AIMPOINT ACRO C-2

Point rouge
miniature

SAGA-COLLECTION
O Le Robust-Idéal
O La Ruger 77

COSMI
Un superposé
aussi…

BALLES SANS PLOMB,

CARABINES IMPRÉCISES
Toutes nos réponses
à vos questions

CALIBRE 20
Quelle cartouche
dispersante choisir ?
JANVIER - FÉVRIER - MARS 2022
DOM/S : 9.80 € - BEL/LUX : 9.3 € - PORT CONT. : 9.80 €
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LA DERNIÈRE-NÉE DES CARABINES LINÉAIRES

8,50 € N° 84

Ambidextre, modulaire, rapide

et fluide pour 1549€ seulement
 Edito
Repas de fête
et notes salées
© Adobestock/weyo
P
our le meilleur et pour le pire… »
Il en va ainsi de toutes les unions
passionnées et fusionnelles, il
y a toujours des moments de
doute, de crise, parfois même
de désespoir… L’histoire d’amour, quasi
exclusive, qui unit la chasse française et le
sanglier traverse à l’heure actuelle de fortes
turbulences dans un fracas de vaisselle
cassée. Le motif de la brouille est le même
depuis toujours. Sus scrofa ne pense qu’à sa
panse et les chasseurs qu’à panser les plaies
de ses agapes expansives…
La bête noire qui maintient quasiment sous
perfusion une population de chasseurs
conséquente en France, puisqu’elle consti-
tue le fond de chasse de la plupart de nos
territoires depuis de nombreuses années (il
se tue aujourd’hui 20 fois plus de sangliers
qu’en 1975), pourrait-elle devenir dans le
même temps le fossoyeur de notre passion ?
Dr Sanglier et Mister Sus Scrofa !
Le sanglier et son appétit insatiable sont
responsables de 85 % des dégâts commis aux
cultures dans notre pays. Un problème récur-
rent et surtout crucial depuis que la facture
– financée exclusivement par les chasseurs
via la loi de finances du 27 décembre 1968,
confirmée par la loi du 26 juillet 2000 – s’est
mise à enfler de façon incontrôlée : elle a été
multipliée par 10 en 45 ans, passant de moins
de 8 millions d’euros à 77 millions d’euros.
Et, puisque la bête noire est coupable de
85 % de ces dégâts, on peut chiffrer sa part
avec précision : 65,5 millions d’euros pour
l’année 2020. Une note de restauration salée,
devenue même prohibitive pour la chasse
française qui a perdu 30 % de ses effectifs
en 30 ans, tandis que dans le même temps
les indemnisations de dégâts aux cultures
augmentaient de 200 %, soit un coût par
chasseur multiplié par 5 !
Des chiffres qui donnent le vertige et le
tournis, et recouvrent une conséquence
implacable : certaines fédérations dépar-
tementales sont désormais confrontées à
un risque de banqueroute bien réel. Il y a
urgence à changer un système de finance-
ment qui ne marche plus, d’autant que 21 %
de nos territoires ne sont pas chassés et 10 %
le sont à peine. Des réserves mais surtout
des zones détenues par des non-chasseurs,
opposants à la chasse ou pas, mais qui
ne veulent pas réguler les importantes
populations de sangliers qu’elles abritent
et qui n’en sortent que pour commettre de
nombreux dégâts aux cultures alentour. Des
dégâts… indemnisés par les chasseurs. Une
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 3
situation ubuesque, intenable et intolérable
pour la FNC, qui a saisi le Conseil d’État
le 20 octobre dernier, lequel a transmis le
dossier au Conseil constitutionnel qui doit
statuer sur la légalité de ce système. Sa
décision sera lourde de conséquences pour
l’avenir de la chasse française : l’indemni-
sation des dégâts de gibier aux cultures va-
t-elle rester à la seule charge des chasseurs
ou être totalement ou pour partie repensée
et cofinancée par l’État, par exemple,
pour les réserves ? Cette indemnisation
totale ou partielle pourrait aussi passer,
pourquoi pas, à la charge du responsable
des dégâts, entendez le propriétaire du
territoire abritant les « hordes de bêtes
noires affamées », comme c’est le cas en
Allemagne, en Espagne, en Hongrie, en
Italie et en Roumanie. Cela changerait la
donne et permettrait aux chasseurs de sortir
de la zone rouge sur le plan économique
mais aussi sociétal. Il est probable en effet
que les opposants à la chasse voient leurs
convictions ébranlées par ce coup au cœur,
là où se tient généralement le portefeuille !
Bonne lecture et bonne année 2022
à tous et à toutes,
Laurent Bedu
Sommaire

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Le plus petit Hommage
des collimateurs
i Gianfranco
suédois fait sa mue Pedersoli
4 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
 n°84 Janvier - Fév. - Mars 2022
Couverture : Après la Savage Impulse, qui arrivera vite dans les armureries,
et juste avant la NXT de Haenel, Beretta a dévoilé une carabine linéaire : la
BRX1. Modulaire, précise, d’un réarmement rapide et fluide, cette carabine
est de plus totalement ambidextre : elle se mue en intégral gaucher ou droitier
en moins de deux minutes et sans outil. Le tout pour seulement 1549 €.

ÉDITO OPTIQUE
3 Repas de fête 58 Aimpoint Acro C-2
et notes salées Le plus petit des points
rouges suédois fait sa mue
ACTUS
Dossier 8 Actus
14 Des livres et vous
COUTEAUX
62 Cyril Kalisz
Carabine imprécise 16 Trophées
18 Courrier
Un coutelier heureux
en sa verte Corrèze

et balles sans plomb COLLECTION CARTOUCHES

20 Le Robust-Idéal
Deux noms illustres
mais une existence brève
ARMES FINES
26 Rodolfo Cosmi
Un semi-auto bien sûr,
mais aussi un juxtaposé
et un superposé
DOSSIER
32 Carabine imprécise
et balles sans plomb
34 Une arme caractérielle
Elle ne groupe pas
les balles que je veux tirer,
que faire?
40 Balles en cuivre :
le vrai du faux
Avantages et inconvénients
des monométalliques
NOUVEAUTÉS
46 Beretta BRX1
Linéaire, ambidextre,
modulaire… et bien plus !
54 Fair premier Ergal
Le petit calibre 28 allégé,
pour votre budget aussi
Ce numéro comporte
un leaflet abonnement
64 Onze cartouches de
calibre 20 dispersantes
Les spéciales bécasse
de petit calibre
SAGA
70 « Bo Whoop »
L’étrange disparition du
plus célèbre fusil des USA
76 Laissons parler
les anciens
Les fusils à chiens extérieurs
toujours d’actualité
BELLES ENDORMIES
80 Ruger 77
4 décennies de bons
et loyaux services
BONNES FEUILLES
86 Gianfranco Pedersoli
Le graveur du déséquilibre
et de l’harmonie
SECRETS D’ARMURIER
92 Canons flottants,
bedding et berceaux
Les secrets de la précision
RECHARGEMENT
96 Le .30-40 Krag
mis au goût du jour

92 de 13 g sur la diffusion
abonnés France
Une cartouche
à bourrelet en .308

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Canons flottants,
bedding et berceaux
Armes de Chasse
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Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 5
Actualités
Le point rouge Attila est
livré avec deux embases,
une haute et une basse.
Urikan
Nouvelle
gamme
d’optiques
L’importateur distributeur GMT
annonce l’arrivée d’une nouvelle
famille d’optiques baptisée Urikan.
Parmi les nouveautés proposées,
un point rouge panoramique et
une lunette de battue superzoom
ont retenu notre attention. Le point
rouge porte le nom d’Attila, en
référence non pas au chef des Huns
mais plus vraisemblablement au
sanglier géant de Turquie. Il s’agit
d’un mini-point rouge de 72 g et de
45 mm de long. Sa fenêtre mesure
28 x 20 mm, son grossissement
est de1x et il possède 11 niveaux
d’intensité lumineuse. Ces paliers
sont pilotés par deux boutons « + »
et « - » carrés, logés sur le côté
gauche du carénage. Le réticule
mesure 3 Moa, soit 4,5 cm à 50 m
et 9 à 100 m. Le point est fourni
avec une embase haute et une
basse. L’alimentation se fait par une
pile au lithium CR 2032 logée sur
le côté droit de l’appareil, dans un
tiroir maintenu fermé par deux vis
Torx. Il est vendu 259 €.
La lunette de battue s’appelle
Predator. Il s’agit donc d’une
superzoomn, une 1-6 x 24, équipée
d’un réticule 4 illuminé. Elle
possède un corps de 30 mm et se
monte via des colliers du même
diamètre. Elle pèse seulement
459 g, mesure 28,2 cm de long
et offre une distance oculaire de
96 mm. L’illumination se règle via
la tourelle gauche, qui possède
6 paliers et autant de demi-paliers
d’extinction. Les clics de réglage
valent un demi-Moa, soit 1,5 cm à
100 m. La Predator est bien sûr
étanche et coûte
499 €.
La Predator est
une lunette de battue
superzoom à réticule
lumineux.
8 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Haenel NXT
Encore une linéaire !
Décidément, 2021 aura été l’année
des linéaires. Après la Linergie de
Verney-Carron, l’Impulse de Savage et
la BRX1 de Beretta (cf. p. 46), c’est au
tour de Haenel de nous proposer une
nouvelle carabine en ligne : la Jaeger
NXT. Cette « Next » (« suivante »), puisque
c’est ainsi que l’on doit prononcer
son nom, possède des lignes presque
classiques avec une relime traditionnelle.
Tradition et utilisation de matériaux
écologiques ou adaptés au sans-plomb
ont été le fil conducteur de sa réalisation.
Le boîtier est en acier, avec une large
fenêtre d’éjection qui permet d’alimenter
le chargeur (d’une contenance de cinq
cartouches) sans le déposer. Deux
mini-rails Picatinny usinés dans la masse
coiffent les ponts avant et arrière du
boîtier. La crosse en bois lamellé-collé
est imputrescible et insensible aux
variations climatiques. Elle a été réalisée
selon une nouvelle méthodologie afin
d’être légère et verte – pardon, « eco-
friendly », dit-on maintenant ! Sa relime
est donc classique, avec un busc droit
qui remonte vers l’arrière et une poignée
pistolet prononcée. Le fût court se termine
par un schnabel, autrement dit une forme
tulipée. Deux vis traversent la crosse sous
les ponts avant et arrière, elles constituent
des renforts, un pour la portée de recul,
l’autre pour l’arrière du boîtier. La
culasse est cylindrique et ressort de
l’arrière du boîtier lors du réarmement.
Sous des lignes
assez classiques,
la Haenel Jaeger
NXT cache un
mécanisme linéaire
novateur et sûr.
Elle possède trois tenons en tête qui se
verrouillent en fin de cycle par rotation
dans le canon. Cette rotation est assurée
par des pignons coniques insérés dans la
noix de culasse, qui est de ce fait assez
grosse, d’autant qu’elle abrite également
un curseur à trois positions matérialisées
par des balles, deux blanches et une
rouge au milieu. La rouge autorise le tir et
le déplacement de la culasse, la blanche
de gauche permet de manœuvrer la
culasse en sûreté, la blanche de droite
associe sûreté et immobilisation de la
culasse. En butée avant, le levier peut
encore bénéficier d’une dernière course
qui joue le rôle d’armeur, comme sur
les anciennes Blaser SR 850. Lorsque le
levier est légèrement incliné vers l’arrière,
la carabine ne peut pas faire feu ; en le
poussant légèrement vers l’avant, on arme
le percuteur et du même coup la carabine.
C’est idéal pour l’approche comme pour
la battue. Le canon est rond et fileté au
pas de 15 x 1. Il mesure 52 cm de long et
18 mm de diamètre à la bouche et reprend
le système de dépose des organes de
visée ouverte I-sight des Merkel, la maison
mère. Il est chambré pour le .30-06 et le
.308 Winchester. Pour ce dernier calibre,
il a été réalisé spécialement pour le tir des
balles monométalliques ou sans plomb.
Le free-bore, le pas de rayures et leurs
profondeur et dessin ont été adaptés aux
balles cuivre. La carabine existe en version
« Lady » à crosse Monte-Carlo.
 Une rallonge
du boîtier de la
R8 Ultimate a rendu
possible la création
d’un chargeur long…
d’une contenance
de dix coups !

Blaser R8 Ultimate X : 10 coups !

Blaser vient de dévoiler une toute
nouvelle version de sa carabine linéaire
R8 : l’Ultimate X. Sous ce X (le chiffre
romain, pas la lettre) se cache la
carabine Blaser offrant la plus grande
puissance de feu, puisqu’il désigne le
nombre de cartouches que le chargeur
amovible est capable de recevoir. Oui,
vous avez bien compris : dix coups.
Cette contenance inédite a été rendue
possible par une transformation de
l’ensemble sous-garde/carcasse de la
R8. Ce changement se voit au premier
coup d’œil : la carcasse a été rallongée
sur l’arrière pour laisser la place à un
large et imposant chargeur, devant le
pontet, à face antérieure carrée. Le
levier d’armement a été revu : il est
décollé du boîtier, possède une forme
« patte de lapin » et se termine par une
boule qui ressemble en fait à un long
cône. La crosse est celle de l’Ultimate.
On retrouve le large trou de pouce, le
busc ajustable, la plaque de couche
absorbante et de taille variable, sans
oublier un dessous de crosse évidé
pour que la main faible puisse s’y
agripper pour les tirs de précision.
Comme d’habitude avec Blaser, la liste
de calibres est presque infinie grâce à
l’interchangeabilité du canon comme
de la tête de culasse. Côté optique, du
fait de l’allongement de la carcasse sur
l’arrière, il fallait pouvoir reculer la lunette.
La solution apportée par Blaser est un
montage surmonté par un rail Picatinny
qui permet de placer la lunette à la
bonne distance de l’œil.
Prix : à partir de 6 650 €.

Chevrotine
Encore et toujours ?
Les dégâts sur les cultures, commis pour près de 85 % par le sanglier,
n’en finissent pas d’augmenter et de faire planer sur la chasse
française le spectre de la banqueroute. Pour les limiter, la FNC
vient de proposer une « boîte à outils » destinée aux présidents des
fédérations départementales. Le principe : une « boîte » dans laquelle
chaque FDC pourrait piocher pour y prendre ce dont elle a besoin pour
limiter les populations de sangliers. Et… la Gironde, via son président,
Henri Sabarot, a proposé d’y mettre la chevrotine, une munition
que beaucoup considèrent comme dangereuse. Toutefois, même
en mettant de côté cette controverse,
il est peu probable de voir la munition
opérer un grand retour au nom de IWA : le retour
la lutte contre les dégâts, puisque
Après deux années d’absence, le Salon international
l’interdiction du plomb à court ou moyen
des armes de chasse, de tir et de loisir de Nuremberg
terme en sonnera le glas. Il ne saurait
– l’IWA – prépare son grand retour en mars
en effet être question de tirer de gros
prochain. Sauf nouvelles mesures dues à l’évolution
grains d’acier ou de cuivre
de la pandémie, il se tiendra du 3 au 6 mars, soit
dans des fusils
du jeudi au dimanche et non plus du vendredi au
non éprouvés
lundi comme c’était le cas jusqu’alors. La liste des
pour la bille d’acier
exposants n’est pas encore établie à ce jour, mais il
et/ou dotés de
est probable que beaucoup de fabricants seront au
chokes serrés.
rendez-vous, désireux de rencontrer les armuriers
et les autres professionnels du secteur après deux
Certains prônent le longues années sans avoir pu le faire.
retour de la chevrotine
à l’heure où le plomb
semble condamné ! Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 9
Actualités

Présenté dans
notre précédent
numéro, le
A 400 Upland 28
Magnum arrive
L’armurerie enfin en armurerie.

Jeannot
change de
propriétaire
Le 4 octobre dernier, l’armurerie
Jeannot, à Levallois-Perret, est
devenue la propriété de Dany
Magloire et de Damien Durand, deux
armuriers diplômés de l’école de
Liège qui possèdent aussi l’armurerie
de la Villeneuve à Cires-lès-Mello
(Oise). Le précédent propriétaire
Beretta A 400 Upland 28 Magnum
de ce haut lieu de l’arquebuserie
parisienne, Jacky Brusson, décédé
en 2014, l’avait acquise en 1982 et
Des images à la réalité
en avait fait une adresse prestigieuse Dans notre dernier numéro, nous vous présentions le dernier-né de la famille
et réputée. Anne Brusson, l’épouse des A 400 Upland de Beretta, un 28 Magnum, ou si vous préférez un 28/76 mm
de Jacky, avait courageusement (cf. Armes de Chasse n° 83, « 2021 : l’année des semi-autos », p. 72). Ce fusil de petit
repris les rênes depuis cette date. calibre est entré en production et nous avons pu en obtenir les premières images.
Elle choisit aujourd’hui de laisser aux Rappelons qu’il vient compléter une gamme lancée en 2018 avec le 12 et agrandie
nouveaux propriétaires le soin de en 2020 avec le 20. Ce 28-76 mm, donc, peut être équipé en option d’un dispositif
perpétuer le haut niveau de savoir- anti-recul, la Kick Off Mega. L’emprunt de gaz qui permet de tirer les cartouches à
faire de cette maison fondée en la suite a été amélioré pour fonctionner parfaitement avec les « petites cartouches ».
1890. Preuve de cette continuité, La carcasse nickelée a été ornée d’une gravure spécifique qui joue avec le chiffre 28.
les deux acquéreurs s’appuient sur Le canon mesure 71 cm, une belle longueur pour ce petit calibre. Prix : 2 078 €.
François Gillet, diplômé de Liège
également, qui avait été recruté il y
a trente ans par Jacky Brusson pour
gérer l’atelier. Un nouvel armurier, et
quatrième diplômé de Liège, rejoint
l’équipe, il s’agit d’Henri Lefebvre,
TI 25 et Ti 35 : les monoculaires
qui signe régulièrement la rubrique
Secrets d’armurier de la revue. thermiques de Kahles
9, rue Louise-Michel,
Le fabricant autrichien d’optiques (1024 x 768 pixels) sont également les
92300 Levallois-Perret,
entre à son tour dans le « monde de mêmes, ainsi que les trois modes de
tél. : 01 47 57 53 20.
la nuit » avec deux monoculaires restitution d’image, White Hot, Black
d’observation thermique, Hot et Red Only. Ils sont étanches et ont
les Helia TI 25 et TI 35, des une autonomie de 8 heures en continu.
appareils d’observation qui TI 25 et TI 35 se différencient uniquement
se tiennent en main et ne par leur grossissement optique, 1,7×
peuvent pas se monter sur pour le premier et 2,3 × pour le second
une lunette de tir ou une arme. et même si les zooms numériques sont
Les deux modèles possèdent de 1×, 2× et 4×. Le TI 35 vous offrira
une sensibilité thermique par conséquent des observations à plus
(moins de 35 mK), des dimensions grande distance.
(198 x 68 x 63 mm) et un poids (430 g) Kahles annonce leur disponibilité d’ici la
identiques. La résolution du capteur fin de l’année, au prix de 2 200 € pour le
(384 x 288 pixels) et celle de l’image Ti 25 et 2 500 € pour le Ti 35.

10 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

Le tM35 peut être installé sur
une lunette de tir en Clip-
on ou être utilisé à la main
comme monoculaire.

Swarovski
fait monter la chaleur
Deux autres nouveautés optiques nous arrivent encore
d’Autriche, de chez Swarovski cette fois, et misent l’une
et l’autre sur la chaleur. La première se nomme AFL et est
une bague chauffante à fixer à l’objectif d’une lunette de
visée pour éviter la formation de condensation ou de buée.
L’alimentation est assurée par une batterie rechargeable.
L’accessoire pèse 120 g et est compatible avec les lunettes
Z6, Z8 et dS de la marque. Il est d’ores et déjà disponible,
au prix de 480 €.
La seconde est une optique thermique monoculaire de
vision nocturne, prénommée tM 35. Comme tous les
autres dispositifs de ce type, il offre une vision de nuit en
mettant en évidence les éléments dégageant le plus de
chaleur. En fonction de la chaleur émise, les objets ou
animaux apparaissent blancs ou noirs et avec plus ou moins
d’intensité selon le mode choisi. À la différence de ses
concurrents, Swarovski ne propose que deux modes, White
Hot (le chaud apparaît en blanc) ou Black Hot (l’inverse).
Le fabricant dit avoir opté pour cette simplification dans
un souci d’efficacité, « pour ne pas perdre l’utilisateur avec
un choix trop important ou compliqué ». Le tM 35 dispose
d’un réglage automatique de la luminosité et du système
d’extinction automatique Swarolight qui équipe certaines
lunettes de tir de la marque. Il peut être tenu à une main,
mais aussi, grâce à un adaptateur vendu séparément, se
fixer sur votre lunette de tir Swarovski. On parle de système
« Clip-on », avec un réglage des impacts
indépendant du montage et démontage de
l’équipement : votre lunette sera toujours
réglée quoi qu’il arrive à ce monoculaire.
Le grossissement est un 4 × pour
l’observation tandis qu’un 1 × se montera
sur les lunettes Swarovski Z8, Z6, Z5
(et Z3 avec adaptateur spécifique).
Le tM 35 sera
disponible en début
d’année au prix de
4 800 €.
Actualités

La CZ 600 Lux et sa crosse bois,

la plus classique de toutes.

L’Alpha, une version simple

et tout-temps à crosse noire.

L’Ergo, un modèle haut de

gamme à crosse technique.
La culasse à six tenons
en tête et alimentation
contrôlée. En haut,
La « longue distance », la vis de réglage
Long Range, et sa monture des poids de départ.
en lamellé-collé.

CZ sortt son grand

d numéro
é
Pour qui se souvient des ZKK, le matricule 600 évoque de
bons souvenirs. Aussi, lorsque CZ a dévoilé une carabine
baptisée 600, on s’est dit que la firme tchèque misait beaucoup
sur sa nouveauté. Cette arme, qui vient rompre avec des
décennies de respect du système Mauser 98 chez CZ, est
d’ores et déjà déclinée en cinq versions. Toutes s’articulent
sur une nouvelle culasse brevetée : à six tenons massifs de
verrouillage en tête répartis sur deux rangées et nécessitant
une rotation de 60 degrés seulement pour se verrouiller dans
le canon. Elle est à éjecteur piston sous tension de ressort et
offre une alimentation contrôlée, puisque la tranche inférieure
de la cuvette est usinée afin que la cartouche puisse glisser
contre la tête de culasse et y être aussitôt agrippée par la griffe
d’extracteur. Autre spécificité de cette carabine, sa sécurité
verticale : un bouton rond placé sur le col de crosse, que l’on
enfonce pour mettre l’arme en sûreté ou en position tir. Le
canon martelé à froid est interchangeable et se dépose au
moyen de trois vis qui, comme sur une Sauer 202, prennent
place sous le pont avant du boîtier découpé en long. Trois
types de canon sont disponibles selon les versions, profil
chasse, semi-lourd ou lourd. Le chargeur amovible dispose
d’un système de verrouillage qui interdit toute perte ou chute
malencontreuse. L’arme reçoit aussi un nouveau bloc détente
préréglé à quatre positions et autant de poids de départ.
Le réglage se fait au moyen d’une vis Torx, placée devant la
détente à l’intérieur du pontet et que vous positionnez avec une
clé Torx face au repère I, II, III ou IV, selon le poids qui convient
le mieux à votre mode de chasse ou de tir.
Les cinq versions de la CZ 600 sont d’ores et déjà proposées
avec une multitude de calibres. Mettons de côté la version
Trail à crosse télescopique et devant ajouré dont les calibres
(.223 Remington et 7,62 x 39) confirment la vocation « militaire ».
La Lux est un modèle à crosse bois chambré en .308
Winchester, 8 x 57 IS, .30-06 Springfield et .300 Winchester
Magnum. L’Ergo est un modèle haut de gamme à crosse
synthétique à large trou de pouce proposé en .308 Winchester,
6,5 Creedmoor, .30-06 Springfield, .300 WM et 8 x 57 IS.
L’Alpha est une version tout-temps, avec crosse synthétique
noire munie de pièces de grip interchangeables. Elle se
décline en huit calibres : .224 Valkyrie, .308 Winchester, 6
Creedmoor, 6,5 Creedmoor, 6,5 PRC, .30-06 Springfield, .300
WM et 8 x 57 IS. Ces trois modèles ont une précision garantie
sub-Moa pour 3 coups. Enfin, la Range à crosse en lamellé-
collé type GRS est conçue pour le tir lointain et garantie à une
précision de 0,75 Moa pour 5 coups ; elle est chambrée pour
le .308 Winchester et le 6 Creedmoor. Toutes ces carabines
possèdent un filetage en bout de canon dont le pas varie selon
l’épaisseur du tube.
Prix : CZ 600 Alpha 1 250 , Lux 1 450 , Ergo 1 510 ,
Range 1 730 , Trail 1 540 .

Du neuf chez Nikko Stirling

Deux nouvelles lunettes Il possède un réticule de 3 Moa (10 cm à 100 m),
de tir destinées à la mesure 7,15 x 4,5 x 4,7 cm et ne pèse que 135 g.
battue de grand gibier Sa molette de réglage de l’intensité lumineuse est
viennent de voir le dotée de 11 paliers et il est étanche à la poussière
jour chez Nikko Stirling : comme à l’eau. Une embase Weaver-Picatinny
les Metor et Boar Eater, toutes deux intégrée permet un montage bas. Une autre est
dotées d’un réticule lumineux. fournie, très haute, pour une fixation sur une arme
La Metor est une 1- 4 x 24 et possède un réticule de poing ou sur une arme d’épaule au-dessus du
La Boar Eater
Skeleton, une fine croix entièrement illuminée rouge. canon afin de dégager le les organes de visée ouverte.
(en haut) et la Metor,
Elle mesure 26 cm et pèse 525 g. Le champ est de Prix : 205 .
une 1-6 x 24 et
44 m à 100 m. Prix : 349 .
une 1-4 x 24.
La Boar Eater est une superzoom 1-6 x 24.
Son réticule est un 4 classique, avec un
point central illuminé rouge. Le champ visuel Le point rouge Flash 1 x 25,
à 100 m est de 40 m. Elle mesure 27 cm et ici avec son embase
pèse 480 g. Prix : 470 . Weaver très basse.
Un nouveau mini-point rouge tubulaire Une autre est prévue
arrive également chez Nikko : le Flash 1 x 25. pour un montage haut.

12 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022 Pages réalisées par Laurent Bedu
Des livres et vous

Livre

Le Guide pratique
du rechargement
enfin enrichi et réédité !
Alain F. Gheerbrant

C’était l’œuvre d’une vie, le fruit d’une expérience incroyable

En arrière plan, la couverture du premier
Guide du rechargement, au premier plan, celle
du nouveau : une version mise à jour, enrichie,
complétée et livrée avec une clé USB.
et de connaissances encyclopédiques. Le Guide pratique du
rechargement d’Alain Gheerbrant rencontra un tel succès qu’il
fut rapidement épuisé. Les exemplaires mis sur le marché
dde l’occasion partaient immédiatement à un prix dépassant
aallègrement celui du neuf. À la fin de sa vie, Alain avait voulu
l’enrichir et l’améliorer en vue d’une nouvelle édition, mais n’eut
malheureusement pas le temps de vérifier toutes ses nouvelles
rrecettes. Après sa disparition, le projet demeura longtemps en
ll’état, jusqu’à ce que d’autres décident de le finaliser… Et cette
ffois, plus de doute, le 25 février, la commande du Guide pratique
ddu rechargement « nouveau » sera à portée de « clic » ! Un ouvrage
entièrement remaquetté, enrichi et intégrant les anciens calibres
e
dits « de guerre » légalisés en 2013. Une clé USB l’accompagne,
d
avec toutes les recettes concoctées par Alain. Elle aussi a été
a
améliorée, enrichie et complétée, avec plus de 250 calibres, soit
a
60 de plus que dans sa première version, et 2700 recettes, dont
6
200 nouvelles. Le tout logé dans un élégant coffret !
2
Guide pratique du rechargement,
Casa Édition, 176 p., 65 €.

DVD

Opus Capreolus
Marc Rouget

Lorsque j’étais enfant, les chevreuils étaient

loin d’être aussi nombreux qu’aujourd’hui et bien
mal répartis sur notre territoire. La Beauce, où j’usais
mes premières paires de bottes, fut longtemps dépourvue
du gracile animal. Mais, peu à peu, il devint plus fréquent. On
commençait à l’observer, l’apprécier, découvrir sa finesse, son
élégance, sa beauté. Sans, cependant, rien connaître de lui ou
presque. À l’époque, les DVD ou cassettes VHS n’existaient
pas et peu de livres lui étaient consacrés. Le plus petit de
nos grands gibiers gardait sa part de mystère. D’ailleurs, la
première fois que je l’entendis aboyer, je ressentis un choc.
Rien ni personne ne m’avait préparé à ce qu’un animal aussi
fin, léger, presque fragile, puisse pousser ce jappement
rauque et agressif. Quarante ans plus tard, les choses n’ont
pas réellement changé, le chevreuil reste le plus méconnu de
nos grands gibiers et bien peu d’études, écrites ou filmées,
lui sont consacrées. Le sanglier et sa bestialité ou le cerf et
son brame si démonstratif font de l’ombre à Capreolus ! Ou,
plus peut-être qu’à cette imposante concurrence, la faible
publicité faite au chevreuil tient-elle finalement à son propre
comportement : son extrême discrétion. Sa taille mais aussi
ses mœurs le font souvent passer inaperçu et rendent la tâche
ardue à celui qui tente de l’approcher.
Voilà pourquoi les films consacrés au chevreuil sont si rares
et il convient d’apprécier comme il se doit Opus Capreolus,
un document signé Marc Rouget. Ce film est tout à la
fois une page de poésie, une immersion dans l’univers du
chevreuil et un coin de voile levé sur le petit cervidé. Marc
Rouget vous propose de vivre les quatre saisons du
chevreuil en autant de chapitres. À chacune de ces étapes,
le petit cervidé change du tout au tout. Doux puis brutal,
grégaire puis solitaire, discret et apeuré puis territorial voire
agressif. Et le plus souvent invisible, alors que son espace
vital se résume à quelques hectares. Le réalisateur a passé
des centaines d’heures sur le terrain pour nous livrer ces
images. Il a su se fondre dans le paysage, vaincre la vigilance
de l’animal et percer son intimité pour nous ramener des
scènes incroyables, que d’ordinaire nous n’apercevons que
par bribes. À ces images rares et belles, il a associé les
commentaires de François-Xavier Allonneau, que je ne vous
ferai pas l’injure de vous présenter. Clairs, précis, jamais
redondants avec les images de Marc, ils les appuient et
les complètent à merveille. Un éclairage essentiel pour que
Capreolus ne soit plus une silhouette furtive.
Opus Capreolus, 47 minutes,
DVD ou Blu-ray au choix, 20 € + 5 € de port.
Marc Rouget, 10 rue de la Vallée, 91660 Méréville,
marc.rouget@mac.com,
commande par Paypal sur : opuscapreolus.com

14 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022 Page réalisée par Laurent Bedu
Trophées 2021 Vous les avez élus !

Les 6 produits de
Les meilleurs de leur catégorie
Le rendez-vous est immuable, chaque printemps, nous soumettons à vos
votes l’élection des six meilleurs produits de l’année. Une carabine, un
fusil, une optique, un modérateur de son, une cartouche et un vêtement
lancés au cours de la saison écoulée sont choisis par vous et récompensés
par un trophée en bronze. Découvrez le palmarès des Trophées 2021
de Connaissance de la Chasse et Armes de Chasse. Laurent Bedu

Meilleure carabine
Sauer 101 Highland XTC

Alexandra Berton

Un trophée La petite carabine 101 de Sauer se décline cette année en une XTC. Cette version carbone
et ultralégère (2,4 kg) d’une arme bien née est destinée à l’approche, nous l’avons

en bronze signé longuement testée au brocard l’été dernier, avec grand bonheur.

Continsouzas Meilleur fusil

Chaque lauréat reçoit
une médaille de grand Verney-Carron Collection EL 28
format en bronze, une œuvre
signée Dany Continsouzas,
illustre artiste animalier.
Ce trophée, de poids,
est en bronze, ciselé
et patiné par l’artiste.

Jean Verney-Carron
Cet Extra Light, sorti des ateliers de Verney-Carron Collection, est un vrai calibre 28 juxtaposé,
dans ses dimensions comme dans son charisme. Une arme comme Saint-Étienne pouvait nous
en proposer à sa meilleure époque : juxtaposée, fine, réduite à des proportions minimales et parfaites
qui conserve sur le terrain les qualités d’un fusil de chasse bien né.

16 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

l’année
Meilleur modérateur de son
Freyr & Devik Titanium 280
Leur design en double cône les rend
reconnaissables entre tous, mais
les Freyr & Devik doivent aussi leur
réputation à leurs qualités balistiques.
Ces modérateurs en alliage et titane
réduisent le bruit des détonations
de 26 à 30 dB avec un encombrement
et un poids réduit, à l’image du
Titanium 280 qui déborde du canon
de 12,5 cm et ne pèse que 280 g.

