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Le lobbying nouveau est arrivé

Plus de transparence et de technicité, moins d’influence et de pression, le lobbying


change.

C’est un véritable consensus : depuis dix ans qu’il se réforme et se transforme, le lobbying
semble avoir trouvé son modèle. Le métier est moins conspué qu’autrefois, le recours aux
représentants d’intérêts est entré dans les réflexes des entreprises et les pouvoirs publics en
ont fait des interlocuteurs qu’on ne cache plus derrière les rideaux.

La profession est unanime : les affaires publiques se sont professionnalisées. Adieu donc le
lobbying à l’ancienne, valorisant les carnets d’adresses rebondis de quelques grands manitous
de l’influence ; finies les intermédiations cachées. Place désormais à la transparence, à la
technicité, à l’expertise et au relationnel à tous les niveaux de décisions.

Bonne nouvelle pour les intéressés, le marché se porte plutôt bien. Le recours aux lobbyistes
est aujourd’hui un réflexe acquis.

La dynamique du marché et l’abondance de l’offre

La multiplicité des besoins rend le marché dynamique, dans un contexte de saine concurrence
entre les intéressés. En France, par exemple, les plus grands cabinets spécialisés (Boury
Tallon & associés, Lysios Public Affairs, Communication & institutions, Séance publique,
Anthenor Public Affairs) tirent leur épingle du jeu. L’essentiel des mandats va à ce quintet
historique des cabinets d’affaires publiques. Mais de nouvelles structures se lancent et tentent
leur chance, avec d’autres approches et d’autres réseaux, tandis que les agences de
communication ont elles aussi compris qu’il leur fallait en être. Toutes les grandes structures
sont dotées de département dédiés et les plus petites qui n’en avaient pas s’en équipent.

Mais cette abondance dans l’offre ne rend pas le gâteau plus gourmand pour tout le monde. Et
pour séduire les clients, chacun s’évertue à convaincre de la pertinence de son modèle. Avec
leur force de frappe, les agences de communication se sont engouffrées dans la brèche et
jouent la carte de l’exhaustivité. Leur atout : disposer d’un important vivier de clients,
qu’elles drainent vers leurs offres affaires publiques.

A chacun son lobbying

La taille pourtant ne fait pas tout, loin s’en faut. L’émergence régulière de petites structures de
lobbying témoigne par ailleurs du dynamisme du marché et de son ouverture aux structures de
niches. Pour faire leur trou aux côtés de leurs concurrents plus établis, les entités plus
modestes essaient de faire la différence avec un positionnement original. Les uns se
spécialisent dans le lobbying territorial, les autres misent sur une approche plus participative
entre parties prenantes, d’aucuns jouent la spécialisation sectorielle ou la collaboration avec
d’autres entités.

Faute d’équipes pléthoriques, la plupart optent pour des partenariats afin de présenter une
offre élargie.

Les avocats lobbyistes


Autres acteurs du marché des affaires publiques : les avocats lobbyistes. Des spécialistes de
l’amendement aux experts des nomenclatures, des organisateurs de clubs fédérant entreprises
et élus aux conseillers en stratégie, le choix des profils ne manque pas pour les entreprises et
les fédérations professionnelles qui veulent se faire accompagner. Chacun peut trouver
chaussure à son pied. « Savoir que tel lobbyiste est capable de vous mettre en contact direct
avec tel ministre continue de faire briller les yeux, en particulier dans les secteurs
économiques plus traditionnels ou ceux qui sont en position défensive », gage un observateur.
L’expertise technique et juridique en rassurera d’autres, quand d’aucuns encore apprécient de
voir leurs arguments faire l’objet de pleines pages dans la presse régionale ou nationale, forme
de lobbying qu’affectionnent souvent les grosses agences de com’.

Marché mature et prix plus serrés

Mais si le recours au lobbying est devenu plus banal pour les entreprises, la temporalité des
missions confiées aux cabinets s’est aussi modifiée ces dernières années. Cette rotation
entretient certes la concurrence, mais provoque un effet ciseau parfois contreproductif pour le
suivi de certains dossiers qu’il faut labourer sur le long terme.

Plus prosaïquement, la relative lucrativité de l’activité contribue aussi à son développement.


En dépit de prix aujourd’hui plus serrés qu’il y a quelques années, l’activité reste moins
sujette aux aléas économiques que peuvent l’être celles liées à l’événementiel, premières à
faire les frais des coupes de budget en période de crise. Si l’on rapporte le chiffre d’affaires
réalisé par les cabinets par rapport à leur nombre de clients, le lobbying reste relativement
rémunérateur. « C’est aussi pour cela que les agences de communication tentent de monter en
gamme et d’augmenter leur rentabilité en s’ouvrant des départements affaires publiques »,
précise un spécialiste du secteur. Mais attention, n’est pas un spécialiste du réglementaire qui
veut. Et ceux, qui se lancent en espérant vendre cher des prestations, sans disposer des
compétences règlementaires nécessaires pour le suivi des dossiers risquent de peiner
sérieusement au moment de se dépêtrer des normes. « C’est chic de dire qu’on fait du
lobbying, sourit de son côté Gilles Lamarque, mais la réalité du métier, c’est avant tout d’être
capable de s’atteler à la complexité ».

Le marché pourrait être confronté dans les prochains mois à un mouvement de concentration,
que les conséquences de la crise sanitaire risquent d’accélérer. Certains avouent garder un œil
vigilant sur les opportunités. Le cabinet Euros / Agency se dit prêt à passer à de la croissance
externe si l’occasion se présente. Le groupe vise 7,5 millions d’euros de marge brute en 2020
(contre 5 millions € en 2019) et même 10 millions € en 2023.

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