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Afrique: Une aire de civilisation

aux multiples interfaces


 RoxaneLE BIDEAU | Sep 17, 2018 | Agrégation externe de géographie, capes externe d'histoire
et de géographie, Clio-concours , L’Afrique : du Sahel et du Sahara à la
Méditerranée, L’Afrique : du Sahel et du Sahara à la Méditerranée | 0  |     

L'Afrique : du
Sahel et du Sahara à la Méditerranée,
Chapitre 2 : Brigitte Dumortier (dir.), L’Afrique : du Sahel et du Sahara à la
Méditerranée, Armand Colin, 2017
Les États africains du Maghreb appartiennent :

 au monde du bassin méditerranéen marquant leur milieu et paysage (mers,


montagnes, plaines côtières) mais aussi leur culture (circulation historique avec les
deux rives de la Méditerranée).

 à un ensemble géo-culturel arabe s’étirant du Golfe Persique à l’Océan


Atlantique (ils sont inclus par exemple dans la région Middle East and North Africa
par les organismes internationaux) : espace marqué par la richesse en hydrocarbure et
l’islam.

Le Sahel apparaît comme un espace de transition entre :

 Afrique du Nord et Afrique noire

 Etats d’Afrique de l’Ouest et Etats de la Corne de l’Afrique.

 En monde où nomadisme pastoral, organisation tribale dominent et un autre


monde christianisé et sédentaire.

Au sud du Sahara, l’ethnie est souvent mobilisée pour décrire les groupes humains
initialement différenciés selon les phénotypes établis par l’anthropologie physique
coloniale, puis selon des critères identitaires créés par l’anthropologie culturelle.

I – Une forte prépondérance de la religion musulmane


1. Une proportion de musulmans qui décroît vers le sud
Partie réservée aux adhérents

Afrique du Nord caractérisée par une grande homogénéité religieuse. A partir du


VIII°s : expansion arabo-musulmane —> islamisation. En Egypte : part plus faible de
musulmans en raison de communautés chrétiennes autochtones très anciennes. Et en
Libye : évaluation de la composition religieuse difficile en raison de la fuite des
immigrés de travail (philippins, indiens) depuis 2011.

Puis l’islam se propage au sud du Sahara par les caravanes et marchands, puis, plus
tard, par la conversion de souverains subsahariens qui forcèrent celle de leurs sujets.

Arrivée de l’islam sur les côtes africaines à l’est par la mer Rouge via les marchands
de la péninsule Arabique.

Un rapport de l’Observatoire de la liberté religieuse en 2014 évalue la part des


musulmans dans la population des états :
 Pays avec une population musulmane représentant entre 93 % et 100 % de la
population totale : en Algérie, Egypte (93 %), Libye, Maroc, Mauritanie (100 %),
Mali, Niger, Somalie, Soudan, Tunisie.
 Pays avec une population musulmane représentant entre 50 % et 62 % de la
population totale : Érythrée (50%), Burkina Faso (62 %), Tchad.
 Pays avec une population musulmane faible : Soudan du Sud (6,2 %).
Il est difficile d’évaluer le taux de pratique religieuse. H. Rachik (dans Le Maroc au
présent, 2015) rapporte une étude nationale menée au Maroc selon laquelle parmi les
répondants :
 65 % font les cinq prières obligatoires régulièrement. Mais cette pratique reste
avant tout individuelle.

 Le taux des personnes n’ayant jamais prié ne dépasse pas les 15 %

 6 % vont à la Mosquée de manière régulière, 31% n’y vont pas régulièrement.

 52 % vont à la prière du vendredi régulièrement.


Les 5 piliers de l’islam sont : 
 la profession de foi

 le pèlerinage à la Mecque

 les cinq prières quotidiennes tournées vers la Mecque

 l’aumône légale (zakât)


 Le jeûne du mois du Ramadan
Les oulémas (docteurs) définissent l’application de la Loi dont les sources sont le
Coran et la Sunna (tradition), fondée sur les hadiths (recueil des faits et dits du
Prophète et de ses compagnons).
Islamisme : projet politique revendiquant des institutions fondées sur le Coran et une
application stricte et exclusive de la Sharia (droit musulman). C’est aussi une idéologie
souhaitant la permanence des structures sociales nourries de prescriptions religieuses.

