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L’Afrique du Sahel e t du Sahara à la Méditerranée, sous les directions d’Armelle Choplin, Nora Mareï et Olivier

Pliez, Atlande Clefs Concours, Géographie des territoires, 2017, 236 p., 25 euros
Maîtriser les eaux, exploiter les différences
SOMMAIRE
INTRODUCTION p. 20 à 34
LA DESERTIFICATION, ENTRE FLUCTUATIONS CLIMATIQUES ET
Une Afrique méditerranéenne mais deux ensembles PRESSIONS ANTHROPIQUES
culturels La part du climat
Du Maghreb à l’Afrique méditerranéenne La part des hommes
Reconquêtes territoriales d’un monde dominé Désertification, développement et environnement
Un peuplement urbain et littoral Peut-on lutter contre la désertification ?
Un peuplement arabe mais des minorités Quel avenir pour les zones arides et semi-arides de
religieuses et linguistiques part et d’autre du Sahara ?
Emigration, immigration et transit : le LE LAC TCHAD. ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX D’UN ESPACE DE
brouillage des repères TRANSITION
Des économies dépendantes, de rente et Un lac sahélien aux ramifications soudaniennes et
extraverties sahariennes
Le Sahara pour trait d’union Des ressources offrant au lac un rayonnement
Un Sahara incontrôlable ? régional
Un Sahara historiquement ouvert mais Fluctuation ou disparition du lac Tchad ?
conjoncturellement fermé « LA TERRE EST FINIE ! » - QUEL AVENIR POUR LE PASTORALISME
EN AFRIQUE DE L’OUEST ?
Frontières visibles et invisibles d’un Sahara
La mobilité comme clé de gestion de l’incertitude
urbanisé
Les pâturages reculent devant les champs
Le Sahel, rivage sud complémentaire
Le pastoralisme change de visage
« Triste Sahel » ?
Les pasteurs dans une situation d’insécurité foncière
L’éleveur, le cultivateur et le commerçant :
Les pasteurs en fin de parcours
rencontre et condition sahélienne
RECOMPOSITIONS ECONOMIQUES ET TERRITORIALES
Des méridiens et des parallèles ; espace de
DES AFRIQUES MEDITERRANENNES ET SAHARO-
production, espace de circulation
SAHELIENNES
Peuples marginalisés en quête de
La forte présence d’intérêts économiques et
reconnaissance
extraterritoriaux
Argent de la migration, aide au
Des perspectives régionales prometteuses mais
développement : le Sahel sous perfusion ?
encore incertaines
DES SAVOIRS GEOGRAPHIQUES A DECONSTRUIRE
MINES ET PETROLE DU MAGHREB AU SAHEL : INTEGRATION
Des savoirs savants innervés par des représentations TERRITORIALE ET VULNERABILITE
exotico-coloniales Une modalité ancienne d’intégration économique et
● Des savoirs géographiques dispersés et politique
inventoriaux ancrés dans une fascination répulsive ● Des ac vités au poids économique inégal
● De la géographie coloniale à la géographie ● Une histoire longue marquée par les cycles
tropicale : des savoirs au service d’une idéologie des prix mondiaux
● Une décolonisa on progressive des savoirs : ● Des enjeux géopoli ques importants
vers une géographie du complexe Mines, développement et territoires : des relations
La géographie scolaire pourvoyeuse d’espaces difficiles
métonymiques ● Des formes extrac ves différentes
● La géographie scolaire, une discipline ● Les impacts territoriaux des industries
autonome productrice de savoirs extractives
● Le Sahel, une terra miserabilis ● Urbanisa ons extrac ves
● Le Sahara, du « royaume de l’absence » à Mines artisanales et territoires : des relations
l’Antimonde complexes
● La frange méditerranéenne, un espace des ● Les ruées contemporaines et leurs facteurs
possibles, une interface Nord-Sud à la recherche du ● Des impacts ambivalents
développement ● Réguler la mine ar sanale ?
MILIEUX ET ENVIRONNEMENTS LA MEDITERRANEE : PLURIELLE, MONDIALE ET AFRICAINE
L’aridité et ses facettes Où commence et où s’arrête la Méditerranée ?
Le rythme impérieux des saisons La Méditerranée sans l’Europe
Contraintes et incertitudes Les Afriques en mouvement
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Diversités des systèmes de représentation Les années 1970 : les circulations transfrontalières
LES PLACES MARCHANDES DISCRETES DE LA MONDIALISATION EN autour de la Libye
AFRIQUE DU NORD La décennie 1980 : l’apogée des souks Libya
Centralités commerciales héritées et centralités A partir des années 1990, des marchés entre
commerciales nouvelles mobilisation et déclin
● Emergence et affirma on de nouvelles LE CAIRE : CARREFOUR OU IMPASSE MIGRATOIRE ?
centralités commerciales périphériques du made in Un refuge pour les Africains de l’Est : l’hinterland
China égyptien réactivé
● Des centralités anciennes dans les centres Diversification des flux et fermeture des frontières : la
urbains renforcés par la mondialisation construction de l’impasse égyptienne
Une réécriture des paysages commerciaux à l’échelle Acteurs de l’aide humanitaire et pratiques habitantes
locale des migrants au Caire
● Main en des principes d’organisation du Révoltes arabes et migrations en Egypte : pays de
souk par les produits du made in China : de la vitalité départ, d’accueil ou de transit ?
d’une forme urbaine ancienne UN ESPACE FEUILLETE : CIRCULATION, RENCONTRE ET EVITEMENT
● De nouvelles pra ques de consomma on DANS UNE OASIS DU NIGER
dans les rues du made in China Circulations terrestres et émergence d’une oasis-relais
Renouvellement urbain et transformations des places Du quartier périphérique des étrangers au nouveau
marchandes du made in China « centre » de l’oasis
● De nouveaux lieux de la consomma on Des lieux-passerelles dans un espace feuilleté et
globalisée : les centres commerciaux du made in China segmenté
● Succès des places marchandes : LE SAHARA URBAIN…MAIS AUTREMENT
renouvellement urbain, spéculation immobilière et Paysages urbains : de l’oasis à la ville
requalification par le commerce Les échelles de la ville, le poids de l’histoire
INSECURITES ALIMENTAIRES ET DEVELOPPEMENT RURAL EN Trop d’eau peut nuire : le cas du Souf (Algérie)
QUESTION Les villes du Sahara font renaître les campagnes :
Agriculture et ruralité : des questions géopolitiques Sebha (Libye)
Démographie, climat et commerce : les Afriques en Koufra, un carrefour ou une oasis sans agriculture ?
souffrance MIGRATIONS ET ACTEURS DU DEVELOPPEMENT : L’EXEMPLE DES
Exploiter les potentialités BURKINABE IMPLANTES EN ITALIE. DES RELATIONS
CONTROVERSEES
Pour une réponse globale adaptée à des situations
Les contours de la migration burkinabè en Italie
locales
Modèles théoriques de développement versus études
LE MAROC, PRODUCTEUR ET EXPORTATEUR ILLEGAL DE RESINE DE
CANNABIS empiriques
Le contexte géographique et historique Le développement en question ?
Contexte socio-économique actuel UN ESPACE DE TENSION : TRAJECTOIRES HISTORIQUES,
IDENTITAIRE ET GEOPOLITIQUE
CONNEXIONS ROUTIERES AU SAHARA : DES PROJETS FACE
AUX INCERTITUDES
Pouvoir politique et contrôle territorial aux contours
Connecter Nord et Sud, Est et Ouest : des projets en fluctuants
question Découpages et déséquilibres territoriaux
L’axe Tanger-Dakar, une voie en devenir Espace de circulation plus que de production
CIRCULATION ET MOBILITES ENTRE LES DEUX RIVES De périphéries du monde aux nouvelles charnières
DU SAHARA géopolitiques
SAHARA ET SAHEL PENDANT LE MOMENT COLONIAL 1850-1960
Les migrations au Sahara, une histoire intra-africaine
Savoirs géographiques et conquêtes coloniales
ancienne
Le Sahara, espace convoité/espace repoussoir
La structuration de routes d’échanges
Une occupation coloniale en décalé
transsahariennes
Découper les espaces
Des formes urbaines nouvelles le long des axes
Occuper les territoires sahélo-sahariens
d’échange LES RELATIONS TRANSSAHARIENNES SUR LA LONGUE DUREE :
La politisation d’un phénomène : accroissement des CONTINUITES ET RUPTURES
flux et extension aux deux rives du Sahara Des échanges religieux et commerciaux ancestraux
Le Sahara, nouvelle frontière migratoire de l’Europe ? Expansion coloniale et réorganisation spatiale
Nouvelle géopolitique saharienne à l’aune des Des populations entre tensions et complémentarités
migrations La Transsaharienne Tanger-Dakar : relier l’Afrique du
LES SOUKS LIBYA : CIRCULATIONS MIGRATOIRES ET Sahel et du Sahara à la Méditerranée
MARCHANDES ENTRE SAHEL ET SAHARA LE SAHARA OCCIDENTAL : UN TERRITOIRE CONVOITE

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Repères historiques et géographiques La création des communes, un découpage participatif
La période coloniale Décentralisation et migration : des migrants investis
De l’intensification de la colonisation à l’affirmation localement
du nationalisme sahraoui (1958-1973) LA « QUESTION TOUAREGUE » : RETOUR SUR QUELQUES
La décolonisation inaccomplie PRESUPPOSES
La guerre du Sahara (1975-1991) A l’origine de « l’irrédentisme touareg »
LE MAGHREB ET SON AFRICANITE. APERCU SUR LA QUESTION Les « guerriers du désert » contre la nation (1950-
RACIALE 1970’s) ?
Du déni de l’Africanité au discours de l’unité Des rebelles en quête de reconnaissance (1980’s-
Migrations subsahariennes et altérité Aujourd’hui)
Couleur de peau et différences régionales COMMERCE, FRAUDE ET RESEAUX FAMILIAUX AU NORD MALI
Mobilisation contre le racisme Un commerce transfrontalier informel et intense
CRISES ET DEPLACEMENTS A KHARTOUM : VILLE ET POUVOIR AU Histoires de familles
SOUDAN Moralité et immoralité du commerce
Khartoum : ville refuge d’un pays en crise ou ville en LES TRAFICS AU SAHEL : PRODUITS, IMPACTS POLITIQUES ET
crise GESTIONS DES ESPACES PERIPHERIQUES
La parenthèse 2000-2011 : quand la ville refuge Nature des trafics et échelles géographiques
devient rentière ● Complémentarités et échanges
Khartoum, l’échec de la diversité transfrontaliers
VILLES ET MOBILISATIONS AU LENDEMAIN DES « PRINTEMPS ● Un marché régional des armes légères
ARABES » ● Trafics économie – monde
Des « printemps » persistants dans les villes Impacts des trafics
secondaires ● Les trafics et le politique : l’exemple de la
Les inégalités territoriales au centre des contestations cocaïne
Un nouvel ordre urbain possible ? ●Les mafias d’Etat
LECTURE GEOPOLITIQUE DES ATTENTATS EN TUNISIE Gestion des espaces périphériques et pacte social
Modernisation ou archaïsmes ? LE TERRORISME AU SAHEL : ENTRE GEOPOLITIQUE ET
Tunis et le désert tunisien ? Des déséquilibres RADICALISATION LOCALE
territoriaux persistants Le foyer algérien
Une Tunisie clivée : des déséquilibres aux stigmates Progression vers le Sahel et fragmentation
Frontières poreuses ou dangereuses ? Les raisons de la radicalisation
LA DECENTRALISATION AU MALI : L’ENJEU DES TERRITOIRES Combattre le terrorisme
Une décentralisation malmenée à l’indépendance OUTILS
Avec l’avènement de la Troisième République, la BIBLIOGRAPHIE
décentralisation passe par le Nord GLOSSAIRE

