle avait contre carré mes plans ! Ce qui

était encore pire pour moi.

Ce jour donc, face à l’homme de Dieu, je sentais mes poils


100
s’hérisser. Il avait une façon de me contempler qui me mettait

mal à l’aise. J’ai demandé à maman ce qu’elle voulait purifier

à la maison : « 

 Tout Nelly. Je sens une présence de plus en plus malsaine au-

tour de moi… Je dois tout purifier…

 Mais maman, c’est un charlatan. Que peut-il faire ?

 Il va prier.

 Prier ? À quoi ça sert tout ça ? C’est la grosse blague du

siècle. S’il te plait maman, ne te laisse plus duper par ces vo-

leurs à col blanc.

Surprise par ma véhémence face à cet homme de Dieu,

maman s’écria :

 Nelly, quel est ton problème exactement ? On dirait que c’est

plus qu’irritant pour toi ? Y’a-t-il une chose que je devrais

savoir ?

101
 Mais non maman. Que vas-tu imaginer là ? Je ne veux pas

que tu sois bernée plus longtemps. C’est tout.

 Ok, laisse-moi faire mes choix. J’ai accepté ta décision de ne

pas te marier ; accepte que je sollicite l’aide d’un homme de

Dieu pour purifier ma maison.

102
CHAPITRE 9 : Une rencontre troublante.

Là, je n’avais plus rien à dire. Je lui concédais au moins ce

droit. Mais, j’ai décidé de m’en aller. Je ne pouvais assister à ça.

J’ai cru cet épisode terminé. Deux jours plus tard je reçus

un coup de fil… C’était le curé. Surprise serait en dessous de

l’adjectif qui m’a traversée. Que voulait-il ? Il m’a donné ren-

dez-vous dans son Eglise.

La dernière fois que j’ai été dans une église c’était ce jour

lointain, où je devais faire un don pour me racheter de mes

mauvaises actions passées. Ne pas croire en Dieu était une

chose, laver sa conscience en était une autre. Je ne traversais

jamais cette porte. À l’intérieur, je ressentis un sentiment de

malaise. J’avais l’impression de n’être pas à ma place.

Lorsqu’il me vit, le curé s’avança vers moi : « 

103
 Bonjour mon enfant, j’espère que tu vas bien...

 Monsieur l’homme d’église, excusez-moi si je ne vous ap-

pelle pas « mon père », j’en ai déjà un. Allons droit au but,

que voulez-vous ? Une aide pour une construction de l’édi-

fice de votre Dieu ? Ma secrétaire s’en occupera la semaine

prochaine. J‘espère avoir résolu votre problème ?

Le prêtre me regarda. Il ne pipa mot. Je crois l’avoir sur-

pris. Il toussa et me dit :

 Viens... On doit parler.

Ce ton péremptoire me surprit. Je ne m’attendais pas à

ça. Qu’avais-je à discuter avec un homme d’église ? Ma curio-

sité l’emporta.

 De quoi ?

 Tu le sais très bien. répondit-il.

Là, c’est moi qui perdis la parole. Que voulait-il ? Cette


104
rencontre était de plus en plus étrange.

 Je ne donnerai pas ma vie à votre Dieu.

 Il n’en a pas besoin, tu sais. Je n’avais pas l’intention de te la

demander.

 Tiens, je croyais que c’était votre rêve ?

 Pas du tout. Laisse-moi te présenter quelque chose.

Curieuse, je le suivis. Il me conduisait sans parler.

Nous traversions un dédale de portes toutes effrayantes. Et

j’étais là sans mot. C’était étrange. Je ne le connaissais pas.

J’avais essayé de demander à ma mère depuis quand il était

dans ce quartier. Ma mère m’avait répondu depuis toujours.

C’était étrange, je ne l’avais jamais connu. Bien que je ne fré-

quente pas les églises, je reconnais au moins tous les habi-

tants de la rue. Je fus surprise lorsqu’il emprunta un chemin

qui semblait-il menait au sous sol.

105
Sur mes gardes, je dis :

 Où m’emmenez-vous ?

 N’aie pas peur…

 Peur ? Je n’ai jamais peur. J’aimerais juste savoir où je vais.

 Je veux te montrer quelque chose.

 Qui êtes-vous ?

La question m’était venue spontanément. Il ne me répon-

dit pas. Nous empruntâmes un couloir étroit pour descendre

quelques marches d’escalier. Il faisait sombre. Il entra dans

une pièce. Elle était humide. Je sentis mes poils se hérisser.

J’avais l’impression de pénétrer un lieu secret de sacrifice.