Il est encore plus dur d’avoir une idée de la part des agnostiques et des athées parmi
les populations catégorisées comme musulmanes. Dans certaines sociétés, la religion a
une place importante et exerce une pression sociale (même en Tunisie, longtemps
considérée comme le pays le plus laïc du monde arabe).

On évoque souvent le réveil religieux dans notre espace, mais il y a une importance de
groupes sociaux revendiquant une sécularisation au nom de la liberté individuelle —>
sont visibles parfois dans l’espace public : pique-niques organisés pendant le ramadan
par le « mouvement des déjeûneurs ».

La perception de ce qu’est un « bon musulman » est diverse, car il y a des


interprétations des textes et des pratiques variées. Désormais : hétérogénéité croissante
des normes, favorisé par l’accès aux informations et par un rapport à la religion
passant de moins en moins par les institutions —> cela entraîne des tensions
familiales, sociales, politiques : Les confrontations sur les questions de droit des
femmes, de la législation sur la famille sont des révélateurs de positionnements
religieux qui se déterminent aussi selon le rapport à l’Occident.

1. B) Des expressions diverses de l’islam

À l’époque coloniale, on a dressé une opposition entre un islam arabe (authentique


mais peu conciliant) à un islam noir (bon enfant, organisé en confréries). Mais cette
vision est à nuancer fortement car :

 au XIX°s, en Afrique subsaharienne, c’est un islam rigoriste qui prévaut. Et


aujourd’hui, les mouvements islamistes radicaux trouvent leur écho autant au Maghreb
qu’au Sahel.

 Les confréries ne sont pas le propre de l’Afrique noire : Confrérie Senoussiya


qui a rayonné de la Cyrénaïque à l’Afrique centrale, dont le chef devient roi de Libye à
l’indépendance.

 L’islam au Maghreb intègre aussi des pratiques pré-islamiques.

L’islam sunnite règne au Maghreb et est majoritaire au Sahel. Il y a des exceptions : au


Mali et au Niger, 5% des musulmans sont shiites. Au Maghreb et au Sahel, c’est
l’école malékite qui est suivie. En Egypte, il y a aussi le chaféisme. Importance
également des confréries soufies. Mais concurrence d’un islam intégriste salafiste et
wahhabite.

Également : micro-sociétés ibadites dans des territoires très localisés (île de Djerba en
Tunisie, le Mzab dans le Sud de l’Algérie, le djebel Nefousa en Libye).

1. C) Le statut institutionnel de l’islam

Dans la majeure partie des pays du Maghreb, les constitutions font de l’islam la
religion de l’État. A part la Mauritanie, toutes garantissent la liberté religieuse, malgré
les évènements récents :
 victoires électorales de partis islamistes : Parti Justice et Développement au
Maroc

 Participation des islamistes au gouvernement : Ennahdha en Tunisie


Pays, texte  Place de la religion dans la Constitution 

L’Etat est le gardien de la religion :

–    garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice du


Tunisie 
Constitution de 2014  –    Garantit la neutralité des mosquées et de lieux de culte par rapport à

L’islam est religion d’Etat.


Maroc 
Constitution de 2011  L’Etat garantit le libre exercice des cultes à tous.

L’islam est religion d’Etat. Les institutions s’interdisent de pratiques co


islamique.

Algérie  Mais liberté de conscience et d’opinion sont inviolables. Quant à la libe


Consitution révisée en 2016 est garantie dans le respect de la loi.

Islam religion d’Etat. Les principes de la Charia sont la source principa

Mais les principes des lois religieuses des Egyptiens chrétiens et juifs
la législation qui régit leur statut personnel et et leurs affaires religi
pratique religieuse et de l’établissement de lieux de culte.
Egypte 
Constitution de 2014  Cependant, la reconnaissance d’un pluralisme religieux et limité aux G

L’islam est religion d’Etat. La charia est la principale source de législat


Libye
Déclaration constitutionnelle Mais liberté de pratiquer une religion est garantie aux non-mu
provisoire de 2011  discrimination liée à la religion est interdite.