Introduction
Dans cet ensemble disparate que constitue ce tiers septentrional de l’Afrique, quels sont les éléments de
continuités territoriales ? Pour répondre à cette problématique générale, seront analysées l’articulation entre les
espaces et les liens qui les traversent formant alors des réseaux.
Ces territoires sont souvent considérés comme des marges, éloignés des centres d’impulsion mondiaux et dominés
économiquement. En décentrant le regard, cet espace de la Méditerranée au Sahel est au cœur de nombreux
enjeux, au prisme notamment de l’émergence de certains marchés, des ressources, des potentialités, etc.
permettant alors de l’envisager comme « une nouvelle charnière géopolitique ». L’analyse multiscalaire proposée
permet alors de montrer son intégration mondiale surmontant l’instabilité géopolitique. Cette approche relativise la
présupposée marginalité de cet ensemble.
Il convient dans cette introduction de présenter les caractéristiques des trois ensembles, en soulignant toutefois leur
cohérence.
Une Afrique Méditerranéenne mais deux ensembles culturels
Du Maghreb à l’Afrique Méditerranéenne
Le terme de Maghreb, épousant géographiquement les limites conventionnelles de l’Afrique Méditerranéenne au
Maroc, à la Tunisie, l’Algérie, n’est pas pertinent dans la mesure où il ne prend en compte que les éléments culturels
unifiant ces Etats. Le terme de Grand Maghreb intègre à cet ensemble la Libye et la Mauritanie.
La réalité géographique s’impose à définir un espace plus vaste, compris entre le Maroc et l’Egypte, soit 6 millions de
km2.
Reconquêtes territoriales d’un monde dominé
Quels sont les éléments communs à cet ensemble hétérogène ?
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Les logiques territoriales développées par la colonisation ottomane (XVIe siècle), puis européenne (XIXes-XXes.
(Français, Britanniques, Espagnols, Italiens)) s’organisent avec la dépendance économique. Par exemple, les espaces
du Maghreb sont construits sur le même modèle d’organisation homogène tournée vers la métropole : les espaces
urbains s’intensifient sur les littoraux, les espaces agricoles sont tournés vers l’intensif, les infrastructures de
transport sont organisées pour répondre au commerce exclusif mis en place.
Aux indépendances, les modèles de développement choisis s’autonomisent selon les choix politiques : dirigisme en
Algérie, Libye, Egypte ou plus libérale au Maroc, Tunisie et montrent surtout la volonté de sortir de la dépendance.
Un peuplement urbain et littoral
Cette Afrique Méditerranéenne ne forme pas un ensemble économique et social homogène tant les indicateurs sont
différents (PIB). Toutefois l’ensemble des pays d’Afrique Méditerranéenne présente des similitudes tant dans les
transitions démographiques que dans le taux de population urbaine élevé. Par ailleurs, ces pays restent marqués par
les faibles densités, à relativiser cependant par l’inégale répartition de la population concentrée sur les littoraux et le
long du Nil pour l’Egypte.
Un peuplement arabe mais des minorités religieuses et linguistiques
Ce monde est unifié par un peuplement arabo-musulman (islam sunnite en majorité) mais existence de nombreuses
minorités linguistiques qui soulève la problématique de leur reconnaissance au sein des pays concernés, comme les
Berbères.
Du Maroc à la Tunisie, les dynamiques migratoires sont prioritairement en direction des anciennes métropoles.
Depuis les années 2000, ils constituent un espace de transit des migrants subsahariens s’ajoutant alors aux migrants
nord-africains.
Des économies dépendantes, de rente et extraverties
En dépit des choix politiques et économiques initiaux, on constate depuis les années 1980 une libéralisation
croissante, avec quelques efforts de diversification qui n’ont pas toujours eu de succès. Le développement
économique reste liée à une économie de rente (hydrocarbures, tourisme, ressources naturelles) qui pérennise la
dépendance de ces pays envers l’extérieur et notamment les anciennes métropoles. Cette dépendance s’observe
également au travers des importations et du trafic maritime accentuant alors la dichotomie littoral/intérieur des
terres. Cependant, l’ouverture des pays à d’autres partenaires économiques, comme la Turquie, la Chine, Dubaï, etc.,
recompose la dépendance marquée par les héritages coloniaux.
Même si les espaces maghrébins sont encore très marqués par les héritages coloniaux, les mutations en cours
permettent alors d’affirmer l’insertion de ces pays dans le processus de mondialisation.

Le Sahara pour trait d’union


Un Sahara incontrôlable ?
Longtemps marginalisé, les mutations récentes font aujourd’hui du Sahara un espace convoité, un espace-clé faisant
le lien entre ses deux marges méditerranéenne et sahélienne.
D’une image « romancée », le Sahara est aujourd’hui perçu comme un espace de tensions multiples qui le décrivent
alors comme un espace incontrôlable. Cette image réductrice omet toutefois de présenter cet espace délimité par
les frontières étatiques, contrôlé par les armées, organisé spatialement et inséré dans la mondialisation grâce aux
nombreux réseaux qui le parcourent.
Un Sahara historiquement ouvert mais conjoncturellement fermé
Le Sahara est marqué par des tensions interétatiques et intra-étatiques pour son appropriation et siège aujourd’hui
des organisations terroristes. Toutefois, on ne peut réduire cet espace à ces conflits. En effet, le Sahara est
historiquement ouvert, traversé par les échanges transsahariens depuis le Moyen-Âge.
Frontières visibles et invisibles d’un Sahara urbanisé
Le Sahara est un espace urbanisé. On y trouve des villes anciennes réactivées par les échanges transsahariens, les
villes créées ex-nihilo par les Etats pour délimiter leur appropriation, comme Arlit. C’est à travers ces villes que se
dessinent le plus souvent les frontières. Les circulations transsahariennes se recomposent selon les frontières, les
contrôles, les contraintes aux circulations imposées par les Etats.

Le Sahel, rivage sud complémentaire


« Triste Sahel » ?
« Rivage » en arabe, il désigne un « espace de transition, de marche et de marge ». Le Sahel est marqué par la
faiblesse et la rareté des précipitations qui rendent les productions agricoles aléatoires. De ce fait, la population est
concentrée sur les zones les plus favorables à l’installation, comme les villes, les marchés ou les sites d’extraction
minière. Les émeutes de la faim et les famines sont ainsi récurrentes.
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Le Sahel est un espace riche en ressources minières mais leur accaparement par une minorité proche des pouvoirs
en place renforce les inégalités. La population jeune pourrait être un atout mais peu d’emploi pour lui assurer un
avenir. Enfin, les mutations récentes (mondialisation, pression démographique, spéculation foncière, etc.)
bouleversent l’équilibre fragile de la région, occasionnant des conflits.
L’éleveur, le cultivateur et le commerçant : rencontre et condition sahélienne
Espace de transition entre le Sahara et l’Afrique soudanienne, c’est donc un espace de rencontre entre peuples
nomades et pastoraux et « sédentaires » cultivateurs. La ville, dans cet espace place marchande, constitue le lieu
privilégié des rencontres entre ces peuples éleveurs, cultivateurs, commerçants.
Des méridiens et des parallèles ; espace de production, espace de circulation
Alors que le Sahara est organisé selon les méridiens en fonction des routes transsahariennes nord-sud, le Sahel est
lui organisé selon les parallèles. Au croisement de ces axes on trouve les « villes charnières ».
Peuples marginalisés en quête de reconnaissance
Peuples sahéliens écartelés au moment des indépendances et de la redéfinition des frontières étatiques et
marginalisés par les peuples dominants. Leur marginalisation est à l’origine de sentiments de vengeance et de
volonté de reconnaissance qui poussent les jeunes dans les groupes salafistes comme Boko Haram. C’est le même
processus de marginalisation à l’origine des guerres civiles au Soudan qui ont mené à sa partition en 2011. Le Soudan
Sud est encore aujourd’hui en proie à la guerre civile.
Argent de la migration, aide au développement : le Sahel sous perfusion ?
La migration et la mobilité, dans le contexte conjoncturel et structurel, apparaissent comme d’autres alternatives
aux armes, à la contrebande, au radicalisme religieux.
L’exode rural alimente les centres urbains principaux et secondaires, comme l’atteste l’étalement périphérique
autour des capitales, comme à Dakar.
Les migrations sont aussi plus lointaines et prennent la direction de l’Europe. Bien qu’aujourd’hui l’on parle
volontiers de « migrations clandestines », ces dernières ont depuis longtemps alimenté en main d’œuvre l’Europe ou
fournit des contingents militaires. En retour, l’argent des transferts fait vivre de nombreuses familles africaines.
Les mobilités de certains peuples permettent de développer des réseaux migratoires disséminés au quatre coins du
monde. Toutefois, l’exemple de ces quelques peuples, comme les Mourides, ne doivent pas occulter que la mobilité
sahélienne est avant tout intra-africaine. L’argent des transferts ne provient pas alors uniquement des migrations
lointaines mais des pays voisins.
L’aide publique au développement constitue une autre source de revenu pour le Sahel. Le programme Frontex oblige
les pays sahélo-sahariens signataires à reprendre sur leur territoire les migrants interceptés sur les côtes
européennes ainsi que ceux des pays tiers. En appuyant la mobilité via la CEDEAO, l’Union Européenne construit à
son image un espace libre de circulation des hommes et des marchandises et favorise les échanges transfrontaliers
en Afrique de l’Ouest.
Le Sahel apparaît ainsi un espace sous perfusion, dépendant de l’argent des transferts, de l’aide publique au
développement et des politiques financées par les bailleurs de fonds (Banque mondiale, UE, Agence française de
développement).
Cette introduction consacrée aux trois ensembles de ce tiers septentrional africain a permis de relever déjà des liens,
des complémentarités mais également de souligner des éléments de discontinuités qui marquent dans sa globalité
cet espace.