Alexandre Van Robais

Meilleure optique Meilleur

Swarovski Pure NL vêtement
L jumelles sont nées
Les
il y a deux siècles, en
Solognac veste 900
11823. À l’époque, leur
ccréateur, Johann Friedrich
Camo
VVoigtländer, donne à ces
ooptiques destinées au
théâtre le nom de « lunettes
th
fluo
à piqûre ». Deux siècles plus
tard, Swarovski réinvente
ta
ccette optique avec les
Pure NL, dotées de formes
P
nnouvelles et ergonomiques
eet d’une luminosité et d’un
cchamp visuel incroyables. Gino Merchiers

Meilleure cartouche
Sako Blade

Ernest Féron
Voici un équipement « trois en un » étudié pour
Benoît Ducôté vous accompagner en battue les jours de grand
froid, promettant un confort thermique jusqu’à
La Blade est une balle monométallique à pointe creuse protégée par une pointe - 20 °C, mais dont vous pouvez porter le seul
en polymère à trois lames destinées à favoriser l’expansion. Elle est disponible en blouson intérieur durant les saisons intermédiaires.
.308 Winchester, .30-06, .300 Winchester Magnum et bientôt 6,5 x 55, 6,5 Creedmoor, Membrane et zips étanches, nombreuses poches,
9,3 x 62 et .270 Winchester. tissu silencieux type velours.

Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 17

Courrier des lecteurs
Le bronzage
à la couche
s’impose pour
les canons
d’un fusil
de chasse.
Une Prevot sans plomb
Il me semble qu’il y ait une erreur
concernant la marque Prevot dans
l’article consacré, dans le dernier
hors-série, aux balles pour fusil à
canon lisse : la V12 S n’est pas
une sans-plomb. C’est dommage,
elle m’intéressait ! Pouvez-vous me
le confirmer ? [cf. hors-série n° 14,
« Balles sans plomb, bientôt la
norme ? », p. 86, NDLR]
Gaëtan Fenneteau
I
l y a deux balles
les Prevot V12 S,
une plomb, qui ui pèse 28 g en
calibre 12, et une autre en acier,
celle citée dans notre article, une
balle sous-calibrée
rée logée dans une
bourre non prédécoupée
découpée afin de
protéger les canons,
nons, notamment
au passage des chokes.
C’est une nouveautéauté
qui devait arriverr cet
automne, mais sa
production a pris s du
retard, ce qui explique
xplique
que vous ne l’ayez
yez pas
trouvée ou confondue
ondue
avec son aînée en plomb.
18 Armes de Chassee n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Faire rebronzer
son canon
Je viens de lire l’article sur le bronzage des fusils
écrit par Jean-Claude Mournetas. Je dois faire
rebronzer les canons de mon fusil et je sais que
si je l’apporte à mon armurier, il va sous-traiter
cette tâche. Serait-il possible d’avoir l’adresse
d’un armurier spécialisé dans le bronzage ?
Jean-Christophe Massotte
V
ous ne précisez pas dans quel coin de
France vous habitez, ce qui peut être
utile pour vous fournir des adresses !
Cela étant, sachez que les armuriers
qui réalisent des bronzages sont assez
nombreux et le fait que votre armurier
sous-traite cette opération n’est sans doute
pas un mal. Vous avez la certitude que
vos canons seront entre les mains d’un
spécialiste. Veillez seulement à demander à
votre armurier à faire réaliser un bronzage à
la couche, idéal pour des canons de fusils,
et non au bain, à réserver aux canons de
carabines. Les clés d’un beau bronzage sont
un polissage soigneux, qui va apporter le
brillant, et une liqueur pas trop agressive,
afin que le noir bleuté gagne en profondeur
et en intensité petit à petit, sans attaquer
l’acier des canons. Votre armurier pourra
sans doute vous montrer des bronzages
qu’il a fait réaliser dans le passé. Vous
saurez si le travail vous convient et si tel est
le cas serez tout à fait rassuré quant à la
prise en charge de votre arme.
Bien qu’encore peu de données
soient disponibles à son sujet,
elle nous a semblé intéressante à
retenir dans notre sélection. Nous
espérons pouvoir la tester bientôt.
En attendant, voici les données
fournies par le fabricant : masse 18
g, vitesse 622 m/s, énergie 3 485 J à
la bouche, prix 19 € la boîte de 10.
La nouvelle Prevot V12 S
en acier, dont l’arrivée
se fait attendre, ne pèse
que 18 g en calibre 12.
À propos de la
Strasser RS14
J’ai exploré toute ma collection d’Armes de
Chasse, du n° 1 au 83, sans trouver ce que je
cherchais : des informations sur la carabine
Strasser RS14 et sa culasse mobile. L’article
m’aurait-il échappé ou n’avez-vous jamais rien
publié sur le sujet ?
Jean-Pierre Bruaux
L
a Strasser RS 14 n’a jamais fait l’objet
d’un article dans Armes de Chasse,
mais un test lui a été consacré
dans Connaissance de la Chasse (n° 524,
décembre 2019). Cette carabine linéaire
est une version évoluée et améliorée de la
RS 05 sortie en 2005, qui avait été conçue
avec l’aide de Horst Blaser, fondateur de
la société éponyme. La RS 14 repose sur
une longue tête de culasse dont quatre
segments, situés juste derrière la tête,
se déploient à la fermeture et viennent
s’ancrer dans des gorges usinées dans le
canon. Le débattement de la culasse est
important, c’est sans doute son principal
défaut, d’autant que cette dernière n’est
pas contenue dans le boîtier et revient vers
le visage. Pour le reste, c’est une carabine
modulaire, entièrement démontable sans
outil, extrêmement précise, grâce à son
canon Lothar Walter. Le boîtier comporte
deux larges ouvertures symétriques, qui
jouent le rôle de fenêtres d’éjection et sont
surmontées d’un pont pour apporter de la
rigidité à l’ensemble. En optant pour une
culasse à levier à droite ou à gauche, on
passe d’une arme droitier à une intégral
gaucher. Toutefois, la culasse n’est pas
réversible, comme sur la Beretta BRX1
ou la Savage Impulse par exemple, il faut
la changer, ce qui a un coût.
La Strasser RS 14 est déclinée en plusieurs
versions, dont l’Evolution et son boîtier
coiffé d’un rail Picatinny-Weaver.
 Notre lecteur doit
engager la sûreté avant
de remonter le bloc
tombant de sa Ruger.

Mettre une Ruger N°1

en sûreté
J suis possesseur d’une carabine Ruger N°1, fabriquée
Je
en 1987, et j’ai été confronté à un problème de mise
e
en sécurité que je n’arrivais pas à enclencher.
e
Je n’y suis parvenu qu’après de longs tâtonnements.
J
Sur une carabine classique, les opérations sont les
S
ssuivantes : 1/ ouvrir la culasse ; 2/ introduire une
cartouche ; 3/ fermer la culasse ; 4/mettre la sécurité.
c
Voici maintenant comment je dois procéder sur
V
ma carabine : 1/ ouvrir la culasse ; 2/ introduire
une cartouche ; 3/ mettre la sécurité ; 4/ fermer
la culasse. Cette façon de procéder me semble
ssingulière. Je n’ai pas trouvé d’explication à ce sujet
ssur la notice (en anglais), que je me suis procurée
ssur le site Ruger. Je serais heureux de connaître
vvotre avis et vos conseils. Je vous remercie
par avance.
p
Bernard Aubert

E
ffectivement, votre Ruger semble
caractérielle ! Elle connaît sans doute un
souci mécanique qui empêche la sûreté
d
d’être enclenchée lorsque le bloc tombant
e
est remonté. Nous sommes plusieurs à la
rrédaction à posséder une Ruger N° 1 et
a
aucun de nous n’a rencontré le genre de
p
problème que vous décrivez. Vous ne
lle dites pas, mais vraisemblablement,
u
une fois la culasse remontée avec la
ssûreté préalablement enclenchée,
c
cette dernière peut être désactivée.
Dans ce cas, pouvez-vous ensuite
la remettre ou devez-vous répéter
ttoutes les opérations ? Si le retour de la
ssécurité n’est pas possible, nous vous
conseillons d’aller voir un armurier
car il est probable qu’un problème
mécanique ou d’ajustage de crosse
m
perturbe le bon fonctionnement de
p
ll’arme. Et, nous pouvons nous tromper,
mais l’affaire ne devrait pas être
m
ttrop sérieuse ni engendrer trop de
dépenses.
d

La Ruger N°1 possède une

mécanique assez simple,
il ne faut pas hésiter à la
faire réviser, cela engagera
rarement des frais importants.

Pages réalisées par Laurent Bedu

Le coin du collectionneur Union sacrée

Le Robust-Idéal
Deux noms illustres
mais une existence brève
En combinant le nom de deux de ses plus
célèbres fusils, Manufrance espérait sans doute
rallier tous les suffrages autour du meilleur
des deux armes. Pourtant, en dépit de ses
ascendants renommés, le Robust-Idéal eut une
existence brève, due à une naissance au mauvais
moment, à la veille d’un conflit mondial.

La page de présentation du Robust-Idéal
du catalogue de la Manufacture de 1937,
l’année de sa naissance. Le modèle
268 coûtait alors 1 600 francs, le 274,
1 900, le 280, 2 250, le 286, 2 700 et le
292, 3 250. Il fallait ajouter 100 francs
pour le parachromage des canons et
50 pour les rayures Supra. À la cessation
de la fabrication, en 1961, le 268 coûtait
1 080 (nouveaux) francs, le 274, 1 200, le
280, 1 330, le 286, 1 495 et le 292, 1 660,
parachromage compris mais rayures Supra
toujours en supplément (35 francs).
20 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
L’
entre-deux-guerres
fut une période
faste pour la Manu-
facture d’armes et
cycles de Saint-
Étienne. En choisissant de ne pas
reprendre la fabrication de ses
fusils à broche et ceux à percus-
sion centrale à chiens extérieurs
qui étaient à son catalogue avant
1914, elle put se concentrer sur la
production de deux hammerless
qui vont faire sa renommée : le
Robust et l’Idéal. Le premier
est une arme de chasse alliant
qualité et, du fait de sa fabrica-
tion industrielle, prix abordable
(cf. Armes de Chasse n° 33, 2e
trimestre 2009 et hors-série n° 11,
2018). Le second est à l’opposé, un
fusil hors du commun tant par sa
conception mécanique que par sa
finition (cf. Armes de Chasse n° 19,
4e trimestre 2005) et hors de portée
de la majorité des bourses. En 1926,
une déclinaison encore plus sophis-
tiquée est mise à l’étude : le « Super
Idéal », un modèle à platines destiné
à une clientèle très fortunée. Une pré-
cédente tentative avait été amorcée en
1913 et rapidement interrompue par le
début de la guerre. Mais, même dans
les années 20, le projet n’aboutira pas,
sans doute fut-il jugé finalement trop
ambitieux. Dix ans plus tard, en janvier
1936, Manufrance lance l’étude d’un
fusil de milieu de gamme, destiné à
s’insérer entre le Robust et l’Idéal.
Cette fois, le projet est mené à terme,
avec la naissance du Robust-Idéal,
dont la commercialisation débute en
1937.
La voie du milieu
Ce très beau fusil est une arme hybride,
composée du mécanisme de l’Idéal
auquel sont greffés les excellents
canons du Robust. Dès son lance-
ment, on reconnaît au fusil des qualités
supérieures à l’Idéal, de l’aveu même
des dirigeants de la Manufacture. Au
point qu’ils lancent une étude des
« modifications à apporter au fusil
Idéal en vue de lui donner les qualités
de mise en joue et de bonne portée du
fusil Robust ». Mais la guerre interrom-
pra le projet qui ne sera repris qu’au
lendemain du conflit.
Revenons aux canons du Robust Idéal.
Leur aspect est très particulier du fait
d’un montage à frettes apparentes, tout
aussi solide, sinon plus, que le mon-
tage en demi-bloc et d’un assemblage
mécanique infiniment moins coûteux.
Sur ce type de montage, la bande cen-
trale qui unit les deux tubes comporte
 Les trois fusils de chasse
à canons juxtaposés
emblématiques qui firent
le renom de Manufrance :
de haut en bas, le Robust,
le Robust-Idéal et l’Idéal.

La table des
canons de ce
modèle à éjecteurs
automatiques
comporte
résumées toutes
les indications
de présentation
du fusil qui figurent
sur catalogue.

Dans la mortaise taillée dans le rempart de culasse

apparaît le verrou en coin, qui vient bloquer le
prolongement de bande des canons à la fermeture.
Avant même
la lecture de
« Fusil Robust-Idéal
breveté SGDG »,
poinçonné sur
le côté gauche
du canon, il est
possible d’identifier
le modèle par son
levier sous pontet,
hérité de l’Idéal, et
sa frette apparente,
empruntée au
Robust.
Le coin du collectionneur Union sacrée
Un très beau
Robust-Idéal
modèle 286,
présenté
sur la page
consacrée au
Robust-Idéal
du remarquable
ouvrage de
Frédéric Vergne,
« Le Fusil Idéal,
le plus parfait
et le plus beau
fusil du monde »
(La Manu
Édition).
La parenthèse « Manumodèle »
En 1924, la Manufacture
instaure sa propre filiale
concurrente de diffusion de
ses armes : la société Manu-
modèle. Concurrence ou
opportunité ? Quelle qu’en
soit la raison, une chose
est certaine, les armes qui
y sont vendues sont parfai-
tement identiques à celles
de la Manufacture : sorties
des mêmes ateliers, usinées
avec les mêmes matériaux
par les mêmes ouvriers et
d’une qualité irréprochable et
constante. La seule différence
réside dans leur dénomina-
tion et leurs marquages.
22 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Ainsi le Robust-Idéal de
Manufrance devient le Costo-
Super chez Manumodèle. Sur
le Robust-Idéal, le marquage
est poinçonné en creux dans
un rectangle alors qu’il est
simplement gravé en inci-
sion sur le Costo-Super. En
outre, une unité est retirée au
numéro de série de l’arme :
par exemple, un modèle de
Robust-Idéal 274 reçoit un
poinçon 273 en Costo-Super.
Encore une fois, en dépit de
ces différences d’appellation
et de nomenclature, les deux
fusils sont des vrais jumeaux,
et le pedigree « Manumo-
dèle » n’implique en rien une
fabrication en sous-traitance
comme il a été parfois dit à
tort. Le même principe sera
appliqué pour toutes les
autres armes de la Manufac-
ture transitant par Manumo-
dèle, comme nous avons déjà
eu l’occasion de le signaler
à propos du Robust 222 qui
devenait un Costo 221.
Un seul marquage
apparaît sur la frette
du canon de droite :
« Fabrication française ».
un prolongement s’encastrant dans la
bascule, mais ici avec une très légère
différence dans les entaillages : il y a
un méplat à la base du prolongement
qui est absent sur le Robust. L’extrac-
teur, à simple guide, se trouve juste
au-dessous.
L’acier de ces tubes est décliné dans
des qualités croissant avec la mon-
tée en gamme : en 1937, de l’acier
« extra » pour le modèle de base, puis
« Hercule » d’une à quatre palmes et,
à partir de 1938, de l’acier Hercule
pour toute la gamme, d’une à quatre
palmes toujours. Le forage est limité
aux calibres les plus usuels, 16 et 12,
avec chambres de 65 mm d’abord, puis
de 65 ou 70 mm en option en 1956 et
1957, puis uniformément de 70 mm à
partir de 1958. La longueur des tubes
ne changera pas : 70 cm pour les deux
calibres – ou plutôt 70,4 cm, comme
on le constate souvent.
Au début de la fabrication, les canons
ne sont pas parachromés de série, la
finition est proposée en option pour
un prix assez élevé. Elle devient systé-
matique après-guerre, à la reprise de la
fabrication en 1949, et est mentionnée
Les devants des premiers
modèles étaient montés
à arrachement, avant
d’être équipés d’une
monture à pompe.
dans le catalogue général de la Manu-
facture en 1950, année de sa reparution.
Notons que le numéro de série des
fusils aux canons parachromés de 1941
à 1954 est suivi de la lettre P (268 P
par exemple).
Du début à la fin de la production,
en 1961, les canons sont établis plein
choke à gauche et demi-choke à droite.
Le canon droit peut être livré avec le
fameux « rayage Supra » sur commande
spéciale ; le numéro de série de l’arme
est alors suivi de la lettre S. Ce canon
rayé sera la seule particularité proposée
en ajout pour le Robust Idéal, qui n’a
pas été décliné en modèle canardier ou
grande chasse comme les autres fusils
Manufacture.
Le mécanisme de l’Idéal,
les canons du Robust
À ces canons issus du Robust est
donc associé le mécanisme de l’Idéal.
L’armement des percuteurs par le
grand levier d’ouverture est bien
identique à celui de l’Idéal, mais le
verrouillage diffère quelque peu. Le
verrou ascensionnel venant bloquer la
« poupée » de prolongement de bande
a été supprimé et remplacé par un ver-
rou en tiroir qui vient se prendre dans
l’encoche du prolongement de bande.
Ce verrou est actionné en direct par
articulation sur l’extrémité de la tête
du levier d’ouverture. Cela apporte
une simplification importante pour
l’usinage et le verrouillage en ressort
aussi fiable et robuste.
Le coin du collectionneur Union sacrée
Les prolongements
de bande des deux
armes sont différents :
en « poupée » pour l’Idéal
(en bas) et droit à encoche
pour le Robust-Idéal
(en haut).

poinçons de la Manufacture des deux

types, la mention « épreuve arme finie »
suivie de la pression des épreuves
(« 1100 kg »), la spécification « fabrica-
tion mécanique » et « canon fretté », le
type d’acier (Hercule, suivi du nombre
de palmes correspondant), le calibre
(« 16 » ou « 12 ») suivi du type de
reforage (« choke » et « demi-choke »)
et de la dimension des chambres (65
ou 70 mm).
Sur les tubes, à l’avant de la frette,
est répété le matricule de l’arme, puis
celui du type suivi éventuellement de
la lettre P, pour parachromé comme
nous l’avons vu, puis les mentions
« intérieur poli en long » et « portée
garantie ». Pour les modèles à éjecteurs
automatiques, le matricule est poin-
çonné sur la bande-guide du poussoir
de verrouillage du devant.

Une victime de
la « fracture sociale » !
Dès sa sortie, le Robust-Idéal
est une arme de chasse abou-
tie, tant sur le plan pratique
que balistique. Sa vocation
est d’équiper une classe
moyenne de chasseurs qui
ne veut pas (ou ne peut pas)
investir dans un fusil du prix de
l’Idéal mais souhaite cepen-
dant une arme supérieure au
« basique » Robust.
La Seconde Guerre mondiale
porte un coup d’arrêt à la
carrière de l’arme et surtout
à toute l’économie française,
suivi bientôt d’une dévalua-
tion catastrophique. Selon un
phénomène de balancier bien
connu, les classes moyennes
s’effondrent et leur pouvoir
d’achat suit. À la reprise des
activités après-guerre, les
chasseurs disposant encore
de quelques moyens pour
s’offrir une arme neuve optent
pour le classique Robust, ou
son équivalent dans d’autres
manufactures – comme le
MAT 47 (cf. Armes de Chasse
n° 15, 4 e trimestre 2004).
L’Idéal reste l’arme de chasse
d’une classe privilégiée, alors
que le Robust-Idéal peine à
trouver sa place dans ce
contexte en dépit de toutes
ses qualités. On aurait pu s’at-
tendre à le voir repartir dans
la décennie suivante, mais le
marché est désormais saturé
par beaucoup d’armes étran-
gères, pas toujours de qualité
mais tape-à-l’œil et d’un prix
abordable. Le Robust-Idéal est
victime de la conjugaison de
tous ces facteurs et connaît
au final un échec commer-
cial, qui entraîne l’arrêt de sa
fabrication en 1961.
Et aujourd’hui ? Pour le chas-
seur, il reste un excellent
fusil qui ne lui apportera que
des satisfactions. Et pour le
collectionneur, il représente
une pièce de valeur en raison
d’une production relative-
ment limitée, surtout dans les
modèles de haut de gamme à
éjecteurs automatiques aux
bascules joliment ciselées.
Les modèles Costo-Super
(cf. « La parenthèse “Manu-
modèle” », p. 26), encore plus
rares, surtout là aussi dans
les modèles luxe à éjecteurs
automatiques, présentent un
intérêt tout particulier pour le
collectionneur averti qui saura
ne pas se laisser influencer
par le mépris qui a pu leur
être réservé.
On retrouve le bloc de culasse de
l’Idéal à la différence près qu’il com-
porte des entaillages pour les pas-
sages des verrous. Aucun modèle,
même celui en sommet de gamme (le
292), ne présente de renfort en as de
pique sur la poignée, contrairement
aux Idéal. Si vous en voyez, il s’agit
d’une supercherie opérée par quelques
bidouilleurs, avec pour seul résultat de
faire perdre sa valeur pour la collection
à une arme de qualité.
Le poids du fusil varie de 2,9 à 3 kg, ce
qui en fait une arme agréable à porter
sur le terrain.
Un moment de lecture !
Sous la bascule, bien en avant du pon-
tet, on retrouve poinçonné le pedigree
du fusil : dans un rectangle orienté
en allonge, « Robust » puis « Idéal »
disposés en superposition. Le numéro
de série du type du fusil n’y est pas
associé comme sur l’Idéal, mais est
gravé indépendamment sur le tra-
vers de la culasse, plus en avant. Soit
selon le degré de finition de l’arme :
n° 268, 274, 280, 286 ou 292. Sur le
rempart de culasse, entre les trous des
percuteurs, le matricule du fusil est
poinçonné et, sur la table de culasse, le
poinçon du banc d’épreuve, à droite, et
le poinçon « MF » de la Manufacture,
bien connu.
La table des canons tient quasiment de
la notice explicative ! On y retrouve les
Les finitions
La mise en bois est d’une qualité habi-
tuelle pour Manufrance, c’est-à-dire
ordinaire, loin de la loupe ou de la
ronce de noyer, annoncée publicitaire-
ment dans les catalogues. Les crosses
sont à poignée demi-pistolet avec un
fin quadrillage fait à la main pour tous
les modèles. Même le modèle supérieur
n’arbore pas un beau quadrillage écos-
sais. À ce propos, ne vous fiez pas aux
catalogues… Par exemple, la photo de
présentation du Robust Idéal figurant
sur la première page de l’édition 1958
est en réalité celle d’un Idéal n° 334.
Les devants sont quadrillés avec le
même soin mais diffèrent dans leur
montage. Les premiers modèles de
Robust Idéal équipés d’extracteurs
sont à devant à arrachement alors que
les modèles à éjecteurs sont à devant
à démontage à poussoir.
Tous les modèles sont équipés de la
si pratique bretelle automatique. La
plaque de couche est en plastique
noir strié et ne comporte pas systé-
matiquement le sigle « MF », du fait
de la fabrication de plaques en sous-
traitance à la reprise des activités après
la guerre, quand il fallait faire avec les
moyens du bord, qui étaient plus que
restreints. Même fabriqué en petite
série, le Robust-Idéal peut faire l’objet
d’une seule collection. Q
Texte et photos
Jean-Claude Mournetas

24 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

Armes fines Basculantes et renversantes

Rodolfo Cosmi
Un semi-auto bien sûr, mais aussi
un juxtaposé et un superposé
Le nom de Cosmi évoque pour vous automatique et les avan-
tages du fusil basculant.
exclusivement un magnifique fusil C’est un tout autre ave-
nir qui semble l’attendre,
semi-automatique basculant ? Alors votre une carrière de menuisier,
comme son père. Mais
culture armurière réclame une petite mise voilà que le tout jeune
Rodolfo se prend de pas-
à jour … La firme italienne se lance dans sion pour les armes à feu
et leur mécanique, au point
les juxtaposés à platines et superposés à de consacrer le plus clair
de son temps libre à les
batteries. Et ce n’est qu’un début ! étudier ou à les réparer. À
tout juste 17 ans, il se fait
remarquer en fabriquant
un fusil de chasse dont le

R
odolfo Cosmi naît en 1873 à Macerata Feltria,
un joli village du nord-est de l’Italie, dans la
province de Pesaro et Urbino, sur les rives de la
mer Adriatique. Sa famille est très modeste et il
grandit dans l’isolement rural. Rien n’annonce
qu’il deviendra l’inventeur du légendaire semi-automatique,
un chef-d’œuvre de l’armurerie italienne et le premier
fusil au monde à combiner le meilleur mécanisme semi-
canon est constitué d’une
Rodolfo Cosmi. simple canne-parapluie.
Et c’est donc en véritable
autodidacte qu’il se lance en 1895, à l’âge de 22 ans seule-
ment, dans la fabrication d’armes de chasse sous son propre
nom. Des réalisations qui devaient déjà être de grande qualité
car très vite les commandes affluent et le nom de Cosmi
commence à circuler.

26 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022


Comme les autres fabri-
cants italiens de cette fin
du XIXe siècle, Rodolfo
Cosmi fabrique des platines
à chiens et sans chiens et de nombreux Anson &
Deeley auxquels il apporte quelques modifications.
Tous les concepts mécaniques des fusils de chasse à succès
sont déjà développés. Les Britanniques ont perfectionné le
juxtaposé, les Allemands introduit la carabine à verrou et,
en Amérique, l’idée de charger automatiquement un fusil de
chasse est sur le point d’être mise en pratique par John Moses
Browning avec l’Auto 5. Une arme qui allait profondément
marquer Rodolfo Cosmi. Lorsqu’il prend en main pour la
première fois cette arme de chasse ultramoderne, il est émer-
veillé par le génie déployé. C’est un fusil exceptionnel pour
l’époque par sa rapidité, son confort et sa fiabilité. Rodolfo
se met à l’étudier dans ses moindres détails, à évaluer ses
avantages et ses inconvénients, et à chercher des solutions pour
l’améliorer encore. Son objectif est de créer un mécanisme
parfait avec une esthétique élégante mais en conservant le
principe du long recul du canon.
« Votre fusil est merveilleux »
En 1907, il fabrique le premier prototype de sa nouvelle arme,
mais il n’en est pas satisfait et va continuer à y travailler pen-
dant de longues années. Il s’attelle aussi à d’autres projets,
comme un juxtaposé à platines type Holland & Holland achevé
en 1920. Cinq ans plus tard, il termine enfin son semi-auto-
matique, le dernier prototype qu’il juge cette fois abouti. Le
fusil est prêt et le brevet déposé. Immédiatement, l’arme crée
l’événement. À première vue, elle ressemble à un semi-auto
classique, qui s’ouvre, se ferme et bascule comme un fusil tra-
ditionnel – une clé supérieure commande d’ailleurs l’ouverture
comme sur un juxtaposé. Mais son magasin, d’une contenance
de huit cartouches, est situé dans la crosse et non dans le
devant. Là est la grande particularité de ce fusil, le secret de
sa maniabilité, de son équilibre et de sa grande stabilité lors
du tir. Cela vient gommer le principal inconvénient du semi-
Le semi-automatique
Cosmi est un véritable
prodige mécanique,
et sa gravure souvent un
chef-d’œuvre esthétique.
automa-
tique de Brow-
ning : le changement
d’équilibre de l’arme au fur
et à mesure qu’elle tire, du fait
de l’emplacement du tube magasin
dans le devant. De ce point de vue, Le Cosmi laisse
découvrir sa mécanique,
le Cosmi est sans défaut, son équilibre
les cartouches sont
ne change pas, le centre de gravité reste logées dans la crosse.
toujours situé au centre, entre les mains
du tireur – qu’il y ait huit cartouches dans
le tube magasin ou une seule.
Rodolfo Cosmi commence la production
en 1930 et le fusil se révèle très vite être
une arme d’une qualité exceptionnelle :
léger, précis, rapide à manœuvrer et robuste.
Les chasseurs l’apprécient, comme en
témoignent les courriers de clients à Rodolfo
Cosmi. « Cher Monsieur, j’ai testé l’automa-
tique dimanche dernier. En une heure trois quarts,
j’ai tiré 335 coups de feu, le fusil tuant à lui seul
environ 150 foulques. L’arme fut très admirée pour sa
ligne et surtout pour son fonctionnement absolument
parfait. Pour mémoire, je tiens également à ajou-
ter que, sur les quatre Browning présents, deux
ont été temporairement désactivés suite à des
défaillances non réparables sur place. Je voulais
porter à votre connaissance ce qui précède car le
brillant résultat que j’ai obtenu est en grande par-
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 27
Armes fines Basculantes et renversantes

Ivano Tanfoglio,
ancien propriétaire
de Ferlib puis associé
de Battista Rizzini,
œuvre désormais
à la diversification
des armes Cosmi.