Islam religion officielle.

Mauritanie  Pas de liberté religieuse envisagée dans la Constitution. La cito


Constitution de 1991  musulmans. L’apostasie est passible de la peine de mort.

 
Au Sahel, la référence constitutionnelle à l’islam n’est pas affirmée. Dans les textes,
on ressent l’influence du droit français : cela se traduit par la séparation de l’Église et
de l’État et par l’affirmation de la laïcité.
Pays, texte  Place de la religion dans la Constitution 

Constitution de 1992 : Laïcité de l’Etat. Toute personne a droit à sa lib


Mali  conscience, de religion, de culte.
Constitution de 1992 et Projet de
révision constitutionnel de 2017  Révision de 2017 : laïcité de l’Etat, respect de toutes les croyances.

Respect de toutes les croyances.

Egalité devant la loi sans distinction de religion.


Niger 
Constitution de 2010  Interdiction des partis politiques à caractère religieux.

Séparation de l’Eglise et de l’Etat. Affirmation de la laïcité.


Tchad 
Constitution de 2005  Interdiction de toute propagande confessionnelle qui pourrait nuire à l

Cependant, ces cadres juridiques ne sont pas toujours respectés. Ils ne suffisent pas à
endiguer une violence qui frappe les non-musulmans (les coptes en Egypte) et les
musulmans.

Dans la Corne de l’Afrique, instabilité politique qui favorise l’intolérance religieuse :

 Erythrée : les quatre confessions autorisées (Islam, Eglise orthodoxe, Eglise


Catholique, Eglise luthérienne) sont sous le contrôle de l’Etat et souffrent d’une
politique antireligieuse du régime dictatorial.
 Somalie : De 2006 à 2009, l’Union des tribunaux islamiques contrôle le pays
de fait —> instaurent un régime fondé sur la Sharia. Le gouvernement fédéral ne
parvient pas à contrôler les milices djihadistes salafistes (chebabs). Ainsi, l’islam est la
religion d’Etat et le président doit être musulman. Il en est de même dans les entités
autoproclamées du Somaliland et du Puntland. La Constitution fédérale provisoire
prévoit que la législation doit être conforme à la Sharia qui s’applique même aux non-
musulmans.

II – L’existence de minorités religieuses


Homogénéité religieuse qui contraste avec la mosaÏque communautaire. Cependant, il
y a (eu) des minorités :

 Au Maghreb : minorités juives jusqu’au XX°s.

 Au sud du Sahara, la bande qui va du Sénégal à la Somalie marque l’interface


ente christianisme et islam. Si les pays du Sahel abritent des populations chrétiennes
(en raison de l’action de missionnaires à l’époque coloniale), des religions africaines
ont encore cours. Elles prennent le nom d’animisme.
1. En Afrique du Nord : la quasi-disparition de communautés juives présentes
depuis l’Antiquité
En Afrique du Nord il y avait déjà des communautés issues de la diaspora antique.
Puis au XV°s : arrivée de juifs venus d’Espagne et du Portugal. A partir de la conquête
musulmane, les Juifs ont le statut de dhimmi, protégés en raison de leur statut de gens
du Livre. Il s’agit tout de même d’une politique discriminatoire, ce qui amène les Juifs
à vivre dans des quartiers spécifique (mellahs) au Maroc. Aux premiers temps de
l’islam : symbiose judéo-arabe (Averroes, rabbin Maïmonide en sont les figures
emblématiques).

A la fin du XIX°s, les Juifs d’Afrique du Nord représentent 2% de la population totale.

1. Taïeb, en 2004 dit que les création d’Israël va détruire en deux décennies de très
anciennes communautés. —> Migrations juives tunisiennes et marocaines vers Israël.
Les Juifs de Tripolitaine fuient quant à eux les pogroms en Libye.