Des savoirs géographiques à déconstruire

Les premiers récits géographiques tiennent des explorateurs et des aventuriers qui donnent des descriptions
souvent de manière littéraire favorisant alors un imaginaire oscillant entre fascination et répulsion. Une Afrique
exotique, un Sahara pur oppose une Afrique hostile dominée par de nombreuses contraintes et dangereuse.
L’institutionnalisation de la géographie, entraînant méthodes et outils scientifiques, sert à la fin du XIXe siècle les
intérêts coloniaux. La géographie coloniale, officielle, défend une géographie utilitariste pour mettre en valeur les
territoires conquis et s’affronte à une géographie autonome et indépendante des milieux coloniaux, représentée par
V. de la Blache. De ce foisonnement épistémologique naissent deux façons de faire la géographie. Une géographie de
cabinet où la collecte des données, leur confrontation permet de développer des généralités et de l’autre une
géographie de terrain qui s’approche au plus près des hommes et analyse leur relation avec la nature. La géographie
coloniale participe alors au découpage territorial et spatial, comme par exemple en Algérie divisée de façon
latitudinale en trois ensembles : littoral, intérieur, steppe. Cette vision se confronte à la géographie de terrain qui

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elle divise l’Algérie selon un découpage longitudinal qui forme deux régions : l’Algérie orientale et l’Algérie
occidentale. Mais dans l’ensemble, ces différentes positions épistémologiques ont conduit à des stéréotypes qui
donnent aux Européens une supériorité dans la compréhension et l’organisation des espaces face aux indigènes
soumis aux facteurs naturels, ces derniers étant hiérarchisés, comme le montre le code de l’indigénat en vigueur
jusqu’en 1944.
Peu à peu la géographie se débarrasse des savoirs coloniaux après la Seconde Guerre mondiale. Elle s’applique alors
à mettre en lien les sociétés et les milieux, dans une vision globale des problèmes de développement. Il s’agit alors
d’analyser les blocages internes et externes au développement et d’en montrer les effets socio-spatiaux et les
diverses conséquences. Cette géographie marxiste laisse sa place dès les années 1970 à une géographie plus
« technicienne », influencée par d’autres sciences humaines, telle la sociologie. Jusqu’à aujourd’hui, les approches
géographiques sur l’Afrique se sont diversifiées : environnementale, économique, sociale, culturelle… Cet espace
s’approche ainsi comme l’emboîtement de systèmes complexes, multidimensionnels, « où les aspects matériels et
idéels sont analysés dans une logique trajective afin d’en comprendre l’organisation et le fonctionnement ».
La géographie scolaire pourvoyeuse d’espaces métonymiques
Progressivement la géographie scolaire s’autonomise des approches géographiques universitaires. De 1950 à 1970,
l’enseignement de la géographie physique et humaine de l’Afrique et se concentre sur l’étude des espaces ruraux, il
est marqué par les discours coloniaux et exotiques comme le montrent les manuels. Les problématiques nouvelles
des années 1970 (tiers-mondisme, développement…) apparaissent dans les programmes scolaires. Les programmes
scolaires de 2009, permettent d’appréhender des concepts comme « habiter » en sixième, le développement
durable en 5eme… traduisant alors une discipline qui s’autonomise, produit des savoirs géographiques, développe
un raisonnement et met en action les compétences des élèves. Pour autant, la fragmentation des espaces africains,
la simplification et l’instrumentalisation des savoirs concourent à la création d’espaces qui possèdent chacun une
fonction et servent une démonstration.
Les manuels montrent souvent un Sahel en proie aux misères de toute sorte que les photographies, articles et cartes
thématiques corroborent : terre d’aridité, espace de famine, nature dangereuse, guerres, faible IDH…
De la même manière, le Sahara est le « royaume de l’absence ». Ils renvoient à la fois à un désert hostile mais depuis
quelques années relativisent avec les dynamiques et mutations récentes. Le discours est ainsi moins déterministe en
mettant en valeur les potentialités, les enjeux auxquels le désert est soumis pour son appropriation qui entraînent
des conflits et en fait un espace intégré à la mondialisation (acteurs, flux et territoires). Pour autant, la simplification
reste de mise et proche alors des arguments médiatiques : le Sahara est un espace dangereux où les flux illicites et le
terrorisme agissent. Il apparaît alors à la fois comme un espace complexe mais également comme l’exemple type de
l’Antimonde.
Enfin, l’Afrique méditerranéenne est un espace des possibles, une interface Nord-Sud à la recherche du
développement. Dans les années 1970 c’est un espace discontinu dans lequel chaque pays suit un modèle de
développement économique spécifique.
En conclusion la géographie scolaire fait de l’Afrique du Sahel à la Méditerranée un outil pour comprendre les
problèmes de développement.

Milieux et environnements
Approche zonale du désert selon les isohyètes, la végétation, le relief mais approche méridienne des populations et
des fleuves naturels ou artificiels.
L’aridité et ses facettes
Ceinture de hautes pressions dont l’anticyclone du Sahara, qui s’accompagne de vents desséchants (sirocco, khassim
et harmattan), placé sur l’Afrique et qui explique la faiblesse des pluies. Conséquence : aridité et variation de
températures diurnes et nocturnes, les premières pouvant être en moyenne très élevées. Variabilité interannuelle
des pluies également, d’où des phénomènes de crue des oueds. Le taux d’ensoleillement, loin d’être un handicap
aujourd’hui permet d’envisager la transition énergétique, comme le montre le Maroc très en avance sur la
construction de centrale solaire.
Le rythme impérieux des saisons
Répartition saisonnière des précipitations de la zone intertropicale selon une saison des pluies pendant laquelle le
mois d’août est le plus arrosé et une saison sèche qui commence en octobre jusqu’en juin de l’année suivante. Cette
alternance entraîne des modifications sur la végétation dominée par la steppe. La période humide est propice à la
culture, notamment du mil.

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Au nord, climat méditerranéen ce qui permet de le rattacher au climat tempéré. Le relief, Moyen et Haut Atlas, le
Rif, procure au Maroc de l’eau mais provoque en Algérie un barrage à l’air humide ce qui en explique le climat semi-
aride.
Contraintes et incertitudes
Contrainte hydrique entraîne une cascade d’autres contraintes, comme la faible biomasse qui ne permet que
l’élevage extensif et mobile, la pauvreté des sols, des contraintes environnementales pour l’agriculture, l’exploitation
minière et le tourisme.
L’agriculture est très exposée aux aléas climatiques ce qui engendre des résultats tout aussi aléatoires qui peuvent
avoir des conséquences dramatiques sur les populations. Afin d’anticiper des situations de crise alimentaires graves,
les images satellites sont utilisées. Enfin, autre menace sur les cultures, l’invasion des criquets pèlerins qui se
déplacent en essaim et dévorent les cultures au crépuscule. 60 pays concernés par cette menace luttent par
épandage d’insecticide.
Maîtriser les eaux, exploiter les différences
Irrigation est une alternative aux contraintes hydriques sur l’agriculture. Les ressources aquifères sont localisées en
Algérie, dans l’ouest de la Libye et de part et d’autre de la frontière Libye-Egypte. Ponction en eau supérieure à la
recharge des nappes souterraines. Autre source en eau, les fleuves. Les barrages installés sur le Nil et le Sénégal
permettent le développement de l’irrigation, bien que celle-ci soit particulièrement longue à s’établir au Niger, au
Mali en raison de choix politiques discutables, de difficulté de financement.
Le développement de l’irrigation à aussi ses revers car elle épuise les sols, nécessite l’utilisation d’engrais (l’Egypte
est un des plus gros consommateurs d’engrais au monde) et enfin provoque salinisation des sols.
Les peuples pastoraux et communautés rurales se sont adaptés à la variabilité spatio-temporelle des pluies. La
contrainte hydrique et celle des milieux peuvent ainsi être surmontées, comme le montre l’exemple du succès
économique et commercial lié à l’exploitation de l’arganier dans le sud marocain.
La désertification, entre fluctuations climatiques et pressions anthropiques
La désertification est un processus complexe. Elle se définit selon l’ONU en une « dégradation des terres dans les
zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques
et les activités humaines ». Elle s’inscrit dans l’espace, touchant plus fortement les pays les plus pauvres, les marges
du Sahara et questionne aussi les échelles. Elle s’inscrit également dans le temps en interrogeant les processus en
œuvre qui la provoquent (naturels ou anthropiques).
La part du climat
La désertification des régions arides et semi-arides s’expliquent d’abord par la grande variabilité des climats sur le
temps long. En effet, il y a 8000 ans le Sahara était une savane « verdoyante ». A une échelle du temps moins longue,
le Sahel a connu des grands épisodes de sécheresse et des grands épisodes de pluie. Le processus de désertification
actuel s’explique surtout par l’action anthropique.
La part des hommes
La pression anthropique est d’autant plus forte que s’accroît la démographie. En effet, pour satisfaire les besoins des
populations, la taille des troupeaux est plus importante (surpâturage), le déboisement est conséquent pour le bois
domestique, les cultures sont étendues au détriment de la végétation boisée et arbustive. Ces pressions provoquent
donc la dénudation des sols qui sont fragilisés et soumis à l’érosion. Dégradation des sols également en raison de
l’irrigation mal maîtrisée, de la mécanisation.
Désertification, développement et environnement
La désertification a de lourdes répercussions sur le développement, occasionnant des épisodes catastrophiques de
famine avec l’effondrement des productions agricoles et l’augmentation de la mortalité des troupeaux, de
l’éloignement aux ressources, etc.
Elle explique en outre les mobilités africaines. Les éleveurs se déplacent vers les zones humides provoquant conflits
avec les agriculteurs. Elle alimente l’exode rural entraînant alors l’extension des villes au détriment des terres
cultivables et réduisant de ce fait la ressource en eau nécessaire aux cultures périurbaines, et accentuant le
déboisement.
Les conséquences environnementales sont aussi importantes : dégradation de la biodiversité, régression de la
végétation provoquant le mouvement des dunes, avec l’exemple de Nouakchott qui se voit exposée à l’avancée des
dunes périphériques, formation de croûtes d’érosion qui favorisent le ruissellement et provoquent des inondations.
Peut-on lutter contre la désertification ?
Nombreuses mesures prises dans ce cadre par les Nations Unies mais toutes des échecs (barrages verts par exemple
qui consiste à la plantation d’arbre mais soit mauvais choix soit déboisement pour l’extension des villes). Avec la
« décennie de l’ONU pour les déserts et la lutte contre la désertification » (2010-2020), lancée lors de la 8ème
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conférence des pays signataires de la Convention des NU, les mesures prises sont plus en adéquation avec les
milieux et les populations. Par ailleurs, des initiatives localisées de réhabilitation des techniques traditionnelles
présentent des résultats très encourageants, comme au Niger qui développe l’agroforesterie.
Quel avenir pour les zones arides et semi-arides de part et d’autre du Sahara ?
Les politiques de lutte (et leur pérennité) contre la désertification sont souvent entravées par les contextes
politiques et socio-économiques difficiles. L’évolution des climats et des milieux accentue les incertitudes sur l’avenir
de ces zones. Face à ces incertitudes sur la réversibilité du processus de désertification, il est nécessaire de
poursuivre et d’aider les initiatives de lutte.
Le lac Tchad enjeux environnementaux d’un espace en transition
Une des trois grandes zones humides du Sahel. Espace de transition au rayonnement régional.
Un lac sahélien aux ramifications soudaniennes et sahariennes
Les travaux scientifiques de ces dernières années permettent de mieux appréhender le fonctionnement du lac
Tchad. Le lac appartient à la zone sahélienne et est donc marqué par les mêmes caractéristiques desquelles le
variabilité pluviométrique, l’alternance de périodes sèches et humides, les températures élevées avec des
amplitudes thermiques fortes annuelles et diurnes/nocturnes, forte évapotranspiration. Il est alimenté pour sa
grande partie par le bassin hydrographique soudanien. Il représentait 8 % de la superficie de l’Afrique.
Des ressources offrant au lac un rayonnement régional
Lac endoréique, il possède des eaux douces et une vaste zone de décrue occupée par les migrants et contrairement
aux autres lacs une faible salinité car il ne débouche sur aucune mer, aucun océan. Il est exploité pour ses ressources
en poisson, en terres arables et pour le pâturage, de ce fait on le considère comme le grenier régional.
Fluctuation ou disparition du lac Tchad ?
Depuis 1973, le lac Tchad est dans une phase de « Petit lac », ce que les scientifiques expliquent par les fluctuations
cycliques. Les discours alarmistes sur son éventuelle disparition sont donc à nuancer. Ces discours, politiques,
servent surtout à obtenir des financements internationaux pour cette région.
Le lac Tchad est un pôle régional de production très attractif.
« La terre est finie ! » Quel avenir pour le pastoralisme en Afrique de l’Ouest ?
L’avenir du pastoralisme, activité essentielle pour beaucoup de pays sahélo-sahariens est compromis face aux
aménagements, à la pression foncière, à la croissance démographique et aux changements climatiques.
La mobilité comme clé de gestion de l’incertitude
La transhumance est une adaptation aux variations spatiales et temporelles des précipitations.
Les pâturages reculent devant les champs
Croissance démographique des populations rurales accentue la pression foncière par extension des surfaces
ensemencées. Cette extension (fronts pionniers) se fait au détriment des parcours pastoraux ce dont la bande
soudanienne témoigne.
Le pastoralisme change de visage
Mutations de l’activité pastorale depuis le milieu du XXe siècle. Déplacement des marges sahéliennes vers le sud et
les zones soudaniennes. Les éleveurs ont ainsi diversifiés leur activité en devenant agro-pasteurs et se sont
sédentarisés, donc moins de transhumance. Changement structurel marqué aussi par la diversification des acteurs
du pastoralisme : les agriculteurs deviennent également des éleveurs. Concurrence exacerbée pour les ressources
pastorales.
Les pasteurs dans une situation d’insécurité foncière
Les systèmes d’attribution des terres sont complexes et s’enchevêtrent entre droit coutumier et droit national. Face
à l’extension des surfaces agricoles sur la brousse périphérique, les éleveurs n’ont aucun droit à faire valoir la
brousse comme leur appartenant. De ce fait, quand « la brousse est finie », les éleveurs n’ont pas d’autre choix que
de quitter le village pour trouver d’autres pâturages.
Les pasteurs en fin de parcours
En zone soudanienne, les pasteurs bénéficient d’un libre accès aux brousses qui sont considérées comme des
réserves foncières par les agriculteurs. Croissance des superficies cultivées et des cheptels pousse les pasteurs à
migrer davantage vers le sud mais la limite soudano-guinéenne propice à l’élevage est atteinte.

