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Guerre d'Algérie : pourquoi l'ouverture par la France

de ses archives est si attendue


La ministre de la Culture a annoncé, vendredi, l'ouverture
prochaine des "enquêtes judiciaires" de la guerre d'Algérie avec
quinze ans d'avance. 

franceinfo
France Télévisions

Publié le 10/12/2021 15:53 Mis à jour le 10/12/2021 15:59


Temps de lecture : 4 min.

Des soldats français escortent des manifestants algériens vers un point de contrôle de leur identité,
le 11 décembre 1960, à Alger.  (JEAN-CLAUDE COMBRISSON / AFP)

C'est une annonce qui s'inscrit dans la politique de réconciliation mémorielle


initiée par Emmanuel Macron. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a
annoncé, vendredi 10 décembre, la prochaine ouverture des archives sur "les
enquêtes judiciaires" de la guerre d'Algérie (1954-1962), près de soixante ans
après l'indépendance, et alors que la relation franco-algérienne est en crise
depuis des mois. "J'ouvre avec quinze ans d'avance les archives sur les
enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre
d'Algérie", a-t-elle déclaré sur BFMTV. 

"Je veux que cette question – qui est troublante, irritante, où il y a des
falsificateurs de l'histoire à l'œuvre –, on puisse la regarder en face. On ne
construit pas un roman national sur un mensonge", a argué la ministre sur la
chaîne d'info en continu. Selon Libération, "la décision annoncée par la
ministre de la Culture doit être mise en œuvre par le biais d'un arrêté, et ces
archives pourraient donc être ouvertes dès l'an prochain." Pourquoi cette
déclassification des archives est-elle si attendue ? Eléments de réponse. 

Parce qu'il y a un enjeu historique


Si l'histoire de la guerre d'Algérie est en grande partie connue, il reste
beaucoup de zones d'ombre. Un exemple parmi d'autres : celui des disparus.
"Des dizaines de milliers de personnes ont disparu durant la guerre
d'Algérie. De nombreuses familles ne savent pas dans quelles conditions leur
proche a été exécuté ou enterré", explique à Ouest-France Pierre Mansat,
président de l'Association Josette et Maurice Audin, qui milite pour la
reconnaissance des crimes coloniaux. "Il y a beaucoup de choses à mettre au
jour sur ce plan-là et les archives sont essentielles." 

Linda Amiri, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université


de Guyane, assure, toujours auprès du quotidien régional, qu'il y a également
beaucoup à apprendre sur "'les ratonnades' en Algérie qui furent nombreuses"
mais aussi "les lieux d'enfermement divers et variés, officieux et officiels" et
sur "la 'Main rouge'", une organisation française secrète qui a commis des
attentats en Europe et en Afrique du Nord dans les années 1950.

La déclassification des archives permettra-t-elle d'en savoir plus sur tous


ces aspects ? Nul ne le sait. Mais, selon Françoise Banat-Berger, cheffe du
service interministériel des archives de France, interrogée par Libération, "ce
sont des dossiers liés aux nationalistes algériens, aux partisans de l'Algérie
française, à l'Organisation de l'armée secrète (OAS). Ils concernent des faits
commis en Algérie et en métropole." D'après le quotidien, "cette dérogation
générale concernera des affaires ayant fait l'objet d'une enquête de police, et
portées devant des juridictions. Des documents rattachés aux archives
départementales, nationales, au Quai d'Orsay, aux Armées ou à la Préfecture
de police de Paris pourront ainsi être consultés."

Parce qu'il y a un enjeu de réconciliation des mémoires


La connaissance des faits, donc la possible réécriture de l'histoire permettra
aussi de réconcilier les mémoires. "C'est la falsification qui amène toutes les
errances, tous les troubles et toutes les haines. A partir du moment où les faits
sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, on peut construire
une autre histoire, une réconciliation", a justifié Roselyne Bachelot sur BFMTV.

"La mémoire peut trahir alors que les faits sont irréfutables", avait assuré à
franceinfo le politologue Kader Abderrahim, après la décision d'Emmanuel
Macron annoncée en mars dernier de faciliter l'accès aux
archives classifiées de plus de 50 ans, notamment celles sur la guerre
d'Algérie. "Ils permettent d'entrevoir la construction d'une histoire commune
qui pourrait rapprocher les deux pays sur cette construction mémorielle et non
pas sur cette exploitation mémorielle idéologique et instrumentalisée." 

"Il y a beaucoup de gens, notamment en Algérie, qui


continuent à faire de cette histoire le fonds de commerce d'un
régime qui n'a pas beaucoup de légitimité."

Kader Abderrahim, politologue, à franceinfo

"L'histoire est l'histoire. Elle est la trajectoire humaine et c'est à partir de cette
trajectoire que l'on peut tenter de tracer des perspectives pour l'avenir", avait
encore affirmé le politologue. 

Parce qu'il y a un enjeu diplomatique


Cette déclaration de la ministre de la Culture permettra-t-elle d'apaiser les
relations entre Paris et Alger ? Elle intervient en tout cas deux jours après la
visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, pour
tenter de désamorcer une crise d'une rare gravité entre les deux pays, en
cours depuis plusieurs mois. "Nous souhaitons que le dialogue que nous
relançons aujourd'hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques
entre nos deux gouvernements en 2022, au-delà des blessures du passé que
nous devons regarder en face, au-delà des malentendus qu'il nous revient de
dépasser", avait déclaré le ministre à la presse après avoir rencontré le
président Abdelmadjid Tebboune.

En octobre, Emmanuel Macron avait notamment déclenché l'ire d'Alger en


accusant, selon des propos rapportés par Le Monde, le système "politico-
militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" autour de la guerre
d'indépendance et de la France. L'Algérie avait alors rappelé son
ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions
militaires français ralliant le Sahel.

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