Au lendemain des indépendances : émigration des Juifs du Maghreb vers la France ou


Israël en raison du conflit israélo-arabe et des difficultés économiques. Ainsi :

 En Tunisie : 100 000 Juifs à lla fin des années 1940 —> Aujourd’hui : 1500. Ils
vivent surtout à Djerba et à Zarzis.

 En Algérie : 130 000 Juifs dans les années 1950. En 1962 : 120 000 quittent le
pays. Départs massifs qui continuent jusqu’aux années 1990 au moment de la guerre
civile (L’armée du Front Islamique du salut gagne les élections).

 Egypte : 1920 = 60 000 Juifs. Mais le nassérisme, la guerre des Six Jours ont
provoqué le départ massif de cette communauté. Il n’en reste plus qu’un petit nombre
à Alexandrie et au Caire.

 Au Maroc : refus d’appliquer les lois anti-juives de Vichy. En 1945 il y a


environ 250 000 Juifs. En 1948 (Etat d’Israël) : 90% des Juifs du pays partent. En
1956 (indépendance) : nouvelle vague de départ pour des raisons économiques. En
2016 : 2 500 Juifs (population divisée par 100 depuis 1945). Historiquement, la
population juive était implantée à Fès, Meknès, Marrakech, Essaouira, Safi. Désormais
elle se situe surtout à Casablanca.
1. B) Au Sahel : des confins islamo-chrétiens et la persistance des religions
traditionnelles
Source : Observatoire de la Religions traditionnelles
liberté religieuse, 2014  Christianisme  africaines  Isl

Niger 2 %   98 

Soudan  3 % 0,3 % 96,

Mali 2,5 % 2 % 95 

Burkina Faso  23 % 15 % 62 

Tchad  34 % 8 % 58 

Erythrée 48 %   50 

Soudan du Sud 60 % 33 % 6 %

Dans les pays où la part des musulmans est très importante (Algérie, Egypte, Libye, 
Maroc, Mauritanie, Mali, Niger, Somalie, Soudan, Tunisie), les chrétiens sont
principalement des étrangers. Les flux migratoires d’Afrique subsaharienne
contribuent à augmenter le nombre de chrétiens vivant dans les Etats du Maghreb.

Dans les pays où la part de musulmans est de l’ordre d’un peu plus de la moitié
(Erythrée, Burkina Faso, Tchad) : gradients nord-sud. Part plus importante au nord et
inférieure au Sud où il y a plus de chrétiens.

Exemple : Au Soudan, depuis l’indépendance de 1956, les populations non


musulmanes du sud étaient dominées politiquement par le pouvoir musulman du nord.
En 2011 : Le Sud obtient l’indépendance.

Dimension raciale qui se rajoute à une domination fondée sur un critère religieux.

Ex : En Mauritanie, la population dans son intégralité est musulmane, les Maures noirs
(Haratins) étaient les esclaves des Maures blancs (Beïdanes). 1981 : Interdiction de
l’esclavage. Récemment : pénalisation de l’esclavage. Mais les Haratins sont toujours
discriminés et on estime que 4% de la population est soumise à l’esclavage héréditaire.

Les Chrétiens au sein des pays du Sahel sont majoritairement catholiques. Mais
présence aussi du protestantisme :

 Au Soudan du Sud : 40% de la population, évangélisée par des missionaires


italiens, est catholique. 20% appartient à des Eglises protestantes du fait de l’action de
missionaires anglo-américains.

 Au Tchad : le Nord est majoritairement musulmans, mais le sud est


majoritairement chrétiens. Dans cet espace, 18% des Chrétiens sont catholiques et
16% sont protestants.

 Erythrée : Un tiers des Chrétiens sont orthodoxes et un quart catholiques.

Les missions des églises évangéliques nord-américaines sont très présente en Afrique
de l’Ouest. Elles touchent Afrique du Nord et Sahel où le prosélytisme est souvent
proscrit et les conversions au christianisme risquées.

Ainsi, au Maroc, 300 évangélistes anglophones tolérés ont été expulsés en 2014 et un
converti marocain a été condamné pour prosélytisme (condamnation levée en appel).