Rien ici ne me donnait envie de rester. La pièce était lugubre,

mal éclairée. Que faisait une pièce pareille dans une église ?

Je voulais comprendre.

 Alors ? fût ma seule question


106
 Pourquoi es-tu sur la défensive ? Nous venons de commen-

cer…

 Vous êtes seul à vous comprendre.

Il tira une chaise. Il s’assit. Il ne prit pas la peine de m’of-

frir une autre chaise. Il n’y en avait même pas. Je préférais

rester debout de toute façon.

 J’écoute

 Nelly... Nous sommes vraiment mécontents de toi. Tu abats

un excellent travail pour le diable. Dieu n’aime pas ça.

 De quoi parlez-vous ? Je suis perdue. Nous ? qui est ce

nous ? pourquoi parlez-vous par énigmes ?

 Ouvre cette porte, et au fond tire le coffre qui s’y trouve.

J’exécutai l’ordre sans poser de question. Ce que je vis me

glaça le sang. Seigneur ! Qu’est-ce qui n’avait pas marché ?

107
 Pourquoi ça ? Qu’est-ce que c’est ? je suis encore plus perdue.

 - Juste pour mon plaisir mais tu as compris.

 Comment faites-vous ? Suis-je entrain de rêver ?

 Rien du tout. Je vis normalement…et tu es éveillée

 Que voulez-vous maintenant de moi ?

 Ta mère !

Je crus avoir mal entendu. Maman ? Que venait-elle faire ici ?

 Quoi ?!

 Oui, c’est la matrice. C’est la clé de tout. Aucun sang que ce-

lui qui t’a donné la vie ne peut mettre fin à tout ce carnage,

cette soif de richesse, d’argent. Un seul sacrifice pour te libé-

rer. Offrir le sang qui t’a donné la vie. Les choses repren-

dront leur place.

J’étais en plein cauchemar. De quoi parlait-il ? M’étais-je


108
plainte ? Je me torturais les méninges pour saisir le sens de

tout ceci. Était-ce un mauvais rêve ? Si oui je souhaitais me

réveiller au plus vite.

 Qui êtes-vous ?

 Un homme de Dieu… Je rétablis l’ordre. Je chasse le mal.

J’arrange.

 Un homme de Dieu qui demande le sang de ma mère ? Vous

êtes fou… Vous me croyez née de la dernière pluie ? je me

suis mise à rire, un rire qui sonnait faux.

 Tu seras surprise par trop de choses chez toi. Tu as pris un

chemin qui n’était pas le tien. Car on t’y a conduite. Tu as

voulu te venger de ce que tu as subi. Je te comprends. Mais il

est temps d’arrêter tout ça. Je ne te laisserai pas détruire le

monde. Tu en as assez fait. Repens-toi ! Offre ta matrice, et

les choses reprendront leur place.

C’était la conversation la plus étrange que j’aie jamais te-


109
nue. Puisque je ne comprenais aucun mot de ce qu’il racontait.

Je devais m’éloigner et vite.

 Restez blablater. Je m’en vais !

 Le temps est court Nelly. Irène t’a avertie. Ton âme vendue

doit retrouver sa place avant que beaucoup ne meurent.

 Irène ?? Vous connaissiez ma sœur ?

 Pose la question à ton père...

J’étais complètement perdue. Je me suis retournée. Je suis

sortie en courant. J’avais l’impression d’avoir le diable à mes

trousses.

Tout cela était plus que troublant. Ma tête n’avait de cesse

de se questionner… Est-ce que je connaissais vraiment ma fa-

mille ? Pourquoi fallait-il que je m’adresse à mon père ? Et ma

mère alors ? Elle est la clé de tout ? Qu’est-ce qu’il voulait

dire ? Pourquoi la sacrifier ? Serait-ce elle le … Nooon… non…

110
non ! Seigneur ! Ça ne peut pas être ça. Oublie ces idées ! C’est

impossible. Ce curé m’a renversé le cerveau…

111
112
CHAPITRE 10 : Quand tout a basculé.

J’ai regardé ma montre. Nous avions passé trente mi-

nutes ensemble. Je croyais pourtant que c’était l’éternité. Je

tremblais. Je n’avais rien compris de cette conversation

étrange. Et puis, repenser à ce que j’ai vu, lorsque j’ai tiré le

tiroir m’a fait vomir.

J’ai appelé Philip, je voulais parler à quelqu’un. Il n’a pas

décroché. Il fallait que je lui parle. J’ai pris le chemin de sa

maison. J’y suis arrivée en quelques minutes. Le temps de me

garer et de prendre mon souffle. Je regardais l’entrée de Phi-

lip. J’ai failli tomber à la renverse.

