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Le cas du Liban permet de souligner que ce qui est en jeu dans les pays où la
population se compose de communautés religieuses n’est pas tant la religion en
tant que système de croyances et de convictions que la religion comme système
de classement et d’appartenance des individus à des traditions sociales
différenciées. Le lien communautaire est aussi un principe de solidarité sociale.
En d’autres termes, ce qui est en cause n’est pas la foi : les guerres
confessionnelles ne se présentent pas comme des guerres pour la religion ou
pour contraindre au changement de religion. Bien plutôt, la religion sert à définir
le groupe et à manifester ses valeurs. Elle apparaît ainsi comme un critère de
regroupement et de solidarité. Le paradoxe le plus frappant est que le critère
religieux en vient à ranger, au Liban, en Irlande ou ailleurs, les individus dans
les communautés indépendamment d’une foi qu’ils peuvent avoir perdue ou
dont ils rejettent l’instrumentalisation politique mais qui, néanmoins, continuera
à les identifier en fonction de leur appartenance d’origine à des ensembles
communautaires.
Les exemples fournis par les conflits permettent de saisir les fonctions que la
religion peut remplir quand elle est prise dans la tourmente politique.
La religion sert, très souvent, notamment dans les pays où elle a été associée à
l’histoire nationale, comme une identité de substitution à des identités politiques
en crise ou en faillite. Elle remplace alors une identité nationale défaillante et
devient l’élément fédérateur, à la fois sacré mais combien aussi profane, de la
solidarité politique quand la communauté nationale a éclaté.
Mais, alors, trois dangers guettent. Lorsque la religion finit par se confondre
avec un groupe, ses valeurs et son combat, quand elle assure immédiatement une
fonction politique, elle devient ethnique : une religion de groupe. Elle occulte,
de ce fait, sa dimension d’universalité et oublie que ses valeurs, notamment pour
les trois religions monothéistes, sont proposées en partage et en ouverture à
l’humanité. De l’ethos, on est passé à l’ethnos.