Le christianisme et l’islam sont influencés par des religions autochtones. Les


missionnaires coloniaux percevaient les pratiques et croyances traditionnelles comme
diaboliques (masques, musiques, transes, culte des morts, familiarité avec les esprits).
Dans les années 1960 : théologie de l’inculturation —> Sous l’impulsion d’évêques
africains, incorporation des racines africaines au catholicisme. Inversement, des
religions traditionnelles ont intégré dans une dynamique syncrétique des figures de la
religion chrétienne.

1. C) Les coptes, une chrétienté égyptienne

Les coptes se réclament de la filiation de l’Egypte pharaonique. La croix copte est une
réinterprétation chrétienne de l’hiéroglyphe de la Vie. Le calendrier copte dérive de
celui de l’Egypte antique. Les coptes sont organisés en Eglise autocéphale ayant son
propre patriarche (comme toutes les Eglises d’Orient).

En 1054 : Grand schisme d’Orient :

 coptes orthodoxes (majoritaires)

 Coptes catholiques (minoritaires, environ 250 000).


On estime entre 5 et 10% de Chrétiens en Egypte (6,5 millions). Ils vivent surtout en
Moyenne Egypte, mais aussi à Alexandrie et au Caire. Dans le monde, il y aurait plus
de 10 millions de coptes. Environ 100 000 coptes quittent l’Egypte chaque année en
raison des émeutes anti-coptes depuis les années 1970, aggravées depuis 2011. De
nombreux attentats orchestrés par des groupes salafistes jihadistes les visent. Ils en
veulent aux chrétiens d’avoir soutenu l’éviction par l’armée en juillet 2013 du
président Morsi (Frère musulman). Voici quelques exemples d’attentats :

 2013 – 2016 : quarantaine d’églises coptes mises à sac et incendiées.

 Décembre 2016 : Attentat meurtrier contre une église copte du Caire (29 morts).

 Avril 2017 : attentats contre deux églises coptes à Tanta et à Alexandrie (45
morts).
III – De la Méditerranée au Sahara, une aire linguistique arabophone dominante

Double héritage de la conquête arabo-musulmane et de la colonisation européenne :

 arabisation des territoires riverains de la Méditerranée et d’une partie du Sahara

 Diffusion des langues de la colonisation : français et aussi anglais (Soudan),


puis des traces de l’italien (Libye) et de l’espagnol (Maroc).

Mais double héritage qui n’a pas fait disparaître le substrat berbère.

1. L’importance de l’arabe, langue de communication et fondement identitaire


La langue arabe 
Diglossie : langue écrite normalisée et dialectes pour la communication verbale.
Arabe littéral = arabe classique ou littéraire (celui de la poésie pré-islamique et du
Coran) et l’arabe moderne standard de la presse, médias, manuels scolaires.
Arabe dialectal = diverses variantes. Ainsi, les dialectes occidentaux au Maghreb se
distinguent des dialectes orientaux parlés de l’Est de la Libye à la péninsule Arabique.
Cependant, il y a une intercompréhension entre ces dialectes.

La répartition des dialectes ne se calque pas sur les frontières nationales. Ainsi, le
dialecte de l’Ouest de la Libye est plus proche de l’arabe tunisien que de celui parlé
dans l’est du pays. On ne parle pas le même dialecte dans le delta du Nil qu’en haute
Egypte. En outre, différences entre parlers citadins, ruraux, bédouins.

Appartenance des pays d’Afrique du Nord et de l’Egypte à une identité transnationale


complexe, allant jusqu’au Moyen-Orient. Idéologie arabiste, rêve panarabe (Nasser)
pendant un moment. Mais certains Etats affirment leur identité nationale spécifique,
primant sur l’appartenance à une nation arabe.

Exemple : dans la Constitution marocaine, reconnaissance des composantes arabo-


islamiques mais aussi amazighe, africaines, andalouses, hébraïques, méditerranéennes.

A l’inverse, la nouvelle constitution égyptienne garde une tonalité arabiste : « Le


peuple égyptien fait partie de la nation arabe, oeuvre pour son intégrité et son unité »
(article 1).