Décidément, cette journée était celle des surprises. Mon

père sortait de chez Philip. Ils étaient en pleine conversation

comme de très bons amis. Ils riaient même. Je me suis pincée

pour me rassurer que je ne rêvais pas. Non ! C’était réel. Ils

ne m’ont pas vue. J’ai eu le temps de glisser sous le volant au

moment où mon père regardait vers moi. A-t-il remarqué ma


113
voiture ? Je ne crois pas. Celle-ci était neuve. Je tremblais en-

core lorsque j’ai pu me relever. Ils étaient tous deux dans la

voiture de Philip qui s’engageait sur la route.

J’ai décidé de les prendre en filature. Les événements

étranges me faisaient perdre mes moyens. Que se passait-il à

la fin ? À la conquête de l’argent, toutes ces surprises n’étaient

pas prévues. Je voulais seulement être riche et rien d’autre. Ce

qui se jouait sous mes yeux n’était pas prévu dans le scénario.

Je filais la voiture à distance. Ils sont sortis de la ville. Ils

roulaient toujours. Pendant près de deux heures avant de s’ar-

rêter devant une grande maison aux volets rouges étranges.

J’ai vu mon père descendre, donner les mains à Philip, et les

deux ont disparus dans la maison. Je suis restée là, glacée.

Qu’attendais-je ? Aucune idée. Trois heures plus tard, ils

n’étaient pas toujours apparus. J’ai appelé ma mère.

 Maman… Puis-je parler à papa ?

114
 Il n’est pas là. Il est parti comme souvent. Je le reverrai dans

quelques jours.

 D accord...

Et j’ai raccroché.

Donc c’était parti pour durer quelques jours là-dedans.

Que devais-je faire ? Retourner en arrière sans avoir les ré-

ponses ? Je ne pouvais éternellement rester ici non plus. Il fal-

lait que je réfléchisse et vite.

Certaines situations dépassent notre entendement. On

essaie d’analyser mais, on constate finalement qu’on est loin

du compte. La scène qui se jouait à ce moment devant moi me

laissait sans voix. Même dans les moments les plus fous, je ne

l’aurai jamais imaginé. Je devais soit avoir perdu la tête, soit

être en plein rêve éveillé. Ce que je souhaitais ardemment.

Mais rien de tout cela en fait. Tout était réel. Tous ces mys-

tères finiront par me rendre folle.


115
« Tout est dans les détails… » Avait dit Irène un jour.

« Quand tu ouvriras les yeux, tu comprendras tout… » Avait-elle

ajouté.

Qu’avais-je négligé ? Que devais-je comprendre ?

C’était fou. Je me trouvais en plein tournage d’un film de

science fiction.

Des heures passées aux aguets ne m’ont rien apporté. Fi-

nalement, lasse, je suis retournée chez moi. Je devais revenir

le lendemain et plusieurs jours d’ailleurs. La porte de la

grande maison rouge était toujours fermée. J’appelais ma

mère et elle me disait que mon père n’était pas toujours rentré.

Philip quant à lui était injoignable. Le film qui se jouait de-

vant moi était de plus en plus compliqué.

La seule personne à m’aider à y voir clair, à dénouer les

événements étaient Irène. Mais elle ne voulait pas me voir.

Au moment où j’avais le plus besoin d’elle, elle jouait à la


116
sainte. Elle était invisible. Quant au curé, j’avais décidé de re-

tourner le voir très bientôt. Lui et moi n’avions pas terminé.

Ses affabulations me revenaient en mémoire. Je devais cepen-

dant me rappeler que ce que j’avais vu dans son tiroir, méri-

tait également éclaircissement.

Tout à coup je me rendis compte que ma vie se limitait

désormais à la résolution d’énigmes. J’avais plus d’argent que

nécessaire. Au lieu d’en jouir, je devais passer des semaines à

trouver une réponse à des situations bizarres. Je me rendais

tout à coup compte que l’argent ne me rendait pas plus heu-

reuse. C’était malheureusement la vérité. Cette soif ne cessait

de s’intensifier. J’avais cru devenir heureuse et gouverner sur

le monde. Mais j’avais toujours besoin. Plus j’en avais, plus

j’en voulais… Un cercle vicieux.

Puisque j’étais un pion dont on jouait à la guise. Puisque

j’étais protagoniste dans un film dont j’ignorais le titre. J’avais

décidé de mener ma propre enquête. Le moment des sur-

117
prises et de recherche des solutions hâtives passé, je devais

me concentrer sur l’essentiel. Ouvrir la porte qui me voilait

les yeux. J’avais plus que jamais besoin d’Irène qui avait com-

plètement disparu.

