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Chapitre 4

Résolution numérique des équations


non linéaires

4.1 Introduction
Ce chapitre est consacré au problème suivant : Étant donnée une fonction continue
f : [a, b] → R, nous cherchons moyennant des méthodes numériques les réels x dans [a, b]
satisfaisant f (x) = 0. Un tel réel s’appelle une solution de l’équation f (x) = 0. On dit
aussi, surtout lorsque f est un polynôme, que x est un zéro de f ou encore une racine de
f . En principe, trois questions se posent :
1. L’équation admet-t-elle des solutions ?
2. Si oui, combien en admet-t-elle ?
3. Peut-on déterminer des valeurs aussi proches que nécessaire de ces solutions ? (étant
entendu que les cas pour lesquels une solution exacte exploitable peut être obtenue
sont très rares.)

Théorème 4.1.1 (Théorème des valeurs intermédiaires) Si f est une fonction nu-
mérique continue sur un intervalle I et s’il existe a et b dans I tels que f (a).f (b) < 0
alors il existe au moins une solution de l’équation f (x) = 0 dans ]a, b[. De plus si f est
strictement monotone sur ]a, b[ cette solution est unique.

Le théorème des valeurs intermédiaires donne bien les hypothèses sous lesquelles l’équation
f (x) = 0 dans ]a, b[ admet une unique solution.
58 Chapitre 4. Résolution numérique des équations non linéaires

4.2 Méthode de dichotomie


4.2.1 Principe
Considérons une fonction f continue sur un intervalle [a, b]. On suppose que f admet
a+b
une seule racine α dans I =]a, b[ et que f (a).f (b) < 0. On pose c = .
2
1. Si f (c) = 0, c’est la racine de f et le problème est résolu.
2. Si non si f (c) 6= 0, nous regardons le signe de f (a).f (c).
(a) Si f (a).f (c) < 0, alors α ∈]a, c[.
(b) Si non si f (c).f (b) < 0, alors α ∈]c, b[.
On recommence le processus en partant de [a, c] au lieu de [a, b] dans le premier cas, et de
[c, b] au lieu de [a, b] dans le second cas. On construit ainsi par récurrence sur n trois suites
an , bn et cn telles que a0 = a, b0 = b et pour tout n ≥ 0,
an + bn
1. cn = .
2
2. Si f (cn ).f (bn ) < 0, alors an+1 = cn et bn+1 = bn .
3. Si f (cn ).f (an ) < 0, alors an+1 = an et bn+1 = cn .
L’algorithme ci-dessus s’appelle l’algorithme de dichotomie. Cet algorithme construit
une suite de segments emboîtés In contenant tous la solution α.

4.2.2 Étude de la convergence de la méthode de dichotomie


Il est clair qu’à chaque itération la longueur ln de l’intervalle de localisation de la racine
α est divisée par 2. On sait de plus que |cn − α| ≤ ln , d’où le résultat de convergence de la
suite cn vers α si on montre que ln tend vers 0.

Proposition 4.2.1 La suite de segments [an , bn ] est telle que

b−a
ln = bn − an = , n ≥ 1. (4.2.1)
2n

Cette proposition est utile sur le plan numérique ; en effet elle renseigne sur le nombre
minimal d’itérations nécessaires pour calculer la racine à  près,  étant une précision fixée
à l’avance par l’utilisateur (test d’arrêt). En effet, on montre que :

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4.3. Méthode de point fixe 59

Théorème 4.2.1 Le nombre minimum d’itérations de la méthode de dichotomie nécessaire


pour approcher α à  près est
log( b−a

)
E( )+1
log(2)
où E(x) désigne la partie entière d’un réel x.

Exemple 4.2.1 On considère la fonction f (x) = exp(x) + 3 x − 2 sur l’intervalle [0, 1].
Montrer que l’équation admet une et une seule racine α dans [0, 1]. Quel est le nombre
d’itérations qu’il faut effectuer pour estimer α ,solution de l’équation f (x) = 0, à une
tolérance  = 10−10 près ?

