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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité 179

Informations comptables et transparence


Les divergences comptabilité-fiscalité
en Tunisie :
quels facteurs explicatifs ?
par Ines Bouaziz Daoud et Mohamed Ali Omri

G
énéralement dévolu aux experts, aux juristes et aux
praticiens, le rapport entre la comptabilité et la fiscalité
est peu souvent apprécié en sciences de gestion. Certes,
l’appréhension de cette question dans les recherches scientifiques
revêt une importance cruciale du fait des multitudes de choix
qu’offre cette relation au niveau de la gestion des organisations,
outre les implications potentielles que peut avoir ce rapport pour
les investisseurs lors de la valorisation de la firme.
La comptabilité et la fiscalité sont deux disciplines autonomes
qui répondent à des objectifs différents. La comptabilité permet
de mesurer les résultats de l’entreprise à travers le recensement
des flux économiques. Elle a pour objectif la description de sa
situation financière, l’état de son patrimoine ainsi que de ses
performances. La comptabilité financière a pour but aussi de
Ines BOUAZIZ DAOUD satisfaire les besoins des investisseurs à risque, les actionnaires
Docteur en Sciences Comptables et les bailleurs de fonds. La fiscalité a pour but de déterminer
les principes et règles d’évaluation du bénéfice imposable et les
Assistante de l’enseignement supérieur modalités de taxation de celui-ci. En l’occurrence, des divergences
à l’Université de Gabès au niveau des résultats, le résultat comptable et le résultat fiscal
Institut Supérieur de Gestion de Gabès, Tunisie sont très concevables (D. Shaviro, 2007).
Dans les pays anglo-saxons, la comptabilité est indépendante de
la fiscalité. Le bénéfice imposable est déterminé en appliquant
des règles spécifiques, indépendantes de celles utilisées en
comptabilité. Ainsi, et au moment où la littérature anglo-saxonne
a largement parlé de divergences comptabilité – fiscalité (M.
A. Desai, 2002, 2003 ; G. Z. Manzon et G. Plesko, 2002 ; M. Desai
et D. Dharmapala, 2006, 2009a), la littérature française parlait
de “liens théoriques impérieux” unissant comptabilité et fiscalité
(H. Culmann, 1980 ; E. Carré, 1969). Selon J.L. Rossignol (1999),
les entreprises françaises ont la possibilité de prévoir l’impôt
et d’user au maximum des moyens fournis par le droit fiscal qui
offre une multitude de choix, leur permettant la pratique de la
Mohamed Ali OMRI gestion fiscale qui est fortement liée à la gestion financière de
Professeur en Méthodes comptables et financières l’entreprise.
à l’Université de Tunis El Manar En Chine, la fiscalité et la comptabilité entretenaient des liens
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion étroits ; cependant, avec la rénovation de son système légal, fiscal
de Tunis, Tunisie et juridique, le débat concernant le rapport comptabilité – fiscalité
reprend de la vigueur (T.Y. Tang, 2005, 2006 ; T. Y. Tang et M.

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Firth, 2008, 2010). Cependant, et au moment où ce domaine a discrétionnaires des dirigeants, qui inspirés d’opportunisme,
fait l’objet de nombreux débats théoriques et empiriques dans optent pour les choix comptables et fiscaux qui leur permettent
différents contextes, rares sont ceux qui ont abordé et examiné de s’approprier de la richesse et de réduire au maximum le
ce domaine dans le contexte tunisien à l’heure actuelle. fardeau fiscal.
Un trait caractéristique du contexte tunisien est la dichotomie au Ainsi, l’étude s’interroge sur les facteurs explicatifs des diver-
niveau de la nature de la relation entre la fiscalité et la comptabilité gences discrétionnaires en se posant la question principale
qui, malgré la forte influence du modèle anglo-saxon, demeure suivante : Quels sont les facteurs explicatifs des divergences
influée par le modèle continental. En effet, en Tunisie, le système comptabilité – fiscalité, notamment les divergences discrétion-
légal emprunte au système anglo-américain du fait de l’indépen- naires ? En d’autres termes, comment est-ce que les divergences
dance du cadre règlementaire régissant les pratiques comptables discrétionnaires peuvent-elles s’expliquer par les pratiques
et du cadre régissant les pratiques fiscales. Cependant, et en discrétionnaires de gestion des résultats et de gestion fiscale,
dépit de la promulgation d’une loi comptable, la comptabilité ainsi que par des facteurs liés à la combinaison de ces deux
demeure rattachée à la fiscalité en Tunisie, témoignant ainsi de pratiques à la fois ?
l’influence notable et continue du système continental. En effet, Pour répondre à la question de la recherche, ce papier sera
les règles comptables sont nécessaires à la détermination du organisé de façon à souligner et à examiner les facteurs expli-
bénéfice imposable et les pratiques comptables dans les entre- catifs des divergences comptabilité – fiscalité. Nous proposons,
prises tunisiennes demeurent rattachées aux règles fiscales : une à travers une revue des études théoriques et empiriques, le
charge n’est fiscalement déductible que si elle est correctement débat concernant les divergences comptabilité – fiscalité dans
enregistrée. En outre, le résultat fiscal est déterminé à partir différents contextes ainsi que les propos théoriques avancés au
du résultat comptable tout en procédant à des ajustements. En titre de ce sujet (1). Ensuite, nous examinons le cadre règlemen-
l’occurrence, en Tunisie, des divergences entre comptabilité et taire ainsi que les caractéristiques contextuelles régissant les
fiscalité sont très concevables. Ces divergences s’articulent au pratiques comptables et fiscales en Tunisie ; puis, nous exposons
niveau des objectifs de chaque discipline, et notamment au niveau les hypothèses de la recherche (2). Par la suite, nous relatons
des résultats, à savoir le résultat comptable et le résultat fiscal. les aspects méthodologiques de la recherche, les résultats et
Les divergences comptabilité – fiscalité ont été largement débat- les discussions empiriques (3). Enfin, nous concluons avec les
tues. Elles constituent un domaine de recherche émergent et principaux résultats.
évolutif. Dans la littérature, la majorité des recherches a accordé
les divergences entre le résultat comptable et le résultat fiscal
aux pratiques discrétionnaires de gestion fiscale et/ou de 1. Divergences comptabilité –
gestion des résultats (L. Mills et K. Newberry, 2001 ; J. Philips fiscalité, gestion fiscale et gestion
et al. 2003, 2004 ; P. Joos et al. 2003 ; A. Dunbar et al. 2004 ;
M. Desai et D. Dharmapala, 2006 ; 2009a ; M. Frank et al. 2009 ; des résultats : cadre théorique
R. Wilson, 2009). Cependant, T.Y. Tang et M. Firth (2010) et et revue de la littérature
D.A. Shackelford et al. (2007) suggèrent que les divergences
comptabilité – fiscalité sont dues aux différences de traite- Certaines recherches ont accordé le problème posé par les
ment entre les règles comptables et les règles fiscales, ainsi divergences comptabilité – fiscalité1 aux divergences entre le
qu’aux pratiques discrétionnaires de gestion des résultats et droit fiscal et les règles comptables en vigueur (T.M. Porcano
de gestion fiscale. En revanche, en Tunisie, les experts et les et A.V. Tran, 1998 ; M. Lamb, 1996). D’autres chercheurs,
juristes parlaient uniquement de divergences techniques entre l’expliquent par les pratiques discrétionnaires des dirigeants
un traitement fiscal et un traitement comptable d’une donnée opportunistes et l’accordent ainsi à une gestion agressive des
particulière (A. Yaich, 2004a). résultats pour majorer ou minorer le résultat comptable, selon
Dans ce cadre d’analyse, la présente recherche essaie d’apprécier leurs aspirations, ou pour échapper au fardeau fiscal (L. Mills
les divergences constatées au niveau des résultats, notamment et K. Newberry, 2001 ; J. Philips et al. 2003, 2004 ; P. Joos et
le résultat comptable avant impôts et le résultat fiscal imposable, al. 2003 ; A. Dunbar et al. 2004). L. Mills et K. Newberry (2001)
et d’explorer l’origine de ces divergences, en distinguant entre constatent que les firmes, dans les quelles les dirigeants sont
les divergences dites non discrétionnaires, qui sont dues aux plus incités à gérer le résultat, ont des divergences comptabilité
différences de traitement entre le droit comptable et le droit fiscal, – fiscalité plus élevées que les autres firmes.
et les divergences discrétionnaires, expliquées par les pratiques D’autres chercheurs accordent les divergences comptabilité –
discrétionnaires de gestion des résultats et de gestion fiscale. fiscalité aux pratiques discrétionnaires de gestion fiscale (G.J.
Particulièrement, nous examinons si les divergences entre le
1. Les divergences comptabilité – fiscalité renseignent sur les divergences
résultat comptable et le résultat fiscal en Tunisie s’expliquent entre le résultat comptable avant impôts et le résultat fiscal imposable. En fait,
par des facteurs autres que les différences règlementaires. À lorsque la réglementation comptable diffère de la législation fiscale, notam-
cet égard, nous testons les hypothèses selon lesquelles les ment lorsque chaque droit a ses objectifs qui se distinguent de ceux de l’autre
droit, comme le cas des Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Chine, la Tunisie…
divergences dites discrétionnaires sont dues aux pratiques des divergences entre le résultat comptable et le résultat fiscal se présentent.

