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Olivier Lumenganeso
Economiste, stratégiste et consultant
ultant senior
Les marchés financiers africains ont connu, depuis le début des années 1990, une croissance spectaculaire ;
alors une douzaine, ils sont maintenant plus du double et couvrent l’ensemble du continent. La capitalisation
boursière a été multipliée par dix,, et dorénavant, plus de 2’000 entreprises sont cotées. Les bourses
bou financières
africaines sont essentiellement dominées par des marchés des actions auxquels s’ajoutent des marchés
embryonnaires de la dette publique depuis quelques années. Depuis quelques années, en fait, les introductions
en bourse se sont multipliées, permettant à certaines banques ou à des entreprises de lever des capitaux
considérables – ce qui démontre, à n’en pas douter, la profondeur de l’épargne locale et l’intérêt des
investisseurs nationaux mais aussi internationaux pour ces places boursières. Cette montée en puissance des
marchés financiers africains a été favorisée par l’amélioration de la situation macroéconomique de la région, mais
aussi par les performances remarquables des marchés d’actions africains pendant cette période.
En 1992, l’Afrique comptait douze bourses avec une capitalisation totale d’environ 113 milliards de dollars.
Aujourd’hui, il en existe près d’une trentaine dont 24 réunies au sein de l’African
African Securities Exchange Association
(ASEA), avec une capitalisation boursière de 1'200 milliards de dollars à fin 2009.
2009 Les pays africains ayant une
bourse des valeurs mobilières,, membres de l’ASEA, sont (par date de création): l’Égypte (1883),
(1883) l’Afrique du Sud
(1887), le Maroc (1929), le Kenya (1954),
(1954) le Nigéria (1960), la Tunisie (1969), l’Île Maurice (1988), le Botswana
(1989), le Ghana (1990), le Swaziland (1990),
(1990) la Namibie (1992), le Zimbabwe (1993),(1993) la Zambie (1994), le
Soudan (1994), le Malawi (1995), l’Algérie (1997), la Côte d’Ivoire (1998, avec la Bourse Régionale
Région des Valeurs
Mobilières - BVRM - établie pour les 8 pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine – UEMOA que
sont la le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal, et le Togo),
Togo le Mozambique
(1999), l’Ouganda (1997), la Tanzanie (1998), le Cameroun (2001), le Cape Vert (2005), la Lybie (2007), et le
Rwanda (2008).
Ces bourses sont composées en grande partie des marchés primaires et secondaires des actions, actions mais d’autres
traitant de la dette publique (obligations souveraines et bons du Trésor) existent. Ainsi, outre ces bourses, au
moins dix autres pays, n’ayant certes pas de bourse active, possèdent néanmoins un marché national
embryonnaire de bons du Trésor. Ce qui fait qu’en tout, au moins 30 pays africains ont un marché de bons du
Trésor. Parmi ces 30 pays, les 8 pays de l’UEMOA (Bénin, Burkina-Faso,
Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali,
Niger, Sénégal et Togo) ont crée, en 2001, un marché régional de bons du Trésor pour remplacer le crédit direct
de la Banque Centrale
ntrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) aux trésors nationaux. Les autres marchés de
bon de Trésor les plus actifs du continent sont l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Ghana, le Kenya et la Zambie.
La plupart des bourses de l'Afrique sont petites, comparées à celles des autres pays en voie de développement.
Le nombre de sociétés inscrites dans les différentes bourses membres de l’ASAEA est de 1'725. Le nombre
moyen des titres cotés est de 72 (57, Afrique du Sud exclue). L’Afrique du Sud possède près du tiers (27%) des
sociétés inscrites, suivie par l’Egypte (22%), et le Nigéria (13%). Ces 3 marchés représentent donc à eux seuls
60% des sociétés cotées. La capitalisation boursière est passée de près de 250 milliards de dollar en 2002 à
près de 1’200 milliards fin 2009, ce qui représente une croissance moyenne composée de 22% par an.
Johannesburg est la place financière la plus capitalisée du continent avec 805 milliards de dollars en 2009, suivi
par Le Caire (91 milliards), Casablanca (65 milliards), et Lagos (48 milliards). En pourcentage du PIB, cela
représente 290% pour l’Afrique du Sud, 71% pour le Maroc, près de 50% pour l’Egypte. La capitalisation
boursière moyenne est de 50% du PIB (39% hors Afrique du Sud), contre 94% pour les BRIC, par exemple.
Seuls 5 marchés bénéficient d’une réelle activité en termes de valeur des échanges (en pourcentage de la
capitalisation boursière) : Afrique du Sud (72%%), l’Egypte (69%), le Maroc (63%), le Kenya (18%), la Tunisie
(15%), et le Nigéria (10%),. La valeur moyenne des échanges est donc inférieure à 30% de la capitalisation
boursière et le ratio de turnover moyen de 18%. La valorisation moyenne du continent est de 12.9x les bénéfices
nets par actions (BNPA), entre 2007 et 2009. Le Maroc est le marché actions africain le plus cher avec une
valorisation moyenne de 23.2x, alors que la Tanzanie a une valorisation de 5x le BNPA. Les actions africaines
sont donc peu chères et se traitent avec une décote de 22% par rapport à leur moyenne historique, à 10.1x le
BNPA de 22% attendu pour 2010.