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Recompositions économiques et territoriales des Afriques Méditerranéennes et Saharo-
sahéliennes

La présence de nombreuses ressources fait que ces Afriques sont connectées au monde et entre elles. Toutefois
cette connection au monde s’effectue sous le spectre de la dépendance économique qu’à créée la colonisation.
La forte présence d’intérêts économiques extraterritoriaux
L’exploitation de la rente agricole, énergétique, touristique et la faible diversification des économies nationales sont
des facteurs d’une dépendance économique et fragile.
La colonisation a impulsé des inégalités spatiales entre pays maritimes et enclavés, entre littoraux et intérieur des
terres, entre plaines et montagnes.
Toutefois, on observe aujourd’hui des mutations. L’influence économique européenne diminue comme l’atteste la
diversification des partenaires commerciaux, en l’occurrence la Chine qui est de surcroît un investisseur conséquent
dans les infrastructures portuaires, logistiques, de transport et dans l’agriculture et Dubaï.
La présence de biens de consommation chinois qui répond aux attentes d’une classe moyenne consolidée atteste
des liens plus forts avec l’Asie. P
Par ailleurs, les investisseurs privés participent à la modernisation et à l’amélioration des infrastructures de transport
qui permet la mise en place d’une économie africaine mondialisée.
Les connections entre les ensembles sont soumises aux tensions interétatiques et intra-étatiques qui délitent les
liens régionaux.
Mines et pétrole du Maghreb au Sahel : intégration territoriale et vulnérabilité
Tous les pays de ce tiers septentrional sont concernés par les activités extractives mais leur dépendance varie. Elles
reflètent les enjeux territoriaux et les dynamiques d’insertion à la mondialisation.
Une modalité ancienne d’intégration économique et politique
Les pays de la zone sont des pays rentiers. Les activités extractives ont un poids économique inégal. On peut dès lors
classer les pays en fonction d’une part de la production et des réserves minérales et d’autre part du poids de cette
production dans les économies nationales. L’Algérie et la Libye arrivent en tête avec les hydrocarbures. Un deuxième
ensemble englobe des économies de rente dépendantes mais pesant au niveau mondial d’un poids inférieur : Niger,
Mali, Tchad, Burkina Faso Soudan, Mauritanie (or, fer cuivre, pétrole). Enfin des économies plus diversifiées entre
agriculture, services, industrie. L’activité extractive des pays de ce dernier ensemble a toutefois joué un rôle
important dans l’organisation et la structuration du territoire ; il s’agit du Maroc, de la Tunisie et du Sénégal.
Les activités extractives s’inscrivent dans le temps long de l’Afrique (depuis l’Antiquité) et montrent l’intégration
économique de ces pays et leur dépendance aux fluctuations cycliques des cours mondiaux. Enfin, elles sont au cœur
d’enjeux géopolitiques importants ayant un rôle stratégique.
Mines, développement et territoires : des relations difficiles
L’exploitation, l’acheminement des productions modifient les paysages (carrières à ciel ouvert, usines) et impactent
les territoires car elles nécessitent des infrastructures ferroviaires, routières modernes. Exportées brutes, depuis les
années 1960-1970, elles sont aujourd’hui transformées sur place créant alors une valeur ajoutée.
Dans des pays présentant des fragilités multiples (politique, économique, sociale, guerres civiles), les ressources
naturelles sont assimilées à des malédictions car elles accentuent ces fragilités. Pourtant, elles sont un facteur
d’intégration des marges dans lesquelles elles sont concentrées. Les infrastructures servant à acheminer les
ressources servent au désenclavement avec le transport de voyageurs également, tout comme les réseaux de
téléphonie mobile associés aux chantiers miniers.
Des impacts locaux multiformes
Bien que présentant un certain nombre d’aspects positifs, l’ouverture d’un site d’extraction à des multiples impacts
sociaux et environnementaux multiples : pression sur la ressource en eau qui occasionne concurrence avec
l’agriculture, le pastoralisme, bouleverse les écosystèmes (faunes et flores), tensions foncières dans les zones
densément peuplées, pollution. De plus, les incertitudes liées à la ressource génèrent des tensions sociales.
Les activités extractives ont par ailleurs impulsé de nouvelles dynamiques urbaines : création de villes minières ex-
nihilo sur le modèle européen et colonial qui reproduit les ségrégations sociales, naissance de petites
agglomérations nées de l’orpaillage puis de l’extraction minière, enfin elles amplifient l’urbanisation des pôles
secondaires qui deviennent de véritables centres urbains (Gafsa, Tunisie).
Mines artisanales et territoires : des relations complexes
Ruées vers l’or ou autres ressources exploitées de manière artisanale.

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Mouvement de ruées vers l’or contemporains qui marquent par leur ampleur et leur originalité. Ces mouvements
sont en direction des environnements désertiques, comme sur le plateau de Djado au Niger, en Mauritanie.
Ces ruées vers les ressources minérales ont en commun la capacité à mobiliser des flux de personnes importants en
très peu de temps. Ces ruées contemporaines s’expliquent par l’arrivée sur le marché de l’emploi de jeunes
confrontés aux faibles perspectives d’emploi dans les autres secteurs, par la rentabilité même de ces ressources, par
la facilité d’accès aux moyens techniques (motopompe, détecteurs de métaux, etc.), par l’accès aux moyens de
traitement des minerais (cyanure par exemple) et enfin par la création des systèmes de financement desquels le
partage des ressources minérales se fait en fonction des apports de chacun en capital et en travail.
« Ces booms extractifs » ont des impacts territoriaux et sociaux positifs dans la mesure où ils fournissent de l’emploi,
créent de la richesse et donc augmentent le pouvoir d’achat. En revanche l’autre revers de la médaille concerne la
baisse de la main d’œuvre dans l’agriculture, la dangerosité liée à l’extraction, la précarité des conditions de vie sur
site, la déscolarisation des enfants participant à cette activité, des tensions sociales et politiques avivées par l’afflux
de migrants, l’insécurité omniprésente (banditisme) et enfin des impacts environnementaux (défrichements,
conséquences sur la faune et la flore, pollution).
Activité informelle, parfois illicite, servant à alimenter les réseaux de rebelles et bouleversant les équilibres
environnementaux, la régulation de la mine artisanale est un enjeu social et politique majeur.
Les Etats oscillent entre interdire, tolérer pour préserver et maintenir la paix sociale ou encadrer permettant alors de
contrôler la rente supplémentaire.
La Méditerranée : plurielle, mondiale et africaine
Rôle d’interface entre Europe, Orient et Afrique au gré des transformations géopolitiques et géo-économiques.
Où commence et où s’arrête la Méditerranée ?
La notion géographique de la Méditerranée est floue et renvoie à des limites géographiques fluctuantes selon les
géographes. De plus, si on y intègre les conceptions géopolitiques, la notion est encore plus floue. Force est de
constater qu’il faut alors distinguer la géographie physique de la Méditerranée et l’espace méditerranéen extensible
et souple. Ces deux approches permettent ainsi de déterminer une Méditerranée physique et une Méditerranée
géopolitique servant de lien. Appréhender la Méditerranée revient ainsi à la considérer comme une interface
dynamique connectant ses territoires les plus proches et influençant les plus lointains.
La Méditerranée sans l’Europe
La Méditerranée est un espace caractérisé par de multiples interdépendances.
La vision euro-méditerranéenne est aujourd’hui bouleversée par le contexte politique régional. Bien que la
Méditerranée partage sa place de centre de gravité géo-économique de la planète, elle reste un espace
géostratégique d’importance. Sur l’échiquier des relations internationales, elle joue un rôle important, face aux
intérêts grandissant des pays asiatiques (Chine, Inde, Japon) mais également de l’Argentine, de l’Australie, du
Canada, de l’Afrique du Sud.
Les Afriques en mouvement
Le Sahara, césure géographique, culturelle, climatique est aussi une interface au regard des échanges économiques
et des mobilités de population. Il sert d’illustration à l’imbrication croissante des intérêts géopolitique nord-africains
et sub-sahariens. Le Maroc montre à ce propos le basculement d’une politique jusqu’en 2016 tournée vers l’Europe
et l’Occident. Depuis, le roi Mohammed VI a réintégrer le pays dans l’Union Africaine retrait en 1984) et a rétabli les
liens avec les pays africains, sous couvert économique, politico-religieux, etc. L’Egypte, qui a longtemps joué de sa
position de carrefour entre Orient et Afrique, Maghreb et Machrek, entre Occident et Orient, se retrouve
aujourd’hui en position géopolitique difficile face à son axe nilotique au cœur des enjeux hydropolitiques suite à
l’émergence de l’Ethiopie, la construction d’ouvrages hydrauliques en amont du fleuve, face à l’explosion du Soudan.
Dans un contexte d’accroissement des relations Sud-Sud, cette zone africaine devrait connaître également des
relations plus fortes.
Diversités des systèmes de représentations
Ce n’est pas en tant qu’espace que la Méditerranée doit être appréhendée mais en lien avec les coexistences
multiples qui en font une interface dynamique, en recomposition même si elle est marquée par l’instabilité
géopolitique.
La réflexion doit porter sur les différentes dimensions et facteurs des dynamiques des relations interafricaines et à
l’échelle du continent au monde.
Les places marchandes discrètes de la mondialisation en Afrique du Nord
Manifestations de la mondialisation, les places marchandes (urbaines comme rurales) sont des portes d’entrée et de
diffusion de produits mondialisés. De profondes recompositions sont ainsi en cours entre émergence de nouvelles