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Manzon et G. Plesko, 2002 ; R. Wilson, 2009 ; M. Frank et al. se manifeste par le niveau de croissance du chiffre d’affaires, un
2009). R. Wilson (2009) et M. Frank et al. (2009) trouvent une deuxième facteur lié à l’investissement dans les actifs corporels
association positive entre la gestion fiscale et les divergences et incorporels, un troisième lié aux modifications apportées aux
entre le résultat comptable et le résultat fiscal. Les auteurs textes de loi et aux règles comptables et fiscales d’une période
trouvent aussi que les firmes, pratiquant la gestion fiscale, à une autre, et enfin, à l’imputation des reports déficitaires liés
affichent des accruals discrétionnaires élevés, constatant aux pertes ordinaires. Selon T.Y. Tang et M. Firth, la croissance
ainsi que les pratiques de gestion fiscale sont le plus souvent du chiffre d’affaires peut entraîner des créances irrécouvrables
accompagnées des pratiques discrétionnaires de gestion des énormes dont le traitement fiscal diffère du traitement comptable,
résultats. D’ailleurs, G.J. Manzon et G. Plesko (2002) accordent créant par la suite des divergences négatives entre le résultat
les divergences comptabilité – fiscalité aux choix discrétionnaires comptable et le résultat fiscal. D’ailleurs, les auteurs affirment
des dirigeants, notamment sur le plan fiscal. que plus la firme investit dans les actifs corporels et incorporels,
M. Desai et D. Dharmapala (2006, 2009a), à l’encontre des plus la base de calcul des amortissements et des provisions pour
études précédentes, en examinant les divergences comptabilité dépréciation sera importante. Les amortissements entraînent
– fiscalité dans un contexte d’agence, expliquent les différences des impôts différés et donc des divergences temporaires entre
entre le résultat comptable et le résultat fiscal par une stratégie le résultat comptable et le résultat fiscal. Les provisions pour
de gestion des résultats et une stratégie de gestion fiscale dépréciation, qui ne sont pas déductibles fiscalement, d’après le
faites en réponse aux aspirations des dirigeants soucieux de la système fiscal en vigueur, sont constatées en tant que charges
maximisation de leur richesse. de l’exercice en comptabilité, entraînant des divergences perma-
L’analyse empirique des divergences comptabilité – fiscalité dans nentes au niveau des résultats comptable et fiscal.
ces recherches est biaisée par le fait que chacun de ces deux Selon A. Yaich (2004a), le code de l’impôt sur le revenu des
courants de recherche ignore, soit l’origine des divergences qui personnes physiques et de l’impôt sur les sociétés (code de
touche aux différences de traitement entre les règles comptables l’IRPP et de l’IS) s’intéresse à organiser les divergences non
et la législation fiscale, soit les raisons liées aux pratiques discrétionnaires entre la comptabilité et la fiscalité. A. Yaich
discrétionnaires de manipulation des résultats (T.Y. Tang, 2005 ; (2004a) réclame que ces divergences résultent du rejet par
T.Y. Tang et M. Firth, 2010)2. Face aux manquements de ces la fiscalité de certaines charges (telles que les amendes et
recherches, T.Y. Tang et M. Firth (2010) ainsi que D.A. Shackleford pénalités) ou l’exonération de certains produits (tels que les
et al. (2007) supposent que les divergences comptabilité – fisca- dividendes encaissés), soit de traitements comptables non admis
lité sont dues, d’une part, aux différences de traitement entre par le fisc (réduction de valeur, actualisation des créances…).
les règles comptables et les règles fiscales, désignées par Ces divergences peuvent résulter aussi des incitations fiscales
T.Y. Tang et M. Firth, par des divergences mécaniques ou non avantageuses. En effet, le système fiscal tunisien a préconisé
discrétionnaires ; d’autre part, ces divergences sont dues aux à travers le code des incitations aux investissements diverses
pratiques discrétionnaires des dirigeants, qui se prévalent des mesures d’incitation permettant la minimisation de la matière
marges de manœuvre offertes par les règles comptables et les imposable. Les principales mesures concernent les dégrèvements
différents choix fiscaux offerts par certaines règles fiscales lors fiscaux au titre des réinvestissements exonérés. Ces dernières
du choix des politiques comptables et fiscales de la firme. T.Y. peuvent prendre deux formes : soit un dégrèvement financier au
Tang et M. Firth (2010) définissent ces dernières divergences titre de la souscription à de nouvelles parts sociales et actions,
par les divergences anormales ou discrétionnaires. Dès lors, soit un dégrèvement physique au titre des réinvestissements
les divergences discrétionnaires renseignent sur les pratiques physiques au sein même de l’entreprise. D’ailleurs, le code de
discrétionnaires de gestion des résultats et de gestion fiscale, l’IRPP et de l’IS préconise des mesures fiscales concernant les
impliquant ainsi une information manipulée et façonnée. reports déficitaires. En effet, et selon l’article 48-IX3 dudit code,
le déficit enregistré au titre d’un exercice est déduit successi-
vement des résultats des exercices suivants et ce jusqu’à la
1.1. Les divergences non discrétionnaires quatrième année inclusivement.

T.Y. Tang et M. Firth (2010), dans une étude menée en Chine,


proposent quatre principaux facteurs pour expliquer les diver-
gences non discrétionnaires, à savoir, un facteur économique qui

2. T.Y. Tang et M. Firth (2010) reprochent aussi aux recherches empiriques


ayant examiné les divergences comptabilité – fiscalité le fait qu’elles consi-
dèrent dans leur analyse empirique ou bien les divergences temporaires (P.J. 3. Le même article ajoute que “ne sont plus déductibles les déficits non
Joos et al. 2003 ; M. Hanlon, 2005) ou bien les divergences permanentes (M. imputés sur les bénéfices des années suivant celle ayant enregistré le déficit et
Frank et al. 2009). Dans leur étude, T.Y. Tang et M. Firth mesurent les diver- ce, dans la limite des bénéfices réalisés”. D’ailleurs, la déduction des déficits
gences comptabilité – fiscalité par la différence entre le résultat comptable et et des amortissements s’effectue selon l’ordre suivant : a- les déficits repor-
le résultat fiscal tenant compte ainsi de la totalité des divergences temporaires tables ; b- les amortissements de l’exercice concerné ; c- les amortissements
et permanentes. réputés différés en périodes déficitaires.

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1.2. Les divergences discrétionnaires,


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l’application assouplie d’une réglementation donnée ou encore


la gestion fiscale et la gestion des résultats du silence de la réglementation fiscale sur le traitement de
certaines opérations (J.L. Rossignol, 2002).
T.Y. Tang et M. Firth (2010) suggèrent que les dirigeants, incités Le choix au niveau des méthodes comptables peut aussi être
à gérer le résultat comptable et à pratiquer la gestion fiscale, source de gestion fiscale dans la mesure où la réglementation
affichent des divergences discrétionnaires importantes entre le comptable offre des options, qui sont fiscalement acceptées, et
résultat comptable et le résultat fiscal. Ils suggèrent que ces diver- qui permettent de minimiser le résultat ; ou bien encore dans la
gences peuvent être expliquées par des incitations à la gestion mesure où le silence des normes comptables peut être exploité
fiscale, dont la variation du taux d’imposition, des incitations à en appliquant un traitement avantageux sur le plan fiscal (P.C.
la gestion des résultats, telle que la gestion des résultats pour Pupion et E. Montant, 2004). En effet, selon l’hypothèse fiscale,
éviter des pertes, ainsi que par des facteurs liés à la combinaison les choix comptables dépendent de leur impact sur l’impôt (B.
entre les incitations à la gestion fiscale et celles liées à la gestion Raffournier, 1990). Dans la littérature, une panoplie de recherches
des résultats, telle que la participation de l’Etat dans le capital. prouve que les dirigeants pratiquent la gestion fiscale moyennant
Dans leur étude menée sur un échantillon de firmes américaines, les choix comptables en constatant que l’économie d’impôt joue
G.J. Manzon et G. Plesko (2002) proposent quelques facteurs un rôle déterminant dans le choix des méthodes comptables (R.
qui peuvent expliquer et déterminer l’origine des divergences Jennings et R. Thompson 1996). R. Jennings et R. Thompson,
comptabilité – fiscalité. À ce titre, les auteurs présument que en comparant entre la méthode de valorisation des stocks FIFO
les firmes en croissance entreprennent les investissements les et celle du LIFO sur un échantillon d’entreprises américaines,
plus avantageux fiscalement pour notamment bénéficier des suggèrent que le choix de la méthode de valorisation des stocks
déductions et des exonérations qui y sont afférentes, ce qui la plus appropriée est déterminant en matière de réduction du
permet de réduire le bénéfice imposable, entraînant par la suite fardeau fiscal.
des divergences entre le résultat comptable et le résultat fiscal Dans un contexte d’agence les dirigeants sont conduits à profiter
imposable en raison des économies d’impôts qui peuvent en d’opportunisme pour faire prévaloir en priorité leurs propres
découler. En outre, G.J. Manzon et G. Plesko suggèrent que les intérêts. En effet, dans un contexte d’agence, les dirigeants oppor-
firmes affichant un résultat bénéficiaire cherchent à investir dans tunistes usent des choix comptables et fiscaux, des marges de
les activités les plus avantageuses fiscalement afin de réduire la manœuvre et des latitudes discrétionnaires qu’offrent les textes
matière imposable. Par opposition aux firmes bénéficiaires, selon de loi dans une finalité ultime, celle de la maximisation de leur
les auteurs, les firmes ayant imputé des reports déficitaires sur richesse aux dépens d’autres ayants droit dont notamment les
le résultat imposable au titre d’une année affichent des diver- actionnaires et l’administration fiscale (T.D. Fields et al. 2001 ;
gences énormes entre le résultat comptable et le résultat fiscal. R.L. Watts et J.L. Zimmerman, 1986 ; G.J. Manzon et G. Plesko,
Certains chercheurs définissent la gestion fiscale comme étant 2002 ; T.Y. Tang et M. Firth, 2010).
un ensemble de choix effectués en respectant la lettre de la La relation entreprise – administration fiscale est biaisée par
loi, mettant ainsi l’accent sur la dimension règlementaire. J.K. l’asymétrie d’information qui régit la relation entre ces acteurs. En
Lasser (1948) ainsi que K. Macwilliam (2004) définissent la effet, l’administration fiscale délègue l’obligation de la détermina-
gestion fiscale comme étant un processus légal qui permet tion de la situation comptable et fiscale de la firme, notamment
de réduire le montant de l’impôt à payer. W. Hoffman (1961) la l’impôt sur les bénéfices à l’agent. Ce dernier, inspiré d’oppor-
définit comme étant la capacité de l’entreprise à arranger ses tunisme, va opter pour les méthodes et les choix permettant
activités financières de manière à minimiser le fardeau fiscal. de maximiser son utilité en minimisant au maximum possible
L. Fallan et al. (1995) réclament que la gestion fiscale résulte du le fardeau fiscal.
choix optimal d’un ensemble d’instruments qui sont conformes Les études récentes, qui s’inscrivent dans le cadre de la théorie
à l’esprit de la loi et qui permettent à l’entreprise de bénéficier de l’agence, mettent en cause les prescriptions théoriques
des exonérations fiscales. M. Scholes et M. Wolfson (1992), néoclassiques selon lesquelles les dirigeants profitent de la
en mettant l’accent sur le paramètre fiscal, réclament que les flexibilité du système fiscal pour opter pour les choix permettant
dirigeants optent pour les choix fiscaux qui leur permettent de de maximiser la gestion de leur fiscalité et par la suite la valeur
minimiser le fardeau fiscal tout en se conformant à la loi fiscale de la firme. Elles militent en faveur des nouveaux constats selon
en vigueur. lesquels les dirigeants pratiquent la gestion fiscale qui vise à
L’entreprise dispose d’un ensemble de choix résultant de l’exercice exproprier, en premier lieu, l’administration fiscale, et qui répond,
d’options contenues aussi bien dans la réglementation fiscale notamment à leurs objectifs personnels dont la maximisation
que comptable (J.L. Rossignol, 2002 ; P.C. Pupion et E. Montant, de leurs rentes au détriment des intérêts des actionnaires et de
2004). Concernant les options qu’offre la réglementation fiscale, l’objectif, qui auparavant était primordial, celui de la maximisation
il s’agit des différentes mesures d’incitations, tel que le cas du de la valeur (M. Desai et D. Dharmapala, 2006 ; 2009a ; 2009b ;
réinvestissement des bénéfices exonérés en Tunisie, et d’aides R. Wilson, 2009). De ce fait, en jouant sur le paramètre fiscal et
fiscales explicitement proposées aux entreprises qui réalisent tout en se conformant à la loi fiscale en vigueur, les dirigeants
certaines opérations. Il s’agit aussi de choix fiscaux résultant de optent pour les choix fiscaux qui leur permettent de minimiser

