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LES RAYONS LIGNEUX

ET LE MATÉRIAU BOIS
C . BARBE - R . KELLER

Présents chez toutes les essences, les rayons ligneux uni- ou plurisériés — varient par leurs
dimensions et leurs répartitions dans le bois dont ils sont partie intégrante . En vieillissant, ces élé-
ments de nature parenchymateuse subissent des transformations chimiques beaucoup plus progres-
sives que les tissus qui les environnent.

Selon les espèces, les rayons ligneux peuvent constituer 3 à 30 % environ du volume de l'ensemble
des éléments anatomiques (tableau I, d'après Panshin et De Zeeuw, 1980).

Bien que la bibliographie se rapportant strictement aux rayons ligneux soit discrète, les études cor-
respondantes ont permis de préciser certaines propriétés ou singularités du bois pour lesquelles elles
semblent jouer un rôle important.

Tableau I Quelques exemples de la composition volumétrique du bois en rayons ligneux


chez les conifères et les feuillus
D'après Panshin et De Zeeuw (1980)

CONIFÈRES

Pinus nigra 5,5 %


Pinus sylvestris 6,4 %
Abies alba 7,5 %

FEUILLUS

Betula papyrifera 11,7 °/


Fraxinus nigra 12,0 0/8
Platanus occidentalis 19,2 %
Quercus alba 28,0 %
Salix nigra 7,4 %

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Cet article vise à faire une mise au point de l'état des connaissances sur cet élément, sur son ana-
tomie et sur ses relations avec les caractéristiques physiques du matériau bois.

PRÉSENTATION DES RAYONS LIGNEUX (figure 1)

Les étapes de la formation des rayons ligneux, éléments du tissu secondaire, sont encore très mal
connues . Certains auteurs (Lev-Yadun et Aloni, 1992) pensent que leur mise en place est régulée
par différentes substances chimiques (éthylène, auxines . . .) . En tout état de cause, il est admis qu'un
rayon ligneux est un groupement de cellules sous forme d'une lame de section lenticulaire, de
hauteur et de largeur variable, orientée radialement . Ces cellules de parenchyme sont vivantes tant
qu'elles sont dans la couronne périphérique du bois et assurent trois fonctions : conduction de la
sève brute, soutien de la tige, stockage de substances chimiques . L'ensemble des cellules des
rayons constitue un tissu important, et on constate l'existence d'échanges de substances entre ceux-
ci et les autres éléments anatomiques (trachéides longitudinales chez les résineux, éléments de vais-
seaux chez les feuillus) . Les communications sont latérales dans le cas des rayons ligneux . II est
intéressant de noter que, chez certaines espèces, les rayons ligneux sont à l'origine du phénomène
de thyllose dans les vaisseaux du bois (Chêne).

Figure 1 PRÉSENTATION GRAPHIQUE DES RAYONS LIGNEUX.


Vue en face tangentielle (= sur dosse).
Cas de deux arbres différents, mais de même espèce (Chêne rouvre) . Taille réelle : 6 cm x 4 cm

n-Rayons ligneux

Autres tissus
du bois

PARAMÈTRES POUVANT DÉFINIR LES RAYONS LIGNEUX

II existe une très grande variabilité d'une espèce à l'autre quant aux dimensions, à la forme, à la
répartition, au nombre et à la couleur des rayons ligneux . Ces derniers peuvent ainsi aider à la déter-
mination des bois massifs (Chêne, Hêtre . . .).

La figure 2 (p . 65) montre que, suivant différents plans de section, les rayons ligneux sont apparents
suivant leur longueur (plan transversal), leur épaisseur et leur hauteur (plan tangentiel).
L'étude des dimensions observées tangentiellement montre qu'elles varient suivant les espèces : le
Chêne a des rayons épais et hauts, tandis que ceux de l'Érable sont courts et de faible épaisseur.
Les rayons peuvent être unisériés (une seule couche de cellules) ou plurisériés (plusieurs couches
de cellules).

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Économie et foret

Chez certaines espèces, les rayons sont visibles à l'ceil nu, chez d'autres non . Notons aussi la pré-
sence de "faux rayons" ou rayons agrégés . Ce sont des rayons fins qui tantôt se rapprochent, tantôt
s'écartent . Leur présence ou non est un critère d'identification des espèces ou des genres (Venet et
Keller, 1986).

Les dimensions des rayons peuvent être mesurées à deux niveaux différents, microscopique et
macroscopique :
— microscopique : des disparités au niveau cellulaire existent ; il s'agit alors de connaître la
nature et les caractéristiques des cellules composant le rayon (type, morphologie, . . .) ;
— macroscopique : il est aussi possible de mesurer et de comparer les épaisseurs des rayons
suivant une échelle de classe de grosseurs (taille 1 : épaisseur comprise entre 0,5 et 1 dixième
de mm ; taille 2 : entre 1 et 2 dixièmes de mm ; etc . . .).