J’ai revu Philip.

Malgré mon envie grande de lui sauter à la gorge pour

exiger quelques explications, j’ai gardé mon calme. Non, la so-

lution ne consistait pas à l’étriper. La meilleure tactique

consistait à s’éclairer soi-même. Quelque chose me disait que

même avec preuves à l’appui, Philip trouverait toujours

moyen de me raconter des inepties. Je ne voulais pas avaler

les couleuvres. Pour ça, je devais me débrouiller seule.

Ma rencontre avec Philip suivit le schéma classique habi-

tuel. Un verre entre amis pris devant une terrasse. Lui me ra-

contant les derniers potins de la loge. Moi tout sourire, l’écou-

tant, la gorge nouée. Je me rendis compte que lui et moi nous

connaissions depuis des années. Était-ce pour ça qu’il était la


118
seule personne en qui j’avais confiance ? J’avais probable-

ment eu tort et m’en mordais les doigts aujourd’hui.

Quelle que soit la découverte que je ferais. Je me rendais

compte que placer sa confiance en l’autre était la pire des bê-

tises terrestre à commettre.

119
120
CHAPITRE 11 : La révélation.

À chaque fois, chaque année, il existait de nouvelles

règles à adopter dans la loge. On devait s’y conformer. Mon

enquête sur le Titan n’avait pas abouti. Et j’avais laissé tomber

pour le moment. Les mystères liés à mon père et à mon men-

tor Philip n’avaient pas eux aussi bougés d’un iota. Je restais

patiente. Telle l’araignée tissant sa toile, j’étais sûre d’avoir

mes cibles un jour ou l’autre.

La nouvelle condition à moi donnée me scandalisa. Je de-

vais pendant une période de trois mois dépenser au moins

deux millions tous les jours. Je croyais avoir déjà tout enten-

du. De la dernière fois où je devais me coucher dans mes toi-

lettes tous les matins pendant quatre heures. À cette fois où je

devais fouiller les poubelles tous les midis. Je commençais

déjà en avoir marre de tout ça. Ils me prenaient pour leur em-

ployé de service. Et ne cessait de me fixer des conditions ab-

surdes et barbantes.

121
Cette fois, dépenser une telle somme demandait une stra-

tégie bien ficelée. Je me suis rendue compte que plusieurs per-

sonnes autour de moi avaient réellement soif d’argent. J’en of-

frais aux orphelinats, aux membres de la famille désœuvrés,

aux étrangers dans la rue, dans un supermarché. À chaque

fois, personne ne s’opposait à son utilisation. L’homme avait

beau associer l’argent au diable, mais il n’en demeurait pas

moins qu’il en était fou.

Je me sentais de plus en plus lasse de l’intérieur. Comme

une sorte d’énergie qui quittait mon corps. Je devais me repo-

ser. Mais pas avant avoir eu les réponses à mes questions en

suspens depuis des semaines.

Irène n’était pas réapparue. Je croyais m’être débarrassée

définitivement d’elle. Loin de m’en réjouir, j’étais peinée. Au

fil des ans, elle était devenue un élément important et même

indispensable à ma vie. Il n’était pas question qu’elle dispa-

raisse ainsi. Mes appels restèrent muets. J’ai même passé deux

122
nuits sur sa tombe, sans réussir à la faire sortir. Comme tou-

jours, je me rendais compte que j’étais impuissante face à cer-

taines situations.

Je devais crever l’abcès. Prendre le taureau par les cornes

était la bonne stratégie. Je n’avais pas pu parler à papa depuis.

Peut-être je craignais de le regarder en face ? Peut-être je crai-

gnais que les réponses apportées ne me plongent dans un

chaos total ?

Face à lui ce jour, je me suis demandée si j’avais tout in-

venté. J’avais devant moi un homme fragile, qui ne parlait pas.

Il répondait à peine aux sollicitations de ma mère. Même sa

démarche légère laissait supposer qu’il était doux. Tout ceci

n’était qu’apparence. Je le savais désormais. Cet homme qui

me faisait face était loin d’être mon père !

Il cachait des choses.

 Papa, puis-je te poser une question ? Où vas-tu souvent du-

123
rant des jours ?

Il sursauta. J’avais décidé d’être précise. Je n’avais pas le temps

de faire semblant.

 De quoi parles-tu ?

Même sa voix était à peine audible.

 Maman m’a dit que tu disparais souvent des heures sans

nouvelles. Je me suis bien demandée à quoi tu t’occupais.