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2. Divergences discrétionnaires,

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le fardeau fiscal et de maximiser leur richesse au détriment de
l’administration fiscale, d’une part, et des actionnaires d’autre
part.
gestion fiscale et gestion
M. Desai et D. Dharmapala (2006, 2009a) expliquent la relation des résultats en Tunisie : cadre
négative qui s’établit entre les incitations managériales, se
matérialisant par la rémunération des dirigeants sous forme
règlementaire et hypothèses
d’octroi d’options, et la pratique de gestion fiscale par le fait qu’il de la recherche
existe une complémentarité entre gestion fiscale et détournement
de fonds d’une part ; et que la rémunération des dirigeants sous 2.1. Le droit comptable et le droit fiscal
la forme d’octroi d’options permet de réduire le comportement en Tunisie : aperçu synthétique
discrétionnaire des dirigeants les persuadant ainsi à renoncer
à une stratégie de gestion fiscale en leur faveur, d’autre part. Depuis 1968, date de promulgation du premier plan comptable
D’ailleurs, ce paradigme a déjà été avancé et mis en évidence tunisien, la comptabilité était fortement rattachée aux règles
par M. Desai et D. Dharmapala (2009b) qui examinent l’effet fiscales. En effet, dans un contexte continental, où on emprunte
de la gestion fiscale sur la valeur de la firme tout en contrôlant beaucoup à la culture française, le système comptable tunisien
le rôle du gouvernement d’entreprise à cet égard. D’autre part, s’apparentait au modèle Euro-continental, où le droit écrit, qui
R. Wilson (2009) suggère que la gestion fiscale est une source est caractérisé par la domination de l’Etat, s’impose, et où
de création de la richesse pour les dirigeants en constatant que les règles comptables sont fortement rattachées aux règles
les firmes ayant une bonne structure de gouvernement d’entre- fiscales. La Tunisie avait ainsi une réglementation comptable et
prise, et où les dirigeants gèrent le paramètre fiscal, dégagent une réglementation fiscale qui sont liées. Après les différentes
des rendements anormaux positifs. mutations et les évolutions qu’a connues l’économie tunisienne,
D’un autre côté, les dirigeants opportunistes cherchent à gérer et notamment le manque d’actualité du plan comptable général, le
le résultat comptable en choisissant les politiques comptables besoin d’un référentiel comptable qui répond aux développements
qui leur permettent de maximiser leur richesse et de minimiser qui s’esquivaient à cette époque, et qui permet de pallier les
la charge fiscale qui grève le bénéfice réalisé (R. Shabou et T.N. insuffisances du PCG 1968 s’est fortement ressenti. Dès lors, et
Boulila, 2002 ; R. Jennings et R. Thompson 1996 ; I. El Aissi et suite à la promulgation de la loi 96-112 du 30-12-1996, entrée
M.A. Omri, 2008). En outre, les dirigeants sont amenés parfois en vigueur en 1997, la comptabilité s’est érigée en branche de
à agir sur le résultat comptable afin de réduire leur visibilité droit. Les pratiques comptables en Tunisie sont organisées sous
politique et d’éviter une intervention des pouvoirs publics (K. l’égide du système comptable des entreprises 1997. De ce fait,
Key, 1997). En fait, la théorie de la réglementation suppose la comptabilité se basait sur son propre droit comptable qui est
que l’entreprise est en relation avec l’environnement politique indépendant du droit fiscal mais qui coexiste avec ce dernier.
(la réglementation, l’Etat, les Pouvoirs publics…), ce qui impose Le droit comptable est constitué par la loi relative au système
à la firme des dépenses qui grèvent les profits réalisés (R.A. comptable des entreprises, le décret portant approbation du
Posner, 1974 ; S. Peltzman, 1976 ; B. Raffournier, 1990). La cadre conceptuel de la comptabilité, les arrêtés de publication
firme subit ainsi des coûts appelés “coûts politiques” résultant des normes comptables ainsi que d’autres diverses dispositions
de la pression des pouvoirs politiques. À cet égard, et selon instituées par diverses lois.
l’hypothèse de la visibilité politique, les firmes de grande taille La comptabilité disposait ainsi d’une autonomie par rapport à la
sont plus vulnérables à des pressions politiques que celles de législation fiscale. Dès l’instant, le nouveau système comptable
petite taille. Selon R.L. Watts et J.L. Zimmerman (1978, 1986), tunisien s’apparentait au modèle anglo-américain, qui est, contrai-
les entreprises exposées à des pressions politiques, origine de rement au modèle continental, caractérisé par une importance
leur appauvrissement, ont intérêt à modérer leurs résultats afin accrue accordée à la profession comptable. Dans ce modèle, la
de limiter les coûts politiques. réglementation comptable est indépendante de la réglementa-
tion fiscale, créant ainsi des divergences au niveau des objets,
Une esquisse des travaux théoriques et empiriques montre des divergences aussi au niveau des objectifs, et notamment
que les chercheurs utilisent, pour la détection des pratiques des divergences au niveau des résultats diffusés, à savoir, le
discrétionnaires de manipulations comptables, soit le choix des résultat comptable avant impôts et le résultat fiscal imposable.
méthodes comptables, soit les modèles fondés sur les accruals. Le droit fiscal tunisien trouve son origine dans la constitution,
D.A. Guenther (1994), en examinant la gestion des résultats la loi – la loi de finances, le règlement (décrets et arrêtés), les
motivée fiscalement, adopte les accruals courants pour mesurer principes généraux du droit, la jurisprudence fiscale, la doctrine
la gestion des résultats qui affecte le résultat fiscal. Ces derniers administrative (BODI et réponses aux questions posées par les
sont tributaires du chiffre d’affaires. L’auteur affirme l’existence contribuables) et la doctrine. La fiscalité tunisienne est une fisca-
d’une forte corrélation entre les accruals courants et le bénéfice lité à essence pratique, elle est dominée par les interprétations
imposable, liée au fait que ces derniers sont plus susceptibles administratives qui sont changeantes, parfois contradictoires d’un
d’être manipulés que les accruals non courants. service à un autre et la connaissance de la fiscalité tunisienne

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passe obligatoirement par la connaissance de ses pratiques et le résultat comptable et le résultat fiscal. Subséquemment,
usages (A. Yaïch, 2004b). l’investissement en immobilisations peut affecter négativement
Pour les sociétés, la législation fiscale tunisienne en vigueur est les divergences comptabilité – fiscalité (T.Y. Tang et M. Firth,
basée sur des prélèvements au niveau de la réalisation du revenu 2010 ; G.J. Manzon et G. Plesko, 2002 ; M. Frank et al. 2009).
et des bénéfices. L’impôt sur les sociétés (IS) est institué par En outre, la croissance du chiffre d’affaires peut entraîner des
le code de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et de créances irrécouvrables énormes (T.Y. Tang et M. Firth, 2010).
l’impôt sur les sociétés (code de l’IRPP et de 1’IS) promulgué par Ces créances sont immédiatement passées en pertes de l’exer-
la loi n° 89-114 du 30 décembre 1989. En Tunisie, la fiscalité cice. En fait, elles sont appréciées avec une certaine subjectivité
exige la tenue d’une comptabilité conforme au système comptable permettant de réduire le résultat de l’exercice et par la suite la
des entreprises. charge d’impôts. Fiscalement, ces créances ne sont déductibles
de la base imposable que si certaines conditions, sur lesquelles
les dirigeants peuvent agir, sont vérifiées. Ces différences de
2.2. Lien comptabilité – fiscalité et sources traitement peuvent créer des divergences négatives entre le
des divergences entre le résultat comptable résultat comptable et le résultat fiscal.
D’autre part, les firmes bénéficiaires peuvent chercher à investir
et le résultat fiscal davantage dans les activités pour lesquelles la législation fiscale
offre des mesures fiscales avantageuses pour inciter les investis-
En Tunisie, la réglementation comptable est indépendante de seurs. Particulièrement, dans ces firmes, les dirigeants cherchent
la réglementation fiscale, cependant, la relation entre les deux à investir dans les activités les plus avantageuses fiscalement
disciplines est nécessaire pour la détermination de la charge afin de réduire la base imposable, et de profiter de l’économie
fiscale. En effet, le bénéfice imposable soumis à l’impôt sur les d’impôts qui découle de leurs choix. Dans leur étude menée sur
sociétés est établi à partir du résultat comptable4 qui est corrigé un échantillon de firmes américaines, G.J. Manzon et G. Plesko
de certains ajustements prévus par la loi fiscale5. La prise en (2002) trouvent une relation positive entre le résultat comptable
compte de ces ajustements ne conduit pas à établir un bilan de signe positif et les divergences comptabilité – fiscalité.
fiscal distinct du bilan comptable mais à établir un tableau de Par ailleurs, les spécificités du contexte tunisien, caractérisé par
détermination du résultat fiscal qui regroupe les différentes un système comptable offrant plusieurs marges de manœuvre
réintégrations et déductions fiscales. pour le dirigeant au niveau du choix des politiques comptables
En Tunisie, les divergences non discrétionnaires entre le résultat et par une législation fiscale flexible offrant une panoplie de
comptable et le résultat fiscal peuvent être dues aux différences choix et un arsenal de mesures fiscales avantageuses, créent
de traitement entre la réglementation comptable et la loi fiscale un terrain favorable aux pratiques discrétionnaires de gestion
liées à certains éléments tels que l’amortissement du fonds des résultats et de gestion fiscale et entraînent par la suite des
commercial, la dépréciation des actifs et la croissance du chiffre divergences au niveau des résultats comptable et fiscal. En outre,
d’affaires entraînant des créances irrécouvrables. Ces divergences la nature de la relation entre le résultat comptable et le résultat
peuvent être dues aussi aux mesures fiscales avantageuses fiscal prépare le champ aux dirigeants pour pratiquer la gestion
offertes par la législation fiscale. des résultats ayant pour effet d’agir sur le résultat fiscal via le
En effet, en comptabilité, le fonds commercial est amorti sur résultat comptable selon les objectifs visés par ces derniers.
une période de 20 ans. Les dotations d’amortissement sont Dès lors, nous nous intéressons, dans le cadre de la présente
constatées parmi les charges de l’exercice et par la suite, elles recherche, à explorer les facteurs explicatifs des divergences
sont déduites du résultat comptable. Cependant, et selon la discrétionnaires en examinant les différentes options fiscales
législation fiscale, ces charges ne sont pas déductibles du et comptables qui, dans la limite des règles et des principes
bénéfice imposable. La non déductibilité des charges d’amor- prévus par le législateur, permettent la pratique de la gestion
tissement en fiscalité peut entraîner des divergences négatives des résultats ainsi que la pratique de la gestion fiscale ayant
entre le résultat comptable et le résultat fiscal. D’ailleurs, en pour but la minimisation de l’impôt sur les bénéfices et pour
comptabilité, et alors que la constatation d’une dépréciation effet, l’amplification des divergences entre le résultat comptable
au titre des immobilisations est obligatoire selon les normes et le résultat fiscal.
comptables tunisiennes, aucune dépréciation autre que celles
constatées par le biais des amortissements fiscaux n’est admise
en fiscalité, ce qui entraîne des divergences permanentes entre 2.3. Les facteurs explicatifs des divergences
discrétionnaires en Tunisie : hypothèses
4. Ce résultat est déterminé selon les principes et règles institués au niveau
du système comptable des entreprises 1997. de la recherche
5. Les principales réintégrations portent sur certaines charges ou l’excès par
rapport à une limite de déduction, et certaines provisions (comme la provision
pour risques et charges). Les déductions portent sur certains produits tels Nous essayons de tester les hypothèses selon lesquelles les diver-
que les dividendes. Ils sont exonérés par la loi et par suite ils sont déduits de
la base imposable. gences discrétionnaires sont dues aux pratiques discrétionnaires