Ainsi le Chêne et le Hêtre ont des rayons d'épaisseur variée allant jusqu'à la taille 5, voire 6 . II faut
toutefois distinguer ces deux espèces . Le Chêne (pour un arbre donné) a des grands et des petits
rayons, d'où des plages discontinues de taille de rayons . Par contre, le Hêtre se remarque par une
plage continue dans la taille de ses rayons.

Figure 2
PARAMÈTRES D'UN RAYON LIGNEUX

e : épaisseur
1 : largeur
H : hauteur
L : longueur
En section transversale : L et e (ou L et 1)
En section radiale : L et H
En section tangentielle : H et e (ou H et 1)

Toujours à propos de l'identification des bois, la prise en compte conjointe de l'épaisseur des rayons
et du diamètre des cellules les composant est utilisée pour pouvoir distinguer certains bois homo-
gènes qui se ressemblent (Venet et Keller, 1986).

La hauteur des rayons se mesure sur le plan tangentiel . Elle est variable entre espèces, et même à
l'intérieur de l'espèce . Certains auteurs distinguent des catégories répertoriées dans le tableau II
(d'après Boureau et Moreau, 1989).

Tableau II Variabilité en hauteur des rayons ligneux


D'après Boureau et Moreau (1989)

Taille Exemple
Rayons hauts au-dessus de 1 cm Chêne
Rayons assez hauts 2 mm à 1 cm Hêtre
Rayons courts 1 mm à 2 mm Prunier
Rayons très courts moins de 0,5 mm Frêne, résineux

Forme

En section transversale, suivant l'espèce et la provenance, les rayons sont plus ou moins rectilignes,
voire flexueux . En section tangentielle, la forme des rayons peut être caractérisée par le rapport :
hauteur/largeur .

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Généralement, la variation de forme diffère plus entre arbres qu'à l'intérieur d'un même arbre
(Tellerup, 1953).

Répartition

Le classement des essences en fonction du nombre de rayons par unité de longueur (mesure en
direction tangentielle le long d'une corde) comptés dans le sens transversal est possible . Par
exemple, le laboratoire des produits forestiers de Princes Risborough (Grande-Bretagne) a déterminé
5 classes : A, B, C, D et X (A = moins de 25 rayons par 5 mm ; . . . ; X = très supérieur à 80 rayons
microscopiques par 5 mm).

Chez le Pin sylvestre, Kàrkkàinen (1973) a remarqué que le nombre de rayons unisériés diminue en
allant de la moelle à l'écorce, tandis que la hauteur moyenne augmente.

Couleur

Les rayons ligneux peuvent présenter une différence de couleur et d'éclat par rapport aux tissus
constituant la masse du bois . II faut savoir que les rayons jouent un rôle quant à l'appréciation
visuelle des pièces massives et des placages, cas du Chêne maillé par exemple . L'importance déco-
rative des rayons est à prendre en compte ; ainsi, on recherche préférentiellement des chevalets de
violon faits en bois "d'Érable maillé" (par ailleurs, ce bois résiste bien à la tension des cordes).

De plus, chaque rayon vu en section radiale présente la maille, et l'ensemble des mailles, la maillure,
est plus ou moins bien appréciée suivant les modes esthétiques.

Caractéristiques chimiques

Malgré le peu de références, nous noterons que les rayons ligneux des Chênes sont riches en ella-
gitannins (Masson et al ., 1994), ce qui pourrait influencer les caractéristiques des vins mis à vieillir
dans des fûts constitués de douelles débitées sur quartier.

CARACTÉRISTIQUES ET PROPRIÉTES PHYSIQUES DES RAYONS LIGNEUX

Malgré le manque certain d'études précises sur le sujet, il semble exister des relations entre les
rayons et certaines propriétés du bois . En 1986, Venet et Keller soulignent que l'abondance et l'im-
portance des rayons chez certaines essences sont parfois en corrélation avec une certaine dureté du
bois . Par exemple, le Hêtre, espèce très maillée, serait peu apprécié pour le déroulage s'il n'était
préalablement étuvé . En fait, dès 1878, D'arbois de Jubainville remarquait que les Chênes à rayons
ligneux les plus épais étaient les plus exposés à la gélivure . Des études plus récentes ont à nouveau
souligné ce phénomène (Rol, 1953 ; Cinotti, 1991).

