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tate que si le rapport des tailles est bien le para- Indice des vides

mètre principal contrôlant « l'affinité de remplis-


sage'» de deux classes, des disparités importantes
apparaissent pour des couples de même étendue.

Obtention de points expérimentaux


pour les compacités propres
et pour les coefficients d'interaction
Les compacités propres expérimentales des classes
unimodales correspondent, en principe, au résultat
des mesures sur les classes pures (points extrêmes
dans les mélanges binaires). Cependant, à l'examen
des différents mélanges binaires, on constate que
les compacités propres obtenues par régression
linéaire sont presque systématiquement plus fortes
que les valeurs expérimentales. C'est probablement
une manifestation du phénomène d'attrition. En
effet, comme dit plus haut, les mêmes granulats ont O 1 I I
été utilisés pour les diverses mesures, de sorte que O 0,s 1
Petits / Petits + gros
durant les passages successifs dans la machine
Deval et dans le moule vibré, une certaine usure est Fig. 8 - Dépouillement des courbes binaires. lndice des vides
en fonction de la proportion de petits grains.
apparue, diminuant la rugosité des grains et aug-
mentant leur propension à s'empiler. On remarqua
ainsi une production de fines pendant les essais. Le Compacité

phénomène fut d'ailleurs beaucoup plus marqué /-\


pour les granulats concassés, et jette malheureuse-
ment un discrédit sur l'ensemble des mesures réali-
sées avec cette famille, comme on le verra dans la
suite de l'étude.
Chaque mélange binaire de classes pures fournit
donc un point expérimental pour chacun des deux
coefficients d'interaction a et b. En s'intéressant à la
relation entre indice des vides (2) et proportion
volumique de petits grains, on constate que la
courbe a l'allure de deux droites raccordées par une
partie courbe, droites dont les pentes expriment
directement l'interaction granulaire entre les classes I 1 I I I
(fig. 8). Dans le cas d'une viscosité de référence O 20 40 60 80 1O0
infinie, lorsque compacités réelles et virtuelles sont Petits (%)
confondues, on montre facilement, à partir des Fig. 9 - Compacité théorique d'un mélange binaire de
équations du modèle, les égalités suivantes : sphères de tailles respectives 1 et 8 (unités arbitraires), pour
des compacités propres expérimentales constantes (égales a
0.64) et des viscosités relatives variables (de la plus haute à
la plus basse : ldO- 10' - 1.36 1 6 - 1 d - 50).

TABLEAU V
Valeurs de la fonction a d'effet de desserrement

Dans le cas général, pour une viscosité de référence


quelconque, un dépouillement rigoureux des courbes
binaires pour identifier les valeurs des fonctions
d'interaction conduirait à des calculs très lourds. TABLEAU VI
Heureusement, pour les grandes valeurs de visco- Valeurs de la fonction b d'effet de paroi

(2) On rappelle que l'indice des vides correspond au


rapport entre volume des vides et volume solide dans un
mélange granulaire. On a évidemment e = llc - 1.

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sité, qui correspondent aux empilements serrés, Cette hypothèse d'erreur sur les tailles n'explique
l'expérience numérique montre que les courbes cependant pas les deux valeurs négatives de la
binaires admettent des tangentes à peu près identi- fonction b, obtenues dans les mélanges R8/R05 et
ques à celles du modèle à viscosité infinie (fig. 9). Il C81C05. Pour ces couples de grains, du côté des
est donc légitime, vu la dispersion des valeurs expé- « petits dominants », la compacité évolue plus vite
rimentales, d'appliquer les formules ci-dessus. Les que dans le cas sans interactions. En d'autres ter-
points obtenus apparaissent aux tableaux V et VI. mes, les petits grains subissent un « anti-effet de
paroi ». Tout se passe comme si la compacité
propre des petits grains était plus élevée en pré-
Lissage sence de quelques gros grains, que dans le cas où
Sur les figures 10 et 11, on a affiché les points les petits grains sont empilés isolément. En fait,
expérimentaux en fonction du rapport des tailles cette constatation renvoie à l'effet de la vibration
de grains. On constate que les coefficients d'inter- sur le compactage. Très probablement, les gros
action augmentent avec le rapport d,/d,, ce qui est grains isolés ont servi, en quelque sorte, de vibra-
conforme à la théorie. Ils semblent aussi, à pre- teurs internes pour le mélange des petits grains
mière vue, dépendre d'autres paramètres. Pourtant, [Il]. Au niveau du lissage, on a choisi de négliger
il n'y a pas de classement systématique entre gra- ce phénomène, désirant garder un modèle le plus
nulats roulés et concassés, ou encore entre granu- général possible, et s'appliquant éventuellement à
lats grossiers ou fins (cas des mélanges 418 mm des mélanges non vibrés (cJ: article II, p. 00).
comparés aux mélanges 0,511 mm). Par ailleurs, il
faut savoir que les tamis utilisés dans les maté- Les points expérimentaux des coefficients d'inter-
riaux de génie civil souffrent de certains défauts action s'alignent assez bien sur les courbes
(défauts initiaux ou résultant de l'usure exercée décrites par les équations simples suivantes :
par les granulats). Ainsi, le rapport réel de taille
entre des classes de rapport théorique égal à 1/2
peut sans doute varier entre 0,4 et 0,6, de sorte
qu'une analyse plus poussée de la répartition en
taille des différentes classes conduirait probable-
ment à des translations horizontales des différents Avec ces fonctions d'interaction, identiques pour
points expérimentaux sur les figures 8 et 9. C'est tous les granulats testés, on lisse les valeurs expéri-
pourquoi la dispersion des points expérimentaux mentales des mélanges binaires avec une erreur
autour des courbes de lissage n'est pas forcément moyenne en valeur absolue égale à 0,0083 pour les
le signe de l'influence d'un paramètre caché, lié, granulats roulés, et à 0,0187 pour les mélanges
par exemple, à la forme des grains. concassés. Par comparaison, les moyennes des écart-