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité 185

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de gestion des résultats et de gestion fiscale. À ce titre, nous qu’en présence de pertes antérieures les dirigeants des firmes
allons examiner l’impact de certaines incitations liées à la gestion tunisiennes, soucieux de payer moins d’impôts et de bénéficier
fiscale, d’autres liées à la gestion des résultats et d’autres liées à au maximum des avantages fiscaux, ont tendance à améliorer le
la combinaison entre les deux pratiques de gestion des résultats résultat de l’exercice actuel et à augmenter les réserves spéciales
et de gestion fiscale sur les divergences discrétionnaires. Nous de réévaluation afin d’imputer le déficit des exercices antérieurs
partons de l’idée fondamentale qui fait que les firmes, dans les sur les exercices ultérieurs.
quelles, les dirigeants dotés d’opportunisme et qui sont incités Les pertes ordinaires antérieures incitent ainsi à gérer les
à gérer le résultat comptable et à pratiquer la gestion fiscale, résultats comptables pour pratiquer la gestion fiscale liée à
affichent des divergences discrétionnaires importantes entre le l’imputation des déficits reportables pour enfin minimiser les
résultat comptable avant impôts et le résultat fiscal imposable. charges d’impôts (G.J. Manzon et G. Plesko 2002 ; R. Shabou et
T.N. Boulila, 2002). G.J. Manzon et G. Plesko (2002) présument
et trouvent une relation positive entre les reports déficitaires et
2.3.1. Les facteurs liés aux incitations à la gestion les divergences comptabilité – fiscalité, en constatant que les
fiscale combinée avec la gestion des résultats firmes ayant des reports déficitaires cherchent à accroître le
résultat actuel pour bénéficier de l’imputation de ces reports et
La gestion fiscale est souvent accompagnée par la pratique de de l’économie d’impôts qui en découle. Il en résulte que l’amplifi-
gestion des résultats (T. Y. Tang et M. Firth, 2010 ; R. Wilson, cation du bénéfice comptable ne coïncide pas avec l’amplification
2009). En effet, pour bénéficier au maximum des opportu- parallèle de la charge d’impôts due. Dès lors, nous suggérons
nités qu’offre le système fiscal tunisien et qui permettent la que le traitement fiscal des pertes antérieures entraîne des
gestion fiscale, les dirigeants cherchent à agir sur les résultats divergences comptabilité – fiscalité discrétionnaires importantes.
comptables. Il en est ainsi de la pratique de réinvestissement Hypothèse 1a : En présence de pertes antérieures, il existe une
des bénéfices et de la pratique de l’imputation des reports défici- relation positive et significative entre les reports déficitaires
taires qui incitent les dirigeants à gonfler le résultat comptable imputés et les divergences discrétionnaires.
actuel pour bénéficier au maximum du traitement fiscal lié à
ces deux avantages, et notamment de l’économie d’impôts qui Les incitations à la gestion fiscale, à travers
en découle. Ces pratiques entraînent des divergences entre le
résultat comptable et le résultat fiscal. La gestion fiscale des le réinvestissement des bénéfices, combinée
résultats moyennant les accruals courants peut aussi être source avec la gestion des résultats
de divergences discrétionnaires.
Les bénéfices nets de l’entreprise mis en réserve ont l’avantage
Les incitations à la gestion fiscale à travers de ne pas alourdir la charge financière de celle-ci. Cette préroga-
tive financière se manifeste sur le plan fiscal par une absence
l’imputation des reports déficitaires, combinée de charge susceptible d’être déduite du bénéfice imposable. En
avec la gestion des résultats effet, l’absence de distribution des bénéfices a une conséquence
fiscale propice dans la mesure où l’autofinancement permet
Les pertes ordinaires6 entraînent un traitement fiscal avanta- d’échapper à l’impôt de distribution (S.A. Dammak, 2006).
geux dans la mesure où les firmes ayant enregistré des pertes En Tunisie, il a été démontré que le réinvestissement des bénéfices
antérieures ont droit à un report prospectif selon le système fiscal peut renforcer la capacité d’autofinancement de l’entreprise (I.
tunisien. D’après l’article 48-IX du code de l’IRPP et de l’IS, le El Aissi, 2010). Par ailleurs, le réinvestissement des bénéfices
déficit enregistré au titre d’un exercice par une entreprise est pour des fins de financement constitue une pratique de gestion
considéré comme une charge de l’exercice suivant et est déduit fiscale7 avantageuse que favorise le législateur fiscal tunisien.
successivement des résultats des exercices suivants dans la En fait, les opportunités offertes par le législateur tunisien au
limite de quatre années. sujet des dégrèvements fiscaux encouragent l’autofinancement
Pour bénéficier au maximum de cet avantage, une firme qui a dans la mesure où, lorsque l’entreprise réinvestit une partie
accumulé des pertes antérieures cherche à améliorer son résultat ou la totalité de son bénéfice au sein même de la société, ou
actuel pour bénéficier des incitations fiscales liées à l’imputation dans le capital initial, ou à l’augmentation de capital d’une
du déficit réalisé sur ses résultats actuels et futurs, cherchant
de cette façon à réduire les charges fiscales y afférentes (R.
7. En matière de gestion fiscale, le système fiscal tunisien offre plusieurs oppor-
Shabou et T. N. Boulila, 2002). Dans leur étude menée dans le tunités, notamment, celles qui permettent de minimiser la base imposable. Il
contexte tunisien, R. Shabou et T. N. Boulila (2002) suggèrent s’agit des dégrèvements fiscaux au titre des réinvestissements exonérés. En
effet, le législateur tunisien, cherchant à encourager l’investissement, a prévu,
à travers le code des incitations aux investissements, de tels dégrèvements
6. Le système fiscal tunisien distingue entre les pertes ordinaires, provenant de fiscaux. Ces dégrèvements peuvent prendre deux formes : soit un dégrèvement
l’exploitation, et les amortissements réputés différés. Dans cette recherche, et financier au titre de la souscription à de nouvelles parts sociales et actions,
concernant les reports déficitaires, on ne s’intéresse qu’aux pertes ordinaires soit un dégrèvement physique au titre des réinvestissements physiques au
pour lesquelles le report en avant est dans la limite de 4 années. sein même de l’entreprise.