4.3 Méthode de point fixe


4.3.1 Quelques outils mathématiques...
Définition 4.3.1 (Point fixe) Soit g : [a, b] → R une fonction. On dit que l ∈ [a, b] est
un point fixe de g si g(l) = l.

Proposition 4.3.1 Si g est continue sur [a, b] et si g([a, b]) ⊂ [a, b] alors g admet un point
fixe dans [a, b].

Définition 4.3.2 (Fonction contractante) Soit k ∈]0, 1[. Une fonction g : [a, b] → R
est dite fonction contractante de rapport k si

∀x, y ∈ [a, b], |g(x) − g(y)| ≤ k|x − y| (4.3.1)

Remarque 4.3.1
1. Soit g ∈ C 1 ([a, b]). Si |g 0 (x)| < 1, ∀x ∈ [a, b] alors g est contractante sur [a, b].
2. Une fonction contractante est continue.

4.3.2 Principe de la méthode de point fixe


Le principe de cette méthode consiste à transformer l’équation f (x) = 0 en une équa-
tion équivalente g(x) = x où g est une fonction auxiliaire "bien" choisie. Le point α solution
de l’équation f (x) = 0 est alors un point fixe de la fonction g. Approcher les racines de f
revient donc à approcher les points fixes de g. Le choix de la fonction g est motivé par les
exigences du théorème de point fixe. En effet, elle doit être contractante dans un voisinage

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60 Chapitre 4. Résolution numérique des équations non linéaires

I de α, ce qui revient à vérifier que |g 0 (x)| < 1 sur ce voisinage. Dans ce cas, on construit
une suite xn , n ∈ N définie par :
(
x0 dans un voisinage I de α.
∀n ≥ 0, xn+1 = g(xn ).
Si la suite xn converge, la continuité de g implique qu’elle converge vers le point fixe l de
g. En effet :
l = n−→∞
lim xn+1 = n−→∞
lim g(xn ) = g(n−→∞
lim xn ) = g(l)

4.3.3 Étude de convergence


Point attractif
Théorème 4.3.1 (Théorème de convergence) Soit g : I = [a, b] −→ [a, b] de classe
C 1 . On suppose que g admet un unique point fixe α ∈ [a, b] vérifiant |g 0 (x)| < 1. Alors il
existe un voisinage Vα de α dans I tel que la suite xn définie par :
(
x0 dans un voisinage I de α.
∀n ≥ 0, xn+1 = g(xn ).
converge vers α.
Définition 4.3.3 Le réel α vérifiant les hypothèses du théorème précédent est appelé point
fixe attractif de g et le voisinage Vα correspondant est dit intervalle de convergence de la
méthode d’approximation.
π
Exemple 4.3.1 Soit la fonction g définie par g(x) = sin(x) sur [0, ]. On a : ∀x ∈
2
π π
]0, ] sin(x) < x et ∀x0 ∈]0, ] la suite définie par xn+1 = g(xn ) est strictement dé-
2 2
croissante minorée par 0 donc convergeant vers une limite α. Comme g est continue et que
π
α = g(α), α est l’unique point fixe de g sur [0, ].
2
Théorème 4.3.2 (Ordre de convergence) Soit g : [a, b] → [a, b] de classe C m , avec
minN. On suppose que g admet un unique point fixe α ∈ [a, b] tel que |g 0 ()| < 1. Il existe
alors un voisinage Vα de α dans I tel que la suite itérée xn définie par :
(
x0 dans un voisinage I de α.
∀n ≥ 0, xn+1 = g(xn ).
converge vers α. De plus, l’ordre de convergence de xn est égal à m si et seulement si
g 0 (α) = .... = g m−1 (α) = 0.
(

.g m−1 (α) 6= 0.