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centralités commerciales et consolidation des anciennes, les souks. Parallèlement émergent de nouveaux espaces de
consommation en lien avec l’essor commercial qu’accompagne un renouvellement urbain.
Centralités commerciales héritées et centralités commerciales nouvelles
Les grandes routes d’approvisionnement globales entre l’Afrique et l’Asie reconfigurent les centralités commerciales
depuis les années 1990. Ainsi, on assiste au bouleversement de la hiérarchie urbaine des villes marchande. Ces
dernières constituent des « hubs » commerciaux vers lesquels convergent les marchandises asiatiques qui sont
redistribuées sur tout le pays. Elles s’appuient sur des relais, des quartiers commerciaux, situés en périphérie des
villes ou le long des grandes routes nationales.
Des centralités anciennes dans les centres urbains renforcés par la mondialisation

Le commerce transnational renforce, consolide les anciennes centralités. Ces dernières constituent des « hubs »
marchands et commerciaux des produits asiatiques qu'elles redistribuent dans le reste du pays (Müski, un carrefour
commercial au cœur d’un dispositif multiscalaire). Elles s'appuient pour ce faire sur des relais, des quartiers
commerciaux, en périphérie des villes ou le long des grandes routes.
Ainsi deux dynamiques : émergence de nouvelles centralités commerciales et remobilisation des anciens centres.

Insécurités alimentaires et développement rural en question


Pour l'Afrique du Nord et la bande sahélo-saharienne, la problématique alimentaire est encore prégnante. Instabilité
des territoires ruraux où l'agriculture est peu productive caractérise ces territoires.
Agriculture et ruralité : des questions géopolitiques
Vulnérabilité alimentaire exacerbée par la croissance démographique, aussi marquée dans les territoires ruraux
qu'urbains. Ce sont dans ces territoires souvent enclavés et délaissés par les pouvoirs étatiques que la pauvreté est
la plus forte. C'est dans ces milieux en déshérence que les groupes terroristes rencontrent une écoute favorable.
Démographie, climat et commerce : les Afriques en souffrances
Le défi démographique renvoie aux enjeux liés à l'emploi et à l'alimentation, d'autant plus importants face aux
changements climatiques qui entraînent des conséquences sur l'agriculture et l'élevage. Dans ce contexte, le
commerce international prend une réelle importance : les importations de blé et de riz augmentent. Toutefois, « le
développement inclusif et durable de l'agriculture africaine doit être développé ».
Exploiter les potentialités
La part prise par les importations est donc importante et nécessaire pour couvrir les besoins alimentaires des
populations. L'objectif affiché de la Banque africaine de développement est de réduire cette part en investissant
dans le développement de l'agriculture afin d'en augmenter la productivité. Sous exploitée, l'agriculture pourrait
fournir également des emplois, surtout dans un secteur vieillissant comme partout dans le monde. Toutefois, le

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développement de l'agriculture reste contraint au manque de formation, à la faiblesse des salaires et à la faiblesse
d'accès à la terre et aux emprunts.
Pour une réponse globale adaptée à des situations locales
Face au défi alimentaire, l'Afrique septentrionale doit impulser des actions, des leviers de développement,
notamment mettre en œuvre des politiques agricoles et des moyens pour augmenter la productivité. Ensuite, gérer
plus durablement les ressources naturelles et développer les énergies renouvelables, comme le solaire. Enfin,
construire des systèmes d'approvisionnement agricoles performants reliés aux marchés internationaux. Ce
développement rural doit atteindre ces objectifs : répondre à la croissance démographique dans les campagnes et
intégrer ces espaces dans les processus de développement, ce qui permettrait de réduire les migrations de tout type
et les formes de radicalisation. Tous ces objectifs ne peuvent être réalisés que par une réelle volonté politique et des
moyens financiers, humains et scientifiques.

Le Maroc, producteur et exportateur illégal majeur de résine de cannabis


Premier producteur mondial selon l'ONUDC (Organisation des Nations Unies contre la Drogue et le Crime) et donc
concentre les plus importantes superficies mondiales de cannabis, en dépit des actions menées d'éradication et de
destruction par le gouvernement marocain. C'est dans le Rif que se concentrent ces vastes superficies, de Tanger à
l'Ouest jusqu'à l'oued Moulouya et la frontière algérienne.
Le contexte géographique et historiquement
Ancien protectorat espagnol, marqué par le relief et caractérisé par un niveau de développement et d'équipement
faible, le Rif marocain est une région délaissée par le gouvernement. Historiquement implanté dans le Rif, la culture
du cannabis fait l'objet d'une certaine tolérance par le gouvernement même si elle est illégale.
Contexte socio-économique actuel
C'est à partir des années 1980 que les superficies de cannabis se sont particulièrement étendues. Crise économique,
faible modernisation de l'agriculture expliquent cette augmentation. Mais c'est surtout la croissance de la demande
européenne qui a encouragé le développement de l'industrie du haschich marocain. Marge économique et sociale
du Maroc, confrontée à la croissance démographique, le Rif connaît ainsi l'extension de ces cultures, véritables
alternatives au développement.

Connexions routières au Sahara : des projets face aux incertitudes


Historiquement espace de circulations denses, le Sahara s'est retrouvé marginalisé pendant la période coloniale et
aujourd'hui encore par les États implantés qui en font un espace d'exploitation minière. Marginalisation également
de sa population, ce qui en fait alors le terreau de la radicalisation. Les révolutions arabes de 2010 ont réactivé
l'intérêt pour cet espace charnière entre deux rives. Espace convoité pour ces ressources mais également pour le
contrôle des circulations et des territoires, le Sahara est au cœur d'un intérêt grandissant comme l'atteste le vaste
Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA) ou même les partenariats récents maroco-
subafricains.
Le PIDA ambitionne le développement de corridors transsahariens dont six traversent la région méditerranéo-
saharo-sahélienne :
- Axe littoral Le Caire-Dakar (achevé)
- Axe transsaharien centraux Alger-Lagos (bientôt achevé) et Tripoli-Ndjamena (vers Le Cap en suspens)
- Axe oriental Le Caire-Le Cap (fonctionnel jusqu'à Khartoum)
- Axe transversaux Dakar-Ndjamena et Ndjamena-Djibouti.
Connecter Nord et Sud, Est et Ouest : des projets en question
Les succès des projets d'interconnexions dépendent d'un retour sécuritaire de cet espace aux fortes contraintes. Les
échanges marchands licites sont entravés par le contexte insécuritaire alors que se développent la contrebande et
les trafics criminels. De surcroît, la faiblesse et l'irrégularité des relations économiques intracontinentales renforcent
la difficulté à réaliser ces projets, les économies nationales étant plus tournées vers l'extérieur.
L'axe Tanger-Dakar, une voie en devenir
Seul l'axe Tanger-Dakar offre de réelles perspectives de développement. Dakar, port de la façade atlantique sahélo-
soudanienne à vocation internationale est le moteur de ce corridor de désenclavement Est-Ouest, doublé par le
chemin de fer.

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Circulations et mobilités entre les deux rives du Sahara

Analyse des migrations dans l'espace saharien nécessite une approche multiscalaire et temporelle. Les flux très
médiatisés en direction de l'Europe s'inscrivent en réalité dans la continuité des mouvements migratoires entre
Sahel, Sahara et Afrique méditerranéenne. L'espace migratoire s'est élargi puisqu'il tend à intégrer le Sahara mais
également les deux rives du désert.
Les migrations au Sahara, une histoire intra-africaine ancienne
Le Sahara connaît un mouvement d'urbanisation rapide, différencié entre les versants maghrébin au nord, plus
urbanisés par le développement des infrastructures, et sahélien au sud. Mouvements migratoires dès les années
1950 entre Sahel et régions sahariennes des États nord-africains pendant la période d'inactivité agricole pour la
construction de bases militaires françaises. Les flux s'accentuent aux indépendances avec l'exploitation des
gisements de pétrole. Ils révèlent aussi les crises alimentaires des années 1969 et 1973 jusqu'en 1980. Ils
s'intensifient entre les années 1980 et 1990 avec par exemple la guerre entre Tchad et Libye. Ils sont le témoin des
crises climatiques et sources de revenu également.
La structuration des routes d'échanges transsahariennes
Itinéraires de circulations commerciales, religieuses, de travailleurs, de marchandises anciens comme récents dont la
fluidité dépend de la stabilité des relations géopolitiques entre les États traversés.
Des formes urbaines nouvelles le long des axes d'échange
Villes de transit apparaissent au croisement des principales routes alimentées par les flux de migrants d'Afrique
occidentale, centrales et sahéliens. Des relais de plus petite taille émergent également et connaissent une croissance
soutenue.
La politisation d'un phénomène : accroissement des flux et extension aux deux rives du Sahara
Amplification des flux migratoires entre les deux rives du Sahara est un fait. D'abord en raison de politique favorable
à l'immigration (libre circulation) de Kadhafi Mouammar et en raison de flux sahélo-sahariens qui se greffent aux flux
maghrébins en direction de l'Europe. La gestion de ces flux est devenue une question géopolitique majeure entre
l'Europe et l'Afrique depuis les années 2000.
Le Sahara, nouvelle frontière migratoire de l'Europe ?
L'agence Frontex a été créée pour répondre à cette question des migrations fortement médiatisée, politisée et
instrumentalisée par les droites populistes. Sous couvert de protéger l'Europe de la menace terroriste, le contrôle
des flux est devenu une priorité, tout comme la lutte contre l'émigration.
Nouvelle géopolitique saharienne à l'aune des migrations
Contrôles accrus des frontières maritimes de l'UE, étendus à la zone saharienne, dessinent trois frontières : les
limites politiques de l'espace Schengen, l'espace « tampon » des côtes d'Afrique du Nord et de l'Ouest, l'espace
saharo-sahélien, vaste frontière migratoire de l'Europe. Mais les politiques migratoires européennes peinent à
s'adapter face à un nouveau front venu de l'Est de l'Europe, suite au conflit syrien, réactivant alors le front
migratoire « central-méditerranéen », mais également face à la permanence des mobilités au cœur du Sahara.