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186 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité
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autre société, elle bénéficie d’une part, de l’économie d’impôt d’impôts qui en découle. Dès lors, nous constatons que les
réalisée, qui constitue une liquidité de plus et d’autre part, de firmes qui recourent au financement par réinvestissement des
l’opération d’investissement elle-même par les propres moyens bénéfices, réalisant ainsi des économies d’impôts, enregistrent
de l’entreprise. des divergences importantes entre le résultat comptable et le
Dans la littérature, certains chercheurs considèrent l’autofinan- résultat fiscal imposable, résultant du fait que l’amplification
cement comme étant une source de création de la valeur. En du bénéfice ne coïncide pas avec l’amplification parallèle de la
effet, selon la théorie du financement hiérarchique (S.C. Myers charge d’impôts due.
et N. Majluf, 1984), la firme peut renoncer à des sources de
financement coûteuses. En fait, l’autofinancement est caractérisé Hypothèse 1b : Dans les firmes qui recourent au financement
par son moindre coût ainsi que par sa flexibilité, dans le sens par réinvestissement des bénéfices, il existe une relation
où il n’exige pas de délai pour l’obtention des fonds tels les positive et significative entre les bénéfices réinvestis et les
autres sources de financement. En outre, plus la firme finance divergences discrétionnaires.
ses investissements par autofinancement, moins elle sera
contrainte par la distribution des dividendes supplémentaires, Les incitations à la gestion fiscale moyennant
eu égard aux nouveaux investisseurs. Par ailleurs, les économies
d’impôts résultant de la politique d’autofinancement constituent la gestion des résultats vers la baisse
des effets secondaires. M. Frank et al. (2009) constatent que les pratiques de gestion
fiscale sont accompagnées des pratiques de gestion des résul-
À contre-courant, d’autres chercheurs considèrent l’autofinan- tats dans les firmes américaines. Ces firmes, incitées à gérer le
cement comme étant une source de destruction de la valeur. En résultat comptable vers la hausse, sont en même temps incitées
effet, la séparation entre agent chargé de la direction et agent à gérer le résultat fiscal vers la baisse. À ce titre, M. Frank et al.
propriétaire renforce le souci des dirigeants de gérer la firme selon suggèrent que la gestion des résultats telle que mesurée par
leurs aspirations aux dépens des intérêts des actionnaires. En les accruals discrétionnaires affecte positivement la gestion
outre, la faible demande de capitaux auprès du marché financier fiscale telle que mesurée par les divergences discrétionnaires
de la part des dirigeants permet à ces derniers de se soustraire permanentes entre le résultat comptable et le résultat fiscal.
du contrôle du marché financier (A. Galesne, 2004). À cet égard, D.A. Guenther (1994), Q.J. Yin et A. Cheng (2004) et K.Z. Lin
en se substituant à toute autre source de financement externe, (2006) constatent une relation positive et significative entre les
l’autofinancement permet aux dirigeants d’échapper au contrôle accruals discrétionnaires courants et le résultat imposable une
des actionnaires, des banquiers, etc. L’autofinancement permet année précédant l’adoption de la nouvelle mesure fiscale rédui-
ainsi aux dirigeants de jouir de la liberté d’action sur la gestion sant le taux d’imposition effectif. Les auteurs prouvent que les
de ces fonds. D’autre part, et selon A. Galesne (2004), l’auto- dirigeants choisissent les méthodes comptables qui répondent
financement permet la maximisation du bien-être social des à leur objectif fiscal, celui de la réduction du résultat imposable
dirigeants au détriment des autres parties liées à la firme, dont afin de minimiser la charge d’impôts.
les consommateurs, les salariés et les actionnaires. En outre,
l’autofinancement pose la question de l’efficacité économique Pour examiner l’aptitude des dirigeants à altérer le résultat
des investissements entrepris par les dirigeants. En effet, comptable, le résultat fiscal et apprécier l’impact de la gestion
ces fonds risquent d’être mauvaisement alloués, voire même des résultats sur les divergences discrétionnaires entre le
gaspillés. La théorie des free cash-flows8 avancée par M.C. résultat comptable et le résultat fiscal, nous suggérons une
Jensen (1986) stipule que les cash-flows excédentaires sont relation positive entre la gestion des résultats telle que mesurée
inefficacement utilisés. Selon M.C. Jensen (1986), au moment par les accruals discrétionnaires courants et ces divergences.
où les actionnaires souhaitent la distribution du cash en excès En effet, il a été démontré que les accruals discrétionnaires
(sous forme de dividendes ou de rachat d’actions), permettant courants sont vulnérables aux pratiques discrétionnaires des
ainsi la maximisation de la valeur de la firme, les dirigeants dirigeants, plutôt que les accruals non courants (Q.J. Yin et A.
tentent d’abuser de ces fonds excédentaires en les investissant Cheng, 2004). Dans le contexte tunisien, I. El Aissi (2010) étudie
dans des projets non rentables. la gestion des résultats motivée fiscalement. L’auteur constate
que les dirigeants tendent à réduire le bénéfice imposable en
En l’occurrence, dans le but de disposer du maximum des fonds agissant sur les accruals discrétionnaires courants. Une telle
pour répondre à leurs aspirations, les dirigeants, soucieux de stratégie, à savoir la minimisation du bénéfice imposable peut
payer moins d’impôts cherchent à améliorer le résultat actuel pour affecter largement les divergences discrétionnaires entre le
bénéficier, en premier lieu, de l’avantage lié au réinvestissement résultat comptable et le résultat fiscal.
des bénéfices exonérés, et en deuxième lieu, de l’économie
Hypothèse 1c : Il existe une relation positive et significative
8. H.G. Jensen (1986) définit les free cash-flows comme étant ‘l’excédent des entre les accruals discrétionnaires courants et les divergences
fonds disponibles après financement de tous les projets à valeur actuelle nette
positive à un taux d’actualisation égal au coût du capital’. discrétionnaires.

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2.3.2. Les facteurs liés aux incitations à la gestion

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Thompson 1996). R. Jennings et R. Thompson (1996) suggèrent
fiscale que les dirigeants choisissent la méthode de valorisation des
stocks qui permet de réduire le fardeau fiscal.
Il s’agit de la gestion fiscale moyennant le choix des méthodes Le système comptable des entreprises offre aux dirigeants
comptables pouvant affecter le bénéfice imposable. une certaine marge de liberté quant au choix des méthodes
comptables en matière de stocks. En termes de méthode
La gestion fiscale à travers le choix de la méthode d’évaluation, la norme comptable tunisienne n° 4 offre le choix
entre deux méthodes d’évaluation : la méthode du coût moyen
d’amortissement pondéré (CMP) et la méthode du (FIFO) ou premier entré premier
Le système fiscal tunisien prévoit la déductibilité des dotations sorti. La méthode du coût moyen pondéré permet une économie
aux amortissements des immobilisations corporelles permettant d’impôts ; elle permet donc de minimiser la charge fiscale (R.
ainsi d’alléger la charge d’impôts. Il fournit aussi une panoplie de Jennings et R. Thompson, 1996).
choix en matière de modes d’amortissement. Subséquemment, Dans la littérature, plusieurs chercheurs ont examiné le choix de
les dirigeants choisissent les méthodes qui permettent de fournir la méthode de valorisation des stocks. Cependant les résultats
les dotations les plus élevées dans le but de réduire la base obtenus par ces recherches sont mitigés. En effet, certains
imposable et par la suite l’impôt sur les bénéfices. Dès lors, les chercheurs suggèrent que le choix des dirigeants en matière
dirigeants jouissent d’une économie d’impôts qui découle de leur de valorisation des stocks est justifié par leur souci d’améliorer
choix discrétionnaire et qui sera plus importante lorsque le taux le résultat comptable et par la suite leur rémunération et leurs
d’imposition est plus élevé. rentes. D’autres chercheurs trouvent que ce choix est motivé
Concernant les modes d’amortissement, les dirigeants peuvent fiscalement, étant donné que le choix de la méthode CMP permet
opter pour la méthode de l’amortissement linéaire, ou bien encore une économie d’impôts, ce qui est conforme avec les proposi-
pour l’amortissement dégressif, ou bien même pour l’amortisse- tions de l’hypothèse fiscale (R. Jennings et R. Thompson, 1996 ;
ment exceptionnel. Ces deux derniers modes d’amortissement B. Raffournier, 1990).
constituent une forme plus rapide que l’amortissement linéaire. En l’occurrence, nous présumons que le choix de la méthode
Il en résulte que les charges d’impôts déductibles, et par la suite d’évaluation des stocks affecte les divergences comptabilité –
l’économie d’impôts, sont plus importantes durant les premières fiscalité discrétionnaires :
années de l’exercice au cours duquel on a opté pour l’une ou Hypothèse 2b : Il existe une relation positive et significative
l’autre des deux modalités, à savoir le dégressif ou l’exceptionnel. entre le choix de la méthode de valorisation des stocks et les
Par ailleurs, en cas d’une baisse du taux d’imposition dans les divergences discrétionnaires.
exercices qui suivent, le gain fiscal résultant de l’adoption de
ces deux modalités d’amortissement augmente ; ce qui fait que La gestion fiscale liée à la variation du taux
les dirigeants trouvent dans le choix du mode d’amortissement
un terrain favorable à l’exercice de leur discrétion, notamment d’imposition sur les bénéfices
lorsqu’ils peuvent prévoir une baisse du taux d’imposition d’une T.Y. Tang et M. Firth (2010), dans leur étude menée sur un échan-
part, et lorsque les restrictions légales le permettent d’autre part. tillon d’entreprises chinoises, avancent que les firmes ayant
Dans la littérature, une panoplie de recherches suggère et trouve un taux d’imposition élevé paient davantage d’impôts que les
que les investissements corporels, via le choix de la méthode firmes à taux d’imposition faible, ce qui affecte négativement le
d’amortissement, entraînent des divergences entre le résultat rendement, la performance future et par la suite, la compétitivité
comptable et le résultat fiscal (T.Y. Tang et M. Firth, 2010 ; G.J. des entreprises. Dans leur étude, T.Y. Tang et M. Firth affirment
Manzon et G. Plesko, 2002, M. Frank et al. ; 2009). Dès lors, que la finalité ultime des entreprises est de minimiser le fardeau
nous suggérons que le choix du mode d’amortissement, permet- fiscal eu égard au taux d’imposition qui varie d’une entreprise à
tant de maximiser les gains fiscaux, entraîne des divergences une autre. Les auteurs constatent aussi que les firmes ayant un
discrétionnaires entre le résultat comptable et le résultat fiscal. taux d’imposition élevé et par la suite, une charge fiscale élevée
Hypothèse 2a : Il existe une relation positive et significative relativement aux firmes ayant un taux d’imposition moins élevé,
entre le choix du mode d’amortissement et les divergences cherchent à opter pour les choix fiscaux permettant d’altérer le
discrétionnaires. bénéfice imposable et de réduire la charge fiscale affectant ainsi
positivement les divergences discrétionnaires.
La gestion fiscale moyennant le choix
Dans le contexte tunisien, il a été démontré que le souci des
de la méthode d’évaluation des stocks entreprises tunisiennes est aussi celui d’alléger le fardeau
L’hypothèse fiscale stipule que les choix comptables dépendent de fiscal. En effet, I. El Aissi et M.A. Omri (2008) constatent que
leur impact sur l’impôt (B. Raffournier, 1990). En effet, l’économie les entreprises tunisiennes, ayant bénéficié de l’avantage fiscal
d’impôts joue un rôle déterminant dans le choix des méthodes lié à la réduction du taux d’imposition, gèrent leur résultat à la
comptables (D. Morse et G. Richardson, 1983 ; R. Jennings et R. baisse une année avant l’entrée en vigueur de la réduction du