Le premier superposé
de la marque se pare
d’un superbe long devant
La carabine
fer, aux allures de Boss.
semi-automatique
est construite sur
la base du fusil
semi-automatique.

prenante, occupant divers postes de direction, mais ce

tie dû à l’arme
parfaite que vous
avez construite. » Ou
encore : « Cher Cosmi, votre
fusil automatique est merveilleux. Je l’ai
utilisé dans mes chasses en Albanie à la
perdrix bartavelle dans les montagnes,
les canards et les bécassines dans les
marais, les bécasses et les sangliers dans
les bois : il ne s’est jamais enrayé et m’a
donné une grande satisfaction. Aucun
autre fusil automatique ne peut rivaliser
avec le vôtre. C’est mon opinion. »
Rodolfo Cosmi meurt en 1936, laissant sa
société florissante à ses fils, Marcello (né
en 1900) et Americo (1918). L’entreprise
familiale déménage en 1938 de Macerata
Feltria à son emplacement actuel, à Tor-
rette di Ancona, où environ 10 000 fusils
de chasse ont été fabriqués jusqu’à
présent, avec pour seule interruption
les années de guerre, entre 1940 et
1945. Depuis 2018, elle est la pro-
priété de Luca Gaeti, jeune entre-
preneur et chasseur passionné.
La famille Cosmi reste partie
rachat a permis un renouveau dont les fruits nous arrivent
depuis quelques mois. Il fallait une personne extérieure à la
famille, quelqu’un qui ose bousculer le legs de Rodolfo pour
le faire évoluer et grandir.
Croître ou disparaître
On ne compte plus les exemples de l’histoire artisanale et
industrielle prouvant la nécessité pour une firme, quel que
soit son prestige, d’évoluer, de se renouveler, de se remettre
en question. Parfois, elle doit même se réinventer entière-
ment sous peine d’être condamnée à disparaître. Pour cela,
différentes stratégies s’offrent à elle. L’une consiste à se
faire racheter par un grand groupe qui apporte de l’assise
financière. Les exemples sont nombreux dans l’univers de
l’arme fine : Purdey, Westley Richards, Rigby ou, dernier
en date, Holland & Holland racheté en début d’année par
le groupe Beretta. Une autre solution est de fusionner avec
d’autres grandes enseignes concurrentes. C’est la stratégie
choisie par les britanniques Henry Atkin, Stephen Grant et
Joseph Lang, regroupés en 1960 en une seule entité, « Atkin,
Grant & Lang ». Même chose en Écosse avec six manufactures
cette fois : John Dickson, James MacNaughton, Dan’l Fraser,
Alex Martin, Alex Henry et Thomas Mortimer. Ces fusions
ont évité la disparition à quelques-unes des plus célèbres
manufactures au monde. Certains fabricants choisissent
aussi de se diversifier afin d’étendre leur marque à d’autres
produits. Cette stratégie est salutaire quand la marque jouit

28 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022


Ce juxtaposé à platines
type H & H est la copie
conforme de celui
inventé par Rodolfo
Cosmi en 1920.
d’un imaginaire et d’un prestige suffi-
samment forts pour porter d’autres produits
(vêtements, bagagerie, joaillerie…).
Elle a permis par exemple à William & Son de garder et confir-
mer sa place parmi les marques de luxe. À l’exact opposé,
d’autres firmes optent pour ce qu’il est convenu d’appeler
dans le jargon marketing « la stratégie du mono-produit » :
ne proposer qu’un seul produit et le décliner en plusieurs
versions. C’est typiquement le choix fait par Rodolfo Cosmi
et poursuivi après lui, et il fut payant… jusqu’à récemment.
Car un équilibre construit sur un produit unique, fut-il légen-
daire, est forcément fragile, exposé à s’effondrer au premier
fléchissement de la demande. En faisant reposer sa réussite
exclusivement sur son fusil semi-automatique basculant,
Cosmi a subi de plein fouet les crises économiques successives
depuis les années 1970, qui ont frappé toutes les activités de
la chasse et du tir, et la dernière en date, provoquée par la
pandémie de Covid-19, ne fut pas la moins violente, avec
l’interruption de tous les voyages de chasse en Amérique
centrale et du Sud, moteur des ventes des semi-autos… La
stratégie du mono-produit a vécu ! Pour attirer une clientèle
nouvelle, se donner les moyens de survivre, voire de croître,
l’armurier italien a décidé d’élargir son offre.
Dans un premier temps, c’est une carabine semi-automatique
qui est entrée à son catalogue. Baptisée Rigato, elle reprend
les lignes du semi-auto iconique, mais dans les proportions
La signature Cosmi
est synonyme d’armes
fines, pratiques et
fiables. Trois qualités
qui sont en train
de gagner les
créations inédites
de la manufacture.
du .410 Magnum créé peu de temps
auparavant. Comme cela n’aurait sans doute pas
suffi, le fabricant a décidé de produire d’autres
armes basculantes, des juxtaposés et superpo-
sés conventionnels. Un choix qui implique un
savoir-faire qui ne s’improvise pas.
Deux stratégies étaient dès lors envisageables :
faire appel à la sous-traitance ou embaucher
un détenteur de ce savoir-faire. C’est cette
seconde option qui a été prise, grâce à un de
ces heureux hasards qui se présentent par-
fois. Au moment même où les dirigeants de
Cosmi étaient face à ce choix, un armurier du
nom d’Ivano Tanfoglio, méconnu du grand
public mais certainement pas par ses pairs et
quelques-uns des meilleurs spécialistes d’armes
fines au monde, mettait un terme au partenariat
qu’il formait depuis de longues années avec
Battista Rizzini, fabricant de fusils industriels
bien connu. Cosmi ne laissa pas passer l’occa-
sion et proposa à Ivano Tanfoglio le poste de
chef d’atelier en charge de la conception et de
la fabrication des juxtaposés, des superposés
et des carabines.
Le maître d’œuvre
de la nouvelle ère Cosmi
Ivano Tanfoglio a acquis sa réputation
dans l’univers des armes fines italiennes
en reprenant les rênes de Ferlib, l’entreprise de
son mentor Libero Ferraglio. Une firme qu’il
avait rejointe à l’âge de 14 ans pour y effectuer
son apprentissage d’armurier aux côtés de son
père Martino. Dans le même temps, il poursui-
vait ses études et décrochait un diplôme univer-
sitaire dans le génie mécanique. Chez Ferlib,
Ivano a été formé par des armuriers à l’ancienne
– « de vrais artisans », comme il aime à le sou-
ligner – qui fabriquaient des armes de manière
traditionnelle, à la main, perpétuant le savoir-faire
de la vallée du Val Trompia. Lorsqu’il prend les
commandes de Ferlib en 2004, il est au sommet
de son art. C’est un artisan accompli, un fabricant
d’armes fines qui maîtrise tous les aspects de
leur construction : basculage, marche, relime,
mise à bois, polissage, assemblage, fabrication
et ajustage des cames, armeurs, leviers, éjecteurs
et même garnissage des canons.
Durant les années Ferlib, Ivano a conçu et réa-
lisé, sous le nom de l’entreprise mais également
pour d’autres grands fabricants, des armes de
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 29
 nes Basculantes et renversantes
tous types, des express, des
platines juxtaposés ou super-
posés, des platines à chiens
extérieurs, à side-lever,
des Anson & Deeley,
des trigger-plate et bien
sûr les superbes Round
Action qui ont fait sa renom-
mée, qu’ils soient à bascule
acier ou bar-in-wood. Cepen-
dant, il n’a jamais fait le choix
de fabriquer des armes sous
son propre nom, à l’exception
d’une poignée sous la bannière
Rizzini & Tanfoglio à l’époque où il
s’est associé à Battista Rizzini, qui avait Cette batterie
alors créé un atelier custom sous ce nom.
Ivano accepte l’aide des nouvelles tech- design et aérienne.
nologies uniquement pour les travaux
préliminaires, comme l’ébauchage. Pour
le reste, il travaille à la main, à la lime la particularité
ou à la râpe le métal et le bois, avec une
patience de bénédictin et une connaissance
encyclopédique du métier, ou plutôt des
nombreux métiers que l’armurerie fine
nécessite de maîtriser. Dans son atelier,
où se sont succédé notamment de brillants
jeunes armuriers français qui venaient
parachever leur formation, le temps paraît
s’être figé, immobilisé depuis des siècles.
C’est de là que sortent, au compte-
gouttes, des armes d’exception
qui depuis longtemps mettent
en émoi les passionnés.
Le meilleur
du classique
Depuis qu’Ivano Tanfo-
glio a ouvert un nouveau
chapitre de sa carrière,
auprès de Cosmi, les
chantiers s’enchaînent.
Après un juxtaposé à pla-
tines et mé canique type
Holland & Holland, la copie
conforme du fusil inventé par son créateur
en 1920, c’est un superposé de toute beauté
qui vient d’être dévoilé.
« J’ai décidé de combiner ce que je
considère comme les caractéristiques
mécaniques et esthétiques les plus remar-
quables des grandes armes classiques
britanniques, confie-t-il. J’ai pris le meil-
leur de l’une et de l’autre et y ai ajouté
La batterie détachable permet d’oublier les vis
sous la bascule, tout comme la découpe où s’engage
le fer de devant à l’ouverture. Un vraie première
esthétique et technique.
30 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
ma touche personnelle. À première vue, on
pourrait penser que le résultat est presque
similaire à ce qu’offre le marché
britannique, mais en entrant dans
le détail, vous découvrez qu’il
n’en est rien. »
Et Ivano d’illustrer son propos
en détaillant chaque aspect de
l’arme : « Esthétiquement,
notre Sovrapposto s’ins-
pire des lignes épurées du
Boss, jusqu’à reprendre
son devant fer. Cependant,
mécaniquement, tout est
inédit, à commencer par la
batterie détachable à la main avec ses ressorts
détachable est principaux unilames, semblables à ceux utilisés
dans le fameux Round Action de John Dickson,
Ses ressorts jusqu’à son système d’éjection tout à fait nouveau,
unilames sont sans commune mesure avec les autres systèmes
existants. Les portées de recul sont remplaçables.
des fusils Et la bascule n’a pas cette horrible cavité sur le
Round Action.
dessous comme sur les autres superposés, ce qui
rend plus complexe la fabrication du devant. »
Ce superposé n’est pour l’instant disponible
qu’en calibre 12, mais il est décliné en deux
versions, avec une bascule acier ou titane.
Le délai de livraison est de huit mois,
voire davantage selon le graveur et
le type d’ornementation souhaités
par le client. Quel que soit le nom
retenu, il s’agit dans tous les cas d’un
des meilleurs talents d’Italie (Pedretti,
Terzi, Creative Art, Muffolini, Dassa…),
pour qui chaque arme mobilise plusieurs
semaines, voire mois de travail et dont
les agendas sont parfois remplis des
années à l’avance.
Ivano Tanfoglio travaille actuelle-
ment sur deux nouvelles armes, un juxta-
posé et un superposé, tous deux à platines,
En alternant et prévoit de s’atteler bientôt à un Anson &
bouchonnage Deeley à bascule ronde. Étant donné les profonds
et pièces polies changements qui remodèlent actuellement le
glace, acier rouge monde des fusils de chasse, il est difficile d’annon-
cerise, bleu ou cer la carrière de ces « Cosmi-Tanfoglio ». Mais
jaune, Ivano avec la stratégie adoptée par Cosmi et surtout
Tanfoglio a fait de celui qui a été choisi pour la mettre en œuvre,
sa mécanique une tout est réuni pour qu’elle soit remarquable. Avec
œuvre d’art qui ces nouveaux fusils, ce grand nom de l’armurerie
s’apprécie aussi
italienne pourrait bien écrire encore une longue
avec les yeux.
page de l’histoire des armes fines. Q
Djamel Talha
Dossier

Sommaire
• Une arme caractérielle .......... p. 34
• Balles en cuivre :
le vrai du faux .................................... p. 40

32 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

 Carabine imprécise
et balles sans plomb

Ce qu’il faut
savoir Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 33
Dossier Carabine imprécise et balles sans plomb
Une arme
caractérielle
Elle ne groupe pas
les balles que je veux
tirer, que faire ?
Régulièrement, des chasseurs
P
récise ou imprécise ? Avant
de savoir comment remé-
découvrent avec stupeur dier au second cas et arriver
au premier, rappelons ce
que leurs armes peuvent que le terme « précision »
signifie. La précision d’une carabine
se montrer caractérielles, désigne sa capacité à faire grouper
des balles X ou Y à toutes sortes de
accepter avec bonheur distances mais au moins à 100 m pour
commencer. Toutefois, il y a aussi un
certains projectiles et facteur humain dans l’affaire et c’est
le sujet qui fâche, celui sur lequel peu
en refuser d’autres, bien s’étendent, histoire de ne pas s’attarder
sur le terrain de l’ego. Mais allons-y,
entendu ceux qu’ils veulent quitte à perdre quelques amis !
employer ou ont en stock. Chasseurs au bord
de la crise de nerfs
Ces phénomènes sont Ce n’est pas parce que son arme est
garantie pour la minute d’angle (moa)
connus depuis longtemps des ou moins, est équipée de la dernière
tireurs assidus, qui ne font aberration optique (lunette 5-25 x 56
de plus d’un kilo et 3 500 €) et chargée
pas que presser la détente de munitions annoncées comme les
plus précises du marché que Dupont ou
mais s’intéressent aussi Durand tirant vingt coups par an sera
capable de grouper ses 3 ou 5 balles
aux notions élémentaires à 100 m dans un cercle de 3 cm tous
les jours que Dieu fait. Le tir est une
de balistique interne. discipline sportive et mécanique, pas un
don du ciel ! Une fois que ce principe
est intégré et que l’utilisateur connaît et
admet ses limites, on peut commencer
à regarder le matériel.
Ici, nous considérerons que vous êtes un
chasseur responsable, réputé bon tireur,
donc s’entraînant régulièrement. Vous
maîtrisez parfaitement votre carabine
et son optique et l’ensemble groupe
34 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
ses balles du feu de Dieu. En
lisant Armes de Chasse, vous
avez découvert de nouvelles
balles dont nous vantons les
performances. Elles possèdent
un coefficient balistique élevé
pour le poids et le calibre et sont
dotées d’une pointe en polycarbonate
effilée comme une aiguille, un boat
tail de hors-bord. En deux mots : le
top ! Vous avez sorti les billets, en avez
acheté cinq boîtes pour profiter des
15 % de ristourne et pris la direction du
stand pour ajuster les réglages.
Première série, ça ouvre, deuxième et
troisième, la cible semble avoir
reçu une décharge de che-
vrotine… Vous insistez un
peu et, une vingtaine de tirs
plus tard, vos insultes envers
le fabricant de votre arme ou,
au choix, le journaliste qui a signé
le test inondent le stand et bientôt les
forums.
Essayons de comprendre la situation
et si possible d’y remédier. La pre-
mière chose que vous devez faire avant
d’incriminer les rayures ou la chambre
de votre arme est de vérifier que tout est
en ordre au niveau des vis de fixation,
du bedding s’il y a, de l’optique et du
montage. Si votre carabine tire toujours
droit avec ses munitions d’origine, le
problème vient d’ailleurs. Pour savoir
d’où, il faut éliminer les possibilités
l’une après l’autre.
Commencez par un désencuivrage com-
plet du canon, surtout si vous n’en avez
jamais fait ! Prenez l’habitude de faire
ce nettoyage toutes les 50 cartouches en
suivant la procédure simple et éprouvée
décrite dans l’encadré ci-contre. Cette
méthode, donnée par Pierre Breuvart
dans son Petit Traité de tir, est utilisée
par les tireurs du GIGN et d’autres uni-
tés d’élite. Une fois que votre canon est
redevenu propre comme un sou neuf,
vous pouvez retourner au stand. Dans
de nombreux cas, l’amélioration sera
immédiate et vous devriez retrouver
une précision digne de ce nom. Mais
 Si votre carabine
ne vous offre
pas de meilleur
groupement
avec les balles que
vous avez choisies,
lisez cet article !
si l’arme groupe toujours comme des
chevrotines, au mieux en full choke au
lieu de lisse, vous l’aurez compris, il
faut encore chercher.
Mariages ombrageux
Supposons que votre carabine soit une
fabrication européenne réputée de la
fin du XXe siècle et vos cartouches des
Hornady à balles SST, qui plus est des
Superformance, dont la vitesse a été
boostée au maximum des pressions
admises. Je prends cet exemple car c’est
un des mariages réputés occasionner
de l’imprécision, les balles techniques
très élaborées étant celles qui génèrent
le plus souvent des problèmes dans
certaines armes.
Malgré les normes CIP, il existe et
existera toujours des différences entre
les canons de même calibre de différents
fabricants ; et en dépit de la compatibi-
lité des normes SAAMI avec les normes
CIP, il reste des différences tolérées.
Pour savoir pourquoi ça ne marche pas,
la première chose à faire est de mesurer
la chambre jusqu’à la prise de rayures et
de déterminer la longueur du free bore
(« vol libre » en langue de Molière), la
Désencuivrage : mode d’emploi
Si le canon est gras, dégraisser avec de l’essence à briquet.
Passer au Hoppe n° 9 ou équivalent avec une brosse en nylon.
Sécher avec un chiffon calibré (un seul passage par chiffon).
Passer du désencuivreur (Copper Remover, Sweet 7,62, etc.)
à l’aide de la brosse en nylon (pas en bronze).
Laisser agir 5 à 10 min maximum (suivre les indications du fabricant).
Renouveler les opérations 4 et 5 tant que le canon présente encore
des traces bleues ou verdâtres.
Sécher (un seul passage par chiffon).
Rincer l’intérieur du canon à l’eau écarlate ou à l’eau
chaude (parfait pour canon démontable) et débarrasser
l’extérieur de toute trace résiduelle de produit.
Si vous ne tirez plus, passer un chiffon légèrement huilé
avec un produit de qualité (Balistol, excellent).
partie située entre la fin de la chambre prise de rayures par le type de projectile
et le début des rayures. Ce vol libre, précité (et tous ceux dont le profil s’en
très réduit en principe, peut parfois être approche) se fasse de façon légèrement
beaucoup plus important pour s’adapter, désaxée. Le phénomène, aggravé par
par exemple, à de longues balles cylin- la vitesse de rotation induite par les
dro-ogivales dont les flancs sont longs et rayures, fait sortir la balle du canon avec
parallèles (6,5 x 55/7 x 64 par exemple), un angle imprévisible et aléatoire, ce qui
mais aussi (dans les canons des Wea- crée la dispersion constatée en cible.
therby) pour permettre une montée en Ce phénomène se rencontre souvent
pression moins brutale lors de la mise avec les balles dont l’ogive présente un
à feu des puissants calibres magnum de profil sécant, une forme qu’Hornady fut
la marque. Si votre chambre présente ce le premier à commercialiser en grande
type de free bore, il peut arriver que la série. Ce type d’ogive apporte, à balle
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 35
Dossier Carabine imprécise et balles sans plomb
En cas de problème,
le free bore (vol libre)
de la balle, entre sa
sortie de l’étui et la
prise de rayure, doit
être étudié de près.
© L.Hindrycks
Les Hornady SST,
de poids et calibre égal, un meilleur comme nombre
coefficient balistique que le profil des de balles à ogive
ogives tangentes plus courant. Mais, sécante, peuvent
tous les tireurs qui pratiquent le rechar- générer des
gement le savent, il est plus difficile à imprécisions dans
faire « marcher » et est très sensible à sa des carabines
position face aux rayures. Un dixième anciennes.
de millimètre d’enfoncement de la
balle en plus ou en moins change un
groupement. Certaines de ces balles
demandent d’être tirées en prise de
rayures, d’autres en très léger retrait.
Voilà comment l’avantage théorique de
quelques points de coefficient balistique
peut se retrouver totalement annulé par
l’imprécision ou, même si la précision
reste acceptable, par l’angle que la
pointe de la balle fait par rapport à son
axe de vol tout au long de sa trajectoire
– on parle ici en secondes d’angle pas
en degrés – qui augmente sa traînée. Je
simplifie, vous ne m’en voudrez pas.
La profondeur des rayures
Le profil des rayures du canon et leur profondeur
(tolérances mini ou maxi) jouent également sur la
précision. Des rayures un peu plus profondes que la
norme peuvent induire un effort plus important sur la
chemise de certaines balles, entraînant une déforma-
tion interne de celle-ci et un déséquilibre qui se paie
dès la sortie du canon, surtout si le pas est rapide et
la vitesse élevée. Le problème n’est pas rare avec les
petits calibres ou les balles les plus légères à calibre
donné, qui peuvent voir leur chemise se déchirer en vol
et la balle se « vaporiser ». Le diamètre exact de l’âme
du canon en plat et en fond de rayures joue également
un rôle qui peut altérer la précision de la balle.
36 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Ogives sécantes
caractérielles
Prenons un autre exemple – ce qui
évitera de stigmatiser Hornady –, celui
de Lapua et ses balles Scenar L en
calibre 6,5, dont le profil sécant à très
basse traînée (VLD) doit assurer une
meilleure tenue au vent et un meilleur
coefficient balistique sur toute la plage
de vitesse. Quand je les ai essayées à
leur sortie je ne suis jamais arrivé à les
faire marcher dans ma 6,5 x 47. Après
avoir perdu temps, poudre et amorces,
je suis revenu aux Scenar, voire aux
Sierra basiques, théoriquement moins
évoluées mais absolument régulières
et non caractérielles dans mon canon.
Les balles bi-ogivales très aérodyna-
miques, à ogive sécante et chanfrein
arrière très prononcé, sont générale-
ment en contact avec les rayures sur
une partie réduite par rapport aux
bonnes vieilles balles classiques. Le
moindre petit défaut d’alignement
de la chambre, qui autrefois (parfois
aujourd’hui encore) était faite après
les rayures, ou le moindre petit décen-
trage de la balle lors de la prise des
rayures se paient en cible suite à un vol
déstabilisé. Dans ce cas, il n’y a pas de
remède sauf à refaire la chambre s’il
y a assez de matière ou à recanonner.
Le pas de rayures d’un canon
est prévu pour des poids
de balles donnés, sachez-le !
Avant de démonter votre carabine
ou de changer de balle vérifiez que
votre canon est toujours flottant.
Plus simple est d’utiliser une balle dont
le corps plus cylindrique et l’ogive
tangente seront moins sensibles à ce
léger décentrage.
À ces problèmes peut s’ajouter celui de
l’angle de la prise de rayures – totale-
ment inconnu de 99 % des chasseurs et
pourtant d’une grande importance pour
contrôler la précision et la montée en
pression. Les ogives des balles, quelles
soient tangentes, sécantes ou hybrides,
s’adaptent plus ou moins aux angles
des rayures à la sortie de la chambre.
Si pour un fabricant comme Norma,
par exemple, il est facile d’optimiser
une munition de match et de définir
une chambre avec un angle de prise de
rayures adapté pour un type de balle
précis (6 BR Norma, 6XC, 6,5-284
Norma, 300/338 Norma Magnum),
concevoir une chambre de .308 Win-
chester, .30-06 ou 7 x 64 adaptée à une
ou deux balles de chasse est impos-
sible, et non rentable, pour un fabricant

de carabines quel qu’il soit. On choisit
donc un compromis, terme qui sied
fort bien à la balistique des balles de
chasse mais dont il faut avoir à l’esprit
la définition pour ne pas s’exposer à
des déceptions inutiles !
Je me souviens que Steyr avait sorti
sa SSG 69 en 7-08 Remington pour
répondreau souhait de l’importateur
français qui voulait satisfaire les tireurs
rêvant de cette arme en calibre « civil ».
La chambre et le canon respectaient des
tolérances minimales, proches de celles
des armes de match, ce qui en théorie
en faisait des machines à répéter sans
cesse le même trou. Hélas, la mise au
point des chargements était compliquée
et ces SSG étaient caractérielles avec de
très nombreuses balles, particulièrement
celles à ogives sécantes. Rien n’est
simple dans le domaine de la balistique
interne quand on parle d’armes et de
munitions fabriquées en grande série
et pour des usages variés.
Le pas de rayures
a le dos large !
Ce n’est pas fini, hélas ! Vous l’aurez
noté, on entend parler à longueur de
temps de pas de rayures qui seraient
responsables du raté sur le brocard ou le
bouc d’une vie… Voyons ce qu’il en est,
avec l’exemple du .30-06. Son pas de
rayures à été déterminé à partir de celui
du .30-03, qui lançait une 220 grains
cylindro-ogivale, longue et à flancs
parallèles. Mesurant 10 pouces/tour
(254 mm/tour), il permet de stabiliser
des balles de 110 à 240 grains sans
problème, surtout si les plus lourdes
sont lancées à leur vitesse maximale
(donc d’un canon de 61 cm ou plus). Par
contre, il pourrait (notez le conditionnel)
se retrouver en limite de stabilité avec
des balles de ce poids si on s’obstine à
tirer les plus lourdes des balles VLD
(très basse traînée) qui sont très longues
et conçues pour des cartouches de haute
intensité ou des pas de rayures de 9 à
8 pouces, voire moins. Mais si on reste
dans les poids classiques utilisés à la
chasse (150 à 200 grains), le pas de
rayures standard de la vieille cartouche
ne sera jamais responsable de l’impré-
cision. Celle-ci sera plus probablement
générée par une prise de rayure décen-
trée au départ du coup en raison du vol
libre plus important que peut créer le
profil de l’ogive (la longueur hors-tout
maximale des cartouches manufacturées
est fixe) ou son ogive arrière (boat tail)
trop prononcé, qui offre une surface de
poussée moins importante et irrégulière.
La cause peut être aussi d’un « plan-
tage » en rayures avec une chambre
sans free bore ou un angle de prise de
rayures agressif, entraînant montée en
pression, et forcement brutal, pouvant
altérer l’arrière de la balle, sa sortie
parfaite du canon et son vol.
Pour vérifier que la stabilité est bonne,
ceux qui pinaillent et accusent les pas
de rayures pourront établir, à l’aide du
calculateur JBM Ballistic et chrono
en main, le coefficient de stabilité
qui, comme le coefficient balistique,
varie avec la vitesse, la température,
l’hygrométrie, le pas de rayure, etc.
Pour rappel, la balle est stabilisée à
une valeur de 1,3 à 2.
Prenons un exemple simple et concret
pour montrer aux sceptiques que le pas
de rayures est rarement le problème
dans une arme de chasse, y compris
une ancienne européenne dont les
pas de rayures sont plutôt rapides,
Le pas de rayures :
coupable ?
Le pas de rayure des armes résulte aussi d’un compromis.
Déterminé par les normes du fabricant ou de l’arsenal qui a créé
la munition, il est trop souvent figé dans le temps et l’espace
– particulièrement en Europe, CIP oblige. Lorsque Savage a
sorti sa .250-3000, la balle lourde pesait 87 grains et le pas
de rayures était de 14 pouces. Les chasseurs réclamant une
100 grains, Savage standardisa quelques années plus tard un
pas de 10 pouces afin de stabiliser les balles plus lourdes et
plus longues du .250-3000 qui devint le .250 Savage. Toutefois
le pas de rayure de nos armes de chasse n’est que rarement
responsable des loupés ou d’une grande imprécision lorsque
l’utilisateur ne se lance pas dans des chargements improbables
ou n’utilise pas un canon trop court qui fait chuter la vitesse des
balles les plus longues (pas obligatoirement lourdes) au point
qu’elles se retrouvent (rarement) en limite de stabilité.
que ce soit en calibre 6,5, 7 ou 8 mm,
pour peu que l’utilisateur reste dans la
logique du fabricant et ne s’improvise
pas balisticien.
Exemples à l’appui
Tant qu’à faire, prenons le cas d’une
balle souvent montrée du doigt, la Hor-
nady SST de 180 grains. Dans une
carabine en calibre .308 Winchester
dotée d’un canon au pas de 12 pouces
et 51 cm, elle ressort à 750 m/s en
conditions atmosphériques standard.
Le coefficient de stabilité est à 1,612, ce
qui est excellent, à 700 m/s il est encore
de 1,576 et à 650 m/s de 1,536. La SST
de 180 grains est donc parfaitement
stabilisée dans cette .308 Winchester.
Si elle ne groupe pas dans votre arme, il
faut aller chercher ailleurs que dans son
pas de rayures la raison du problème :
chambre, freebore, angle de prise de
rayures, encrassement du canon…
Prenons maintenant l’exemple d’une
SST de 162 grains lancée par un 7 x 64
à un honnête 830 m/s avec un canon
dont le pas de rayures tourne autour de
9 pouces. Le coefficient ressort à 1,697.
Il est encore de 1,564 à 650 m/s et de
1,523 à 600 m/s. À - 15 °C, on a toujours
plus de 1,3 à 600 m/s et notre longue
balle vole toujours droit ! Elle est donc
parfaitement stabilisée sur sa trajectoire
et il faudrait chasser par - 20 °C pour
commencer à pouvoir incriminer le
pas de rayures pour son imprécision.
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 37
Dossier Carabine imprécise et balles sans plomb
Et nous parlons ici d’une vitesse de
600 m/s, ce qui correspond en gros à
un tir à plus de 400 m… CQFD.
Si à ce stade votre carabine ne digère
pas la dernière merveille aérodyna-
mique de la mort qui tue et que vous ne
conceviez pas d’en employer une autre,
il ne vous reste plus qu’à opter pour
un recanonnage ou un rechambrage
par un vrai spécialiste afin d’adapter
l’arme à cette balle. Mais sachez-le,
l’intervention pourra vous faire perdre
tout l’intérêt d’une arme de chasse :
sa polyvalence et sa disposition au
compromis qui l’autorisent à accepter
de nombreuses munitions avec un ren-
dement honnête.
S’entêter ou négocier ?
Vous l’aurez compris, je conseille
plutôt de chercher une balle moins
technique ou plus classique ou de reve-
nir à la munition qui convenait avant.
Sauf si vous avez les moyens de faire
fabriquer une arme pour chaque type
de balle utilisé !
Je possède une Winchester 70 en
.264 Winchester Magnum, canon de
26 pouces. Les chambres d’origine
sont conçues pour une balle à double
diamètre de 140 grains afin de limiter
la montée en pression due à un angle de
rayure brutal et l’absence de free bore.
À part les 140 grains PP de Winchester,
introuvables, il n’existe plus de balle
de ce type. Au rechargement, avec des
Nosler Partition ou BT par exemple,
j’étais limité par la montée en pression
et la précision laissait à désirer. Une
visite chez Dorléac & Dorléac, un coup
de fraise de chambre adaptée et une
modification de la prise de rayures ont
réglé le problème. Ma Winchester 70
accepte désormais toutes les balles
modernes, avec une précision assurée
et une vitesse garantie sans pression.
Mais puisque j’ai beaucoup parlé de
problèmes de précision avec les balles
très évoluées lorsqu’elles sont associées
avec des carabines européennes relati-
vement anciennes, je vais maintenant
vous citer un contre-exemple.
Lors du test, en 2021, d’une
Essayez plusieurs
balles et gardez
les plus précises !
© DR
Savage 110 Hunter Accufit en .300
Winchester Magnum, j’ai utilisé quatre
types de munitions Hornady avec
quatre balles différentes de même
poids (180 grains). Savage est réputé
pour la précision de ses carabines,
la 110 n’a pas dévié de la règle. Le
canon est américain, optimisé pour
les chargements et balles modernes,
donc n’expose pas à des problèmes de
normes anciennes, de pas de rayures
ou d’usure.
Après quelques tirs de rodage et net-
toyage, la balle qui a donné la meil-
leure précision fut une GMX en série
Outfitter. La moins chère des balles,
une Interlock, dans la moins oné-
reuse des gammes, la Whitetail, a fait
presque aussi bien en 5 coups au lieu
de 3. La SST en Superformance était
bonne dernière. Attention, dernière,
mais toujours capable de rester dans la
zone mortelle d’une chevrette à 300 m,
la notion de précision est toujours à
relativiser !
Le mieux est décidément l’ennemi du
bien. La recherche de la vitesse la plus
Avec la bonne arme,
les Hornady SST peuvent
s’avérer ultraprécises.
À vous de le vérifier
avant la chasse.
© DR
élevée possible n’est pas souvent gage
de meilleure précision, tout comme le
coefficient balistique le plus prometteur.
Tant qu’on ne tombe pas au niveau des
vitesses transsoniques, mais c’est là un
autre problème qui n’a rien à faire avec
le tir de chasse.
Valeurs sûres
et éprouvées
Il n’existe pas de méthode simple,
facilement utilisable et peu onéreuse
pour faire grouper une carabine de
chasse avec un type de balle qu’elle
refuse de façon catégorique. Même le
chargement individuel de vos muni-
tions, en jouant sur la longueur (limitée
par le magasin), l’enfoncement et la
distance avant la prise de rayure, pourra
se révéler inutile et surtout onéreux.
Quitte à me faire fusiller, avec des
balles qui volent droit, si votre carabine
se refuse désespérément à digérer ces
nouvelles balles conçues pour tirer à
des distances improbables, la meilleure
des choses qu’il vous reste à faire est de
continuer à employer les valeurs sûres
et éprouvées. Ce n’est pas 30 points
de coefficient balistique en moins qui
changeront votre vie et vous ferons
rater ce satané chamois à 358 m. Si le
vent souffle fort, vous devrez cliquer
ou contre-viser donc… vous suivez ?
J’ai tiré un bon millier d’Hor-
nady ELD-X 178 grains dans une
Sauer 110 jusqu’à 660 m tout
comme dans ma Browning X-Bolt
(dont le canon de 51 cm et le pas de
12 pouces ne seraient, paraît-il, pas
adaptés), mais aussi trois centaines
de SST 180 grains .300 Winchester
Magnum en chargement d’usine
dans une Haenel RS8 de tireur
d’élite sans noter de perte de préci-
sion ou de groupements aberrants,
bien au contraire. Et mon ancienne
Schoenauer en 7 x 64 digérait
assez bien les Interlock que je
rechargeais. En décembre 2019,
dans les Highlands de l’Ouest,
des Hornady SST 165 grains en
.308 Winchester m’ont permis de
réaliser un triplé de biches, dont
deux à la course après le tir de
la première. La carabine, une
R8 Blaser avec modérateur,
De plus en plus
de carabines
m’avait été prêtée par le guide, chargée
possèdent une avec ses munitions de tous les jours.
précision garantie Que dire d’autre ? Il en va des balles
sous la minute comme des pneus de motos avec cer-
d’angle, Weatherby tains bolides, toutes et tous les char-
en a même fait gements ne conviennent pas à toutes
une gamme. les armes. Cela ne fait pas d’elles de
mauvais produits ! Q
Dominique Czermann,
photos Bruno Barbessou
Dossier Carabine imprécise et balles sans plomb

À gauche, la Fip de Sauvestre,

une sans-plomb remarquable,
et française, à droite la Barnes
TTSX, un best-seller.

Balles en cuivre :
le vrai du faux
Avantages et inconvénients
des monométalliques
En 2024 ou 2025 ou, avec un peu de chance, une ou deux saisons
plus tard, c’en sera fini des balles plomb. Au nom d’une certaine
idée de l’écologie et de l’uniformisation européenne, elles seront
remplacées par des balles dites non toxiques, monométalliques ou
en cuivre. Qu’est-ce que cela va changer et quels sont les avantages
et inconvénients de ces nouvelles balles ?

Avant-propos
Dans cet article sont laissés de côté les présumés
avantages écologiques des balles en alliage cuivreux,
avantages reposant plus sur un dogme qu’une
réalité. Surtout au regard de ce que représentent
l’extraction minière et le traitement du cuivre en
termes de destruction irrémédiable ou à très long
terme des écosystèmes sud-américains ou africains.
À titre d’exemple, la grande mine de Kolwezi en
RDC utilisait 1200 tonnes/jour d’acide sulfurique
pour traiter le minerai, la moitié étant produite sur
place ! L’écologie ne se mesure pas uniquement en
Forêt-Noire, dans l’Aveyron ou dans la forêt lapone…
Mais les faits sont là, les balles « cuivre » ou sans
plomb seront obligatoires à moyen terme. Alors
voyons de quoi il retourne.
40 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
L
es balles en alliage cui-
vreux existent depuis
1896 avec l’invention du
capitaine Desaleux, la
fameuse balle D bi-ogi-
vale en cuivre matricé, qui apporta aux
militaires français un avantage tech-
nique et tactique important et entraîna
l’évolution de la balle du Mauser et de
tout ce qui suivit.
À la chasse, les monométalliques firent
leur apparition d’abord sous la forme de
balles non expansives, de gros calibre,
destinées à garantir la pénétration maxi-
male lors des tirs au cerveau sur les
pachydermes ou à travers les épaules
des buffles quels que soient les angles
de tir. José Pardal, un chasseur portugais
qui vivait en Afrique, fabriquait ses
propres balles monolithiques en alliage
sur son tour, bien avant les Barnes Solid.
Souvent appelé pour éliminer des grands
éléphants très dangereux, il travaillait
sans filet et recherchait la pénétration
maximale. Si Pradal avait été américain,
il serait devenu millionnaire !
Ce ne sera pas son cas, mais celui de
Randy Brooks, qui devient le nouveau
propriétaire de Barnes Bullets en 1975,
puis, jusqu’il y a peu, leader incontesté
des balles en cuivre. Il part chasser le
brown bear en Alaska au début des
 © AdobeStock/Stepan Kapl
Démêler le vrai
du faux au sujet des
balles monométalliques
est devenu essentiel
maintenant qu’elles
sont appelées à
devenir la norme.