Il se leva, racla sa chaise au sol et reprit la parole.

 Nous en avions déjà discuté un jour je crois. Ma réponse n’a

pas changé. Je vais méditer.

Il a raison. Je me rappelais tout à coup de la raison qu’il

m’avait donnée des mois auparavant. Mais c’était avant que je

ne découvre cette scène avec Philip. Cette fois-ci, je n’avalerai

pas les couleuvres. Puisqu’il se butait et croyait avoir affaire à

une enfant, je devais changer de tactique.


124
 J’’ai un ami papa. Contrairement à ce que pense maman, je

voudrai une vie de famille plus tard. Je pense que lui et moi

pourrons nous marier. Il s’appelle Philip…

Je croyais que ce nom devait au moins le faire sursauter.

Mais non, son expression n’avait pas changé. Il était resté le

même.

Toutes mes tentatives pour le faire parler tombèrent dans

l’eau. Rien n’y fit ! Il était resté égal à lui-même.

J’appris le décès de l’oncle Richard un dimanche matin. Il

était allé courir et était tombé sur la piste. Une mort brutale et

sans douleur. Un arrêt cardiaque, avait conclu le médecin.

Cette mort me rappela celle de tante Manou que j’avais trou-

vée étrange. Malgré mes efforts d’entrer en contact avec elle,

rien n’avait abouti.

La mort de l’oncle Richard remettait les choses sur le ta-

pis. J’ai compris que depuis toujours, dans ma famille, aucune

125
mort n’avait jamais trouvée explication naturelle. Quand j’y

repensais, toutes m’avaient toujours paru étranges. Celles que

j’avais provoquées ne comptaient pas.

Aux obsèques d’oncle Richard, je décidai d’observer mon

père. Il était là, pleurait son frère cadet. Il semblait vraiment

affligé. Un masque, lorsque je pensais au nombre de fois que

j’avais été face aux corps étalés de mes victimes. Ce n’était que

du folklore. La tête courbée, il semblait plongé dans une mé-

ditation réelle. Après les cérémonies, j’ai récupéré la terre qui

recouvrait sa tombe. Je devais l’utiliser.

Ce soir chez moi, mon invocation à faire apparaître Ri-

chard resta vaine. La même chose s’était passée avec tante

Manou. Je devais retourner parler au curé. C’était urgent.

Je ne savais pas exactement quelle information je recher-

chais, mais j’étais sûre que la clé de tout ceci se trouvait dans

cette église. Le curé semblait même content de me voir. Sans

ambages, j’ai demandé : « 


126
 Dites-moi ce que vous savez.

 La soif d’argent t’a fait perdre toute faculté humaine. Au fond

de toi, il te reste cette possibilité de recommencer.

Agacée, j’ai crié :

 C’est loin d’être si simple. Et puis, je n’ai pas besoin de vos

sermons. Depuis que nos chemins se sont croisés, je me pose

des questions. Je sais que votre présence n’a jamais été le ha-

sard. Vous avez orchestré tout ça. La Question que je me

pose est celle-ci : Dans quel but ? Pourquoi vous donner

tant de mal ?

Le curé soupira.

 Connais-tu Dieu ?

 Je connais celui que je sers.

 le diable...

127
 Non… Mon dieu. Vous avez le droit de posséder le vôtre.

Laissez-moi le libre choix de choisir le mien.

 Ça aurait été plus facile si seulement, tu n’avais pas besoin

de verser tant de sang pour y arriver.

 Qui êtes-vous ? Pourquoi m’avez-vous fait voir ce qu’il y

avait dans le tiroir ?

 Je suis un libérateur des âmes perdues.

 Je ne suis pas une âme. Je ne suis pas égarée. Et puis, ce n’est

pas le sujet de ma présence. Dites moi ce que vous savez sur

ma famille. Et pourquoi tout doit s’achever avec ma mère ?

Qui est-elle réellement ?

 - Pose la question à ton père.

 Vous commencez franchement à m’énerver. Croyez-vous que

je serai ici s’il m’avait répondu ? Je repose ma question. Que

savez-vous sur ma famille ?

128
 Pas plus que toi Nelly. Tu en sais plus que tu ne le crois.

Ouvre tes yeux. Tout se joue dans les détails. Tu connais ce

que je veux. Le sang de ta matrice pour arrêter tout ceci.

Je suis allée de là en courant. Je n’avais pas plus avancé.

J’étais même encore plus perdue qu’avant.

Je conduisais en réfléchissant. Que devais-je faire ? Non,

ma vie n’était pas censée se passer ainsi. L’argent que je dési-

rais devait me garantir le bonheur, la paix. Pourquoi avais-je

l’impression que depuis des jours je ne dormais pas ? Le curé

m’avait mise dans un état impossible à décrire. Je suis arrivée

chez moi.