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188 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité
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taux d’imposition pour bénéficier de l’économie d’impôts qui sont incités à choisir les méthodes comptables qui réduisent le
découle de la variation des taux d’imposition. résultat comptable, ce qui entraîne des divergences discrétion-
Récemment, en Tunisie, les taux d’imposition variaient selon le naires entre le résultat comptable et le résultat fiscal.
secteur d’activité, la cotation en Bourse… En effet, les entreprises Hypothèse 3 : Il existe une relation positive et significative
bénéficient de deux avantages réduisant le taux d’imposition. entre la taille de la firme et les divergences discrétionnaires.
La première réduction est liée au taux du droit commun qui est
réduit de 35 % à 30 %. Ce taux est applicable à partir de l’exer-
cice 2006. La deuxième concerne les sociétés qui procèdent à 3. Méthodologie et résultats
l’admission de leurs actions ordinaires à la cote de la Bourse à de la recherche
un taux d’ouverture du capital au public au moins égal à 30 %
et les sociétés dont les actions ordinaires sont inscrites à la 3.1. Présentation de l’échantillon
cote de la bourse dont le taux d’ouverture au public est inférieur
à 30 % et qui procèdent à l’ouverture de leur capital à un taux
et Collecte des données
additionnel au moins égal à 20 % et ce, pendant cinq ans ; elles L’étude empirique porte sur 39 entreprises, dont 24 sont cotées
bénéficient d’un taux d’impôt sur les sociétés de 20 % pendant à la Bourse des Valeurs Mobilières de Tunis (BVMT) et opèrent
cinq ans à partir de leur admission. D’ailleurs, le taux de l’impôt dans différents secteurs d’activité et 15 non cotées, sur une
sur les sociétés est fixé à 10 % pour certaines entreprises dont période de 7 ans allant de l’année 2003 à l’année 2009. De la
celles exerçant une activité artisanale, agricole, de pêche ou population initiale des sociétés cotées, nous avons exclu les
d’armement de bateaux de pêche… En outre, ce taux est fixé à entreprises relevant du secteur financier (telles que les banques,
35 % pour d’autres entreprises dont les opérateurs de réseaux les compagnies d’assurance, les sociétés d’investissement…)
des télécommunications, les sociétés de services dans le secteur du fait de leurs spécificités comptables et fiscales9. Nous avons
des hydrocarbures, les entreprises exerçant dans le secteur de également exclu les entreprises totalement exportatrices étant
production et de transport des hydrocarbures et soumises à un donné qu’elles sont soumises à un régime particulier d’exonération
régime fiscal dans le cadre de conventions particulières et les des bénéfices. D’ailleurs, et faute de disponibilité des données
entreprises de transport des produits pétroliers par pipe-line… pour certaines entreprises sur toute la période de l’étude, nous
Dès lors, eu égard à la variation du taux d’imposition, nous suggé- avons éliminé les entreprises qui ont été radiées de la cote les
rons que les entreprises tunisiennes, ayant un taux d’imposition premières années de l’étude, et celles qui sont nouvellement
élevé, paient davantage d’impôts que les firmes à taux d’imposition introduites en Bourse. De ce fait, notre échantillon est un panel
moins élevé. En conséquence, dans ces firmes, les dirigeants non cylindré, dont le nombre total d’observations est de 234
choisissent les méthodes qui permettent d’altérer le bénéfice observations firmes – année.
imposable et d’amoindrir le fardeau fiscal ce qui entraîne des Pour la collecte des données, pour les sociétés cotées, les
divergences discrétionnaires importantes au niveau des résultats données sont extraites des états financiers et des informations
comptable et fiscal. annexes publiées par la BVMT, ainsi que des notes annexes
Hypothèse 2c : Il existe une relation positive et significative publiées dans la documentation (bulletins officiels et rapports
entre le taux d’imposition sur les bénéfices et les divergences annuels) fournie par le Conseil du Marché Financier (CMF) tunisien.
discrétionnaires. Concernant les sociétés non cotées, nous avons obtenu les
informations relatives à celles retenues du conseil du marché
financier de la documentation (bulletins officiels et rapports
2.3.3. Les facteurs liés aux incitations à la gestion annuels) fournies par ce dernier. Pour le reste des entreprises
des résultats non cotées, nous avons sollicité l’information auprès des cabinets
des experts comptables des firmes en question.
La taille de la firme
L’hypothèse de la visibilité politique stipule que la taille de la
firme est généralement utilisée comme un indicateur de visibilité 3.2. Définition et mesure des variables
politique de la firme. En effet, l’hypothèse avance que les firmes
de grande taille sont plus vulnérables à des pressions politiques Variable à expliquer : les divergences discrétionnaires (DIV _DIS)
que celles de petite taille, dans la mesure ou une grande taille La variable à expliquer correspond aux divergences discré-
indique que la firme génère plus de profits et est donc plus apte tionnaires entre le résultat comptable et le résultat fiscal. Ce
à financer le budget de l’Etat par les prélèvements effectués par phénomène est représenté par une variable continue obtenue à
ce dernier (R.L. Watts et J.L. Zimmerman, 1978 ; B. Raffournier, partir de l’estimation de l’équation (1) relative aux divergences
1990). En l’occurrence, les dirigeants, cherchant à réduire leur totales et de l’équation (2) relative aux divergences discrétion-
visibilité politique et par la suite les coûts politiques et fiscaux,
se voient incités à réduire le bénéfice diffusé au public. Nous 9. En fait, ces entreprises sont soumises à des normes sectorielles où les
techniques de la comptabilité financière diffèrent de celles des autres entre-
suggérons donc que les dirigeants des entreprises de grande taille prises industrielles, commerciales et de services.

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité 189

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naires. Pour estimer les divergences discrétionnaires, nous D CHAit : représente la croissance du chiffre d’affaires. Cette
nous penchons sur la démarche suivie par T.Y. Tang et M. Firth variable sert à contrôler l’effet des créances irrécouvrables. La
(2010). Cette dernière passe par trois étapes. La première étape croissance du chiffre d’affaires est mesurée par : chiffre d’affaires
consiste à déterminer les divergences totales entre le résultat en t – chiffre d’affaires en t-1.
comptable et le résultat fiscal. La deuxième étape consiste à eit : le terme d’erreur de la firme i à l’année t. Il constitue la partie
estimer le modèle de régression à partir duquel les divergences non expliquée par les facteurs liés aux différences de traitement
non discrétionnaires vont être déterminées. Enfin, la troisième entre la comptabilité et la fiscalité. Il est lié à la composante
étape consiste à déterminer les divergences discrétionnaires discrétionnaire des divergences comptabilité – fiscalité.
par la différence entre les divergences totales et celles non La variation du chiffre d’affaires (D CHA), les investissements
discrétionnaires. corporels (D INV) et le fonds commercial sont censés affecter
Les divergences comptabilité – fiscalité, expliquées par les diffé- négativement les divergences comptabilité – fiscalité, cependant,
rences de traitement entre les règles comptables et les règles la rentabilité (RENT) affecte positivement ces divergences.
fiscales, ainsi que par les pratiques discrétionnaires de gestion Ces facteurs déterminent bien les divergences non discrétion-
des résultats et de gestion fiscale, s’écrivent comme suit : naires entre le résultat comptable et le résultat fiscal.
DIV COMP – FIS = DIV _NDIS + DIV_DIS DIV_NDIS est estimé sur la base de l’équation correspondante aux
Avec DIV COMP – FIS (équation 1). En fait, l’estimation de l’équation
DIV COMP – FIS : représente les divergences totales entre le (1) par la méthode des moindres carrés ordinaires et en coupes
résultat comptable avant impôts et le résultat fiscal imposable. transversales, pour chaque firme de l’échantillon, nous permet
DIV_NDIS : représente les divergences qui sont dues aux diffé- l’équation (2) suivante relative aux divergences non discrétion-
rences de traitement entre le droit comptable et le droit fiscal. naires DIV_NDIS :
DIV_DIS : représente les divergences qui sont dues aux pratiques DIV_NDISit = b0 + b1 FCLit + b2 D INVit + b3 RENTit
discrétionnaires de gestion des résultats et à la gestion du + b4 DCHAit (équation 2)
paramètre fiscal.
Pour estimer les divergences discrétionnaires, et dans une Enfin, dans une troisième étape, nous estimons les divergences
première étape, nous présentons et expliquons les divergences discrétionnaires (DIV_DIS). DIV_DIS est le résidu obtenu par la
totales à partir de facteurs liés aux différences de traitement différence entre DIV COMP-FIS (équation 1) et DIV_NDIS estimés
entre les règles comptables et la législation fiscale. Ensuite, par les estimateurs b de l’équation 2. Dès lors, DIV_DIS = DIV
nous estimons le modèle correspondant aux divergences totales COMP-FIS – DIV_NDIS.
en coupes transversales, pour enfin estimer les divergences DIV_DISit = Div COMP – FISit – (b0 + b1 FCLit + b2 DINVit
discrétionnaires. + b3 RENTit + b4 D CHAit) (équation 3)
Les mesures utilisées dans toutes les régressions, à l’exception
En fonction de facteurs liés aux différences de traitement entre de la rentabilité, sont normées par le total des actifs pour limiter
le droit comptable et le droit fiscal, les divergences totales se les problèmes d’hétéroscédasticité.
présentent selon la régression suivante :
DIV COMP – FISit = b0 + b1 FCLit + b2 D INVit + b3 RENTit
+ b4 D CHAit + eit (équation 1)
Variables explicatives : REP-DEF, REIN-BEN,
Avec AC-DISC, AMT, STOCK, TAUX, LOGTA
DIV COMP – FISit : les divergences totales entre le résultat
comptable et le résultat fiscal, égales au : résultat comptable
avant impôts – résultat fiscal imposable.
Mesure de la gestion fiscale des reports déficitaires
FCLit : représente la valeur brute du fonds commercial telle qu’elle combinée avec la gestion des résultats (REP-DEF)
figure au niveau du bilan.
D INVit : représente la variation dans les investissements corporels La variable REP-DEF est une variable binaire qui prend la valeur
et est égale à la variation de la valeur brute des immobilisations ‘1’ si l’entreprise impute des reports déficitaires et ‘0’ sinon
corporelles entre t et t-1. Cette mesure a été adoptée par G.J. (G.J. Manzon et G. Plesko, 2002 ; T.Y. Tang et M. Firth, 2010 ;
Manzon et G. Plesko (2002) et T.Y. Tang et M. Firth (2010), et M. Frank et al. 2009).
est introduite dans le modèle pour contrôler l’effet des immobi-
lisations corporelles via leur dépréciation sur les divergences Mesure de la gestion fiscale par réinvestissement
non discrétionnaires.
RENTit : représente la rentabilité de la firme. Elle sert à contrôler des bénéfices, combinée avec la gestion
la tendance des firmes bénéficiaires à investir dans des activités des résultats (REIN-BEN)
qui bénéficient de mesures fiscales avantageuses. La rentabilité
est une variable binaire égale à ‘1’ si la firme affiche un bénéfice Le réinvestissement des bénéfices (REIN-BEN) est une variable
comptable avant impôts, et ‘0’ sinon. dichotomique qui prend la valeur ‘1’ si l’entreprise pratique la

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190 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité
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gestion fiscale à travers le réinvestissement des bénéfices, et combinée avec celle de l’amortissement linéaire, et ‘0’ si la
‘0’ sinon (I. El Aissi, 2010). méthode adoptée est celle du linéaire.