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4.3. Méthode de point fixe 61

Test D’arrêt
De même que pour la dichotomie, on peut estimer le nombre d’itérations nécessaires
pour obtenir une précision donnée. En effet, on montre que
kn
|xn − α| ≤ |x1 − x0 |, ∀n ∈ N (4.3.2)
k−1
où k = max |g 0 (x)|. Donc, pour une précision  donnée, le nombre d’itérations n est donné
x∈[a,b]
par

kn log( |x(1−k)
1 −x0 |
)
|x1 − x0 | ≤  ⇒ n ≤
k−1 log(k)

Proposition 4.3.2 Soit g : [a, b] −→ [a, b] de classe C 1 . On suppose que g admet un unique
point fixe α ∈ [a, b] vérifiant |g 0 (x)| < 1 pour tout x dans un intervalle de convergence Vα
de α. La suite (xn ) définie par :
(
x0 ∈ Vα \ {α}.
∀n ≥ 0, xn+1 = g(xn ).
converge vers α si x0 est suffisamment proche de α .

Point répulsif
Théorème 4.3.3 (Théorème de non-convergence) Soit g : I = [a, b] −→ [a, b] de
classe C 1 . On suppose que g admet un unique point fixe α ∈ [a, b] vérifiant |g 0 (x)| > 1.
Alors il existe un voisinage Vα de dans I tel que la suite (xn ) définie par :
(
x0 ∈ Vα \ {α}.
∀n ≥ 0, xn+1 = g(xn ).
ne converge pas vers α.
Définition 4.3.4 Le réel α vérifiant les hypothèses du théorème précédent est appelé point
fixe répulsif de g.

Point douteux
Définition 4.3.5 Soit g : I = [a, b] −→ [a, b] de classe C 1 pour laquelle α est un unique
point fixe vérifiant |g 0 (x)| = 1. Alors α est appelé point douteux de g, car il peut être attractif
ou répulsif.

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62 Chapitre 4. Résolution numérique des équations non linéaires

4.4 Méthode de Newton


4.4.1 Principe
Supposons que f ∈ C 1 ([a, b]) et que l’équation f (x) = 0 admette une et une seule racine
α dans [a, b]. L’idée de la méthode de Newton consiste à remplacer l’équation f (x) = 0
par léquation T1 (x) = 0 où T1 est le polynôme de Taylor de f de degré 1 en un point x1 .
Puisque T1 est un polynôme du premier degré, le calcul de sa racine est immédiat et il est
naturel d’espérer que cette racine sera proche de celle de f . Nous avons

T1 (x) = f (x1 ) + (x − x1 )f 0 (x1 )

et l’équation T1 (x) = 0 a pour racine le nombre x2 donné par :

f (x1 )
x 2 = x1 −
f 0 (x1 )
en itérant le procédé nous obtiendrons une bonne approximation de la racine cherchée. Une
condition nécessaire, qui n’est pas obligatoirement satisfaite, pour effectuer cette itération
est que le point x2 appartienne bien à l’intervalle [a, b] faute de quoi, cela n’aurait pas de
sens de parler du polynôme de Taylor de f en x2 . Lorsque cette condition est satisfaite, en
remplaçant f (x) = 0 par T2 (x) = 0 où T2 (x) = f (x2 ) + (x − x2 )f 0 (x2 ) et en résolvant cette
dernière équation, nous obtenons
f (x2 )
x3 = x 2 −
f 0 (x2 )

Nous construisons ainsi par récurrence, sous réserve que xn ∈ [a, b], la suite


 x1 = b.
f (xn )
xn+1
 = xn − 0
f (xn )
Cette relation de récurrence s’appelle le schéma de Newton. Il s’agit donc d’une méthode
de point fixe xn+1 = g(xn ) pour laquelle g est définie par

f (x)
g(x) = x −
f 0 (x)
Du point de vue géométrique, xn+1 est l’abscisse du point d’intersection de la tangente Tn
à f au point xn avec l’axe des abscisses.