Mort rapide du gibier : un mythe et une réalité

Un rappel de ce qui entraîne la mort
rapide d’un gibier n’est pas inutile
quand on réfléchit aux avantages
comparés des balles chemisées et
monométalliques. Les balles tuent
en créant une hémorragie qui peut
être presque explosive, rapide et
forte ou lente et faible. La théorie
du choc hydrodynamique, née d’une
© AdobeStock/Elegant Solution
incompréhension et d’un manque
d’analyses approfondies, a été
décortiquée et depuis longtemps
rejetée par les médecins légistes,
chirurgiens militaires et vrais balis-
ticiens. Pour ce faire, ils se sont
appuyés sur un matériel d’analyse
moderne, photographie et spectro-
graphie, associé à des études de
terrains et en laboratoires. Conclu-
sion, pour une mort rapide et quel
que soit le projectile, il faut d’abord
qu’il atteigne la zone vitale et qu’il
y fasse le plus de dégâts possibles.
Point barre! Si vous vous intéres-
sez au sujet, je vous recommande
l’ouvrage du docteur Vincent Laforge,
La Chair et le Sang (éd. L’Harmattan).

années 80 et manque de terminer à Et pourtant, au début, les balles X

l’hôpital ou dans le ventre de l’ours.
Randy accuse le manque de pénétra-
tion de ses balles (il faut toujours un
bouc-émissaire).
Légende, mode d’emploi
De retour chez Barnes, il fait développer
des balles expansives en cuivre pur
matricé, puis retourne en Alaska avec
une poignée de ses nouvelles balles
glissée dans ses poches. Cette fois, il tire
pour de bon un immense ours brun. La
légende de l’invincibilité des balles en
cuivre est née, portée par le marketing
et le sponsoring à l’américaine.
étaient caractérielles. Elles avaient
besoin de vitesse pour travailler et
les contrôles de qualité de la matière
première laissaient à désirer. Après de
très nombreuses critiques aux États-
Unis, l’entreprise renforça les véri-
fications et fit évoluer ses balles en
TSX et TTSX qui venaient corriger
une grande partie des défauts de la X
originale. On peut dire qu’à partir de
2000 les Barnes sont bien établies.
Randy et Connie Brooks s’appliquent
alors à promouvoir le bannissement du Randy Brooks, ici avec son épouse Connie,
plomb en Californie et dans d’autres a été un des précurseurs de la balle cuivre
États de l’Ouest, le capitalisme libéral ou sans plomb avec sa balle Barnes X.

Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 41

Dossier Carabine imprécise et balles sans plomb
Les balles monométalliques
sont le plus souvent tournées
et mieux équilibrées que les
balles plomb, leur précision
est remarquable. Ici trois GPA.
s’associant opportunément à l’écologie
radicale. La démarche fera des émules
et donnera des idées à certains. Les
avantages des balles en cuivre vantés
par Barnes seront repris par tous et les
inconvénients, nombreux, passés sous
silence. Business is Business.
Quatre avantages
des sans-plomb
Le premier atout des balles en cuivre,
celui sur lequel Barnes a insisté lors
de la commercialisation des premières
X Bullets, est la pénétration profonde
dans le gibier, avec une sortie certaine
lors de tirs à travers la cage thoracique,
même sur des gibiers lourds et à peau
épaisse, pour peu que calibres et poids
de balle soient adaptés.
C’est la perte limitée de la masse
lors de l’impact sur les gros os et les
muscles qui garantit cette pénétration
supérieure à une balle plomb chemisée
classique. Certes. Mais lorsque Barnes
sort sa balle X, il existe déjà des balles
chemisées qui offrent toute la péné-
tration nécessaire pour les plus gros
gibiers, de la Tug de 1927 aux Bitteroot
Bonded en passant par les Partition et
Original Grand Slam.
Cette conservation de la masse per-
mettant de réduire le poids et d’aug-
menter la vitesse, parée de vertus
fantasmagoriques, en particulier
celle de garantir une mort très rapide
et plus éthique grâce au délire du
choc hydrodynamique, deviendra un
grand argument de vente… Jusqu’à ce
que l’expérience de terrain force les
fabricants à relever le poids de leurs
balles (les lois de la physique sont
immuables) et perdre ce fameux avan-
tage de la vitesse. Le fabricant français
Sologne et M. Carré, inventeur de la
GPA, feront un autre choix, judicieux,
en acceptant une perte de masse suite
à la pétalisation de la partie avant de
leur projectile, pensé dès le début
pour la battue et des tirs à courtes ou
moyennes distances.
Un autre avantage de ces balles mis
en avant par les fabricants est leur
expansion régulière qui garantirait une
course en droite ligne dans le corps du
gibier, même après leur rencontre avec
les gros os ronds. La théorie est loin de
se confirmer dans 100 % des cas, par-
ticulièrement avec les balles longues
et très effilées. Malheureusement, seul
42 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
un échantillonnage important permet
d’analyser ce point, ce qui n’est pas
envisageable pour le chasseur lambda.
Sur ce registre, on remarque encore que
les deux balles françaises, optimisées
pour nos chasses, se démarquent des
autres par la forme de leur expansion
(Fip) ou la formation de pétales (GPA)
et conservent leur capacité à pénétrer
profondément en droite ligne.
Troisième avantage des balles sans
plomb célébré par ceux qui les pro-
duisent, leur sortie quasi certaine,
qui favorise l’écoulement sanguin et
la recherche le cas échéant. Notons
que, par cet argument, les fabricants
remettent implicitement en cause le
premier avantage… Pourquoi avoir
besoin de suivre un gibier quand la
balle garantit sa mort immédiate ?
Le quatrième atout supposé des
monométalliques est leur précision,
particulièrement mise en exergue aux
États-Unis – où le mythe du tir à longue
distance fait recette – à grand renfort de
vidéos et de graphiques pour démontrer
la parfaite concentricité de ces balles
comparées aux balles chemisées. C’est
oublier ici aussi que le constat vaut pour
de très nombreuses balles chemisées
complexes et évoluées (à l’image de
99 % des balles de match !) qui font
aussi bien voire mieux. Sans compter
qu’un léger décentrage lors de la for-
mation de la cavité d’expansion suffit
à annuler cet avantage. Nous y revien-
drons plus loin quand il sera question
des canons et des chambres.
Voilà pour les avantages que peuvent
apporter les balles monolithiques par
rapport aux chemisées classiques. J’ai
bien dit « classiques » car de très nom-
breuses balles techniques à noyau soudé
ou partitionné voire les deux,
comme les A-Frame
ou hybrides et les
TBBC, font aussi
bien et à tous
les niveaux
– mis à part
celui de
l’écologie !
© AdobeStock/Zorandim75
Montée en pression et
résistance à l’expansion
Non seulement ces points forts sont
relatifs, comme nous venons de le
voir, mais surtout ils sont contreba-
lancés par de nombreux inconvé-
nients. Certains sont corrigés à l’aide
d’artifices, d’autres requièrent une
adaptation des chasseurs et de leur
matériel. Cela ira parfois jusqu’à un
changement de canon ou de carabine
et demandera dans tous les cas un
nettoyage plus régulier et rigoureux,
particulièrement pour ceux qui s’en-
traînent et tirent beaucoup.
Le premier inconvénient réside dans
la conception même de ces balles,
La GMX d’Hornady monolithiques et donc plus dures,
est présente dans moins « compressibles », que les balles
quasiment toutes chemisées. Ce qui entraîne une montée
les gammes de en pression plus importante lors de la
l’encartoucheur mise en mouvement de la balle et de
américain, sa prise de rayure. Les fabricants en
notamment les tiennent compte en utilisant une poudre
Full Boar, des différente ou en baissant un peu la
spéciales sanglier. charge. Dans les deux cas, il en résulte
très souvent une vitesse initiale légère-
ment inférieure
à celle des che-
misées à poids
égal. Cet
écart n’est

pas catastrophique pour la trajectoire,
surtout à l’époque des télémètres laser,
mais pose un problème en s’addition-
nant au deuxième inconvénient des
monolithiques : leur plus grande résis-
tance à l’expansion, qui demande de la
vitesse et/ou de la résistance à l’impact
pour ne pas nuire à la fiabilité. Si la
chose est sans conséquence pour des
tirs entre 30 et 50 m en battue, où la
balle est encore très rapide, elle devient
problématique pour les chasseurs de
montagne qui tirent de (trop ?) loin ou
ceux qui poursuivent les grandes anti-
lopes et autres zèbres et qui, là encore,
habitués à leurs balles chemisées, tirent
de très/trop loin. La mise en avant
des canons courts, parés de nouvelles
vertus, aggrave le problème, même si
de nouveaux chargements permettent
de compenser un peu ce point.
Cet inconvénient est une constante pour
la grande majorité des monométalliques,
comme en atteste le travail incessant
des balisticiens pour les rendre plus
efficaces (Sako et Norma par exemple
en Europe, Lehigh aux États-Unis et
d’autres en Afrique du Sud) et les rap-
ports des conducteurs de chiens de sang
(Europe du Nord et Allemagne).
En réponse, Hornady, un des leaders
du marché avec ses GMX, a développé
une nouvelle version de sa balle cuivre
pour 2022. Ses améliorations portent
surtout sur le profil (avec notamment
un nouveau dessin des cannelures et
une pointe Heat Shield) pour augmenter
© AdobeStock/Kaspars Grinvalds
Charger et tirer
Un troisième défaut des monomé-
des balles plomb
risque bientôt talliques découle également de leur
d’appartenir conception. Les alliages cuivreux
au passé. étant moins denses, si on veut avoir
suffisamment de masse pour résister
à toutes les forces qui s’opposent à
l’avancement de la balle et à la conser-
vation de sa vitesse, on se retrouve
avec des projectiles trop longs, dif-
ficiles à stabiliser, générant plus de
frottements dans le canon mais sur-
tout occupant trop de place dans la
le coefficient balistique et conserver chambre de poudre, donc ne pouvant
plus longtemps, donc plus loin, une pas atteindre la bonne vitesse.
vitesse de 610 m/s. C’est le seuil limite
minimum pour garantir une expansion Gare au « slow kill » !
fiable, qui à cette vitesse est à peine L’utilisation de ces « obus improbables »
égale au diamètre du corps de la balle… amènerait d’autres problèmes liés au
Le chasseur devra casser les épaules s’il recul, au poids de l’arme, à l’usure
veut assurer une mort rapide et sûre à prématurée des canons et aux nuisances
son gibier. sonores. Le chien se mord la queue. La
Une autre option a été étudiée par solution se trouve donc dans une aug-
Norma et Blaser avec la création du mentation du calibre qui, pour un poids
8,5 x 55. Depuis trente ans que les de balle déterminé comme suffisant,
monolithiques sont utilisées, on sait permet d’avoir un projectile plus court,
que les balles de plus gros diamètres un volume d’expansion, une surface de
sont plus efficaces, surtout si on peut poussée favorable et de récupérer de
leur donner de la vitesse et lorsque la la vitesse quitte à sacrifier un peu du
distance s’accroît. coefficient balistique.
Les balles
sans plomb
modernes
possèdent
souvent une
coiffe balistique
et un arrière
fuyant.
©AdobeStock/Progressive Ground
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 43
Dossier Carabine imprécise et balles sans plomb
Là encore, celui qui ne chasse qu’en
battue ne s’en formalisera pas, mais
celui qui utilise un seul calibre pour
tout faire, surtout si le canon de sa
carabine est court et qu’il envisage de
tirer loin, sera peut-être obligé d’adop-
ter un calibre optimisé. Pour ceux
qui comme moi utilisent des calibres
standards de capacité moyenne, il sera
impératif de choisir la balle qui offre
le meilleur compromis entre poids,
vitesse initiale, coefficient balistique
et expansion sous peine d’avoir en
permanence sur soi le numéro de
téléphone des meilleurs conducteurs
de chien de rouge de son ou ses terrains
de chasse. Je parle d’expérience, la
mienne et celle de nombreux chas-
seurs européens, nord-américains,
néo-zélandais ou australiens.
Si ce compromis n’est pas trouvé,
lorsque la distance s’accroît, la moindre
erreur de placement sera amplifiée par
rapport à une balle classique, donnant
ce que les Anglo-Saxons appellent un
slow kill (mort lente)… Les balles à
pétalisation comme les GPA ou les
Lehigh, entre autres, offrant toutefois
une marge d’erreur légèrement réduite
par rapport aux autres.
Profil des canons :
à revoir ?
Le chasseur devra aussi prendre en
compte, particulièrement avec des
calibres standards, le profil interne du
canon de sa carabine et sa longueur,
surtout s’il tire des balles lourdes, donc
très longues à calibre donné et dont la
vitesse initiale sera réduite.
Des carabines
pour balle sans plomb
À l’occasion de la sortie, en décembre, de sa linéaire NXT, la
firme Haenel a mis au point un canon, baptisé Green Barrel
(« canon vert »), dont le free bore et la prise de rayure ont été
pensés pour les monolithiques, bien qu’il se comporte très
bien aussi avec les balles classiques. Il y a fort à penser que
d’autres fabricants suivront l’exemple une fois l’obligation
devenue effective. Nous en reparlerons sous peu.
44 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Même si globalement les balles et leurs
chargements sont adaptés aux pas de
rayures standards les plus courants,
le calcul du coefficient de stabilité
montre que certains de ces projectiles,
tirés dans certaines conditions météo
(grand froid) et dont la vitesse n’est
pas optimale, se retrouvent en limite
inférieure de stabilité. Pas tous et sous
certaines conditions, ne me faites pas
dire ce que je ne dis pas, mais c’est un
paramètre que les fabricants d’armes
devront intégrer rapidement. Je pense
particulièrement au .308 Winchester
dont le pas de rayures devrait être
ramené systématiquement à 11, voire
10 pouces/tour pour garantir une sta-
bilité optimale de tous les projectiles
cuivreux, surtout ceux inspirés ou
dérivés des TTSX, GMX ou de la
nouvelle CX d’Hornady. Le problème
se retrouvera également sur de nom-
breuses .224 et 6 mm.
Dernier point qu’il faudra intégrer,
mais certainement le plus simple à
gérer : le nettoyage. Il devra être fait
© AdobeStock/fotofabrika
régulièrement car, quoi que disent
certains nouveaux fabricants, l’encui-
vrage est supérieur avec ce type de
balles, même si cannelures de déles-
tages et/ou traitement de surface le
limitent. Les conséquences sont une
montée des pressions et une réduction
de la précision. Les 100 % cuivre, sauf
celles qui sont recouvertes de nickel ou
autre produit (Eco Strike, Hit, Tag, par
exemple), encuivrent plus que celles
élaborées dans un alliage de type tom-
bac ou spécifique comme les Fip. La
sortie de chambre et la prise de rayure
sont les parties les plus touchées.
Tout cela fait penser que le profil des
âmes de canons devra sans doute être
revu pour en améliorer le rendement
avec ces balles. Le sans-plomb pose
décidément beaucoup de questions
techniques, qui vont encore évoluer
au fur et à mesure qu’arrivent de
nouveaux produits. Vous n’avez pas
fini de lire nos réflexions sur le sujet
dans ces pages !
écologique », autrement dit que les
Savoir-faire français chasseurs reconnaissent à son juste
et surtout efficace niveau leur savoir-faire, attesté par la
Mais il y a une bonne nouvelle : technologie et l’efficacité redoutable
depuis plus de vingt ans, deux fabri- des Fip et GPA.
cants français, Sologne et Thifan/ Pour tous ceux qui connaîtraient des
Sauvestre, proposent une gamme problèmes d’incompatibilité balistique
de balles monométalliques parfai- ou psychologique avec les monoli-
tement adaptées à nos chasses, qui thiques, le groupe Ruag propose une
se comportent bien dans la majorité alternative avec les Evo Green/Evo
des armes, à l’exception peut-être de Strike (c’est la même) et les Geco
certaines semi-automatiques aller- Zero. Assez destructrices à très courte
giques au méplat des GPA. Souhai- distance – ce qui n’est pas important
tons que ces deux fabricants profitent si on place sa balle dans le triangle de
enfin pleinement de cette « obligation mort –, ces balles sont redoutables et
 Que va-t-il advenir
des balles plomb,
que nous avons parfois
en stocks importants ?

Optique,
électronique…
Notre équipement
s’accroît sans cesse
avec de nouveaux
produits. Une
multiplication qui
touche désormais
aussi les balles
sans plomb.
© AdobeStock/194808803

L’emploi de balles plus

légères mais aussi plus
longues risque de modifier
le choix des pas de rayures
des fabricants d’armes.

extrêmement précises, y compris à l’exemple de Ruag et offriront des

longue distance où elles travaillent
comme de très bonnes balles à noyau
de plomb grâce à leur conception à
double noyau.
Voilà pour cet état des lieux à l’avant-
veille de l’interdiction généralisée
du plomb. D’ici là, bien que j’utilise
des balles « cuivre » depuis bientôt
vingt-cinq ans, je resterai fidèle aux
chemisées jusqu’à la dernière limite.
Lorsque je ne pourrai plus reculer,
j’adapterai armes, calibres et balles
spécifiquement à mes chasses. J’es-
père que d’autres fabricants suivront
balles propres chemisées, pour-
quoi pas avec un nouvel alliage
plus dense pour un peu plus de
masse sans pénaliser l’expansion
et la pénétration.
La suppression du plomb ne doitt
pas être au détriment du gibier, que
nous devons respecter en lui offrantt
une mort rapide, avec le moins de
souffrances possibles. Un mini-
mum éthique que certaines mono-
lithiques ne garantissent pas. Q En quelques années, RWS est passé
de zéro balle sans plomb à presque une dizaine,
déclinées dans de nombreux calibres.
Dominique Czermann

se n° 84 45
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chass
Chasse
Nouveauté Arme rayée

Beretta
BRX1
Linéaire, ambidextre,
modulaire… et bien plus !
Cela faisait un long moment qu’elle se préparait chez Beretta et
quelques mois qu’on la disait imminente. L’arrivée de la première
carabine Beretta, une arme baptisée BRX1, va sans doute provoquer
quelques vagues, voire une tempête, sur le marché des armes à
verrouillage linéaire. Modulaire, précise, totalement ambidextre,
compacte et relativement légère, cette nouvelle carabine est
également bon marché : 1 549 euros !

L
e secret était bien gardé.
Sept ans de recherche et
développement, plusieurs
millions d’euros inves-
tis, des milliers de balles
tirées et une dizaine de prototypes suc-
cessifs pour arriver à la version finale.
Et pendant tout ce temps, Beretta a su
garder un voile parfaitement opaque
sur un projet qui a mobilisé une grande
partie de ses troupes.
On rebat les cartes !
Certes, ces derniers mois, le bruit cou-
rait que la plus ancienne manufacture
d’armes du monde allait dévoiler une
carabine linéaire. Mais il aura fallu
attendre le dernier moment, trois mois
avant sa sortie, et s’engager par écrit
à ne rien dévoiler avant le 19 octobre
sous peine de sanctions financières,
pour découvrir enfin cette carabine
et mesurer aussitôt à quel point elle
46 Armes de Chasse n° 84
va rebattre les cartes de son secteur.
Beretta joue au chamboule-tout sur un
marché dominé par Blaser et Merkel
avec les R8 et RX-Helix. Browning et
Verney-Carron sont là aussi, avec les
Maral et Linergie, plus accessibles.
Mais après tout, ce fabricant aussi
possède un nom synonyme de sérieux
et de qualité, même s’il n’avait jamais
été jusque-là apposé à celui d’une cara-
bine, et il entend faire au moins aussi
bien que ses concurrents… mais pour
un prix inférieur. Ce prix s’avère réel-
lement stupéfiant lorsqu’on découvre
l’arme à laquelle il est associé : tous les
composants des carabines modernes
sont là, rien ne manque. Sans comp-
ter que, grâce à une construction
astucieuse, elle peut se trans-
 Il ne faut que quelques minutes
et peu d’entraînement pour démonter
la BRX1. Cette opération n’a rien du
« gadget » d’ingénieur puisqu’elle permet
de passer d’une carabine gaucher à une
droitier. De même, la dépose du bloc
chargeur permet de choisir entre trois poids
de départs préréglés. Et celle du canon
se fait en desserrant deux vis.

Le châssis en alliage léger

est le trait d’union entre la crosse
et le devant, permettant à la fois
de jouer sur l’ergonomie et la mise
aux mesures avec une série de cales
et de donner une solide assise
au canon et davantage de rigidité
à l’arme, qui gagne en précision.

La BRX1 est construite de façon symétrique. Il suffit d’inverser la position

du levier pour passer d’une 100 % droitier à une 100 % gaucher.

Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 47

Nouveauté Arme rayée
Ce poussoir n’est pas un armeur
de sécurité, juste une sûreté à trois
positions, mais il bloque le marteau
et désengage la détente.
La tête
former en gaucher ou droitier intégral
de culasse
standard et
en quelques minutes. Beretta a frappé
ses huit tenons fort, très fort même. Cette arme n’en
de verrouillage a pas fini d’agiter la sphère armurière
(seize pour et sera de toutes les conversations
la magnum). entre chasseurs ou professionnels cette
année et sans doute les suivantes. Et
ce même si d’autres carabines linéaires
sont attendues, comme l’Impulse de
Savage ou la NXT de Haenel. Voyons
de quoi il retourne.
La BRX1 est une carabine à crosse
composite ; à ce prix, un noyer cinq
étoiles eut été utopique. La crosse est
réalisée en techno-polymère injecté.
Cela ne se voit pas, mais il s’agit d’une
crosse bipartite : crosse et devant sont
séparés par un boîtier, un châssis en
alliage léger de la couleur de la crosse.
Elle possède une poignée pistolet et un
busc droit qui remonte vers l’arrière,
comme sur les Sauer 101 et Mauser
M12, qui furent les premières à initier
ce type de busc. Elle n’a pas de joue,
puisqu’elle est destinée à être utilisée
indifféremment par un gaucher ou
un droitier. Pour cette même raison,
la poignée est symétrique – un ren-
flement pour la paume d’un droitier
l’aurait rendue inutilisable ou incon-
fortable pour un gaucher. Pour autant,
comme nous le verrons lors des essais,
la prise en main est bonne, très bonne
même, preuve que les poignées asymé-
triques ne sont pas indispensables pour
offrir une bonne ergonomie. Toutefois
si cette poignée ne vous convenait
pas, sachez qu’elle est amovible et
donc interchangeable. Beretta a repris
le choix technique de Tikka – une
entreprise entrée dans son giron – sur
la T3X, qui consiste à rendre amovible
la partie frontale de la poignée pour
pouvoir la remplacer, au moyen d’une
seule vis, par une poignée de couleur
ou de forme différente.
Le devant est assez long et rond à son
extrémité. Il est affiné sous le canon
pour une meilleure prise en main. Il
est symétrique, toujours pour garantir
à cette arme son statut ambidextre.
Tout comme la crosse, il est dépourvu
d’inserts aux zones de préhension.
Pas de revêtement velours non plus,
de type Duratouch ou Soft Touch,
appliqué au pistolet à peinture. C’est
une bonne chose, car plus les types
de plastiques et de matériaux sont
Le chargeur
orange imperdable
contient cinq cartouches
magnum ou standard.
multipliés, plus est grand le risque
de les voir vieillir différemment ou
de se détériorer. Beretta a misé sur la
longévité et la robustesse. L’absence
d’inserts n’est pas gênante, car la
surface a été grainée pour être plus
accrocheuse, avec un grain plus gros
aux zones de préhension (poignée et
dessous du devant). La prise en main
sera bonne, même sous la pluie ou
avec des doigts engourdis par le froid.
Un châssis
plein de ressources
Le châssis, qui sert de trait d’union
entre crosse et devant, possède de
nombreux avantages. Tout d’abord, il
permet d’accueillir le chargeur amo-
vible, large et d’une grande contenance
(cinq coups en standard comme en
magnum). Ensuite, il apporte à la cara-
bine une rigidité toujours bienvenue
pour la précision des tirs. Il fournit
aussi un bedding au canon et un solide
point d’ancrage qui va préserver la
crosse et le devant. Il offre également
la possibilité de « tordre » la crosse
pour l’adapter à votre morphologie
grâce à un jeu de cales de pente et
d’avantage, à placer entre le châssis et
la crosse, qui permettront d’approcher
les mesures idéales de chacun. Les
gauchers n’auront qu’à retourner les
cales d’avantage pour que la crosse
soit orientée à gauche ;
la pente, elle, est ambidextre. Des
intercalaires pour la plaque de couche
permettent de faire varier la longueur
de la crosse, 365 mm à la livraison et
353 ou 377 mm ensuite. Plus tard, la
poignée interchangeable permettra
encore de modifier la prise en main en
choisissant une forme plus ou moins
prononcée. Enfin, ce châssis donne
à la culasse mobile un point d’appui
pour coulisser d’avant en arrière.
Cette dernière possède une tête en
forme de cuvette qui abrite un éjecteur
piston classique sous la forme d’un
bonhomme sous tension de ressort
et une petite griffe d’extracteur. En
arrière de cette cuvette se trouvent
huit tenons qui vont se verrouiller
en pivotant dans le canon. Sur les
calibres magnum, la tête de culasse
est surdimensionnée mais surtout les
tenons sont deux fois plus nombreux,
seize répartis sur deux rangées. Ce
verrouillage possède plusieurs avan-
tages : il est sûr, il est rapide et il
est fluide. La fluidité est d’ailleurs
ce que l’on remarque en premier en
manipulant l’arme, moelleuse et donc
forcément rapide, d’autant que la
course arrière de la culasse est d’une
longueur contenue. Même si celle-ci
recule vers vous, puisqu’elle n’est
pas enfermée dans le boîtier, elle ne
devrait pas vous obliger à reculer le
visage entre deux tirs.
La sûreté est placée sur le col de crosse
au niveau de l’appui du pouce. Comme
un armeur, sauf que ça n’en est pas un,
ou pas vraiment. Cette sûreté possède
trois positions. Lorsqu’elle est reculée,
la culasse est immobilisée et la queue
de détente est désarmée – elle n’est
pas bloquée, puisque vous pouvez
la presser, mais ce sera sans effet.
Lorsque vous la poussez légèrement,
la sûreté dévoile un repère blanc. La
culasse est alors libre mais la queue
de détente reste souple et sans capacité
à déclencher le tir. Enfin, lorsque la
sûreté est totalement poussée, un carré
rouge apparaît en plus du repère blanc,
la carabine est prête à tirer. On ne peut
donc pas parler réellement d’armeur,
mais de sécurité active puisque le mar-
Compacte, bien équilibrée, pesant entre 3,2
et 3,3 kg, fluide et bien pensée, cette carabine
linéaire possède de nombreux atouts.
Et une carte maîtresse, son prix : 1 549 € .
teau est bloqué et la queue de
détente désengagée. Cette der-
nière, à la différence de ce que
l’on voit sur la plupart des armes
de chasse, ne libère pas le percuteur
placé sous tension de ressort. Cette
percussion s’inspire en fait des armes
militaires. La pression sur la queue de
détente libère un marteau qui pivote
alors vers l’avant sur un quart de tour
pour aller frapper l’arrière du percuteur.
Aux normes militaires
Beretta a imposé à son arme les normes
et exigences d’une arme militaire bien
qu’elle soit conçue et développée pour
la chasse. La BRX1 a été poussée dans
ses retranchements et éprouvée au-delà
de ce que vous pouvez imaginer et de
ce que vous ne pourrez jamais lui faire
subir. Il est inutile de vous assommer
avec des données aussi nombreuses
qu’absconses, sachez seulement que la
carabine a été soumise à trois obstruc-
tions de canon. La première avec une
balle (le projectile, pas la cartouche)
enfoncée à 5 cm de la bouche du canon,
la fois suivante avec la balle placée à
16 cm de la bouche et la troisième avec
la balle bloquée en sortie de chambre,
juste après la prise de rayure. La cara-
bine a résisté à chaque fois.
Le chargeur est large et épais, et réa-
lisé intégralement en techno-poly-
mère. Il offre un rangement en double
pile imbriquée et peut contenir jusqu’à
cinq cartouches en standard comme
en magnum. Il résiste aux chocs et
surtout il est orange vif, vous aurez
du mal à le semer ! La dépose se fait
au moyen de deux poussoirs, un de
chaque côté, qu’il faut presser simul-
tanément. Ce double verrouillage
évitera de le perdre à l’approche,
contrairement à ce qui se produit avec
les chargeurs munis d’un seul bouton,
que l’on a si vite fait de perdre lorsque
la carabine frotte du mauvais côté, à
l’emplacement du poussoir.
Ces deux poussoirs ne recouvrant
pas totalement le chargeur, il laisse
des parties visibles de chaque côté
de la carabine, for-
mant des rectangles orange
immanquables. Ces touches de couleur
apportent une note de gaieté bienve- La BRX1 en
nue, et une sorte de signature visuelle version intégral
plus efficace encore qu’un logo. Notez gaucher, sans
enfin qu’il est possible de recharger la surcoût ni pièces
supplémentaires
carabine par le haut, sans déposer le à acquérir.
chargeur, c’est toujours pratique s’il
vous faut ajouter une ou deux balles
dans l’urgence.
Le canon est rond, assez fin – son
diamètre à la bouche est de 16 mm. Il
est fileté au pas standard de M14 x 1,
ce qui convient à tous les modérateurs
du marché, d’autant que la carabine est
dépourvue d’organes de visée ouverte,
les silencieux manchonnés ou télesco-
piques pourront être employés comme
ceux en bout de canon. Le tube a été
réalisé par martelage à froid, chambre
incluse, ce qui non seulement est rare
mais constitue une prouesse techno-
logique. Beretta explique que cette
opération en une seule passe permet
de garantir un alignement parfait entre
la chambre et le canon et donc une
concentricité totale, gage d’une plus
grande précision.
Ce canon est interchangeable, ce
qui vous permettra de changer de
calibre et d’utiliser cette carabine à
l’approche et en battue. Le démontage
est simple. Comme pour une Blaser, il
faut retourner l’arme et se munir d’une
clé Allen. Deux puits abritent des vis
Allen imperdables, qui ne tombent pas
lorsqu’elles sont entièrement dévis-
sées. La partie avant du châssis coiffe
le fond du devant et sert de berceau au
canon, comme un bedding métallique.
C’est sur cette extension du châssis
que viennent s’ancrer les deux vis de
serrage. Entre ces deux vis se trouve
aussi une entretoise métallique rectan-
gulaire et perpendiculaire à la crosse.
C’est la portée de recul. Un usinage
sous la frette la coiffe et l’assoit un
peu plus tout en limitant les efforts
sur les vis de fixation. Le système est
fiable et éprouvé.
Une fois les vis desserrées, vous ouvrez
la culasse et le canon se retire par le
haut, très simplement. Ce démontage
facile permet de changer sans hési-
tation de canon et donc de calibre.
Si vous restez dans une gamme de
calibres identiques au vôtre, standard
ou magnum, vous n’aurez pas à chan-
ger la tête de culasse, juste le chargeur.
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 49
Nouveauté Arme rayée
Fiche technique
Marque : Beretta.
Type d’arme : carabine à verrouillage linéaire ambidextre.
Nom : BRX1.
Crosse : en techno-polymère avec devant séparé,
busc remontant et poignée interchangeable.
Magasin : orange, à double pile et d’une contenance
de 5 cartouches.
Boîtier : à châssis ouvert, en alliage.
Culasse : linéaire à verrouillage rotatif à 8 (standard) ou
16 tenons (magnum) et à tête de culasse interchangeable.
Sûreté : à trois positions sur le col de crosse.
Canon : rond, fileté, 51 ou 57 cm (62 cm en magnum),
interchangeable par deux vis Allen.
Crosse : 36,5 cm, réglable à 35,3 ou 37,7 cm.
Détente : directe, réglable à trois positions pour trois poids
de départ, 950 g, 1,250 et 1,5 kg.
Calibres : .30-06, .308 Winchester, .300 Winchester
Magnum et bientôt 6,5 Creedmoor.
Poids : 3,3 kg avec canon de 57 cm.
Prix : 1 549 €.
Cette dernière ne nécessitera d’être
changée que si vous voulez passer d’un
calibre standard à un magnum et inver-
sement, mais cela vous prendra moins
de deux minutes (voir page suivante).
Régime exigeant
Pour le moment trois calibres seu-
lement sont disponibles, trois .30 À notre avis
puisqu’il s’agit du .30-06, du .308
Winchester et du .300 Winchester
Magnum. D’autres arriveront bientôt,
dont le 6,5 Creedmoor, mais pas le
9,3 x 62. Dommage, car c’est un calibre
idéal pour la battue. Mais laissons à
Beretta le temps d’y penser et gageons
que la liste de nouvelles cartouches
s’allonge rapidement.
La détente est directe et possède une
course très réduite. Si vous regrettez
l’absence de stecher, sachez que la
50 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
© L. Bedu
La BRX1 a ses exigences ! Pour vous faire
profiter de tout son potentiel, elle réclame
que vous lui offriez des munitions Premium.
Ce groupement a été réalisé avec des Sako,
mais nous avons obtenu un meilleur résultat
avec des RWS.
BRX1 possède une botte secrète : un
bloc détente doté de trois poids de
départs prédéterminés, 950 g, 1,250 kg
et 1,5 kg, entre lesquels vous pourrez
choisir à tout moment. Pour ce faire,
vous retirez la culasse mobile et, avec
la pointe d’un couteau, levez un « cro-
chet » situé à l’arrière et au-dessus du
bloc détente. Ce dernier peut alors
sortir par le bas. Sur son côté gauche,
un plot circulaire se déplace le long
d’une sorte de E découpé, dont la
barre supérieure offre le départ le
plus léger et celle du bas le plus lourd.
C’est pratique, surtout si vous sou-
haitez emmener cette arme à l’affût
ou à l’approche. Ce qui sera possible
puisque non seulement son poids est
modéré, moins de 3,3 kg, mais Beretta
garantit une précision sous la minute
d’angle, soit 3 cm à 100 m.
Lors de nos essais, nous avons pu tirer
avec cinq BRX1 différentes dans les
trois calibres proposés. De quoi nous
faire une bonne idée de ses capacités.
Premier enseignement, la BRX1 est
précise, mais également exigeante. Elle
demande à tirer des munitions dites
• Le prix
• Carabine 100 % ambidextre
• Fonctionnement parfait
• Culasse linéaire fluide
• Modularité et équipement
• Bloc détente à marteau
• 3 poids de départs au choix
• Pas (encore ?) de 9,3 x 62
• Canon un peu fin et requérant des balles
Premium
• Une seule version pour le moment
© L. Beddu
Premium pour délivrer son maximum.
Les balles bon marché ne feront pas
son ordinaire ! En matière de montage
optique en revanche, Beretta a opté
pour une solution économique : le
sommet de la frette du canon est prévu
pour recevoir au choix trois interfaces,
dont la très simple et bon marché
Picatinny-Weaver de 16 cm. Les deux
autres montages sont le Beretta Quick
Release et le Sako-Tikka Optilock.
Gare aux éclaboussures !
Sur le terrain, le fonctionnement de
la culasse est souple et agréable, sans
point d’accrochage. Son débattement
est raisonnable et ne vous obligera pas
à reculer excessivement la tête. Le busc
qui remonte vers l’arrière vous offre
une bonne position de visée, le recul est
correct. Le levier d’armement incliné
à 45 degrés se saisit facilement. Les
départs sont bons et le bloc chargeur,
visible, facile à alimenter et à installer,
est sans défaut. Le démontage du canon
ou de la culasse mobile et de sa tête se
fait de façon instinctive et rapide. La
précision, pour peu, nous le disions,
que l’on tire des balles de qualité, est
bonne à très bonne.
Pour le moment, le choix de calibres
est limité, tout comme celui des acces-
soires (notamment des poignées inter-
changeables), mais cela devrait évoluer
vite vers une offre qui nous permette
de personnaliser l’arme et de l’adapter
à nos besoins. À seulement 1 549 € et
avec sa modularité et son dispositif
totalement ambidextre, cette nouvelle
carabine linéaire se lance dans le grand
bain avec fracas et risque bien d’écla-
bousser la concurrence ! Q
Laurent Bedu
Nouveauté Arme rayée

La Beretta BRX1 en détail

La sécurité à trois positions Le levier d’armement Le canon rond
ressemble à un armeur est court et incliné est fin (16 mm)
Le busc remonte
et se déplace de la même afin d’être positionné et fileté au pas
vers l’arrière à la façon
façon d’avant en arrière. juste au-dessus de M14 x 1.
des Mauser M12
du bloc détente.
ou Sauer 101.