Fonction a
I Fonction b

Fig. 10 - Lissage de la fonction a décrivant l'interaction Fig. 1 1 - Lissage de la fonction b décrivant l'interaction
binaire de type effet de desserrement ,a. Valeurs de a en binaire de type cc effet de desserrement >B. Valeurs de b en
fonction du rapport d, Id,. Les cercles correspondent aux fonction du rapport d, Id,. Les cercles correspondent aux
granulats roulés, et les carrés aux granulats concassés. granulats roulés, et les carrés aux granulats concassés.

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types internes des mesures de compacité, caractéri- Il reste à présent à évaluer la précision du modèle
sant leur reproductibilité, sont respectivement de sur d'autres mesures de mélanges binaires, et sur
0,0026 (roulés) et 0,0078 (concassés). On peut des mélanges multimodaux. Il importe notamment
donc raisonnablement penser que la meilleure qua- de voir dans quelle mesure le modèle peut traiter,
lité du lissage obtenue pour. les granulats roulés avec les fonctions d'interaction déterminées dans
provient de la stabilité des matériaux, plutôt que le présent article, des matériaux de morphologie
d'une meilleure adaptation du modèle, dans ses différente. Si tel n'était pas le cas, l'intérêt pra-
fondements théoriques et dans les valeurs des coef- tique du modèle disparaîtrait, étant donné la lour-
ficients, aux granulats de forme quasi-sphérique. deur des expériences nécessaires à son étalonnage.

[Il FERET R. (1894), Compacité des mortiers hydrau- [7] MOONEY M. (1951), The viscosity of concentrated
liques, Annales P. et Ch. suspensions of spherical particles, Journal of
Colloïds and Interface Science, vol. 6, p. 162.
[2] CUMBERLAND D.J., CRAWFORD R.J. (1987), The
Packing of Particles, J.C. Williams and T. Allen [8] EINSTEIN A. (1906), Investigation on the theory of
ed., Elsiever. Brownian movement, Annalen Der Physik, vol. 4,
19, pp. 289-306.
[3] STOVALL T., de LARRARD F., BUIL M. (1986),
Linear Packing Density Model of Grain Mixtures. [9] de LARRARD F., SEDRAN T . (1994), Optifnization
Powder Technology, vol. 48, 1, sept. of Ultra-High Performance Concrete by Using a
Packing Model, Cement and Concrete Research,
[4] de LARRARD F. (1988), Formulation et propriétés vol. 24, 6, pp. 997-1009.
des bétons à très hautes performances, Thèse de
Doctorat de 1'Ecole Nationale des Ponts et [IO] CINTRE M. (1988), Recherche d'un mode opéra-
Chaussées, Rapport de Recherche des LPC, 149, toire d e mesure d e compacité d e mélanges vibrés à
mars. sec d e classes élémentaires d e granulats, Rapport
LRPC de Blois, janv.
[5] de LARRARD F., BUIL M. (1987), Granularité et
Compacité dans les matériaux de Génie Civil, [ i l ] AITCIN P.-C., ALBINGER J.-M. (1989), Les Bétons
Matériaux et Construction, RILEM, vol. 20, à Hautes Performances - Expériences nord-améri-
pp. 117-126, mars-avr. caine et française, Annales d e L'ITBTP, 473,
mars-avr., p. 149.
[6] CAQUOT A. (1937), Rôle des matériaux inertes
dans le béton, Mémoire de la Société des
Ingénieurs Civils de France.