L’arabe est la langue officielle de : la Tunisie, la Libye, la Mauritanie, l’Egypte, du


Soudan, de l’Erythrée.

C’est la langue officielle avec l’amazigh au Maroc (2011) et en Algérie (2016).

Au Tchad : l’arabe et le français sont langues officielles.

L’expansion de l’islam au sud du Sahara ne s’est pas accompagnée d’une arabisation


des populations. Ainsi, au Mali : 95% de musulmans mais 5% d’arabophones.

1. Les Berbères, substrat pré-arabe du Maghreb


Tamazight, Amazigh, Tifinagh
Tamazight : désigne la langue berbère, regroupant de nombreux dialectes : kabyle en
Algérie, rifain au Maroc, touareg au Sahara et au Sahel, chleuh dans le Haut Atlas et
l’Anti Atlas, nafousi à l’ouest de la Libye…
Amazigh (pl : Imazighen) : dénomination que se donnent les Berbères (qui a la même
étymologie que barbare).

Les berbérophones seraient :

 40% au Maroc

 25 % en Algérie

 6 % en Libye
Mise en place d’un enseignement du berbère —> Débats sur la graphie pour choisir la
transcription des langues de tradition locale : graphie latine (universalité), arabe
(conforme au contexte arabo-musulman), ou Tifinagh (alphabet antique qui avait
disparu puis qui a été réactivé sous la forme du néo-tifinagh par des linguistes militants
de la cause berbère).

Au Moyen-Age, les tribus berbères résistent au pouvoir des califes. Les dynasties
berbères musulmanes locales contrôlent la région. Ainsi, l’essentiel de la population
du Maghreb est constitué de Berbères arabisés. Des communautés berbérophones, dont
la plupart parle arabe aujourd’hui, ont perduré du Maroc artlantique à l’oasis de Siwa à
l’ouest de l’Egypte et de la Méditerranée au Sahel.

Les berbères sont arabisés un peu par la force (en Algérie après l’indépendance, en
Libye sous Kadhafi). Mais ils revendiquent la reconnaissance de leurs droits culturels.
—> soulèvements :

 en Algérie : Printemps berbère de 1980, Printemps noir de Kabylie de 2001.

 En Libye : Khadafi considère la berbérité comme une modalité de l’arabité,


mais voit dans l’usage de la berbérité une prétention réactionnaire héritée du
colonialisme. —> punit toute manifestation de berbérité, renomme en Djebel Garbi
(montagne occidentale) le Djebel Nefousa (nom de la population berbère locale). A sa
chute : espoirs, qui sont ensuite déçus. Le Congrès national amazigh libyen,
regroupant les montagnards du Djebel Nefousa et les Touaregs, se heurte au
positionnement arabe et islamiste du Conseil national de transition.

Dans la décennie 2010, la reconnaissance de la langue et de la culture amazighe


progresse au Maroc et en Algérie (au moins sur un plan juridique).

Le français dans le paysage linguistique marocain (Fouzia Benzajour dans


Hérodote, 2007) 

Plusieurs langues au Maroc :

 langues ethniques nationales : l’amazigh et l’arabe (littéraire, moderne,


marocain)

 Langues étrangères coloniales : le français, enraciné dans la société, mais


souvent décrié. Son statut, d’abord ambigu, évolue. Il y a aussi l’espagnol, au sud.

Le français au Maroc est un composant d’un bouquet de langues qui s’interpénètrent


mais où chacune tente de s’historiciser ou de se moderniser. Le français reste
l’instrument du savoir scientifique et technique et la langue d’écriture de plusieurs
générations d’écrivains.

IV – La diversité ethno-linguistique des États du Sahel

Les frontières ne coïncident pas avec les frontières linguistiques. Les limites des aires
arabophone et berbérophone passent par le nord des Etats du Sahel (peu peuplé, aride).
Le Sud de ces pays est plus peuplé et participe de la diversité ethnolinguistique de
l’Afrique subsaharienne où il faut distinguer « la langue du marché » de celle de
l’administration ou de l’école.