 Irène… J’ai compris la leçon… J’ai besoin de toi…

Silence lourd. Rien…

Je me suis mise à arpenter ma chambre. Combien de per-

sonnes avais-je tuées ? Je ne saurais le dire. Quand devrais-je

m’arrêter ? Probablement jamais.


129
Irène ne se montra pas ce jour là. Ni les jours suivants. Il

se passait des choses étranges.

J’avais besoin de sang, encore et encore. Parfois, j’arrivais

à attraper quelqu’un, juste à partir de son ombre… J’entrais

dans son esprit et l’attirait vers moi. Je lui disais simple-

ment : « 

 Désolée, pouvez vous me communiquer l’heure, ma montre

s’est arrêtée. »

L’heure qu’il me communiquait signait son arrêt de mort.

Il décédait le lendemain à la même heure. Le plus souvent par

accident, ceux qui se trouvaient avec lui décédaient égale-

ment. Ils se trouvaient au mauvais endroit au mauvais mo-

ment tout simplement.

Au fil des années, j’avais gagné en puissance. Je pouvais

voler le souffle de vie des gens juste par un regard.

À ce niveau de mon récit, je repose ma plume et je me


130
prends la tête entre les mains. Ah, si j›avais su !

Quelques jours plus tard, j’étais devant la maison rouge.

Son mystère n’avait pas été élucidé. J’ai posé quelques ques-

tions aux voisins. Non, ils ne connaissaient pas les proprié-

taires. Je suis une fois de plus rentrée bredouille.

C’est là qu’une idée m’est venue. Et si je retournais où tout

avait commencé ? Pourquoi pas ! Alors j’ai décidé de retour-

ner sur ce lieu. Ce cimetière. D’où tout était parti. Ah oui,

cette fameuse nuit… Mes sept tours nue autour de ce tom-

beau.

J’y suis donc allée à minuit. Je me suis déshabillée et j’ai

recommencé. Et… J’ai eu la révélation... La boucle allait enfin

être bouclée.

Au sixième tour, je fus stoppée net par une apparition.

Une silhouette… Elle était là… Devant moi. Je la reconnais-

sais. C’était… »

131
 Papa ?!! »

 Nelly... Tu n’aurais pas dû. Ce n’était pas censé se passer

ainsi. Me dit-il. Etait ce une image réelle ou juste mes pen-

sées ? Je ne saurais le dire avec exactitude.

 Mais pourquoi ? Tu es le Titan, c’est ça ? Oh mon Dieu !

Les détails. Je n’ai rien vu et portant j’avais tout devant moi.

Non… non... non... Ce n’est pas vrai…

 Nelly...

 Pourquoi ? Pourquoi ??

 L’argent… Le pouvoir… Tout ceci corrompt. J’ai vendu mon

âme au diable depuis longtemps déjà. Je ne m’en souviens

même plus...

Je l’ai interrompu.

 Mais tu es pauvre...

132
 Je n’ai jamais été pauvre. Du moins si tu parles de la richesse

matérielle. J’ai toute la puissance du monde. J’ai tout. Je pos-

sède tout. Tu es têtue. Tu devais te contenter de ce que tu as.

Mais tu en voulais encore et encore. Je suis désolé qu’on en

soit arrivé là... Je suis désolé…

 -- Je comprends tout maintenant. Tu m’as vendue. J’étais ta

première victime. Je suis revenue de chez les morts pour ter-

miner cette mission. Irène c’est moi ! Mais si je suis morte,

qui suis-je exactement. Cette histoire me semble déjà tirée

par les cheveux. »

Mon Dieu, je suis Irène !

Je me suis écroulée.

133
134
Chapitre 12 : les conditions

Lorsque je revins à moi, j’étais toute seule. Toute la scène

m’est revenue. Papa était parti.

Il était le Titan. Depuis le début. Je refusais de comprendre.

 Irène, j’ai compris. Tu es moi. Maintenant on peut discuter.

Irène s’est assise.

 Je suis désolée Nelly.

 Pourquoi ne me l’as-tu jamais dit ? Qui suis-je ? Suis-je

réelle ? Ma vie est-elle réelle ?

 Que devais-je dire ? Que nous étions la même personne ? :

Tiens Nelly, ne te dérange pas beaucoup tu es moi. M’au-

rais-tu cru ? Je t’ai laissé tous les détails, tu as refusé de

comprendre. Ta vie est bien réelle, bien qu’elle ait été inter-

rompue à un moment donné.