Mais l'incidence des rayons sur les propriétés physiques du bois n'a jamais été l'objet d'études sys-
tématiques ; et seuls des résultats fragmentaires peuvent être notés . Nous retiendrons les propriétés
suivantes :
— la présence de gros rayons ligneux limite le retrait radial chez Quercus rubra (Mc Intosh,
1955) . À savoir aussi le rôle des rayons dans l'explication de l'anisotropie de retrait : le retrait radial
est inférieur au retrait tangentiel (Bosshard, 1974) ;
— l'accroissement en volume des rayons contribue à augmenter l'infradensité du bois chez
Quercus rubra et chez Quercus alba (Taylor, 1969) ;
— les rayons sont des facteurs de forte résistance chez le Hêtre (Keller et Thiercelin, 1975),
mais aussi chez le Chêne où ils semblent être le siège des fissurations radiales lors de séchages
trop brutaux ;

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Économie et forêt

— suivant une étude mécanique menée sur trois espèces de Chêne (Quercus acuta Thunb .,
Quercus crispula BI ., Quercus variabilis BI .), chaque espèce a ses propriétés propres suivant son
type de rayons (Kawamura, 1982) ;
— il faut aussi noter l'importance de l'interface entre des éléments orientés à 90° les uns par
rapport aux autres ; les surfaces situées autour des rayons sont particulièrement déviées (Kucera et
Sell, 1987) ;
— le nombre de rayons par centimètre (dans le plan tangentiel) est un bon indicateur du retrait
tangentiel de pièces sciées aux dimensions d'emploi . La prise en compte de la fraction volumique en
rayons ligneux serait susceptible d'améliorer la prévision des caractéristiques élastiques (Guitard et
El Amri, 1987).

Comme nous pouvons le constater, les résultats concernant les rayons ligneux sont peu nombreux
et pour le moment difficilement exploitables par l'utilisateur du matériau bois . La quasi-totalité des
travaux sur ce sujet a montré la difficulté d'observation et de mesure des rayons ligneux (des tenta-
tives ont été menées chez le Chêne rouvre ; Barbe, 1994), même avec un bel état de surface.

Nous remarquerons la forte variabilité des différentes caractéristiques des rayons ligneux entre
espèces, mais aussi à l'intérieur d'une espèce . Des études ont été menées sur ce point particulier,
signalant que la variabilité intra-arbre paraît faible devant la variabilité inter-arbre.

CONCLUSIONS

Cet article avait pour but de faire le point sur les connaissances acquises sur les rayons ligneux . Bien
que souvent ponctuelles, ces connaissances permettent de montrer leur importance vis-à-vis des pro-
priétés du bois généralement considérées . De cette étude, il résulte les points suivants :
— les rayons ligneux ne sont pas des éléments anecdotiques du bois, puisque leur volume peut
représenter de 3 à 30 % du volume total du bois ;
— le côté esthétique des rayons ligneux n'est pas négligeable (cas des placages qui sont la
forme la plus valorisante du bois) ;
— les rayons ligneux ont une incidence sur les propriétés mécaniques (tout n'est pas connu, il
y a de nombreuses présomptions et quelques certitudes) ;
— ainsi que le montrent les rares études disponibles, au moins sur les Chênes rouvre et pédon-
culé, la variabilité de leurs caractéristiques semble être considérable, avec toutes les conséquences
que cela implique dans le comportement du bois (comportement physique, mécanique et chimique).

Mais ces résultats ne prennent pas en compte certains paramètres qui sont indispensables à une
bonne caractérisation des rayons ligneux : une idée statistique de la disposition relative, de la lon-
gueur, de la forme des rayons pourrait permettre de mieux connaître l'influence des rayons dans l'en-
semble du bois, notamment dans le cas du Chêne.

Y parvenir ne semble pas être une utopie (Barbe, 1994), mais cela devrait requérir les compétences
conjointes d'anatomistes, de mathématiciens, de statisticiens et d'informaticiens.

C . BARBE R . KELLER
Étudiant en mastère spécialisé Ingénieur en Chef du GREF
en Sciences forestières Directeur du Laboratoire
de Recherches en Sciences forestières
ÉCOLE NATIONALE DU GÉNIE RURAL,
ÉCOLE NATIONALE DU GÉNIE RURAL,
DES EAUX ET DES FORÊTS
DES EAUX ET DES FORÊTS
14, rue Girardet 14 . rue Girardet
F-54042 NANCY CEDEX F-54042 NANCY CEDEX

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C . BARBE - R. KELLER

Remerciements

C . Barbe tient à remercier le Laboratoire de Recherches en Sciences forestières (ENGREF Nancy) ainsi que
l'Équipe de Recherches sur la Qualité du Bois (INRA, centre de Nancy) qui ont rendu possible ce travail dans le
cadre du DEA "Sciences du Bois" .

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