De chaque côté de l’arme,

les ergots de dépose du chargeur
sont nettement visibles.
Le bloc détente est déposable
et possède trois poids de départs
préréglés, 950 g, 1,250 et 1,5 kg.

Un rail Weaver-Picatinny
Glissé vers le haut, couvre le sommet du canon
ce bouton strié et autorise le montage
libère la culasse économique d’une optique.
mobile. Cette forme trapézoïdale
est la face opposée du levier
d’armement, qui peut passer
d’un côté à l’autre, en mode
gaucher ou droitier.

Ces puits donnent La poignée pistolet

accès aux deux vis Allen est interchangeable,
imperdables qui permettent à Beretta maintenant
de démonter le canon. de proposer
une déclinaison
Le châssis en forme de X est de poignées dans
en alliage léger et joue à la fois des formes et
le rôle de lien entre crosse et couleurs variées.
devant et de support de canon.

Passer d’une carabine pour droitier à une gaucher intégral en 2 minutes

4
1

3
2

Il faut moins de deux minutes pour
passer d’une carabine droitier 1
à une intégral gaucher. L’opération
peut être conduite partout, même
à la chasse, à condition de disposer
d’une surface plane.
Pour commencer, vous retirez la
culasse mobile du boîtier, puis recu-
lez un poussoir rectangulaire strié,
situé à l’avant gauche (voir photo
au centre de la page). La culasse en
butée est alors libre d’aller plus loin
et de sortir du boîtier. Vous la retour-
nez, un plot circulaire et très légère-
ment bombé en métal nu attire votre
regard 2 . Vous le pressez avec la
pointe d’un couteau, un bâton fin et
rigide ou encore le sommet d’une
balle tout en tirant vers vous le
levier d’armement, qui doit sortir
tout seul. Le levier étant symé-
trique, vous pouvez l’engager dans
son logement par le côté opposé,
en agissant toujours sur le plot
gris jusqu’à ce que l’ensemble soit
verrouillé. Votre carabine possède
désormais un levier d’armement à
gauche. Mais elle éjecte toujours
à droite, ce qui peut être gênant.
Pas de problème puisque la tête de
culasse se dépose aussi et, comme
elle est symétrique à l’image de
l’ensemble de la carabine, peut
être inversée. Pour ce faire, vous
replacez la culasse à l’endroit. Au
sommet, derrière la tête de culasse,
se trouve un ergot rectangulaire
noir 3 . Vous le pressez, la tête de
culasse est libérée. Elle est fixée au
corps de culasse par une découpe
façon queue d’aronde et va donc
quitter le corps de culasse en glis-
sant à la perpendiculaire de ce der-
nier 4 . Vous la retournez, elle se
verrouille toute seule. Le tour est
joué, l’extracteur vient de passer
de droite à gauche, les étuis vides
ne sortiront pas devant votre nez !

52 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

Nouveauté Small is beautifull

Fair
Premier
Ergal
Le petit calibre 28 allégé,
une arme assez simple mais joliment
décorée. Ses lignes, même si elles sont
classiques elles aussi, sont celles d’un
superposé typique du Val Trompia. Le
fusil s’articule autour d’une bascule
relativement haute, du fait des deux

pour votre budget aussi verrous logés sous les canons, d’une
crosse à poignée pistolet et devant
tulipé et de longs canons frettés.

Cela faisait longtemps que nous n’avions pas testé Bois et ergal,
mariage à l’italienne
de calibre 28. Ce nouveau Premier Ergal est donc Débutons par la bascule de cette
arme qui lui donne en partie son
bienvenu. Et bien conçu ! Léger, doté de canons longs nom. Ce Premier Ergal Extracteur
est construit autour d’une bascule en
et, ce qui ne gâche rien, d’un prix très bas. alliage aéronautique, le fameux ergal
55 qui, depuis la naissance du Franchi
Falconet en 1968, fait le succès des

A
vec ses 2,4 kg et ses
1 200 €, ce petit calibre 28
superposé à bascule en
ergal ne va pas peser bien
lourd sur vos épaules et
vos finances. Fair, qui célèbre cette
année ses 50 ans, s’est depuis longtemps
spécialisé dans le light et les armes bon
marché. Il en donne une nouvelle et
parfaite illustration avec ce fusil.
54 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Vous êtes nombreux à chasser au
12 ou au 20 tout en ayant envie de
temps à autres de traquer les grives,
la bécasse ou les lapins avec un petit
calibre, mais sans vous ruiner. Ce
Premier Ergal Extracteur, qui exis-
tait en calibres 12 et 20 avant d’être
décliné cette année en 28 et .410 Mag-
num, répond à ce double besoin, et a
donc retenu tout notre intérêt. C’est
superposés poids plume italiens. Elle
possède un entaillage type Browning.
Les doubles coquilles, élégantes et
fuselées, sont piquetées, sans doute
pour acquérir un supplément de pro-
fondeur tout en absorbant les rayons
lumineux. Le reste de la bascule est
gris argent légèrement brillant. Fair
a réussi à estomper l’aspect clair et
parfois jaune de l’ergal.

Sur les flancs, on découvre deux
canards à l’envol côté droit, deux per-
dreaux rouges à gauche et une bécasse
sur le dessous. Les sujets animaliers
sont dorés et entourés d’une gravure
florale évoquant, par petites touches,
leur milieu naturel – roseaux pour les
canards, feuilles et herbes folles pour
les perdreaux et entremêlement végé-
tal, que l’on imagine volontiers hos-
tile et impénétrable, pour la bécasse.
Ces scènes ornent les platineaux et la
sous-garde, et sont ceintes de feuilles
d’acanthe du plus bel effet. C’est Ripa
Incisioni qui signe cette gravure très
réussie, les spécialistes du laser à
Marcheno – qui n’ont que la grand-
route à traverser pour se rendre chez
Fair. Ce dernier n’a pas hésité à opter
pour une gravure soignée malgré le
prix de vente réduit du fusil, toujours
plus longue et coûteuse à réaliser,
même au laser, qu’une ornementation
peu couvrante. On mesure au passage
les progrès accomplis par la gravure
laser qui, il y a seulement quelques
années, n’aurait pas atteint ce degré
de finesse et de détails sur une bascule
réalisée dans un métal tendre.
Ce Premier Ergal
calibre 28 n’arrive
pas seul, un calibre
.410 Magnum
complète la gamme.
La gravure
laser a réalisé
d’importants
progrès comme
en atteste
la finesse
des détails
sur ce fusil.
Le sélecteur de tir est
placé sur la sûreté,
un grand classique
de l’armurerie
transalpine.
Deux tourillons amovibles, sur lesquels Fair ne pousse pas
les canons basculent à l’ouverture et le bouchon
à la fermeture, forment deux cercles La bascule reçoit les canons, frettés,
bombés à l’avant de la bascule. Ils sont comme il se doit et comme le prouve
eux aussi gravés et recouverts d’une la gravure en guimpe que l’on trouve
fine rosace, et bien entendu réalisés en au niveau de la fin des chambres. La
acier. Un autre élément d’acier rejoint frette est polie mais pas bouchonnée, ce
la bascule, un insert ovale situé au fond qui est peu fréquent. Certains armuriers
des tonnerres. C’est lui qui va protéger prétendent que le bouchonnage est
la bascule des culots des cartouches au un cache-misère, une façon habile de
moment de la mise à feu de la poudre. masquer des polissages peu soigneux.
Pour le reste, la bascule et sa sous-garde Ici en tout cas, il n’aurait été nullement
sont faites d’ergal. nécessaire d’y recourir pour cette rai-
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 55
Nouveauté Small is beautifull
La frette n’est pas bouchonnée
et comporte les deux crochets
ainsi que l’extracteur monobloc.
Trois chokes amovibles sont fournis,
un quart, un demi et un trois quarts.
Un choix judicieux.
À notre avis
• Poids
• Prix
• Finition
• Longueur de la crosse
et des canons
• Chokes amovible et longs cônes
de chambre et de choke
• Plaque de couche dure
et de qualité médiocre
• Ouverture de la bascule
un peu raide, impose un rodage
son, les parois sont bien polies – ce qui
n’empêchera pas ceux qui apprécient
les facettes d’un beau bouchonnage de
regretter ce choix.
Dans cette frette monobloc sont usinés
les deux crochets inférieurs massifs,
la découpe en demi-lune qui va venir
se plaquer sur les tourillons de bascu-
lage et les ailerons de canon. Le large
extracteur monobloc vient coulisser
sous les ailerons. La frette est soudée
à l’argent tandis que les deux tubes
sont soudés entre eux à l’étain.
56 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Fiche technique
Marque : Fair.
Type : fusil superposé allégé.
Modèle : Premier Ergal Extracteur.
Calibre : 28/70 mm, existe
en .410 Magnum (même prix).
Bascule : en ergal avec insert
d’acier aux tonnerres, gravée
et ornée de sujets animaliers dorés.
Crosse : pistolet avec devant tulipé,
en noyer 2 étoiles poncé à l’huile.
Devant fer : en alliage anodisé noir
et gravé.
Canons : frettés, 71 cm, avec chokes
amovibles.
Chokes : trois fournis (quart, demi,
trois quarts).
Extraction : extracteur monobloc.
Détente : mono, mécanique et
sélective (existe en double détente).
Poids : 2,395 kg.
Prix : 1 200 € (1 175 € en double
détente).
La canonnerie se distingue par sa
grande longueur, avec des tubes de
71 cm, c’est rare. Souvent, par facilité
ou pour gagner quelques grammes, les
fabricants ne proposent que des canons
de 68 cm.
Pluie de bons points
Ces trois centimètres supplémentaires
ne vont pas grever le poids de ce fusil,
pas plus qu’ils ne vont en changer les
performances balistiques. Ils vont en
revanche améliorer la visée en guidant
l’œil plus longtemps et plus loin et en
donnant au swing plus de naturel, avec
davantage d’inertie. Il n’y a qu’à se
réjouir de ce choix.
La norme CIP tout comme les muni-
tions de substitution hautes perfor-
mances se faisant attendre pour le
calibre 28, les tubes de ce fusil ne sont
pas éprouvés bille d’acier. La bande
de visée, ventilée et striée, est droite,
mesure 6 mm de large et se termine par
une boule en laiton doré. Les bandes
intermédiaires sont pleines, y compris
à l’abri de la longuesse. Là encore,
c’est assez rare. Le traditionnel jour
entre les deux bandes sous le bois
nous est épargné, cet espace où de la
poussière voire de l’humidité ont trop
vite fait d’entrer.
Un insert d’acier a été
ajouté au fond des tonnerres
sur la bascule tout ergal.
Ces canons sont dotés de chokes amo-
vibles, trois rétreints (quart, demi et
trois quarts) fournis dans une boîte avec
la clé de chokes. Un choix intelligent
puisqu’il serait vain et peu responsable
de chasser avec un calibre 28 à choke
lisse ou rayé. Les cônes de raccorde-
ment au niveau des chokes mais aussi
en sortie de chambre sont adoucis et
longs. Cette solution retenue depuis
maintenant plusieurs saisons par Fair a
pour but de limiter le recul mais aussi
les frottements des plombs sur les parois
et de garder ainsi une gerbe cohérente.
Cela peut avoir toute son importance
sur un petit calibre.
La crosse de notre arme est classique –
une monture à poignée pistolet de 37 cm
auxquels il faut ajouter 5 mm de plaque
de couche en plastique dur, noir et guil-
loché – et de bonnes proportions, pas
trop fine. Le busc est droit et la pente
mesurée à 35 et 55 mm. La poignée
est légèrement asymétrique, subtile-
ment conçue pour épouser la paume
d’un droitier mais aussi convenir sans
problème à un gaucher. Le bois est un
noyer deux étoiles auquel une teinte et
une ponce bien conduites donnent un
surcroît d’élégance. Le devant ventru
et tulipé est bien assorti à la crosse.
Un auget situé à mi-devant permet de
le déposer. Le devant fer, qui porte
assez mal son nom puisque lui aussi est
issu d’un bloc d’ergal, est néanmoins
joliment orné de feuilles d’acanthe
et bronzé noir. Des motifs que l’on
retrouve aussi sur le pontet, en acier
cette fois, qui est large, rond et bronzé
noir également, comme la monodétente
sélective qu’il abrite. Cette dernière est
pilotée par un sélecteur logé sur la sûreté
et qui se déplace perpendiculairement
à elle. Là encore du classique. La clé
de basculage, toujours en acier bronzé
noir, est ajourée dans sa partie arrondie
comme la plupart des armes Fair.
À contre-emploi, ou pas…
Il est temps de savoir ce que donne ce
fusil dans ce pour quoi il a été conçu : le
tir. La prise en main est bonne… l’arme
est réellement très légère. Notre modèle
 d’essai passe sous la barre des 2,4
kg, avec 2,395 kg. C’est conforme
à ce qu’annonce le fabricant. Nous
ouvrons et chargeons l’arme, et
constatons ce faisant que l’angle
de basculage est suffisant. La car-
touche du bas notamment, celle
qui pose parfois problème sur un
superposé, se glisse facilement
dans la chambre. L’extracteur la
soulève de 6 mm, largement assez
pour la saisir avec les doigts, cela
devrait même passer avec des
gants pour peu qu’ils ne soient pas
trop épais. L’équilibre du fusil est
bon, sa manipulation est agréable.
Les cartouches sont chambrées,
le premier plateau est lancé. La
montée à l’épaule est aisée. Avec
sa crosse et ses canons longs, ce
fusil fait vite oublier qu’il s’agit
d’un petit calibre, en dépit de son
poids plume. Il ne donne pas la
sensation d’être désavantagé ou
handicapé face aux plateaux qui
partent vite et loin. Les chokes ins-
tallés sont les plus serrés, demi et
trois-quarts – mieux vaut rater que
blesser, et si la cible est touchée,
ce sera sans doute pleine gerbe.
Et effectivement, le deuxième
plateau est cassé au premier coup.
Le troisième aussi. Le quatrième
au second.
La monodétente est bonne, sans
course, nette. Elle est certes un
peu dure pour le parcours de
chasse mais devrait se montrer
idéale à la chasse quand, du fait
de la décharge d’adrénaline, on
presse l’index toujours un peu
plus fort. La monodétente est
mécanique, c’est pratique si pour
une raison ou une autre le pre-
mier coup ne part pas : le second
coup reste disponible, ce qui n’est
pas le cas avec une mécanique
à inertie. Le recul est des plus
doux ; même avec une arme qui
© L. Bedu
Avec ses 2,4 kg, ce fusil est un poids plume, mais autorise
un swing sans à-coups et maîtrisé grâce à ses longs canons.
n’atteint pas les 2,4 kg, il est très
confortable, d’autant plus que la
crosse est relativement épaisse.
La plaque de couche n’est pas
vraiment absorbante, elle est
même dure, mais la surface de
crosse au contact de l’épaule vient
atténuer la sensation de poussée.
Autre petit reproche, l’ouverture
de l’arme après le tir demande un
peu d’efforts, du moins sur notre
modèle d’essai. Un petit rodage
s’impose pour que cela s’assou-
plisse au fur et à mesure des tirs.
Ode à la légèreté
Au terme de nos deux parcours
de chasse, ce fusil s’avère très
agréable. Certes il est léger, certes
le parcours de chasse n’est pas
son domaine de prédilection,
certes sa bascule en ergal n’est
pas conçue pour supporter des
cadences de tir aussi poussées
que celles que nous lui avons
imposées, mais il a plutôt bien
surmonté l’épreuve. Aucun
problème n’est venu freiner la
séance et surtout, du fait de ses
dimensions, il nous a fait oublier
que l’on ne disposait que d’une
petite gerbe de plombs. C’est
la grande force de ce fusil, ne
pas faire sentir en dépit de ses
lignes élégantes et fines, de son
poids réduit, qu’il s’agit d’un
petit calibre. La visée, la mon-
tée à l’épaule et l’enchaînement
des tirs sont en tous points sem-
blables à ce qu’ils seraient avec
un calibre 20, voire un 12. Sauf
que le poids et le recul sont bien
moindres. Et que dire du prix…
1 200 € seulement, et 1 175 avec
une double détente ! Nous vous le
disions, tout en lui est allégé ! Q
Laurent Bedu,
photos Bruno Berbessou
Optique C’est carré !

L’Acro est le plus petit

des points rouges
Aimpoint (3 cm de côté,
4,7 de long) et le plus
léger : 60 g seulement.

Aimpoint Acro C-2

Le plus petit des points rouges
suédois fait sa mue
À quoi reconnaît-t-on qu’une firme ne se repose au pistolet. Cette idée, fausse, a privé
bien des utilisateurs potentiels du plus
pas sur ses lauriers ? À la vitesse à laquelle elle petit, léger et robuste des collimateurs
Aimpoint. L’erreur était au demeu-
fait évoluer sa gamme ! Pour l’Acro C-1, dévoilé rant compréhensible puisque ce mini-
collimateur tubulaire se caractéri-
en 2019, il aura suffi d’un peu plus de deux ans sait par des dimensions extrêmement
réduites et une forme rectangulaire
pour qu’une seconde génération voit le jour. (3 cm de côté et 4,7 de long) afin de
permettre une installation sur la glis-
Voici le C-2, plus performant et endurant sière d’un pistolet automatique. Car
avec ce nouveau modèle, Aimpoint
mais toujours aussi petit et léger. entendait séduire en premier lieu les
tireurs de compétition à l’arme de
poing en leur fournissant une optique

L
orsque l’Acro C-1 est fiable et légère, capable de grignoter
sorti en 2019, beaucoup des parts de marché sur ce secteur.
d’observateurs, mais Mais en dépit de cette vocation, l’Acro
aussi des armuriers et des ne méritait pas d’être limité aux armes
journalistes cynégétiques, de poing. Il a fait les frais d’une indis-
ont vu en lui une optique dédiée au cutable erreur de jugement, qui devrait
tir au pistolet et… uniquement au tir cesser avec ce C-2.
58 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
 La visée est confortable,
au plus près de l’axe
du canon.
Plus polyvalent
qu’il n’y paraît
Cette fois, avec l’arrivée de l’Acro
deuxième du nom, tâchons de tordre
définitivement le cou à cette erreur.
Sinon, nous continuerions à passer à
côté d’un point rouge de 60 g seule-
ment, à l’heure où nous cherchons tous
à alléger et rendre plus compact notre
équipement. Nous nous priverions
aussi d’un collimateur dont la visée est
ultrabasse – le réticule est situé 14 mm
seulement au-dessus de la base du
point rouge – alors que nous avons tous
intégré l’intérêt d’une optique montée
au plus
près du canon,
en termes de précision,
de confort de visée et de
rapidité. L’Acro nous fait bénéficier
d’un épaulé confortable et nous per-
met d’être bien calé sur le busc de
notre arme sans avoir à recourir à
une rehausse de visée quelconque.
Nous nous priverions en outre d’un
point rouge aux dimensions pas loin
d’être idéales en battue : 3,5 Moa,
soit 5 cm à 50 m et 2,5 à 25 m. D’un
point rouge capable également de
résister à tout ou presque, puisque,
installé sur une glissière de pistolet, il
À notre avis
• Dimensions ultraréduites
• Poids mini
• Résistance et fiabilité
• Visée ultrabasse
• Prix (inférieur toutefois
à celui du C-1)
• Le réglage impose une clé
(fournie)
recule et revient en avant à chaque tir,
d’autant plus violemment si le calibre
est brutal. Il a été mis au point et testé
avec un Smith & Wesson de calibre 40,
par des températures extrêmes, entre
- 30 et + 60 °C. Résultat, il a exécuté
20 000 tirs sans rencontrer de problème
et sans nécessiter de modification du
réglage initial, excusez du peu ! Alors
soyez-en sûr, quel que soit le calibre
de votre carabine à verrou ou de votre Comme sur
express, il ne bougera pas. l’Acro C-1,
À toutes ces raisons s’en ajoute une le réglage des
ultime : l’Acro est fourni, certes avec impacts se fait
un adaptateur de montage pour glis- via de larges
sière de pistolet, mais aussi avec une vis Torx.
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 59
Optique C’est carré !
Une embase Weaver-Picatinny
Des rabats carrés basculants permet une installation sur toutes
protègent le point rouge sortes de carabines.
entre deux battues.

embase universelle Weaver-Picatinny. avec le culot d’une cartouche

Il serait décidément stupide de ne pas
nous intéresser à cette mini-optique !
Presque pareil,
mais plus autonome
L’Acro C-2 ressemble beaucoup au
C-1, avec des dimensions et un poids
inchangé. La principale modification
s’est faite au niveau de la batterie, avec
à la clé une plus grande autonomie.
La batterie CR 1225 est remplacée
par une CR 2032, plus facile à trouver
mais surtout délivrant 30 % d’utilisa-
tion supplémentaire : au niveau d’illu-
mination 6 (sur 10), l’autonomie passe
de 15 000 à 20 000 heures.
Procéder à ce changement ne fut pas
le plus simple puisque le logement de
la pile a dû être déplacé et de ce fait
l’ergonomie du collimateur modifié
en profondeur. Le compartiment à pile
est passé du côté droit au gauche, là où
auparavant ne se trouvaient que deux
larges boutons en forme de flèches
pour piloter l’illumination. Avec l’arri-
vée de la pile, ils ont dû avancer pour
se retrouver au bord de la fenêtre. Ils
sont désormais petits, ronds et bombés,
mais offrent toujours dix niveaux d’il-
lumination, accessibles par pressions
successives. Le logement de la pile
devient lui aussi bombé et plus grand.
La dépose se fait au moyen d’une pièce
de monnaie, ce qui ne modifie en rien
le réglage. Pour conserver malgré tout
le poids record de l’Acro C-1, 60 g,
les ingénieurs ont évidé le flanc droit
du collimateur, qui devient de ce fait
asymétrique, mais sans que cela saute
aux yeux et surtout sans conséquence
pour la manipulation.
Le réglage des impacts de l’Acro n’a
pas la simplicité et la convivialité
des autres collimateurs de la gamme
Aimpoint – dans leurs cas, il se fait
après avoir ôté le cache-
tourelle. Ici, les petites
dimensions ont obligé à
recourir à des vis Torx et
la distribution des impacts
en dérive ou en site se
modifie avec un outil
fourni. Mais les crans
sont nets et sonores, le
réglage est aisé et chaque
clic sera ainsi facilité. De
plus, sur l’outil comme sur
les vis, vous remarquerez
des flèches et marquages
indiquant la droite ou le haut
afin de savoir dans quel sens effectuer
la rotation. Un clic vaut 17 mm à
100 m, soit 8,5 mm à 50 m.
Le modèle reste étanche à l’eau
(jusqu’à 5 m) et à la poussière, malgré
les vis de réglage, qui n’offrent pas
d’entrées à l’humidité. La face avant
est doublée d’une lentille de protection
amovible. Étant placée non loin de
la bouche du canon sur une arme de
poing, elle peut s’opacifier ou jaunir
au fil du temps et il est important
Fiche technique
Marque : Aimpoint.
Modèle : Acro C-2.
Type : collimateur point rouge.
Réticule : 3,5 Moa (5 cm à 50 m).
Réglage des impacts : par vis Torx,
un clic = 8,5 mm à 50 m.
Illumination : 10 niveaux.
Étanchéité : 30 minutes sous l’eau jusqu’à 5 m
de profondeur.
Poids : 60 g sans embase (100 g avec).
Batterie : CR 2032, avec une durée de vie
de 50 000 heures (sur niveau d’illumination 6).
Dimensions : 47 x 30 x 30 mm.
Prix : 699 €.
Garantie : 10 ans.
de pou-
voir la
changer. Sur
une arme de chasse,
les risques de la brûler sont
Le large moindres voire nulles, mais la
compartiment
casse étant toujours possible, cette
à pile est derrière
les deux plots possibilité est également appréciable.
de commande
de l’illumination. Il y a de l’addiction
dans l’air !
Sur le plan du fonctionnement, on
retrouve la qualité de tous les modèles
Aimpoint. La parallaxe est absente, le
point visé sera le point atteint quelle
que soit votre position lors du tir, vous
bénéficiez d’un champ de vision maxi-
mal en tirant les deux yeux ouverts, le
réticule de 3,5 Moa est net, sans halo
et visible même au plus bas niveau
d’illumination. À cette liste d’éloges, il
faut bien sûr ajouter l’incroyable point
fort de ce modèle : une installation au
plus près de l’axe du canon qui per-
met de bénéficier d’une visée avec un
point rouge doublée du confort et de
la vitesse de mise en joue d’une visée
bande de battue et guidon. Le tout pour
moins de 100 g embase comprise et un
budget de 699 €, soit inférieur à celui
du C-1. De quoi devenir accro ! Q
Laurent Bedu

60 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

Couteaux Autodidacte en ligne
Cyril
Kalisz
Un coutelier heureux
en sa verte Corrèze
Nous partons à une trentaine de kilomètres à l’est
de Brive-la-Gaillarde, à Ménoire, une commune
corrézienne de la vallée de la Dordogne. Le paysage est
vert, très vert et agréablement vallonné. Cyril Kalisz a
choisi de quitter Paris pour ce coin de Limousin.
Au programme, imaginer et construire une maison,
un atelier et sa collection de couteaux !
C
yril Kalisz appartient à cette
génération de quarante-
naires arrivés au monde en
même temps qu’Internet.
Pas réellement passionné
par les études, mais doué pour l’infor-
matique, il obtient un DUT en génie
télécom et réseaux et se fait rapidement
embaucher dans une start-up, pour
laquelle il travaille une dizaine d’années.
Contact
Cyril exposera à l’Euro Knife Show (EKS),
à Strasbourg, les 5 et 6 février.
Tél. : 06 19 88 03 36
Courriel : contact@cyril-kalisz.org
Site : www.cyril-kalisz.org Nuevo. Fermant à pompe
Facebook : Cyril Kalisz Coutelier arrière, lame en sanmai inox/
damas twist, côtes en bois de
renne, platines en inox Z20Cr13, mitres
carbones parkérisées et trempées,
guillochage. Longueur totale : 210 mm.
62 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Au début était…
le dessin.
Dans l’intervalle, en 2009, il ressort du
tiroir un projet d’enfance : transformer
une vieille lime en couteau. Comme pas
mal d’entre nous, n’est-ce pas ? Cyril ne
tarde pas à en faire le constat et devient
assidu du forum francophone forgefr.
com et d’autres sites spécialisés, dont
celui de Gérard Heutte (coustil.free.fr).
Il y découvre un nouvel univers, celui
des couteaux fermants, bien éloigné de
la lame de ses débuts (qu’il ne montrera
ni ne montera jamais). Le jeune homme
se sent pousser des ailes : c’est décidé,
c’en est terminé de l’informatique,
il sera coutelier !
Cyril s’équipe progressivement,
d’un remarquable backstand notam-
ment, réalisé par Michel Slosse,
coutelier belge bien connu, dont il a
fait la connaissance sur forgefr. La
« Sloss’machine », comme il l’appelle,
va changer radicalement sa façon de
travailler. Il ne forge pas, mais travaille
uniquement par enlèvement de matière
(stock removal). L’étape suivante est
l’acquisition d’un four de trempe. Cette
fois, tout est prêt pour le grand saut.
Une nouvelle vie
à construire
Ce grand saut, Cyril et sa famille le font
en 2012 : direction le sud de la Corrèze,
dans la vallée de la Dordogne pour un
changement de lieu, de mode de vie et
d’activité. Avec Rebecca, sa compagne,
et Elia et Marlène, leurs deux filles,
alors âgées de 6 mois et 2 ans, ils s’ins-
tallent dans une confortable yourte, le
temps de construire maison et ateliers
en structure à ossature bois. Ateliers
au pluriel ? Oui, car il y en a deux,
l’un pour lui, l’autre pour Rebecca,
costumière-habilleuse qui, après avoir
travaillé dans le spectacle, se lance dans
la création de vêtements. La vie s’orga-
nise dans ce nouvel environnement, y
compris l’école – à la maison – pour
les deux filles.
En 2015, Cyril est prêt pour devenir
coutelier à temps complet. Il se spé-
cialise dans la réalisation de couteaux
fermants, qu’il dessine lui-même. Qu’ils
soient à cran forcé, à pompe ou liner-
lock, agrémentés de mitres ou simple-
ment plein manche, ils ont en commun
un important travail de guillochage sur
le ressort, qui les démarque des motifs
classiques et courants.
Cyril utilise les aciers d’Achim Wirtz,
découverts sur forgefr (115W8,
130WCrV5, 125SC, inox SHV...), le

L’axe de
la lame est
en cours
d’exécution.
RWL34 (Eurotechni), ainsi que le sanmai
suminagashi/SG2 de Takefu, les damas
de Mick Moing et Éric Raoult…Pour les
manches, il aime les bois européens, à
commencer par ceux qu’il trouve autour
de chez lui, les bois et matériaux stabi-
lisés de Nova Wood, qu’il emploie de
plus en plus, ainsi que le bois de cerf
(Mercorne) et de renne (Brisa).
Depuis que l’atelier est terminé, de
nouvelles machines y sont entrées :
une scie à ruban Syderic, trois grosses
perceuses sur colonne Cincinnati (dont
une taraudeuse) et, last but not least, un
gros pantographe Khullman ! Autant de
machines aussi anciennes que combien
performantes.
Les traitements thermiques sont effec-
tués sur place, dans le four maison :
trempe sous feuillard, pour les inox,
Haïdouc. Fermant liner-lock à lame en sanmai
suminagashi/SG2, côtes en loupe d’amboine
noire stabilisée. Platines en titane, mitres en inox
trempées, guillochage et passe-lacet suminagashi.
… Un pantographe,
c’est confortable !
à l’huile Durixol V35 et traitement
cryogénique sous azote liquide.
Apprentissage
sur le tas et sur la toile
Cyril n’a pas fait de stages de cou-
tellerie, il a appris « sur le tas ». Mais
s’il n’a pas eu de professeur attitré, il
enrichit sans cesse son savoir-faire de
ses échanges auprès du réseau d’amis
qu’il s’est constitué dans le métier au fil
de ses pérégrinations sur le Net et de ses
rencontres. Il y a notamment Stéphane
Céleste. Cran forcé à platines et mitres intégrales
Espi, qui s’est toujours montré dispo- en Z40Cr13 trempée, lame 125SC, guillochage,
nible pour répondre à ses questions ; il côtes en loupe de frêne.
fut aussi son premier supporter lors de
sa participation à son premier salon, en
2018 à Gembloux. C’est aussi lors de ce
salon que Cyril a rencontré Jean-Baptiste
Lévêque, dont il apprécie grandement le
travail et l’esprit, et avec qui il échange
régulièrement. Les communautés des
métiers ont disparu en France, mais cela
n’empêche pas les artisans d’évoluer
Nomade. Fermant à pompe arrière, lame en
dans de petits groupes d’affinités élec-
composite sanmai d’Achim Wirtz, côtes en loupe
tives. Et c’est tout aussi bien. d’if stabilisée (Nova Wood).
Cyril consacre une grande part de son
temps à dessiner, ce qui transparaît dans
l’évolution permanente de ses couteaux
– renouvellement d’une ligne, d’un guil-
lochage, d’une forme de mitre… Pour
cette partie, il compte et s’appuie beau-
coup sur l’œil de Rebbeca. Il prend peu
de commandes pour éviter de figer son
style. Ses couteaux ont tous leur person-
nalité – et leur nom : Haïdouc, Nuevo,
Nomade, Tailleur, Michto, Alvilda,
Oiseleur, Icitte, Guardian, Treyssac,
Reka… – et se déclinent au gré de
l’inspiration et de l’envie du moment.
Ils sont façonnés par un homme heureux Tailleur. Fermant liner-lock à lame en composite
et ouvert sur le monde, et pas seulement sanmai d’Achim Wirtz, côtes en bois de renne ;
sur celui de la coutellerie. Q toutes les pièces sont noircies au DLC (Diamond
Like Carbon).
François-Xavier Salle,
photos Cyril Kalisz et FXS
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 63
Cartouches 20 et mordorée

11 cartouches
de calibre 20
dispersantes
Les spéciales bécasse
de petit calibre
Vous êtes de plus en plus nombreux à choisir
le calibre 20 pour chasser la bécasse ou en sous-bois.
Pour ces tirs à courte distance, le choix d’une
munition à artifice disperseur vous fait bénéficier
de la gerbe la plus large possible. Nous avons testé
onze de ces cartouches afin de vous aider à trouver
la largeur de gerbe la plus adaptée à vos besoins.