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4.4. Méthode de Newton 63

4.4.2 Étude de convergence


Théorème 4.4.1 Soit f une fonction de classe C 2 sur [a, b] telle que :
1. f (a)f (b) < 0.
2. f 0 (x) 6= 0, ∀x ∈ [a, b].
3. f 00 (x) 6= 0, ∀x ∈ [a, b].
La suite
∈ [a, b] tel que f (x0 )f 00 (x0 ) > 0 .

x0

f (xn )
 xn+1 = xn − 0
f (xn )

converge vers . Cette convergence est d’ordre 2. De plus on a :


M2
|xn − α| ≤ (xn − α)2
2M1

où M2 = sup (f 00 (x)) et M1 = inf (f 0 (x)).


x∈[a,b] x∈[a,b]

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64 Chapitre 4. Résolution numérique des équations non linéaires

4.5 Exercices : Résolution numérique des équations


non linéaires
Exercice 1.
On considère l’équation
x4 + 2x2 − 1 = 0
1. Montrer que l’équation admet une et une seule racine α dans [0, 1].
2. Montrer en utilisant la méthode de dichotomie que α ∈]0.5, 0.75[.
3. . Écrire la méthode de Newton pour cette équation. Faut t-il choisir x0 = 0.5 où
x0 = 0.75, expliquer votre choix puis calculer les deux premières valeurs (x1 , x2 ).

Exercice 2.
On considère l’équation non linéaire
x2
f (x) = ex − −x−1
2
sur l’intervalle [−1, 1].
1. Montrer que la fonction f admet un unique zéro α dans [−1, 1].
2. Écrire la méthode de Newton pour résoudre l’équation f (x) = 0. Quel est l’ordre de
convergence de cette méthode ? Justifier la réponse.

Exercice 3.
On souhaite trouver une valeur approchée de l’équation
e−x
(E) =1
x
On définit la fonction f : R −→ R par f (x) = e−x − x.
1. Montrer que x est solution de (E) si et seulement si f (x) = 0.
2. Montrer, en étudiant la fonction f , que l’équation f (x) = 0 admet une et une seule
solution α dans R et que celle-ci se trouve dans l’intervalle ]0, 1[.
3. Montrer que f est concave sur [0, 1] et en déduire le schéma de Newton approprié à
l’approximation de α, la solution de f (x) = 0. (On pourra faire un schéma expliquant
et illustrant le choix du point de départ x0 .)
4. Calculer x1 , x2 , x3 , où (xn ) désigne la suite de Newton de point de départ x0 . Étudier
la convergence la méthode de Newton.

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4.5. Exercices : Résolution numérique des équations non linéaires 65

Exercice 4.
Soit l’équation
x(1 + ex ) = ex (1)
1. Montrer que cette équation admet une racine unique α dans [0, 1].
2. Proposer une itération de point fixe pour l’équation (1).
3. Montrer, que cette itération converge vers la solution α.
4. Écrire la méthode de Newton pour cette équation en précisant un bon choix de
l’initialisation x0 .

Exercice 5.
On se propose de calculer les racines dans R+ de la fonction
f (x) = x + ln(x)
1. Montrer que f admet une seule racine α ∈]0, 1[ .
2. On cherche à calculer α en appliquant une méthode de point fixe à une fonction g
bien choisie :
(a) g(x) = e−x . Que peut-on dire de ce choix ?
(b) En partant de x0 = 2.5, calculer α à  = 10−9 près.
(c) Appliquer la méthode de Newton avec le même point de départ. Commenter
la rapidité de convergence.

Exercice 6.

On veut calculer l’unique racine α de l’équation f (x) = 0 où


f (x) = ex − x − 2
On vous propose d’appliquer les deux méthodes de points fixes, basées sur les fonctions
suivantes g1 (x) = ex − 2 et g2 (x) = ln(2 + x).
1. Comment ces fonctions g1 et g2 ont-elles été obtenues ?
2. Dans quel intervalle de longueur 1 se trouve cette racine ?
3. En déduire si les méthodes de points fixes utilisant g1 et g2 convergent, et leur ordre
de convergence le cas échéant.
4. Faites 2 itérations à partir de x0 = 1 pour chacune des 2 méthodes de point fixe.
5. Appliquer la méthode de Newton à l’équation de départ et faites 2 itérations à partir
de x0 = 1.
6. Pour quelle(s) valeur(s) de x0 ne peut-on pas démarrer la méthode de Newton ?

Ines Adouani

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