Les souks Libya : circulations migratoires et marchandes entre Sahel et Sahara


Libye au cœur des réseaux migratoires et marchands depuis le XIXe siècle. Les marchés, souks, sont devenus des
espaces de contacts entre Sahara et Méditerranée.
En orientant le développement économique du pays sur la voie socialiste, le régime de Khadafi a marginalisé des
secteurs économiques entiers, qui manquant de main d’œuvre ont attiré des migrants de pays voisins. Ce faisant,
ces derniers achètent des marchandises dans les magasins d’État libyens qu'ils revendent dans leur pays, ce qui
permet de résoudre les problèmes de convertibilité des monnaies.
Privatisation du commerce dans le contexte de réorientation économique du régime Khadafi après le dernier choc
pétrolier. Les produits subventionnés des magasins d’État disparaissent alors et provoquent la fermeture de routes
transfrontalières. Crise sociale (baisse du pouvoir d'achat, pénurie) et crise économique accentuée par l'embargo de
l'ONU (1992) avivent les tensions contre les étrangers. Dans ce contexte de fermeture des opportunités libyennes,
réorientation des routes marchandes vers d'autres sources d'approvisionnement comme l'Arabie Saoudite dont les
marchés sont alimentés par des produits importés d'Asie orientale.

Le Caire : carrefour ou impasse migratoire ?


Égypte intégrée aux migrations transsahariennes depuis longtemps et qui, au vu du contexte géopolitique instable,
se retrouve en situation tantôt de carrefour, tantôt d'impasse.

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Un refuge pour les Africains de l'Est : l'hinterland égyptien réactivé
Soudanais historiquement liés à l’Égypte auxquels viennent s'ajouter les Africains de l'Est : Erythréens, Ethiopiens,
Somaliens, réfugiés de guerre, victimes de persécutions, dictature ou poussés par manque de perspectives.
Diversification des flux et fermeture des frontières : la construction de l'impasse égyptienne
Durcissement de la politique migratoire européenne entraîne reconfiguration des routes migratoires
transsahariennes. Des nouveaux points de transit terrestres apparaissent en direction de la Mauritanie, du Sénégal,
des Baléares, des Canaries ou de l’Égypte. Cette dernière apparaît aux yeux des migrants comme un espace
« parenthèse » géré par le HCR (Haut Commissariat aux Réfugiés) qui doit composer avec les incessants revirements
politiques égyptiens.
Acteurs de l'aide humanitaire et pratiques habitantes des migrants au Caire.
La présence de nombreux migrants au Caire alimente la croissance démographique de la capitale. Associations
confessionnelles et ONG assurent leur prise en charge temporaire : locaux, services d'urgence, conseils juridiques…
Un système d'assistance se met en place compensant l'absence d'action des pouvoirs égyptiens. Ces réseaux
historiquement implantés dans l'ancien quartier colonial se diffusent aujourd'hui dans les espaces périphériques
contribuant à structurer l'espace métropolitain. Les pratiques habitantes des migrants se calquent ainsi sur ces relais
de l'assistance.
Révoltes arabes et migrations en Égypte : pays de départ, d'accueil ou de transit ?
En position carrefour entre le Maghreb, le Machrek et le Golfe, l’Égypte est, selon les temporalités et les migrants,
un pays de départ, d'accueil et de transit. Les printemps arabes, la guerre syrienne, l'instabilité en Afrique de l'Est
ont bouleversé les frontières du pays qui devient aussi bien un espace d'accueil que de départs. La frontière nord
maritime devient le point de départ illégal de bateaux vers l'Italie. Aux frontières poreuses, l’Égypte reste un espace
de migrations et le Caire un « hub » migratoire.

Un espace feuilleté : circulation, rencontre et évitement dans une oasis du Niger


Quelle est la nature des relations qui se nouent dans une oasis et comment les circulations internationales
transforment-elles localement l'organisation d'un espace oasien ?
Circulations terrestres et émergence d'une oasis-relais
L'étude des oasis s'effectue dans une démarche multiscalaire qui permet alors de saisir les systèmes de relation et de
circulation à l'origine de leur évolution.
L'oasis de Dirkou connaît ainsi une évolution du bâti entre un ancien village (1985) à des quartiers périphériques qui
sont venus se greffer à l'ancien bâti. L'électrification, l'adduction d'eau, la présence d'un collège, d'une mairie, de
bornes téléphoniques (2001), témoignent de son importance et de son évolution en un centre régional.
Des lieux-passerelles dans un espace feuilleté et segmenté
Les relations entre autochtones et migrants sont faibles, les uns et les autres restant respectivement dans leur
quartier centraux de l'ancien village et dans leur quartier périphérique. Segmentation territoriale visible sur le
paysage mais à une échelle plus fine on observe que parfois les limites entre quartiers se chevauchent : ce sont des
lieux-passerelles dans lesquels les échanges s'effectuent temporairement (emplois domestiques, prostitution…).
L'organisation des lieux de transit s'établit ainsi selon les relations entre les individus.

Le Sahara est urbain… mais autrement


Mutation majeure observée : l'urbanité du Sahara. Depuis 1965, la population au Sahara augmente, passant de deux
millions à cinq millions aujourd'hui. Processus d'urbanisation indéniable et notamment dans la partie saharienne des
États nord-africains ; On y observe deux formes urbaines : les villes administratives récentes et des bourgades.
Paysages urbains : de l'oasis à la ville-centre
Paysages urbains hétérogènes. La ville constitue une rupture dans l'environnement aride dans lequel elle est
implantée. Initialement une oasis, le béton témoigne du processus d'urbanisation rapide.
Les échelles de la ville, le poids de l'histoire
On considère à tort que l'installation humaine dans les oasis s'effectue grâce au point d'eau présent. Or à une échelle
plus fine, l'analyse révèle que c'est leur rôle de relais sur un axe de circulations qui permet de fixer les populations.
Trop d'eau peut nuire : le cas du Souf (Algérie)
Nappe affleure dans la ville de 100 000 habitants, provoquant inondation des quartiers et ennoyage des palmeraies.
Les villes du Sahara font renaître les campagnes : Sebha (Libye)
Oasis ont quasiment disparu en raison de présence de nappes aquifères généreusement pompées et permettant des
cultures de contre-saison. A Sebha, l'intervention étatique en faveur de l'agriculture provoque un vaste mouvement
spéculatif du foncier agricole dans sa périphérie. Les productions alimentent le marché national en fruits et légumes.
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Les besoins en main d’œuvre sont comblés avec l'apport des migrants qui réinvestissent alors les villages oasiens
contribuant à leur renaissance.
Koufra, un carrefour ou une oasis sans agriculture ?
Extrême sud-est de la Libye, hyperaridité, peu d'eau, pas de pâturages. Situation d'enclavement. Pourtant, étape de
transit des grands flux transsahariens. Dynamisée grâce à l'intervention de l’État dans les années 1970 pour en faire
la vitrine de l'autosuffisance alimentaire nationale. Deux projets mis en place pour concrétiser cette volonté : mise
en place d'unités d'irrigation et de peuplement.

Migrations et acteurs du développement : l'exemple des Burkinabè implantés en Italie. Des relations
controversées
Comment se traduit sur le plan spatial et social la redistribution de la rente migratoire dans les localités du Boulgou ?
Les migrations burkinabè en direction de l'Italie, favorisées dans un premier temps par les deux gouvernements
respectifs, ont évolué en nombre depuis Schengen. En effet, d'un côté le gouvernement burkinabè considérait les
migrations comme moteurs de développement car elles constituaient des revenus pour le pays. De l'autre les
besoins en main d’œuvre de l'Italie étaient comblés par cet apport migratoire. Les analyses et études de ces flux
migratoires portent sur les impacts sur les territoires et les populations. D'aucun considère l'aspect négatif et positif
mais chacun tente d'en mesurer les impacts sur le développement.
Le projet migratoire ne répond pas à un objectif de développement du pays et constitue avant tout une réponse
individuelle à des objectifs personnels. Il sert par exemple à embellir et donc transformer les habitations. Il
transforme l'espace en créant de nouvelles centralités urbaines, commerciales. Il favorise l'augmentation du pouvoir
d'achat par les transferts financiers. Toutefois, les actions engagées par les transferts financiers ne sont pas toujours
en adéquation avec la réalité des quartiers et montrent qu'il tend à réaliser un projet familial avant que celui-ci soit à
l'échelle villageoise.
Dans un contexte de durcissement législatif sur la question migratoire en Italie, les migrants sont de plus en plus
confrontés à une situation de précarité. Les impacts migratoires dans les localités du Boulgou restent limités et ne
permettent pas le décollage économique. De plus, ils ont créé des facteurs d'exclusion sociale et spatiale.

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Un espace en tension : trajectoires historique, identitaire et géopolitiques
Pouvoir politique et contrôle territorial aux contours fluctuants
Confrontation entre pouvoir colonial et castes originaires, composées de groupes nomades et pasteurs mobiles. De
plus, regard politique colonial tend à hiérarchiser les peuples en fonction de leur avancement politique, social.
Classement entre les peuples selon leur couleur. Éléments sources de tensions.
Découpages et déséquilibres territoriaux
Découpage territorial des États saharo-sahéliens qui morcelle le Sahara en deux, une partie rattachée à l'Afrique
méditerranéenne et une autre au Sahel. Conséquence donc sur les peuples qui se retrouvent alors éclatés entre

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plusieurs États : source de révolte comme celle des Touaregs. Découpage à l'origine de déséquilibres territoriaux
entre États enclavés et États littoraux. Ce contexte rend la construction de l’État-nation difficile.
Espace de circulation plus que de productions
Tensions conjoncturelles mais surtout structurelles : remise en cause de l’État d'abord en raison de la prédominance
d'autorités traditionnelles jugées légitimes, ensuite par les mesures d'austérité imposées par FMI et Banque
mondiale « visant à réduire dette », mauvais distribution des richesses accaparées par une élite rentière,
dépendance aux cours mondiaux et à l'aide publique des bailleurs internationaux fluctuante selon l'accès aux
ressources.
Des périphéries du monde aux nouvelles charnières géopolitiques
Conflits entre agriculteurs et éleveurs, entre différentes ethnies (comme au Soudan), ralliement des populations
autour du lac Tchad aux thèses djihadistes de Boko Haram car sentiment d'abandon. Arc de tensions qui montre la
pleine insertion de ce tiers septentrional de l'Afrique à la mondialisation et qui en fait aujourd'hui un espace
charnière. Effets pervers de la mondialisation également qui créé des inégalités, des discontinuités territoriales et
met en concurrence les territoires. Instabilité permanente qui s'enracine dans le terreau de ces déséquilibres
territoriaux.

Sahara et Sahel pendant le moment colonial


Colonisation a profondément et durablement transformé les espaces. Diversité des régimes coloniaux : diversité des
formes locales d'administration au sein d'une même colonie par exemple.
Colonisation se caractérise par un faible investissement en hommes, en infrastructures et une forte militarisation à
caractère défensif.
Savoirs géographiques et conquêtes coloniales
Savoirs géographiques basés sur les explorations du XIXe siècle servent les intérêts coloniaux. Mais insuffisants et
débouchent fin XIXe siècle sur la cartographie qui permet de justifier la conquête stratégique de ces territoires et
leur revendication en dessinant des frontières.
Le Sahara, espace convoité/espace repoussoir
Comme l'attestent les discours coloniaux ambigus. Espace fantasmé qui justifie la violence coloniale symbolisée par
l'image héroïque de l'officier.
Une occupation coloniale en décalé
Colonisation des espaces sahariens plus tardive que celle des côtes africaines car confrontée à résistance des
peuples autochtones et difficulté de maîtrise du terrain.
Découper les espaces
Construction pragmatique des frontières et répond à une gestion administrative, une occupation des espaces
lointains et sont décidées par les militaires et administrateurs en poste sur place, en concertation avec les autorités
traditionnelles le plus souvent. Le tracé des frontières n'est donc pas unilatérale, comme certains discours l'attestent
mais sont le reflet de dynamiques historiques internes.
Occuper les territoires sahélo-sahariens
Pouvoir colonial pas diffusé sur tous les espaces et ancré sur certains lieux. Frontières pas figées et évoluent selon le
contexte colonial : adaptation du pouvoir colonial selon l'attitude des populations et des situations locales. Gestion
assez souple, plus pragmatique et surtout évolutive.
Les nouveaux États indépendants ont hérité des difficultés de gestion et d'administration coloniales.