11 cartouches de calibre 20 à artiÄce

L
e froid et les bécasses sont
là… Nous avons pensé
qu’un comparatif de car-
touches dispersantes en
calibre 20 serait le bien- Tirs avec
Longueur canon

venu au moment où beaucoup d’entre

vous repartent chasser la mordorée et
N° plombs

peuvent se questionner sur les avan-

(en cm)

Charge

tages apportés par ces cartouches pour

(en g)
Billes

le tir à courte distance. Distance

de tir Désignation
Onze candidates 20 m Fob Chasse Extra 70 8 Plomb 29
et un étalon 20 m
Nous avons donc sélectionné un pannel Solognac Impact ARX 70 7 Plomb 28
15 m
de onze cartouches de calibre 20 dotées 20 m Mary-Arm Bécasse Dispersante 70 9 + Disco Plomb doux 30
d’un artifice disperseur. Pour les tirer, 20 m Baschieri & Pellagri F2 Dispersante 70 7 Plomb 32
nous avons choisi un fusil Beretta 20 m Mary-Arm Croisillon 67 9 Plomb doux 26
687 S, avec des canons de 71 cm et 20 m Fob Bécasse 70 7 + 93/4
3/4 Plomb 28
un tube inférieur demi-choke – celui 20 m Fob Opale 67 8 Plomb 24
que nous utiliserons pour nos essais. Il 20 m Tunet Dispersante 67 9 Plomb 24
nous fallait aussi un étalon comparatif 20 m Bernizan Super Match Bécasse 70 7 + 10
1/2 Plomb 30
pour jauger les onze candidates : ce 20 m Jocker Trio Bécassière 70 8 + 9 + 10 Plomb 30
sera la Fob Chasse Extra, une calibre 20
20 m Bernizan Super Match Coup Double 70 6+8 Plomb 30
standard chargée avec une bourre grasse
20 m Fob RX Sous-bois 70 6+8 Plomb 28
et 29 g de plombs durcis n° 8 dans une
64 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
disperseur pour la chasse de la bécasse
un fusil superposé Beretta 687 demi-choke
Charge mesurée
Type de bourre

couronne 50/76

couronne 50/76

Quantité/boîte
carré 91 cm

cercle 76 cm

cercle 76 cm

cercle 50 cm

cercle 50 cm
carré 91 cm

cercle 50cm
Nb impacts

Nb impacts

Nb impacts

Nb impacts
Nb plombs

Dispersion
cartouche

% charge

% charge

% charge

% charge

NB vides
(en bars)
Pression

à 2,50 m

Prix (€)
Vitesse

(en g)

Grasse 782 375 28,65 408 405 99 % 378 93% 120 32 % 251 66 % 3 10 8,90 7%
196 56 % 164 47 % 75 46 % 89 54 % 12 53%
ARX 785 385 27,9 352 10 10
236 67 % 222 63 % 60 27 % 162 73 % 6 37%
Gualandi disp. 769 377 29,8 538 462 86 % 388 72 % 176 45 % 212 55 % 4 10 11,20 28%
Gualandi disp. 873 392 29,44 298 259 87 % 220 74 % 90 41 % 130 59 % 8 10 11,90 26%
Gualandi disp. 729 401 25,6 517 451 87 % 386 75 % 125 32 % 261 68 % 3 10 9,30 25%
Bior 750 378 27,53 486 448 92 % 393 81 % 169 43 % 224 57 % 2 10 11,40 19%
Gualandi disp. 712 390 23,95 395 358 91 % 325 82 % 96 30 % 229 70 % 3 10 11,30 18%
Gualandi disp. 711 380 23,9 489 454 93 % 407 83 % 134 33 % 273 67 % 2 10 8,70 17 %
Bior 768 382 29,8 778 760 98 % 660 85 % 283 43 % 377 57 % - 10 13,10 15 %
Bior 636 377 29,6 730 696 95 % 636 87 % 245 39 % 385 61 % 2 10 10,90 13 %
Bior 782 387 29,85 362 343 95 % 331 91 % 92 28 % 239 72 % 4 10 13,10 9%
Bior 775 388 27,53 342 334 98 % 313 92 % 94 30 % 219 70 % 4 25 24,90 8%

Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 65

Cartouches 20 et mordorée
Le calcul de la dispersion
La faculté de dispersion des cartouches est donnée par le pour-
centage des plombs arrivés à l’extérieur du cercle de 76 cm de
diamètre de la cible. Un pourcentage élevé de plombs contenus
dans la couronne de 50/76 cm traduit une répartition idéale des
plombs et de ce fait une cartouche preformante.
douille plastique jaune opaque, avec
culot de 16 mm.
Nous procédons au tir de cette
cartouche. Après avoir véri-
carto
fié lla charge (28,65 g pour
408 billes), nous contrôlons
la pr
pression : 782 bars pour
une vitesse de 375 m/s à
2,50 m. À 20 m, le pourcen-
tage dd’atteintes dans la cible
dde 91 cm de côté est de
999 % (405 impacts). La
ggerbe mesure un peu
moins de 90 cm de dia-
m
mètre. Le groupement est
m Mary-Arm Bécasse
dde 93 % (378 impacts) et
la concentration de 66 %
(251 impacts). Le pourcen-
(2
tage d’a
d’atteintes dans la couronne
de 50/76 cm est de 32 %. Nous
La Fob Chasse Extra comptons 28 impacts à l’extérieur
est une calibre 20
de la cible de groupement (76 cm de
à bourre grasse
chargée de 29 g de diamètre) : la dispersion de notre car-
plombs durcis n° 8. touche étalon est donc de 7%.
Nos cartouches,
en ordre de dispersion
Nous posons les résultats de la Fob stan-
dard à portée de regard et passons au
tir de nos dix cartouches dispersantes
de calibre 20. Voici leurs résultats,
présentés par ordre décroissant de
dispersion.
Solognac Impact ARX
La plus dispersante du peloton est la
Solognac Impact ARX. Nous nous
attentions à ce résultat et c’est pour-
quoi nous avons fait précéder le tir à
20 m d’un tir à 15 m pour valider nos
impressions. La cartouche est chargée
de plombs
plo n° 7 logés dans
une douille jaune trans-
lucide de 70 mm et culot
lucid
de 16 mm, posés sur une
bourre grasse surmon-
bourr
tée dd’une bourre ARX.
La ch
charge est vérifiée à
27,9 g pour 352 plombs. La
pression est de 785 bars
pre
ppour une vitesse de
385 m/s à 2,50 m.
Nous procédons aux
N dispersion idéale entre 15 et 25 m. La
ttirs, cible placée à
115 m d’abord, puis
à 20. À 15 m, nous
rrelevons 236 impacts
ddans le carré de 91 cm
de côté, soit 67 % de
la charge, contre 196 impacts
66 AArmes dde Ch
Chasse n°° 84 / JJanvier
i - Fé
Février
i - Mars 2022
et 56 % avec la cible reculée à 20 m.
Le groupement est de 63 % à 15 m,
de 47 à 20. La couronne de 50/76 cm
compte 60 impacts, soit 27 %, à 15 m
et 75 impacts, soit 46 %, à 20. Le
pourcentage de dispersion est de 37 %
à 15 m et de 53 à 20 : autrement dit, à
cette distance, la moitié de la charge
est en dehors de la cible de 91 cm.
L’Impact ARX constitue donc une
bonne cartouche pour les tirss à
courte distance, vous pourrez tirer
er
à partir de 8/10 m sans craindre
d’endommager la bécasse avec
une gerbe excessivement serrée.
Au-delà de 15 m en revanche,
la gerbe perd trop de densité et
vous risquerez de blesser, surtout
si vous vous trouvez dans un
sous-bois peu fourni.
10 € la boîte de 10.
Cette Mary-Arm est chargée de 30 g
de plombs mélangés n° 9 et Disco
dans une douille jaune translucide de
70 mm reposant sur une bourre à jupe
dispersante Gualandi. La pression est
mesurée à 769 bars pour une vitesse
de 377 m/s à 2,50 m. La charge est
contrôlée à 29,8 g pour 538 plombs.
Le nombre d’impacts dans la cible de
91 cm de côté est de 462, soit 86 %
de la charge, le groupement est de
72 % et la concentration de 55 %. La
couronne de 50/76 cm est marquée de
176 impacts, soit 45 % de la charge.
Vingt-huit pour cent des plombs sont
répartis autour de la cible de 76 cm
de diamètre, ce qui représente une
gerbe est de bonne qualité, puisque
seulement 4 vides de 8 cm de dia-
mètre sont dénombrés dans la zone de
concentration. La bourre dispersante
Gualandi conjuguée au mélange de
plombs ronds et Disco confèrent à
cette cartouche un résultat balistique
optimal dans un canon standard de
71 cm demi-choke. Nous avons là
une cartouche technique pour un tarif
contenu.
11,20 € la boîte de 10.
Baschieri & Pellagri F2
Short Range Dispersante
La Baschieri & Pellagri F2 Short Range
Dispersante est chargée de 32 g de
plombs n° 7 logés dans une bourre
dispersante Gualandi. La pression
est de 873 bars pour une vitesse de
392 m/s à 2,50 m. La charge est contrô-
lée à 29,44 g pour 298 plombs. Nous
comptons 259 impacts dans la cible
de 91 cm de côté, soit 87 % de la
charge. Le groupement est de 74 %,
avec 220 impacts, et la concentra-
tion de 59 %, avec 130 impacts. La
couronne de 50/76 cm est marquée
de 90 impacts, soit 41%, avec une
dispersion de 26 % et 8 vides de 8 cm.
C’est plus que la Mary-Arm, ce qui
est logique étant donné la différence
de la charge des deux cartouches,
avec un déficit de 240 plombs pour la
Baschieri & Pellagri. L’italienne est à
privilégier pour les tirs à courte dis-
tance du lapin ou du faisan. Attention
au recul, elle est assez chargée.
11,90 € la boîte de 10.
Mary-Arm Croisillon
La seconde Mary-Arm de cet essai est
chargée dans une douille jaune opaque
de 67 mm de longueur qui autorise
une utilisation dans tous les fusils
calibre 20, y compris ceux chambrés
en 65 mm. La douille repose sur une
bourre dispersante Gualandi. La charge
légère de 26 g de plombs n° 9 (vérifiée
à 25,6 g pour 517 billes) ne fera pas
craindre le recul dans une arme très
légère. La pression est de 729 bars
pour une vitesse de 401 m/s à 2,50 m.
Nous relevons 451 impacts dans la
cible de 91 cm de côté, soit 87 % de la
charge. Le groupement dans la cible
de 76 cm est de 75 %. La couronne de
50/76 cm contient 32 % des impacts
et la concentration est de 68 %, avec
261 perforations dans le cercle de
50 cm. La dispersion des plombs à

l’extérieur de la cible de groupement
(76 cm) est de de 25 %. La qualité de
la gerbe est bonne, avec seulement
3 vides de 8 cm. Cette cartouche est tout
indiquée pour les utilisateurs d’armes
légères et des tirs de 15 à 25 m, le tout
pour un coût modéré.
9,70 € la boîte de 10.
Fob Bécasse
La Fob Bécasse contient 28 g de
plombs de deux diamètres, des 73/4 et
93/4 répartis à parts égales et chargés à
la couche, gros plombs dessous, petits
dessus, sur une bourre Bior. La pres-
sion est de 750 bars pour une vitesse
de 378 m/s à 2,50 m. Le groupement
est de 81 %, la concentration de 57 %
avec une répartition presque parfaite.
La dispersion est bonne, de 19 %, avec
55 plombs répartis harmonieusement
autour de la cible de groupement de
76 cm. On ne relève que 2 vides dans
le cercle de concentration. Voici une
cartouche bien nommée : idéale pour
la bécasse !
11,40 € la boîte de 10.
Fob Opale
La Fob Opale est une charge légère
(24 g) destinée aux armes fines. Ses
plombs n° 8 sont logés dans une douille
jaune translucide de 67 mm de lon-
gueur, pour passer dans tous les fusils,
avec un artifice disperseur Gualandi.
La charge est contrôlée à 23,95 g
pour 395 plombs. La pression est de
712 bars pour une vitesse de 390 m/s
à 2,50 m. Nous relevons 358 plombs
dans la cible de 91 cm, soit 91 % de
la charge. Le groupement est de 82 %
(325 impacts), la concentration de 70 %
(229 impacts). La qualité de la gerbe
est bonne avec seulement 3 vides. Nous
retrouvons 30 % de la charge dans la
couronne de 50/76 cm et la dispersion
est de 18 %. C’est un très bon résultat
pour cette charge légère.
11,30 € la boîte de 10.
Tunet Dispersante
La candidate Tunet est chargée de
24 g de plombs n° 9 dans une douille
jaune translucide de 67 mm posée
sur une bourre dispersante Gualandi.
La charge est contrôlée à 23,9 g pour
489 billes. La pression est de 711 bars
pour une vitesse de 380 m/s à 2,50 m.
Nous relevons 454 perforations dans
le carré de 91 cm de côté, soit 93 % de
la charge. Le cercle de groupement de
76 cm contient 407 impacts, soit 83 %
de la charge. La couronne de 50/76 cm
est bien garnie, avec 33 % d’atteintes,
on est là tout près des valeurs obtenues
avec la Mary-Arm Croisillon (32 %)
et la Fob Opale (30 %). Les quatre
premières cartouches ont toutes un gar-
nissage de couronne supérieur à 40 %
de leur chargement avec un léger avan-
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 67
tage pour les chargements avec deux
diamètres de billes. La concentration
est de 67 % avec une qualité de gerbe
impeccable, avec seulement 2 vides
dans le cercle de concentration. Cette
Tunet est aussi la plus économique
de notre test.
8,70 € la boîte de 10.
Bernizan Super Match
Bécasse
La Super Match Bécasse de Berni-
zan supplante les quatre cartouches
précédentes en termes de qualité de
gerbe, de groupement et de pourcentage
d’atteintes. Elle est chargée à la couche
sur une bourre Bior de 30 g de deux
diamètres de plombs, un tiers de 71/2 et
deux tiers de 10, le tout abrité dans une
douille jaune de 70 mm. Ce chargement
est destiné à accentuer la dispersion en
vol, lorsque les 71/2 dépassent les 10.
La pression est de 768 bars pour une
vitesse de 382 m/s à 2,50 m. La charge
est vérifiée à 29,8 g pour 778 plombs,
112 de 71/2 et 666 de 10. Nous comptons
dans la cible de 91 cm de côté 100 % des
plombs 71/2 et 97 % des 10, soit 98 %
de la totalité des billes. Le groupement
est de 85 %, avec 660 impacts, dont
98 de 71/2 (88 %). La concentration
est de 57 % avec 377 impacts dans le
cercle de 50 cm. La couver-
ce
tture de gerbe est parfaite :
aaucun vide ! La dispersion
eest de 15 %, ce qui est peu,
mais vous permettra de tirer
m
jusqu’à 30 m sans risque
ju
de blesser. La répartition
parfaite en cible le sera tout
pa
autant dans les sous-bois
au
très encombrés, le plus gros
trè
plomb dégageant le passage
plo
pour le 10 et donnant à la
po
gerbe une puissance et une
ger
létalité bien supérieures à
lét
celles des mono-charge-
cel
ments. Nous avons là une
me
cartouche très technique et au
cartou
demeurant encore accessible.
demeu
13,10 € la boîte de 10.
Jocker Trio Bécassière
La Jocker Trio Bécassière est chargée
de trois couches de plombs de différents
diamètres, que laisse apparaître une
douille en plastique jaune translucide
posée sur une bourre Bior : du 8 durci
au-dessous, du 9 nickelé au milieu et,
près du sertissage, du 10 doré. La charge
est vérifiée à 29,6 g pour 730 plombs.
La pression est de 636 bars pour une
vitesse de 377 m/s à 2,50 m. Nous
dénombrons 696 plombs dans la cible
de 91 cm, soit 95 % de la charge. Le
groupement est de 87 % et la concen-
tration de 61 %. Le pourcentage de
dispersion est de 13 % seulement, ce
Cartouches 20 et mordorée
qui signifie que moins de
100 plombs sont à l’extérieur de
la cible de 91 cm. Cette gerbe de très
bonne qualité dessine une répartition
idéale et compte seulement 2 vides
dans son centre.
10,90 € la boîte de 10.
Bernizan Super Match
Coup Double
Comme l’annonce Michel Bernizan
dans son appellation, cette cartouche
est faite pour les tirs à courte et grande
distances, ce qui est confirmé par le
pourcentage de dispersion : 9 % seule-
ment, soit deux petits pour cent de plus
que notre étalon, la Fob Chasse Extra.
Une douille jaune opaque à culot de
16 mm, destiné à améliorer la régula-
rité des tirs, abrite une bourre Bior sur
laquelle sont posés à la couche 15 g
de plombs n° 6 et 15 g de n° 8. La car-
touche a été conçue pour permettre aux
utilisateurs d’un calibre 20 de ne plus
se poser de question sur la cartouche à
mettre dans le premier ou le deuxième
canon : elle remplit les deux rôles pour
toute la saison et tous les gibiers. Les
362 plombs de 6 et 8 réunis développent
une pression de 782 bars à 387 m/s à
2,50 m. Nous retrouvons 343 plombs
dans la cible de 91 cm de côté, soit
95 % de la charge. La concentration
est de 72 %, avec une bonne qualité
de gerbe, contenant 4 vides. Comme
nous l’annoncions, le pourcentage de
68 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Les différents types de bourre employés dans les cartouches de notre essai, la plus utilisée est
la Gualandi dipsersante à gauche et à droite devant la Bior au milieu et l’Arx en noir.
dispersion est de 9 % seulement, avec
une trentaine de plombs en dehors de
la cible de 91 cm, et aucun sur 1 m2.
Cette munition puissante et polyvalente
mettra toutes les chances de votre côté !
13,10 € la boîte de 10.
Fob RX Sous-Bois
Le nom de cette troisième Fob de la
sélection annonce lui aussi sa voca-
tion : des tirs à courte et moyenne
distances. Sa douille jaune de 70 mm
est chargée de 28 g de deux numéros de
plombs, 6 et 8, déposés sur une bourre
Bior. La pression est de 775 bars pour
une vitesse de 388 m/s à 2,50 m. La
charge est contrôlée à 27,53 g pour
342 plombs. Nous dénombrons 98 %
d’atteintes dans la cible de 91 cm
(334 impacts) et un groupement en
cible de 76 cm de 92 % (313 impacts).
La concentration est de 70 %, avec
une gerbe identique à celle de la Ber-
nizan Super Match Coup Double, soit
seulement 4 vides et malgré tout une
couverture de couronne de 30 %.
Comme quatre autres des onze car-
touches testées, la dispersion de la RX
Sous-bois ne repose sur aucun artifice
de dispersion mais uniquement sur la
vitesse résiduelle des plombs. En rat-
trapant les plus petits plombs, les plus
gros provoquent un élargissement de la
gerbe sans entraîner de trous. Le mou-
vement d’intégration des gros plombs
dans la partie avant de la gerbe se fait
progressivement et sans perturbation. Le
résultat est là ! Cette cartouche garantit
une gerbe couvrante à 20 m et au-delà
pour un prix d’à peine 1 € la cartouche.
24,90 € la boîte de 25.
Couple explosif !
Que vous chassiez avec un fusil léger,
avec des canons courts ou longs, vous
allez forcément trouver une cartouche
adaptée à vos besoins parmi les onze
présentées dans ce test. Faites une pre-
mière sélection à partir de nos résultats,
puis allez l’affiner par une série d’essais
comparables aux nôtres pour faire appa-
raître la cartouche qui convient le mieux
à votre arme. Connaître les résultats
balistiques de vos cartouches ne peut
qu’améliorer la qualité de vos tirs et
la confiance que vous avez dans votre
couple arme-munition ! Q
José Nogent, photos
Bruno Berbessou
La portée des artifices
disperseurs
La bourre Gualandi possède des ailettes de
jupe qui se détachent rapidement : nous les
avons retrouvées aux alentours de 5 m du
poste de tir. Le croisillon va plus loin, puisque
nous l’avons retrouvé à environ 5 m de la cible,
soit une quinzaine de mètre de la bouche du
fusil, et l’ARX de Solognac plus loin encore : il
est allé traverser la cible, qu’elle soit placée
à 15 m ou à 20.
Saga 4 025 fois sa mise !

Bo Whoop était ce que

l’on appellerait aujourd’hui
un custom, la déclinaison
d’une arme de série,
avec un bois spécifique
et des belles gravures.

« Bo Whoop »
L’étrange disparition du
plus célèbre fusil des USA
Nash, à
Les fusils acquièrent leur valeur droite, à la
chasse des
grâce à leur finesse, leur rareté canards avec
un juxtaposé
ou le nom de leur fabricant, à canons
longs.
parfois aussi par la célébrité de
leur propriétaire. C’est le cas
du « Bo Whoop », un juxtaposé
Fox devenu célèbre parce que
Nash Buckingham en parla
abondamment dans ses articles
des chasseurs, un petit bonhomme sec Nash Buckingham était originaire
et récits de chasse. Cette arme, et fin, tiré à quatre épingles, n’est de Memphis (Tennessee), mais on
mystérieusement disparue pas n’importe qui : Theophilus Nash
Buckingham (1880-1971), alors au
retrouvait un parler deep south à la
Mark Twain et des expressions ver-
pendant plus de soixante ans, faîte de sa carrière de journaliste
et écrivain. L’avant-guerre encore
naculaires du Bayou dans ses articles
pour Field and Stream et Sport Afield.
a une histoire à part, que nous proche avait été la grande époque des
ouvrages et revues « outdoor », où les
Les meilleurs allaient devenir des
livres, une dizaine en tout, dont le plus
nous devions de vous raconter. Jack O’Connor, George Bird Evans,
Elmer Keith tenaient les chasseurs en
connu (non traduit chez nous) reste De
Shootinest Gentleman and Other Tales
haleine par leurs relations de voyage, (« Gentleman tireur et autres contes »).

C
e 1er décembre 1948 est
encore une journée grise
et fraîche, un temps de
chasse en quelque sorte.
Deux amis de retour de la
passée matinale sont contrôlés par les
gardes. La routine ou presque, dans ce
coin de l’Arkansas, finalement guère
différent de ce qui se passe dans nos
plaines de Beauce ou de Sologne. L’un
70 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
dans une proximité avec leurs lecteurs
bien plus grande que « nos » Maurice
Genevoix ou Paul Vialar, dont l’écri-
ture beaucoup plus littéraire installait
une certaine distance. Après eux, Jim
Harrison et Jim Fergus ont poursuivi
cette nature writing américaine, où
les chiens, les armes, la grande nature
sont « au bout du fusil », loin des
envolées lyriques.
Un canardier sans
distraction inutile
Une arme y était souvent mise en
exergue, comme un personnage récur-
rent. C’est « Bo Whoop ».
Nash, qui avait débuté avec un Win-
chester 97 que lui avait donné un ami
parti s’expatrier à Ceylan, était habi-
tué aux canons longs et chassait le
gibier d’eau avec un Parker à canons de
34 pouces (86 cm), du temps où il était
encore simple associé dans un magasin
d’articles de sport.
Sollicité en 1921 par l’encartoucheur
John Olin en personne pour tester ses
nouvelles charges magnum Western
Super X, on lui fournit pour ce faire
un Super Fox en 12 avec lequel ces
cartouches nouvelles groupaient déjà
80 % de la charge à 40 m dans un cercle
de 80 cm. Sans doute est-ce la visite du
commercial de chez Fox, Ad Roll, dans
son magasin de Memphis qui le décida
à monter sur la même base une arme
spéciale. Le Super Fox qualité HE ne
fut produit que six ans, entre 1923 et
1929, avant que la firme ne soit achetée
par Savage qui modifia ce fusil pour-
tant très abouti. Il était déjà construit et
garanti pour le tir longue distance avec
comme principaux concurrents le LC
Smith Long Range et le Parker Askins-
Sweeley. Il s’agissait d’un fusil lourd
(9,5 livres, soit 4,3 kg), les canons
spéciaux de 32 pouces (81 cm) étaient
suralésés, ce qui n’est pas si courant,
et chokés full-full. Ces Super X de
3 pouces (chambre de 76 cm, nos
magnum actuelles) en plombs de 4
concentraient encore 90 % du coup à
40 m. Ces performances avaient été
rendues possibles par l’avancement
des travaux sur les poudres progres-
sives, dont la sortie entraîna de nou-
Non traduit veaux développements des amorces
en français, et des étuis ainsi que de véritables
le livre le plus gammes spécifiques pour les oiseaux
connu de Nash, d’eau par tous les concurrents de
« De Shootinest Winchester : Federal, Peters et bien
Gentleman and sûr Remington. Moins chargées
Other Tales ».
cependant que de nos jours, elles
étaient l’équivalent des « mini-
mag » actuelles pour des juxtapo-
sés, les superposés étant rares et
le semi-auto, en fait l’Auto 5 qui
régnait en maître sur le marché,
pas encore prêt à les avaler.
Quasi « canardier », le modèle com-
mandé par Nash était un juxtaposé de
facture classique à crosse anglaise orné
bien sûr de gravures de renards (fox en
anglais), sans sécurité, son propriétaire
considérant que c’était une distraction
inutile quand on s’entassait dans le
blind (« poste ») à l’affût des colverts…
Le son du cor
au fond des bois
On avait fignolé la finition avec éjec-
teurs automatiques, une plaque de recul
Hy-Gain, un guidon et une pointe de
longuesse en ivoire, une crosse anglaise
à prise fine. Commandé en 1926, il fut

Un modèle classique et basique du Super

Fox HE produit de 1923 à 1929. C’est sur
cette base que Becker fabriqua Bo Whoop
pour Nash (ci-contre, en 1924).
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 71
Saga 4 025 fois sa mise !