1. De nombreuses langues au quotidien

Au Mali : plus de 35 langues relevant de familles linguistiques différentes. Mais plus


de la moitié de la population parle quatre langues : le Bambara, le sénoufo, le songhaï
et le peul. L’arabe et le berbère occupent grosso modo la moitié du territoire national
mais au nord du pays les populations sont dispersées, si bien que ces deux langues ne
concernent que 10% de la population. Les nomades qui parlent l’arabe hassanya ne
représentent que 5 % de la population, tout comme les berbérophones touaregs (Ainsi,
répartition spatiale qui ne correspond pas à la part des langues dans la population).

Dans le sud du Mali : complexité linguistique. Des remarques s’imposent :

 des langues sont comprises par un grand nombre de personnes. C’est le cas du
bambara qui fait office de langue véhiculaire.

 Des langues sont transnationales : le peul ou le songhaï sont présents au Mali,


au Niger, au Burkina Faso.

 Il y a une intercompréhension entre les langues d’une même famille

 Des langues ne sont parlées que par un petit nombre de personnes.

La plupart des habitants du Sahel parlent deux ou plusieurs langues, mais peu
maîtrisent la langue officielle.

Au Tchad : on recense 104 langues parmi lesquelles seulement 18 comptent plus de 50


000 locuteurs. Cette grande diversité linguistique impose à ce pays des contraintes
fonctionnelles. Surtout que l’arabe classique (parlé par personne) et le français (parlé
par presque personne) constituent les langues officielles du pays.

1. B) La place du français
2. La francophonie

Sénégal, Mali, Niger, Burkina Faso : Français comme langue officielle.

Tchad : Français langue co-officielle a vc l’arabe. C’est aussi le cas de la Mauritanie.

États qui sont membres de de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Dans les États d’Afrique du Nord (Maroc, Tunisie), le français reste une langue
privilégiée. En Egypte, elle reste une langue de prestique.
En Algérie, après l’indépendance : politique d’arabisation = recours à des instituteurs
égyptiens et mise en avant de l’arabité dans le discours officiel sur l’identité nationale.
Elle refuse d’être membre de l’OIF qu’elle considère comme un élément du néo-
colonialisme à la solde des intérêts français. Dans les années 2000, elle amorce un
rapprochement avec cette institution, sans y adhérer, pour ménager à la fois islamistes
et nationalistes. Pour le Maroc, la francophonie est un avantage dans sa diplomatie en
Afrique subsaharienne, ce qui pousse l’Algérie à se repositionner sur la question.

1. b) Les francophones

La notion de « francophones » recouvre des niveaux de compétences et une fréquence


d’usage de la langue variées. Et le recours au français se combine avec la pratique
d’autres langues.

L’Algérie a le plus grand nombre de francophones (11 millions), le Sahel en compte le


moins. Cependant, en part relative,  la Tunisie compte 54 % de francophones (6
millions) et l’Algérie 28 %.

La scolarisation et la place du français dans l’enseignement explique le nombre de


francophones également : Au Niger, il y a 12 % de francophones, le taux
d’alphabétisation des plus de 15 ans ne dépasse par les 30% et seulement 60 %
terminent une scolarité primaire.

Dans certains pays, l’action des islamistes conduit à une progression de l’arabe
(Tchad). Cela passe surtout par l’ouverture d’écoles coraniques privées dispensant un
enseignement d’arabe.

Conclusion

Islam et langue arabe = facteurs d’unité et source de diversité compte tenu de  la
multiplicité du Coran et des variétés dialectales de l’arabe.

Le Sahel : interface, entre islam et chrétienté.

Pérennité dans certaines régions : christianisme copte, dialectes berbères, antérieurs à


l’expansion arabo-musulmane.

La volonté de normaliser l’islam tend à gommer les spécificités religieuses. Elle


s’inscrit dans un contexte de réveil religieux, conséquence de l’échec des idéologies
séculières et post-coloniales. Aussi : réaction à la globalisation à laquelle seulement
certains espaces sont parties prenantes.

Les conflits à composante culturelle (linguistique ou religieuse), ont des enjeux


économiques, sociaux, fonciers qui dépassent le discours identitaire mis en avant.

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