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2.3.2. Validation. Cas des mélanges confinés [14]

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Prévision de la compacité
des mélanges granulaires
par le modèle
de suspension solide
II - Validation
Cas des mélanges confinés

Thierry SEDRAN
Ingénieur TPE
Section. Formulation et mise en oeuvre

François de LARRARD
Docteur ENPC
Chef de la section Formulation et mise en œuvre
Division Béton et ciment pour ouvrages d'art
Laboratoire Central des Ponts et Chaussées

Daniel ANGOT
Assistant
Section Bétons ouvrages d'art
Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Blois

RÉSUMÉ
Dans ce deuxième article, la validation du
modèle de suspension solide est effectuée par
comparaison prévisionslexpérience portant sur
des mélanges divers, étant donné :
l'origine des résultats : originaux ou tirés de la
littérature ; Rappel
la distribution granulaire : mélanges binaires, Le modèle de suspension solide est un modèle analytique,
ternaires, granularités discontinues à six classes,
granularités continues de grande étendue ; permettant un calcul théorique de la compacité d'un
mélange granulaire à partir de caractéristiques des consti-
le type de grains : billes de verre, granulats tuants (les compacités propres), des proportions du
roulés ou concassés ;
mélange et d'une grandeur qualifiant l'intensité du com-
le mode de mise en place des mélanges : sim- pactage, la viscosité relative de référence. Dans la première
plement versés, piqués, vibrés et compactés.
partie de cette étude, les fondements théoriques du modèle
L'erreur du modèle est en général inférieure à ont été présentés, et son étalonnage a été effectué grâce à
1 % en valeur absolue. De plus, on montre que
l'on peut étendre le modèle au cas des des mesures de compacité de mélanges binaires, relatifs à
mélanges confinés dans de petits récipients. On deux familles de granulats (roulés et concassés). Dans cette
conclut sur les perspectives d'emploi du modèle, deuxième partie, on s'attachera tout d'abord à valider le
qui sont grandes, notamment en formulation des
matériaux granulaires de génie civil. modèle en comparant prévisions et mesures sur plusieurs
MOTS CLÉS : 36 - Compacité - Prévision -
groupes de données, portant sur des mélanges binaires et
Mélange - Granulat -
Modèle mathématique - multimodaux. Puis on montrera comment le modèle
Essai - Granulométrie (granularité) - Évaluation - permet de traiter le cas des mélanges confinés, pour les-
Erreur - Roulé - Roche concassée Perle de - quels les dimensions du récipient ne sont pas nécessaire-
verre.
ment grandes devant la taille du plus gros grain du mélange.

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Validation sur les mélanges du Expériences préliminaires
Laboratoire Régional des Ponts sur mélanges binaires
et Chaussées (LRPC) de Blois Pour les résultats consignés sur la figure 1 et dans
le tableau 1, le mode de mélange et de versement
Outre les mélanges binaires. déjà décrits dans le dans le moule fut identique à celui adopté pour les
premier article, d'autres essais ont été entrepris au mesures d'étalonnage relatées dans le premier arti-
laboratoire de Blois. Des essais préliminaires sur cle. Trois tranches granulaires, pour chaque
mélanges binaires, mais utilisant d'autres sources famille, ont permis de réaliser quatre séries de
de granulats, ont permis d'étudier le mode opéra- mélanges binaires. Pour chaque mélange testé, une
toire de mesure de compacité [l]. Puis on a réalisé première mesure a été effectuée sur le mélange
une série de mélanges ternaires, en recherchant, non vibré. Puis un processus de vibration a été
pour les deux familles de granulats, la combi- appliqué, légèrement différent de celui adopté pour
naison conduisant à la plus forte compacité. Enfin, tous les essais ultérieurs (soit une minute de plus
des granularités continues, proches de celles qui pour la première séquence, à l'amplitude 80).
sont couramment utilisées dans les formulations de Après la vibration, une seconde mesure était prise,
béton hydraulique, ont fait également l'objet d'op- caractéristique du mélange serré.
timisations expérimentales.

Fig. 1 -
Mélanges binaires de Cintr6.
Compacit6 en fonction de la
proportion de grains fins.
nv : mélanges non vibrés.

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