Le LC Smith Long
Range, un concurrent
du Super Fox HE.

livré le 27 mai 1927. Nash allait en faire

son fusil favori au gibier d’eau pour
les vingt années à venir. Son surnom,
« Bo Whoop », fut donné par un fidèle
compagnon de Nash, Harold Sheldon, à
l’issue d’un doublé de canards… Le son
de la détonation lui avait fait songer aux
notes basses du cor dans un orchestre
symphonique !
Et nous voici rendus dans ce matin
froid d’hiver, donc, jour de rencontre
entre Nash et les gardes. Inutile de dire
que ces derniers, passé les formalités
d’usage, ne purent résister à l’envie de
voir et manipuler la fameuse « pétoire »
qui, la discussion s’éternisant, finit par Des customs luxueux du LC Smith
être négligemment posée sur l’aile Long Range ont été réalisés, comme
en témoigne ce modèle très différent
arrière de la voiture… On devine la du précédent.
suite… Un certain nombre de kilo-
mètres parcourus avant de s’apercevoir
de l’oubli, faire demi-tour en catas- de Clarendon du fin fond de l’Arkansas jusqu’en 1968, alors qu’il avait 88 ans
trophe, sonder en vain les fossés et fit l’objet d’une nouvelle « ruée vers et que le fusil devint trop lourd pour
bas-côtés, et constater l’irréparable… l’or », persuadés qu’étaient tous les lui. Il le vendit à son ami le docteur
Bo Whoop avait disparu ! chasseurs du coin d’avoir leur chance Andrews, lequel en fera don plus tard
Avec l’entregent du propriétaire, la nou- de tomber un beau jour sur la merveille. à la fondation Ducks Unlimited, dédiée
velle fit le tour du landerneau, une forte Ce n’était que le tout début d’une longue à la conservation des milieux humides.
récompense fut promise et le petit comté histoire de rumeurs et de spéculations. Mais en dépit des efforts de ses amis
Un prêteur sur gage de l’Illinois, tout au pour remplacer l’irremplaçable, Nash ne
Nash, son chien nord du pays, crut l’avoir revendu à un retrouva jamais la magie de l’original.
et Bo Whoop,
inconnu, qui avait disparu avant qu’on Et il partit rejoindre saint Hubert en
aux canons
interminables. ait le temps d’accourir sur place. Il y 1971, à plus de 90 ans, sans avoir pu
eut même un faussaire qui refit le fusil remettre la main sur son arme adorée.
à l’identique, chaque détail de l’arme Telle l’Arlésienne, Bo Woop fut, à
étant devenu de notoriété publique. compter de sa disparition, le sujet de
conversation favori des sauvaginiers de
Bo Whoop l’époque, la génération d’après-guerre.
devenu fantôme Une métaphore des neiges d’antan, une
Las, Bo Whoop restait introuvable. En légende rurale qui fleurait le bon vieux
juillet 1950, deux amis de son incon- temps, que l’on évoquait les yeux pleins
solable propriétaire, Barry Brooks et de nostalgie en savourant un vieux bour-
Georges Warner, demandèrent à Bec- bon à la lumière sourde des lanternes.
ker d’en refaire un, pour 750 dollars Il fallut attendre 2005 pour voir se lever
(matricule SN 121). Nash l’utilisera une partie du voile, quand un jeune
72 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

C’est en 1927
que Nash
prit possession
de Bo Whoop
qu’il utilisera
pendant
vingt-et-un ans.
Le renard
sous la bascule,
logique pour
un Fox, semblait
regarder dans
la direction du tir.
homme pousse la porte d’une armurerie
de Caroline du Sud pour faire réparer
un vieux fusil dont la crosse est cassée
en deux. Il est mandaté par son père
malade pour tenter une réparation et une
revente afin d’en tirer de quoi l’aider à
payer les frais médicaux. L’armurier,
qui a des lettres en histoire des armes
fameuses, est tout de suite alerté. Il faut
dire qu’un indice est gravé en toutes
lettres sur les canons : « Made for Nash
Buckingham » ! Mais il a beau essayer de
faire comprendre l’enjeu historique de
l’affaire à son visiteur, ce dernier veut
juste une crosse neuve…
Il disparaît de la circulation !
Ce n’est que quatre ans plus tard, en
2009, que l’on va enfin en savoir plus
et commencer à démêler l’écheveau des
circonstances qui ont transformé le fusil
de Nash en fantôme. Le jeune homme
est le petit-fils d’un contremaître d’une
scierie de Savannah (Géorgie) qui s’était
vu proposer, en 1950, un beau fusil Fox
à la crosse cassée en deux, « infirmité »
qui lui fit immédiatement baisser de
moitié le prix proposé, soit 50 dollars.
Et ipso facto le mettre au coffre dans
ce triste état pour quarante années !
Son fils, qui en hérite à la mort de son
père en 1991, relègue l’arme à son tour
pour quatorze autres années. Jusqu’à
ce qu’il se retrouve acculé par les frais
médicaux et demande à son propre fils
de sortir le fusil du placard pour tenter
une réparation et une revente. Comme
on l’a vu, la tentative échoue. Mais en
2009, quand l’armurier voit réapparaître
celui qui est devenu entretemps le troi-
sième héritier de l’arme, ce dernier est
plus disposé à écouter ses explications
sur le statut exceptionnel de son bien.
L’armurier se dit prêt à acheter le fusil
pour 20 000 dollars, tout en conseillant
au jeune homme, avec grande honnê-
teté, de se rendre au préalable chez
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 73
Certains ont mis en doute
l’originalité de Bo Whoop
en arguant de la mauvaise
qualité de la signature
gravée sur les canons.
Fairfield, le célèbre magasin d’en-
chères de James Julia, dans le Maine.
Deux ans plus tôt, ce spécialiste
d’antiquités proudly US a obtenu
la plus forte enchère pour un fusil
de chasse aux États-Unis : il s’agit d’un
Parker A1S gravé pour le tsar Nicolas II
en 1914, qui n’avait jamais pu être livré
du fait de la guerre mondiale et de la
révolution bolchevique. Le fusil est
parti pour 287 500 dollars.
Fusil migrateur
L’annonce de la redécouverte de Bo
Whoop se répand comme une traînée
de poudre… Mais un détail cloche :
le numéro de série (31 088) n’est pas
le même que celui indiqué par Nash
(31 108). L’anomalie est rapidement
expliquée grâce aux archives de la
maison Fox, c’est Nash qui dans une de
ses relations s’est trompé, en inversant
les chiffres. Comme quoi le meilleur
des journalistes n’est pas forcément
un modèle de rigueur ! Reste aussi à
approfondir le volet légal de l’affaire.
La famille Buckingham est en droit
de réclamer le fusil, mais elle ne se
manifeste pas. En épluchant les écrits
de Nash, en l’occurrence la publication
de lettres à ses amis, on apprend que
l’arme avait été assurée contre le vol.
Les droits de la famille peuvent être
contestés par la compagnie d’assurance
pour une somme dérisoire (400 dollars,
la valeur de l’arme lors de sa perte),
mais cette compagnie n’existe plus.
Saga 4 025 fois sa mise !
En 2010, l’annonce des enchères immi-
nentes fait grand bruit et alerte un
octogénaire de Palm Beach (Floride)
dont le père a été non seulement un
des meilleurs amis et partenaire de
chasse de Nash, souvent mentionné
dans ses écrits, mais également son
parrain. Il obtient, le 16 mars 2010,
Bo Whoop pour ce qui reste un record
dans l’enchère des fusils de chasse
américains, la troisième plus impor-
tante : 201 250 dollars, soit 4 025 fois
le prix d’achat. L’histoire se termine
par un happy end : Bo Whoop est offert
à Ducks Unlimited et trône désor-
mais dans le musée de la fondation,
à Memphis, à côté de son jumeau,
« Bo Whoop II », d’un diorama et de
vêtements et archives personnelles de
Nash, qui vécut et chassa toute sa vie
à deux pas de là. Il dirigea le premier
programme de restauration de la faune
pour Winchester Arms et fut un des
fondateurs de More Game Birds for
America (ancêtre de Ducks Unlimited),
plaidant pour un bag limit raisonnable,
soit à cette époque et dans certains
endroits… 50 colverts par jour !
201 250 dollars, Quelques mystères persistent encore,
c’est le prix auquel
qui font le miel des aficionados, tou-
Bo Whoop est parti
chez Julia ! Depuis, jours nombreux, de la marque Fox.
il est exposé Qui eut la négligence de déposer Bo
à Memphis avec Whoop contre le véhicule, Nash ou un
« Bo Whoop II ». garde ? Comment put-il passer, en deux
74 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Le numéro de
série, 31 088, du
fusil retrouvé ne
correspondait pas
à celui que Nash
avait indiqué :
31 108. Nash,
en irrécupérable
littéraire, avait
mélangé les
chiffres !
ans, des bois de l’est de l’Arkansas à la
Géorgie – séparés de quelque 1 100 km
quand même – où l’aurait trouvé le
conducteur d’un camion grumier, qui
l’aurait cédé au contremaître ? Le fait
que le nom du propriétaire soit écrit en
toutes lettres sur l’arme et que celle-ci
soit connue de tous les chasseurs était
susceptible de provoquer un imbroglio
juridique d’un État à l’autre, ce qui
explique peut-être cette interminable
disparition. La loi américaine fait en
effet une distinction entre les objets
placés ou « trésors », qui peuvent reve-
nir au découvreur ou au propriétaire
de l’endroit où ils ont été perdus, et
ceux tombés ou emportés par le vent,
censés rester la possession de leur
propriétaire initial.
Et, comme toujours, il y a aussi les
inévitables thèses conspirationnistes…
L’arme redécouverte ne serait pas la
« vraie » car Becker n’aurait jamais
marqué des canons de son nom du
temps où il travaillait pour Fox. Et
la carte d’usine du fameux matricule
31088, pourtant très précise, ne sti-
pule rien en ce sens. La qualité de la
frappe prête aussi à commentaires : de
médiocre exécution, se détériorant au
fur et à mesure de son avancée, alors
que Becker avait la réputation d’être
La crosse cassée
de Bo Whoop
fut démontée,
conservée et
remplacée par
une nouvelle
monture conforme
à l’originale.
un graveur soigneux… Plus drôle
encore, certains mauvais esprits ont
même vu dans l’absence de sécurité
une malédiction lancée d’outre-tombe
par Nash Buckingham !
Un dernier « boum » !
Fin 2016, une demi-douzaine de
journalistes de Field and Stream et
de spécialistes d’armes historiques se
rendent sur le Beaver Dam Lake, près
de Tunica (Mississipi), accompagnés de
Bo Whoop. Le fusil vient d’être révisé
par l’armurier de Caroline du Sud qui
s’est retrouvé à l’avant-scène lors de sa
réapparition. De nombreuses vidéos sur
le Net montrent cette expédition restée
fameuse. On y voit non seulement Bo
Whoop tirer, mais surtout on y entend
son célèbre « boum » ! Après avoir été
respectueusement chargé de cartouches
de 1/14 once de poudre et en Kent
Tungsten Matrix n° 5, il renoua avec
la magie : un doublé de colverts, un
second, puis une oie, aucun raté. Nash
n’aurait pu rêver plus beau succès pour
lui, la scène aurait fait un parfait dénoue-
ment pour l’une de ses nouvelles. Gloire
à Bo Whoop… Plus de soixante ans de
silence, mais quel « boum » final ! Q
Pierre Lefeuvre
Saga Traditions

Laissons parler
les anciens
Les fusils à chiens extérieurs
toujours d’actualité
Si certains fabricants d’armes spécialisés dans un noyer exceptionnel. Qui plus est,
les amateurs étant peu nombreux pour
les « répliques » de fusils anciens proposent des ces fusils, son prix n’était pas excessif.
Je l’achetais.
modèles à chiens extérieurs beaucoup cherchent J’avais vérifié que les poinçons du banc
d’épreuve autorisaient l’utilisation des
à dénicher un « original d’époque ». Ces armes à cartouches actuelles et que la longueur
des chambres était de 70 mm, il me
l’esthétique unique continuent de nous faire rêver. restait à contrôler la qualité des canons,
Mais sont-elles encore utilisables et fiables ? Un de puisque c’est bien là l’essentiel. Et
sur ce point, mon vieux fusil allait
nos collaborateurs a franchi le pas… à deux reprises. surpasser mes espérances.

Balistique ? Pas mieux

depuis 100 ans !

J
e venais de terminer l’excellent
livre de Diggory Hadoke consa-
cré aux fusils à chiens exté-
rieurs, Hammer Guns, et cette
lecture, mais aussi la nostalgie
des chasses de mon enfance, m’avait
convaincu que l’on pouvait trouver
plus de plaisir à chasser avec un de
ces beaux fusils qu’avec une arme
industrielle moderne et sans âme. « Un
fusil sans chiens, c’est comme un coc-
ker qui n’aurait pas d’oreilles »… Je
faisais mienne cette réflexion du roi
Edward VII !
Une recherche sélective
En consultant les sites de vente en
ligne proposant des armes de chasse
d’occasion et en suivant les ventes
aux enchères, j’allais peut-être réussir
à trouver une de ces petites merveilles
à la rencontre de l’art et de l’artisanat.
Mais pas question de me contenter du
premier modèle venu, je voulais un
modèle à chiens rebondissants (brevet
de John Stanton 1869), dont le mar-
teau frappe le percuteur et rebondit
immédiatement en arrière, sans risque
76 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
d’enclouage. Je voulais aussi disposer
d’une clef d’ouverture placée sur le
dessus de la bascule (brevet Westley
Richards 3e version de 1864), beaucoup
plus pratique que la longue clef Lefau-
cheux en T installée sous la longuesse.
Il me fallait enfin une bonne fermeture,
autrement dit deux verrous (brevet
Purdey de 1863) complétés par une
« tête de poupée » dans le prolongement
de la bande. Avec tous ces éléments
réunis, le fusil que je me promettais de
dénicher, même ancien, m’assurerait
d’être assez résistant pour un usage
intensif sans me faire craindre sans
cesse la survenue d’un problème.
Concernant le calibre, j’avais été étonné
il y a quelques années de constater sur
les pas de tir que 28 g de plombs et
même 24 cassaient autant de plateaux
que les 32 g que l’on tirait auparavant.
Un calibre 12 n’étant pas nécessaire
pour lancer une charge de 28 g, je me
mettais en quête d’un calibre 20.
Je n’ai pas tardé à trouver, sur le site
de Drouot, un modèle remplissant tout
mon cahier des charges. Ses gravures
étaient belles et sa crosse réalisée dans
Avec une cartouche Hull High Phea-
sant chargée de 25 g de plombs n° 6
et d’une bourre grasse pour le premier
coup, j’obtenais, avec le canon quart de
choke et dans la cible placée à 25 m,
150 impacts dans le cercle intérieur
et 73 dans la couronne extérieure,
soit un groupement de 90 % (223 sur
248 billes de plomb). Avec une car-
touche Sauvagine Prestige chargée de
30 g de plombs de 4 et bourre à jupe
pour le second coup, j’obtenais, avec
le canon trois quarts choke à 33 m,
92 impacts dans le cercle intérieur
et 60 dans la couronne extérieure, ce
qui est bien suffisant pour sécher un
canard ou un lièvre à cette distance.
Je tirais ensuite au parcours de chasse
avec des cartouches Mary Compétition
chargées de 26 g de plombs de 7 lancés
à 400 m/s et cassais régulièrement les
plateaux à plus de 40 m.
En me renseignant auprès du canonnier
Raphaël Rathier, j’apprenais que les
canons de ce fusil, fabriqué il y a plus
de cent ans, étaient dotés des mêmes
caractéristiques que ceux utilisés sur
 © B. Berbessou

les parcours de chasse actuels : de

longueur importante pour un calibre 20
(73 cm), dotés d’une âme légèrement
suralésée (16 mm), de longs cônes
de raccordement et de longs chokes.
Outre les avantages qu’ils apportent
pour la qualité de la gerbe, tous ces
éléments concourent aussi à limiter le
recul de l’arme.
Il y a une centaine d’années, des armu-
riers comme Lebeau-Courally, Stan-
bury ou Burrard passèrent des heures
et des heures à tirer des cartouches
sur une plaque de tôle recouverte de
chaux et à compter les impacts. Cette
énorme accumulation d’expériences
leur permit d’atteindre la perfection.
Étonnamment, aucun grand chan-
gement n’a été apporté aux canons
depuis le début du siècle dernier et, par
retour de balancier, les concepteurs des
armes de compétition modernes ont à
cœur de retrouver les caractéristiques
des fusils fabriqués par les artisans
les plus compétents de cette époque.
Croyez-moi, ce fut un plaisir de faire
revivre ce vieux calibre 20, ces canons-
là ont une âme, dans tous les sens du
terme ! À l’apogée de l’arme de chasse,
des tireurs de légende – lords Ripon,
Walsingham, Grey… – utilisèrent
ces fusils avec efficacité et intensité
dans des battues de mille faisans. De
nos jours, des Purdey, Peter Hofer
ou Piotti continuent de fabriquer ces
modèles qui connaissent un regain de
popularité auprès de qui recherche un
mariage d’efficacité et de beauté pour
son arme de chasse.

Une carabine double

également
Fort de ce premier succès, je poussais
un peu plus loin mes recherches et
trouvais sur le site de VDB-Waffen une
magnifique carabine double en calibre À l’exemple de
Michel Bernizan
.43 Mauser fabriquée en 1906 à Berlin
à Bayonne, des
par Wilhem Foerster, qui était à la fois fabricants remettent
l’armurier du roi de Prusse et du tsar de au goût du jour
Russie. Il est étonnant de constater que les fusils à chiens
ses 115 années d’existence n’avaient extérieurs.
laissé aucune trace sur cette arme. Les
Saga Traditions
rayures étaient miroir, les ajustages
n’avaient aucun jeu, la clef d’ouverture
en corne et les gravures étaient intactes,
la quadrille sans une égratignure. Cette
fois encore, en vertu du petit nombre
d’amateurs pour ces armes mais aussi
de chasseurs pratiquant le recharge-
ment, le prix n’était pas excessif. Et je
savais que la préparation de cartouches
maison serait chose aisée, sachant que
les ogives et les douilles de ce calibre
sont couramment disponibles sur le
site de Reimer-Johannsen.

Quelques instants
d’hésitation
J’hésitais malgré tout à acquérir cette
arme en me rappelant avoir lu que la
battue de grand gibier requérait impéra-
tivement des balles engendrant une onde
de choc à l’impact et de ce fait délivrant
une vitesse supérieure à 700 m/s. Mais
tout bien réfléchi, c’était faire peu de
cas de l’expérience de nos anciens qui
tiraient avec efficacité la balle Brenneke
dans leur calibre 16 et de l’épopée de
tous les chasseurs des empires coloniaux
qui, entre 1920 et 1940, mirent à terre
buffles et éléphants avec des .470 Nitro
Express (balles de 500 grains lancées
© DR

à 650 m/s) ou des .500 à poudre noire

(450 grains et 500 m/s seulement). Vous
l’aurez compris, mon hésitation fut de Après le fusil,
ce fut au tour
courte durée…
d’une arme rayée
Cet express m’avait séduit dès le pre- d’être dénichée :
mier regard et, lorsqu’il fut entre mes un express
mains et que je mis ma joue contre sa Foerster de 1906
crosse, ce fut comme s’il me parlait à chambré pour
l’oreille ! Durant toute une saison, je le .43 Mauser.
le regardais comme un merveilleux
tableau… Jusqu’au jour où je me déci-
dais enfin à l’emmener en battue de
grand gibier…
En admirant dans une belle chasse
d’Alsace l’efficacité de l’organisateur
qui tirait une carabine .444 Marlin,
j’en avais conclu que si cet homme la battue le poids de la balle devait être 300 grains à 573 m/s, une des meilleures
d’expérience avait choisi ce bon gros privilégié sur la vitesse. cartouches de battue. Avec sa lunette
calibre, c’est qu’il était convaincu Côté sécurité, lorsqu’on se déplace, montée, mon express s’est montré par-
qu’il correspondait aux nécessités de pour changer de poste, l’express à fait sur les chevreuils et les sangliers. La
la battue. Une autre fois, j’avais vu un la bretelle et chiens abattus, les voi- quantité de mouvement était telle qu’à
voisin de poste culbuter les animaux sins voient d’un seul coup d’œil que l’impact, et jusqu’à 50 m, les grands
avec une carabine en calibre .45-70 et l’arme ne représente aucun danger, animaux boulaient ou étaient renversés
ses grosses balles de 300 grains lancées ce qui n’est pas le cas avec les cara- – et avec moins de recul qu’avec un
à la modeste vitesse de 570 m/s. Cela bines doubles hammerless fermées. Il calibre 12 tirant une Brenneke.
avait fini de me convaincre que pour n’y avait décidément aucune raison Enfants, nous aimions comparer nos
d’empêcher ma vénérable .43 Mauser lance-pierres, admirant ceux qui étaient
La sécurité de recommencer à parler. les plus beaux ou que nous devinions
Je commençais par une séance d’entraî- les plus efficaces. Il faut croire que la
Les fusils à chiens extérieurs sont réputés moins sûrs que les nement au sanglier courant avec des seule différence entre un petit garçon
hammerless ? Rien de plus faux ! En action de chasse, il suffit de
les porter chiens armés mais fusil cassé jusqu’au moment du
balles plomb de 370 grains rechargées et un adulte est le prix de leurs armes.
tir. Si cette règle est respectée, aucun danger n’est à craindre avec 1,1 g de poudre Vihtavuori N340, Pour ma part, en acquérant les deux
puisque, en cas de départ accidentel, le marteau ne peut pas VO de 350 m/s. Puis direction la bat- beaux modèles que je viens de vous
frapper l’amorce. Et pour décharger le fusil en toute sécurité, il tue de grand gibier, avec des balles présenter, je renouais avec ces bonheurs
suffit de l’ouvrir et de retirer les cartouches avant de rabattre les demi-blindées Degol de 270 grains, incomparables de nos jeunes années ! Q
chiens. Si par inadvertance le chasseur appuie sur la mauvaise rechargées avec 3,3 g de Tubal 5000
queue de détente en voulant abaisser un chien, le marteau ne qui, lancées à 600 m/s, développaient Texte et photos
peut pas frapper l’amorce, le coup ne part pas. l’énergie d’une cartouche de .45-70 de Charles Fuster

78 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022

Chez Purdey aussi, un fusil
à chiens extérieurs et
platines a été ajouté au Le Fauré-Lepage de l’auteur, un calibre 20
catalogue, des décennies à bascule ronde, chiens extérieurs, fines gravures
après sa disparition. et platines à ressort arrière, le tout assemblé
sur une monture magnifique en noyer français.
Belles endormies Obsolescence déprogrammée

Le premier
modèle 77,
reconnaissable
à sa sûreté sur
le col de crosse.

Ruger 77
Lancée en 1968, la carabine à
verrou Ruger portera pourtant
le nom de 77 : un pied de nez
de Bill Ruger aux modèles
700 et 70 de ses principaux
concurrents sur ce créneau.
Cette double 7, vendue à près
de 2 millions d’exemplaires
pendant ses 38 années
d’existence, fut la première
carabine de grande série
fabriquée par microfusion.
80 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
4 décennies de bons
et loyaux services
S
i vous avez lu attentivement
l’article consacré à la Ruger
N°1 publié dans le numéro 81
de ce qui est, j’espère, votre
revue préférée, vous n’igno-
rez désormais plus rien des débuts de
Bill Batterman Ruger (1916-2002).
Mais je suis magnanime, je vais faire
un bref rappel pour ceux qui auraient
séché le cours ! Pendant la guerre, notre
homme travaille chez Auto Ordnance
(fabricant des premiers PM Thomp-
son) sur la conception d’un FM qui en
fin de compte ne sera pas adopté par
l’armée américaine. Mais ce séjour a
le mérite de le former à l’organisation
rationnelle de la production armurière
industrielle, ce qui va lui être d’une
grande utilité au moment de créer sa
propre entreprise. En 1949, il fait une
rencontre décisive, avec le dénommé
Alexander Mac Cormick Sturm, qui
va croire dans ses projets et lui prêter
50 000 dollars. Avec cet argent, Ruger
fabrique son pistolet .22 LR, qui inau-
gure la saga de l’entreprise.
Changement d’échelle
En une bonne quinzaine d’années, l’al-
liance entre l’intelligence de la concep-
tion et la technique de la microfusion
font s’enchaîner les réussites : 1949
donc, pistolet Standard en .22 Long
Rifle ; 1953, revolver simple action
Single Six en .22 LR et .22 Magnum ;
1955, revolver simple action Blackhawk
du calibre .30 M1 au .45 Colt ; 1959,
revolver simple action Super Blac-
khawk en .44 Magnum ; 1960, carabine
semi-automatique en .44 Magnum ;
1964, carabine semi-automatique 10/22
en .22 LR, fabriquée en plusieurs mil-
lions d’exemplaires ; 1966, carabine à
un coup à bloc tombant N° 1.
 Les deux longueurs
de boîtier : « court »
(en réalité moyen),
en bas, et « magnum »
(long) en haut.

Les premières publicités

pour la 77 et sa version
« magnum ». Ruger s’y
montrait assez bavard,
il fallait présenter
le modèle et surtout
rassurer les chasseurs
sur la technologie
de la microfusion
(ou cire perdue),
alors toute nouvelle.
© L. Bedu

à verrou assez conventionnel pour partie intégrante du boîtier, gage de

Le dessin du
levier permettait En chemin, la production a quitté la
de monter une simple grange des débuts pour une
lunette assez nouvelle usine à Southport (Connec-
bas, que ce ticut). Jusqu’à présent, Ruger s’est
soit sur le modèle surtout concentré sur des marchés de
du premier niche, avec des modèles qui n’ont pas
ou second type.
eu à affronter une grande concurrence,
à l’exemple de la N°1. Il va désormais
attaquer celui de l’arme de chasse à
verrou, beaucoup plus convoité. Fort
de son expérience de la fonte d’acier à
cire perdue, il conçoit un mécanisme
contrer les deux leaders, Winches-
ter et Remington. Il s’appuie pour le
développer sur Jim Sullivan, un ancien
d’Armalite qui a travaillé avec Eugene
Stoner (le concepteur du M-16) et
Lenard Brownell, qui a magnifique-
ment dessiné la crosse de la N° 1. Dès
1965, la future carabine est baptisée
modèle 77, histoire de faire un pied
de nez aux adeptes du chiffre 7, chez
Winchester (modèle 70) et Remington
(700). Inutile de tourner autour du pot,
Ruger copie le système Mauser 98. Il
dépose un seul brevet, pour le concept
de la vis avant de sous-garde inclinée
destinée à créer une force de placage
antéro-postérieure entre le bois et le
mécanisme. Système qui s’avérera
causer plus de problèmes qu’il n’en
résout et ne sera jamais repris.
Un certain nombre d’améliorations sont
apportées par rapport au boîtier mili-
taire que vous connaissez : une sûreté
de type chasse placée sur la queue de
boîtier ou col de crosse, directement
sous le pouce, un dessin du levier qui
n’entrave pas le montage bas d’une
lunette, des embases de lunette faisant
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 81
solidité, et recevant uniquement les
colliers spécifiques de la marque – la
publicité en vantera le caractère iné-
branlable et le fait qu’ils soient les plus
bas de tous ceux alors proposés –, un
mécanisme de détente réglable fixé sur
un berceau rapporté.
Le pari de la microfusion
Du Mauser original ont été gardés l’ex-
tracteur à lame et l’arrêtoir de verrou
très amélioré avec l’adjonction d’un
ressort d’amortissement. L’éjecteur qui
traverse le tenon gauche a en revanche
été supprimé au profit d’une version
à poussoir. Mais la vraie innovation
est la réalisation par microfusion du
boîtier et du verrou. Pour démontrer la
qualité de cette technique et dissiper le
scepticisme des consommateurs et des
professionnels du secteur à son égard,
Bill Ruger va soumettre sa carabine à
une succession de tests, ou plutôt de
séances de torture.
L’arme sort en 1968, avec un boî-
tier « court » – en réalité moyen –
et déclinée en .22-250, .220 Swift,
6 mm Remington, .243 Winchester,
Belles endormies Obsolescence déprogrammée

.250 Savage, 6,5 Remington Magnum,

7-08 Remington, .284 Winchester,
.308 Winchester, .358 Winchester et
.350 Remington Magnum. Le boî-
tier « magnum » (en réalité long) est
introduit un peu plus tard, en 1970, en
.257 Roberts, .25-06, .270 Winchester,
.280 Remington, 7 x 57 Mauser, 7 mm
Remington Magnum, .30-06 Spring-
field, .300 Winchester Magnum, .338
Winchester Magnum, .416 Taylor et
.458 Winchester Magnum. Comme
on le voit, la palette couvre tous les
besoins, mais avec un seul calibre
européen, le 7 x 57 Mauser, qui nous
était interdit à l’époque puisque classé
en première catégorie.
Un seul brevet
est déposé pour
la réalisation de la
Ruger 77, il concerne la
vis de devant oblique,
censée plaquer le bois
à la mécanique.
La gamme d’origine
La 77 première du nom se décline
ainsi : 77 R (dans les deux longueurs
de boîtier, sans instruments de visée),
77 RS (dans les deux longueurs, avec
instruments de visée), 77 RSC (en
.458 Winchester Magnum et .416
Taylor, canon au profil alourdi et
tenon antirecul supplémentaire dans
la longuesse), 77 RSI (canon court
de 47 cm et fût long Mannlicher),
77 ST (boîtier rond acceptant des
embases conventionnelles vissées),
77 V (modèle Varmint avec canon
lourd sans instruments de visée, file-
tages sur le canon pour des embases
de lunettes de tir longues, type Lyman
Super Target Scope ou Unertl, encore
courantes à l’époque), 77 PL (boîtier
rond, sans instruments de visée).
Dans presque tous les cas (à l’exception
des boîtiers ronds), l’arme est livrée
avec une paire de colliers « maison »
réalisés eux aussi en acier par microfu-
sion. Il est possible aussi de comman-
der une arme sans sa crosse (barreled
action), pour qui voulait en faire réa-
liser une sur mesure ou dans une autre
essence de bois (77 RBA,77 RSBA,
77 RSBA .458 Magnum).
Dans un premier temps, comme Ruger
s’y attendait, une partie de la presse
spécialisée garde un reste de méfiance
face à la microfusion, mais l’excel-
lente réputation des armes sorties
précédemment des ateliers Ruger et
la précision au tir dont fait preuve
l’ensemble de la gamme 77 balaient
les dernières réticences. Le fait d’avoir
gardé l’extracteur Mauser donne une
cote d’amour immédiate à la 77, au
moment où la Winchester 70 voit
s’étioler la sienne.
En 1990, plus d’un million d’exem-
plaires ont été vendus. La plus impor-
tante modification durant sa période
de production fut la forme du levier
de verrou. À l’origine extrêmement
anguleux, « en patte de chien » avec

La première version
possédait une culasse
à long extracteur Mauser,
mais à éjecteur piston
sous tension de ressort.

© L. Bedu

82 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022


un bouton oblong pour pouvoir pas-
ser sous une lunette surbaissée, il fut
arrondi par la suite, avec ou sans forage
de la boule de levier. En 1983 est ajouté
le modèle 77/22 en .22 LR et .22 Mag-
num qui, bien que d’aspect similaire,
ne partage rien avec son homologue à
percussion centrale.
Seconde génération
En 1990, après vingt et un ans de bons
et loyaux services, le modèle est modi-
fié pour devenir le 77 MKII. Plusieurs
raisons ont conduit à cette mutation :
la nécessité de gommer des défauts
mineurs et d’apporter quelques modi-
fications réclamées par la clientèle,
mais aussi le durcissement des lois de
protection du consommateur (avec à
la clé l’augmentation des dédommage-
ments dus en cas de procès) obligeant
à la refonte du système de détente (cf.
encadré ci-contre).
Certains calibres font leur apparition,
comme le .223, le.22 PPC et le 6,5 x 55
Suédois, d’autres disparaissent : les
6,5 et .350 Remington Magnum, et le
.416 Taylor. La longueur des canons
s’échelonne de 18 pouces (46 cm) pour
les carabines allégées à 28 (71 cm) pour
les modèles Target.
Une des premières publicités
pour la 77 MKII, le visuel prime !
La carabine pouvait même
être livrée sans crosse
pour ceux qui souhaitaient
un bois luxe ou sur mesure.
La Ruger 77 MKII voit
le jour en 1990, elle perd
sa sûreté au col de crosse
et son bloc détente.
La modernité, la mode et l’évolu-
tion des matériaux apportent leur lot
de nouveautés. L’acier inoxydable
d’abord, identifié par la lettre K. Un
modèle « en miroir » ensuite, à l’inten-
tion des gauchers, identifié par les
lettres LR, pour left rifle, apposée
au 77 – un R, pour right, rejoint en
contrepartie les modèles pour droitier.
Enfin, les modèles de tir sont fournis
avec une crosse en lamellé-collé et
les « tout-temps » avec une crosse
entièrement synthétique en Zytel de
chez du Pont de Nemours.
77 et 77 MK II : leurs différences
Voici les principale modifications
apportées à la 77 MK II par rapport à
la 77, outre celles déjà mentionnées
dans l’article :
• Le filetage qui tient le canon est
allongé.
• L’éjecteur à poussoir est supprimé
au profit d’un éjecteur à lame, exac-
tement comme sur les Winchester
70-pré 64. Ce système permet de
doser l’éjection, à la différence du
premier, et ainsi de moins maltraiter
les étuis tirés, ce qui intéresse ceux
qui rechargent. De plus, la tête de
Une version Africa de la 77 MKII
a vu le jour, chambrée en
.375 H & H et .416 Rigby.
La 77 MK II LR,
pour Left Rifle
(gaucher), à ne pas
confondre avec
la RL, pour Right
Light (droitier
allégée).
Il faut plus qu’un coup d’œil pour se
repérer dans le récapitulatif sorti d’un
catalogue de 1999, particulièrement
périlleux pour les dyslexiques, qui
auront vite fait de confondre une M77
LR (left rifle), pour gauchers, avec une
M77 RL (right light), un modèle allégé
pour droitier !
Un modèle Express est également pro-
posé aux amateurs d’armes classiques :
bois choisis mais surtout bande de visée
express sortie hors masse du canon et
anneau de grenadière. Il est chambré en
.270, .30-06, 7 mm Remington Mag-
verrou est ouverte vers le bas, ce • Le système de détente est com-
qui permet une vraie alimentation plètement remanié. Le berceau est
contrôlée. Sur la 77, il fallait for- supprimé et c’est une extension
cer à l’introduction pour vaincre la du boîtier sorti de moule qui porte
résistance de l’éjecteur, qui devait désormais l’ensemble des pièces.
s’effacer à la montée du culot de Cette détente est livrée réglée
l’étui. d’usine et pratiquement impossible
• La sécurité quitte la queue de à modifier, pour parer à toute pour-
boîtier pour passer à droite du suite judiciaire. Elle a été très criti-
bouchon de culasse. Une position quée par les Américains. Pour ma
intermédiaire permet d’actionner part, je considère qu’une détente
le mécanisme en désactivant la doit d’abord être fiable en Alaska
détente. Sur la 77, la sécurité blo- par - 20 °C, le chien de prairie au
quait tout une fois activée. Texas à 300 m passe après !
La sûreté de
la 77 MK II est
passée à droite
du boîtier, derrière
la racine du levier
d’armement. C’est
le changement
le plus visible entre
77 et 77 MK II.
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 83

num, .300 Winchester Magnum et .338
Winchester Magnum.
Encore un cran plus haut, un véritable
boîtier magnum est traité en arme afri-
caine de luxe : crosse droite, bande
express tirée hors masse avec le canon,
bois choisis. Deux calibres sont propo-
sés, le .375 Holland & Holland et le .416
Rigby – le .404 Jeffery était annoncé
mais n’est jamais sorti. Sur ces deux
armes, les profils et longueurs de canons
sont différents : 23 pouces pour le .375
contre 24 pour le .416.
Sans oublier
la poudre noire !
Un modèle dérivé, des plus exotiques
pour nous, est le 77/50 à poudre noire
et chargement par la bouche ! Dans
certains États américains, une telle
arme permet de profiter d’une période
de chasse considérablement étendue.
Ni une ni deux, on prend une arme à
verrou, on obstrue la chambre avec
un bouchon qui porte une capsule, le
verrou et le percuteur sont modifiés
ad hoc. Le chargement se fait de façon
84 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
La 77 Hawkeye Alaskan
chambrée pour le .416.
Cette Hawkeye Long Range Hunter
est destinée aux chasses extrêmes
et surtout aux tirs lointains.
À l’autre bout du spectre, la gamme
77/22 est élargie. Ici aussi apparaissent
l’inox, les crosses en synthétique et
Cette publicité lamellé-collé et le calibre .22 Magnum.
présentait un En 1994, sous la pression du grand
éclaté de la 77, patron qui y tenait expressément, est
avec la fameuse commercialisé un modèle en .22 Hornet,
vis de devant le 77/22 Hornet, qui se vendra mieux
oblique. que ce qui était escompté.
En 2006, la carabine Hawkeye (« œil de
faucon ») vient remplacer l’ensemble
de la gamme 77. Une nouvelle détente,
la LC6, est installée et le galbe de la
crosse modifié. La seule appellation 77
ne subsiste que pour les 77/22, 77/22
Hornet, 77/44 et 77/357, toutes avec
« conventionnelle » avec une baguette leur chargeur rotatif si fiable.
en synthétique. Les projectiles sont ceux Une version exotique, la SAR (Search
d’armes de poing en .45 montés sur des And Rescue) est faite à la demande des
sabots en polyéthylène. La 77/50 a existé Canadiens en 2013 : crosse synthétique
en acier inox et acier carbone, les crosses rouge, canon raccourci à 14,5 pouces
étaient au choix en bois, synthétique ou La gamme (37 cm), chargeur rallongé pour six
lamellé-collé. Remington accouchera du Hawkeye a cartouches. Elle a été conçue comme
même vistemboir avec ses modèles ML remplacé la arme de survie parachutable dans le
et MLS (1996-2004). Le marché semble famille 77 tout grand nord canadien, ça en dit long
toujours exister, puisque la marque vient en en gardant sur sa solidité.
de récidiver avec la 700/MLSS. l’appellation sur
le boîtier.
De quoi faire face !
La Ruger 77 n’a certes pas révolutionné
l’armurerie par sa conception, mais son
existence et les quantités vendues ont
démontré que la solidité d’une arme
fabriquée par microfusion ne souffrait
aucune critique. Les 77 demeurent
nombreuses et généralement peu oné-
reuses sur le marché de l’occasion. Oui,
elles sont lourdes et dénuées des der-
niers raffinements à la mode, mais elles
ne trahiront jamais leur utilisateur, qu’il
s’agisse de la version originelle ou de
la MKII. Et preuve que cette carabine
a marqué une étape importante dans
la saga Ruger, les nouvelles Hawkeye
portent encore le nom de M 77. Cette
gamme d’une richesse incroyable, que
l’on cherche un modèle pour l’Afrique,
pour les longues distances ou même
pour l’Alaska, offre de quoi faire face
à toutes les situations. Q
Paul Hachème
Hommage Trop tôt disparu

Gianfranco
Pedersoli
Le graveur du déséquilibre
et de l’harmonie
Dans l’univers symétrique de la gravure sur armes où les
feuilles d’acanthe, les rubans et bouquets possèdent leur reflet
parfait en vis-à-vis, Gianfranco Pedersoli a osé le déséquilibre
et la déstructuration de ses compositions. Pourtant, sa gravure
« asymétrique » se révèlait pleine d’harmonie, d’équilibre justement,
servie, il est vrai, par une technique et une poésie incroyables.