Des études empiriques montrent que le développement des marchés financiers est un réel catalyseur pour la
croissance de long terme des pays aussi bien développés qu’en développement. En effet, ces marchés ont
toujours joué un rôle essentiel dans la mobilisation de l’épargne et son allocation efficace dans le financement
des investissements rentables, favorables à la croissance économique. Sans un système financier développé,
beaucoup d’investissements rentables de long terme ne seraient financés et réalisés faute de capitaux
disponibles. Outre stimuler la croissance de long terme des économies, des marchés financiers développés
favorisent aussi le développement du système bancaire. Ainsi, l’interaction entre le développement financier et le
développement économique exerce un effet notable sur la structure du système financier. La corrélation entre le
système financier (marchés financiers, banques et intermédiaires financiers) et la croissance économique semble
donc communément admise. En revanche, la causalité des deux phénomène est simultanée. Le développement
du système financier constitue incontestablement un élément moteur de la croissance économique, mais, en
même temps, il est le résultat du développement économique. La croissance du secteur réel permet à
l’économie de développer un système financier efficace. De plus, cette croissance économique influence le type
du système financier que l’économie pourra supporter. Les marchés financiers ne doivent donc pas être
considérés comme une panacée – ils sont plutôt des outils puissants pouvant accompagner la croissance
économique.
Nonobstant leurs tailles, des fois embryonnaires, les récentes bonnes performances des boursières, notamment
des sociétés nouvellement introduites sur le marché, ont poussé bon nombre d’investisseurs à s’intéresser aux
marchés financiers africains. Et l’intérêt croissant de ces investisseurs pour l’acquisition d’actions de sociétés de
services publics a permis à des États africains de réaliser des gains substantiels en se défaisant avec succès de
participations importantes dans ces compagnies. Ils ont également profité de l’intérêt des investisseurs pour les
emprunts d’État, ce qui leur a permis d’émettre des obligations sur le marché international. Le gouvernement
ghanéen a ainsi émis 750 millions de dollars en obligations d’État. Celui du Gabon est parvenu à émettre sur le
marché international une obligation de un milliard de dollars sur 10 ans, de même, le gouvernement des
Seychelles a émis une obligation de 230 millions de dollars sur trois ans.
Plus encore, la montée en puissance des marchés financiers africains a aussi révélé l’importance du rôle des
investisseurs locaux. Grâce aux programmes de privatisation, des centaines de milliers d’africains sont donc
devenus actionnaires des grandes entreprises de leurs pays. Le niveau de sursouscription observé lors de
récentes introductions en bourse en Afrique donne une idée de l’importance de l’épargne africaine disponible
pour des actifs financiers de qualité. L’intérêt croissant des épargnants africains pour les actifs financiers locaux a
été renforcé par les banques locales (au Nigéria, au Kenya et en Zambie, notamment), qui ont consenti des prêts
personnels pour investir sur le marché boursier. En général, hormis l’immobilier et les titres publics (tels que les
bons du Trésor), il apparaît que les investisseurs africains ont très peu d’opportunités d’investissement. De plus,
les investisseurs institutionnels locaux tels que les sociétés d’assurance et les fonds de pension n’ont
généralement pas le droit d’investir en dehors de leur pays d’origine ou de leur zone monétaire. Il existe plusieurs
sources de financement pouvant alimenter les bourses africaines, dont certaines ne sont pas pleinement
exploitées à ce jour : l’épargne individuelle (les Nigérians les plus riches, par exemple) ; les fonds collectés par
les investisseurs institutionnels (sociétés d’assurance et fonds de pension) ; les prêts accordés par des banques
à leurs clients afin de les aider à investir sur les marchés.
Pour permettre aux marchés africains de se développer et d’attirer plus de capitaux, surtout étrangers, les pays
doivent prendre des mesures pour augmenter la taille, le volume de transactions et la liquidité de leurs marchés.
Ces mesures sont essentiellement de deux ordres. Au niveau de l’offre des titres financiers, il va falloir
l’augmenter en favorisant le développement d’entreprises locales fortes et d’un secteur privé solide, en
améliorant les infrastructures et en renforçant le secteur bancaire, en encourageant la bonne gestion et la bonne
gouvernance corporative. Au niveau de la demande des titres financiers, il serait souhaitable de stimuler celle-ci
en concentrant les efforts de promotion d’abord sur les investisseurs locaux, et ensuite auprès des investisseurs
étrangers, en encourageant les entrepreneurs financiers à créer des véhicules communs de placement afin de
permettre à un plus grand nombre de petits investisseurs de profiter des bons rendements que les marchés
africains ne cessent d’obtenir depuis ces dernières années.