Mesure de la gestion fiscale moyennant la gestion Mesure de la gestion fiscale à travers le choix de
des résultats (AC-DISC) la méthode de valorisation des stocks (STOCK)
Le calcul des accruals courants passe par trois étapes (D.A. La variable STOCK est une variable dichotomique égale à ‘1’ si
Guenther, 1994). La première étape réside dans le calcul des l’entreprise adopte la méthode CMP, et ‘0’ si la méthode appli-
accruals courants. La deuxième étape consiste en l’estimation quée est celle du FIFO.
du modèle des accruals courants en fonction de la variation
du chiffre d’affaires, pour enfin, et dans une troisième étape Mesure de la gestion fiscale liée à la variation du
déterminer les accruals discrétionnaires.
Le modèle relatif aux accruals courants (AC_C) s’écrit comme suit : taux d’imposition (TAUX)
AC_Cit = D ACit – D LIQit – (D PCit – D DLTit – D IPit) La variable taux d’imposition (TAUX) est égale au taux de l’impôt
Avec, sur les bénéfices (T.Y. Tang et M. Firth, 2010).
D ACit = variation de l’actif courant
D LIQit = variation de la liquidité (caisse et banque) Mesure de la taille de la firme (TAILLE)
D PCit = variation du passif courant
D DLTit = variation des dettes à long terme figurant parmi le La taille est mesurée par le logarithme naturel du total de l’actif.
passif courant
D IPit = variation de l’impôt à payer
D.A. Guenther (1994) considère qu’en absence de gestion des 3.3. Définition du modèle d’analyse
résultats, les actifs courants et les passifs courants à la date
t sont chacun fonction du chiffre d’affaires total (D CHA) à la Dans la présente recherche, le phénomène à expliquer correspond
date t. Dès lors, et en se penchant sur la démarche adoptée aux divergences discrétionnaires. Nous présentons le modèle qui
par D.A. Guenther (1994), le modèle relatif aux accruals non va servir de base pour tester les hypothèses de notre recherche
discrétionnaires s’écrit comme suit : sous la forme de la régression suivante :
AC_Cit = bi D CHAit + eit DIV_DISit = b0 + b1 REP-DEFit + b2 REIN-BENit + b3 AC_DISCit
Ensuite, et dans une deuxième étape, nous estimons le modèle + b4 AMOTit + b5 STOCKit + b6 TAUXit + b7 TAILLEit + eit
de régression linéaire concernant les accruals courants par la (équation 4)
méthode des moindres carrés ordinaires pour chaque entreprise
de l’échantillon. Avant l’estimation du modèle de régression,
toutes les mesures sont divisées par la valeur de l’actif total de 3.4. Résultats de la recherche
début de période pour réduire les problèmes d’hétéroscédasticité.
AC_Cit/TAit-1 = bi (D CHAit/TAit-1) + eit 3.4.1. Statistiques descriptives et analyse univariée
Avec, Le tableau 1 ci-dessus montre qu’en moyenne les firmes de
AC_Cit = accruals courants à l’instant t l’échantillon enregistrent des divergences discrétionnaires pour
TAit-1 = actif total à l’instant t-1 0,19 % du total actif. Elles gèrent le résultat vers la hausse, en
D CHAit = variation du chiffre d’affaires moyenne, pour 0,24 % du total actif, au moment où elles pratiquent
eit = terme d’erreur la gestion fiscale des résultats vers la baisse avec un plafond de
bi est le coefficient estimé de l’équation pour chaque firme. 42 % du total actif. Leur taille moyenne, telle que mesurée par
Enfin, la dernière étape consiste à déterminer les accruals discré- le logarithme naturel du total des actifs, est de 16,87. Le taux
tionnaires (AC_DISC). Ces derniers sont obtenus en retranchant d’imposition est en moyenne de 22 %, et plus que la moyenne
des accruals courants les accruals non discrétionnaires (D.A. de l’échantillon a un taux d’imposition de 30 %.
Guenther, 1994). Les variables du modèle sont également divisées Les résultats du tableau 2 révèlent qu’une minorité des entre-
par l’actif total pour réduire les problèmes d’hétéroscédasticité. prises de l’échantillon adopte les pratiques de gestion fiscale les
Les accruals discrétionnaires sont égaux donc à : plus avantageuses. En fait, seulement 35 % des entreprises de
AC_DISCit = AC_Cit – bi (D CHAit/TAit-1) l’échantillon pratiquent la gestion fiscale par réinvestissement
des bénéfices. De même, seulement 18,4 % des entreprises
Mesure de la gestion fiscale à travers le choix de l’échantillon pratiquent la gestion fiscale par imputation des
reports déficitaires. D’ailleurs 8,5 % des entreprises de l’échan-
de la méthode d’amortissement (AMT) tillon adoptent la méthode de l’amortissement permettant une
La variable (AMT) est une variable binaire égale à ‘1’ si les économie d’impôts, contre 91,5 % qui optent pour le linéaire.
dirigeants optent pour la méthode de l’amortissement dégressif Cependant, les résultats concernant la méthode de valorisation

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Tableau 1. Statistiques descriptives des variables DIV-DISC, AC-DISC, TAUX et TAILLE

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Variable Minimum Maximum Moyenne Médiane Ecart-type
DIV-DISC -0,115830 0,128910 -0,001993 -0,010040 0,040974
AC-DISC -0,425670 0,492520 0,002495 0,002745 0,115409
TAUX 0,00 0,35 0,22 0,30 0,14
TAILLE 10,737706 21,112587 16,877033 17,472817 2,074055

Tableau 2. Statistiques descriptives des variables REIN-BEN, REP-DEF, AMOT et STOCK

Variable Modalité Effectif Fréquence


REIN-BEN Réinvestissement des bénéfices 82 35 %
Pas de réinvestissement 152 65 %
REP-DEF reports déficitaires imputés 43 81,6 %
Pas d’imputation de reports déficitaires 191 18,4 %
AMOT Dégressif combiné avec le linéaire 20 8,5 %
Linéaire 214 91,5 %
STOCK CMP 160 68,4 %
FIFO 74 31,6 %

Tableau 3. Test de comparaison de la moyenne DIV-DISC à travers les variables REIN-BEN, REP-DEF, AMOT et STOCK

Test-t pour
Moyenne
Variable Modalité égalité des
DIV-DISC
moyennes
REIN-BEN Réinvestissement des bénéfices exonérés 0,01329232 4,350***
Pas de réinvestissement -0,01023842 (0,000)
REP-DEF reports déficitaires imputés -0,01015535 -1,449
Pas d’imputation de reports déficitaires -0,00015492 (0,149)
AMOT Dégressif combiné avec le linéaire -0,00172350 0,031
Linéaire -0,00201776 (0,976)
STOCK CMP -0,00707181 -2,521**
FIFO 0,00898946 (0,013)
*** Significatif au seuil de 1 % ** Significatif au seuil de 5 %
des stocks montrent que plus que la moitié des entreprises de tats illustrés dans le tableau, affichent une différence de 1 %,
l’échantillon adopte la méthode CMP permettant d’amoindrir la qui est significative au seuil de 5 %. Les résultats infirment nos
charge d’impôts. attentes concernant la cinquième hypothèse de la recherche.
Nous constatons, à partir des résultats du tableau ci-dessus, Pour tester l’intensité de la relation entre la variable à expliquer
que la moyenne de la variable DIV-DISC est moins élevée chez DIV-DISC et les variables explicatives AC-DISC, TAUX et TAILLE,
les firmes qui imputent des reports déficitaires, cependant nous dressons le tableau 5 ci-dessous qui affiche le coefficient
aucune différence significative n’est constatée. Ces résultats, de corrélation de Pearson.
non significatifs, révèlent une certaine ambiguïté concernant la Tableau 4. Corrélation paramétrique de Pearson entre les variables explicatives
validation de la première hypothèse de la recherche. Concernant AC-DISC, TAUX et TAILLE et la variable DIV-DISC
la deuxième hypothèse, l’examen des résultats indique que la
moyenne de la variable DIV-DISC est plus élevée chez les firmes DIV-DISC
qui pratiquent la gestion des résultats suivie par la gestion fiscale AC-DISC 0,154***
(0,009)
par réinvestissement des bénéfices exonérés. Les résultats du
TAUX 0,065
test-t permettent bien de confirmer la deuxième hypothèse de
(0,163)
la recherche. En ce qui concerne la variable AMOT, la différence
TAILLE 0,098*
de la moyenne des divergences discrétionnaires entre les deux (0,067)
groupes de firmes est presque de 0,03 %. Cependant aucune *** La corrélation est significative au seuil de 1 %
différence significative n’est affichée par le test t. Pour la diffé- * La corrélation est significative au seuil de 10 %
rence de la moyenne des divergences comptabilité – fiscalité
entre les firmes qui optent pour la méthode de valorisation des L’examen des résultats du test de corrélation s’affichant au
stocks CMP, et celles qui optent pour la méthode FIFO, les résul- tableau indique une relation positive et significative entre la

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gestion fiscale des résultats (variable AC-DISC) et les divergences à 10, avec une moyenne égale à 3, ce qui fait qu’il n’existe pas
discrétionnaires. Ces résultats corroborent nos prédictions qui de problème de multicolinéarité entre les variables du modèle
font que les entreprises sont incitées à pratiquer la gestion des (Enders, 2004).
résultats vers la baisse, ce qui permet de réduire le bénéfice Nous présentons, dans le tableau 6, les résultats du modèle
imposable, moyennant les accruals courants. La corrélation de régression au sens des moindres carrés ordinaires, tel que
entre la variable TAUX et les divergences discrétionnaires est corrigé du problème d’hétéroscédasticité.
positive mais non significative. Ces résultats opposent la sixième Tableau 6. Estimation des paramètres relatifs au modèle explicatif des diver-
hypothèse de la recherche. La corrélation entre la variable TAILLE gences discrétionnaires
et les divergences discrétionnaires est positive et statistiquement
significative. Ces résultats convergent avec l’hypothèse de la Variables indépen- Signe
Coefficient t P>|t| VIF
visibilité politique et confirment nos prédictions concernant la dantes prévu
septième hypothèse de la recherche. REIN-BEN + -0.000318 0.04 0.969 1.91
REP-DEF + -0.0141019 1.49 0.137 1.47