Les relations transsahariennes sur la longue durée : continuités et ruptures


Espace marqué par divers échanges pendant l'époque caravanière. Maroc, Mauritanie, Sénégal, après avoir pendant
l'époque coloniale connu un ralentissement de ces relations, sont aujourd'hui réactivés grâce à l'axe transsaharien
Dakar-Tanger.
Des échanges religieux et commerciaux ancestraux
Espaces d'échanges économiques, politiques, religieux, culturels depuis le XIe siècle. Interpénétration.
Expansion coloniale et réorganisation spatiale
Colonisation portugaise, espagnole et française (XVe-XIXe siècle) modifie organisation de cet espace avec un
basculement des centralités au profit de la côte Atlantique et faisant du Sahara une césure. Échanges transsahariens
bloqués par les autorités coloniales dans un contexte de concurrence exacerbée. Toutefois, les échanges
transsahariens continuent grâce aux commerçants qui utilisent à leur avantage le contexte concurrentiel entre les
puissances occupantes. Les stratégies des populations et commerçants se développent et montrent leur réelle
adaptation et leur volonté de profiter d'opportunités économiques.
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Démantèlement également des circuits religieux avec basculement de la route de pèlerinage saharo-sahélienne vers
la Mecque et vers Fès au profit de la liaison maritime mise en place progressivement entre Dakar et Casablanca à
partir de 1920.
Des populations entre tensions et complémentarités
Populations restent marquées par esclavagisme, razzias et rapts dont elles ont été victimes. Mais mémoires
collectives marquées également par les collaborations des subsahariens à la conquête coloniale comme les tirailleurs
sénégalais contre les Marocains.
Indépendance et tracé de la frontière selon le fleuve Sénégal ont fragmenté cet espace en trois entités territoriales
distinctes et entravé la circulation des populations. Toutefois, mobilités permanentes pour des raisons religieuses,
économiques, militaires, travail (forcé) qui traduisent certaines complémentarités.
La transsaharienne Tanger-Dakar : relier l'Afrique du Sahel et du Sahara à la Méditerranée-Sahel
En dépit de nombreux conflits qui secouent cet espace (revendications sharaouis, mouvements islamistes) la
construction de l'axe transsaharien Tanger-Dakar est un réel succès pour les populations et pour les commerçants.
Le renouveau des relations entre le Maroc et ses voisins sénégalais et mauritanien apporte une vitalité économique
au pays.
Espace contrôlé étroitement qui témoigne des tensions mais cette liaison les dépasse en rétablissant les
complémentarités des activités et des relations.

Le Sahara occidental : un territoire convoité


Repères historique et géographiquement
Ouest saharien peuplé de Berbères puis aux conquêtes arabo-musulmanes au VIIe siècle constitue un ensemble
arabo-berbère. Espace berbérophone diminue au fur et à mesure de l'expansion arabe au Sahara. Transformation
sociétale avec hiérarchisation en fonction des activités.
La période coloniale
Accords coloniaux qui délimitent les appropriations territoriales entre Français et Espagnols.
De l'intensification de la colonisation à l'affirmation du nationalisme sahraoui (1958-1973)
Contexte anticolonial se développe au Maroc qui pousse les Espagnols à céder la région de Tarfayer au Royaume du
Maroc. Sahraouis engagés aux côtés des Marocains dans l'ALN (Armée de libération nationale) mais se sentent
floués par leurs alliés ce qui débouche sur la prise d'armes que les Espagnols tentent de contrôler en mettant en
place une véritable politique d'urbanisation, d'aide alimentaire et financière, et de modernisation dans la « province
saharienne ».
Investissements espagnols en faveur de la population sahraouie. Association des Sahraouis au développement et à la
politique. En juin 1970, violente répression des Sahraouis et des nationalistes marocains et mauritaniens à l'origine
de la création du front Polisario (1973) revendiquant l'indépendance.
La décolonisation inaccomplie
Gouvernement espagnol reste sourd aux revendications et à l'obligation de référendum sur l'autodétermination de
la « province saharienne de l'Espagne ». En réponse, marche verte en novembre 1975. Reconnaissance par l'ONU du
Front Polisario, comme représentant du peuple sahraoui. Ce dernier proclame alors la « République Arabe Sahraouie
Démocratique » (RASD).
La guerre du Sahara (1975-1991)
Revendication marocaine et mauritanienne, conflit du Sahara. Polisario soutenu par Libye et Algérie, bat les armées
mauritaniennes et contient l'invasion marocaine. Crise conjoncturelle au Maroc pousse le roi Hassan II à accepter le
principe de référendum sur l'autodétermination et à signer l'armistice en 1991. Mais stratégie du Maroc : bloque la
tenue du référendum sur un désaccord sur le corps électoral, tout en impulsant une politique coloniale dans les
territoires qu'il contrôle avec construction d'infrastructures, exploitation des ressources naturelles… Marginalisée
dans les camps de réfugiés, la population sahraouie pâtit du non-renouvellement des cadres du Front Polisario.

Le Maghreb et son africanité. Aperçu sur la question raciale


Du déni de l'africanité au discours de l'unité
Déni de l'Afrique, comme le montre la théorie de la « tunisialité » développée par Habib Bourguiba, premier
président tunisien. Arrimage à la Méditerranée plutôt qu'à l'Afrique.
Mais depuis 2000, au regard des migrations, relations Nord/Sud au cœur de l'Afrique questionnées.
Migrations subsahariennes et altérité
Migrations subsahariennes confrontent les sociétés des pays du Maghreb à questionner leur rapport à l'autre,
notamment face au racisme et à l'éviction des subsahariens de la société.
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Couleur de peau et différences régionales
La couleur de peau détermine l'appartenance régionale. De ce fait, en Tunisie, elle a une connotation négative. Le
concept de racisme a longtemps été attribué aux sociétés occidentales, comme le témoigne l'interdiction d'une
association antiraciste au Maroc au couvert que le concept de « race » n'a pas d'existence sociale.
Mobilisation contre le racisme
La fin de la période autoritaire en 2011 a relancé les débats démocratiques, a permis de renouveler les questions
liées à l'identité, à la citoyenneté. Les associations militantistes contre le racisme apparaissent en 2012 et appellent
les instances du pouvoir à légiférer et pénaliser les actes racistes.

Crises et déplacements à Khartoum : ville et pouvoirs au Soudanais


Capitale d'un pays en guerre, relativement épargnée par les conflits, apparaît comme un pôle urbain, économique
d'importance par rapport au reste du territoire. Mais capitale dépassée par la gestion des migrants fuyant les conflits
et exactions, mais également par les réfugiés climatiques. Défi donc pour cette capitale qui soulève des questions
liées à l'intégration et à la citoyenneté soudanaise de ces populations migrantes.
Khartoum : ville refuge d'un pays en crise ou ville en crise ?
Extension de la ville selon les périodes historiques bouleversées depuis 1984-1985 par des flux de populations
migrantes. Conséquence : taux de croissance urbaine explose et se traduit par une extension spatiale. Depuis arrivée
au pouvoir des islamistes en 1989, gestion différenciée des réfugiés : les musulmans des régions sahéliennes
soudanaises sont privilégiés. Face à ces difficultés d'accueil auxquelles s'ajoutent des difficultés économiques avec
l'échec des politiques de développement agricoles, la ville de Khartoum est aussi une ville en crise. Politique de mise
à l'écart en périphérie dans des conditions de vie extrêmes des populations sud soudanaises majoritairement
chrétiennes et animistes mais paradoxalement véritable mise en place de politiques d'accompagnement, de
planification depuis les années 2000 à la faveur de l'ouverture économique du pays. En 2000, 40 % de la population
de la capitale est constitués de populations réfugiées/déplacées.
La parenthèse 2000-2011 : quand la ville refuge devient rentière
Rente pétrolière a aggravé les inégalités de développement au profit de Khartoum traversée par l'oléoduc en
direction de Port-Soudan. Rente investit dans le foncier et l'immobilier urbain, comme le montre la verticalité des
tours qui laisse supposer à une « dubaïsation » de Khartoum. Période d'embellie qui profite aux quartiers
périphériques avec l'érection de quartiers clôturés et surveillés pour des classes aisées qui côtoient des quartiers
précaires. L'ouverture politique du régime est aussi un facteur de cette embellie et des accords de paix sont conclus
avec le Sud-Soudan. Conséquemment, les camps de déplacés disparaissent de manière plus ou moins brutale pour
récupérer les parcelles et réinstaller les populations migrantes en périphérie plus lointaine, ce qui témoigne
paradoxalement d'une volonté de reconnaissance timide des populations sud-soudanaises à Khartoum. La politique
de rapatriement fait suite à l'autodétermination du Soudan du Sud. Mais crise du Darfour en 2003 ne dépeuple pas
les quartiers périphériques et précaires de la capitale.
Khartoum, l'échec de la diversité
Indépendance du Soudan du Sud le 9 juillet 2011 rappelle les questions de valorisation de la diversité soulevées par
la présence des populations sud-soudanaises à Khartoum. Cette indépendance n'a pas mis un terme aux tensions
entre les deux pays et des tensions intra-étatiques au pays nouvellement indépendant émergent dès 2013. Réfugiés
affluent à Khartoum mais ils ont le statut d'étrangers : la régularisation devient difficile, ne peuvent pas posséder des
terres, ni travailler, être soignés. Conséquence : marginalisation croissante.
Conflits traduisent l'impossibilité pour ce pays carrefour entre monde arabe et Afrique subsaharienne à valoriser sa
diversité.

Villes et mobilisations au lendemain des « printemps arabes »


Mouvement de contestation populaire qui a touché cinq pays : Tunisie, Libye, Egypte, Maroc, Algérie. Commencés
en 2011, ces mouvements perdurent aujourd'hui dans le Rif marocain et ont pour point commun le refus des
inégalités territoriales.
Des « printemps » persistants dans les villes secondaires
Jusqu'alors faiblement touchée, l'Algérie connaît depuis début 2017 d'importantes mobilisations révélatrices de
l'instabilité économique dans des villes secondaires comme Laghouat.
L'Egypte et la Tunisie connaissent également des mouvements sporadiques qui témoignent des difficultés
structurelles et conjoncturelles auxquelles sont confrontés ces deux pays.
En réalité, les mouvements ne sont pas nés en 2011 puisqu'ils trouvent racine sur un temps plus long et font écho à
des inégalités entre les villes.
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Les inégalités territoriales au centre des contestations
Inégalités territoriales encore non corrigées témoignant de l'incapacité des Etats concernés à trouver des solutions
pérennes.
Un nouvel ordre urbain possible ?
Certains auteurs de la société civile sont à l'origine d'une plus grande participation démocratique à la politique de la
ville : ces organisations interviennent alors dans le débat public sur les politiques d'urbanisme et architecturales via
la protection des espaces publics, de l'environnement, du droit au logement…
Mais c'est aussi à l'échelle des individus, des quartiers qu'émergent des associations, signe d'un renouvellement des
modes de gestion de la vie locale.