135
 Et maintenant. Pourquoi suis-je là physiquement ? Est-ce

que tout ceci est réel ? C’est de la science fiction

 Non, tu n’imagines pas combien c’est réel. Tu t’es tuée une

seconde fois. Toutes tes victimes sont bien mortes.

 Mais je suis morte. Je ne peux avoir tué personne. C’est in-

croyable. Je suis folle. C’est ça la seule explication. Je dois me

réveiller et je serai couchée chez moi, bien au chaud.

 Tu te trompes. Tu ne peux pas savoir ce qui est vrai et ce qui

est faux. Ouvre les yeux. Tu ne sais jamais qui tu rencontres

dans la rue. La plupart de personnes vivantes sont des réin-

carnations. Ceux qui marchent dans la rue, se donnent la

main, sourient avec toi, si tu pouvais lire dans leur âme, tu

serais surprise. Il y’a beaucoup plus de mort vivant chez les

humains que tu ne le pense. Ils sont là. Tu as une dernière

mission si tu veux sauver ton âme : tuer le Titan.

 Tuer Titan ? J’ai autant tué, sinon plus que lui. C’est mon

136
père.

 C’est aussi celui qui a tué un grand nombre de personnes. Il

t’a entraînée dans cette histoire de soif de richesse.

 Je ne suis pas une victime !

 C’est pourquoi tu dois arrêter tout ça. Le curé demande le

sang de ta mère, mais tu peux contourner tout ça.

 Comment ?? Pourquoi ne suis-je plus surprise ? Si je pou-

vais retourner ?

 On ne retourne pas. On continue. Ta cupidité t’a emmenée

jusqu’ici. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. L’argent, il

faut le chercher normalement. L’Homme mangera à la sueur

de son front, dit le seigneur. Ah, j’oubliais, Dieu n’existe pas

chez toi. Tous ceux qui recherchent une voie de facilité se

trouvent toujours punis. Tu as été ta propre victime. Mais, il

ne se fait pas tard. Il ne se fait jamais tard. Tu as deux condi-

tions à remplir. Tu dois commencer par croire qu’un être


137
suprême existe et peut te délivrer

 Fiche le camp, tu délires, ceci n’existe pas. Je vais me réveiller.

 Tu as deux conditions, je le répète : tu peux commencer par

écrire tout ce qui s’est passé pour que le monde entier soit au

courant, et ensuite, tu te tournes vers le créateur et tu tues

le Titan. Ou alors, tu commences par la deuxième option.

 Hahahaha, Irène, bien essayé, tu ne m’auras pas. Mon réveil

doit sonner. Il faut que je parle à Philip.

 Philip ne peut pas t’aider. Il ne peut rien pour toi. Lui-même

est une âme perdu. Tu dois le délivrer.

 Imaginons une seconde, je dis bien une seconde que je crois

en tout ceci, tes histoires de réincarnation et bablabla, com-

ment cela est-il possible ? où est ma sœur décédée ? comment

suis-je réapparue ?

 Nelly, tu es butée et ne comprends rien. rappelle-toi, un bébé

138
se souvient-il de son séjour dans l’utérus de sa maman ?

 Ce n’est pas la même chose Irène...

 Si, ça l’est. De même, ceux décédés oublient leur ancienne

vie. Nous pouvons même vivre avec notre ancienne enve-

loppe charnelle sans nous en rendre compte.

 J’ai poussé un soupir, j’étais de plus en plus irritée. Jamais, je

dis bien jamais, je ne croirai à tout ceci.

 Irène, es-tu une fane de Marvel ?

 Un fantôme ne regarde pas la science fiction Nelly, répon-

dit-elle toute sérieuse.

Je faillis pouffer de rire. Son air sérieux et son désarroi étaient

risibles.

 Je crois que sans le vouloir, tu en es une. Voici ce que nous

allons faire. Je vais faire celle qui n’a rien entendu, je me ré-

139
veille chez moi et ma vie reprend son cours. Je jouis de mon

argent et la vie est belle.

 Oui, tu continues à tuer les innocents et la vie est belle Nelly.

 C’est faux

 Si tu ne veux pas suivre mes conseils, ta mère mourra.

 Quoi ??? Pas ma mère, tu es folle ma parole, tout le monde,

pas ma mère.

 Elle mourra dans cinq jours Nelly, tu es avertie...

 Mais ...

Irène avait disparue. Je me suis frotté les yeux pour me

rassurer que je rêvais. J’ai regardé autour de moi, il faisait

sombre, j’étais dans un cimetière. J’étais nue, couchée. Je me

suis levée en courant. Ma voiture était garée tout près. J’ai

conduit comme une folle cette nuit là, toute nue.