3.4.2. Résultats de l’analyse multivariée AC-DISC


AMOT
+
+
0.0613083***
0.0036337
3.17
0.36
0.002
0.722
1.03
1.19
Le modèle d’analyse est un modèle de régression linéaire appliqué STOCK + 0.0378499* 1.73 0.086 3.51
à des données de panel, et estimé par la méthode des moindres TAUX + -0.0175804 0.58 0.564 4.09
carrés ordinaires. L’économétrie de panel permet de contrôler TAILLE + 0.0226324** 2.12 0.036 7.78
l’effet spécifique représentant l’hétérogénéité individuelle non R2 55.5 %
observable des observations soit en supposant un effet fixe, F 2.65**
soit un effet aléatoire (P. Sevestre, 2002). De ce fait, lorsqu’on Sig (0.012)
travaille avec des données de panel, la prise en compte de l’hété- *** Coefficient significatif au seuil de 1 %
rogénéité individuelle inobservable des individus nous conduit ** Coefficient significatif au seuil de 5 %
à introduire dans le modèle une variable ai représentant l’effet * Coefficient significatif au seuil de 10 %
spécifique de cette hétérogénéité individuelle. En effet, l’ajout Les résultats du modèle de régression révèlent que le modèle
dans le modèle empirique d’un effet fixe traduisant l’effet spéci- est bien spécifié avec un R2, mesurant le pouvoir explicatif du
fique individuel de chaque firme ou l’hétérogénéité individuelle modèle, de l’ordre de 55,5 %. Ce résultat illustre que la variabilité
implique la possibilité de la variable dépendante de varier selon des variables explicatives expliquant celle de la variable expliquée
les firmes, indépendamment des variables explicatives incluses DIV-DISC est de l’ordre de 55,5 %. Concernant la significativité
dans le modèle de régression. L’économétrie de panel permet de globale du modèle, la statistique de Fisher, qui est de l’ordre
contrôler cet effet spécifique soit en supposant un effet fixe certain de 2,65, montre que le modèle est globalement significatif à
soit un effet aléatoire non observable (P. Sevestre, 2002). Pour un seuil de 5 %.
cela, l’estimation de ce modèle sous données de panel suggère À l’encontre des résultats des tests univariés qui semblent être
des tests préalables afin de spécifier le modèle. Il s’agit d’un mitigés quant à l’explication des divergences discrétionnaires,
test de Fisher pour l’estimation du modèle en supposant, dans il ressort des résultats des tests multivariés que seulement les
un premier temps, un effet fixe certain, puis, dans un second variables AC-DISC, STOCK et TAILLE expliquent les divergences
temps, un effet aléatoire ; par la suite le test de Hausman est discrétionnaires.
approprié afin de spécifier la nature de l’effet. En effet, le coefficient de la variable AC-DISC est positif et
Tableau 5. Test de Hausman statistiquement significatif au seuil de 1 %, prouvant ainsi que
la gestion fiscale des résultats vers la baisse est positivement
Modèle liée aux divergences comptabilité – fiscalité, notamment les
Test de Chi (2) 13.43* (0.0622) divergences discrétionnaires (b = 0.0613083 et t = 3.17). Ces
* significatif au seuil de 10 % résultats, permettant de confirmer l’hypothèse H1c à un seuil
de 1 %, mettent ainsi en évidence l’effet positif de la gestion
Les résultats de l’estimation de ce modèle sous données de fiscale combinée avec la gestion des résultats sur les divergences
panel à l’aide du logiciel STATA montrent que le modèle à effet discrétionnaires, et, abondent dans le sens de nos prédictions.
fixe est plus significatif. En fait, la probabilité du test de spéci- Ces résultats corroborent ceux mis en lumière par M. Frank et
fication de Hausman est inférieure à 10 %. Par la suite, nous al. (2009) et R. Wilson (2009).
avons testé la validité de notre modèle après avoir corrigé le D’ailleurs, le coefficient de la variable STOCK est positif et
problème d’hétéroscédasticité (H. White, 1980). D’ailleurs, statistiquement significatif au seuil de 10 %, prouvant ainsi la
l’application de la régression linéaire requiert de s’assurer de validité de l’hypothèse H2b de la recherche, qui met en évidence
l’absence d’un problème sérieux de multicolinéarité entre les l’impact de la gestion fiscale à travers le choix de la méthode
variables explicatives. Les résultats du test de multicolinéarité de valorisation des stocks sur les divergences comptabilité –
(VIF) montrent qu’aucune variable ne présente un VIF supérieur fiscalité, notamment les divergences discrétionnaires.

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 263-264 – Comptabilité 193

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En outre, le coefficient de la variable TAILLE est positif et statis- En distinguant entre les divergences non discrétionnaires, qui
tiquement significatif, ce qui permet de corroborer l’hypothèse sont dues aux différences de traitement entre la réglemen-
H3 de la recherche à un seuil de 5 %, qui teste l’effet de la tation comptable et la législation fiscale, et les divergences
gestion des résultats, faite dans le but d’échapper aux coûts discrétionnaires, nous testons l’effet de certains facteurs liés
politiques et aux prélèvements qui grèvent les bénéfices réalisés à la gestion fiscale, d’autres liés à la gestion des résultats et
par les entreprises de grande taille, quant à l’explication des d’autres facteurs liés à la combinaison des deux pratiques de
divergences discrétionnaires. Ces résultats, qui abondent dans gestion comptable des résultats et de gestion fiscale sur les
le sens de l’hypothèse des coûts politiques, indiquent que divergences discrétionnaires. Les résultats des tests de l’esti-
dans le contexte tunisien, ladite hypothèse, qui postule que mation linéaire sous données de panel révèlent que la gestion
les entreprises de grande taille sont sujettes à des pressions des résultats, motivée fiscalement, moyennant les accruals
politiques se matérialisant par des prélèvements communément discrétionnaires courants affecte positivement les divergences
constitués par l’impôt, est valide. D’un autre côté, les résultats discrétionnaires. Les résultats montrent aussi que les dirigeants
concernant la variable REP-DEF infirment l’hypothèse H1a de choisissent les méthodes comptables, qui sont connues pour
la recherche dans la mesure où le coefficient b est négatif et leur rôle en matière de minimisation de la charge d’impôts, ce
statistiquement non significatif. Selon ces résultats, la gestion qui entraîne des divergences discrétionnaires importantes. En
fiscale des reports déficitaires combinée avec la gestion des outre, la gestion des résultats dans les firmes de grande taille,
résultats n’affecte pas les divergences comptabilité – fiscalité. qui vise à minimiser les coûts politiques, affecte positivement
Ces résultats ne convergent pas avec ceux mis en lumière par les divergences discrétionnaires.
R. Shabou et T.N. Boulila (2002) qui constatent que les firmes Les résultats de la présente étude s’avèrent intéressants pour
tunisiennes sont incitées à pratiquer la gestion des résultats afin deux raisons essentielles. La première raison tient au fait que
de bénéficier de l’avantage fiscal lié à l’imputation des reports cette étude est, à notre connaissance, la première tentative
déficitaires, et par la suite de l’économie d’impôts qui en découle. essayant d’investiguer, dans le cadre d’une étude scientifique,
Ces résultats divergent aussi avec les résultats obtenus par M. les divergences comptabilité – fiscalité dans le contexte tunisien.
Frank et al. (2009) et R. Wilson (2009) qui suggèrent et trouvent La deuxième raison réside dans la particularité de la méthodo-
que les firmes qui sont incitées à gérer le résultat comptable
logie adoptée afin de mesurer l’intensité des différences entre la
vers la hausse, d’un côté, gèrent le bénéfice imposable vers
comptabilité et la fiscalité ; en effet, dans la littérature, plusieurs
la baisse, de l’autre côté. Les résultats concernant la variable
chercheurs ont essayé de quantifier ces différences.
REIN-BEN rejettent nos prédictions concernant l’hypothèse H1b
Cependant, comme tout travail de recherche, notre étude peut
de la recherche. Ces résultats peuvent indiquer que, contrai-
présenter certaines limites. En effet, on a pris en compte certains
rement à nos prédictions, le réinvestissement des bénéfices
facteurs pouvant affecter les divergences discrétionnaires
dans le contexte tunisien peut être une source de création de la
alors qu’une amélioration des prédictions pour la détection
valeur, plutôt qu’une variable sur laquelle les dirigeants peuvent
des pratiques de gestion des résultats et de gestion fiscale
souhaiter agir afin de maximiser les fonds mis à leur disposition
nécessite de mieux apprécier les facteurs explicatifs des diver-
et donc leur richesse. Le coefficient de la variable AMOT est
gences comptabilité – fiscalité en tenant compte de l’ensemble
positif mais statistiquement non significatif, ce qui ne permet
des préposés pouvant expliquer ces divergences. D’ailleurs les
pas de confirmer l’hypothèse H2a. De ce fait, la gestion fiscale
divergences résultant des pratiques discrétionnaires peuvent
moyennant le choix de la méthode d’amortissement n’affecte
indiquer sur la qualité de l’information dévoilée aux investisseurs.
pas les divergences discrétionnaires. Les résultats concernant
Dès lors, il convient de s’interroger non seulement sur le sens
la variable TAUX infirment l’hypothèse H2c de la recherche vu
et l’intensité de l’impact de ces facteurs sur les divergences
que le coefficient correspondant est négatif et statistiquement
comptabilité – fiscalité, mais aussi sur l’impact sur la qualité
non significatif. Dès lors, ces résultats n’impliquent pas que
les firmes, dont le taux d’imposition est élevé, sont incitées à de l’information dévoilée.
pratiquer la gestion fiscale afin de minimiser le fardeau fiscal,
ce qui est contraire à nos prédictions, ainsi qu’aux résultats
obtenus par T.Y. Tang et M. Firth (2010).
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Annexes

Annexe 1 : Répartition des sociétés de l’échantillon par année


Echantillon Nombre des sociétés cotées Nombre des sociétés non cotées Total
Entreprises 24 15 39
Observations par année 2003 19 7 26
2004 20 9 29
2005 22 14 36
2006 24 12 36
2007 24 14 38
2008 22 14 36
2009 19 12 33
Période d’observation 7 ans 7 ans 234

Annexe 2 : Répartition de l’échantillon par secteur d’activité


Secteur d’activité Nombre de firmes – année
Cotées Non cotées
Secteur industriel
Agroalimentaire 18 4
Equipements et matériaux de construction 32 0
Céramique et verrerie 13 0
Chimique 7 10
Industries diverses 43 22
Total des entreprises industrielles
Secteur commercial
Total des entreprises commerciales 27 10
Secteur des services
Total des entreprises de services 20 22
Total des entreprises – année 166 68

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