Lecture géopolitique des attentats en Tunisie


Modernisation ou archaïsme ?
Unifier le pays et gommer les inégalités territoriales en favorisant l'intégration de ses marges, voilà le concept
développé par Bourguiba de 1957 à 1987. Mais se heurte aux populations des marges.
Tunis ou le désert tunisien ? Des déséquilibres territoriaux persistants
Depuis 1960 disparités territoriales entre régions littorales et le reste du pays. Concentration de population à Tunis,
ville très attractive car opportunités d'emplois. Contraste avec les autres villes du territoire.
Une Tunisie clivée : des déséquilibres aux stigmates
Déséquilibres territoriaux structurels renvoient à des fractures plus profondes qui s'expriment entre les diverses
régions de Tunisie.
Frontières poreuses ou dangereuses ?
Frontière avec la Libye considérée comme dangereuse. Vaste région transfrontalière avec l'Algérie également.

La décentralisation au Mali : l’enjeu des territoires


Dynamique réformatrice touche plusieurs pays d’Afrique sahélienne dont le Mali.
Une décentralisation malmenée à l’indépendance
Unification du territoire après l’indépendance est un pré-requis à la construction de l’Etat-nation. La mise en œuvre
de la décentralisation révèle l’enjeu d’un découpage politico-administratif d’un territoire très contrasté tant dans la
répartition de la population que dans celle de ses ressources. Les premiers découpages renvoient à un centralisme
démocratique d’inspiration socialiste de la première République, duquel la décentralisation n’est pas une priorité
effective. Pendant la période 1968-1979, le Comité Militaire de Libération nationale qui s’empare du pouvoir après
un putsch accentue plus encore ce centralisme politico-administratif. Les mécontentements grandissent et sont
durement réprimés par le régime de Moussa Traoré du début des années 1980 à 1991 (seconde République).
Avec l’avènement de la Troisième République, la décentralisation passe par le Nord
1992, avènement de la Troisième République après chute de la dictature. Objectif prioritaire affiché : la
décentralisation qui devient un véritable projet politique. Ainsi émergence dans le Nord d’un échelon communal plus
proche des attentes des populations. Ce nouveau découpage montre la difficulté d’appliquer par le haut une
décentralisation, un découpage administratif qui ne tiendrait pas compte des mobilités locales et traditionnelles (axe
nord/sud alors que les limites des circonscriptions administratives sont parallèles au fleuve). Créée en 1993, la
Mission de Décentralisation (MDD) a pour objectif de découper le territoire pour une meilleure gouvernance
multiscalaire. Créer des communes sans défaire les espaces sociaux et en impliquant les populations dans le tracé de
ces communes tant rurales qu’urbaines.
La création des communes, un découpage participatif
Commissions locales de découpage, réunions villageoises sont les outils de ce nouveau découpage qui doit toutefois
maintenir la continuité territoriale et un seuil démographique minimum. Au final, 684 communes sont créées.
Décentralisation et migration : des migrants investis localement
Des élections communales sont alors organisées validant de ce fait le nouveau découpage communal. Les élus
assurent alors le fonctionnement de leur commune. Mais l’Etat montre rapidement des signes de désengagement et
peine finalement à leur déléguer des compétences. Ainsi, seules quelques grandes communes parviennent à assurer
leur développement et notamment celles où les ressources financières et humaines sont issues de la migration
internationale. C’est le cas des communes de la région de Kayes qui bénéficient des investissements de leurs
migrants résidant en France. Ils favorisent des regroupements communaux.
La régionalisation semble une solution à l’équilibre des pouvoirs et des territoires et répondre aux tensions qui
ressurgissent dans le nord du pays.

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La « question touarègue » : retour sur quelques présupposés
A l’origine de « l’irrédentisme touareg »
La résistance touarègue à al colonisation française, qui ne concernait pas tout le peuple touareg puisque certains
concluaient des alliances ou même collaboraient, a conduit à une stigmatisation généralisée de ces populations et
conduit à un choix colonial de développement porté sur le sud, jugé plus utile plutôt que le nord du pays.
Les « guerriers du désert » contre la nation (1950-1970’) ?
Cette idée réductrice de résistance généralisée est également reprise par les autorités maliennes à l’indépendance
qui considèrent, notamment après la révolte de 1963-1964 que ce peuple est hostile à la construction de l’Etat-
nation, ce qui légitime alors les nombreuses représailles sanglantes et meurtrières organisées contre les populations
touarègues.
Des rebelles en quête de reconnaissance (1980’-Aujourd’hui)
La revendication des rebelles touaregs et maures sur l’autonomie de l’Azawad n’est pas partagée par l’ensemble de
ces peuples. Confusions et stigmatisation perdurent encore aujourd’hui, ce dont témoigne l’accusation des Touaregs
dans les massacres de militaires maliens en février 2012 alors que les responsables sont les groupes islamistes AQMI
et Ansar Dine.
Cette question touarègue implique un système d’acteurs nationaux internationaux et finalement ne se résoudra que
par les Maliens eux-mêmes en changeant de regard.

Commerce, fraude et réseaux familiaux au Nord Mali


Relations commerciales entre Nord Mali et sud des pays maghrébins voisins, comme l’Algérie. Pourtant interdiction
de commercer en Algérie avec le Mali.
Un commerce transfrontalier informel et intense
Trafic frontalier frauduleux entre l’Algérie et le nord du Mali très intense jusqu’au début des années 1990,
notamment sur les produits alimentaires et le gazole. Changement au tournant de cette année et diversification des
trafics frauduleux vers les cigarettes et surtout la cocaïne, gérés, organisés et financés par mafia extérieure.
Histoire de familles
Trafic de petite échelle repose sur organisation qui s’appuie sur les solidarités familiales. Alors que les réseaux de
mafias dont les patrons sont basés en Algérie, Libye concerne particulièrement la drogue et s’appuient sur des
recrutements individuels après enquête.
Deux échelles de commerce saharien interdépendant : régional pour les vivres et transrégional voire transsaharien
pour les drogues.

Les trafics au Sahel : produits, impacts politiques et gestion des espaces périphériques
C’est finalement par ces trafics que l’Afrique s’insère dans les flux et réseaux de la mondialisation. Ces trafics paliet
les insuffisances des Etats et permettent une certaine ascension sociale. Les produits de contrebande (essence,
cigarettes) empruntent les mêmes routes que les autres produits (produits alimentaires subventionnés) ce qui
montre leur complémentarité. Les échanges sont transfrontaliers.
La circulation des armes s’effectue entre espaces de conflits mais également des soldats aux milices.
L’espace sahélo-méditerranéen est traversé par deux ensembles de flux illégaux qui transitent et permet à cet
ensemble d’être arrimer à l’économie-monde, par exemple en fournissant les marchés européens de cocaïne venue
d’Amérique du sud.
Ces trafics ont des conséquences sur la société, les politiques et les territoires. Ils provoquent des conflits, des
conflictualités et tout le panel de violences associées. Mais les trafics servent également à la paix sociale, évitant par
exemple grâce à d’habiles négociations de « laisser-faire », la formation de rébellions dans les périphéries difficiles à
contrôler pour des Etats centralisés.

Le terrorisme au Sahel : entre géopolitique et radicalisation locale


La bande sahélo-saharienne est une zone marquée par l’insécurité. L’enracinement du terrorisme s’apprécie à
différentes échelles et n’est pas à considérer uniquement du point de vue de la géopolitique tant les contextes
nationaux et locaux sont aussi déterminants.
Le foyer algérien
Les actes terroristes se distinguent des autres types de violence par la lutte du plus faible contre le fort (l’Etat), par
l’impact sur les sociétés destiné à infléchir les politiques gouvernementales, par leur idéologie. Le premier acte
terroriste au Sahel a lieu en 2003 (enlèvement d’une trentaine de touristes européens) par le Groupe Salafiste pour
la Prédication et le Combat (né en 1998, pendant la guerre civile algérienne) et qui est devenu en 2007 Al Qaïda au
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Maghreb (AQMI). Particulièrement actif au nord du Mali et affiche des objectifs de lutte contre les mécréants, les
régimes « impies et corrompus » afin d’établir un Etat théocratique.
Progression vers le Sahel et fragmentation
Des dissidences internes vont conduire à sa partition en plusieurs groupes. De cette partition deux groupes vont
s’allier (MUJAO et Ansar Dine) et rejoindre le Mouvement National de Libération de l’Azawad des Touarègues. Les
armées maliennes défaites, les deux groupes salafistes marginalisent le MNLA et appliquent pendant des mois la
charia dans les principales villes du nord malien. L’intervention française (opération Serval) et onusienne ont permis
le retour de l’armée malienne mais la présence terroriste est toujours forte et diffuse. Les mouvements terroristes
connaissent des dissensions internes mais la progression dans le Sahel est indéniable (Burkina Faso). Différents
mouvements terroristes s’unissent en mars 2017 derrière Iyad Ag Ghali, chef d’Al Qaïda.
Les raisons de la radicalisation
Outre les présupposés associés à la pauvreté, au chômage, etc., on s’aperçoit au regard des différents profils des
terroristes qu’il y a d’autres causes, plus profondes, à la radicalisation. Elles relèvent notamment de l’incapacité des
différents Etats que ce soit dans les services de base, la justice (corrompue), la sécurité, l’accaparement des
ressources issues de l’aide publique au développement et aux industries extractives.
Ces groupes sont financés par leur propre crime (enlèvements/rançon), par de généreux donateurs, par les trafics,
par la taxation des marchandises en circulation et par des impôts prélevés sur les populations.
Combattre le terrorisme
La lutte doit se mener déjà à l’échelle des Etats et se doit d’être coordonnée. Il s’agit en l’occurrence de la lutte
armée, d’un redéploiement de l’Etat dans les secteurs les plus touchés, de l’éradication de la corruption, de la
reconstruction des appareils judiciaire et sécuritaire.
A l’échelle internationale, en plus des partenariats bilatéraux, le Plan Sahel Initiative, proposé par les Etats-Unis fin
2002, et remplacé par le Trans Saharan Counter Terrorism Partnership (TSCTP) finance les actions de lutte contre le
terrorisme pour les pays concernés.
La coopération militaire proposée par l’Algérie à ses pays voisins (Comité d’état-major opérationnel conjoint
(CEMOC) témoigne d’une réelle volonté de lutte contre le fléau terroriste aux multiples racines. La communauté
internationale multiplie les coopérations dans le domaine de la sécurité et du développement. Toutefois, la
coopération rencontre des limites, des difficultés en raison de la multiplicité des acteurs, encourage par les aides
qu’elle verse la corruption et renforce les régimes peu démocratiques (Tchad). Des politiques de coopération mal
menées peuvent ainsi contribuer à produire du terrorisme.

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