L
e 24 juillet dernier, Gian-
franco Pedersoli s’étei-
gnait, victime d’une
crise cardiaque à l’âge
de 74 ans. Un paradoxe
pour ce grand sportif qui jouait encore
au tennis notamment. Pedersoli était
l’un des cinq meilleurs graveurs sur
armes italiens, l’un des tout meilleurs du
monde aussi. Il possédait une technique
incroyable mise au service d’un style
unique. Hormis quelques concessions
© L. Bedu
le fusil de chasse devient chef-d’œuvre,
dans lequel j’avais voulu lui consacrer
un court chapitre. Que voici, comme un
ultime hommage…
Un atelier de poche
Dans son appartement de Zanano, qui
jouxtait quasiment la maison où il était
né et avait grandi, au cœur de Gardone
Val Trompia, la capitale armurière
italienne, tous les murs étaient ornés
de ses gravures, croquis et estampes.

au sport et à la famille, Gianfranco ne C’est dans ce même appartement que

Gianfranco Pedersoli chez lui, devant
sa « table-atelier », aménagée dans un coin
de l’appartement familial de Zanano.
86 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
vivait que pour son art, dont il était
amoureux fou. J’avais eu la chance
de le rencontrer et de passer plusieurs
heures avec lui pour la préparation de
mon livre Gravure sur armes, quand
Gianfranco Pedersoli avait installé son
« atelier », sur une toute petite table d’un
mètre carré à peine. Comme s’il était
toujours le petit garçon de 14 ans que
le maître Giulio Timpini avait pris sous
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 87
Hommage Trop tôt disparu

La sacro-sainte symétrie des dessous

de bascule est bousculée, malmenée,
sans que la composition n’en soit
déséquilibrée. Bien au contraire !

son aile et installé provisoirement sur la
table de la cuisine familiale.
Dès ses toutes premières années, avant
cet apprentissage, Gianfranco passait
son temps à dessiner, des paysages
surtout. L’école ne l’intéressait guère
à l’exception des cours de dessin, où
il excellait. Il découvrit la gravure sur
armes presque par hasard, à 9 ans, en
apprenant qu’un des voisins de ses
parents exerçait ce métier. Cette ren-
contre, son talent de dessinateur, la
chasse, découverte avec son grand-père,
et l’envie de quitter l’école sans tarder
le conduisirent à envisager le métier de
graveur sur armes.
Du dessin,
encore du dessin
Ses parents demandèrent alors à un de
leurs amis, Giulio Timpini, un des plus
grands graveurs de la vallée, de jauger
les dispositions de leur fils. C’est ainsi
que le petit Gianfranco se retrouva assis
à la table de la cuisine des Timpini, non
pas pour y dîner, mais pour dessiner,
durant quelques semaines, le temps de
savoir s’il était fait ou non pour cette
voie. Très vite, Timpini comprit que
l’enfant était doué, très doué même. Il
le forma et lui inculqua les bases. Jour
après jour, il lui fit répéter ses gammes,
du dessin, encore du dessin et, pour ce
qui était de la gravure, des droites et des
courbes sur des plaques de métal – pas
question de toucher au moindre fusil –,
histoire de se familiariser avec les burins
et l’échoppe. Il faut dire qu’à cette
époque, si la vallée de Brescia abrite
un grand nombre de graveurs sur armes,
il n’existe aucune école, beaucoup de
graveurs sont formés par leurs parents
ou sur le tas, au gré du hasard aussi.
Finalement, les semaines passèrent, plus
nombreuses que prévues, Gianfranco
était toujours là ! Il resta ainsi plus de
quatre années aux côtés de Giulio Tim-
pini. Jusqu’au jour où, devenu un tout
jeune homme, il sut que le temps était
venu pour lui de voler de ses propres
ailes. Il quitta la cuisine des Timpini et
Les mascarons,
les grotesques,
s’installa à son compte. Mais en dépit
étaient l’un de son talent, il peinait à vivre de son
de ses thèmes art. À 22 ans, il alla frapper à la porte
de prédilection. de Beretta qui recherchait des graveurs
et dont l’atelier était désormais dirigé
par un certain… Giulio Timpini. Gian-
franco y restera cinq ans. Jusqu’au jour
où, à force de se sentir à l’étroit dans le
rôle de graveur de figures imposées par
le catalogue maison, qui l’empêchaient
de laisser libre cours à son imagination,
tout autant qu’à la technique du bulino
apprise au contact de Firmo Fracassi,
il décida de repartir de zéro, quitter
l’assurance d’un salaire pour s’installer
de nouveau à son compte. Mais cette
fois, il devint l’un des graveurs attitrés
de Mario Abbiatico, le cofondateur
de Famars. Abbiatico lui garantit non
seulement du travail et des rentrées
d’argent, mais lui permit de s’expri-
mer pleinement sur des créations plus
importantes. « Si la gravure italienne
est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est à
Mario Abbiatico qu’elle le doit, sou-
lignait Gianfranco. Cet homme nous a
Des angelots permis, à Galeazzi, Fracassi, Medici et
ou putti, un moi-même, de nous exprimer enfin. Il
jardin luxuriant a publié des livres, il a communiqué, il
et paradisiaque… a découvert des talents et leur a donné
Le style
les moyens d’éclore et d’exister. Il est
Renaissance
réinventé ! malheureusement parti bien trop tôt. »
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 89
Avec l’appui de l’armurier, Gianfranco
trouva son propre style, un ornement
personnel qu’il qualifiait lui-même de
« mélange de baroque et de rococo ».
Avec de la « grinta » !
Il réalisait des volutes et des orne-
ments dans lesquels il aimait glisser
des animaux. Sa technique du bulino
reposait sur un mélange de traits et
de points très personnel. Surtout, il
privilégiait le mouvement au détriment
de la sacro-sainte symétrie. Pedersoli
fut sans doute le premier graveur sur
armes à avoir cessé de dupliquer son
motif selon un axe médian invisible.
Observez le dessous de ses bascules…
Pas question d’utiliser le calque pour
reproduire au crayon le côté gravé sur
celui encore vierge et recouvert de craie.
Ici, l’axe médian invisible semble être
l’épicentre d’un tourbillon, le point
d’ancrage d’une spirale qui s’enroule
et se déploie autour de lui.
Quand on lui parlait de son style, si dif-
férent, si novateur et poétique, Pedersoli
disait avec modestie que son travail était
« parfois confus, imparfait ». « Je réalise
des points et des traits au bulino jusqu’à
trouver l’effet voulu. » « Au fond, ma
gravure est comme moi, nerveuse, avec
de la grinta ! » ajoutait-il.
Hommage Trop tôt disparu
Avec sa seule échoppe, il était
capable de recréer toutes sortes
de gris et surtout des noirs intenses.
Pedersoli était connu pour son bulino,
mais pratiquait en réalité tous les types
de gravures et travaillait aussi bien au
burin et au marteau, notamment pour
les fonds noirs. Une polyvalence rare
à Brescia où chacun se spécialise dans
un secteur précis. Une autre de ses
particularités est qu’il détestait refaire
ses créations, la répétition ne lui plaisait
pas. « Je ne répète pas mon travail,
soulignait-il, d’autres s’en chargent
pour moi ! » Car, comme tous les maîtres
graveurs qui ont su créer et imposer
un style, Pedersoli fut beaucoup copié.
Mais là où d’autres lisent une forme de
reconnaissance, lui y voyait une offense.
90 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
Pedersoli réalisait des dessins
avant de graver, laissant peu
de place à l’improvisation.
La passion restée intacte
Après la période Famars, il travailla
quelque temps pour Perazzi. Mais,
ici encore, on lui demanda de refaire
ce qu’il avait déjà fait. Il refusa, se
contentant de ne signer qu’une quin-
zaine de fusils. Fabbri vint ensuite lui
demander de réaliser des gravures sur
les fusils de ses clients, ce qu’il fit pour
une trentaine d’armes. Pedersoli était
alors au sommet de son art, aux côtés
des très grands. Ses clients étaient des
particuliers, collectionneurs ou simples
amateurs qui aimaient son style et vou-
laient une gravure signée de sa main. Il
les rencontrait et dis-
cutait beaucoup avec
eux avant d’attaquer le
travail, même lorsque
carte blanche lui était
laissée. À l’issue des
ces échanges, il réalisait un dessin très
simplifié qu’il soumettait au client.
Puis la gravure débutait, au crayon ou
au feutre sur la craie avant de passer à
la pointe sèche de façon très tradition-
nelle. Suivaient quatre à six mois de
travail intense. Car Gianfranco avait
conservé intacte sa passion pour son
métier et travaillait toujours huit, neuf
heures chaque jour. C’est à ce prix qu’il
parvenait, hier encore, à graver deux à
trois fusils par an. Des armes originales
et belles signées d’un véritable artiste
qui affirmait se contenter de « faire de la
gravure classique, à l’ancienne ». Au vu
des œuvres qu’il laisse derrière lui, nous
ne sommes pas obligés de le croire… Q
Laurent Bedu, extrait de
« Gravure sur armes, quand le fusil
devient chef-d’œuvre »,
photos Enzo Bertuzzi
Secrets d’armurier Retour au centre
L’ajustage parfait
Être précise : c’est
de l’ensemble boîtier-
que l’on demande
canon à la crosse
avant tout à une
et leur rigidité sont
carabine. Cela
les garants d’une
passe par quelques
précision redoutable.
vérifications.

Canons flottants,
bedding et berceaux
Les secrets de la précision réaliser quand c’est un magnifique et
puissant sanglier qui saute le layon
ou un grand cerf qui vous fait face
à l’approche au brame. Et ça l’est
Une carabine, c’est avant tout un canon qui encore moins quand votre carabine
est mal réalisée ou possède une crosse
tire droit ! Malheureusement, toutes ne sont pas qui a beaucoup joué sous l’effet de la
chaleur, de l’humidité, du froid, bref
précises et quand elles le sont, elles ne le restent des conditions climatiques rencontrées
par tout chasseur passionné.
pas forcément sur le long terme, voire le temps « Mauvaise balle »
d’une saison. Si un nettoyage poussé permet Alpes-de-Haute-Provence, forêt doma-
niale de Cousson. Au terme d’une
souvent de les ramener dans le droit chemin, approche de quatre heures, la femelle
mouflon repérée le matin est enfin à
celui de la cible, le choix de l’appui du canon est portée de tir : cent cinquante mètres
nous séparent. Elle se tient de biais,
primordial. Entre canon flottant, berceau, bedding ni de face ni de profil. Calé tant bien
que mal sur un rocher, la carabine Carl
partiel ou total, voici… quelques précisions. Gustav en appui sur un autre bloc de
pierre, je prends soigneusement ma
visée. La détonation emplit la montagne

Certains fabricants de grande série optent
pour un berceau en V en aluminium.
92 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
G
arder son calme, ins-
pirer au bon moment,
avoir de bons appuis ou
un bon équilibre et se
laisser surprendre par le
départ du coup de feu en appuyant de
façon continue et douce sur la queue
de détente. Voilà, c’est simple. En
apparence. Et pas toujours facile à
et au-dessus de nous le mouflon titube.
Aux jumelles, le guide distingue une
tache de sang mal placée. « Mauvaise
balle », lance-t-il. Au même instant,
j’ai réarmé et constaté qu’au moment
du tir mon canon appuyait légèrement
sur un autre rocher. Le second tir mettra
un terme aux souffrances de l’animal.
Que s’est-il passé ? Le simple contact
du rocher sur le bord du canon a suffi
à rendre l’arme imprécise. La vibra-
tion du tube a été perturbée, dès lors
rien n’assurait plus que le point visé
corresponde au point atteint.
Au moment du tir, le dessertissage de
la balle, le vol libre dans la chambre,
puis la prise de rayures génèrent des
vibrations plus ou moins importantes.
Le canon est animé de mouvements
rotatifs, on dit qu’il « fouette ». Si cette
vibration est perturbée, la précision le
sera également. C’est ce qui s’est passé
pour moi ce jour-là et c’est pourquoi
les fabricants accordent la plus grande
attention à la qualité de leurs canons
mais surtout à la jonction entre ces
derniers et leur monture, la crosse.
Sous la chambre, à hauteur de la cale de
recul du boîtier de culasse, le canon est
fermement maintenu. Les premiers cen-
timètres du tube et le boîtier de culasse
doivent former un tout rigide et solide.
Une fois ce point d’appui passé, un
canon flottant ne doit en revanche plus
toucher quoi que ce soit. Du moins pour
les carabines à fût court, car les cara-
bines stutzen sont souvent terminées par
une bague de fixation de la grenadière
enserrant le canon. Sur les fûts courts,
rien ne vient gêner la vibration du canon
et le jour entre la crosse et ce dernier
est souvent important. Il ne s’agit pas
d’un signe de mauvaise qualité, au Le canon flottant est
contraire. En cas d’imprécision, le test désormais la règle pour
« de la feuille de papier » ou « du billet », les carabines de chasse.
consistant à passer un papier entre la Mais en cas de problème,
crosse et le canon, permet de repérer mieux faut vérifier que
le point de contact. Un démontage- le canon ne touche pas
remontage entrecoupé d’un passage la monture : une astuce
à 10 euros qui fonctionne
de papier de verre suffit à y remédier.
aussi à 5 !
Comme c’est souvent un gonflement
du bois qui est à l’origine du problème,
certains, dont je fais partie, n’hésitent
Secrets d’armurier Retour au centre
Un bedding partiel, le plus
couramment rencontré, se limite
aux portées des ponts avant
La réalisation d’un bedding en résine époxy n’a de simple que son apparence.
L’opération est technique et impose de bien préparer la crosse et la mécanique :
boucher les trous au scotch et enduire de graisse pour permettre le démoulage final.
Le full bedding
consiste à faire pas à passer une mince couche de cire
un lit de résine sur la tranche supérieure de la crosse,
sur l’ensemble juste sous le canon.
de la crosse,
là où le canon Du lit de résine…
prend appui.
Pour être précise, une carabine à ver-
rou doit donc posséder un canon effec-
tivement flottant, libre de fouetter sans
rencontrer d’obstacles, et un boîtier
rigide et bien arrimé à la crosse. Les
sources les plus courantes d’impréci-
sion – hormis celles liées à un canon
défectueux, ce qui est rare, ou très
encrassé, ce qui l’est moins – sont liées
à ces deux configurations, ou plutôt
à leur défaillance. Nous avons vu
comment procéder quand la première
condition n’est pas remplie, quand
c’est la seconde qui fait défaut, à savoir
quand l’arme manque de rigidité, la
94 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
À l’exemple de Sauer, certains
fabricants optent pour un berceau
en aluminium sur lequel prend
appui la portée de recul du canon.
et arrière du boîtier.
© L. Bedu
solution réside dans le bedding. Ou
si vous préférez, en français dans le
texte : un lit de matière composite.
L’intervention, qui a été démocratisée
par les tireurs sur cible à longue dis-
tance, consiste à couler à l’intérieur de
la crosse, sous le canon et dans le puits
d’ancrage du pont avant du boîtier, une
résine synthétique liquide qui va en
séchant durcir et épouser parfaitement
les formes du boîtier et du canon. Pour
ce faire, l’armurier ou le monteur à
bois creuse plus qu’il le faut le bois
avant d’apposer le mélange de résine
et de durcisseur. Il applique ensuite le
boîtier et le canon par pression, non
sans les avoir au préalable enduits de
graisse pour éviter que la résine ne les
bloque à tout jamais en place. Vingt-
quatre heures plus tard, la résine est
sèche, l’homme de l’art décolle pro-
prement l’ensemble mécanique-canon,
peaufine au papier de verre si besoin
les ajustages et, après avoir vérifié
que le canon restait flottant, remonte
l’arme fermement. Logiquement, si
le travail a été bien fait, la carabine
est maintenant rigidifiée là où il faut,
le canon laissé libre sur toute sa lon-
gueur et la précision de nouveau au
rendez-vous.
On prête à l’intervention d’autres ver-
tus, comme celle de renforcer la solidité
de la crosse, évitant la casse, surtout
avec des calibres « chauds ». C’est vrai
et faux à la fois. Si le monteur à bois a
utilisé un bois parfaitement sec, droit
de fil, et si la monture a été faite dans
les règles de l’art, rien ne nécessite un
bedding pour atteindre ces résultats.
Mais si l’une de ces conditions n’a pas
été respectée, le lit de résine s’avère
alors une bonne médecine.
… au berceau tout alu
Certains fabricants n’hésitent pas à
réaliser un full bedding : un lit com-
plet qui va faire porter le canon sur
l’ensemble de la crosse. À l’opposé
du canon flottant, cette technique
demande une certaine dextérité et
impose de réaliser une crosse qui ne
bougera plus par la suite. Ce choix est
judicieux avec des carabines à crosse
carbone, lamellé-collé ou tout-temps
insensible à la chaleur, au froid et à
l’humidité. Lorsqu’elles sont réalisées
par des hommes de l’art qui savent ce
qu’ils font, ces armes sont souvent
extrêmement précises.
Une autre technique pour améliorer
la précision d’une arme consiste à
rigidifier la crosse par l’ajout d’un
berceau, en aluminium souvent. Ce
dispositif emprunté aux carabines de
tireurs d’élite se retrouve parfois sur
des armes de chasse, comme ce fut le
cas avec la Mauser 94. Q
Laurent Bedu
Rechargement 130 ans d’expérience
Le .30-40 Krag
mis au goût du jour
Une cartouche à bourrelet en .308
Le calibre de .30-40 Krag est une de ces cartouches
anciennes qualifiées d’obsolètes, mais qui n’en
réussissent pas moins à se maintenir en vie. La course
à la nouveauté et à la vitesse, promue par les hommes
du marketing, n’a pas eu raison d’elle. Pour la bonne
raison qu’elle est une très bonne et utile cartouche,
dotée de qualités indéniables !
E
n dépit de son nom qui
évoque plutôt des origines
scandinaves ou baltes, le
.30-40 Krag est né aux
États-Unis, en 1892. Il
s’agit de la cartouche réglementaire à
poudre sans fumée et balle chemisée
chambrée dans le fusil Krag-Jorgensen,
qui vient remplacer le fusil Trapdoor
1873 et sa cartouche chargée à balle
plomb et poudre noire. La carrière
du Krag-Jorgensen sera assez courte
puisqu’il est remplacé dès 1903 par Marques,
le Springfield 1903, suite à la guerre formes,
de Cuba, aussi nommée « désastre structures,
de 1898 » côté américain, qui fit la poids :
démonstration de son infériorité face abondance
au Mauser espagnol. de projectiles
sont disponibles.
Un seul calibre
et trois appellations
Si la cartouche de .30-40 Krag (ou
.30 US ou encore .30 Army) pouvait
soutenir la comparaison face au 7 mm
Mauser, le verrouillage à un seul tenon
de la culasse du Krag semblait bien
faible par rapport à celui du Mauser.
Le plus gros défaut du fusil était la
conception de son magasin, dépassée
dès sa création : il fallait abaisser une
portière latérale sur le côté du boîtier
et introduire les cinq cartouches l’une
après l’autre. En comparaison, le char-
gement d’un Mauser par lame-chargeur
96 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022
était bien plus rapide et autorisait une
plus grande puissance de feu. Les fusils
et carabines Krag-Jorgensen furent
déclassés et bon nombre revendus
en l’état aux tireurs et aux chasseurs.
Beaucoup furent démontés et leurs
mécanismes et canons utilisés pour
produire des armes de chasse et de tir.
Les plus grands noms de l’armurerie
américaine (Griffin & Howe, Hoffman
Arms, etc.) utilisèrent ces mécanismes,
réputés d’une souplesse sans pareille,
pour monter des carabines qui suscitent
toujours l’admiration.
L’arsenal de Springfield ne fut pas le
seul à fabriquer des armes en .30 US,
Winchester produisit des modèles 1895
à répétition et 1885 monocoup à levier
de sous-garde dans ce calibre, ainsi que
Remington et son modèle Remington-
Lee à chargeur. Du fait du grand nombre
d’armes en circulation chambrant le
calibre, la cartouche a survécu et est tou-
jours produite. Ruger proposa à son tour
sa N°3, version allégée et plus courte
de sa fameuse N°1, dans le calibre et
Miroku, une Winchester 1895. Ces
armes ne sont plus fabriquées, mais elles
se trouvent toujours d’occasion – avec
un peu de patience et de persévérance,
car leurs propriétaires les apprécient et
rechignent à s’en séparer.
Cette brève histoire du .30-40 Krag
serait incomplète sans l’évocation du
.30 Purdey. La prestigieuse maison
britannique créa, vers 1920, une car-
touche baptisée .30 Flanged Nitro qui
est une .30-40 à la sauce anglaise : le
calibre des balles (.308) est le même
et les dimensions de l’étui si proches
qu’il est interchangeable. La cartouche
était destinée, du fait de son bourrelet,
à être chambrée dans des armes à bloc
tombant et des express. Purdey ne pro-
posait qu’un seul poids de balle, 150
grains (9,7 g), pour une vitesse initiale
de 820 m/s, performance loin d’être
ridicule il y a un siècle. On peut se
demander pourquoi le fabricant britan-
nique adopta cette munition alors que le
calibre de .311 de la cartouche de .303
British était omniprésent en Grande-
Bretagne. Sans doute faut-il y voir une
volonté d’accroître ses ventes outre-
Atlantique en adoptant un calibre de
balles largement répandu là-bas. Après
le renversement de l’équilibre écono-
mique opéré durant la Première Guerre
mondiale, beaucoup de firmes tentaient
de se faire une place sur un marché en
passe de devancer l’européen.
Des projectiles à foison
Le .30-40 Krag est une cartouche à
collet rétreint et à bourrelet. Son long
collet permet une très bonne tenue de
la balle. Plusieurs encartoucheurs pro-
posent des cartouches toutes roulées,

avec en général une balle de 180 grains,
ainsi que des étuis vides. La gamme
de balles disponibles est quasi infinie.
C’est là que réside tout l’intérêt du
rechargement, vous pourrez améliorer
les performances de vos cartouches en
sélectionnant des projectiles techniques
qui vous apporteront des performances
en pénétration et expansion supérieures
à celles des balles chemisées clas-
siques à noyau de plomb. Le calibre
est intrinsèquement précis et génère
un faible recul tant que l’on tire des
balles de 150 à 180 grains. Au-delà,
le recul commence à se faire sentir,
sans toutefois devenir ingérable pour
la majorité d’entre nous.
Les performances des cartouches
d’usine actuelles en .30-40 se situent
entre celles du .30 WCF et du .30-06
Springfield. Ce tableau comparatif
des trois cartouches, ainsi que du .303
British, dont la conception globale a
certainement inspiré les ingénieurs
américains, vous donne une bonne
idée de ce que le .30-40 est capable :
CALIBRE POIDS DE BALLE VITESSE
(grains) (m/s)
.30 WCF 170 670
.30-40 Krag 180 740
.30-06 180 820
.303 British 180 750
J’ai utilisé deux armes pour réaliser
mes essais de chargement. La pre-
mière est une carabine construite chez
Holland & Holland en 1904 d’après le
brevet n° 17578 déposé en 1894, avec
un mécanisme à bloc tombant créé par
Thomas Woodward, alors directeur de
la firme. Elle comporte un éjecteur,
une sécurité automatique et un canon
de 26 pouces (66 cm) démontable à
Le jeu d’outils
de .30-40 Krag
est doté d’un
siégeur de balles
à manchon
flottant. Un
sertisseur Lee
Factory Crimp
y a été ajouté.
la main et interchangeable. Le canon
d’origine a été remplacé par un canon
de calibre .308 avec un pas de rayures
d’un tour en 10 pouces chambré en
.30-40 Krag. Le but était de pouvoir
tirer un grand nombre de balles de
structure, composition, poids et lon-
gueurs différents, ce qui paraissait
difficilement faisable avec le calibre
d’origine étant donné la maigre gamme
de projectiles de .312 - .313 disponible
comparée à celle de .308.
La seconde arme est un Lee Enfield
SMLE N°1 MK III fabriqué à l’arse-
nal d’Enfield en 1916. Son canon
large en .303 British (.315 à fond de
rayures) et usé par le tir de cartouches
militaires chargées en cordite a été
remplacé par un tube neuf de .308
avec un pas de rayures d’un tour en
10 pouces et chambré pour le .30-40
Krag. Les .30-40 et .303 British étant
Janvier - Février - Mars 2022 / Armes de Chasse n° 84 97
Une de nos deux
carabines utilisées
pour nos essais, une
Holland & Holland
à bloc tombant et
son nouveau canon
en .30-40 Krag.
très semblables, un réglage des lèvres
du chargeur a suffi pour obtenir une
alimentation souple et fiable des car-
touches vers la chambre. Et la dimen-
sion des bourrelets des deux cartouches
étant très proche, la lame-chargeur du
SMLE a pu être utilisée avec les .30-40.
Outils, tables, poudre…
Un jeu d’outils, le support d’étui et les
petits outillages nécessaires à la confec-
tion des cartouches sont proposés par
la plupart des fournisseurs.
Pour les tables de rechargement, vous
en trouverez de nombreuses dans la
réédition du Guide du rechargement
d’Alain Gheerbrant à paraître bientôt.
J’en ai extrait deux tableaux (cf. page
suivante) qui pourront vous guider dans
vos premiers pas avec le calibre. Vous
construirez bien sûr un escalier des
charges et arrêterez le tir à l’apparition
du premier signe de pression.
Pour la poudre, vous retiendrez celle
donnant la plus haute vitesse initiale
(ou l’une des plus hautes) . Vous com-
mencerez votre chargement en dimi-
nuant la charge la plus faible d’environ
5 %. Vous incrémenterez votre escalier
de charges par paliers de 0,03 g/0,5
grain. Toutes les données nécessaires
pour un rechargement en toute sécurité
sont indiquées dans les tables : poids
et diamètre de balle, type d’amorce,
longueur d’étui, longueur totale de
la cartouche, sertissage et utilisation
recommandée.
Chaque arme ayant son caractère, les
résultats de nos tirs furent quelque
peu différents des tables de charge-
ment. La Hornady FTX de 160 grains
s’est montrée très précise dans la Hol-
land & Holland avec 41 grains de SP 11
Rechargement 130 ans d’expérience
Notre seconde arme, Pour éviter une montée en pression
le Lee Enfield SMLE
trop forte lorsqu’elles arrivent dans la
recanonné et son clip
garni de cartouches prise de rayures, il est recommandé de
de .30-40 Krag. les enfoncer de plusieurs millimètres
dans le collet, d’autant plus qu’à poids
égal elles seront plus longues qu’un
projectile classique. Il faut également
accompagner leur chargement d’un
nettoyage/désencuivrage du canon
plus fréquent pour éviter tout risque
de surpression. Quelques tirs de balles
sans plomb homogènes GPA Sologne
180 grains et bimétalliques Fip Battue
se sont montrés fort prometteurs en
vitesse initiale et en précision.

Bientôt sous le charme ?

et 46,5 grains de Vihtavuori N160 pour Les .30 WCF, Comme bon nombre de cartouches à Du fait du nombre de carabines en
.30-40 Krag et
une vitesse initiale de 715 m/s. Celle-ci bourrelet, la chambre est souvent très calibre .30 qui nous est proposé, il y
.303 British,
est inférieure à celle des tables, ce qui créées à la longue. Au tir, le corps de l’étui et a peu de chances que le .30-40 Krag
est normal puisque le canon de la H & H même époque, l’épaulement avancent. Lors du recali- revienne dans le « top ten » des ventes.
est plus court que celui des armes ayant partagent une brage, il ne faut pas redescendre l’épau- Qu’importe, il est là pour longtemps
servi à leur élaboration. Le SMLE a certaine conicité, lement à sa position initiale. Vous pra- encore tant les tireurs et chasseurs qui
donné des vitesses légèrement moins un épaulement tiquerez un recalibrage partiel de l’étui l’utilisent ont compris qu’une vitesse
élevées que celles obtenues dans la fuyant et un afin de lui préserver des dimensions au excessive ne permettra pas une péné-
H & H. La balle FTX se comporte très collet long. plus près de celles de la chambre. De tration suffisante du fait de l’expansion
bien en battue et à l’approche tant qu’on plus, le recalibrage de l’étui écrouit la prématurée et de la perte importante de
reste dans des distances de tir raison- matière du collet qui devient cassant poids de la balle au contact de la cible.
nables. Son expansion et sa rétention de et donc fragilisé. Pour éviter ce phé- Le .30-40 Krag est un calibre poly-
poids sont excellentes dans un éventail nomène, il est bon de recuire le collet valent qui vous permettra d’affronter
de vitesses initiales de 500 à 800 m/s. de l’étui après trois rechargements la plupart des moyens gibiers. Alors
Les vitesses obtenues avec le .30-40 afin de lui redonner de la souplesse et quand vous croiserez la route d’une
Krag sont compatibles avec celles augmenter sa durée de vie. carabine Krag américaine, s’il vous
préconisées par le fabricant. Les balles techniques homogènes plaît, manœuvrez son verrou… Vous
ou sans plomb appelées à remplacer découvrirez ce qu’est un coulissement
Canons « à l’ancienne » les projectiles contenant du plomb de la culasse dans le boîtier facile,
La 180 grains Hornady RN est tout doivent être chargées dans des condi- souple, précis et rapide. Vous tomberez
ce qu’il y a de plus classique, la copie tions différentes. Leur matière consti- sous le charme ! Q
presque conforme de la balle d’origine, tutive est beaucoup plus dure que le
même si les procédés modernes de plomb et les fines chemises en cuivre Jean Kwiatek,
fabrication et de contrôle et quelques ou acier doux qui le recouvrent. photos Bruno Berbessou
modifications de structure l’ont ren-
due plus fiable et précise. La SP 11 et Les tables de rechargement du .30-40 Krag
la Tubal 7000 m’ont donné la meilleure
précision pour cette balle. Un essai de 160 grains Hornady FTX
tir avec la Hornady ELD X n’a pas
apporté des groupements plus serrés que
ceux obtenus avec la RN. Je suppose
que cela est dû aux chambres des deux
armes qui ont été taillées avec un alésoir
respectant les cotes de collet, vol libre
et prise de rayures « à l’ancienne » ; les
balles modernes sécantes à ogive très
effilée et arrière fuyant prononcé n’y
sont pas toujours les bienvenues. 178-180 grains Hornady RNSP
Le tir de la 220 grains Hornady Inter-
lock RN poussée par 41 grains de Tubal
7000 a donné une vitesse initiale de
585 m/s et une très bonne précision.
Il en va de même pour une charge de
40,5 grains de Vihtavuori qui produit
une vitesse initiale de 600 m/s avec
la même balle. Si vous préférez les
balles lourdes, c’est celle que vous
adopterez. Il faut malgré tout signaler
que le recul commence à se faire sentir
dans la H & H, qui pèse un peu moins
de trois kilos.
98 Armes de Chasse n° 84 / Janvier - Février - Mars 2022