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Deux jours plus tard, je recevais un coup de fil de ma

sœur Bea. J’avais essayé de joindre Philip en vain. Il était in-

joignable. Mon père aussi, était inaccessible. Tout ceci ne pou-

vait pas être un fruit du hasard. Tout au fond de moi, je savais

que la scène du cimetière était bien réelle même si je refusais

de l’admettre. J’étais bien vivante. Je pouvais marcher, man-

ger, boire, toucher. Je ne comprenais pas toujours comment

un tel phénomène pouvait être possible. Je suis rentrée cher-

cher le curé. Curieusement, il a répondu qu’il ne désirait pas

me voir. Ceci augmenta à mon désarroi et je compris que la

clé de tout ceci se trouvait en moi. L’appel de ma sœur me fit

sursauter. Je ne bougeais plus pratiquement de chez moi :« 

 Oui Bea....Je faillis lui demander si j’étais réelle.

 Bonjour Nelly, il est arrivé quelque chose de terrible...

Mon inquiétude grimpa, la dernière fois que j’avais en-

tendu il est arrivé quelque chose de terrible, ma sœur était morte.

Et vous connaissez tous la suite de l’histoire.


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 Bea, de quoi s’agit-il, qui est décédé ?

Si elle parut choquée par ma question, elle n’en laissa rien pa-

raitre.

 Maman, elle va mourir !

Je ne sais pas comment je pus faire pour ne pas hurler. Je ser-

rai le téléphone très fort de ma main. S’il y’a une personne

sur cette terre que je désirais protéger, c’était ma mère. J’au-

rais pu tous les tuer, mais pas ma mère. Elle restait celle qui

m’avait réellement aimée malgré tout. Tout au fond de moi,

je savais qu’elle était la seule personne capable de donner sa

vie pour moi. Un jour où je m’amusais à choisir qui pouvait

mourir, Philip avait dit : «  et ta mère ? » mon regard seul lui a

fait comprendre qu’il ne devait jamais s’en approcher.

 Que s’est-il passé, réussis-je à demander

 Quelque chose d’étrange, subitement elle est entrée dans un

coma, et le médecin ne lui donne plus que quelques jours à


142
vivre.

 Où est papa ? ma voix était calme

Il devait bien être quelque part

 Aucune idée, il a disparu depuis des jours. J’ai jugé impor-

tant de te mettre au courant pour maman. Peut être vou-

drais-tu la voir avant qu’elle ne parte.

 Merci Bea, j’arrive

J’ai raccroché et j’ai su ce qui me restait à faire. Elle a cinq jours,

avait dit Irène.

 Irène, j’ai compris. Je te crois. Je veux arrêter tout ça. Ma

mère doit se réveiller. J’accepte tes conditions et je commence

par l’écriture. Donne-moi une journée, je mets tout par écrit.

J’irai revoir le curé plus tard, et après, j’irai à la poursuite du

Titan. Que vais-je laisser par écrit ?

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Irène est apparue.

 En écrivant d’abord tout. Laisse les faits par écrit. Le monde

entier doit être au courant. Le curé t’aidera après. Ensuite tu

mourras enfin après le Titan.

Etrange réaction… Je comprenais enfin ce que j’avais vu

dans ce tiroir : mon corps enveloppé.

Ma tante à qui je ressemblais tant, c’est le Titan qui l’avait

tuée. Elle aussi avait été sa victime.

 Pourquoi écrire tout ceci ? Aucun homme ne me croira.

 Fais-le… Ils comprendront. Ils comprendront que l’amour de

l’argent perverti et rend vulnérable. Vendre son âme au

diable pour de l’argent revient à se vendre totalement. Les

hommes n’ont pas besoin de ça. Ils peuvent s’en sortir…

Réussir avec leurs forces. Il est important de comprendre que

les forces du mal rôdent. Et ils doivent faire très attention.

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 Personne ne croira à tout ceci.

 Ils croiront.

 Et si à la lecture personne ne me croit ?

 Ils n’auront qu’à imaginer avec qui ils vivent au quotidien.

Chaque rencontre peut être l’un des tiens. Ils devront te

croire pour se protéger

 Et s’ils ne croient pas, insistais-je, plus têtue que jamais

 S’ils sont deux à croire que les forces du mal rodent, c’est

suffisant pour nous.

 Nous ?

 Oui, nous, le bon coté.

 De quel coté s’agit-il

 La lumière, conclut Irène.

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Fin...

Saison 2 à venir.

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